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L'effet du statut de «talent» sur l'intention de quitter des gestionnaires : analyse de deux mécanismes intermédiaires

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Academic year: 2021

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L'EFFET DU STATUT DE« TALENT»

SUR L'INTENTION DE QUITTER DES GESTIONNAIRES : ANALYSE DE· DEUX MÉCANISMES INTERMÉDIAIRES

MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAITRISE ÈS SCIENCES DE LA GESTION

PAR SALMA KHARTI

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Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.07-2011 ). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

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REMERCIEMENTS

Tout d'abord, je tiens à remercier ma professeure et directrice de recherche Marie-Ève Lapalme pour son orientation, son support et son soutien tout au long de ma démarche. Je lui suis reconnaissante pour ses judicieux conseils et ses exigences qui m'ont permis de m'améliorer et de surmonter les difficultés que j'ai rencontré pour la réalisation de ce mémoire. Grâce à son expérience et sa vision, ce travail de recherche a pu être réalisé avec rigueur.

Je tiens à remercier l'équipe de chercheurs, Alain Gosselin, · Olivier Doucet et Marie-Ève Lapalme, de m'avoir donné l'opportunité de réaliser mon étude en me permettant d'utiliser les données collectées auprès des organisations.

Je remercie profondément mes parents, pour leurs encouragements, pour leur support et leur confiance. Merci de m'avoir toujours poussé à réaliser mes rêves, à aller jusqu'au bout de mes projets, et merci d'avoir toujours cru en moi et en mes capacités.

Je tiens à remercier particulièrement mon mari, qui, sans lui je n'aurais pas pu aller au bout de mon projet. Merci d'avoir été là dans les moments difficiles. Je lui suis extrêmement reconnaissante d'avoir supporté mon stress et mon angoisse, de m'avoir encouragé et de m'avoir remonté le moral dans les moments de doute.

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TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES FIGURES ... vi

LISTE DES TABLEAUX ... vii

RÉSUMÉ ... viii

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE! RECENSION DE LA LITTÉRATURE ... 6

1.1 Historique de la gestion des talents ... 6

1.2 La notion de talent : définition et approches ... 11

1.2.1 L'approche objet ... 15

1.2.2 L'approche sujet ... ~ ... 19

1.3 La gestion des talents: une approche de différenciation de la main-d'œuvre .. 24

1.4 La réaction des individus au statut de talent ... 27

CHAPITRE II MODÈLE ET HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ... 31

2.1 Présentation du modèle ... 31

2.2 Relation entre le statut de talent et l'intention de quitter des gestionnaires ... 33

2.3 L'effet médiateur de la perception de justice distributive ... 34

2.3.1 La justice distributive ... ~ 34

2.3.2 La relation entre le statut et la justice distributive ... 38

2.3.3 La relation entre la justice distributive et l'intention de quitter ... 39

(5)

2.4.1 L'estime de soi globale ... ; ... 41

2.4.2 L'estime de soi organisationnelle: ... 42

2.4.3 Relation entre le statut de talent et l'estime de soi organisationnelle ... 48

2.4.4 L'estime de soi organisationnelle et l'intention de quitter: ... 51

CHAPITRE III CADRE MÉTHODOLOGIQUE ... .-... 53

3 .1 Le devis de recherche ... 5 3 3.2 Le contexte et la technique de collecte de données ... 54

3.3 Caractéristiques de l'échantillon ... 56

3 .4 Les instruments de mesure ... 57

3.4.1 Le statut ... 58

3.4.2 La justice distributive ... 58

3.4.3 L'estime de soi organisationnelle ... ~··· 59

3.4.5 Les variables de contrôle : ... 62

CHAPITRE IV PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 63

4.1 L'analyse factorielle exploratoire ... 63

4.2 Les corrélations ... 68

4.3 Les analyses de régression ... 71

CHAPITRE V DISCUSSION ... 74·

5 .1 Rappel des résultats obtenus ... 7 5 5.2 La rel_ation entre le statut de talent et l'intention de quitter l'organisation ... 75

5.3 Le rôle médiateur de la perception de justice distributive ... : .... 77

5.4 Le rôle médiateur de l'estime de soi organisationnelle ... 79

5 .5 Implications pratiques ... 80

(6)

CONCLUSION ... 86 BIBLIOGRAPHIE ... 87

(7)

LISTE DES FIGURES

Figures

2.1 L'effet médiateur de la perception de la justice distributive et de l'estime de soi organisationnelle sur l'intention de quitter ... 3 3

(8)

LISTE DES TABLEAUX

Tableaux

1.1 Les différentes définitions du « talent » ... 14

3.1 Le taux de réponse ... 56

3.2 Caractéristiques de l'échantillon ... 57

3.3 La perception de la justice distributive ... 59

3.4 L'estime de soi organisationnelle ... 60

3.5 L'intention de quitter ... 61

3.6 Les variables de contrôle ... 62

4.1 Variance totale expliquée ... 65

4.2 Résultats de l'analyse factorielle ... 67

4.3 Matrice de corrélation des variables à l'étude ... 69

4.4 Résultats des analyses de médiation ... 72 5 .1 Synthèse de la vérification des hypothèses de recherche ... 7 5

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RÉSUMÉ

Cette étude propose d'examiner les mécanismes qui expliquent le lien entre le statut de talent ou non-talent et l'intention des gestionnaires de quitter l'organisation. Notre objectif est d'évaluer l'effet médiateur de la perception de justice distributive et de l'estime de soi organisationnelle dans la relation entre le statut et l'intention de quitter. Bien que certains auteurs se soient intéressés à la relation entre le statut de talent et l'intention de quitter, aucune étude ne s'est attardée jusqu'à présent aux mécanismes intermédiaires pouvant intervenir dans cette relation. En nous intéressant à la perception de justice distributive et à l'estime de soi organisationnelle, nous expliquons pourquoi l'identification des employés comme talent ou non-talent vient influencer leur intention de quitter l'organisation. Nous contribuons ainsi à détecter des zones d'action pour la rétention des employés talents et non-talents. Pour mener notre étude, nous nous sommes basées sur des données collectées auprès de 302 employés appartenant à trois grandes organisations québécoises adoptant des programmes de gestion des talents basés sur le principe de différentiation de la main d' œuvre. L'analyse de nos résultats de recherche nous a permis de confirmer que la perception de justice distributive et l'estime de soi organisationnelle jouent toutes deux un rôle médiateur dans la relation entre le statut de talent et l'intention de quitter.

Mots clés: gestion des talents, différentiation, justice distributive, estime de soi organisationnelle, intention de quitter.

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En raison d'un contexte économique de plus en plus compétitif, caractérisé par les phénomènes du vieillissement et· de la rareté de la main-d'œuvre, la gestion des talents représente un défi de taille pour les organisations (Beechlera, 2009; Festing et al., 2014; McDonnell, 2011). De fait, plusieurs auteurs font état de cette « guerre pour les talents » à laquelle se livrent les organisations et dont le but est d'attirer, mais · aussi de retenir les. talents dans différentes catégories démographiques afin de gagner en compétitivité (Festing, 2013; McDonnell, 2011).

Plusieurs auteurs ont cherché à définir le concept de gestion des talents (Cappelli & Keller, 2014; Collings, 2009; Dries, 2013; Lewis & Heclanan, 2006;). Synthétisant ce qui a été proposé dans la littérature, Cappelli et Keller définissent la gestion des talents comme «le processus par lequel les organisations anticipent et répondent à leurs besoins en talents dans les postes stratégiques»1• (Cappelli et Keller, 2014,

p.307). Celui-ci comprend diverses activités telles que la planification des emplois, la planification de la relève, le développement des employés ainsi que la gestion des carrières (Cappelli et Keller, 2014). Il existe principalement deux approches à la gestion des talents, soit l'approche inclusive et l'approche exclusive (Gallardo-Gallardo et al., 2013 ; Lewis et Heckman, 2006). L'approche inclusive estime que les programmes de gestion des talents devraient s'appliquer à l'ensemble des employés d'une organisation, car ils sont tous des talents qui pourraient contribuer à créer de la valeur ajoutée (Buckingham et Vosburg, 2001 ; Tulgan, 200). L'approche exclusive, quant à elle, suggère que certains employés et/ou postes contribuent plus que les

1 Traduction libre de Cappelli et Keller, 2014, p.307: "the process through which organizations

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autres à la création de cette valeur ajoutée et par conséquent les programmes de

gestion des talents devraient être exclusifs à ces derniers (Collings, 2008 ; Collings et

Mellahi, 2009; Michaels et al., 2001). Comme le souligne Collings et al. (2014), ainsi que Cappelli et Keller (2014), dans la pratique, les organisations optent majoritairement pour une approche exclusive. Cette approche pose toutefois un défi de taille en matière de gestion stratégique des .ressources humaines du fait qu'elle impose la différenciation entre les employés au sein de l'organisation (Collings, 2014).

La différenciation entre les employés implique l'identification d'un bassin de « talents » et d'employés non identifiés comme tels (Collings, 2014). Ce bassin de talents a droit à un traitement privilégié dans l'organisation du fait qu'il bénéficie

davantage des investissements en matière de formation, de développement et de rétention (Cappelli et Keller, 2014 ; Collings, 2014).

On peut donc penser que ce principe de différenciation n'est pas sans conséquence pour les employés qui sont témoins des investissements de l'organisation dans ce groupe privilégié. De ce fait, une étude a révélé que 77 % des employés sondés accordent une grande importance au fait d'être identifié comme haut potentiel (Cappelli et Keller, 2014). Dès lors, on peut donc s'interroger sur l'influence du statut de talent sur les réactions des employés, notamment sur leur intention de demeurer ou non dans l'organisation.

En effet, l'enjeu de la rétention est au cœur de la question de la gestion des talents, et ce, notamment pour deux raisons. D'abord, en raison de la valeur stratégique des

« talents » pour l'organisation et des coûts qui seraient associés à leur départ en

matière de remplacement, de formation et de perte de performance (Bentein et al., 2012; Nyberg, 2011). Ensuite, en raison du fait que les employés n'ayant pas été identifiés comme talents constituent une plus grande proportion que le premier

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groupe. Un fort taux de roulement chez ce groupe d'employés serait sans contredit néfaste pour l'organisation (Gelens et al., 2013). En d'autres termes, l'effet positif de la gestion des talents pourrait être altéré par l'effet des réactions négatives que pourraient avoir les employés non identifiés comme talents de l'organisation ( Gelens et al., 2013).

Jusqu'à présent, une seule étude empirique a évalué'l'effet du statut de talent ou non sur la rétention des employés. Dans son étude, Bjorkman et al. .. (2013) ont démontré, entre autres, que les employés qui perçoivent qu'ils sont identifiés comme talents ont moins l'intention de quitter l'organisation que ceux qui perçoivent qu'ils ne sont pas identifiés comme tels (Bjorkman et al., 2013). Cependant, ils ne se sont pas attardés, dans leur étude, aux mécanismes intermédiaires qui conduiraient à ce résultat, ce qui fait que notre compréhension des raisons pour lesquelles le statut influence la rétention reste limitée.

Parmi les mécanismes qui pourraient expliquer l'intention de quitter l'organisation, on retrouve la justice distributive et l'estime de soi organisationnelle. En effet, certaines études ont mis en lumière le rôle de la justice distributive sur diverses réactions des employés en contexte de gestion des talents, telles que la performance individuelle, la satisfaction au travail et l'effort au travail (Gelens et al., 2013; Gelens et al., 2014). Par ailleurs, considérant qu'une majorité d'employés accordent une grande importance au fait d'être identifié comme «talent» au sein de leur organisation (Cappelli et Keller, 2014) et que ces derniers perçoivent leur statut comme une forme de valorisation à leur égard (Bjorkman et al., 2013 ; Colquitt et al., 2001; Pierce, 1989), le concept d'estime de soi organisationnelle (Pierce, 1989), qui renvoie à l'auto-évaluation de l'individu quant à sa valeur et sa compétence en tant que membre de l'organisation (Pierce, 1989), semble tout à fait approprié pour expliquer l'influence du statut sur l'intention de quitter des employés en contexte de gestion des talents.

(13)

Ainsi, l'objectif de notre recherche est de mieux comprendre le lien entre le statut de talent ou non et l'intention de quitter en évaluant l'effet médiateur de la perception de justice distributive et de l'estime de soi organisationnelle dans la relation entre le

statut et l'intention de quitter.

La pertinence de cette recherche réside tout d'abord dans la contribution théorique à la littérature en gestion des talents. En nous appuyant sur la théorie de l'équité d'Adams (1961) et sur la théorie du signal (Spence, 2002), nous expliquerons pourquoi le fait d'être identifié comme talent ou non exerce un effet sur l'intention de quitter des employés. Jusqu'à présent, les recherches se sont surtout concentrées sur l'effet direct du statut de talent sur les réactions des employés. Nous contribuerons ainsi, par cette recherche, à développer les connaissances sur les mécanismes qui peuvent jouer un rôle dans la relation entre le statut et l'intention de quitter l'organisation.

Sur le plan pratique, en nous intéressant aux questions de justice, d'estime de soi organisationnelle et d'intention de quitter chez les employés talents et non-talents, cette recherche contribuera à identifier des zones d'action pour la rétention des deux catégories d'employés. En effet, la compréhension des liens entre les concepts permettra aux organisations de mettre en place des pratiques en gestion des talents qui auront pour but de renforcer les mécanismes intermédiaires et ainsi atténuer les effets négatifs de la différenciation et tirer profit de la gestion des talents tout en minimisant les coûts liés au départ de leurs employés.

Ce mémoire se découpe en cinq chapitres. Le premier chapitre propose une recension de littérature autour du concept de la gestion des talents. Nous y présentons un historique de la gestion des talents ainsi que les différentes définitions et approches de la gestion des talents, ce qui nous amène vers le modèle que nous avons retenu pour notre étude. Le deuxième chapitre nous permet de présenter notre modèle d'analyse et

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de développer nos hypothèses de recherche. Le troisième chapitre présente le cadre méthodologique de notre étude. Le quatrième chapitre sert à exposer les résultats des analyses statistiques visant à tester nos hypothèses de recherche. Enfin, le cinquième chapitre nous amène à la discussion des résultats. Ce dernier chapitre nous permet d'exposer les constats et les limites de notre étude et ainsi proposer de nouvelles pistes de recherche.

(15)

CHAPITRE!

RECENSION DE LA LITTÉRATURE

Afin de bien saisir l'impact de l'identification du statut de talent pour les employés, il importe de comprendre le contexte dans lequel l'attribution de ce statut s'inscrit, soit celui de la gestion des talents. Ce chapitre offre donc une recension des écrits sur la gestion des talents de façon générale, ce qui nous permet d'aborder la question du statut de talent et des réactions des employés à celui-ci. Nous commençons par présenter un bref historique de la notion de gestion des talents. Nous discutons ensuite de la définition même du talent, ce qui nous mène à cadrer la gestion des talents dans une approche de différenciation de la main-d'œuvre. Enfin, nous présentons un état des connaissances sur les· réactions des employés à l'attribution ou non du statut de talent.

1.1 Historique de la gestion des talents

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est essentiel de comprendre l'origine du concept de la gestion des talents, les différentes étapes de son évolution ainsi que les facteurs qui ont contribué à sa transformation. Selon Cappelli et Keller (2014 ), au début des années de l'ère· de la production industrielle, la question de la gestion des talents ne se posait pas, les premières manifestations de la gestion des talents seraient apparues dans les années 1950 avec l'arrivée des grandes entreprises.

Après la Première Guerre mondiale, les entreprises en expansion avaient besoin de spécialistes pour assurer la gestion de certaines fonctions dans les sièges sociaux

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(Cappelli et Keller, 2014). Ces nouveaux postes pouvaient déjà être qualifiés de postes de direction ou de gestion, étant donné la marge de manœuvre qui les caractérisait (Cappelli et Keller, 2014). Toutefois, un problème majeur subsistait, à

savoir · comment les personnes qui allaient· occuper ces postes seraient formées, sélectionnées et inspirées à prendre la relève pour diriger une entreprise ( Cochran, 1960 cité dans Cappelli et Keller, 2014). D'après ces auteurs, il n'existait pas d'outils pour évaluer les capacités des gestionnaires et ainsi prédire leurs aptitudes dans des postes de direction, et ce n'était pas la seule difficulté, car il fallait également comprendre comment développer les candidats qui pourraient répondre aux exigences de tels postes.

De pnme abord, le recrutement des candidats se faisait en externe, à travers l'acquisition de petites compagnies. Ainsi, les fondateurs dont on venait d'absorber l'entreprise occupaient naturellement un poste de gestion. En effet, comme ils exerçaient déjà le même type de fonctions, on pouvait prédire leurs compétences futures dans des postes similaires au sein de l'organisation (Cascio et Aguinis, 2008). En interne, la pratique courante se limitait à promouvoir les employés hautement performants à des postes de supervision (Cappelli et Keller, 2014). Cette pratique

avait toutefois rarement le succès espéré, car les différences· entre les deux types de postes, concernant les tâches et les responsabilités, demeuraient somme toute limitées. Ce qui constituait un véritable défi, par contre, c'était la promotion des employés de supervision aux postes de gestion intermédiaire (Cappelli et Keller, 2014).

Grâce au boom économique, après la Deuxième Guerre mondiale, le marché de l'emploi connut la plus grande pénurie de talents jusqu'alors (Cappelli, 2010). Les organisations se faisaient compétition pour s'emparer des talents et devaient trouver une solution rapide et efficace. Elles se sont donc inspirées du modèle développé par

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l'armée pour constituer une banque de «talents» en interne (Cappelli et Keller, 2014). L'objectif de ce modèle était de mettre à la disposition des organisations une réserve de « talents » internes stables ayant les compétences nécessaires pour occuper des postes de gestion et de direction au sein de l'organisation (Cappelli et Keller, 2014). Le recrutement externe ne faisait pas partie de ces programmes. On assista alors à des modèles de sélection et développement plus élaborés, prenant en considération l'évaluation des comportements individuels. Selon Newcomer (1955) (cité dans Cappelli et Keller, 2014), en 1955, 80 % des dirigeants étaient développés en interne.

À cette époque, les organisations protégeaient leurs employés de la compétition et offraient une stabilité d'emploi à vie à leurs employés qui soumettaient à leur tour leur carrière au contrôle de l'organisation (Cappelli et Keller, 2014). Dans ce contexte où les opportunités d'avancement en externe étaient quasi inexistantes, la rétention des talents ne constituait pas un enjeu pour ces organisations (Cappelli et Keller, 2014). La gestion de l'avancement était centralisée au niveau des bureaux de personnels et suivait un protocole d'avancement particulièrement bureaucratique, car les emplois étaient étroitement définis et les mouvements se faisaient dans des échelles salariales prédéterminées. Afin de Ümiter la mobilité externe, il y avait également un consensus social entre les organisations qui rendaient les compétences des employés non transférables, même si ces compétences n'étaient pas spécifiques au poste (Althusser 1989).

Pratiquement, la plupart des outils contemporains utilisés dans les programmes de gestion des talents ont été développés durant les années 1950, et notamment des techniques plus sophistiquées pour le recrutement et la sélection, l'évaluation . du potentiel, la rotation des postes, le coaching, l'évaluation de la performance· ainsi que la planification de la relève (Cappelli et Keller, 2014). À ce moment, la littérature ne parlait pas de gestion des talents, mais certains auteurs ont développé des

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connaissances sur les thèmes de la sélection des employés, de l'évaluation de la performance, du développement de carrière ou bien sur le marché du travail interne. Ce modèle traditionnel du marché d'emploi interne a connu son déclin à partir des années 1980 avec une plus grande ouverture des entreprises sur le marché externe du travail, une plus forte compétitivité, ainsi qu'une instabilité dans l'offre et la demande en matière de talents (Cappelli et Keller, 2014). Dans ce contexte, l'aplatissement des hiérarchies organisationnelles ainsi qu'une définition plus large des postes ont graduellement fait place aux descriptions de postes bien définies (Cappelli et Keller, 2014). Ainsi, les décisions relatives au personnel telles que les promotions, les transferts et le recrutement ont été décentralisées et déléguées aux gestionnaires. Le contrat social a également changé, l'emploi à vie n'étant plus offert par les organisations (Rousseau, 2001 ). Les employés ont dû alors reprendre le contrôle de leur carrière (Cappelli et Keller, 2014). L'ouverture vers le recrutement externe est ce qui a le plus marqué cette période, les organisations ayant désormais recours aux candidats externes pour tous les types et niveaux de poste.

Si nous suivons l'analyse historique de Cappelli et Keller (2014), nous pouvons en déduire que la gestion des talents est presque un précurseur de la gestion des ressources humaines. Toutefois, il importe de souligner que certains auteurs divergent de cette vision historique de la gestion des talents et ne remontent pas si loin pour nous raconter l'histoire du thème. Beechlera et Woodward (2009), Collings et Mellahi (2014), Gallardo-Gallardo et al. (2013) soutiennent tous que la naissance de la gestion des talents comme concept bien défini remonte seulement à la suite du rapport McKinsey en 1998 et de la publication du livre « The war for talent » de Michaels et al. (2001). Cette approche vient soutenir une vision plutôt élitiste de la gestion des talents (Dries, 2006) centrée sur la différenciation des employés dans des catégories selon certains critères de performance. Le rapport McKinsey, basé sur des données collectées auprès de 77 entreprises dans des secteurs d'activités variés

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comptant 6000 gestionnaires et directeurs, plus un supplément d'étude de cas sur vingt entreprises considérées comme étant riches en talent, mettait de l'avant l'importance pour les entreprises de se battre pour les meilleurs talents ( Chambers et al., 1998). Il avançait également qu'au cours des vingt prochaines années, les talents constitueraient la ressource la plus importante de l'organisation. Dès la parution du rapport, le thème de la gestion des talents a ainsi connu un engouement marqué de la part des chercheurs (Lewis et Heckman, 2006). Des auteurs se sont intéressés au sujet en proposant différents modèles théoriques (ex .. : Ashton et Morton, 2005; Collings et Mellahi, 2014, Gallardo-Gallardo et al., 2013) et d'autres se sont intéressés aux implications de ce concept dans le milieu de travail (Bentein et Guerrero, 2012, Bjorkman et al., 2013, Gelens et al, 2014).

Selon Dries (2013), l'importance de ce thème découle principalement de deux hypothèses principales. La première soutient que dans une économie fondée sur le savoir, les sources traditionnelles d'avantages concurrentiels perdent du terrain alors que le talent humain est une ressource renouvelable difficilement copiée ou volée par les concurrents (Iles, 1997). La deuxième hypothèse est que l'attraction et la rétention des talents deviennent de plus en plus difficiles à cause des tendances démographiques et psychologiques spécifiques (Tucker, Kao et Verma, 2005). En effet, la tendance démographique et économique se trouve être en tête de liste des préoccupations des gestionnaires (Beechlera et Woodward, 2009 ; McDonnell, 2011 ). Selon Beechlera et Woodward (2009), l'augmentation de la longévité (de 65 à 80 ans dans la plupart des pays), le déclin des naissances ( qui sont inférieurs au taux de remplacement de 2, 1 enfants par femme nécessaire pour maintenir les niveaux de populations selon les Nations unies) et la taille disproportionnée de la génération des baby-boomers ont lourdement impacté la moyenne d'âge de la population. À son tour, la globalisation fait en sorte que les marchés sont de plus en plus ouverts et donc plus propices à la circulation de capitaux et de technologies. Les nouvelles technologies de communication ont également facilité et permis ces échanges. Les

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conséquences de la globalisation se font donc sentir sur la demande en talents locaux quand les entreprises multinationales s'installent dans un pays étranger. Par ailleurs, dans une économie globale, il n'y a pas que les capitaux qui circulent, mais les individus aussi. Tous ces facteurs réunis expliquent pourquoi chercheurs et gestionnaires accordent depuis la publication du rapport McKinsey, soit depuis les vingt dernières années, tant d'importance à la gestion des talents.

1.2 La notion de talent : définition et approches

Comme nous venons de l'illustrer dans la section précédente, bien que les auteurs ne s'entendent pas tous sur son origine exacte, il reste toutefois. que la gestion des talents ne constitue pas en soi une pratique récente. Néanmoins, malgré l'intérêt porté par les gestionnaires et chercheurs à la question de la gestion des talents, on note que la définition même de ce qu'est un talent ne fait pas consensus dans la littérature, rendant l'étude de ce champ plus complexe. En effet, non seulement on utilise dans la littérature les termes de « talent », « haut potentiel » ainsi que « haut performant » pour désigner les employés faisant partie d'un programme de gestion des talents, mais comme le souligne Ulrich (2011 ), les dirigeants et les auteurs donnent également à ces différents concepts une définition qui diffère selon leur propre interprétation. Celle-ci peut d'ailleurs varier selon la discipline ou le secteur d'activité (Gallardo-Gallardo et al., 2013; Myers et al., 2013). Dans cette section, nous présentons donc les différentes approches utilisées afin de définir le concept de talent, ce qui nous permet de bien camper la notion du statut de talent étudiée dans ce mémoire.

Dans l'histoire moderne de la gestion des talents, la définition du concept de talent proposée par Michaels et al. (2001) dans le fameux livre «La guerre des talents» fut une inspiration pour les praticiens de l'époque. Selon ces auteurs, le talent est

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la somme des habiletés d'une personne ... ses capacités intrinsèques, habiletés, caractère, savoir, expérience, intelligence, jugement, attitude, caractère et instinct. Le talent inclut également sa capacité à apprendre et à se développe/

(Michaels et al., 2001 ).

Comme le soulignent Michaels et al. (2001), il s'agit en d'autres termes des meilleurs et des plus brillants. Cette définition est adoptée par plusieurs organisations pour désigner leurs employés « de niveau A » qui se classent dans le top 10 à 20 % en matière de performance.

Toutefois, on note que le mot talent est également souvent utilisé pour faire référence à l'ensemble des employés de l'organisation et non seulement à un groupe restreint d'employés performants (Lewis et Heckman, 2006). Plusieurs auteurs attribuent l'ambiguïté autour du concept de la gestion des talents à l' opérationnalisation inadéquate du concept de talent (Garrow et Hirsh, 2008; Lewis et Heckman, 2006; Reilly, 2008; Tansley et al., 2007). Effectivement, la littérature sur le sujet n'est pas précise sur sa signification et plusieurs auteurs se sont penchés sur le concept de gestion des talents sans proposer une définition explicite au construit sous-jacent qui est le talent (Barab et Plucker, 2002; Cappelli, 2008; Collings et Mellahi, 2009; Lawler, 2008; O'Reilly et Pfeffer, 2000).

Dans un effort de clarification, Gallardo-Gallardo et al. (2013) proposent une synthèse des définitions proposées dans la littérature. Ces dernières sont présentées au Tableau 1.1 à la page 14. On note à la lecture de ces définitions que la notion de talent peut être abordée selon deux grandes approches : le talent en tant que 2 Traduction libre de Michaels et al., 2001 : "( ... ) the sum of a person's abilities-his or her intrinsic

gifts, skills, knowledge, experience, intelligence, judgment, attitude, character and drive. It also includes his or ber ability to leam and grow."

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caractéristique des individus (l'approche objet) et le talent en tant qu'individu ou groupe d'individus (l'approche sujet) (Gallardo-Gallardo et al., 2013).

L'approche objet perçoit le talent en tant qu'habileté~ savoir et compétence (Thunnissen et al., 2013). Thunnissen et al. (2013) soutiennent que cette approche est reliée à la théorie de l'habileté-motivation-opportunité (AMO) (Appelbaum, Bailey, Berg, & Kalleberg, 2000) selon laquelle la performance de l'employé est reliée à ses habiletés, sa performance ainsi qu'à ses opportunités de performer (Boxall et Purcell, 2011 ). Les principales caractéristiques étudiées par Gallardo-Gallardo et al. (2013) dans cette approche incluent le talent en tant que don naturel, en tant qu'expertise, en tant qu'engagement, et en tant que «fit». Dans le même sens, Myers et al. (2013) ont identifié d'autres dimensions soient, le talent en tant que force et le talent en tant que méta-compétence.

Selon la deuxième grande approche, l'approche du sujet, le talent renvoie aux personnes possédant des compétences et des habiletés spécifiques ( Gallardo-Gallardo et al., 2013, Thunnissen et al., 2013). Cette approche peut-être est scindée en deux courants. Le premier estime que tous les employés de l'organisation sont des talents (l'approche inclusive). Le deuxième estime quant à lui que seul un groupe d'employés peut être considéré comme tel (l'approche exclusive). Ces derniers sont généralement appelés les talents, les hauts performants et/ou les hauts potentiels. L'approche du sujet trouve son origine dans la théorie basée sur les ressources (Barney, 1991 ), car elle conçoit ces employés comme des ressources précieuses, rares, inimitables et difficiles à remplacer. Nous détaillons ci-après ces deux approches.

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Tableau 1.1 · Les différentes définitions du « talent »

Source Definition of talent Gagné (2000) Williams (2000)

Williams (2000)

Buckingham and Vosburgh (2001)

Jerieo (2001) Michaels et al. (2001) Lewis and Heckman (2006) Tansley, Harris, Stewart. and Turner (2006)

Stahl et al. (2007) Tansley et al. (2007) Ulrich (2007)

Cheese, Thomas, and Craig

(2008)

Gonzalez-Cruz et al. (.2009) Silzer and DoweJI (2010)

Silzer and Dowen (2010)

Silzer and Dowen (2010)

Betbke--Langenegger (2012

Ulrich and Smallwood (2012)

1

Different definitions of talent in the world of work. Definition of talent

"( ... ) superior mastery ofsystematically developed abilities or skills" (p. 67)

"describe those people who do one or other of the following: regularly demonstrate exceptional ability- and achievernent - either over a range of activities and situations, or within a specialized and narrow field of expertise; consistently indicate high competence in areas of activity that strongly suggest transferable, comparable abŒty in situations where they have yet to be tested and proved to be highly effective, i.e. potential." (p. 35)

"Talent should refer to a person's recuning patterns of thought, feeling, or behavior that can be productively applied." (p. 21)

"The implemented capacity of a committed professional or group of professionals that achieve superior results in a particu)ar cnvironmcnt and organization." (p. 428; translation ours)

"( ... ) the sum of a person's abilities-his or her intrinsic gifts, skills, .knowledge, experience, intelligence, judgment, attitude, character and drive. It also includes bis or her ability to leam and grow." (p. xii) "( ... ) is essentially a euphemism for 'people"' (p. 141}

"Talent can be considered as a complex amalgam of employees' skills, knowledge, cognitive ability and potential. Employees' values and work preferences are also of major importance.'' (p. 2)

"a select group of employees - those that rank at the top in tenns of capability and performance - rather than the entire workforce". (p. 4)

"Talent consists of those individuals who can make a difference to organizational performance, either through their immediate contribution or in the longer-tenn by dèmonstratfag the highest levels of potential." (p. 8) "Talent equals competence [able to do the job] times commitment [willing to do the job] times contribution [finding mcaning and purpose in their work]" (p. 3)

"Essentially, talent means the total of all the experience, knowledge, skills, and behaviours that a person bas and brings to work." (p. 46)

"A set of competencies that, being developed and applied, aJfow the person ro perform a certain mie in an excellent way." (p 22; translation ours)

"( ... ) in some cases, 'the talent' might refer to the entire employee population." (p. 14)

"In groups talent can refer to a pool of employees who are exceptional in their skil 1s and abilities either in a specific technical area (such as software graphies skills) or a competency (such a consumer marketing talent), or a more general area (such as general managers or high-potential talent). And in some cases, "the talent" might rcfer to the entire employee population." (pp. 13-14)

"An individual's skills and abilities (talents) and what the person is capable ofdoing or contributing to the organiz.ation." (p. 14) "we understand talent to be one ofthose worker who ensures the competitiveness and future of a company (as specialist or leader) through his organisational/job specific qualification and knowledge, his social and methodical competencies, and his characteristic attributes such as eager to learn or achievement oriented" (p. 3)

"we understand talent to be one ofthose worker who ensures the competitiveness and future of a company (as specialist or leader) through his organisational/job specific qualification and knowledge, bis social and rnethodical competencies, and his characteristic attributes such as eager to leam or achievement oriented" (p. 3) "Talent= competence [knowledge, skills and values reguired for todays' and tomorrows' job; right skills, right place, rightjob, right time] x commitment [willing to do the job] x contribution [finding meaning and pwpose in their job]" (p. 60)

(24)

Source : Gallardo-Gallardo et al. (2013).

1.2.1 L'approche objet

1.2.1.1 Le talent en tant que don naturel

Pour Meyer et al (2013), le talent est d'abord un don. Selon Vinkhuyzen, Van Der Sluis, Posthuma, et Boomsma (2009), les individus ayant des performances extraordinaires dans les domaines des mathématiques, des sports, de la musique, de la physique, des arts ou bien d'autres domaines ont des dons spécifiques-leur permettant d'atteindre ces résultats. Plusieurs auteurs en gestion des ressources humaines estiment que le talent est d'abord inné (Gallardo-Gallardo et al., 2013). Hinrichs (1966), à titre d'exemple, définit le talent comme :

... un mélange unique entre l'intelligence plus un certain degré de créativité ou

bien la capacité d'aller au-delà des stéréotypes préétablis et trouver des solutions innovantes au problème dans son quptidien plus une habilité personnelle le rendant efficace dans sa relation avec ses collègues, ses supérieurs et ses subordonnés. 3 (Hinrichs, 1966 p.11 ).

D'autres auteurs des temps modernes comme Buckingham et Vosburgh (2001) partagent aussi cette idée selon laquelle les compétences et les connaissances peuvent être facilement acquises tandis que le talent se rapporte à des caractéristiques beaucoup plus durables et uniques, il est donc quasi impossible que le talent puisse être matière à apprentissage ou à enseignement. Le fait de savoir si le talent est inné ou bien acquis, stable ou développable a des répercussions importantes sur les 3 Traduction libre de Hinrichs, 1966, p.11 : "( ... ) a unique mix of innate intelligence or brain power,

plus a certain degree of creativity or the capacity to go beyond established stereotypes and provide innovative solutions to problems in his everyday world, plus persona! skills which make him effective in his relationships with his peers, his superiors, and his subordinates"

(25)

pratiques de gestion des ressources humaines, puisque la réponse à ces questionnements permet de déterminer sur quel pilier l'organisation peut ou doit concentrer ses efforts.

1.2 .1.2 Le talent en tant qu'expertise

Si les études précédentes s'entendent sur le fait que le talent est inné, d'autres auteurs considèrent que la formation, le développement et l'expérience sont les principaux facteurs déterminants d'une excellente performance (Meyers et al., 2013). Pour Gallardo-Gallardo et al. (2013 ), le talent est aussi une question de maîtrise «mastery» conceptualisée autour de la pratique et l'apprentissage par l'expérience. Pour Pfeffer et Sutton (2006), le talent dépend toujours de l'expérience et de l'effort. Les partisans de ce courant de pensée estiment que la pratique délibérée «deliberate practice» est le prédicteur le plus important de la performance (Meyers et al., 2013 ). La pratique· délibérée, selon Bruin, Smits, Rikers, et Schmidt, 2008, p.474, est

une pratique qui est conçue principalement pour améliorer la performance, possède un niveau de difficulté, implique un feedback informatif et offre

d'amples opportunités pour la répétition et la correction des erreurs. 4

Dans le domaine organisationnel, Geoff Col vin (2010) affirme que tout individu peut devenir un top performant s'il investit suffisamment de temps dans la pratique délibérée. De plus, selon une étude menée par Ericsson, Prietula, et Cokely (2007), exception faite de la taille et la corpulence d'un individu, aucun autre facteur inné ne peut influencer la performance, ce· qui tend à soutenir le fait que le talent est acquis par l'apprentissage et l'expérience.

4 Traduction libre de Bruin et al., 2008 : "( ... )practice that (1) is primarily directed at performance

improvement, (2) is of adequate difficulty, (3) involves informative feedback, and (4) provides ample opportunity for repetition and correction of errors"

(26)

1.2.1.3 Le talent en tant que force

Dans la conceptualisation proposée par Meyers et aL (2013) ainsi que celle de Dries (2013), le talent se matérialise également en tant que force. La force, telle que définie par la littérature sur la psychologie positive, est « la science qui traite des expériences subjectives positives, des traits positifs individuels, et des institutions positives»

(Seligman et Csikszentmihalyi, 2000, p. 5). Autrement dit, le talent désigne les caractéristiques d'une personne qui lui permettent de bien performer ou de donner le meilleur de soi (Wood, Linley, Maltby, Kashdan, et Hurling, 2011). C'est aussi « le

potentiel pour l'excellence» selon Seligman et Csikszentmihalyi (2000). Selon

Biswas-Diener et al. (2011), les exemples de force sont la créativité, la bienveillance, la prudence, la gratitude et la justice. Les auteurs soutiennent que chaque individu possède certaines forces et qu'il les utilise accompagnées de sentiments positifs tels que la revigoration, une forte énergie, la motivation intrinsèque, l'authenticité et l'épanouissement. Ces caractéristiques sont souvent conceptualisées comme des traits de caractère partiellement innés, mais peuvent être développées à un certain niveau (Biswas-Diener et al., 2011).

1.2.1.4 Le talent en tant que méta-compétences

Les compétences constituent une manifestation comportementale du talent selon Boyatzis (2008). Ces compétences sont généralement évaluées en contexte de développement de leadership, de décisions de promotion et de plans de succession (Campion et al., 2011). Les grands groupes de compétences sont les connaissanées, les habiletés, les aptitudes et les caractéristiques personnelles (Campion et al., 2011; Hoge et al., 2005). Selon les auteurs, les connaissances ainsi que les habiletés peuvent

(27)

être développées par la plupart des gens tandis que les aptitudes et les caractéristiques personnelles sont des attributs stables. Certaines compétences sont considérées comme des méta-compétences, car elles facilitent l'apprentissage, l'adaptabilité, ainsi que le développement. Ces compétences sont principalement l'intelligence générale (Schmidt et Hunter, 2000), l'agilité d'apprentissage (Briscoe et Hall, 1999; Lo Presti, 2009; Spreitzer, McCall, et Mahoney, 1997), ainsi que l'intelligence émotionnelle (Dries et Pepermans, 2007).

1.2.1.5 Le talent en tant qu'engagement

Cette dimension du talent considère à la fois, l'engagement envers la tâche et envers

l'organisation (Gallardo-Gallardo et al., 2013). L'auteur s'inspire de la conceptualisation de Pruis (2011) définissant l'engagement comme un élément intrinsèque qui dirige la concentration, l'attention ainsi que le dévouement d'une personne. Le talent est également perçu par certains auteurs comme étant lié à la

volonté, la persévérance, la motivation, l'intérêt et la passion (Weiss et MacKay, 2009). Pour Ulrich (2007), le talent en tant qu' engagement renvoie à la volonté des

employés d'investir leur énergie de façon discrétionnaire dans le succès de leur organisation et aligner les buts personnels avec ceux de l'organisation. Cependant, cette dimension est plutôt complémentaire aux autres approches ( Gallardo-Gallardo et al., 2013) et ne peut compenser une lacune dans l'une des composantes du talent telles que la compétence (Ulrich et Smallwood, 2012).

1.2.1.6 Le talent en tant que «Fit»

Gallardo-Gallardo et al. (2013) propose également une autre conceptualisation du talent, soit celle du «Fit». Autrement dit, est-ce qu'il y a une harmonie et une cohérence entre l'individu et son contexte de travail? Selon l'auteur, cette approche

(28)

soulève la question du contexte, mettant la lumière le fait que le talent n'est ni absolu ni objectif, le talent est relatif et subjectif. En effet, selon Pfeffer (2001), l'environnement, la culture de l'organisation ainsi que la nature du travail sont to,us des éléments qui peuvent influencer la définition ainsi que l' opérationnalisation du talent. La question du contexte nous ramène à se questionner sur la transf érabilité du

talent. Est ce qu'un individu va performer de la même manière dans des contextes différents? Cette question a été soulevée par Dries (2013) pour savoir si le talent est dépendant ou indépendant du contexte. Groysberg, McLean, et Nohria, 2006 ont démontré que dans certains cas des «tops performants» voient leur rendement diminuer considérablement lorsqu'ils changent de contexte organisationnel. Selon les auteurs, le talent n'est pas toujours transférable d'un contexte à l'autre.

1.2.2 L'approche sujet

Contrairement à l'approche objet que nous venons de présenter, l'approche sujet conçoit le talent en tant qu'individus qui sont perçus comme un« capital» ayant une contribution à valeur ajoutée pour l'organisation. Ceci dit, il existe deux courants de pensée sur l'attribution de ce qualificatif, le premier courant prône une approche inclusive et le deuxième courant défend une approche exclusive à l'identification de talents. L'élément déterminant entre les deux approches est la réponse à cette question : est ce que les employés sont tous des talents ? Ce questionnement en soulève d'ailleurs un autre qui est important pour les dirigeants et gestionnaires : est-ce que l'organisation doit investir ses ressourest-ces dans le développement de tous les employés ou bien est-ce qu'elle devrait investir de manière différenciée dans certains employés ou certains postes? (Gallardo-Gallardo et al., 2013). En d'autres termes, l'entreprise devrait-elle investir dans tous ses employés de manière égale ?

(29)

1.2.2.1 L'approche inclusive :

Selon les auteurs (Buckingham et V osburgh, 2001 ; Cappelli et Keller 2014 ; Dries, 2014; Gallardo-Gallardo et al., 2013 ), l'approche inclusive suppose que le programme de gestion des talents devrait s'appliquer à l'ensemble des employés d'une organisation. L'argument central autour de cette approche est que tous les employés sont des talents possédant des compétences et des forces qui pourraient être potentiellement source de valeur ajoutée et ainsi d'avantages compétitifs (Cappelli et Keller 2014, Gallardo-Gallardo et al., 2013). D'après l'analyse de Cappelli et Keller · (2014 ), l'approche inclusive s'est développée en réponse aux concepts égalitaires des années 1960 et 1970. Cette période est marquée par les réglementations du travail qui appellent à un traitement équitable des employés en matière de prestations de retraite et d'assurance sociale (Cappelli et Keller, 2014). Certaines expériences comme celle de Cisco ont démontré que le fait d'intégrer tous les employés dans un programme de gestion des talents a pu générer des résultats positifs pour l'organisation (O'Reilly et Pfeffer, 2000). Ceci tient au fait qu'ils ont pu profiter des compétences, habiletés et forces de tous leurs employés.

Certains auteurs estiment que chaque individu est un talent qui possède des ·habiletés et des compétences qu'il met à la disposition de son organisation (Tulgan, 2001). Il est donc nécessaire pour cette dernière de profiter de tous ses talents, de leurs connaissances, de leurs compétences et de leurs forces, afin de réussir dans l'air de l'économie du savoir. Un autre argument de poids qui vient soutenir l'approche inclusive est que la vraie richesse d'une organisation est créée par son capital humain (Lepak et Snell, 2002), ce sont eux qui déterminent la performance organisationnelle (Crain, 2009 ; Gallardo-Gallardo et al., 2013).

Pour les partisans de l'approche inclusive, l'organisation est responsable de trouver la force inhérente à chacun de ses employés et ensuite le développer en procurant les

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connaissances et compétences nécessaires et lui permettre d'occuper un poste dans lequel il pourra exercer des fonctions en adéquation avec ses compétences (Buckingham et V osburg, 2001 ). Ainsi, l'organisation doit créer des programmes de gestion des talents qui permettent de personnaliser les activités de formation et de développement en fonction des besoins des employés et essayer de les insérer dans des postes qui correspondent à leurs profils. Ceci nous ramène à l'approche basée sur le talent ou basée sur la force prônée par certains chercheurs comme Buckingham et V osburg (2001) qui définissent cette approche comme :

l'art de détecter les sphères de force naturelles de chaque employé et de

trouver le moyen d'aider chaque employé à développer les compétences ainsi

que le savoir nécessaire pour transformer ces talents en une performance réelle.5

Selon les auteurs, le fait d'inclure tous les employés et de suggérer des attentes en harmonie avec leurs forces les poussera à déployer toutes leurs forces naturelles en faveur de l'organisation (Buckingham et Vosburg, 2001). L'objectif de cette approche est d'élever la performance de chaque employé au plus haut niveau possible en fonction des compétences et forces individuelles, ceci garantit un vrai développement (Buckingham et V osburg, 2001 ).

Le point de vue inclusif en gestion des talents est partagé par d'autres auteurs comme Warren (2006). L'auteure a interrogé certains dirigeants d'organisation au Royaume-Uni sur les approches et pratiques adoptées en matière de gestion, tous ces dirigeants étaient en accord sur le fait qu'un programme de gestion des talents ne doit pas se concentrer sur un seul groupe d'employés. D'une part, pour maximiser la

5 Traduction libre de Buckingham et Vosburg, 2001, p. 22 : "Strength-building is the art ofrecognizing

where each employee's areas of natural talent lie, and figuring out how to help each employee develop the job-specific skills and knowledge to tum those talents into real performance."

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performance de l'organisation, il faut penser à maximiser la performance de toute la main d'œuvre. Et d'autre part, chaque individu peut mieux performer avec la formation, l'apprentissage et le développement nécessaires. Toutefois, elle nuance en précisant qu'il ne s'agit pas d'inclure tous les employés dans le programme de gestion des talents au même degré. Enfin, l'auteur fait le constat qu'une gestion des talents exclusive ne permet pas, nécessairement, de profiter des compétences de tous les employés, une approche inclusive serait plus profitable pour l'organisation.

L'approche inclusive à la définition de talent comporte toutefois des difficultés. En effet, le fait d'intégrer l'ensemble des employés dans le programme de gestion de talent crée une confusion entre la gestion des talents et la gestion stratégique des ressources humaines. Il apparaît plus difficile de différencier les deux concepts, car si l'organisation considère tous ses employés comme talents, la gestion des talents n'est autre que de la gestion efficace des ressources humaines ( Cappelli et Keller 2014 ; Dries, 2013; Gallardo-Gallardo et al., 2013). La deuxième critique que les auteurs reprochent aux défenseurs de l'approche inclusive est relative aux coûts. Cette critique constitue un point focal dans la distinction entre l'approche exclusive et inclusive (Colling et Mellahi, 2009; Gallardo-Gallardo et al., 2013). En effet, l'approche inclusive peut s'avérer coûteuse pour l'organisation, car elle implique un investissement marqué dans l'ensemble des employés de l'organisation et exige de personnaliser les activités de développement et formation à chaque employé afin qu'il développe son plein potentiel (Cappelli et Keller 2014; Colling et Mellahi 2009). 1.2.2.2 L'approche exclusive

L'approche exclusive, quant à elle, est basée sur la notion de segmentation ou de différenciation de la main-d'œuvre et positionne les talents comme une élite dans l'organisation créatrice de valeur ajoutée (Gallardo-Gallardo et al., 2013). Cette

(32)

approche est dominante dans la littérature (Cappelli et Keller, 2014; Gallardo-Gallardo et al., 2013 ; Colling et Mellahi 2009). Elle est appuyée par la théorie de l'optimisation des ressources (Majumdar, 1998) et en accord avec l'effet Matthews selon lequel des investissements différenciés permettent de créer un meilleur rendement global (Bothner et al., 2011).

L'approche exclusive suggère que les organisations devraient investir disproportionnellement leurs ressources dans les individus vis-à-vis desquels ils ont plus d'attentes (Collings et Mellahi, 2013). Elle repose sur les théories du capital humain et des ressources selon lesquelles les employés ne possèdent pas la même valeur, car ils ne contribuent pas de la même façon à la création de l'avantage compétitif (Barney, 1991; Becker, 1964; Flamholtz et Lacey, 1981; Schultz, 1961). Selon la théorie des ressources de Barney (1991), pour que le capital humain puisse créer un avantage compétitif soutenu, il doit être de valeur, rare, inimitable et non transférable (Barney 1991). Selon Lepak et Snell (1999), la valeur du capital humain dépend de son potentiel à contribuer à la création de l'avantage compétitif de l'organisation. De ce fait, les auteurs (Axelrod et al., 2002; Collings et Mellahi 2009; Michaels et al., 2001) en déduisent qu'il faut identifier des catégories d'employés selon leur valeur et développer des stratégies de ressources humaines différentes pour chacun de ces groupes. Les talents seront donc ces employés à haute valeur ajoutée que l'on distinguera des autres employés de l'organisation. La question qui se pose alors est à savoir sur quelles bases cette valeur ajoutée peut être évaluée. Deux critères sont traditionnellement utilisés en milieu organisationnel, soit la performance et le potentiel.

Selon Mey ers et al. (2013 ), le talent peut être défini par les résultats réalisés et les comportements observés dans le présent et non par les contributions nécessaires (savoir, compétences, habiletés) à la réalisation des résultats. Dries et Pepermans (2008) suggèrent que le rendement est plus facilement mesurable que les

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contributions telles que le potentiel et, pour cette raison, il est très courant pour les organisations d'utiliser les évaluations de rendement pour identifier les talents. L'identification des talents par l'évaluation du rendement est très courante et appuyée dans la littérature (Grote, 2005; Subotnik, Olszewski-Kubilius et Worrell, 2011; Welch & Welch, 2005). Toutefois, certaines réserves sont émises quant aux possibilités de biais des outils d'évaluation (Cappelli et Keller, 2014).

On peut également identifier le talent par le potentiel, soit « . la possibilité que les individus puissent devenir meilleurs que ce qu'ils sont actuellement » (Silzer et Church, 2009), en d'autres termes, le talent n'est pas encore visible (Yost & Chang, 2009). Selon Meyers et al. (2013), ceci implique que le potentiel est partiellement inné, mais nécessite d'être développé pour accomplir une excellente performance. Selon Ulrich et Smallwood (2012), un nombre restreint d'employés sont identifiés en tant qu'individus ayant un haut potentiel. Toutefois, il existe certains défis autour de l'identification des hauts potentiels en raison des difficultés à évaluer le potentiel des employés et à prévoir le rendement futur dans les nouveaux rôles (Cascio et Aguinis 2008 cités dans Cappelli et Keller, 2014). Les gestionnaires se rabattent donc sur un amalgame de critères liés au potentiel et à· la performance afin d'identifier ce groupe d'individus qu'on décrit dans la pratique comme des« hauts potentiels», des« hauts performants» ou tout simplement des «talents». Ainsi, Bentein et al. (2012) décrivent ce groupe d'employés comme:

Des individus qui possèdent des qualités supérieures, rares et remarquables dans l'organisation, qui leur permettront de se développer pour contribuer au succès futur de l'organisation, en démontrant une performance élevée dans des postes clés.

1.3 La gestion des talents: une approche de différenciation de la main-:-d'œuvre

Dans la section précédente, nous avons présenté les deux principales approches qui nous permettent d'aborder la notion de talent: sujet et objet. Aussi, bien que les

(34)

auteurs soutiennent l'existence de ces deux approches, dans la pratique, on observe une prédominance marquée de l'approche au talent centrée sur le sujet dans une perspective majoritairement exclusive (Cappelli et Keller, 2014; Collings et Mellahi, 2009; Lewis et Heckman, 2006 ). Dans cette perspective, la gestion des talents est vue· comme

L 'ensemble des activités et processus qui impliquent l'identification systématique des positions clés dont la contribution est substantielle en matière d'avantage compétitif soutenu, le développement d'un bassin· de hauts potentiels qui occuperont ces postes stratégiques et la mise en place d'une architecture de ressources humaines différenciée qui leur facilitera l'accès à

ces postes et assurera leur engagement continu envers l'organisation. 6

(Collings et Mellahi, 2009).

Trois éléments ressortent de cette définition. D'abord, la question des postes stratégiques. L'idée de cette distinction est de différencier . les postes qui ont un impact marginal sur l'organisation de ceux qui ont un impact supérieur à la moyenne (Boudreau et Ramstad, 2007). Les deux postes ne doivent pas être considérés de la même manière. Ces postes stratégiques ne sont pas nécessairement dans la haute direction, ils peuvent se trouver à des niveaux hiérarchiquement moins importants,

mais doivent contribuer à l'avantage compétitif de l'organisation. Le deuxième élément de cette définition met l'accent sur le développement d'un bassin de« talents

» ou « haut potentiel » pour remplir les rôles qui contribuent de façon marquée à

l'avantage concurrentiel durable de l'organisation (Collings et Mellahi, 2009). Enfin, le troisième et dernier élément de cette définition est l'importance d'une architecture 6 Traduction libre de Collings et Mellahi, 2009 : "( ... )as activities and processes that involve the

systematic identification of key positions which differentially contribute to the organisation's sustainable competitive advantage, the development of a talent pool of high potential and high performing incumbents to fill these roles, and the development of a differentiated human resource architecture to facilitate filling these positions with competentincumbents and to ensure their continued commitment to the organisation."

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différenciée des ressources humaines pour pourvoir les postes clés · au sem de l'organisation de titulaires compétents et assurer leur engagement continu envers l'organisation (Collings et Mellahi, 2009). La particularité de cette architecture, conçue spécifiquement pour ces « talents », est l'investissement considérable alloué à

ce groupe d'employés en matière de formation, de développement, de rémunération et de rétention (Cappelli et Keller, 2014).

Globalement, l'objectif principal des programmes de gestion des talents est de recruter, développer et retenir les employés «talents». Les organisations doivent donc mettre en place des pratiques RH qui visent à développer et faire progresser leur

bassin de talents (Silzer et Church, 2010). Par conséquent, ce petit groupe de salariés reçoit plus de l'organisation en matière de mentorat, de programmes de développement accélérés et de possibilités promotionnelles (Campbell et Smith, 2010). Par exemple, une des pratiques courantes consiste à élaborer des plans de

développement personnalisé répondant à la fois aux impératifs stratégiques de l'organisation et aux besoins et aspirations des talents (Dries et De Gieter, 2014; Fulmer et al., 2009). Ces programmes utilisent une panoplie d'activités telles que les pistes de développement de leadership spécialisées, les opportunités d'apprentissage spécialisées, le coaching, le mentorat, l'apprentissage par l'action à travers des projets spécifiques, et le développement par des affectations étendues (Fulmer et al., 2009). Fulmer et al. (2009) soulignent que la particularité des programmes de gestion des talents réside dans l'implication et le soutien de la haute direction dans leur élaboration et leur mise en œuvre (Fulmer et al., 2009). De plus, ces programmes sont caractérisés par un rythme accéléré. En d'autres termes, l'organisation s'attend à

confier les postes stratégiques à leurs employés talents dans une période de temps

prédéterminée (Campbell et Smith, 2010). La durée de cette période varie d'un à cinq

ans selon la littérature (Campbell et Smith, 2010; Fulmer et al., 2009; Iles et al., 2010).

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Selon Campbell et Smith (2014 ), non seulement l'ensemble des pratiques en matière de gestion des talents représente un avantage pour ces derniers, mais le fait d'être identifié comme talent leur procure d'autres avantages du fait qu'ils bénéficient d'une plus grande visibilité dans l'ensemble de l'organisation. Cette visibilité leur permet d'avoir plus de possibilités de développement et d'encadrement et d'être reconnus par d'autres membres de l'organisation. Les employés talents sont également invités plus souvent dans les réunions de la haute direction et leurs opinions sont entendues et prises en considération (Campbell et Smith 2014). Ainsi, les pratiques qui font partie des programmes de gestion des talents servent non seulement à développer les employés qu'on juge à haut potentiel, mais constituent également un moyen de retenir ces derniers, car leur départ pourrait avoir des conséquences négatives sur les résultats de l'organisation (Kwon et Rupp, 2013).

Vu les avantages des programmes de gestion de talents pour les employés qu'on identifie comme« talent», on peut déduire qu'ils procurent, à ceux qui détiennent ce statut une place importante dans l'organisation. Ceci dit, on peut donc s'attendre à certaines réactions autant de la part des « talents » que de la part des autres employés n'ayant pas été identifiés comme tels. En effet, Campbell et Smith (2010) ont mené une enquête qui a révélé que 77 % des répondants accordent une grande importance au fait d'être identifié comme talent et que seulement 14 % des employés identifiés comme tels cherchent activement du travail.

1.4 La réaction des individus au statut de talent

Comme le statut de talent peut conférer différents avantages aux employés qui en bénéficient, il apparaît légitime de se questionner sur l'impact de celui-ci sur les employés de l'organisation. Jusqu'à présent, malgré l'intérêt des chercheurs quant

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aux effets de la différenciation de la main-d'œuvre en contexte de gestion des talents, on note encore bien peu de recherches empiriques qui ont évalué l'effet du statut de talent sur les employés. À notre connaissance, seules trois études empiriques ont été menées sur le sujet, celles de Bjorkman et al. (2013), de Gelens et al. (2014) et de Gelens et al. (2015).

Dans leur étude, Bjorkman et al. (2013) ont démontré un lien entre la perception des employés quant à leur statut de haut potentiel et certaines attitudes : -engagement envers la croissance de la performance exigée, développement des talents, soutien aux priorités stratégiques, identification à l'unité d'affaires et l'entreprise multinationale, ainsi que l'intention de quitter. Pour identifier le statut des employés participants à l'étude, ils ont posé la question suivante: «Avez-vous été formellement.identifiés en tant que talent par votre organisation?» Cette question a permis de former trois catégories : ceux qui ont répondu que oui, ceux qui ont répondu que non et ceux qui on répondu qu'ils ne le savaient pas. La particularité de cette recherche est que les entreprises où l'étude a été nienée ne communiquaient pas formellement le statut à leurs employés. L'étude de ces chercheurs a révélé des différences significatives entre ceux qui perçoivent qu'ils ont été identifiés comme «talent» et à la fois ceux qui perçoivent qu'ils n'ont pas été identifiés comme tels et ceux qui ne savent pas.

D'abord, en comparant ceux qui perçoivent qu'ils ont été identifiés avec ceux qui ne l'ont pas été, les chercheurs ont constaté que les employés du premier groupe sont plus susceptibles d'être associés à toutes les attitudes examinées.soient l'engagement envers la croissance de la performance exigée, le développement des talents, le soutien aux priorités stratégiques, ainsi que l'intention de quitter, à l'exception de l'identification avec l'unité et l'entreprise multinationale. Deuxièmement, les chercheurs ont constaté que ceux qui perçoivent qu'ils ont été identifiés comme talent sont plus susceptibles que ceux qui ne connaissent pas leur statut d'être associés à toutes les attitudes examinées, à l'exception de l'intention de quitter. En d'autres

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termes, ceux qui perçoivent qu'ils sont identifiés comme talent et ceux qui ne le savent pas ont la même probabilité de quitter l'entreprise.

Ensuite, Gelens et al. (2014) ont réalisé une étude pour examiner comment la perception de la justice distributive et procédurale affectait la relation entre le statut de talent et la satisfaction au travail et l'effort au travail. Cette étude fut menée dans une grande entreprise qui opte pour une communication transparente des statuts de leurs employés. Un questionnaire a été distribué aux deux groupes d'employés les «talents» et les employés non identifiés comme tel. À la lumière des résultats, les auteurs ont pu constater que les talents et les non-talents réagissaient différemment aux pratiques de différenciation de la main-d'œuvre et que ces réactions étaient affectées par la façon dont les gens percevaient ces pratiques. Ainsi, les résultats confirment que les perceptions de la justice distributive étaient significativement plus élevées pour les employés identifiés comme talents. De plus, la perception de justice distributive expliquait entièrement la relation entre le statut de l'employé et son niveau de satisfaction au travail. Les résultats ont également révélé que les perceptions de justice procédurale modéraient la relation entre la perception de justice distributive et l'effort au travail.

Plus récemment, Gelens et al. (2015) ont examiné comment la perception du soutien organisationnel affecte la relation le statut de «talent» et l'engagement affectif. Les chercheurs ont réalisé deux études dans des populations de «talents» différentes. Dans les deux cas, un questionnaire a été distribué aux employés désignés comme «talents» et à des employés faisant partie d'un groupe témoin. Les résultats des deux études ont montré que les perceptions du soutien organisationnel étaient nettement plus fortes pour les employés qui étaient désignés comme talents. De plus, la perception du soutien organisationnel agissait comme médiateur dans la relation entre la désignation d'un employé comme« talent» et son engagement affectif envers l'organisation dans les deux études.

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Notre recension des écrits sur les réactions des employés au statut de talent montre qu'il reste encore beaucoup à explorer sur le sujet. Dans ce mémoire, nous nous concentrons sur l'effet du statut de talent sur l'intention de quitter des employés. À la lumière des résultats obtenus par Bjorkman et al. (2013), il semble que l'intention de demeurer ou de quitter l'organisation soit liée à la perception des employés quant à leur statut de talent (ou non). Ceci dit, jusqu'à aujourd'hui aucune étude n'a examiné pourquoi le statut de talent (ou non) aurait une influence sur l'intention de demeurer ou quitter l'organisation. Nous proposons dans ce mémoire de nous attarder à 'deux mécanismes intermédiaires pouvant expliquer cette relation, soit la perception de justice distributive et l'estime de soi organisationnelle. Nous présentons notre modèle d'analyse et nos hypothèses dans le chapitre suivant.

Figure

Tableau 1.1  · Les différentes définitions du « talent »
Figure 2.1  : L'effet médiateur de la perception de justice distributive et de l'estime de  soi organisationnelle sur l'intention de quitter
Tableau 3 .1  : Taux de réponse.
Tableau 3.2: Caractéristiques de l'échantillon  Nb répondants  302  Sexe  Homme  55.00 %  Femmes  43.40 %  Manquant  1.70%  Scolarité  Secondaire  7.30%  Collégial  14.90 %  Universitaire  76.20 %  Autres  1.70%  Âge moyen  40.79  Ancienneté moyenne  12.27
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