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L'adaptation aux changements climatiques et l'aménagement durable du territoire : le cas des municipalités et des MRC québécoises

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L’adaptation aux changements climatiques et

l’aménagement durable du territoire

Le cas des municipalités et des MRC québécoises

Mémoire

Jean-Louis Tedone

Maîtrise en sciences géographiques

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

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L’adaptation aux changements climatiques et

l’aménagement durable du territoire

Le cas des municipalités et des MRC québécoises

Mémoire

Jean-Louis Tedone

Sous la direction de :

Guy Mercier, directeur de recherche

Étienne Berthold, codirecteur de recherche

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Résumé

En raison des changements climatiques, le territoire québécois se retrouve de plus en plus exposé à des événements climatiques extrêmes imprévisibles, dont les conséquences peuvent être dommageables pour la population et les infrastructures. Dans ce contexte, et afin de réduire les vulnérabilités sur leur territoire, certaines villes québécoises (Montréal, Trois-Rivières, Sherbrooke et Laval) ont adopté des plans d’adaptation aux changements climatiques. Mais qu’en est-il des autres municipalités et des municipalités régionales de comté (MRC)? À partir des résultats de l’analyse du Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques (PACC 2006-2012), du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques (PACC 2013-2020) et de la Stratégie d’adaptation aux changements climatiques 2013-2020 du gouvernement du Québec, ainsi que d’entrevues effectuées auprès de gestionnaires municipaux de 31 municipalités et MRC, il est démontré que, malgré les incitations étatiques, peu d’entre elles ont les outils, les connaissances, les moyens financiers ou la volonté politique pour faire face aux aléas climatiques présents et futurs, ce qui, dans leur cas, ralentit passablement la transition urbanistique qu’exigent les circonstances climatiques actuelles. Conscients de ces freins, nous proposons des pistes de solution en vue d’encourager la prise en compte de l’adaptation aux changements climatiques dans les documents de planification et dans la réglementation québécoise en urbanisme dans le contexte d’une éventuelle révision de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

Mots-clés : adaptation aux changements climatiques, organisations municipales, urbanisme résilient.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... III TABLE DES MATIÈRES ... IV LISTE DES TABLEAUX ... V LISTE DES FIGURES ... VI LISTE DES PRINCIPAUX ACRONYMES ... VII REMERCIEMENTS ... VIII

INTRODUCTION ... 1

1. LA PLACE DE L’ADAPTATION DANS LA LUTTE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES ... 6

1.1. L’ÉVOLUTION DE LA PENSÉE ENVIRONNEMENTALE DEPUIS 1945 ... 6

1.2. L’ADAPTATION : L’AUTRE ASPECT DE LA LUTTE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES ... 12

1.3. ADAPTATION, AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE : UN TRIUMVIRAT INDISSOCIABLE ... 28

2. MÉTHODOLOGIE ... 41

2.1. LA RÉPONSE GOUVERNEMENTALE PROVINCIALE ... 41

2.2. COLLECTE DE DONNÉES AUPRÈS D’ORGANISATIONS MUNICIPALES ... 41

2.3. OBJECTIFS ... 51

3. LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT ET DES ORGANISATIONS MUNICIPALES ... 53

3.1. ACTIONS POSÉES PAR LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC ... 53

3.2. ACTIONS POSÉES PAR LES MUNICIPALITÉS ET LES MRC QUÉBÉCOISES ... 59

4. DES SOLUTIONS CONCRÈTES POUR ENCOURAGER L’ACTION ... 85

4.1. INTÉGRER LE CLIMAT DANS LA PLANIFICATION : UNE COURSE À OBSTACLES ... 85

4.2. DES BARRIÈRES DE NATURES DIVERSES ET VARIÉES ... 87

4.3. POSER DES ACTIONS CONCRÈTES POUR ÉVITER LES OBSTACLES ... 94

CONCLUSION ... 105

BIBLIOGRAPHIE ... 110

ANNEXES ... 119

ANNEXE 1 :TERRITOIRES SÉLECTIONNÉS ... 119

ANNEXE 2 :LISTE DES MUNICIPALITÉS ET DES MRC INTERROGÉES, PAR RÉGION ADMINISTRATIVE ... 122

ANNEXE 3 :ORGANISATIONS MUNICIPALES AYANT PARTICIPÉ AU SONDAGE WEB ... 123

ANNEXE 4 :LE FORMULAIRE D’INFORMATION ET DE CONSENTEMENT ... 139

ANNEXE 5 :GRILLE D’ENTREVUE ... 142

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Résumé des tendances observées et des projections climatiques de divers indices thermiques d’intérêt pour le Québec ... 14 Tableau 2 : Exemples d’actions adaptatives ... 19 Tableau 3 : Options d’adaptation ... 20 Tableau 4 : Émissions par classe de population et par secteur en tonnes

équivalent CO2 des municipalités québécoises en 2012 ... 55 Tableau 5 : Engagement des organisations municipales dans une DIDD ... 59

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Liste des figures

Figure 1 : Urbanisation de la Faute-sur-Mer entre 1963 et 2004 ... 2

Figure 2 : Les étapes d’élaboration d’un plan d’adaptation ... 18

Figure 3 : The Risk Triangle ... 25

Figure 4 : Carte des organisations municipales rencontrées ... 45

Figure 5 : Profession des répondants ... 47

Figure 6 : Carte des organisations municipales ayant participé au sondage Web .. 51

Figure 7 : Aléas climatiques les plus souvent cités par les répondants des entrevues ... 67

Figure 8 : Les raisons de l’intégration de la question climatique dans la planification des organisations municipales québécoises ... 75

Figure 9 : Principales sources d’information des répondants ... 76

Figure 10 : Raisons de la sensibilité de la population face aux aléas climatiques... 83

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Liste des principaux acronymes

ArcGIS : Suite de logiciels d’information géographique AARQ : Association des aménagistes régionaux du Québec CEHQ : Centre d’expertise hydrique du Québec

CNUED : Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement CPTAQ : Commission de protection du territoire agricole

EPA : Agence américaine de protection de l’environnement FQM : Fédération québécoise des municipalités

GES : Gaz à effet de serre

GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat IDF : Intensité, Durée et Fréquence

INSPQ : Institut national de santé publique du Québec ISQ : Institut de la statistique du Québec

LAU : Loi sur l’aménagement et l’urbanisme

MAMOT : ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire

MDDELCC : ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

MSP : ministère de la Sécurité publique MTQ : ministère des Transports du Québec MRC : Municipalité régionale de comté OBV : Organisme de bassin versant ONU : Organisation des Nations unies

PACES : Programme d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines PMSC : Plan municipal de sécurité civile

PPI : Plan particulier d’intervention PU : Plan d’urbanisme

SAD : Schéma d’aménagement et de développement SIG : Système d’information géographique

UICN : Union internationale pour la conservation de la nature UMQ : Union des municipalités du Québec

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Remerciements

Quelle aventure! Depuis 2010 et l’obtention de mon baccalauréat, je n’avais qu’une idée en tête : faire une maîtrise. Mais pas n’importe laquelle. Une maîtrise en sciences géographiques avec comme directeur Monsieur Guy Mercier, un professeur qui m’a tant impressionné pendant mes trois années de premier cycle par sa culture quasi infinie, sa vision poétique, philosophique et tellement hors de l’ordinaire de la géographie. La vie étant remplie d’aléas, tout comme l’est ce mémoire, tel que le constatera le lecteur un peu plus loin, j’ai dû repousser cet objectif de plusieurs années, mais sans jamais l’oublier. De grands événements en plus petits, j’ai enfin pu me lancer en janvier 2015 et M. Mercier m’a accueilli, figurativement, les bras ouverts. Je l’en remercie énormément, de même que je le remercie pour ses conseils précis et si clairvoyants tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Je tiens aussi à remercier les membres de mon comité de direction, Monsieur Étienne Berthold, codirecteur, et Monsieur Francis Roy, pour leurs commentaires précieux. Je remercie également Mesdames Nathalie Barrette, Marie-Hélène Vandersmissen et, encore une fois, Monsieur Francis Roy de m’avoir accepté au sein de l’équipe de recherche du projet d’Atlas interactif de la vulnérabilité de la population québécoise aux aléas climatiques, Ce projet, piloté par des professeurs de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval, en partenariat avec le Consortium Ouranos et l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), et financé par le Fonds Vert du gouvernement du Québec, m’aura permis de côtoyer des chercheurs et des étudiants qui m’ont aidé et soutenu lors de la rédaction de ce mémoire grâce à leurs expertises et leurs connaissances diversifiées.

Je souhaiterais exprimer ma gratitude au comité de direction du CÉLAT pour leur soutien financier via l’obtention de la bourse d’excellence de deuxième cycle du CÉLAT.

Finalement, un gigantesque merci à ma conjointe et meilleure amie, Célia Forget, qui m’a continuellement soutenu, encouragé et secondé dans tous mes projets, sans jugement, mais toujours avec le commentaire juste et honnête, quelquefois un peu rude, de la personne aimante qui ne souhaite que la réussite de l’autre. Ce mémoire lui est dédié, de

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même qu’à nos deux trésors qui resteront, jusqu’à la fin de nos jours, nos plus belles réalisations.

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Introduction

Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia balaya la côte atlantique française et plus particulièrement les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime. Au total, 53 personnes périrent, dont 29 dans la seule commune de la Faute-sur-Mer en Vendée. Selon le Rapport de la Cour des comptes sur les inondations de 2010, bien plus que la force du phénomène météorologique, « la concomitance de ce phénomène avec une marée haute de vives-eaux (coefficient de 102) s’est traduite par une surcote de 1,5 mètre sur le littoral, expliquant une montée des eaux assez exceptionnelle » (Migaud et Bertrand, 2012 : 27). Cette montée des eaux entraîna la rupture de la digue est protégeant la Faute-sur-Mer à l’origine de la submersion des quartiers littoraux.

Quatre ans et demi plus tard, René Marratier, maire de la commune de la Faute-sur-Mer de 1989 à 2014, comparaissait pour homicide involontaire et mise en danger de la vie d’autrui devant le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne. Il lui était notamment reproché d’avoir fait obstruction à la rédaction du Plan de prévention du risque inondation (PPRI) de la préfecture, qui aurait rendu inconstructibles de nombreux terrains, dont ceux qui furent inondés lors de la tempête Xynthia. Au terme d’un procès de trois mois, M. Marratier fut condamné à quatre ans de prison ferme, le juge estimant que les permis de construire accordés par l’ancien maire de la Faute-sur-Mer étaient à l’origine de neuf décès. De plus, dans sa décision, le magistrat affirmait que M. Marratier, en sa qualité de maire, « a été destinataire d’une somme considérable d’informations relatives à la connaissance du risque de submersion marine susceptible d’affecter un jour le territoire de sa commune, notamment dans la partie urbanisée située non loin de la digue est » (La Gazette, 2014 : 96). Finalement, en avril 2016, sa condamnation fut infirmée en partie en appel à deux ans de prison avec sursis ainsi qu’à une interdiction d’exercer une fonction publique à vie.

Par cette décision, le tribunal établissait clairement la responsabilité de M. Marratier, et donc des autorités politiques, dans la protection des populations en regard des risques climatiques, de même qu’il confirmait leur rôle central dans l’aménagement du territoire. On peut en déduire que pour rendre les communautés plus résilientes et leurs milieux viables et sécuritaires, les autorités publiques devront penser l’habitat humain de façon à assurer sa durabilité, non plus seulement

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par la qualité de l’air, son caractère vivable ou son accessibilité, mais aussi en considérant sa vulnérabilité1 et son adaptabilité aux événements climatiques extrêmes.

Figure 1 : Urbanisation de la Faute-sur-Mer entre 1963 et 2004

Source : Rapport de la Cour des comptes sur les inondations, 2010.

Un contexte particulier

Cette réflexion est d’autant plus impérieuse dans le contexte où, selon le quatrième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2014), le climat est, et sera, lourdement modifié par les activités humaines, passées, présentes et futures. Le consensus sur cet aspect est large, autant du côté des scientifiques que des décideurs publics. Afin de limiter l’augmentation des températures terrestres globales à moins de 2 °C d’ici à 2100, les négociations entre les 195 États signataires de la convention-cadre de l’Organisation des Nations unies (ONU)

1 La vulnérabilité est une « condition résultant de facteurs physiques, sociaux, économiques ou

environnementaux, qui prédispose les éléments exposés à la manifestation d’un aléa à subir des préjudices ou des dommages » (Morin, 2008 : 44).

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sur le climat se concentrent plus particulièrement autour de la recherche de solutions d’atténuation, soit de solutions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les discussions concernant l’adaptation aux changements climatiques2 se cantonnent à la situation

spécifique des petits pays insulaires qui seront les premiers touchés par la hausse anticipée du niveau des océans (GIEC, 2007), ainsi qu’au niveau de financement des pays industrialisés au Fonds vert, créé lors du Sommet de Copenhague en 2009, et qui doit permettre aux pays en développement à faire face aux changements climatiques3. Il est rarement question des impacts

anticipés des changements climatiques sur les pays industrialisés qui ont, financièrement parlant, une capacité d’adaptation supérieure aux pays en développement.

Cependant, l’augmentation des événements météorologiques extrêmes, l’une des conséquences principales des changements climatiques (GIEC, 2014), touche l’ensemble de la planète, les pays en développement comme les pays industrialisés. La multiplication des aléas climatiques peut constituer une problématique importante à long terme, puisque les États affectés pourraient voir leur économie pliée sous le poids des coûts toujours plus élevés des catastrophes naturelles (Munich Re, 2015).

De plus, les changements climatiques vécus actuellement sont inédits, étant donné leur ampleur, la vitesse de leur évolution, la responsabilité humaine qui est en cause, de même qu’en raison de la multiplicité de causes reliées entre elles (GIEC, 2007). Il devient donc complexe de mesurer avec exactitude l’efficacité des mesures adaptatives dans un environnement hautement incertain. Et le Québec ne fait pas exception.

Qu’en est-il du Québec?

Selon Ouranos (2015), les changements climatiques affecteront l’ensemble du territoire québécois, mais de diverses façons selon les régions. Alors que le gouvernement québécois a présenté au cours de la dernière décennie plusieurs plans d’action visant à encourager la mise en place de plans d’adaptation à l’échelle locale, seules quatre villes québécoises (Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières et Laval) ont adopté ce type de document. Pourquoi les autres

2 L’adaptation aux changements climatiques « est souvent décrite comme étant un ajustement des systèmes

naturels ou humains en réponse à des modifications actuelles ou attendues du climat afin d’en limiter les impacts ou d’en optimiser les bénéfices » (Adger et al., 2009, p.337).

3 Le pluriel sera utilisé tout au long de ce mémoire se conformant ainsi aux documents du gouvernement du

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municipalités4 et municipalités régionales de comté (MRC)5 ne se sont-elles pas encore lancées

dans une telle réflexion? Quels sont les freins à l’action? Comment est-il possible d’encourager les municipalités et les MRC à mettre en place des mesures adaptatives?

Ce mémoire tente de répondre à ces interrogations en se donnant comme objectif principal d’identifier les organisations municipales québécoises qui intègrent l’adaptation aux changements climatiques dans leur planification territoriale et, le cas échéant, de spécifier les actions qu’elles mettent en place. Plus spécifiquement, il s’agit de déterminer si les organisations municipales québécoises ont entamé une réflexion visant à adapter leur territoire aux conséquences des changements climatiques et d’identifier les raisons qui motivent les décideurs publics québécois à inclure ou non dans leurs documents de planification des mesures d’adaptation.

De plus, nous effectuons une recension des actions posées par le gouvernement du Québec afin d’encourager les organisations municipales québécoises à prendre en considération l’adaptation dans leur planification territoriale et proposons des mesures et des actions visant la prise en compte de l’adaptation dans la réglementation québécoise en urbanisme.

Par conséquent, le premier chapitre, composé de trois parties, problématise le sujet de ce projet de mémoire et en présente le cadre théorique. Tout d’abord, nous effectuons une revue de l’évolution de la pensée environnementale, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la Conférence de Paris sur le climat (COP21) qui a découlé sur l’Accord de Paris sur le climat signé par 195 États en décembre 2015. Il nous est ainsi possible de définir la lutte aux changements climatiques et de déterminer la place de l’adaptation dans les discussions mondiales sur le climat. La deuxième partie de ce premier chapitre est consacrée à la définition de l’adaptation, à l’explication des concepts s’y rattachant, ainsi qu’à son applicabilité. La troisième partie s’attarde, quant à elle, à lier l’adaptation, l’aménagement du territoire et le développement durable. Dans un premier temps, nous revenons sur les théories de l’urbanisme et sur l’histoire de l’aménagement

4 Le terme municipalité est ici entendu comme un générique qui comprend toutes les entités municipales

québécoises, peu importe leur statut juridique spécifique, à l’exception des agglomérations, des municipalités de village cri, naskapi et nordique, de même que des réserves indiennes, des établissements amérindiens, des terres réservées aux Cris ou aux Naskapis, des terres de la catégorie I pour les Inuits et des territoires non organisés. Autrement dit, est ici considérée comme une municipalité toute entité québécoise ayant le titre de cité, ville, municipalité de canton, municipalité de cantons unis, municipalité de paroisse, municipalité ou municipalité de village. Voir le Répertoire des municipalités du Québec.

5 Les MRC sont elles aussi listées dans le Répertoire de municipalités du Québec. Il est à noter que les

municipalités exerçant des compétences de MRC sont considérées dans le présent mémoire comme des municipalités et que les communautés métropolitaines de Montréal et de Québec sont assimilées à des MRC.

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du territoire au Québec dans le but de contextualiser la pratique aménagiste au sein de différentes époques. Ce retour dans le passé nous permet d’expliciter la relation entre l’aménagement et le développement durable, ainsi que les liens étroits entre l’adaptation et l’aménagement du territoire. Nous terminons ce chapitre en détaillant les freins à la prise en compte de l’adaptation dans la pratique aménagiste, tels qu’énoncés dans la littérature.

Afin d’examiner la réponse du gouvernement québécois aux défis que représente l’adaptation aux changements climatiques, le deuxième chapitre de ce mémoire étudie les différents plans de lutte aux changements climatiques présentés par le Québec : le Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques, le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques, la Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques 2013-2020 et la Démarche intégrée de développement durable. Par la suite, nous analysons les résultats d’une large consultation (entrevues semi-dirigées et sondage Web) effectuée auprès d’organisations municipales québécoises dans le cadre de l’élaboration d’un atlas interactif de la vulnérabilité de la population québécoise aux aléas climatiques. Par le fait même, nous sommes en mesure de faire un état des lieux des actions entreprises par les municipalités et les MRC et de déterminer leur niveau de préparation face aux conséquences anticipées des changements climatiques.

Finalement, le troisième chapitre présente les obstacles qui empêchent, le cas échéant, les organisations municipales6 à intégrer dans leur planification territoriale la question de l’adaptation

aux changements climatiques, mais aussi à proposer des solutions visant à contourner ces obstacles et à encourager les municipalités et les MRC à passer à l’action.

6 Appellation générique du gouvernement du Québec regroupant les municipalités, municipalités régionales de

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1. La place de l’adaptation dans la lutte aux changements

climatiques

1.1. L’évolution de la pensée environnementale depuis 1945

Loin de n’être qu’une préoccupation du XXIe siècle, la lutte aux changements climatiques, ou plus

largement la volonté de protéger l’environnement, prend son origine après la Deuxième Guerre mondiale. Dans un contexte où les États européens, portés par le Plan Marshall américain (Kaspi, 2016), devaient reconstruire rapidement leurs infrastructures afin de relancer leur économie, on assiste à une période de forte industrialisation et d’urbanisation rapide qui amènent des bouleversements sociaux et politiques importants. La question environnementale n’est pas une préoccupation majeure pour la société occidentale en mutation. Malgré tout, en 1948 à Fontainebleau dans la banlieue parisienne, une conférence internationale ayant pour sujet la protection de la nature réunit des représentants de gouvernements, des scientifiques et des citoyens issus de 70 pays. Cette conférence, organisée sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), mène à la création de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui regroupe aujourd’hui plus de 1300 organisations membres et 16 000 experts. Appuyant son action sur la délimitation d’aires protégées, à l’image de la création du parc Yellowstone en 1872 au Wyoming, l’UICN se buta au désir de développement des États et ne put, au tournant des années 1950, atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés.

Il fallut attendre le début des années 1960, et la sortie de Silent Spring (1962) de Rachel Carson, pour assister à la première prise de conscience collective concernant les conséquences des activités humaines sur les écosystèmes. En effet, pour la première fois, un ouvrage scientifique pointait du doigt les risques liés à l’utilisation d’herbicides, d’insecticides et de fongicides sur la faune, la flore et les humains, tout en accusant les agences gouvernementales, l’industrie chimique et l’industrie agricole de fermer sciemment les yeux sur la dangerosité de tels produits. La sortie du livre de Carson déchaîna les passions à l’époque, entraînant la mise sur pied d’une campagne violente de ses opposants visant à discréditer ses thèses et sa méthodologie. Malgré cela, Silent Spring devint en quelques semaines le livre le plus vendu en 1962, détrônant Travels with Charley du légendaire John Steinbeck (Natural Ressources Defense Council, 2017).

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Le succès de Silent Spring et la controverse que l’ouvrage suscita encouragèrent une réflexion des gouvernements et des scientifiques quant à la nécessité d’effectuer des recherches sur les effets de nouvelles substances chimiques sur l’environnement et la santé humaine, de permettre à la population de comprendre les tenants et aboutissants de l’utilisation de ces substances et, finalement, d’établir des limites à l’usage de produits chimiques (Anctil et Diaz, 2016). Au niveau institutionnel, on estime que le débat suscité par Carson présida à la création de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) en 1970, l’interdiction de l’utilisation du Dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) à partir de 1972 et l’éclosion du mouvement écologiste aux États-Unis (ibid.).

Les années 1970 constituèrent un tournant dans l’histoire de la protection de l’environnement et de l’émergence du principe de développement durable. Tout d’abord, le Club de Rome, groupe de réflexion réunissant des scientifiques européens et américains, établissait pour la première fois un lien causal entre la croissance économique et démographique et de futurs problèmes écologiques à l’orée du XXIe siècle dans son rapport Halte à la croissance publié en 1972

(Meadows, Randers et Meadows, 2004). Critiqué de toutes parts dans un contexte de développement économique florissant, ce rapport n’eut pas d’effet immédiat et passa même inaperçu lors de la première conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement humain à Stockholm (Suède) quelques mois plus tard. Cet événement inédit, qui réunit des représentants de 113 États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU), fut un véritable tournant dans la prise de conscience collective sur l’importance de la protection de l’environnement et sur le rôle primordial qu’y joue l’être humain (PNUE, 2002). La déclaration finale de la conférence insista sur l’importance de la conservation des ressources naturelles et de la croissance des villes, de la pollution de l’air, de l’eau et de la terre entre autres (Anctil et Diaz, 2016). La Conférence de Stockholm mena aussi à la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Finalement, dans le rapport non officiel de la Conférence, rédigé en amont de l’événement avec Barbara Ward, économiste britannique, René Dubos, agronome et écologue français, reprit une expression du penseur Jacques Ellul qui resta inscrit dans l’histoire du développement durable : « Agir localement, pensée globalement ».

La Commission Brundtland et la popularisation du développement durable

Alors que l’UICN utilisait pour la première fois l’expression développement durable au milieu des années 1970, pour tenter de surmonter les tensions entre conservation et développement (Anctil

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et Diaz, 2016), cette expression fut popularisée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (CMED) dans son célèbre rapport Notre avenir à tous, plus connu sous le nom de Rapport Brundtland, du nom de sa présidente, Gro Harlem Brundtland. Étalant ses travaux entre 1984 et 1987, la CMED avait pour mandat de (p. 1) :

Proposer des stratégies à long terme en matière d’environnement pour assurer un développement durable avant l’an 2000 et au-delà;

Recommander des méthodes pour faire en sorte que l’intérêt porté à l’environnement se traduise par une coopération plus étroite entre les pays en développement et entre les pays ayant différents niveaux de développement économique et social, et débouche sur l’atteinte d’objectifs communs s’appuyant mutuellement et tenant compte des relations réciproques entre la population, les ressources, l’environnement et le développement;

Envisager des moyens permettant à la communauté internationale de faire plus efficacement face aux problèmes de l’environnement;

Contribuer à définir les points de vue communs sur les problèmes à long terme de l’environnement et les efforts qu’il conviendrait de déployer pour surmonter les obstacles à la protection et à l’amélioration de l’environnement, ainsi qu’adopter un programme d’action à long terme pour les prochaines décennies et des objectifs auxquels la communauté mondiale devrait tendre.

Afin de répondre à la question principale posée par l’Assemblée générale de l’ONU à la CMED lors de la création de cette dernière, soit : « comment concilier développement et environnement? », le rapport Brundtland explicita que « pour satisfaire les besoins essentiels, il faut non seulement assurer la croissance économique dans les pays où la majorité des habitants vivent dans la misère, mais encore faire en sorte que les plus démunis puissent bénéficier de leur juste part des ressources qui permettent cette croissance. L’existence de systèmes politiques garantissant la participation populaire à la prise de décisions et une démocratie plus efficace dans la prise de décisions internationales permettraient à cette justice de naître » (p.14). En contrepartie et étant donné les limites écologiques non négociables, le rapport continue en affirmant : « Pour que le développement durable puisse advenir dans le monde entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respecte les limites écologiques de la planète. Cela vaut pour la consommation d’énergie, par exemple » (p.14).

En conclusion, le rapport du CMED affirme que « le développement durable n’est pas un état d’équilibre, mais plutôt un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources,

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les investissements, l’orientation du développement technique ainsi que le changement institutionnel sont déterminés en fonction des besoins tant actuels qu’à venir. Nous ne prétendons certainement pas qu’il s’agit là d’un processus simple. Des choix douloureux s’imposent. En dernière analyse, le développement durable est bien une affaire de volonté politique » (p.14).

Le sommet de Rio : la préoccupation des émissions de GES

À l’occasion du vingtième anniversaire de la Conférence de Stockholm, des représentants de 178 pays, d’organisations non gouvernementales et de simples citoyens, soit plus de 30 000 personnes, se réunirent du 3 au 14 juin 1992 à Rio de Janeiro (Brésil) pour assister à la première Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED), plus connue sous le nom de Sommet de Rio. Portant sur l’état de l’environnement planétaire et sur les rapports entre l’économie, la science et l’environnement, le Sommet de Rio visait avant tout la signature d’une entente sur des mesures concrètes tendant à concilier les activités économiques et la protection de la planète en vue d’assurer à tous un développement durable (ONU, 1991). Ce sommet est considéré comme un point culminant des discussions mondiales sur la responsabilité humaine sur la dégradation de l’environnement et les changements climatiques. La déclaration finale du sommet contenait 27 principes, dont celui de la responsabilité commune en matière de dégradation de l’environnement, mais différenciée en fonction de la diversité des rôles joués par les États. Le principe de pollueur historique était ainsi introduit dans la lutte aux changements climatiques. À ce sujet, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) est signée lors du Sommet de Rio par 195 États en vue d’empêcher « toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (CNUCC, 1992). Le Sommet de Rio s’inscrivait dans la continuité du premier rapport émis en 1990 par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC)7, qui soulignait l’importance du réchauffement planétaire, les

risques des changements climatiques induits par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique et la nécessité pour les pays industrialisés d’atténuer8 leurs

émissions de GES (Tsayem Demaze, 2012). Fortement médiatisé, ce rapport influença largement le contenu des discussions lors du Sommet de Rio.

7 Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 par l’Organisme

météorologique mondial (OMM) et le PNUE en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade (GIEC, 2014).

8 L’atténuation est une « intervention anthropique visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre,

qui diminuerait la pression exercée par les changements climatiques sur les systèmes naturels et humains » (GIEC, 2014, p.60).

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Dès 1994, les signataires de la CNUCC se réunirent pour discuter « d’objectifs légalement contraignants et des délais pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés » (ONU, 2014). Ces discussions ont débouché en 1997 sur la signature du Protocole de Kyoto, dont la principale caractéristique fut la mise en place d’objectifs obligatoires de réduction d’émission de GES pour « les pays économiquement forts » (ONU, 2014). Ces objectifs étaient variables en fonction des émissions des pays, mais tous devaient minimalement réduire leurs émissions d’au moins 5 % entre 2008 et 2012 par rapport à celles de 1990, année de référence choisie par la CNUCC.

Dix ans après la signature du Protocole de Kyoto, l’ONU présenta un premier bilan qui indiquait une baisse de 24 % des émissions de GES des pays signataires entre 1990 et 2012 (ONU, 2012). Cependant, ces chiffres furent controversés puisqu’ils prenaient en considération les réductions des pays de l’ancien bloc soviétique, dont l’économie s’était effondrée après la chute de l’URSS. De plus, la crise financière de 2008 avait entraîné un ralentissement de l’économie mondiale, qui s’était soldé par une baisse de la production et donc des émissions de GES (Agence européenne pour l’environnement, 2010). En prenant en considération l’ensemble de ces facteurs, les émissions de GES avaient baissé de 4 % en deçà de l’objectif de base qui était de 5,2 %. Il est aussi important de souligner que les États-Unis, qui émettaient 20 % des émissions mondiales de CO2 en 1997, n’avaient jamais participé activement aux efforts de réduction demandés par le Protocole, puisqu’ils avaient signé le document, mais ne l’avaient jamais ratifié. De plus, la Chine (22 % des émissions en 2007) ne s’était vue imposer aucune mesure contraignante, n’étant pas considérée comme un pollueur historique. Finalement, le Canada, qui s’était retiré du Protocole en 2010, n’avait jamais respecté ses engagements. Le pays avait au contraire augmenté ses émissions de 18,2 % entre 1990-2012 (ONU, 2013). Malgré tout, le Protocole de Kyoto est devenu le principal instrument qui organise la lutte internationale contre les changements climatiques, bien qu’il soit critiqué et jugé inefficace ou insuffisant (Tsayem Demaze, 2012).

Avec le souci de réduire les émissions de GES des pollueurs historiques vint celui de protéger les petits États insulaires en développement (PÉID) des conséquences des changements climatiques. Ainsi, au courant des années 1990 et 2000, un consensus émergea dans la communauté scientifique sur la vulnérabilité des PÉID relativement à leurs caractéristiques économiques, politiques, sociales et géographiques (Bouchard, 2010).

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11

Prenant acte de cette constatation, le GIEC, dans son troisième rapport (GIEC, 2001), estima qu’il était vital et bénéfique pour les PÉID et les pays en développement (PED) de s’adapter aux effets des changements climatiques, ces derniers pouvant avoir des effets néfastes sur leur développement économique (GIEC, 2007). Toutefois, le GIEC ne se limita pas à mettre en garde les PÉID et les PED, puisqu’il souligna pour la première fois dans son 4e rapport (GIEC, 2007)

que les pays développés auraient eux aussi à subir les conséquences des changements climatiques. Les exemples les plus probants étant la canicule ayant frappé l’Europe en 2003 qui fit des milliers de morts et l’ouragan Katrina qui infligea de lourdes pertes humaines et financières aux États-Unis (ibid.).

L’adaptation aux changements climatiques dans les débats internationaux

Malgré tout, dans les années subséquentes, l’adaptation aux changements climatiques restait toujours dans l’ombre de l’atténuation. Pour preuve, dans la déclaration finale de la 15e session

de la Conférence des Parties (COP)9, tenue à Copenhague du 7 au 19 décembre 2009, et qui est

considérée comme un tournant dans la lutte aux changements climatiques, l’atténuation y prit une place prépondérante, les parties concernées insistant surtout sur la nécessité de réduire les émissions de GES afin de limiter la hausse de la température de la planète à 2 °C. Sur les douze points que contient la déclaration, dix concernent en tout ou en partie l’atténuation. Seul le troisième point traite exclusivement de l’adaptation. Néanmoins, la rhétorique utilisée dans la déclaration met l’accent sur l’obligation des pays développés à aider financièrement les pays en développement. Mis à part lors de l’introduction du point 3 (« Tous les pays sont confrontés au défi que représentent l’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et l’impact potentiel de mesures de riposte »), il n’est jamais fait mention de la nécessité pour les pays développés de mettre en place des mesures d’adaptation.

Six ans plus tard, à la suite du Sommet de Paris, ou COP 2110, qui eut lieu du 30 novembre au 11

décembre 2015 dans la capitale française, un autre événement considéré comme majeur dans la

9 Le Sommet de Copenhague s’est avéré un échec et n’a pas su répondre aux grandes attentes qu’il avait

suscitées. Si la déclaration finale affirmait la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, le texte ne comporte aucun engagement chiffré et contraignant de réduction d’émissions de GES (Caramel et Kempf, 2009).

10 Le bilan du Sommet de Paris est généralement considéré comme positif. Cependant, l’aspect volontaire des

réductions d’émissions de GES, et non pas contraignant est jugé insuffisant par beaucoup d’observateurs extérieurs et d’experts (société civile, scientifiques). Par exemple, il est seulement prévu de viser » un pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre dès que possible », puis de parvenir à » un équilibre entre les émissions d’origine anthropique et les absorptions par des puits de carbone au cours de la deuxième moitié du siècle » (Garric et Le Hir, 2015; Perspective monde, 2015).

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12

lutte aux changements climatiques, les signataires de la Convention-cadre sur les changements climatiques s’entendirent sur un accord contenant 140 points. La partie III de l’accord intitulée « Décisions visant à donner effet à l’Accord » comprend deux sous-sections : atténuation et adaptation. Dans la première, vingt points sont discutés, tandis qu’on n’en retrouve que cinq dans la deuxième. À nouveau, la section qui traite de l’adaptation est presque exclusivement axée sur l’aide que les pays développés doivent apporter aux pays en développement, que ce soit financièrement ou technologiquement.

En analysant les textes des COP15 et 21, on s’aperçoit que l’atténuation est encore aujourd’hui cantonnée aux pays développés, alors que l’adaptation l’est aux pays en développement. En effet, vu que l’adaptation est, selon le GIEC (2007), « un processus dynamique qui est en partie fonction de la base de production dont dispose une société donnée […], ce sont en toute logique les sociétés les plus pauvres qui sont considérées comme les plus vulnérables aux changements climatiques ». Toutefois, en « mettant […] de côté d’autres caractéristiques des territoires, qu’elles soient culturelles (perceptions du risque), sociales (poids des inégalités), géographiques (zones à risque) et politico-institutionnelles (modes de gouvernance, normes et régulations) » (Magnan et al., 2012), on limite l’adaptation à des questions de capacité technologique et financière, alors qu’une connaissance fine de la situation inhérente à chaque entité est primordiale pour qu’une mesure adaptative soit jugée efficace.

Justement, qui l’adaptation concerne-t-elle? Comment est-elle définie dans la littérature? Qui sont les acteurs concernés? À quelles échelles géographiques et temporelles s’appliquent-elles? Comment implanter efficacement des actions adaptatives?

1.2. L’adaptation : l’autre aspect de la lutte aux changements climatiques

1.2.1. L’affaire de tous

Selon le GIEC (2014), les changements climatiques touchent tous les États, sans discrimination, et ont de vastes impacts sur les humains et sur les systèmes naturels. Depuis 2007 et le quatrième rapport de l’organisme intergouvernemental, il ne fait plus aucun doute que le climat est, et sera, lourdement modifié par les activités humaines, passées, présentes et futures. Ainsi, comme le notent Desjarlais et al. (2010) :

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Le réchauffement climatique est maintenant sans équivoque et attribuable en grande partie à l’action de l’homme. Il est aussi clair que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) continueront d’augmenter au cours des prochaines décennies et qu’un réchauffement additionnel important est inévitable (Avant-propos).

Le GIEC a statué que depuis les années 1950 plusieurs des changements observés sont sans précédent sur des décennies, voire des millénaires (GIEC, 2014). L’organisme intergouvernemental constate de même que l’atmosphère et les océans se sont réchauffés, la couverture neigeuse et l’épaisseur de glace ont diminué, le niveau des océans s’est élevé et les concentrations des gaz à effet de serre ont augmenté (ibid.). Concrètement, dans le rapport annuel State of the Climat publié le 2 août 2016 par le Bulletin of the American Meteorological Society, Blunden et Arndt indiquent que l’année 2015 a été une année record en ce qui concerne les émissions de GES (la barre symbolique des 400 parties par millions a été dépassée pour la première fois), les températures moyennes de l’atmosphère (le précédent record de 2014 a été surpassé de 0,1 °C), le retrait de la cryosphère (2015 constitue la 36e année consécutive de perte

de masse des glaciers; le 25 février, l’extension glaciaire maximale la plus basse de l’histoire a été observée en Arctique), le nombre de tempêtes tropicales (101, largement au-dessus des 82 en moyenne pour la période 1981-2010), les précipitations pour le Paraguay, la Bolivie et les États-Unis, entre autres, et, finalement, les sécheresses pour la Colombie, certaines îles du Pacifique et l’Inde.

À l’instar du reste du monde, le Québec, notre territoire d’étude, est lui aussi touché par les changements climatiques et ces derniers devraient s’accentuer d’ici à la fin du XXIe siècle

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Tableau 1 : Résumé des tendances observées et des projections climatiques de divers indices thermiques d’intérêt pour le Québec

Ouranos11 (2015) indique que, pour la période 1950-2011, les températures moyennes annuelles

du Québec ont augmenté de 1 à 3 degrés selon la région d’observation. Cette tendance au réchauffement se poursuivrait pour les périodes 2041-2070, de 2 à 4 degrés, et 2041-2070, de 4 à 7 degrés. On anticipe que les vagues de chaleurs accablantes seront plus fréquentes, de même que les nuits plus chaudes. Au niveau des précipitations, toujours selon Ouranos, les

11 Consortium québécois sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques qui

développe des projets collaboratifs impliquant un réseau de 450 chercheurs, experts, praticiens et décideurs issus de différentes disciplines et organisations (Ouranos, 2016).

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précipitations abondantes et extrêmes connaîtront une hausse significative pour toutes les régions du Québec, mais ces augmentations seront plus substantielles au nord et au sud. Les précipitations sous forme de neige devraient connaître une tendance à la baisse pour le Québec méridional. En ce qui a trait au régime hydrique, les débits hivernaux moyens des rivières québécoises devraient s’accroître, alors que les débits moyens estivaux, automnaux et printaniers devraient baisser pour les rivières du sud (Ouranos, 2015). Le niveau de la mer à la hauteur du golfe du Saint-Laurent augmenterait de 30 à 75 cm selon le scénario de forte émission du GIEC (2014)12. De plus, les débits d’étiage devraient être plus sévères et plus longs à l’horizon 2050

(Ouranos, 2015).

Étant donné l’inéluctabilité des changements climatiques et ses effets déjà palpables dans toutes les régions du globe, il est vital pour les sociétés humaines de mettre en place des mesures adaptatives. Mais de quelles façons doivent-elles s’y prendre? Pour répondre à cette question, il est essentiel de comprendre ce qu’est l’adaptation aux changements climatiques et les concepts s’y rattachant.

1.2.2. Définition, concepts et applicabilité

Avant tout chose, il est important de souligner que le concept d’adaptation aux changements climatiques reste largement à construire, car il nécessite un travail sémantique, épistémologique et critique afin de mieux le restituer dans l’histoire des idées, des pratiques et des contextes locaux (Bertrand et Simonet, 2012). Effectivement, ce champ d’études est assez récent et sa définition, telle qu’utilisée dans les sciences de l’environnement, ne date que de 2007 (GIEC, 2007)13. On

constate, de surcroît, qu’il n’y a pas de consensus épistémologique sur les limites de ce concept (Magnan et al., 2013). En revanche, l’échelle d’action de l’adaptation ne fait aucun doute dans la littérature. Füssel (2007), MacLellan (2010), Magnan et al. (2013), Rudolf (2012), Bertrand et Simonet (2013), et Guillemot et al. (2014), pour ne citer qu’eux, s’accordent sur le fait que la majorité des mesures adaptatives se mettent en place à l’échelle locale, où l’on retrouve une connaissance fine des particularités du territoire (sociales, économiques et environnementales). Chaque projet est unique et, même si la méthode utilisée est reproductible, les mesures choisies

12 Pour connaître les différents scénarios du GIEC et en comprendre le fonctionnement, lire l’introduction du

Rapport synthèse d’Ouranos (2015).

13 L’adaptation aux changements climatiques constitue un ensemble « d’initiatives et mesures prises pour

réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets des changements climatiques réels ou prévus » (GIEC, 2007, p.76).

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s’arriment au territoire concerné. Ce que soutiennent Bertrand et Simonet (2012 : 4), qui expliquent que « les politiques d’adaptation apparaissent optimales lorsqu’élaborées à la conjoncture d’informations sur la vulnérabilité des territoires et des populations concernées issues à la fois des résultats des projections climatiques et des analyses locales des vulnérabilités (top-down et bottom-up) ».

Quelle approche utiliser?

Selon Füssel (2007), la planification de l’adaptation implique de répondre aux questions suivantes : de quelle façon les conditions climatiques et non climatiques vont évoluer dans le temps? Est-ce que les changements attendus ont un impact sur les décisions actuelles? Où se trouve le point d’équilibre entre le risque d’agir trop rapidement et celui d’agir trop tard? Hamin et al. (2014) proposent trois approches différentes visant à donner des éléments de réponses à ces questions :

L’approche planifiée : en général, une telle approche permet la mise en place de politiques d’adaptation basées sur les prévisions climatiques et sur l’analyse des vulnérabilités. Que ce soit un plan complet ou un chapitre dans un document de planification, ce type d’approche inclut des recommandations précises sur la façon d’intégrer le souci adaptatif dans un large éventail de politiques publiques.

L’approche mainstream : les institutions adoptant cette approche passent directement des prévisions climatiques à des modifications techniques et législatives au sein même de leur organisation. De cette façon, elles incorporent horizontalement l’adaptation dans leurs différentes directions et utilisent des mécanismes tels que la planification stratégique et la réforme du régime aménagiste. Par le fait même, les aménagistes ont le réflexe d’intégrer des éléments de l’adaptation dans différents processus, plutôt que de préparer un plan spécifique. Cette approche ne requiert pas la participation du public, puisqu’elle concerne le fonctionnement interne de l’institution.

L’approche sur les aléas actuels : cette approche consiste à mettre en place des actions qui ont pour objectif de répondre aux aléas qui touchent actuellement le territoire concerné. Même si la définition de l’adaptation (Smit et Pilifosova, 2001;

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Füssel, 2007; GIEC, 2007; Adger et al., 2009; GIEC, 2014) se base sur les projections climatiques futures, il est plus politiquement acceptable pour certaines institutions de tabler sur des mesures qui répondent à des vulnérabilités actuelles. Ce type d’approche encourage la mise en place d’initiatives mieux acceptées, en théorie, par les élus, puisque déjà connues, comme des actions de verdissement, la diversification des activités agricoles, la gestion de la sécurité civile ou l’amélioration de la qualité de l’air.

Élaborer un plan d’adaptation selon Ouranos

Dans son guide Élaborer un plan d’adaptation aux changements climatiques (2010 : 9), Ouranos décrit un plan d’adaptation comme « un outil de planification qui sert à examiner la problématique des changements climatiques dans son ensemble et dans tous les champs d’activité d’une administration municipale, à cerner et à prioriser les principaux risques, à adopter une vision ainsi qu’à prévoir les étapes de mise en œuvre à court, moyen et long terme de mesures d’adaptation aux changements climatiques ». On comprend ainsi que le Consortium prône l’approche planifiée par la création d’un plan spécifique sur l’adaptation et l’intégration du souci adaptatif dans les autres documents de planification. Ouranos propose de suivre cinq étapes pour élaborer un plan d’adaptation aux changements climatiques efficaces et pertinents.

Avant toute chose, il s’agit de déterminer les personnes qui porteront le dossier et s’occuperont d’en faire le suivi. Ces personnes seront chargées de coordonner les actions avec les directions concernées à l’interne, mais aussi de s’assurer de la communication avec des experts externes (scientifiques, entreprises privées, ONG, etc.). Ensuite, comme un plan d’adaptation est censé répondre à des stimuli climatiques présents et futurs, il est primordial de déterminer les impacts du climat actuel et anticipé. Cette étape peut s’avérer quelque peu compliquée, comme nous le verrons dans la partie « Freins à la prise en compte de l’adaptation dans la pratique aménagiste » (section 1.3.6), étant donné l’imprécision des projections climatiques régionales.

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Ces données climatiques seront combinées, à cette étape, à des données socioéconomiques et démographiques, ainsi qu’à des données géographiques, qui permettent de déterminer les vulnérabilités du territoire et de la population. Dans l’étape 3, les municipalités doivent effectuer une appréciation du risque qui découle directement de la détermination des vulnérabilités. Ouranos considère que le risque doit se calculer de la façon suivante : la probabilité d’occurrence d’un risque rapportée à l’ampleur des conséquences qui en résultent sur les éléments vulnérables du milieu. L’étape suivante consiste à proposer différentes mesures et options qui permettront de réduire les risques et les vulnérabilités du territoire et de la population, en prenant en considération des objectifs précis déterminés à l’avance par la municipalité. Il peut s’agir, par exemple, de la volonté de transformer des îlots de chaleur

Source : Ouranos, 2010, p. 30.

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urbains (ICU)14 en îlots de fraîcheur15, de limiter l’érosion des berges ou d’immuniser les

infrastructures institutionnelles ou résidentielles face aux risques d’inondations plus fréquentes.

Tableau 2 : Exemples d’actions adaptatives

La dernière étape constitue à mettre en œuvre le plan d’adaptation en partenariat avec l’ensemble des directions de la municipalité concernée et en planifiant soigneusement la communication avec la société civile et les citoyens. Cette étape est intimement liée à l’étape 2, puisque le plan d’adaptation doit être révisé en même temps que les projections climatiques et les données socioéconomiques et démographiques évolueront. Ces variations permettent une mise à jour de l’analyse des vulnérabilités.

14 Selon l’INSPQ (2015 : 5), « l’expression îlots de chaleur urbainssignifie la différence de température

observée entre les milieux urbains et les zones rurales environnantes ».

15 Un îlot de fraîcheur urbain (IFU) « est défini par un périmètre urbain dont l’action rafraîchissante permet d’éviter

ou de contrer directement ou indirectement les effets des îlots de chaleur » (Nature Québec, 2013, p.3).

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20 Tableau 3 : Options d’adaptation

Selon le guide d’Ouranos, la participation de l’ensemble de la population tout au long du processus d’élaboration d’un plan d’adaptation est essentielle pour que celui-ci réponde aux attentes et aux besoins de tous les acteurs de la société.

L’importance de la synergie entre les acteurs de la société

Rudolf (2012) explique que l’adhésion sociale sur les questions climatiques, en général, débute par la mobilisation de certains acteurs de la société civile, qu’elle appelle les « volontaires du climat ». Ce sont des associations environnementales, des regroupements de résidents et des organisations syndicales, mais aussi des scientifiques, qui vont donner l’alerte et proposer des solutions innovantes. Dans le cas de l’adaptation aux changements climatiques, le GIEC et Ouranos constituent des figures de proue de la sensibilisation à l’importance de mettre en place des actions adaptatives, via leurs rapports sur les effets constatés et attendus des changements climatiques. De plus, en proposant des mesures concrètes, ils encouragent l’engagement des institutions à cette fin.

Par le fait même, le politique et le scientifique sont intimement liés lorsqu’il s’agit de communiquer avec la population en général, et celles considérées comme vulnérables en particulier, et d’instaurer les actions qui visent à réduire les effets des changements climatiques. À ce propos,

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Bertrand et Simonet (2012 : 3) vont jusqu’à dire que les changements climatiques « actent de l’impossible distinction entre sciences et politiques, le politique étant littéralement aveugle sans l’appui des sciences pour fournir des données de caractérisation et de mesure du problème, donc en situation d’incapacité à définir seul une capacité d’action ».

À la suite de l’étape de sensibilisation, les élus doivent, par conséquent, prendre le relais afin d’obtenir l’adhésion populaire et attirer l’intérêt du privé. La participation de l’ensemble des acteurs de la société (décideurs publics, représentants de la société civile, gens d’affaires ou citoyens ordinaires) aide à la mise en place de cibles stratégiques qui répondent à des impacts locaux importants et fourniront des bénéfices tangibles aux résidents (Picketts et al., 2014).

Frazier et al. (2010) ont appliqué cette méthode à Sarasota en Floride en organisant des ateliers de réflexion, incluant des groupes de discussion et des exercices de cartographie participative, afin de connaître les perceptions et les solutions proposées par les participants représentant des domaines de connaissances variés : affaires, environnement, gestion des urgences et des infrastructures, gouvernements et planification territoriale. À la fin de l’exercice, les groupes devaient présenter leurs solutions d’adaptation en séance plénière. Ainsi, la mise en commun des propositions de chaque groupe représentant des composantes diversifiées de la société permet une compréhension pluridimensionnelle de la problématique, ce qui entraîne un éclaircissement sur les enjeux soulevés par chacun en fonction de sa propre culture organisationnelle. Cette approche prônant la prise en compte de l’avis de l’ensemble de la population représente en quelque sorte une consultation, dont la méthodologie, mixte et complète, offre la possibilité à tous de participer aux réflexions visant l’aménagement de leur territoire. Par la mise en place de ce type de consultation, les décideurs publics sont informés, sensibilisés et conscientisés sur les vulnérabilités de leur territoire et sur l’opinion des différentes composantes environnementales, économiques et sociales de leur communauté.

Une autre recherche menée à Québec par Cloutier et al. (2015) confirme l’expérience de Frazier et al. (2010) et démontre que la participation d’un large éventail d’acteurs permet d’améliorer les connaissances sur le territoire visé par les actions adaptatives et de favoriser une transformation dans les façons de faire en urbanisme. Cette transformation est encouragée par les contacts établis par les différentes directions à l’interne de l’entité, mais aussi par ceux établis à l’externe

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avec les acteurs de la communauté (Cloutier et al., 2015). Les solutions adaptatives proposées deviendraient ainsi le réel reflet des besoins du territoire et de la population.

En plus de la nécessité de faire participer tous les acteurs de la société, un autre aspect fondamental soulevé par le guide d’Ouranos et par Magnan et al. (2012) est la détermination de la vulnérabilité du territoire et de la population, qui est à la base de toute action adaptative. Sans elle, il est impossible pour les décideurs publics de proposer des mesures qui répondront efficacement aux conséquences des changements climatiques sur un territoire donné. Il est donc important de définir la vulnérabilité et de s’approprier les concepts auxquels elle se raccroche.

1.2.3. Déterminer la vulnérabilité du territoire et de la population

Les projections climatiques du GIEC (2014) et d’Ouranos (2015), que nous avons présentées dans la section 1.2.1, illustrent la possibilité que les changements climatiques puissent avoir des conséquences sur le territoire québécois. Des bassins fluviaux ayant des antécédents d’inondations majeures, comme les rivières Lorette, Richelieu et Rivière aux Renard (Nault et al., 2013; Environnement Canada, 2008) verront augmenter leur sensibilité à la survenue d’événements hydrométéorologiques extrêmes. Du même coup, l’environnement bâti urbain pourrait être touché plus fréquemment par des pluies plus intenses qui provoqueront des inondations et des épisodes de surverses16 (Ouranos, 2015). Les prises d’eau potable pourraient

être affectées lors d’épisodes d’étiage important ou de glissements de terrain provoqués par des pluies diluviennes.

Il a été démontré que les vagues de chaleur accablante et les inondations ont des effets sur la mortalité et la morbidité de la population (Haines et al., 2006). Par exemple, à l’été 2010, le Québec fut frappé par une vague de chaleur sans précédent qui eut pour effet d’accroître de manière significative, du moins dans certaines régions du Québec, le nombre d’admissions aux urgences et le taux de mortalité brut (Bustinza, 2013). Concentré tout particulièrement chez les populations âgées, l’excès de mortalité dû aux vagues de chaleur accablante serait relié aux

16 Évacuation par débordement à la partie supérieure d’une cuve, d’un bassin (Centre national de ressources

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maladies cardiovasculaires, cérébrovasculaires et aux problèmes respiratoires (Haines et al., 2006).

Dans le cas des inondations, les jeunes enfants seraient également plus à risque de maladie par transmission fécale-orale et, par leur capacité cognitive et de mobilité moindre, seraient plus à risque de blessures et de mort (Ahern et al., 2005). Incidemment, il est possible de croire qu’une vulnérabilité accrue puisse avoir des répercussions du point de vue de la santé, de la sécurité et du bien-être des individus et des collectivités, ainsi que des infrastructures.

Vulnérabilité : définition et concepts

Le GIEC (2014) définit la vulnérabilité comme la « propension ou prédisposition à subir des dommages ». Morin (2008 : 44) se fait plus spécifique et ajoute que la vulnérabilité résulte « de facteurs physiques, sociaux, économiques ou environnementaux, qui prédisposent les éléments exposés à la manifestation d’un aléa à subir des préjudices ou des dommages ». Dans le cas des changements climatiques, les éléments exposés peuvent être des groupes de la population, des écosystèmes naturels, des infrastructures ou des ressources naturelles. Dans la littérature sur la vulnérabilité liée aux changements climatiques, on considère que l’exposition, la sensibilité et la capacité d’adaptation sont les déterminants principaux de la vulnérabilité (Jonsson et Lundgren, 2015). L’exposition est perçue comme « la situation par laquelle sont mis en relation, dans un milieu donné, un aléa17 potentiel et les éléments pouvant être soumis à sa manifestation » (Morin,

2008 : 43). Le GIEC (2014) donne des exemples précis d’éléments exposés dans sa définition : il peut s’agir de personnes, de moyens de subsistance, d’espèces ou d’écosystèmes, de fonctions, ressources ou services environnementaux, d’éléments d’infrastructure ou de biens économiques, sociaux ou culturels.

En ce qui a trait à la sensibilité, le GIEC (2007 : 87) la définit comme le « degré d’affectation positive ou négative d’un système par des stimuli liés au climat. L’effet peut être direct (modification d’un rendement agricole en réponse à une variation de la moyenne, de la fourchette, ou de la variabilité de température, par exemple) ou indirect (dommages causés par une augmentation de la fréquence des inondations côtières en raison de l’élévation du niveau de la

17 Un aléa est « un phénomène, une manifestation physique ou une activité humaine susceptible

d’occasionner des pertes en vies humaines ou des blessures, des dommages aux biens, des perturbations sociales et économiques ou une dégradation de l’environnement (chaque aléa est entre autres caractérisé en un point donné, par une probabilité d’occurrence et une intensité données) » (Morin, 2008, p.43).

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mer, par exemple) ». Il faut la différencier de la capacité d’adaptation, que Morin (2008 : 43) désigne comme la « somme ou combinaison de toutes les forces et ressources disponibles au sein d’une collectivité, d’une société ou d’une organisation qui peuvent concourir à la réduction des risques ou des conséquences découlant de la manifestation d’un aléa ». La capacité d’adaptation peut être déterminée par les ressources économiques, la maîtrise technologique, l’information, les qualifications, les infrastructures, les institutions et l’équité d’une entité territoriale (Smit et al., 2001).

De manière générale, deux grandes distinctions apparaissent selon que l’on appréhende la vulnérabilité d’un point de vue social, en tant que propension à l’endommagement, ou d’un point de vue technique, en tant que mesure de l’endommagement (D’Ercole, 1994, 1996).

Vulnérabilité sociale et matérielle

Dans les sciences de l’environnement, les facteurs et les indicateurs utilisés pour décrire la vulnérabilité sociale sont des facteurs socioéconomiques, tels que le genre, l’état de santé, l’âge, le revenu et l’éducation. Ils semblent tous contribuer à une plus grande sensibilité aux aléas climatiques et une plus faible capacité d’adaptation particulièrement pour les groupes suivants : les femmes, les personnes malades ou handicapées, les personnes âgées, les personnes issues de minorités ethniques, les enfants en bas âges, les chômeurs, les personnes avec des revenus faibles et les personnes ayant peu d’éducation (Romero-Lankao et al., 2012).

Dans sa description de la vulnérabilité matérielle pour le monde de l’assurance, Crichton (1999) a créé le Risk Triangle (figure 3). Il explique que la réduction d’un côté du triangle, soit la vulnérabilité, l’aléa ou l’exposition, contribue à diminuer automatiquement le risque18. La

diminution de ce risque augmente par le fait même la capacité d’adaptation d’une entité, ainsi que sa résilience. Ces deux concepts étant dissimilaires, malgré leur ressemblance de prime abord, comme nous le verrons dans la prochaine partie.

18 Le risque est la « combinaison de la probabilité d’occurrence d’un aléa et des conséquences pouvant en

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25 Figure 3 : Le triangle du risque

Adaptation et résilience : deux concepts proches, mais dissimilaires

Selon le GIEC (2014 : 1772), la résilience est la « capacité des systèmes sociaux, économiques ou écologiques à faire face aux événements dangereux, tendances ou perturbations, à y réagir et à se réorganiser de façon à conserver leurs fonctions essentielles, leur identité et leur structure, tout en maintenant leurs facultés d’adaptation, d’apprentissage et de transformation ». Telles qu’explicitées dans cette définition, l’adaptation et la capacité d’adaptation jouent un rôle central dans un contexte de résilience. En fait, les mesures d’adaptation augmentent la résilience d’un système en participant à la réduction des vulnérabilités d’un territoire et de sa population (Folke et al., 2002). Et plus ses actions adaptatives sont variées, pour atteindre un spectre d’action le plus large possible, plus la résilience est élevée (Hufschmidt, 2011).

Holling (1973 : 3) définit la résilience des villes comme « le degré de transformation qu’elles peuvent supporter avant de se réorganiser autour de nouvelles structures et fonctions ». Il suggère que la résilience peut se mesurer par l’ampleur des perturbations qu’un système peut absorber avant que ses structures fondamentales ne soient altérées (Hufschmidt, 2011). L’absorption d’un système sera fonction de l’aptitude de celui-ci à s’adapter en résistant ou en changeant pour maintenir un niveau de fonctionnement acceptable (Morin, 2008). Bref, plus un système est flexible, plus il est apte à la résilience. En prenant l’exemple d’une municipalité, l’opérationnalisation de la résilience pourrait s’effectuer par le biais d’un plan de mesures

Figure

Figure 1 : Urbanisation de la Faute-sur-Mer entre 1963 et 2004
Tableau 1 :  Résumé  des  tendances  observées  et  des  projections  climatiques  de  divers  indices thermiques d’intérêt pour le Québec
Figure 2 : Les étapes d’élaboration d’un plan d’adaptation selon Ouranos
Tableau 2 : Exemples d’actions adaptatives
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