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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Apprentissage et jeu vidéo d’arcade : présentation du concept d’apprentissage elliptique

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Academic year: 2021

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APPRENTISSAGE ET JEU VIDEO D’ARCADE :

PRÉSENTATION DU CONCEPT D’APPRENTISSAGE

ELLIPTIQUE

Sébastien HOCK-KOON

Laboratoire EXPERICE, Université Paris-13

MOTS-CLÉS : JEUX VIDEO – APPRENTISSAGE ELLIPTIQUE

RÉSUMÉ : Les jeux vidéo d’arcade présentent un paradoxe en termes d’apprentissage. D’un côté, ils doivent s’apprendre rapidement, pour ne pas intimider le débutant. De l’autre, ils doivent se maîtriser lentement, pour que le joueur continue à jouer et donc à payer. Ma recherche de doctorat s’intéresse à l’apprentissage dans les jeux vidéo. Elle propose d’expliquer comment les jeux d’arcade peuvent « s’apprendre en une minute et se maîtriser en une vie » (Kunkel, 2003) à travers le concept d’apprentissage elliptique.

ABSTRACT: Arcade video games present a paradox in terms of learning. On the one hand, they have to be fast to learn, in order not to intimidate a beginner. On the other hand, they have to be long to master, so that the players keep playing and paying. My doctoral research adresses learning in video games. It proposes to explain how arcade games can take « a minute to learn and a lifetime to master » (Kunkel, 2003) through the concept of elliptical learning.

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INTRODUCTION

Ma thèse de doctorat se situe dans la continuité de game studies et plus particulièrement du digital game-based learning (DGBL). Les game studies constituent un champ interdisciplinaire consacré à l’étude du jeu et en particulier du jeu vidéo. Les particularités du jeu vidéo, par rapport aux autres médias, donnent une place particulière à la pratique. La plupart des chercheurs du domaine sont des joueurs. Des travaux issus de professionnels du jeu vidéo contribuent à la réflexion au sein de ce champ. Pour Rueff (2008), les problématiques des game studies se répartissent en trois catégories. La première rassemble les problématiques des sciences humaines, la seconde concerne les écrits orientés vers la conception de jeux et la troisième intègre les études narratologiques et ludologiques. Je m’intéresse à l’articulation entre apprentissage et jeu vidéo, cette dernière appartient à la première catégorie de problématiques, plus particulièrement les effets des jeux vidéo sur les joueurs.

REVUE DE LITTÉRATURE

Au sein de la recherche sur le jeu vidéo et l’apprentissage, je me concentre sur l’articulation entre le serious gaming et le digital game-based learning (DGBL). Le premier se caractérise par l’objectif et plus particulièrement par un objectif différent du seul divertissement. Mais cet objectif peut concerner l’enseignement, l’apprentissage, la communication ou l’information (Alvarez, Djaouti, & Rampnoux, 2011). En ce qui concerne le DGBL, je reviens à la conception de Prensky. Pour cet auteur, il repose sur deux prémisses : les apprenants ont changé de manière fondamentale et les jeux vidéo peuvent offrir un nouveau moyen de motiver les étudiants à apprendre (Prensky, 2005). D’emblée, cela place le DGBL dans un objectif éducatif. Cet objectif diffère d’un simple objectif de divertissement et peut être un des objectifs possibles du serious game. Il est possible d’avancer que le serious game et le DGBL se croisent au niveau des jeux vidéo utilisés pour l’éducation. Il peut s’agir de jeux créés de toutes pièces dans cet objectif ou de jeux commerciaux détournés. Le DGBL pourrait être considéré comme un sous-ensemble du serious gaming.

Cependant, un aspect du DGBL sort du cadre du serious game. Le DGBL ne se contente pas d’affirmer que les jeux vidéo peuvent être utilisés pour l’éducation et l’apprentissage. Il avance également qu’un apprentissage a lieu au cours de l’utilisation à vocation ludique d’un jeu uniquement prévu pour le divertissement. Prensky (2005, p. 104) considère qu’un apprentissage a toujours lieu lorsque que quelqu’un joue. Selon Van Eck (2006), les partisans du DGBL partagent

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une conviction commune sur l’efficacité du jeu vidéo pour l’apprentissage. Cette conviction fonde l’utilisation des jeux vidéo pour l’éducation et se base notamment sur les travaux de Gee (2003) qui avance que les bons jeux vidéo commerciaux utilisent de bons principes d’apprentissage. Ainsi, la conviction sur l’efficacité des jeux vidéo pour l’apprentissage repose sur la compréhension de leur apprentissage dans une situation ludique.

LE CAS DES JEUX VIDEO D’ARCADE

Dans ce contexte, les jeux vidéo d’arcade représentent un cas particulier en termes d’apprentissage. Ces derniers sont à l’origine joués sur des machines à pièces installées dans des lieux publics. D’un côté, ils doivent s’apprendre ou du moins être compris rapidement, pour ne pas intimider le débutant. En effet, ce dernier aura peu de chances de glisser une pièce pour essayer un jeu auquel il ne comprend rien. De l’autre, ils doivent se maîtriser lentement, pour que le joueur continue à jouer. Si le joueur maîtrise le jeu trop rapidement, il pourrait s’en désintéresser et le jeu ne rapportera plus d’argent. Les jeux d’arcade correspondent à la définition des « grands jeux vidéo » qui doivent « s’apprendre en une minute et se maîtriser en une vie » (Kunkel, 2003). Dans ma recherche de doctorat, j’étudie l’apprentissage à travers les affordances de Gibson (1979) appliquées à des données de différentes natures.

Les affordances correspondent aux possibilités d’action offertes par la rencontre des propriétés d’un environnement et les capacités d’un sujet. Elles sont utilisées par Linderoth (2010) pour étudier l’apprentissage des jeux vidéo. Pour l’auteur, apprendre revient à apprendre à percevoir et à actualiser de nouvelles affordances. En étudiant les propriétés des jeux vidéo, l’auteur met en avant les capacités, et donc les apprentissages, qu’ils exigent ou n’exigent pas de la part du joueur. Les données proviennent de trois sources différentes apportant chacune leurs avantages et leurs limites : Des entretiens passés auprès de joueurs expérimentés sur des jeux à progression longue incluant des « grands jeux vidéo »

Des données documentaires issues de joueurs et de professionnels du jeu vidéo (sites internet, vidéos, articles…)

Un journal de recherche tenu pendant un entraînement de six mois pour devenir joueur de haut niveau sur le jeu vidéo d’arcade Alien vs. Predator

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LA PLACE DE L’ERREUR

Les trois types de données ont permis de mettre en avant un ensemble de possibilités d’erreur dans l’apprentissage d’un jeu vidéo, parmi lesquelles les possibilités de :

• Jouer sans connaître les règles : un jeu vidéo applique automatiquement ses règles de fonctionnement et peut les cacher au joueur. Ce dernier n’a pas besoin de les connaître pour jouer.

• Réussir sans comprendre : un joueur peut réussir une épreuve sans comprendre comment il y est parvenu ou sur quelles règles s’appuie la solution qu’il a utilisée. Il peut notamment réussir par hasard ou suivre une solution trouvée sur internet sans la comprendre.

• Se limiter à une solution : un joueur peut trouver une solution pour arriver à un résultat et ne pas envisager d’autres possibilités alors que le jeu propose plusieurs manières de réussir une épreuve. Chacune solution peut exiger des capacités et des connaissances différentes, plus ou moins pointues.

A ces possibilités, s’ajoute le fonctionnement de l’activité ludique. En dehors de la compétition ou d’une pratique professionnelle, le cadre secondaire qui régit l’activité de jeu dépend uniquement de la décision du joueur (Brougère, 2005). Ainsi, le joueur, lorsqu’il joue seul, définit lui-même ses objectifs. En l’absence d’un détenteur de la connaissance sur le jeu vidéo, comme un pair plus expérimenté ou le concepteur, le joueur est seul juge de sa propre compréhension et de ses capacités. C’est lui qui estime si son niveau est suffisant ou non. De même, le joueur décide du moment où il considère qu’il a compris un mécanisme ou une épreuve. Or il arrive régulièrement que le joueur pense avoir compris alors que ce n’est pas le cas. Cela diffère d’un abandon ou d’une absence de compréhension. Le joueur se trompe, mais pense avoir compris. Il a réalisé un apprentissage incomplet ou erroné. Mais cela n’entrave pas sa pratique ou sa réussite pour autant, car il peut réussir tout en se trompant.

Pour qualifier ce phénomène, j’ai choisi de reprendre un concept de « closure » que je traduis en français par « complétion ». La complétion correspond au « phénomène qui consiste à n’observer que des fragments mais à comprendre une totalité » (McCloud, 1993, p. 63). La complétion correspondrait au fait de compléter un phénomène ainsi qu’au sentiment que ce phénomène a été compris. La complétion pourrait être accompagnée du fait d’éluder une partie du phénomène considéré. En ignorant une partie du fonctionnement d’un jeu vidéo tout en croyant l’avoir compris, le joueur réaliserait une « complétion elliptique » (Hock-Koon, 2012b). Réaliser son erreur peut conduire un jouer à rompre une complétion elliptique. Il pourra alors chercher à améliorer sa compréhension du jeu en question.

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Les complétions elliptiques arrivent à tous les joueurs, il est quasiment impossible de tout comprendre du premier coup. Toutefois, la différence entre les joueurs qui progressent et ceux qui ne progressent pas se situe dans la rupture de cette complétion elliptique. Mais cette rupture ne mène pas nécessairement à une compréhension correcte. Mon propre entraînement a mis en avant un phénomène d’apprentissage par « approximations successives » (Freeman, 2001). Il ne s’agissait pas d’accumulation de connaissances mais d’une correction progressive de ma compréhension d’Alien vs. Predator. A l’échelle d’un mécanisme donné, cette correction peut complètement changer la perception que le joueur aura de ce mécanisme. Ainsi, mon apprentissage du fonctionnement du tir dans Alien vs. Predator s’est découpé en plusieurs niveaux de compréhension. Au niveau de compréhension la plus basique, ce pistolet semble être peu efficace. A chaque approfondissement de sa compréhension et de sa maîtrise, cette arme apparaît comme de plus en plus performante. Je suis actuellement convaincu qu’il s’agit d’une des armes les plus efficaces de ce jeu (Hock-Koon, 2012a). Cette évolution de la compréhension d’un jeu pourrait expliquer l’apprentissage paradoxal des grands jeux.

L’APPRENTISSAGE ELLIPTIQUE

Nous pourrions résumer de la façon suivante la progression du joueur :

La première complétion elliptique : à la première partie, le joueur construit une compréhension du jeu. A moins que le jeu ne soit extrêmement simple, le joueur ignorera certains éléments en réalisant une ellipse. A ce stade, le joueur pense avoir compris le jeu.

La rupture de la complétion elliptique : pendant un délai variable, le joueur conserve sa compréhension partielle. Puis un événement vient rompre la complétion du joueur. Cette rupture peut être de différentes natures, elle indique au joueur qu’il peut mieux comprendre le jeu. Il peut alors choisir d’en rester là ou chercher à se corriger.

La nouvelle complétion elliptique : en construisant une nouvelle compréhension, le joueur réalise une nouvelle complétion, qui pourra être également elliptique. Un nouvel événement pourra venir rompre cette complétion en sortant du nouveau cadre appliqué au jeu.

Il n’est pas possible de prédire à l’avance le nombre de cycles qu’un joueur effectuera. D’un côté, il peut décider à tout moment de ne pas aller plus loin dans la compréhension du jeu, de l’autre, on ne peut pas prédire ce qui peut être découvert avant la découverte effective. J’ai proposé le concept d’ « apprentissage elliptique » (Hock-Koon, 2012a) pour désigner cet apprentissage en plusieurs étapes, chacune basée sur une compréhension partielle d’un jeu vidéo. En suivant le principe de l’apprentissage elliptique, un grand jeu ne s’apprend pas en une minute pour se maîtriser en une vie.

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Il faut une minute au joueur pour maîtriser ce qu’il perçoit du jeu au premier abord. Il effectue une première complétion elliptique et croit qu’il comprend le jeu alors que ce n’est pas le cas. Et il lui faut effectivement des années pour découvrir et maîtriser toutes les possibilités que le jeu peut offrir. Le joueur réalise cet apprentissage à travers une succession de ruptures de complétions elliptiques et de nouvelles complétions elliptiques. Je précise qu’il est impossible, à priori, de prouver qu’une complétion est non-elliptique, car on ne peut jamais être certain de ne pas se tromper au sujet d’un jeu vidéo.

BIBLIOGRAPHIE

Alvarez, J., Djaouti, D., & Rampnoux, O. (2011). Typologie des Serious Games. In Les jeux vidéo comme

objet de recherche. Questions Théoriques.

Brougère, G. (2005). Jouer/Apprendre. Paris: Economica.

Freeman, W. J. (2001). How Brains Make Up Their Minds (1st ed.). Columbia University Press.

Gee, J. P. (2003). What Video Games Have to Teach Us about Learning and Literacy. New York: Palgrave Macmillan.

Gibson, J. J. (1979). The ecological approach to visual perception. Houghton Mifflin.

Hock-Koon, S. (2012a). Affordances of Elliptical Learning in Arcade Video Games. In Proceedings of

DiGRA Nordic 2012 Conference. Tampere, Finlande. Retrieved from http://www.digra.org/dl/db/12168.59440.pdf

Hock-Koon, S. (2012b). Affordances of learning in arcade video games: Introducing “elliptic mechanisms” (pp. 74–79). Presented at the Games Conference “Future and Reality of Gaming (FROG) 2011,” Vienne, Autriche.

Kunkel, B. (2003). How Alex Pajitnov was Tetris-Ized! Why Tetris’ creator got the cultural bends upon his arrival in America. Good Deal Games. Retrieved May 4, 2009, from http://www.gooddealgames.com/articles/Tetris_Alex_Pajitnov.html

Linderoth, J. (2010). Why gamers donʼt learn more. In DiGRA Nordic 2010 Proceedings. Retrieved from http://www.digra.org/dl/db/10343.51199.pdf

McCloud, S. (1993). Understanding comics: the invisible art. New York: Harper Perennial.

Prensky, M. (2005). Computer Games and Learning: Digital Game-based Learning. In Handbook Of

Computer Game Studies (pp. 97–122). Cambridge: MIT Press.

Rueff, J. (2008). Où en sont les “Game Studies”"? Réseaux, 5(151), 139–166.

Van Eck, R. (2006). Digital Game-Based Learning: It’s Not Just the Digital Natives Who Are Restless.

Références

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