• Aucun résultat trouvé

L'organisation juridique des publicains sous la République romaine

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'organisation juridique des publicains sous la République romaine"

Copied!
778
0
0

Texte intégral

(1)

Université de Montréal

L’organisation juridique des publicains sous la République romaine

par

Geneviève Dufour

Faculté de droit

Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Docteur en droit (L.L.D.)

juillet 2010

(2)

Université de Montréal Faculté de droit

Cette thèse intitulée :

L’organisation juridique des publicains sous la République romaine

présentée par : Geneviève Dufour

a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :

David Gilles président-rapporteur Michel Morin directeur de recherche Éric Reiter membre du jury Jacques L’Heureux examinateur externe Diane Labrèche représentante du doyen

(3)

i

RÉSUMÉ

L’objectif de cette thèse est de vérifier si les publicains sous la République romaine étaient organisés sous une forme semblable à celle de la compagnie moderne.

Après l’introduction, le second chapitre introduit la compagnie, les autres structures utilisées pour organiser une entreprise et la personnalité juridique en droit moderne. Il réfute trois idées préconçues ayant influencé les historiens et les juristes.

Le troisième chapitre présente les publicains et leurs activités. En effet, les historiens et les juristes y font abondamment référence dans leur argumentation concernant l’organisation juridique des publicains; il faut donc se familiariser avec elles. Une revue critique de la littérature historique est effectuée.

Le quatrième chapitre procède à l’analyse critique de la position des historiens et des juristes sur l’organisation juridique des publicains. D’abord, il explique la notion de société ordinaire de droit romain; ensuite, il discute de l’évolution du concept de la personnalité juridique distincte; enfin, il étudie le cas particulier des sociétés de publicains. Ces dernières seraient différentes des sociétés ordinaires, parce qu’elles détiendraient une personnalité juridique distincte et auraient une organisation interne à trois paliers (actionnaires, administrateurs et dirigeants). Toutefois, ce point de vue est fondé sur des sources datant de plusieurs siècles après la fin de la République. Il faut donc examiner les sources contemporaines afin de vérifier si elles nous mènent aux mêmes conclusions.

Le cinquième chapitre contient une analyse originale de la documentation républicaine. De nouveaux éléments de preuve sont repérés. Il confirme que les sociétés de publicains ont détenu un embryon de personnalité juridique distincte durant le dernier siècle de la République; par contre, c’était aussi le cas des sociétés ordinaires. Les sociétés de publicains n’avaient pas une organisation interne à trois paliers; en outre, celle des sociétés ordinaires incluait des magistri comme la leur. Les sociétés des publicains s’apparentaient à des sociétés en commandite et non à des compagnies.

La conclusion souligne les éléments nouveaux contribués au savoir par chaque chapitre du doctorat.

Mots-clefs : République romaine, publicains, societates publicanorum, publicani, droit

(4)

SUMMARY

The purpose of this thesis is to verify whether at the time of the Roman Republic, the publicans were organized in a structure similar to the modern corporation.

After the introduction, the second chapter introduces the corporation, the other legal structures used to organize a business and legal personality in modern law. It refutes three preconceived ideas which have influenced historians and jurists.

The third chapter presents the publicans and their activities, since historians and jurists abundantly refer to those in their argumentation regarding the legal organization of publicans. It is therefore necessary to familiarize ourselves with them. A critical review of historical literature is conducted.

The fourth chapter proceeds to a critical analysis of the position of the historians and the jurists on the legal organization of publicans. It starts with an explanation of the ordinary partnership in Roman law, it then discusses the evolution of legal personality in Roman law and finally, it presents the special case of the partnerships of publicans. These were apparently been different from ordinary partnerships, because they had legal personality and had a three-levels internal organization (shareholders, directors and officers). However, this point of view is based on sources which post-date the Republic by several centuries. We should therefore examine contemporary sources to verify if they lead us to the same conclusions.

The fifth chapter contains an original analysis of the republican documentation. New pieces of evidence are identified. It confirms that publican partnerships had an embryo of legal personality during the last century of the Republic; however, it was also the case of ordinary partnerships. Publican partnerships did not have a three levels internal organisation; in addition; that of the ordinary partnerships included magistri like their own. The publican partnerships were similar to limited partnerships, not to corporations. The conclusion identifies the new elements contributed to knowledge by each chapter of the thesis.

Keywords : Roman Republic, publicans, societates publicanorum, publicani, roman

(5)

iii

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE I: INTRODUCTION... 1

CHAPITRE II: LE DROIT MODERNE : L’ENTREPRISE ET LES DIFFÉRENTES STRUCTURES JURIDIQUES DISPONIBLES POUR L’EXPLOITER, INCLUANT LA COMPAGNIE ... 1

2.1LE CONCEPT D’ENTREPRISE : UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ORGANISÉE ... 15

2.2 LE CONCEPT DE VÉHICULE JURIDIQUE : UNE STRUCTURE POUR L’ENTREPRISE ASSORTIE D’UN ENSEMBLE DE RÈGLES RÉGISSANT LES RAPPORTS DES PARTIES ENTRE ELLES ET VIS-À-VIS DES TIERS ... 18

2.3 LES PRINCIPAUX VÉHICULES JURIDIQUES DISPONIBLES POUR EXPLOITER UNE ENTREPRISE ... 20

2.3.1 La société en nom collectif ... 20

2.3.2 La société en commandite ... 22

2.3.3 La fiducie ... 24

2.3.4 La compagnie ... 25

2.4 LES CONCEPTS DE PERSONNALITÉ JURIDIQUE DISTINCTE, DE PERSONNE JURIDIQUE DISTINCTE ET DE PATRIMOINE D’AFFECTATION ... 26

2.5 CONCLUSION ... 33

CHAPITRE III: LES HISTORIENS MODERNES : PORTRAIT DES PUBLICAINS SOUS LA RÉPUBLIQUE ROMAINE ... 1

3.1 LA NOTION DE PUBLICAIN : CELUI QUI TRANSIGE AVEC LA CHOSE PUBLIQUE ... 40

3.2 LE PUBLICAIN EST-IL TOUJOURS UN CHEVALIER? ... 43

3.3 LES ACTIVITÉS DES PUBLICAINS ... 53

3.3.1 L’approvisionnement des armées ... 55

3.3.2 Les travaux publics ... 61

3.3.2.1 Quand la République a-t-elle commencé à octroyer des contrats pour les travaux publics? ... 63

3.3.2.2 La République procédait-elle parfois autrement que par contrats publics? ... 68

(6)

3.3.2.3 Quels ont été les plus importants travaux publics réalisés à Rome? ... 71

3.3.2.3.1 Sous la royauté ... 72

3.3.2.3.1.1 Le Forum et les travaux de drainage Le Forum et les travaux de drainage ... 73

3.3.2.3.2 Sous la République ... 74

3.3.2.3.2.1 Le mur de la cité ... 75

3.3.2.3.2.2 Les aqueducs et la Cloaca Maxima ... 76

3.3.2.3.2.3 Les grandes routes ... 83

3.3.2.3.2.4 Temples, basilicas et autres ... 86

3.3.2.4 Conclusion ... 89

3.3.3 La perception des impôts ... 91

3.3.3.1 Types d’impôts perçus par les publicains: le « portorium », la « scriptura » et les dîmes ... 91

3.3.3.1.1 Le « portorium » ... 93

3.3.3.1.2 La « scriptura » et les dîmes ... 94

3.3.3.2 Organisation de la perception des impôts dans chaque province romaine ... 96 3.3.3.2.1 La Sicile ... 96 3.3.3.2.2 L’Espagne ... 98 3.3.3.2.3 La Macédoine et la Grèce ... 98 3.3.3.2.4 L’Afrique ... 99 3.3.3.2.5 L’Asie ... 99 3.3.3.2.6 La Gaule ... 102 3.3.3.2.7 La Cilicie ... 102 3.3.3.2.8 La Bythinie ... 103 3.3.3.2.9 La Syrie ... 103 3.3.3.3 Conclusion ... 105

3.3.4 L’exploitation des mines ... 106

3.3.4.1 Les mines d’Espagne ... 107

3.3.4.2 Les mines de Macédoine ... 125

3.3.4.3 Les mines d’Asie... 129

3.3.4.4 Les mines de Gaule ... 130

(7)

v

3.3.4.6 Conclusion ... 133

3.3.5 Autres services fournis à l’État par les publicains ... 134

3.3.6 Conclusion ... 135

3.4 LES CONFLITS DES PUBLICAINS AVEC L’ÉTAT ET LEUR IMPACT POLITIQUE ... 136

3.4.1 Les conflits concernant les contrats publics ... 137

3.4.1.1 L’approvisionnement des armées d’Espagne de 213 av. J.-C. ... 137

3.4.1.2 L’annulation des contrats octroyés par Caton l’Ancien de 184 av. J.-C.138 3.4.1.3 Le conflit relatif à l’exclusion de certains publicains de l’adjudication de 169 av. J.-C. ... 139

3.4.1.4 La fermeture des mines de Macédoine de 167 av. J.-C. ... 141

3.4.1.5 Absence de conflits vers 150 av. J.-C. ... 143

3.4.1.6 La rémission du prix du contrat de perception d’impôts pour l’Asie de 61 av. J.-C. ... 144

3.4.2 Le conflit concernant les « quaestiones perpetuae» ... 145

3.5 APPARITION DES SOCIÉTÉS DE PUBLICAINS SOUS LA RÉPUBLIQUE ET RYTHME DE LEUR DISPARITION SOUS L’EMPIRE ... 146

CHAPITRE IV : L’ORGANISATION JURIDIQUE DES PUBLICAINS SELON LES HISTORIENS ET LES JURISTES MODERNES ... 151

4.1 LA SOCIÉTÉ ORDINAIRE DE DROIT ROMAIN ... 153

4.1.1 La définition de la société ordinaire de droit romain et ses différents types 159 4.1.2 La formation du contrat de société ... 164

4.1.3 Les effets du contrat de société ... 166

4.1.3.1 Entre les parties : obligations et action « pro socio» ... 166

4.1.3.2 Vis-à-vis des tiers : absence de personnalité juridique distincte et d’effets ... 167

4.1.3.3 La responsabilité des associés vis-à-vis des tiers ... 173

4.1.4 La fin de la société ... 174

4.1.5 Conclusion ... 176

4.2 L’ÉVOLUTION DE LA NOTION DE PERSONNALITÉ JURIDIQUE EN DROIT ROMAIN .. 176

4.2.1 Point de départ: l’État ou les « municipes »? ... 180

4.2.2 Évolution de la personnalité juridique distincte des « municipes » ... 201

(8)

4.2.2.2 Droit de propriété ... 214

4.2.2.3 Droit de contracter ... 218

4.2.2.4 Droit d’hériter ... 221

4.2.2.5 Responsabilité ... 222

4.2.2.6 Pluralité conservée dans l’unité? ... 223

4.2.2.7 Conclusion ... 232

4.2.3 Évolution de la personnalité juridique distincte des « collegia »... 234

4.2.3.1 Législation relative aux « collegia » ... 242

4.2.3.2 Capacité d’ester en justice ... 251

4.2.3.3 Droit de propriété ... 254

4.2.3.4 Droit de contracter ... 257

4.2.3.5 Droit d’hériter ... 259

4.2.3.6 Responsabilité ... 260

4.2.3.7 Pluralité conservée dans l’unité? ... 260

4.2.3.8 Conclusion ... 265

4.2.4 Conclusion sur la personnalité juridique distincte chez les Romains ... 267

4.3 LE CAS PARTICULIER DES SOCIÉTÉS DE PUBLICAINS : PERSONNALITÉ JURIDIQUE DISTINCTE ET ORGANISATION INTERNE PARTICULIÈRE ... 271

4.3.1 La personnalité juridique distincte ... 272

4.3.1.1 Le texte de Gaïus ... 273

4.3.1.1.1 Interprétations proposées ... 274

4.3.1.1.2 La capacité juridique des associations selon Gaïus ... 275

4.3.1.1.3 Les sociétés de publicains concernées selon Gaïus: y a-t-il une distinction à faire sur la base des activités? ... 281

4.3.1.1.4 Le texte de Gaïus décrit-il la situation des sociétés de publicains sous la République ou sous l’Empire? ... 290

4.3.1.1.5 Une incohérence entre le texte de Gaïus et ce que nous savons des sûretés octroyées par les publicains ... 295

4.3.1.2 Les textes de Tacite ... 297

4.3.1.3 Quatre autres textes tirés du Digeste ... 302

4.3.1.4 L’envergure des activités ... 308

4.3.1.5 La durée des activités ... 311

(9)

vii

4.3.1.5.2 La société doit-elle durer aussi longtemps que le contrat adjugé? .. 313

4.3.1.5.3 Les entreprises des publicains devaient-elles avoir une certaine permanence de fait? ... 321

4.3.1.6 Une dénomination sociale générale ... 326

4.3.1.7 Références aux associés ou aux publicains plutôt qu’aux sociétés ... 330

4.3.1.8 Datation de l’apparition de la personnalité juridique distincte des sociétés de publicains ... 332

4.3.1.9 Conclusion ... 337

4.3.2 Organisation interne particulière ... 339

4.3.2.1 Les « socii », les « adfines » et les « particeps »: des actionnaires? ... 342

4.3.2.1.1 L’actionnaire en droit moderne ... 342

4.3.2.1.2 Les « socii » ... 344

4.3.2.1.2.1 Participation au processus de constitution de la société ... 346

4.3.2.1.2.2 Participation à titre de cautions dans le système de contrats publics ... 352

4.3.2.1.2.3 Participation à la gestion de la société ... 355

4.3.2.1.2.4 Conclusion ... 360

4.3.2.1.3 Les « adfines » ... 361

4.3.2.1.4 Les « particeps » ... 365

4.3.2.2 Les « partes »: des actions? ... 367

4.3.2.3 Un appel public à l’épargne, une Bourse et/ou un réseau de courtiers? 374 4.3.2.4 La question de la responsabilité limitée ... 393

4.3.2.5 Les « decumani »: un conseil d’administration? ... 397

4.3.2.6 Les « magistri » et les « pro magistri »: des dirigeants? ... 402

4.3.2.7 La question du rôle du « manceps » ... 407

4.3.2.8 Conclusion ... 412

4.3.3 Conclusion sur les sociétés de publicains ... 414

CHAPITRE V: LES SOURCES DATANT DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE QUI CONCERNENT LES SOCIÉTÉS DES PUBLICAINS ... 416

5.1 LES PUBLICAINS ET LEURS SOCIÉTÉS DANS LES ANCIENNES INSCRIPTIONS ARCHÉOLOGIQUES ... 424

5.1.1 Une épitaphe intéressante : une société ordinaire de droit romain avec « magister » ... 424

(10)

5.1.2 Trois dédicaces qui attestent de l’existence de sociétés de publicains en

Sardaigne et en Italie ... 427

5.1.3 Les inscriptions relatives aux travaux publics : les publicains comme entrepreneurs individuels ... 431

5.1.4 Les inscriptions privées : une attestation d’une société de publicains exploitant une mine? ... 436

5.1.5 Les contrats : confirmation de l’existence des « praes » et des « praedia » 437 5.1.6 Trois autres incriptions ... 439

5.1.7 Les inscriptions relatives aux mines d’Espagne ... 440

5.1.8 Conclusion ... 447

5.2 MATÉRIEL JURIDIQUE DISPONIBLE DU VIÈ AU IVÈ SIÈCLES AV.J.-C. ... 450

5.2.1 Les écrits de Tite-Live (59 av. J.-C. à 17 ap. J.-C.) ... 451

5.2.1.1 L’âge des rois : travaux publics par corvées populaires ... 451

5.2.1.2 Les débuts de la République romaine ... 453

5.2.1.2.1 IVè siècle av. J.-C. : première apparition des publicains ... 455

5.2.1.2.2 Travaux publics réalisés en partie par les publicains, en partie par des corvées populaires ... 456

5.2.1.2.3 Construction de la Via Appia et de l’Aqueduc Appien : implication des publicains? ... 458

5.2.2 Les écrits de Denys d’Halicarnasse (69 à 7 av. J.-C.) ... 460

5.2.2.1 L’âge des rois : travaux par corvées populaires ... 460

5.2.2.2 Les débuts de la République romaine ... 461

5.2.3 Conclusion ... 464

5.3 MATÉRIEL JURIDIQUE DISPONIBLE DATANT DU IIIÈ SIÈCLE AV.J.-C. ... 466

5.3.1 Les écrits de Tite-Live (59 av. J.-C. à 17 ap. J.-C.) ... 467

5.3.1.1 Première apparition des sociétés de publicains dans le cadre de l’approvisionnement des armées romaines en Espagne (216 à 215 av. J.-C.) .... 468

5.3.1.2 La fraude commise par deux des publicains impliqués dans les sociétés de publicains ayant approvisionné les armées d’Espagne ... 471

5.3.2 Les écrits de Plaute (254-184 av. J.-C.) ... 477

5.3.3 Les écrits de Caton l’Ancien (234-149 av. J.-C.) ... 483

5.3.4 Conclusion ... 488

5.4 MATÉRIEL JURIDIQUE DISPONIBLE DATANT DU IIÈ SIÈCLE AV.J.-C. ... 490

(11)

ix

5.4.1.1 Perception du « portorium » par les publicains en Italie ... 491

5.4.1.2 Construction de voies publiques par les publicains et par les armées romaines ... 494

5.4.1.3 Perception d’impôts en général par les publicains ... 495

5.4.1.4 Les publicains impliqués dans la construction d’un aqueduc ... 497

5.4.1.5 Sociétés de publicains attestées pour les travaux publics et la perception d’impôts ... 500

5.4.1.6 Sens des mots « praes » et « adfines » ... 503

5.4.1.7 La fermeture des mines de Macédoine ... 506

5.4.1.8 Conclusion ... 510

5.4.2 Les écrits de Térence (184-159 av. J.-C.) ... 511

5.4.3 Les écrits de Lucilius (180-103 av. J.-C.) ... 512

5.4.4 Les écrits de Polybe (203-120 av. J.-C.) ... 515

5.4.4.1 Des sociétés de publicains lors de la première guerre punique? ... 516

5.4.4.2 Le système d’octroi de contrats publics en Italie : utilisation de sociétés de publicains pour les contrats publics et l’exploitation des mines ... 517

5.4.5 La « Lex Agraria » (111 av. J.-C.) ... 524

5.4.6 La « Lex de Provinciis de Praetoriis » (101 av. J.-C.) ... 533

5.4.7 Sénatus-consulte « de Agro de Pergameno » (129 av. J.-C.) ... 534

5.4.8 Conclusion ... 535

5.5 MATÉRIEL JURIDIQUE DISPONIBLE DATANT DU IER SIÈCLE AV.J.-C. ... 537

5.5.1 Les écrits de Tite-Live (59 av. J.-C. à 17 ap. J.-C.) ... 539

5.5.2 Les écrits de Velleius Paterculus (30 av. J.-C. à 37 ap. J.-C.) ... 540

5.5.3 Les écrits de Cornelius Nepos (99-24 av. J.-C.) ... 542

5.5.4 Les écrits de Varron (116 à 27 av. J.-C.) ... 543

5.5.4.1 Sur la langue latine ... 543

5.5.4.2 Sur l’agriculture ... 546

5.5.5 Les écrits de Diodore de Sicile (80-20 av. J.-C.) ... 547

5.5.6 Les écrits de César (100-44 av. J.-C.) ... 552

5.5.6.1 La guerre des Gaules ... 554

5.5.6.2 Les guerres civiles... 555

5.5.6.3 La guerre d’Alexandrie ... 558

(12)

5.5.7 Les écrits de Cicéron (106-43 av. J.-C.) ... 559 5.5.7.1 Sociétés ordinaires ... 563

5.5.7.1.1 La plaidoirie Pro Publio Quinctio (81 av. J.-C.) : le décès d’un associé n’emporte pas dissolution de la société ordinaire de droit romain ... 563 5.5.7.1.2 La plaidoirie Pro Quinto Roscio Comoedo (entre 76 et 66 av. J.-C.) : un associé peut en représenter un autre si ce mandat lui est confié par l’autre ... 566 5.5.7.1.3 Conclusion ... 571 5.5.7.2 Sociétés de publicains ... 572

5.5.7.2.1 Attestations de l’existence de certaines sociétés de publicains

spécifiques ... 573 5.5.7.2.1.1 Sociétés de publicains en Sicile : une société en charge de percevoir de la « scriptura » et des « portoria » (Verrines, 70 av. J.-C.) .... 578 5.5.7.2.1.2 Société de publicains en Sicile percevant de la « scriptura » et « sex publicorum »: même que la précédente ou non? (Verrines, 70 av. J.-C.) ... 589 5.5.7.2.1.3 Société de publicains dans la forêt de Sila en Italie (« Brutus » , 46 av. J.-C.) ... 605 5.5.7.2.1.4 Société de publicains en Bythinie (Ad Fam XIII 9, 54 av. J.-C.) ... 609 5.5.7.2.1.5 Société de publicains en charge de la perception de la

« scriptura » en Bythinie ou en Asie (Ad Fam XIII 65, 51 av. J.-C.) ... 613 5.5.7.2.1.6 Société(s) en charge de la perception de la « scriptura » et du « portorium » en Asie (correspondance avec Atticus et Quintus; Pro Scauro; Pro Plancio; Pro Murena; Pro Lege Manilia) ... 614 5.5.7.2.1.7 Sociétés de publicains à Cyrène? (Pro Cnaeo Plancio, 54 av. J.-C.) ... 627 5.5.7.2.1.8 Conclusion ... 627 5.5.7.2.2 Attestations de l’existence de sociétés de publicains de manière générale, sans identification spécifique ... 629

5.5.7.2.2.1 Les résolutions des sociétés de publicains pour rappeler Cicéron de son exil (De domo sua, Pro Sestio, In Vatinium, De Haruspicum

Responsis ) ... 629 5.5.7.2.2.2 La position de « magister » et celle d’« auctor » dans les

sociétés de publicains; les « partes » (Pro Plancio, Pro Murena, Pro Rabirio Postumio, In Vatinium, correspondance) ... 632 5.5.7.2.2.3 Existait-il une Bourse ou un réseau de courtiers? (Pro Sestio, Lex Agraria, Philippiques, Paradoxa Stoicorum, De Officiis) ... 639

(13)

xi

5.5.7.2.2.4 Conclusion ... 645

5.5.7.2.3 Attestations de certaines activités traditionnellement attribuées aux publicains sans indication qu’ils étaient organisés sous forme de sociétés .... 646

5.5.7.3 Conclusion ... 656

5.5.8 La « Lex Antonia de Termessibus » (68 av. J.-C.) ... 657

5.5.9 La « Lex Calpurnia de Insula Delos » (58 av. J.-C.) ... 659

5.5.10 La « Tabula Heracleensis » (45 av. J.-C.) ... 660

5.5.11 La « Lex Coloniae Genetivae » (époque de César, mort en 44 av. J.-C.) ... 662

5.5.12 La « Lex Fonteia » (39 av. J.-C.) ... 664

5.5.13 La « Lex portorii Asiae » ... 665

5.5.13.1 Partie 1 de la loi, période républicaine (123 av. J.-C.) ... 668

5.5.13.1.1 Impôt concerné: le « portorium » ... 669

5.5.13.1.2 Aucune référence à une société ... 670

5.5.13.1.3 L’État fournit des bâtiments et peut-être des esclaves ... 676

5.5.13.2 Partie 2 de la loi, période républicaine (modifications à partir de 75 av. J.-C.) ... 678

5.5.13.2.1 Aucune référence à une société ... 678

5.5.13.2.2 L’État fournit des bâtiments et peut-être des esclaves ... 679

5.5.13.2.3 Attestation d’une société exploitant des mines en Asie ... 683

5.5.13.3 Partie 3 de la loi, période impériale ... 686

5.5.13.4 Conclusion ... 697

5.5.14 Le sénatus-consulte d’Asclepiades (78 av. J.-C.) ... 701

5.5.15 Le sénatus-consulte « aliaque acta de oropiorum et publicanorum controversiis » (73 av. J.-C.) ... 702

5.5.16 Le sénatus-consulte « De Agris Mytilenaeorum »(55 av. J.-C.) ... 703

5.5.17 Conclusion ... 704

5.6 CONCLUSION ... 708

CHAPITRE VI : CONCLUSION ... 724

(14)

LISTE DES ABRÉVIATIONS

A) ABRÉVIATIONS JURIDIQUES

1) Abréviations relatives à la législation et à la réglementation:

art. article

Code Code civil du Québec

C.C.Q. Code civil du Québec

C.P. Code des professions

Loi coop Loi sur les coopératives du Québec Loi coop fédérale Loi canadienne sur les coopératives L.R.C. Lois révisées du Canada (depuis 1985) L.R.Q. Lois refondues du Québec (depuis 1977) L.S.A. Loi sur les sociétés par actions du Québec

2) Abréviations relatives à la jurisprudence:

c. contre

C.A.Q. Cour d’appel du Québec

C.S. Cour supérieure du Québec (depuis 1986)

C.S.C. Cour suprême du Canada

Q.C.C.A. Cour d’appel du Québec (référence neutre)

R.C.S. Recueils des arrêts de la Cour suprême du Canada R.J.Q. Recueils de jurisprudence du Québec

(15)

xiii

B) ABRÉVIATIONS HISTORIQUES

Annales E.S.C. Annales, économies, sociétés, civilisations CIL Corpus Inscriptionum Latinarum

CIL I2 Corpus Inscriptionum Latinarum, vol. II (inscriptions

républicaines) Cl. Phil. Classical Philology

FIRA Fontes Iuri Romani anteiutiniani

ILLRP Inscriptiones Latinae Liberae Rei Publicae ILS Inscriptiones Latinae Selectae

Mél. Arch. Hist. Mélanges d’Archéologie et d’histoire de l’École française SDHI Studia et documenta historiae et iuris, Citta del Vaticano, Pontificia Universitas, Lateran ens., Milano, Mursia

(16)

DÉDICACE

Ce travail est dédié à St-Joseph, patron

des travailleurs

(17)

xv

REMERCIEMENTS

D’abord, merci à la Faculté de droit, qui m’a soutenue tant financièrement par l’octroi de plusieurs bourses d’excellence que de diverses autres façons, pendant mes études de doctorat. Ces remerciements sont plus particulièrement adressés à la doyenne Anne-Marie Boisvert, au doyen Gilles Trudeau et au vice-doyen Guy Lefebvre, de même qu’aux généreux donateurs grâce auxquels la Faculté est en mesure d’octroyer de telles bourses, et plus spécialement au juge Alan B. Gold, de mon ancien cabinet d’avocats, Davies Ward Phillips & Vineberg.

Merci également au CRSH et au Fonds québécois, qui ont tous deux jugé ce projet de doctorat digne de mérite et m’ont également chacun octroyé des bourses. Les règles d’interdiction de cumul prévalant, j’ai accepté celle du CRSH, d’un montant de 120 000$, et décliné celle du Fonds québécois, mais c’est un grand soutien moral qu’il ait également considéré ce projet scientifiquement valable.

Merci à mon directeur de thèse, le professeur Michel Morin, de ses mots d’encouragement, de ses précieux conseils et de sa grande rapidité à lire et à commenter tous les textes qui lui ont été soumis. Personne ne pourrait rêver d’un meilleur directeur. Merci au père jésuite Julien Naud, qui a aimablement accepté de vérifier la traduction de certains textes latins, lorsque je soupçonnais le traducteur de ne pas avoir été suffisamment littéral, ce qui avait des conséquences au niveau juridique.

Merci enfin à ma mère, femme d’affaires avertie, qui a été la première lectrice de tout le travail effectué pour en arriver à produire cette thèse. Le fait de ne pas travailler seule dans mon coin et de plutôt jouir de son intérêt constant a fait toute la différence.

Merci à Jacques Messier, mon bibliothécaire émérite, et à Christine Cherrier qui est venu à ma rescousse quand le traitement de texte Word refusait de coopérer.

Merci à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à rendre mon chemin plus facile de par leur présence et qui ont célébré avec moi les étapes de la réalisation de ce doctorat, notamment Mme Michèle Cloutier-Michaud, Mme Rita Lc De Santis, M. Jean-Marcel de Magistris, Violaine Lemay, Catherine Piché, Marie-Annik Grégoire, Marie-Claude Rigaud et mes soeurs. Merci enfin à Celui qui m’a portée pendant les moments plus difficiles qui ont suivi le décès de mon père.

(18)

« Evangile selon saint Luc (19, 1-10)

Jésus traversait la ville de Jéricho. Or il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des publicains qui percevaient les impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant, et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par-là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi. » Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur. » Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

(19)

Chapitre I: Introduction

Il y a plus de 2000 ans, la République romaine1 était devenue le pouvoir dominant du bassin méditerranéen et elle avait étendu sa juridiction non seulement sur l’Italie mais également sur une partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique2.

On y retrouvait de grandes entreprises appelées «sociétés de publicains»3. Plusieurs auteurs ont allégué que ces sociétés de publicains avaient une personnalité

1 Parmi les ouvrages de référence sur la République romaine qui peuvent être utilisés pour obtenir des

points de repère sur l’état actuel des connaissances (données empiriques recueillies, modèles théoriques proposés et pistes de recherche encore ouvertes) sur le cadre républicain général et qui contiennent une analyse bibliographique critique, on retrouve A.E. ASTINS, F.W. WALBANK, M.W. FREDERIKSEN et R.M. OGILVIE, The Cambridge Ancient History, vol.VIII : Rome and the Mediterranean to 133 BC, 2è éd., Cambridge (UK), Cambridge University Press, 1989 (ci-après, le « Cambridge Ancient History,

vol.VIII »); J.A. CROOK, Andrew LINTOTT et Elizabeth RAWSON, The Cambridge Ancient History, vol.IX : The Last Age of the Roman Republic, 146-43 BC, 2è éd., Cambridge (UK), Cambridge University Press, 1994 (ci-après, le « Cambridge Ancient History, vol.IX »); Harriett I. FLOWER (Dir.), The Cambridge Companion to the Roman Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 (ci-après, le « Cambridge Companion to the Roman Republic »); Nathan ROSENSTEIN et Robert MORSTEIN-MARX (Dir.), A Companion to the Roman Republic, Singapore, Blackwell Publishing Ltd, 2006 (ci-après, le « Blackwell Companion to the Roman Republic »). Ces ouvrages contiennent plusieurs articles spécialisés et seront utilisés pour poser le cadre républicain général (au niveau historique, économique et politique) à l’intérieur duquel seront examinées les questions juridiques spécifiques qui sont posées dans cette thèse de doctorat. Il existe aussi des ouvrages plus généraux relativement récents comme celui d’Andrew LINTOTT, The Roman Republic, Reading (Berkshire, UK), Sutton Publishing Limited, 2000 (qui semble destiné à l’enseignement et ne contient pas une analyse aussi poussée ni des références aussi étendues) et celui de Michael CRAWFORD, The Roman Republic, 2è éd., London, Fontana Press, 1992 qui seront utilisés aux mêmes fins.

2 Sur l’accession de la République romaine au statut de pouvoir méditerranéen dominant et l’étendue

géographique exacte ayant été dominée par elle, voir entre autres: W.V. HARRIS, « Roman Expansion in the West », Cambridge Ancient History, vol.VIII, préc., note 1, p. 107; Andrew LINTOTT, « The Roman Empire and its problems in the late second century », Cambridge Ancient History, vol.IX, préc., note 1, p. 16; Kurt A. RAAFLAUB, « Between Myth and History : Rome’s rise from village to empire (the Eight Century to 264) », Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, p. 125 aux p. 142-143; Daniel J. GARGOLA, « The Mediterranean Empire », Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, p. 147; Arthur ECKSTEIN, « Conceptualizing Roman Imperial Expansion under the Republic : An Introduction », Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, p. 567; A. LINTOTT, préc., note 2, chap. 5 « The Dominion of the Mediterranean » p. 50 et suiv.; et M. CRAWFORD, préc., note 2, chap. 5. « From Italian Power to Mediterranean Power » et chap. 6 « The Conquest of the East », p. 43 et suiv.

3 Les ouvrages de référence généraux sur la République romaine qui sont mentionnés à la note 1 ne

considèrent pas les sociétés de publicains comme un sujet suffisamment important pour leur consacrer un chapitre en particulier, mais on y retrouve plusieurs références dispersées qui reconnaissent leur existence et traitent de leurs activités et de leur organisation juridique.

Ainsi, dans le Cambridge Ancient History, on retrouve : John BRISCOE, « The Second Punic War », Cambridge Ancient History, vol.VIII, préc., note 1, p. 44 à la p. 75 (approvisionnement des armées

(20)

d’Espagne pendant la 2è guerre punique; Badian); W.V. HARRIS, préc., note 2, p. 129-130 (exploitation des mines d’argent en Espagne; Badian); Andrew LINTOTT, « Political history, 146-95 BC », Cambridge Ancient History, vol.IX, préc., note 1, p. 40 à la p. 79 (perception des impôts en Asie; Badian et Nicolet); A.N. SHERWIN-WHYTE, « Lucullus, Pompey and the East », Cambridge Ancient History, vol.IX, préc., note 1, p. 229 à la p. 270 (perception des impôts dans les provinces, incluant l’Asie, la Bythinie, la Cilicie et la Syrie; Brunt 1990 ch.13); J.A. CROOK, « The development of Roman private law », Cambridge Ancient History, vol.IX, préc., note 1, p. 531 à la p. 542 (les sociétés des publicains étaient les seules à avoir une personnalité juridique distincte; pas de référence); John RICHARDSON, « The administration of the empire », Cambridge Ancient History, vol.IX, préc., note 1, p. 564 aux p. 584-585 (contrats publics, perception des impôts - Badian, Nicolet); et Claude NICOLET, « Economy and society, 133-45 BC », Cambridge Ancient History, vol.IX, préc., note 1, p. 599 (ci-après, « C. NICOLET, 1994, préc. »), aux p. 635-637 (droit des sociétés, sociétés des publicains, organisation juridique et activités, incluant les contrats publics, la perception des impôts et l’exploitation des mines).

Dans le Cambridge Companion to the Roman Republic, on retrouve Jürgen VON UNGERN-STERNBERG, « The Crisis of the Republic », Cambridge Companion to the Roman Republic, préc., note 1, p. 89 à la p. 93; Erich S. GRUEN, « Rome and the Greek World », Cambrige Companion to the Roman Republic, préc., note 1, p. 242 à la p. 261.

Dans le Blackwell Companion to the Roman Republic, on retrouve également quelques mentions des sociétés des publicains, voir Mark POBJOY, « Epigraphy and Numismatics », Blackwell Companion to the Roman Republic, note 1, p. 51 à la p. 68 (sociétés des publicains en Sicile - Badian); C.F. KONRAD, « From the Gracchi to the First Civil War (133-70), Blackwell Companion to the Roman Republic, note 1, p. 167 à la p. 171 (perception des impôts en Asie – pas de référence), W. Jeffrey TATUM, « The Final Crisis », Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, p. 190 à la p. 198 (demande d’annulation du contrat de perception des impôts en Asie – Badian); A. ECKSTEIN, préc., note 2, p. 570 (impact politique des sociétés de publicains; acquisition du contrôle des mines d’argent en Espagne et fraude durant la seconde guerre punique – Gruen 1984, 300 note 64 et 304-305). On y retrouve aussi quelques références uniquement aux publicains, sans qu’il soit question de leurs sociétés, à D.J. GARGOLA, préc., note 2, p. 154 (approvisionnement des armées d’Espagne durant la seconde guerre punique - Badian) et p. 157 (exploitation des mines d’argent en Espagne – Richardson 1976).

Les références aux sociétés des publicains dans le Cambridge Ancient History, le Cambridge Companion to the Roman Republic et le Blackwell Companion to the Roman Republic reposent généralement (deux exceptions: Gruen et Richardson) sur les travaux de deux des principaux auteurs modernes ayant écrit sur les sociétés des publicains, lesquels sont un historien américain, E. BADIAN, Publicans and sinners : private enterprise in the service of the Roman Republic (with a critical bibliography), Ithaca (USA), Cornell University Press, 1983 (rééd. de 1972), particulièrement le chapitre IV, « The Public Companies », et un historien français, Claude NICOLET, dont les oeuvres pertinentes à ce sujet incluent « Polybius VI, 17, 4 and the composition of the societates publicanorum », (1971) The Irish Jurist 163 (ci-après,

“C. NICOLET, 1971, préc.”); « P. Terentius Hispo et la société de Bythinie », (1975) Annuaire de l’École Pratique des Hautes Études, IVè section, 373 (ci-après “C. NICOLET, 1975, préc.”); « Les classes dirigeantes de la Rome républicaine », (1977) 32 Annales E.S.C. p. 749 (ci-après, « C. NICOLET, 1977,

préc.»); L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), tome 1, Paris (France), Éditions E.de

Boccard, 1966 (ci-après, “C. NICOLET, 1966, préc.”), p. 326 à 355; L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.): tome 2, Paris (France), Éditions E.de Boccard, 1974 (ci-après,

“C. NICOLET, 1974, préc.”), qui présente toutes les notices biographiques des publicains individuels connus sous la République; Rome et la conquête du monde méditerranéen, tome 1, Paris, Presses universitaires de France, 1991, 10è réédition mise à jour de 1977 (ci-après, « C. NICOLET, 1991, préc.»); Censeurs et publicains : économie et fiscalité dans la Rome antique, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2000, p. 297 (ci-après «C. NICOLET, 2000, préc.»), p. 297 et suiv. Ce dernier ouvrage rassemble plusieurs articles antérieurement publiés.

(21)

3 juridique distincte4 et qu’elles étaient de surcroît organisées exactement comme les compagnies modernes, avec une assemblée d’actionnaires, un conseil d’administration et

4 Badian et Nicolet sont tous deux de cet avis. Badian a émis cette opinion dans E. BADIAN, préc., note 3,

p. 69-70. Dans ses premiers ouvrages, Nicolet s’était contenté de soulever la question sans y répondre, voir C. NICOLET, 1966, préc., note 3, p. 334. C’est suite à sa lecture de Badian qu’il a entrepris de prouver que la suggestion de ce dernier à l’effet que les sociétés de publicains détenaient une personnalité juridique distincte sous la République romaine était exacte et que les sociétés des publicains, du moins celles qui étaient en charge de la perception des impôts, de l’exploitation des mines et des salines, avaient une personnalité juridique distincte dès cette époque, voir C. NICOLET, 2000, préc., note 3, partie IV, « Deux remarques sur l’organisation des sociétés de publicains à la fin de la République romaine », p. 297 aux p. 297 et 299-307. Il exprime aussi ce point de vue dans C. NICOLET, 1994, préc., note 3, p. 636.

Par voie de conséquence, les historiens tiennent généralement pour acquis que les sociétés des publicains avaient une personnalité juridique distincte de sorte que les sociétés des publicains sont uniformément désignées comme étant des compagnies dans des ouvrages généraux comme le Cambridge Ancient History, préc. note 1 (voir J. BRISCOE, préc., note 3, p. 75 (compagnies); W.V. HARRIS, préc., note 2, p. 129-130 (compagnies); A. LINTOTT, préc., note 3, p. 79; J.A. CROOK, préc., note 3, p. 542 et J. RICHARDSON, préc., note 3, p. 584-585; toutefois, A.N. SHERWIN-WHYTE, préc., note 3, p. 270, évite de se commettre à cet égard). Dans le Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, voir M. POBJOY, préc., note 3, p. 68 (compagnies), C.F. KONRAD, préc., note 3, p. 171 (compagnies) et E. ECKSTEIN, préc., note 2, p. 570 (compagnies). Dans le Cambridge Companion to the Roman Republic, préc., note 1, voir J. v. UNGERN-STERNBERG, préc., note 3, p. 93 (compagnies) et E. S. GRUEN, préc., note 3, p. 261. Voir aussi Siegfried J. DE LAET, Portorium : étude sur l’organisation douanière chez les Romains, surtout à l’époque du Haut-Empire, New York, Arno Press, 1965 (réédition de 1949), p. 104 et les travaux des historiens cités infra à la section 4.3.1.8 des présentes intitulée « Datation de l’apparition de la personnalité juridique distincte des sociétés de publicains ».

Chez les juristes, il est aussi généralement admis que les sociétés des publicains étaient différentes des autres sociétés de droit romain et avaient une personnalité juridique distincte, voir Pietro BONFANTE, Histoire du droit romain, 3è éd., Paris, Recueil Sirey, 1928, p. 323; Jean-François BRÉGI, Droit romain : les obligations, Paris, Ellipses Éditions, 2006, p. 174; Émile DEL CHIARO, Le contrat de société en droit romain sous la République et au temps des jurisconsultes classiques, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1928, p. 223; Antonin DELOUME, Les manieurs d’argent à Rome jusqu’à l’Empire : les grandes compagnies par actions des publicains, les financiers maîtres dans l’État, les millions de Cicéron, les actionnaires, le marché et le jeu sous la République, étude historique, 2è éd., Paris, Ernest Thorin Éd., 1892, ouvrage couronné par l’Académie française et par l’Académie des sciences morales et politiques, p. 121; P.W. DUFF, Personality in Roman Private Law, Cambridge (England), Cambridge University Press, 1938, p. 157-161; Basile ELIACHEVITCH, La personnalité juridique en droit privé romain, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1942, p. 305, 309 et 320; Paul Frédéric GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, 8è éd.de 1929, Paris, Dalloz, réédition de 2003, p. 613-614; Georges HUBRECHT, Manuel de droit romain, tome 2 : Les Obligations, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1943, p. 138-139; Michel DE JUGLART, Benjamin IPPOLITO, Cours de droit commercial, 8è éd., Paris, Montchrestien, 1988, p. 11; Raymond MONIER, Guillaume CARDASCIA et Jean IMBERT, Histoire des institutions et des faits sociaux des origines à l’aube du Moyen-Âge, Paris, Éditions Montchrestien, 1956, p. 517; Romuald SRAMKIEWICZ, Histoire du droit des affaires, Éditions Montchrestien, Paris, 1989, p. 39-41; Émile SZLECHTER, Le contrat de société en Babylonie, en Grèce et à Rome, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1947, p. 354; René ROBAYE, Le droit romain, 3è éd.,Bruxelles (Belgique), Academia Bruylant, 2005, p. 278; Henry John ROBY, Roman Private law in the times of Cicero and the Antonines, réédition de l’édition de Cambridge de 1902, Scientia Verlag Aalen, 1975, tome 2, p. 133-134; M.F.C. DE SAVIGNY, Traité de droit romain, tome 2, Paris, Firmin Didot et Frères, Libraires, 1841, p. 253-254; Michel VILLEY, Le droit romain, 10è éd., Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 59; Reinhard ZIMMERMANN, The Law of Obligations: Roman Foundations of the Civilian Tradition, Oxford (England), Oxford University Press, 1996, chapitre 15, “Societas”, p. 468.

Voir toutefois contra J.A. CROOK, préc., note 3, p. 542; Édouard CUQ, Manuel des Institutions Juridiques des Romains, 2è éd., Paris, Librairie Plon, 1928 (refonte en un seul volume d’un ouvrage antérieur, Les

(22)

des dirigeants5. Il y a même eu des allégations à l’effet qu’il aurait peut-être existé une Bourse dans le Forum où les actions de ces compagnies romaines auraient été transigées, ou encore un réseau de courtiers6. Les opérations de ces compagnies se seraient étendues

Institutions Juridiques des Romains, tomes 1 et 2, publié en 1902 et 1904), p. 114 mais voir aussi p. 500 et Alphonse LEDRU, Des publicains et des sociétés vectigalium, Paris, Librairie Germer Baillère et Cie, 1876, p. 50 et suiv.

5 Badian et Nicolet ont tous deux émis cette opinion, bien qu’ils aient formulé des hypothèses différentes

sur la nature et le rôle des decumani, voir E. BADIAN, préc., note 3, p. 69-75; C. NICOLET, 1966, préc., note 3, p. 327, 331 et 334 (discussion de l’organisation des sociétés de publicains); C. NICOLET, 1994, préc., note 3, p. 636 (« shareholders », « directors », « officers »); C. NICOLET, préc. 2000, note 3, Partie IV, p. 297 « Deux remarques sur l’organisation des sociétés de publicains à la fin de la République romaine » à la p. 303 et p. 321 « Le gladiateur et le publicain : la prétendue auctoratio de P. Rupilius » aux p. 324-326. Tel que mentionné à la note 4, les auteurs qui mentionnent les publicains dans le Cambridge Ancient History, préc., note 1, et le Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, tiennent pour acquis qu’il s’agissait de compagnies. Voir également sur leur organisation interne avec actionnaires, conseil d’administration et dirigeants, Jérôme CARCOPINO, « Decumani : note sur l’organisation des sociétés publicaines sous la République », (1905) Mél. Arch. Hist. 401 (ci-après, « J. CARCOPINO 1905,

préc. ») et Jérôme CARCOPINO, La Loi de Hiéron et les Romains, Paris, Éditions de Boccard, 1965

(réédition de 1914), p. 89 et suiv. (ci-après, « J. CARCOPINO, 1914, préc.»)et S. DE LAET, préc., note 4, p. 104.

Chez les juristes, voir notamment R. ROBAYE, préc., note 3, p. 278. Sur cette question, H.J. ROBY, préc., note 3, p. 133, est silencieux, mais comme il indique qu’il s’agit de compagnies, on peut présumer qu’il partage cette opinion et n’est tout simplement pas entré dans ce niveau de détails dans le cadre de son exposé.

6 Voir E. BADIAN, préc., note 3, 102-104. Quant à Nicolet, dans ses premiers travaux, il n’évoque pas du

tout cette hypothèse, voir C. NICOLET, 1966, préc., note 3, p. 334 et C. NICOLET, 2000, préc., note 3, où il était demeuré silencieux à ce sujet, mais il faut dire que les textes sont tous antérieurs à 1994 (l’ouvrage de 2000 est un recueil de textes ayant été préalablement publiés). Or, cette année-là, Nicolet a publié un autre article dans le Cambridge Ancient History, préc., note 1, voir C. NICOLET, 1994, préc., note 3, p. 636, où il indique que les actions des sociétés de publicains devaient être facilement transférables et que les sommes requises pour exécuter les contrats de perception des impôts étaient telles qu’il y a possiblement eu une forme d’appel public à l’épargne : « Now, however rich may have been the equites who were normally the directors and shareholders of these firms, when it came to guaranteeing to the state, for five years, the estimated tax revenues of an entire province such as Asia or Bythinia, the resources needed were immense, and must have involved calling, whether legitimately or clandestinely, upon the fortunes of very many other peoples – landed proprietors, merchants, senators even (through men of straw). ». Il semble donc partager dans une certaine mesure l’avis de Badian à ce sujet, même s’il n’utilise pas expressément les termes « Bourse », « marché boursier » ou « réseau de courtiers ».

Les divers auteurs du Cambridge Ancient History, préc., note 1, et du Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1, ne se prononcent pas, à l’exception de J.A. CROOK, préc., note 4, p. 542, qui ne mentionne pas explicitement le concept de marché boursier mais indique que les investisseurs pouvaient acheter les actions des sociétés de publicains à un prix variable. Crook semble donc lui aussi partager dans une certaine mesure l’avis de Badian. Voir aussi S. DE LAET, préc., note 4, p. 104.

Chez les juristes, voir notamment R. ROBAYE, préc., note 3, p. 278 (il ne mentionne pas explicitement le concept de marché boursier mais indique que les investisseurs pouvaient acheter les actions des sociétés de publicains à un prix variable) et R. ZIMMERMANN, préc., note 4, p. 468 : « (...) it was even possible for outsiders to invest capital in the societas by purchasing shares certificates which circulated on the financial markets. ».

(23)

5

à travers toutes les provinces romaines et auraient donc atteint une envergure internationale7, comme celles de nos multinationales.

Il est déjà extraordinaire de penser que la compagnie moderne a peut-être eu un ancêtre qui lui était pratiquement identique dans une civilisation aussi ancienne que celle de la République romaine et que cet ancêtre est aussi celui de nos multinationales, mais ce qui l’est encore plus, c’est que ces sociétés de publicains semblent avoir été en butte exactement aux mêmes reproches que les compagnies modernes.

On leur a en effet reproché leur quête de profits, leur manque de respect pour les valeurs morales contemporaines et leur impact politique8. Il semblerait que les sociétés des publicains auraient contribué aux crises politiques qui se sont ultimement soldées par la

7 Badian et Nicolet ont tous deux fait état des activités internationales des sociétés des publicains, voir E.

BADIAN, préc., note 3, p. 75 et 89 en général et aussi plus particulièrement les p. 17 (approvisionnement des armées d’Espagne), p. 31-32 et p. 63 (exploitation de mines d’argent en Espagne), p. 44 (exploitation de mines d’argent en Macédoine), p. 60 (conflit entre les publicains et Pergame en Asie), p. 89-91 et 124-125 (perception des impôts en Asie), p. 62 (perception des impôts en Sicile), p. 76 (perception des impôts en Bythinie), p. 81 (perception des impôts en Cilicie), p. 91 (extension du système de fermage des impôts par les publicains à d’autres provinces romaines); et voir C. NICOLET, 1994, préc., note 3, p. 635-637 et C. NICOLET, 2000, préc., note 3, p. 298 et p. 315-319, qui fait état de plusieurs des mêmes activités internationales que Badian.

Dans le Cambridge Ancient History, préc., note 1, plusieurs auteurs mentionnent également les activités internationales des sociétés de publicains (voir J. BRISCOE, préc., note 3, p. 75; W.V. HARRIS, préc., note 2, p. 129-130; A. LINTOTT, préc., note 3, p. 79; A.N. SHERWIN-WHYTE, préc., note 3, p. 270; J. RICHARDSON, préc., note 3, p. 584-585) et il en est de même dans le Blackwell Companion to the Roman Republic, préc., note 1 (M. POBJOY, préc., note 3, p. 68; C.F. KONRAD, préc., note 3, p. 171; W.J. TATUM, préc., note 3, p. 198; A. ECKSTEIN, préc., note 2, p. 570). Voir aussi P.A. BRUNT, cité infrav, note 98, p. 210 et A. DELOUME, préc., note 4, p. 339.

8 Plusieurs auteurs sont d’avis que les sociétés des publicains ont constitué un « État dans l’État », voir S.

DE LAET, préc., note 4, p. 103-104. Badian consacre une bonne partie de son ouvrage à examiner les reproches qui ont été formulés à l’égard des publicains et à évaluer leur impact politique, voir E. BADIAN, préc., note 3, p. 11-12, 18-20 et particulièrement les chapitres II, « Expansion and Conflict », III « The Rise to Power » et V, « Equites, Senators and Armies ». Il conclut que le manque de moralité et l’impact politique des publicains ont été surestimés, tant par les auteurs anciens que par les modernes. Nicolet s’est aussi intéressé à l’impact politique des sociétés des publicains, voir C. NICOLET, 1966, préc., note 3, p. 347-355; il remarque, comme Badian, que les publicains n’avaient pas toujours gain de cause mais il souligne toutefois l’implication des publicains dans la querelle des quaestiones perpetuae (voir au chapitre III des présentes, la section 3.4.2) et le fait que celle-ci est au coeur de l’évolution politique du dernier siècle de la République, au cours duquel le Sénat perd de son influence selon lui au profit des financiers, p. 468-469. Toutefois, selon lui, la querelle des quaestiones perpetuae est née avec les Gracques et a cessé d’avoir de l’importance sous César puis Auguste, p. 625. Il écrit également que ces grandes sociétés de publicains « sont presque des États dans l’État », voir C. NICOLET, 1991, préc., note 3, p. 429.

Les reproches adressés aux sociétés des publicains ont également été formulés relativement aux compagnies modernes, dans le cadre d’un débat concernant la question de leur responsabilité sociale et de leur impact sur la démocratie.

(24)

fin de la République romaine et par l’avènement de la tyrannie de l’Empire9. Par contre, elles auraient ensuite été victimes de leur propre stratégie politique, puisque sous l’Empire, leur pouvoir se serait amenuisé et qu’elles se seraient peu à peu étiolées jusqu’à, éventuellement, finir par cesser d’exister10.

Bref, tout comme il existe actuellement un débat sur la quête de profits, la responsabilité sociale et l’impact politique des compagnies modernes, il semblerait qu’il y ait eu à Rome un débat sur les sociétés de publicains.

Ceci m’a amenée à formuler l’hypothèse suivante pour mon projet de doctorat: « La compagnie est un fruit de la démocratie mais elle peut également en devenir une cause de destruction, ce qui entraîne alors sa propre destruction par ricochet. Ce n’est pas la première fois que ce scénario se produit. Sous la République romaine, les sociétés des publicains, qui avaient une structure juridique similaire à celle des compagnies modernes, ont subi des reproches relativement à leur manque de responsabilité sociale, comme les compagnies modernes. Les sociétés des publicains ont contribué à créer un déséquilibre politique dont le résultat a été que la République romaine, un régime politique comportant certains éléments démocratiques (assemblées législatives et gouvernement élu par la population à l’exception du Sénat), a été remplacée par la tyrannie de l’Empire romain. Les sociétés des publicains ont alors subi le contrecoup inattendu de leur stratégie politique : elles se sont étiolées puis ont éventuellement disparu parce que les empereurs n’étaient pas prêts à tolérer des acteurs dont le pouvoir pouvait rivaliser avec le leur. C’est un scénario qui risque de se répéter de nos jours à moins que nous ne prenions des mesures pour éviter un tel dénouement : en effet, les compagnies ont une structure juridique axée uniquement sur le profit, elles détiennent désormais un pouvoir économique qui surpasse celui de plusieurs États et le chapitre 11 de l’ALÉNA (qui doit servir de modèle à l’Accord sur la Zone de Libre-Échange des Amériques et à l’Accord Multilatéral sur les Investissements au niveau mondial) leur octroie des droits extraordinaires pour des acteurs privés, qui peuvent déséquilibrer la démocratie et entraîner la disparition de celle-ci, et par ricochet, celle des compagnies elles-mêmes. Nous sommes seulement au début du scénario alors que sous la République romaine il s’est déroulé jusqu’au bout et on peut en voir les conséquences ultimes, pour la démocratie et les compagnies elles-mêmes. Il est dans l’intérêt des compagnies elles-mêmes d’avoir une

9 Tant Badian que Nicolet font état d’auteurs anciens et modernes qui ont adopté ce point de vue, voir E.

BADIAN, préc., note 3, p. 11 et C. NICOLET, 1966, préc., note 3, p. 347-355 ainsi que p. 468-469 et p. 625.

10 À cet égard, le rythme et la date à laquelle les grandes sociétés de publicains ont disparu sous l’Empire

(25)

7 structure juridique qui n’est pas axée uniquement sur le profit et de se conduire d’une façon qui est socialement acceptable et compatible avec la démocratie. »

Toutefois, en procédant à la vérification de cette hypothèse, j’ai rencontré un problème imprévu. Au fil de mes lectures, j’en suis venue à me questionner sur la validité du point de vue des historiens et des juristes qui considèrent que les sociétés de publicains étaient semblables aux compagnies modernes.

Badian et Nicolet sont les deux historiens modernes qui ont réalisé les travaux récents les plus approfondis sur cette question et ils ont tous deux conclu que les sociétés des publicains étaient relativement semblables aux compagnies modernes11. Badian a consacré un livre complet aux publicains, dans lequel il fait leur portrait politique et financier ainsi que celui de leurs sociétés sous la République et traite de leur organisation juridique12. Quant à Nicolet, il a rédigé plusieurs articles sur les publicains13 et il a été le premier à tenter d’établir une liste des sociétés de publicains de la République s’apparentant à des compagnies. De plus, la grande majorité des historiens et des juristes semble également partager le point de vue que les sociétés des publicains étaient des compagnies14.

Évidemment, ce serait parfait pour mon hypothèse si c’était bien le cas. Toutefois, au fil de mes lectures, j’en suis venue à me poser un certain nombre de questions sur leurs conclusions.

Premièrement, c’est Nicolet qui a effectué l’analyse la plus poussée, mais à la lecture du tableau qu’il dresse des sociétés de publicains concernées (reproduit ci-après à titre

d’Annexe 1 des présentes) et en consultant les textes anciens qui attestent selon lui de

leur existence ainsi que les explications qu’il donne relativement à ce tableau15, on s’aperçoit que certains desdits textes ne mentionnent pas expressément les sociétés mais plutôt uniquement les publicains ou certains types d’activités. Nicolet les considère

11 Voir la note 4. Badian pense que c’était également le cas des sociétés de publicains en charge des

travaux publics, alors que ce n’est pas le cas de Nicolet.

12 Voir la note 3. 13 Voir la note 3.

14 Voir le chapitre 4 des présentes, section 4.3.1.

15 C. NICOLET, 2000, préc., note 3, Partie IV, « Deux remarques sur l’organisation des sociétés de

(26)

toutefois comme attestant quand même de l’existence de sociétés de publicains. Selon lui, lorsque les publicains se livraient à certaines activités spécifiques, soit la perception des impôts et d’autres revenus publics, l’exploitation de mines ou de salines, ils étaient obligatoirement organisés sous forme de sociétés. Celles-ci devaient avoir une personnalité juridique distincte, compte tenu des capitaux exigés par ces activités, alors que ce n’était pas le cas pour les autres activités auxquelles ils se livraient. Par conséquent, son tableau inclut comme attestations de sociétés de simples références aux publicains et à ces activités, même si leur organisation juridique n’est pas précisée. De plus, son tableau concerne uniquement les sociétés se livrant à ces activités et ne recense pas les autres sociétés de publicains ayant potentiellement existé sous la République romaine. Ce travail de recensement ne semble pas encore avoir été fait. J’ai donc décidé, d’une part, d’examiner les sources de Badian et de Nicolet afin de vérifier si elles attestaient vraiment expressément de la présence de sociétés plutôt qu’uniquement de celle des publicains se livrant à certaines activités spécifiques, et d’autre part, de recenser toutes les mentions relatives aux publicains et aux sociétés sous la République romaine et non pas seulement celles concernant les activités auxquelles s’est intéressé Nicolet. Par ailleurs, cet auteur avait aussi dressé une liste des publicains républicains individuellement mentionnés dans les textes anciens (il y en a trente-sept) et colligé les renseignements biographiques pertinents à leur égard, à laquelle il sera fait référence lorsque ce sera utile16.

Deuxièmement, Nicolet en est arrivé à tenir pour acquis que les publicains étaient organisés sous forme de sociétés semblables à des compagnies lorsqu’ils se livraient à ces activités notamment parce qu’il s’est appuyé sur un texte de Gaïus qui se trouve dans le Digeste17, suivant lequel il était possible d’obtenir la permission de constituer une société ayant la personnalité juridique distincte pour se livrer à ces activités18. Toutefois, d’une part, il y a une différence entre avoir la possibilité et avoir l’obligation de s’organiser

16 C. NICOLET, 2000, préc., note 3, p. 344-346. Nicolet signale qu’à son avis, ce ne sont pas

nécessairement tous des chevaliers (p. 341-343).

17 Alan WATSON, The Digest of Justinian, vol.1, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1985, p.

xliii. Dans cette thèse, toutes les citations du Digeste proviennent de la traduction de Watson, sauf indication contraire.

18 C. NICOLET, 2000, préc., note 3, Partie IV, « Deux remarques sur l’organisation des sociétés de

(27)

9 sous une certaine forme juridique, et d’autre part, il existe un autre passage dans le Digeste qui provient d’Ulpien et dont il ne discute pas, lequel suggère que les publicains n’étaient pas toujours organisés de la même façon19.

De plus, son utilisation du passage de Gaïus et de textes de deux auteurs anciens, Pline et Tacite20, afin de trancher la question de la personnalité juridique distincte des sociétés de publicains sous la République, a suscité une autre interrogation dans mon esprit : Gaïus a vécu plus de deux cents ans après la fin de la République et le Digeste qui incorpore ce passage qu’on lui attribue a été rédigé plus de cinq cents ans après la fin de celle-ci. Pline et Tacite ont également vécu après la fin de la République. Or, il est pour le moins improbable que le droit soit demeuré inchangé sur une période de plus de deux cents ans, particulièrement compte tenu du changement de régime politique (passage de la République à l’Empire); sur la période de plus de cinq cent ans qui sépare la République du Digeste, c’est tout simplement impensable. De plus, la période de deux cent ans et celle de cinq cent ans est calculée à partir de la date à laquelle les historiens considèrent que la République a officiellement cédé sa place à l’Empire, soit 27 av. J.-C., mais il faut remonter au moins un autre siècle et quart plus en arrière dans le temps pour couvrir les premières attestations de publicains répertoriées par Nicolet dans son tableau d’après les dates qu’il y indique.

19 Digeste, Livre XVII, Titre II, 33 : Ulpien, On the Edict, Book XXXI, dans A. WATSON, préc., note 17:

« As in bidding for public contracts or in sales. People who do not want to compete with each other are accustomed to purchase goods through a messenger to hold in common. But this is a far cry from partnership. ». La traduction du même passage du Digeste par Scott est essentiellement au même effet, voir S.P. SCOTT, The Civil Law : including the Twelve Tables, the Institutes of Gaïus, the Rules of Ulpian, the Opinions of Paulus, the Enactments of Justinian, and the Constitutions of Leo, New York, AMS Press, 1976 : «As in the case of the farmers of the revenues, as well as where there are several purchasers; for where they are unwilling to contend with one another, they are accustomed to purchase the property in common by means of messengers, and this is very different from a partnership. ”.

Il existe également un chapitre complet dans le Digeste consacré aux publicains auquel Nicolet ne fait pratiquement pas allusion; il indique plutôt que la plupart des mentions des publicains qui sont effectuées dans le Digeste se retrouvent dans la section consacrée à l’action pro socio, alors que ce n’est pas tout à fait le cas, compte tenu de l’existence de cet autre chapitre qui leur est dédié en totalité, voir Digeste, Livre XXXIX, Titre IV, «Tax farmers, vectigalia, and confiscations », dans Alan WATSON, The Digest of Justinian, vol.2, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1985. La traduction de Scott est essentiellement au même effet. C. NICOLET, 2000, préc., note 3, Partie IV, « Deux remarques sur l’organisation des sociétés de publicains à la fin de la République romaine », p. 297 à la p. 298. Nicolet ne mentionne l’autre chapitre du Digeste qu’à la p. 312 et encore, uniquement relativement au processus des enchères publiques.

20 E. BADIAN, préc., note 3, p. 69-70 (voir les commentaires de Badian sur ce passage à la note 21 des

(28)

Comme ce qui m’intéressait, c’était les sociétés des publicains sous la République romaine, je me suis demandé s’il ne serait pas intéressant de compiler et d’examiner séparément les sources datant de la République par opposition aux sources qui lui sont postérieures, comme Gaïus, le Digeste, Tacite et Pline, afin de voir si le portrait des publicains et de leurs sociétés qui s’en dégage est identique à celui qui émerge du matériel plus tardif ou non.

Troisièmement, Badian, Nicolet et plusieurs autres historiens et juristes ont été influencés par l’idée qu’il était nécessaire que les publicains aient été organisés sous forme de compagnies ayant une personnalité juridique distincte afin de réaliser leurs activités de perception des impôts, d’exploitation de mines et de salines, en raison de l’ampleur des capitaux exigés par ces activités21. Toutefois, les données empiriques disponibles pour l’époque moderne m’ont fait douter de la validité de cette idée : il existe en effet plus d’une forme d’organisation juridique possible pour une grande entreprise, y compris minière (ex: la société en commandite, la fiducie et la coopérative) et ceci m’a fait réfléchir au fait que c’était peut-être le cas à l’époque de la République romaine aussi (ex: on pourrait penser, comme alternative à la société, à l’utilisation du peculium, une possibilité qui s’apparente davantage à la notion de fiducie qu’à celle de compagnie22).

21 E. BADIAN, préc., note 3, p. 69-70 : « Normally, Roman law did not know the concept of an association

of individuals having a legal personality (corpus). But this could be specially conferred, and apparently

was thus conferred on at least some companies of Roman publicani, so that they could, as companies, own property and transact business, just like any modern company. With the large establishments known even for the second century – eg the 40 000 workers producing 9 million denarii of output in a single mining area in Spain – this was obviously essential, from the State’s point of view as well as from the contractors. As we have seen, there is good reason to conclude that these establishments were

not built up by one contracting firm, but – on the whole – were taken over when a new firm took over the contract concerned. We are not told in our source whether (and how) this right of legal personality

was conferred on the companies under the Republic. But we have seen that it is almost necessary to assume it ; fortunately Tacitus provides the evidence: in a passage that has puzzled some commentators he

tells us that in the days of the Republic these companies were established by consuls and by tribunes. It is therefore probable that at least the large companies (Tacitus says ‘plerasque’, which should imply that not all companies had this right), after purchasing a contract, were given certain privileges (including what added up to legal corpus) by a special law of the assembly. Unfortunately we do not know how far this extended. For instance, we do not know whether, with the death of a manceps, the company legally ceased to exist. This would have led to untold complications in the case of large companies holding tax contracts for whole provinces, and one would think that part of the purpose of such a grant, from the State’s

point of view, was to ensure the continuity of the company for the duration of the contract. But these

and other legal puzzles cannot be firmly resolved on our evidence. ».

22 Essentiellement, le peculium est une technique juridique romaine qui permet au(x) propriétaire(s) d’un

(29)

11 Bref, j’en suis arrivée à la conclusion qu’effectuer un examen préalable détaillé des sociétés des publicains et des sources de la République romaine qui leur étaient relatives pour vérifier si les conclusions des historiens étaient juridiquement exactes s’avérait être un préalable nécessaire à la réalisation de mon projet de recherche initial.

Dans la présente thèse de doctorat, nous allons donc essentiellement essayer de rassembler toutes les données pertinentes relatives aux publicains sous la République romaine afin de vérifier dans quels cas ils étaient organisés sous forme de sociétés et si celles-ci avaient bien la structure juridique des compagnies modernes, que ce soit au niveau de la personnalité juridique distincte, ou de leur organisation interne, actionnaires, administrateurs et dirigeants.

Nous allons procéder en cinq étapes : d’abord, nous allons présenter la compagnie moderne et les autres structures juridiques qui existent pour exploiter une entreprise, en insistant sur les éléments pertinents pour éclairer notre réflexion sur le droit romain et l’identification de la structure juridique utilisée par les publicains (chapitre II). Nous verrons ensuite comment les historiens modernes présentent les publicains et leurs diverses activités, ce qui est indispensable puisque des conclusions juridiques ont été tirées de ces activités (chapitre III). Nous passerons ensuite à la question de leur organisation juridique en présentant premièrement le droit romain des sociétés, deuxièmement l’évolution de la notion de personnalité juridique distincte en droit romain et troisièmement, en nous penchant sur le cas particulier des sociétés de publicains examiné selon le point de vue des juristes et des historiens modernes (chapitre IV). Enfin, nous compilerons, présenterons et analyserons les éléments de preuve originaux datant de la République romaine qui sont relatifs aux publicains, incluant les inscriptions archéologiques, les lois de la République romaine et les textes des auteurs anciens, siècle par siècle, afin de voir quel est le portrait de l’organisation juridique des publicains qui s’en dégage pour chaque siècle (chapitre V). À cet égard, il faut souligner que c’est la collection Loeb des classiques de Harvard qui va être systèmatiquement utilisée, parce qu’elle est recommandée comme étant davantage fiable et complète, y compris par les

alors effectuer des transactions juridiques mais il n’engage jamais son ou ses maîtres au-delà du patrimoine qu’il a reçu, ce qui confère, à toutes fins pratiques, la responsabilité limitée à son ou ses maîtres.

(30)

historiens francophones23. Nous concluerons en soulignant plus particulièrement les éléments nouveaux contribués dans cette thèse de doctorat à l’étude des publicains et de leur organisation juridique (chapitre VI).

23 Pascal ARNAUD, Les sources de l’histoire ancienne, Paris, Belin Sup., 1995, p. 13-14; Susan

TREGGIARI, Roman social history, New York, Routledge, 2002, p. 21. La collection Loeb inclut toujours les références par versets utilisés par les historiens et la version latine du texte, ce qui permet des vérifications de traduction qui se sont avérées fort utiles dans certains cas.

(31)

Chapitre II: Le droit moderne : l’entreprise et les différentes

structures juridiques disponibles pour l’exploiter, incluant la

compagnie

Nous avons indiqué que notre intention était de vérifier si les sociétés des publicains étaient organisées comme des compagnies modernes et si elles disposaient de la personnalité juridique. Notre objectif dans ce chapitre est donc de présenter la compagnie moderne, ce que nous entendons par la personnalité juridique aux fins de notre analyse et de rappeler qu’il existe d’autres véhicules juridiques que la compagnie qui sont disponibles pour organiser juridiquement une entreprise.

Nous écarterons également trois idées préconçues relatives à la compagnie moderne et à ses caractéristiques qui semblent avoir influencé les historiens et les juristes dans leur interprétation des sources.

La première de ces idées est la suivante : les sociétés de publicains devaient nécessairement être organisées sous une forme semblable à celle de la compagnie moderne afin de pouvoir rassembler les capitaux nécessaires pour se livrer à certaines de leurs activités, entre autres l’exploitation minière, et avoir une durée suffisante à l’exécution de certains contrats.

Or, nous allons voir dans ce chapitre que les données empiriques de l’époque moderne démontrent qu’il n’en est rien. La compagnie est loin d’être le seul véhicule juridique utilisé par les grandes entreprises modernes, y compris celles qui sont cotées en Bourse ou qui se classent parmi les palmarès des plus grandes entreprises au monde. Il existe plusieurs alternatives à la compagnie qui sont utilisées par les très grandes entreprises pour s’organiser juridiquement, incluant notamment la société en commandite et la fiducie d’entreprise. À titre d’exemple, plusieurs des entreprises qui sont actives dans le secteur de l’exploitation minière sont plutôt organisées sous forme de sociétés en commandite et de fiducies.

Références

Documents relatifs

Although some scholars assert that EWSs have robust forecasting power in some cases, most studies prove that financial crises are often unpredictable and come unexpectedly in most

Avec le soutien financier de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, du labex HASTEC, de l’UMR 8589 LAMOP, du laboratoire HERMA EA 3811, du réseau espagnol HAR2010-21893 (Proyecto

Que la fête continue Debout devant le zinc Sur le coup de dix heures Un grand plombier zingueur.. Habillé en dimanche et pourtant c'est lundi Chante pour lui

Mais n’est-il pas aussi évident, demanda Socrate, que c’est également dans l’intérêt des hommes ( ἀ ) que les animaux naissent et sont élevés ? Quel autre animal

Il faut en déduire que les attentes déterminées sus- citées chez autrui sont propres soit à qualifier un rapport de fait préexistant (arrêt Grossen), soit à faire naître un

Bilan semestriel du contrat de liquidité ADENCLASSIFIEDS contracté avec la société NATEXIS BLEICHROEDER Paris, le 9 juillet 2007 Au titre du contrat de liquidité confié à

Mise en œuvre d’un contrat de liquidité avec la société de bourse Gilbert Dupont A partir du 12 juin 2007 et pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, la

De même, l'incapacité d'un associé n'est une cause de nullité du contrat de société que pour certaines sociétés, par exemple la société en nom collectif et la société