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La discrimination des hommes de minorités sexuelles au Québec : genèse, évolution et pratiques du groupe communautaire MIELS-Québec

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Academic year: 2021

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DAVID GUILMETTE

LA DISCRIMINATION DES HOMMES DE

MINORITÉS SEXUELLES AU QUÉBEC : GENÈSE,

ÉVOLUTION ET PRATIQUES DU GROUPE

COMMUNAUTAIRE MIELS-QUÉBEC

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en anthropologie

pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

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Résumé

La discrimination historique envers les hommes de minorités sexuelles au Québec a mené au développement de structures sociales de soutien et d'entraide pour les hommes gais et bisexuels ainsi qu'à la mise en place de mesures de protection légale au cours du XXème siècle. Le groupe communautaire MIELS-Québec vient en aide aux hommes gais et aux personnes vivant avec le VIH-sida (PVVIH) depuis 1986 à Québec. Ce mémoire trace la généalogie de la discrimination envers les hommes de minorités sexuelles au Québec à travers l'histoire de ce groupe communautaire.

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Avant-propos

C'est avec beaucoup de plaisir que je vous présente les résultats d'un travail de longue haleine. Il s'agit du fruit de recherches et d'études dans le cadre de ma maîtrise en anthropologie.

Premièrement, je tiens à remercier mes parents, France et Louis, pour leur support inconditionnel. Je remercie ma mère, France, de m'avoir fait découvrir les domaines de la psychologie et de l'entraide. Je remercie, Louis, mon père, de m'avoir fait connaître très tôt l'importance de l'histoire et de m'avoir permis de voyager dans plusieurs pays.

Également, je tiens à remercier ma directrice de thèse, Francine Saillant, pour son accompagnement dans ce projet de mémoire. Je la remercie d'avoir pris le temps de me faire connaître l'importance de la rigueur dans le travail de recherche.

Enfin, je tiens à remercier les intervenants et bénévoles du groupe communautaire MIELS-Québec pour leur accueil chaleureux et leur ouverture envers le présent projet de recherche.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ II

AVANT-PROPOS III

TABLE DES MATIÈRES IV

INTRODUCTION 7

CHAPTIRE 1 : PROBLÉMATIQUE ET APPROCHE THÉORIQUE 9

1.1 PROBLÉMATIQUE 9 1.2 APPROCHES THÉORIQUE ET CONCEPTUELLE 10

1.2.1 ÉTUDE DE LA DIVERSITÉ SEXUELLE EN ANTHROPOLOGIE 1 0

1.2.1.1 APPROCHES DU GENRE 11

1.2.2 APPROCHES DES DROITS 14

1.2.2.1 ANTHROPOLOGIE CRITIQUE DES DROITS HUMAINS 15

1.2.2.2 QUATRE THÈMES DE L'ANTHROPOLOGIE DES DROITS HUMAINS 16

1.2.2.3 QUATRE PROCESSUS LIANT LES ASPECTS SOCIAUX ET LÉGAUX 18

1.3 DÉFINITIONS 20

CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE ET DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE DE TERRAIN 21

2. MÉTHODOLOGIE 21 2.1 COLLECTE DES DONNÉES : TERRAIN ET PARTICIPANTS 21

2.2 L'ANALYSE DES DONNÉES 24 2.3 ASPECTS ÉTHIQUES ET DÉONTOLOGIQUES 25

CHAPITRE 3 : GENÈSE ET ÉVOLUTION DU GROUPE MIELS-QUÉBEC : UN PORTRAIT

CHRONOLOGIQUE 27

3.1 GENÈSE ET ÉVOLUTION DE MIELS-QUÉBEC (1986-1996) 27

3.2 GENÈSE ET ÉVOLUTION DE MIELS-QUÉBEC (1997-2009) 37

CHAPITRE 4 : MIELS-QUÉBEC AUJOURD'HUI : LA RÉALITÉ DES PRATIQUES 47

4.1 MIELS-QUÉBEC AU MOMENT DE L'ENQUÊTE DE TERRAIN (2010-2011) 47 4.2 SERVICES OFFERTS PAR MIELS-QUÉBEC ET STRUCTURE ORGANISATIONNELLE 50

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4.3 ACTIVITÉS, PROJETS ET PROGRAMMES DE PRÉVENTION DE MIELS-QUÉBEC AU MOMENT DE

L'ENQUÊTE DE TERRAIN 59 4.4 REPRÉSENTATION EXTERNE, BÉNÉVOLAT ET FINANCEMENT DE MIELS-QUÉBEC 62

4.5 LA CRISE DU VIH-SIDA ET LE MOUVEMENT DE REFUS DU CONDOM 65

4.6 DROITS, VIH ET HOMMES DE MINORITÉS SEXUELLES 68 CHAPITRE 5 : MIELS-QUÉBEC ET LA DISCRIMINATION DES HOMMES DE MINORITÉS

SEXUELLES : UNE PERSPECTIVE QUÉBÉCOISE 71

5.1 LA DISCRIMINATION HISTORIQUE ENVERS LES HOMMES DE MINORITÉS SEXUELLES ET L'ÉMERGENCE

RÉCENTE DES GROUPES COMMUNAUTAIRES DE SOUTIEN ET D'ENTRAIDE 72

5.2 LA DISCRIMINATION DES HOMMES DE MINORITÉS SEXUELLES AU QUÉBEC (1986-1996) 78

5.3 LA DISCRIMINATION DES HOMMES DE MINORITÉS SEXUELLES AU QUÉBEC (1997-2009) 84 5.4 LA DISCRIMINATION DES HOMMES DE MINORITÉS SEXUELLES AU QUÉBEC AU MOMENT DE L'ENQUÊTE

DE TERRAIN 9 2 6. CONCLUSION 101 7. BIBLIOGRAPHIE 109 8. LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS 115

9. ANNEXE 1 116 10. ANNEXE 2 117 11. ANNEXE 3 118

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Introduction

À propos des mouvements gais, Bourdieu (1998) écrivait : « Ce mouvement de révolte contre une forme particulière de violence symbolique [...] met en question très profondément l'ordre symbolique en vigueur et pose de manière tout à fait radicale la question des fondements de cet ordre et des conditions d'une mobilisation réussie en vue de le subvertir ». Au Québec, l'émergence d'un mouvement de révolte contre la discrimination envers les gais et lesbiennes s'est matérialisée le 23 octobre 1977 avec la tenue d'une manifestation qui dénonçait les arrestations massives dans un établissement gai de Montréal. Déjà, il existait une vie communautaire gaie à Montréal : « C'est parce qu'existait un milieu social gai qu'a pu se former, dans les années 1970, un mouvement de libération qui va revendiquer des droits ainsi qu'une plus grande visibilité sociale pour les homosexuels (Higgins 1997 : 38) ». Au niveau communautaire, l'émergence d'un mouvement gai au Québec a mené à la mise en place de groupes d'entraide et de soutien pour les hommes de minorités sexuelles.

À Québec, l'organisme MIELS-Québec a été fondé en 1986 pour répondre plus spécifiquement aux besoins des personnes vivant avec le VIH-sida (PVVIH). À l'époque, un mystérieux mal sévissait au sein de la communauté gaie et des jeunes hommes mourraient rapidement sans même avoir eu accès à des soins de base. Aujourd'hui, MIELS-Québec est le plus vieux groupe communautaire sida au Québec. L'organisme propose aux personnes vivant avec le VIH-sida des services de soutien et d'entraide. De plus, depuis 1998, une branche de l'organisme nommée PRISME-Québec se spécialise dans l'écoute, l'éducation, la référence et l'entraide pour les « hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes » (HARSAH). En 2011, ce mouvement célèbre son 25 me anniversaire de lutte contre le VIH-sida sous le thème « 25 ans d'histoire : en

marche vers la victoire ».

Ce mémoire s'intéresse à la généalogie de la discrimination des hommes de minorités sexuelles au Québec à travers l'histoire du Mouvement d'Information et d'Entraide dans la Lutte contre le VIH-Sida (MIELS). Plus spécifiquement, il s'agira de proposer un

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portrait de la genèse, de l'évolution et des pratiques actuelles de MIELS Québec, et de replacer ce portrait dans le contexte plus large de l'évolution du mouvement communautaire au Québec dans ce secteur d'intervention.

Le premier chapitre est consacré à la problématique de recherche et à l'approche conceptuelle. Le deuxième chapitre porte sur la méthodologie de la recherche. Le troisième chapitre s'intéresse à la genèse, et à l'évolution du groupe communautaire MIELS-Québec de l'année 1986 à l'année 2009. Le quatrième chapitre, trace le portrait actuel de MIELS-Québec et de ses pratiques au moment de l'enquête de terrain. Finalement, le dernier chapitre permet de jeter un regard élargi sur ce portrait en les replaçant dans le cadre plus large de la société québécoise, du mouvement communautaire dans ce secteur d'intervention et en abordant la discrimination envers les hommes de minorités sexuelles au Québec.

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Chapitre 1

Problématique et approche théorique

1.1 Problématique

Au Québec, depuis 1977, la Charte des droits et libertés de la personne protège les individus de minorités sexuelles contre la discrimination.1 Malgré cette reconnaissance

juridique, l'homophobie est une manifestation sociale qui persiste et rend vulnérables les individus de minorités sexuelles à la discrimination, aux préjugés, aux attitudes négatives et à la violence.

En 2007, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPDJQ) a présenté un rapport qui soutient que la discrimination envers les personnes de minorités sexuelles affecte directement le bien-être des personnes homosexuelles. En effet, on peut lire dans le rapport de consultation du groupe de travail mixte sur l'homophobie : « Au Québec, les personnes de minorités sexuelles doivent souvent composer avec un environnement social homophobe, malgré des avancées sur le plan juridique. Diverses études recensées dans le présent contexte démontrent que

l'homophobie a un effet direct sur le bien-être et la santé mentale de ces personnes (2007 :15) ». Ainsi, il y aurait ainsi davantage de suicide chez les gais et lesbiennes que dans le reste de la population en général. De plus, les personnes homosexuelles seraient 2,5 fois plus souvent victimes d'un crime violent que les personnes hétérosexuelles, tandis que pour les individus bisexuels, ce serait 4 fois plus. Selon ce même rapport, il est estimé que 18% des hommes homosexuels et bisexuels vivent avec le VIH-sida2 au

Québec. Les hommes gais qui sont atteints du VIH-sida vivraient une double discrimination dans la mesure où ils sont touchés par l'homophobie ainsi que par la peur et les préjugés qui entourent leur diagnostic médical. Dans un contexte où l'homophobie est constatée, quelles formes concrètes prennent la discrimination et l'homophobie au

1 Gouvernement du Québec, Politique québécoise de lutte contre l'homophobie: ensemble vers l'égalité sociale, décembre 2009, p. 13 2 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE DU QUÉBEC. 2007. Rapport de

consultation du Groupe de travail mixte sur l'homophobie, De l'égalité juridique à l'égalité sociale : vers une stratégie nationale de lutte contre l'homophobie. p. 19.

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Québec? Comment participent les groupes communautaires à l'amélioration des conditions des hommes de minorités sexuelles, notamment ceux qui sont atteints du VIH?

1.2 Approche théorique et conceptuelle

Aujourd'hui, l'étude de la discrimination des hommes de minorités sexuelles s'inscrit dans un vaste cadre de recherche sur la diversité sexuelle qui regroupe plusieurs disciplines (anthropologie, histoire, sociologie, psychologie, sexologie) ainsi que plusieurs approches (droits, genre, gay/lesbian/queer studies).

1.2.1 Étude de la diversité sexuelle en anthropologie

En anthropologie, on peut retracer jusqu'aux années 1920 des exemples de l'étude de la diversité sexuelle (Goldenweiser, 1929). Durant la première moitié du 20ème siècle, les

références à l'homosexualité dans les travaux des anthropologues étaient essentiellement ancrées dans le discours dominant de l'époque (Weston 1993 : 339). Il aura fallu attendre la fin des années 1960 pour voir l'apparition des premiers textes fondateurs des « lesbian and gay studies ». Il faut savoir que l'émergence de ce champ de recherche en anthropologie a été possible avant tout grâce à la transformation d'une conception médicale et pathologique de l'homosexualité vers un modèle culturel. En effet, pour que les comportements homosexuels soient le sujet de recherches ethnographiques, il fallait que l'homosexualité soit redéfinie selon des paradigmes universels. Les anthropologues ont utilisé des auteurs comme D'Emilio (1983) en histoire, Mcintosh (1981) et Weeks (1987) en sociologie et les travaux de Michel Foucault (1978) pour montrer que les différents contextes culturels produisent des occasions, des formes et des interprétations variées des comportements homosexuels.

Au début des années 1990, les recherches ethnographiques sur la diversité sexuelle se multiplient avec notamment, des publications sur les aspects communautaires et identitaires des comportements homosexuels. Aujourd'hui, on retrouve des travaux d'anthropologues qui s'intéressent à l'homophobie et la construction sociale du masculin

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dans les différents contextes culturels: Arguelles - Cuba (1985), Carrillo - Mexique (2002), Williams - communautés autochtones Amérique du Nord (1992), aux hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, mais qui ne se considèrent pas comme des individus de minorités sexuelles (Lancaster, 1992; Carrillo, 2002). Les recherches sur les comportements homosexuels intègrent de plus en plus les approches du genre dans l'étude de la diversité sexuelle.

1.2.1.1 Approches du genre

Actuellement, plusieurs auteurs s'intéressent à la discrimination envers les hommes de minorités sexuelles dans une perspective du genre. Des auteurs tels que Jeffrey Weeks (1985), Daniel Wetzer-Lang (2000) et Robert Connell (2005) étudient l'homophobie dans le cadre de la socialisation masculine. Leurs travaux montrent que la discrimination envers les hommes gais et bisexuels est indissociable de la construction sociale dichotomique du genre (homme/femme).

Nicole-Claude Mathieu (2000) rappelle que dans la plupart des sociétés, la construction du genre représente celle de la différence sexuelle biologique. Il y a donc assignation de fonctions différentes, souvent hiérarchisées, sur un corps socialisé. Ainsi, un genre est assigné sur le mâle ou la femelle pour en faire des hommes et femmes sociaux. Historiquement, le genre prend forme avec la division sexuée du travail et dans la reproduction. De plus, il prend forme dans d'autres secteurs de vie comme dans l'habillement, dans les comportements et attitudes attendus. Ces constructions historiques et sociales quasi universelles mènent les gens à penser en termes de différence des sexes comme si chaque sexe/genre était exclusif de l'autre (Mathieu, 2000: 192).

Une telle construction fait apparaître comme hétérogènes l'un à l'autre, d'essence différente, les hommes et les femmes. Ceci implique une intervention constante des institutions sociales tout au long de la vie des individus [...] Et cette construction sociale est inscrite dans le corps lui-même. Le corps est construit corps sexué, dit Colette Guillaumin (1992 :

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Ainsi, pour être un homme dans la majorité des sociétés, il ne faut pas être assimilé à une femme. Qu'en est-il des hommes qui ne cadrent pas dans les normes de la société? Cette construction sociale dichotomique du genre (masculin/féminin) et du sexe fait apparaître des terminologies comme travestisme et transsexuel qui montrent les limites de ces catégorisations binaires. Mathieu expose ces considérations sociales du rapport entre sexe et genre :

Le genre traduit le sexe. Il doit y avoir adéquation entre genre et sexe, avec priorité au sexe. D'où, pour les transsexuels modernes, la nécessité de changer de sexe pour être en conformité avec le genre ressenti : celui du sexe opposé. [...] Mais une deuxième manière de concevoir le rapport entre sexe et genre est d'entériner leur divergence éventuelle, en donnant priorité au genre, c'est-à-dire à la bipartition sociale des fonctions et des attitudes.[...] Ainsi, les travestis modernes ou les berdaches amérindiens ne veulent-ils pas changer de sexe, mais marquer leur préférence pour l'autre genre, dit Mathieu (2000 : 194).

Ce rapport entre sexe et genre dans le contexte social hétéronormatif a été l'objet de diverses conceptualisations, notamment dans le courant des féministes matérialistes et dans les travaux de Judith Butler. À ce sujet, Colette St-Hilaire (1998) rappelle que la question de la contrainte à l'hétéronormative a été traitée, entre autres, par Gayle Rubin, Adrienne Rich, Monique Witting et Nicole-Claude Mathieu. En effet, cette contrainte à l'hétérosexualité est au centre de leurs théories de système sexe/genre :

Dans ces théories, la binarité du sexe apparaît comme une catégorie construite, comme le résultat d'un système social de genre, hétéronormatif, au service de la reproduction. Aux côtés de l'homme et de la femme émerge la figure de la lesbienne, une lesbienne devenue sujet, elle qui devait n'être que l'Autre de l'homme et de l'hétérosexuelle, une Autre constituée pour être invisibilisée dans le dispositif de la différence des sexes, dit-elle (1998 : 65).

Judith Butler (2005) rappelle qu'une des contributions de Gayle Rubin est d'avoir montré dans « The Traffic in Woman » comment les pratiques sexuelles ont le pouvoir de déstabiliser le genre. Plus précisément, il est question dans ce texte de Rubin de la manière dont la norme sexuelle consolide la norme du genre. «De ce point de vue, et pour le dire vite, on est femme si l'on fonctionne comme telle au sein du cadre hétérosexuel

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dominant; aussi, mettre ce cadre en question revient-il peut-être à perdre quelque chose d'aussi fondamental que l'impression d'avoir sa place dans le système de genre», dit Butler (2005: 31).

Toutefois, Butler avoue que son intention, en mettant en lien sexualité et genre, n'est pas d'approuver la thèse que les pratiques sexuelles produisent certains types de genres, mais bien de mettre en lumière le fait que la régulation du genre peut servir à maintenir le cadre hétéronormatif (Butler, 2005 : 32). Elle précise que si certaines auteures du queer ont créé une distinction analytique entre le genre et la sexualité en rejetant un lien de causalité ou structurel entre les notions, cette distinction n'est logique que dans la mesure où elle signifie que le cadre hétéronormatif ne doit pas réguler le genre. Elle ajoute : « En revanche, si l'on postule qu'il n'y a pas de régulation sexuelle du genre, un aspect important de la manière dont fonctionne l'homophobie continuera alors d'échapper à celles et ceux qui veulent manifestement le plus ardemment la combattre (Butler, 2005 : 34) ».

Les travaux de Connell, Weeks et Wetzer-Lang sur les hommes, l'homophobie et l'hétérosexisme arrivent aux mêmes constats. « L'homophobie bétonne les frontières de genre », dit Wetzer-Lang (2000). Ce dernier en vient à définir l'homophobie strictement « comme la discrimination envers les personnes qui montrent, ou à qui l'on prête, certaines qualités (ou défauts) attribué-e-s à l'autre genre » (2000 : 121). Pour préciser, Wetzer-Lang justifie sa définition par ses résultats de recherche où il demandait à quoi les gens reconnaissent les personnes homosexuelles. En majorité, les répondants visaient uniquement les hommes présentant des signes de féminités. Dans le même ordre d'idées, R.W. Connell (2005) soutient que la culture patriarcale interprète les hommes gais comme manquant de masculinité. Ce cadre social hétéronormatif implique que l'attirance pour le même sexe signifie que la personne possède mentalement le sexe opposé : « lf someone is attracted to the masculine, then that person must be feminine- if not in the body, then somehow in the mind », résume Connell (2005 : 143).

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Pour Wetzer-Lang, cette régulation du genre est un processus de la socialisation masculine en contexte hétéronormatif : « Toujours est-il que dans la socialisation masculine, il faut pour être un homme, ne pas pouvoir être assimilé à une femme. Le féminin devient même le pôle repoussoir central, l'ennemi intérieur à combattre sous peine d'être soi-même assimilé à une femme (2000: 120) ». Conséquemment, comment intervenir dans la lutte contre la discrimination des hommes de minorités sexuelles? Comment les groupes communautaires participent-ils à lutter contre l'homophobie et l'hétérosexisme?

1.2.2 Approches des droits

Au Québec, depuis 1977, la Charte des droits et libertés de la personne protège les individus de minorités sexuelles contre la discrimination. Également, depuis 2008, la responsabilité gouvernementale de la lutte contre l'homophobie relève directement du Ministère de la Justice du Québec. Dans ce contexte, de nombreux groupes communautaires d'entraide et de soutien pour les hommes de minorités sexuelles, tels que Gai Écoute et MIELS-Québec, adoptent le langage des droits de la personne dans le cadre de leurs activités.

En anthropologie, l'étude des droits universels s'inscrit notamment dans les approches des droits préconisées par Mark Goodale (2006). La perspective sur les droits de Goodale (2006) s'éloigne du simple champ légal afin de prendre en compte une multitude d'aspects dans son étude, dont les aspects sociaux et contextuels liés à la « pratique des droits humains » : « I use human rights much more broadly : the phrase captures the constellation of philosophical, practical, and phenomenological dimension through which universals rights, rights believed to be entailed by a common human nature, are enacted, debated, practiced, violated, envisioned, and experienced (Goodale, 2006) ».

Cette approche anthropologique propose de s'intéresser, notamment, aux acteurs des différents processus de défense et d'affirmation de droits universels. Comme le groupe communautaire Gai Écoute à Montréal, Miels-Québec est une forme institutionnalisée

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d'engagement citoyen qui soutient/défend l'idée de droits universels. Cette appropriation des notions de droits universels, la lutte de l'organisme contre l'homophobie et la longévité de Miels-Québec placent ce mouvement comme un acteur social inévitable dans l'analyse anthropologique de la lutte contre la discrimination envers les individus de minorités sexuelles et les personnes atteintes du VIH à Québec. En effet, Merry (2007 : 41) écrit :

[...] understanding the practice of human rights requires attention to the people who translate documents into social situations and situations into human rights violations. The people in the middle are activists, movement leaders, academics, and those who speak for victims, including some victims themselves. These are the people who construct human rights cases, transform them in ways that will increase their appeal, and try to mobilize pressure behind the principles. A key dimension of this process is defining and naming problems as human rights violations.

En ce sens, un des objectifs de l'étude consiste à montrer comment MIELS-Québec participe à l'affirmation et la défense de droits universels pour les hommes de minorités sexuelles. Autrement dit, comment se transpose cette défense des droits en réalités concrètes au niveau communautaire? De plus, que peut-on déduire sur la généalogie de la discrimination envers les hommes de minorités sexuelles au Québec de l'histoire de MIELS-Québec? Quelles formes prend concrètement la discrimination dans notre société?

1.2.2.1 Anthropologie critique des droits humains

Une anthropologie critique des droits humains comme l'entend Mark Goodale s'intéresse aux idées qui se sont transformées en idéologies et pratiques sociales (Goodale, 2006). Elle cherche à découvrir le potentiel des principes des droits universels qui sont mis à l'écart par les différents discours sur les droits humains. Pour Goodale, cette anthropologie critique est progressive, car elle assume qu'il y a des principes émancipatoires qui sous-tendent les discours sur les droits humains qui sont intégrés par les institutions de pouvoir et que de plus profondes réflexions sont nécessaires sur les théories et pratiques des droits humains avant de les appliquer aux sociétés existantes

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(Goodale, 2006). Pour l'auteur, une anthropologie critique des droits humains peut ainsi expliquer en contexte les échecs des régimes internationaux et transnationaux de droits humains à remplir leurs promesses. De plus, cette approche soutient que les droits humains, dans leur forme hégémonique présente, ne peuvent servir de base à la réalisation de ces promesses. Cela dit, une perspective critique favoriserait un travail de collaboration entre la population, les experts et les différents acteurs de gouvernance (Saillant, 2009 : 142). Ainsi, le travail de l'anthropologue chercherait à identifier des approches moins normatives et non seulement basées dans le formalisme des droits pour mettre à jour les discours et pratiques des acteurs des droits humains.

1.2.2.2 Quatre thèmes de l'anthropologie des droits humains

Goodale (2007) identifie quatre thèmes majeurs dans l'étude anthropologique de la pratique des droits humains qui révèlent le potentiel et les limites des systèmes universels de droits et d'éthiques. Ces thèmes sont la violence, le pouvoir, la vulnérabilité et l'ambivalence. Le premier thème de la violence est incontournable dans l'étude des droits humains et dans la recherche proposée. En effet, autant l'aspect historique et social de la violence envers des droits humains universels que la problématisation de la violence dans les différents discours légaux est sujet à l'analyse anthropologique. « Violence is a fundamental aspect of human rights issues, yet only some kind of violence are considered human rights offenses », dit Merry (2007: 41). À ce sujet, Goldstein (2007) s'est intéressé aux différentes façons d'interpréter la violence en Bolivie selon les discours transnationalistes employés. Quant à elle, Lauren Levé (2007) a étudié la rhétorique libérale des droits humains qui a émergé afin de combattre la violence de l'État népalais. Cette rhétorique a forcé les bouddhistes népalais à nier leurs philosophies pour s'insérer dans le discours des droits humains et faire avancer leur autonomie et leurs libertés religieuses. Dans le cas qui nous intéresse, la violence c'est ce que vivent les individus visés par les attitudes et comportements homophobes. Pour Merry, la violence qui est normalisée et fait partie du quotidien est une violence structurelle. Elle ajoute : « Structural violence is usually concealed within the hegemony of ordinariness, hidden in the mundane details of normal life like gender performances in football games or the

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celebration of machismo » (2007 : 43). Il sera donc intéressant de constater comment est théorisée cette violence structurelle par les différents acteurs de la lutte contre l'homophobie au Québec. Comment est définie et balisée la violence par les acteurs sociaux dans la lutte contre l'homophobie?

Un deuxième thème que propose Goodale dans l'étude de la pratique des droits humains est la vulnérabilité. De fait, il ne faut oublier que la volonté à l'origine des régimes de droits humains est de protéger les gens vulnérables envers, entre autres, leur propre état. Mais est-ce que la notion de vulnérabilité est universelle et comment la définir ? A ce sujet, Jean Jackson (2007) a étudié comment prend forme la vulnérabilité des populations indigènes en Colombie dans les différents discours sur les droits humains et elle montre les limites des conceptions de la vulnérabilité dans les discours transnationalistes conventionnels. Dans le cas présent, cela pose la question à savoir comment définir la vulnérabilité aux comportements et attitudes homophobes. Ainsi, est-ce que la lutte contre l'homophobie touche seulement les individus de minorités sexuelles ou tous les individus? Dans la présente recherche, il sera intéressant de distinguer les différents discours sur la vulnérabilité selon les acteurs de la lutte contre l'homophobie. Comment est définie la vulnérabilité aux manifestations homophobes? Est-ce que la vulnérabilité discerne entre les individus hétérosexuels et homosexuels? C'est-à-dire, est-ce que les acteurs interviennent pour lutter contre l'homophobie seulement chez les hommes gais ou chez tous les hommes, sans distinction sexuelle?

Le troisième thème proposé par Goodale est l'aspect du pouvoir lié aux régimes de droits humains et aux aspects discursifs de ces droits. En effet, bien que les droits humains puissent servir pour faire avancer les droits de groupes ou de personnes en danger, le discours sur les droits humains est repris par différents acteurs qui transforment la signification pour l'adapter à leurs volontés. L'appropriation des discours par les différents acteurs fait écho à la notion de vernacularisation proposée par Sally E. Merry (Goodale, 2007). À ce sujet, Shannon Speed (2007) a mis en évidence l'appropriation des discours des droits humains par les acteurs sociaux du Chiapas au Mexique et montre

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comment il s'agit d'une forme de pouvoir adaptée aux réalités des régimes locaux et internationaux de droits universels.

Finalement, le quatrième thème que Goodale retient en ce qui a trait à la pratique des droits est l'ambivalence liée aux droits humains. Ainsi, bien que les volontés de changements sociaux soient au cœur des régimes de droits humains, les intentions morales sont encadrées par des valeurs institutionnelles et politiques qui recadrent ces volontés. À ce titre, Sari Wastell (2007) a analysée les résistances de la société Swazi envers les politiques de droits humains, montrant comment les intentions morales derrières les conceptualisations des droits universels font place aux réalités culturelles.

1.2.2.3 Quatre processus liant les aspects sociaux et légaux

Afin d'insérer la présente recherche dans l'approche de l'anthropologie des droits humains, il convient de définir un vocabulaire anthropologique qui servira de base à la présente recherche. Richard A. Wilson résume quatre processus qui relient les différents champs légaux et sociaux qui sont l'objet du travail de l'anthropologue de la loi. En effet, Wilson (2007) identifie la légalisation des droits, la verticalisation des conflits, la vernacularisation et finalement l'épistémologie de la loi, comme processus inévitables dans l'analyse disciplinaire.

La légalisation des droits fait référence aux moyens utilisés pour transformer des volontés morales en projets légaux (Wilson 2007: 351). Dans le cas présent, une des revendications invoquées est l'égalité sociale des individus de minorités sexuelles. La légalisation des droits est donc la transformation de ces volontés en projets de lois, en mécanismes légaux, qui reproduisent cette résolution morale.

Le deuxième processus identifié par Wilson est la verticalisation des conflits qui fait référence à la montée d'une problématique locale vers des instances plus élevées soit au niveau national ou international. Pour Wilson (2007), la verticalisation des conflits est ancrée dans la structure internationale des droits humains qui crée une norme qui est

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au-dessus de toutes les autres. Il rappelle que d'un côté cette verticalisation peut entraîner l'attention sur les revendications de groupes locaux au niveau national et international, mais peut avoir aussi des conséquences néfastes comme la perte du contrôle des groupes locaux des revendications et l'établissement de nouveaux conflits locaux créés par cette verticalisation.

Le troisième processus se base sur la notion de vernacularisation supportée par Sally Engle Merry (Goodale, 2007 ; Wilson, 2007). Ce concept fait référence à la traduction des discours légaux sur les droits humains internationaux au niveau local qui possèdent des contextes culturels spécifiques. Wilson rappelle les deux sous catégories de la vernacularisation proposée par Merry, soit la replication et l'hybridité. La replication est lorsque les discours sur les droits humains sont introduits au niveau local sans contextualisation, tandis que l'hybridité fait référence à l'intégration et la fusion des concepts internationaux dans les réalités légales locales (Wilson, 2007). Finalement, le dernier processus proposé par Wilson est l'épistémologie de la loi. Ce processus s'intéresse à comment la loi représente une forme de production de connaissance et en même temps une forme de pouvoir. Dans le cas présent, cela soulève la question à savoir si le combat contre la discrimination envers les individus de diversité sexuelle au Québec représente une forme de pouvoir pour les acteurs sociaux. Toutefois, bien qu'il puisse s'agir d'une forme de pouvoir, il ne faut oublier que cet organisme vient en aide aux hommes qui sont vulnérables dans une société hétéronormative.

L'étude de la discrimination envers les hommes gais et bisexuels s'inscrit dans plusieurs approches, notamment celles des droits et celles du genre. Ces approches nous amène à soulever les questions suivantes :

Quelles formes a pris et prend toujours la discrimination envers hommes de minorités sexuelles au Québec ?

Comment les acteurs sociaux de la lutte contre l'homophobie participent-ils à la défense et à l'affirmation des droits des minorités sexuelles en particulier à MIELS-Québec?

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Quelles sont les pratiques des groupes communautaires d'entraide et de soutien pour les hommes des minorités sexuelles, en particulier à MIELS-Québec ?

1.3 Définitions

La définition des concepts discrimination, homophobie et hétérosexisme utilisés dans le cadre de ce mémoire s'inspirent des notions légales. Voilà une définition sommaire de ces termes :

Le terme discrimination est défini généralement comme le fait de réserver à quelqu'un un traitement différent ou inéquitable en raison d'une caractéristique personnelle. La cour suprême du Canada, dans un jugement (Andrews c. Law Society of British Columbia, 1989) définit plus précisément la discrimination de cette façon : « distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer des désavantages non imposés à d'autres, ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux avantages offerts à d'autres membres de la société (CCDPC, 2011) ».

L'homophobie fait référence couramment aux sentiments de peur et d'aversion que ressentent certaines personnes à l'égard de l'homosexualité et des personnes d'orientation homosexuelle, ou à l'égard de toute personne dont l'apparence ou le comportement ne se conforme pas aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité (CDPDJQ, 2007 : 12).

Finalement, l'hétérosexisme est définit comme l'affirmation de l'hétérosexualité comme norme sociale ou comme étant supérieure aux autres orientations sexuelles (CDPDJQ, 2007 : 12).

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Chapitre 2

Méthodologie et déroulement de l'enquête de terrain 2. Méthodologie

Tel que mentionné précédemment, cette étude vise à tracer la généalogie de la discrimination envers les hommes de minorités sexuelles au Québec à travers l'histoire du groupe communautaire MIELS-Québec. Au sujet de la recherche en anthropologie Michel Vial écrit : « Le postulat de l'anthropologie comme discipline de recherche est qu'il est possible de passer du local au général (2001 : 128) ». De ce point de vue, la recherche en anthropologie vise à extrapoler, à partir d'unités locales plus petites, des unités de connaissance plus universelles. Ainsi, pour répondre à la question : quelles formes concrètes prend la discrimination envers les hommes gais au Québec ? Il est tout à fait valable d'étudier des organisations communautaires locales d'entraide et de soutien pour les hommes gais. Ces groupes, à travers l'expérience de leurs employés, intervenants, bénévoles et à travers leurs pratiques, ont certainement des connaissances concrètes sur l'homophobie et l'hétérosexisme qui peuvent être dégagées par un protocole de recherche en anthropologie.

D'un point de vue méthodologique, la démarche de recherche peut être découpée en différentes étapes. Michel Vial (2001) expose une façon de considérer la méthode de recherche en trois étapes : « Constitution du matériau, traitement du matériau et obtention du résultat puis interprétation de ces résultats ». En ce sens, le déroulement de l'enquête de terrain a consisté à la cueillette des données, le traitement des données et l'analyse ainsi que l'interprétation des données.

2.1 Collecte des données : terrain et participants

Pour résumer, les données collectées dans le cadre de ce mémoire proviennent principalement de deux démarches distinctes : entretiens de terrain et études documentaires. À propos de la recherche de terrain Michel Vial écrit « parler de

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recherche de terrain [...] c'est désigner des méthodes où le passage par le terrain est indispensable car la recherche se fait dans la rencontre entre le chercheur et les gens de terrain (2001: 125) ». Dans le cas de cette étude, les « gens de terrain » sont les intervenants du groupe communautaire MIELS-Québec. En effet, les sujets de l'étude sont 16 intervenants qui ont travaillé ou qui travaillent à l'organisme. Toutefois, pour avoir un portrait plus global de la discrimination des hommes de minorités sexuelles, pour obtenir des données comparatives et pour identifier les faits et les dates exactes de l'histoire du groupe étudié et plus largement du mouvement social dont il est issu, il a été choisi de consacrer une partie importante de la démarche à la recherche documentaire. Au final, les données de cette recherche proviennent donc de la synthèse des entretiens que j'ai réalisés avec des intervenants qui sont ou qui ont été employés et/ou bénévoles de MIELS-Québec, ainsi que des informations recueillies dans les archives de l'organisme, des travaux de Ross Higgins (1997, 1998, 2000), du rapport de consultation du groupe de travail mixte contre l'homophobie (2007) et d'autres documents énumérés plus bas.

Une façon de considérer les entretiens de terrain est résumée par Lapassade (1990) : « L'entretien ethnographique est un dispositif à l'intérieur duquel un échange aura lieu. Ce ne sera plus, comme pour la conversation, un échange spontané et dicté par les circonstances; l'échange va maintenant s'effectuer entre deux personnes dont les rôles seront davantage marqués. Il y aura celui qui conduit l'entretien et celui qui est invité à y répondre ». Dans ce sens, les entrevues ont été préparées d'avance avec des questions pour initier les conversations (annexe 1 et 2). Une autre façon de considérer la démarche ethnographique est la conversation courante, voire ordinaire où le chercheur participe aux activités d'un groupe, tout en demandant le sens que donnent les participants. Dans ce sens, une grande liberté était laissée aux participants afin qu'ils parlent de leur expérience comme intervenants, employés ou bénévoles. Dans certains cas, les participants ont répondus aux questions que j'avais préparées d'avance sans même que je ne les pose.

En pratique, la majorité des entretiens ont commencé par une question de la part des participants : « C'est sur quoi ta recherche? » Ces entrevues individuelles ont été d'une durée d'une heure en moyenne. Toutefois, une plus longue entrevue initiale a été réalisée

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avec deux intervenants de MIELS-Québec afin de mieux comprendre l'histoire de ce mouvement depuis ses débuts. Aussi, de nombreux témoignages informels ont découlé de ma simple présence à l'organisme et ont permis de m'aider à comprendre les problématiques de la clientèle et le rôle de MIELS-Québec. En effet, ce groupe communautaire s'efforce d'être un lieu d'accueil chaleureux et il est difficile d'y être inaperçu. De nombreux membres m'ont accueilli amicalement, se sont intéressés à moi et m'ont ultimement offert de beaux témoignages sur la réalité des individus atteints du VIH et sur celle des hommes de minorités sexuelles.

D'autre part, des données complémentaires ont été recueillies dans les archives de l'organisme qui contiennent notamment les publications de MIELS-Québec (journaux internes, documents relatifs aux campagnes de sensibilisation, rapports annuels, coupures de journaux, recherches) et de certains partenaires communautaires ou gouvernementaux. Ces documents m'ont permis d'extraire des témoignages, des statistiques, des dates et des faits historiques. La majorité des renseignements ont été tirés du journal interne Sidus de MIELS-Québec, du journal Vis ta VIH, des publications reliées aux 10 ème et 20 ème anniversaires de l'organisme, des dépliants informationnels produits par MIELS-Québec et/ou ses partenaires tels que la COCQ-sida et la Société Canadienne du sida ainsi que des portails Web de MIELS-Québec et de ses partenaires, dont Gai Écoute. Le mémoire de Bouffard (2000), sur les premières années de MIELS-Québec, a été une source d'information importante. Le choix d'utiliser ce mémoire comme source de données découle principalement du fait qu'il a été écrit par une ancienne intervenante de l'organisme.

Également, j'ai trouvé de nombreuses informations sur la discrimination des hommes de minorités sexuelles dans les travaux de Ross Higgins sur l'histoire de la communauté gaie montréalaise dans De la clandestinité à l'affirmation: pour une histoire de la communauté gaie montréalaise (2000), dans le recherche de Michel Dorais (2000), Mort ou fifi la face cachée du suicide chez les garçons, dans le rapport de consultation publique sur la violence et la discrimination envers les gais et les lesbiennes (1994), dans le rapport de consultation du groupe de travail mixte contre l'homophobie (2007), dans la

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politique québécoise de lutte contre l'homophobie (2009) et dans le plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie 2011-2016 (2011), ainsi que dans le texte de Line Chamberland (1997) De la répression à la tolérance : l'homosexualité et dans le livre La répression des homosexuels: Au Québec et en France, du bûcher à la mairie, de Patrice Corriveau (2006).

2.2 L'analyse des données

Chevrier (1992) écrivait : « Pour élaborer sa théorie enracinée du phénomène, le chercheur utilise principalement des concepts et des hypothèses qui ont émergé des données recueillies ». En ce sens, pour arriver à interpréter les données, pour répondre aux questions de recherche, il est nécessaire de procéder à une certaine forme de traitement des données recueillies. « L'unité de l'esprit humain, si toutefois elle s'élabore à travers l'histoire, ne peut être cherchée que dans la quête du sens et dans le jeu des significations (Ardoino et Lecerf 1986 : 14) ». Ainsi, pour dégager un sens des données recueillies, la démarche qualitative a été préférée dans le cadre de cette étude. L'analyse qualitative est une démarche de recherche de sens. Le chercheur tente de dégager le sens d'un entretien, d'un texte, d'un document, notamment à l'aide d'outils et de processus. Bourdon et Deschenaux (2005 : 6) expliquent : « À chaque fois que l'analyste lit un extrait, qu'il est devant un document à analyser, et ce, peu importe la nature de celui-ci, il doit se poser les questions suivantes : De quoi est-il question dans ce document-là?, De quoi est-ce que cet extrait parle?, Que dit cette personne?, de façon à pouvoir en dégager les grandes idées et ainsi en appréhender le sens ».

Pour procéder au traitement des données, l'approche de l'analyse thématique avec le logiciel N'vivo a été privilégiée. Ce logiciel permet de procéder à l'analyse thématique notamment, par la décontextualisation par le codage des thèmes et par la recontextualisation par des matrices et modèles :

La décontextualisation consiste à sortir de son contexte un extrait du texte, afin de le rendre sémantiquement indépendant : cette étape de codage, entièrement libre et le plus souvent manuelle, permet de stocker les

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informations, de les qualifier et de les organiser [...] Recontextualiser consiste dans N'Vivo à regrouper les Noeuds pour en faire un tout intelligible et porteur de sens (Fallery et Rodhain 2007 : 21).

Dans le cadre de la problématique de recherche, cet outil a été particulièrement utile pour dresser un portrait chronologique de l'histoire de MIELS et pour retracer la généalogie de la discrimination envers les hommes de minorités sexuelles. Pour aller dans le sens des documents trouvés dans les archives de MIELS-Québec, j'ai choisi de diviser en deux parties l'histoire de ce mouvement, soit premièrement de 1986 à 1996 et deuxièmement de 1997 à 2009. Il en ressort un portait chronologique de la discrimination des hommes de minorités sexuelles au Québec et de l'histoire de MIELS.

2.3 Aspects éthiques et déontologiques

Considérant que l'éthique et la déontologie font partie de la recherche en anthropologie, voici quelques informations à ce sujet. En premier lieu, chaque participant à la recherche a été informé oralement ou par écrit des objectifs de la recherche. De plus, les participants ont été informés de leur droit de retrait de l'enquête à tout moment, s'ils en ressentaient le besoin. Au plan de l'éthique, un formulaire de consentement conforme aux exigences du Comité d'éthique de la recherche avec des êtres humains de l'Université Laval (CERUL) a été remis aux participants afin qu'ils le remplissent avant l'entrevue. De plus, j'ai pris des mesures afin d'assurer la confidentialité des participants à l'enquête. Aucun entretien n'a été enregistré sans la permission des participants et sans la signature du formulaire de consentement. De plus, aucun nom propre n'a été utilisé dans le cadre du traitement et de l'analyse des données.

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Chapitre 3

Genèse et évolution du groupe MIELS-Québec : un portrait

chronologique

Cette section du mémoire porte sur la genèse et l'évolution du groupe communautaire MIELS-Québec. Les données ont été recueillies dans le cadre d'une enquête de terrain menée auprès d'anciens intervenants et/ou des intervenants actuels de l'organisme MIELS-Québec ainsi que dans les archives de l'organisme. La majorité des renseignements ont été tirés des entrevues réalisées, des différentes publications du journal Sidus de MIELS-Québec et du journal Vis ta VIH, de rapports annuel, de documents relatifs aux I0ème et 20 ème anniversaire de l'organisme et de la recherche de

Bouffard (2000). Un portrait chronologique en est tiré, portrait organisé en fonction de la compréhension que nous avons eue de la manière dont le groupe, en tant qu'acteur social, participe à la lutte contre l'homophobie de même qu'à la défense et à l'affirmation des droits des minorités sexuelles. Nous répondrons ainsi à notre deuxième question de recherche.

3.1 Genèse et évolution de MIELS-Québec (1986-1996)

Durant les années 1980, la communauté gaie est fortement marquée par la crise du VIH-sida. À Québec, c'est en 1983 que les cinq premiers cas sont observés. À cette époque, la majorité des cas déclarés dans la province touchaient les individus d'origine haïtienne. À partir de 1984, ce sont les hommes de minorités sexuelles qui constituent la majorité des cas déclarés (Bouffard, 2000 : 10). Le réseau québécois de la santé est pris de panique par cette nouvelle épidémie méconnue et les malades meurent sans avoir accès à des services médicaux de base. Dans ce contexte, ce sont les efforts de militants gais et de militants haïtiens qui permettront au réseau de la santé québécois de s'ouvrir à cette tragédie humaine (Bouffard, 2000 : 11). La présente section s'intéresse à l'émergence du groupe communautaire Miels-Québec en 1986 et ses dix premières années qui sont marquées par son émergence, ses premières subventions et levées de fonds, la structuration de ses

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activités, services, et sources de revenus, l'ouverture de la ressource d'hébergement, une période de planification stratégique et une période transitoire.

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C'est dans le contexte de crise du VIH-sida que certains citoyens de la ville de Québec, notamment Gilles Gosselin, René Raymond et André Roberge, commencent à discuter de la mise en place d'une structure communautaire afin de venir en aide aux individus touchés par la maladie. Avec le support d'un bar gai de Québec, Le Drague, une première rencontre est organisée en juillet 1986 en présence d'une vingtaine de participants qui se sentent concernés par la maladie. De cette réunion émerge la décision de créer un groupe d'intervention dans la lutte contre le sida à Québec. Le choix est fait de prioriser l'information et la démystification de la maladie, ainsi que le support aux personnes atteintes (MIELS-QUÉBEC, 1997 : 2).

À la suite de réunions subséquentes, à la présence de nouveaux participants et à une levée de fond organisée dans le cadre d'une journée de sensibilisation au Drague (4 800$ amassés), émerge le groupe Ciels-Québec (Comité d'information et d'entraide dans la lutte contre le Sida à Québec) cette année de 1986. Rapidement, le nom de l'organisme est modifié pour Miels-Québec, soit un mouvement d'information et d'entraide : « Un mouvement, c'est un geste déterminé, issu d'une volonté assumée et qui génère un résultat, un impact (MIELS-QUÉBEC, 2011 : 2) ».

Le 3 août de cette même année, la première assemblée générale initiée par le comité organisateur contribuera à la mise en place d'une structure organisationnelle afin d'atteindre les buts de l'organisme. Ainsi, des élections mènent à la formation d'un conseil d'administration et à la nomination de responsables pour les bénévoles au soutien et à l'information. Le 24 septembre, l'organisme obtient ses lettres patentes officialisant la création de l'organisme. Le groupe s'installe alors dans le quartier St-Jean-Baptiste, au sous-sol du 369 rue St-Jean. Le choix de l'emplacement répond au critère de proximité de la clientèle. Afin de faire connaître l'organisme et ses services, une première journée

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porte ouverte est organisée le 2 novembre 1986. Déjà, une quinzaine de bénévoles travaillent pour MIELS-Québec.

Durant les pires moments de la crise du VIH-sida, vers 1986, la mission du groupe communautaire est la prévention et l'entraide. Le secteur de la prévention aura comme objectifs de démystifier le sida dans la communauté de Québec, de sensibiliser à la réalité des personnes atteintes et finalement de favoriser la prévention de la transmission du virus. De par la nature de l'épidémie, les premiers efforts de l'organisme viseront principalement la communauté gaie. En ce qui a trait au secteur de l'entraide, il aura comme objectif principal de venir en aide aux personnes touchées par le virus. Leurs besoins sont urgents à cause des problématiques multiples qui accablent les individus ayant un diagnostic de VIH-sida. La mise en place d'une ligne téléphonique, Info-Sida (qui deviendra Sida-Aide), sera le premier service offert par le secteur de l'entraide en octobre 1986.

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En 1987, le programme mondial sur le sida voit le jour à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Également, la définition du sida est révisée afin d'inclure les infections opportunistes et leur diagnostic (MIELS-QUÉBEC, 1997 : 6). À MIELS-Québec, l'organisme se fait connaître de la population de Québec, des médias, dans le réseau de santé et des services sociaux, par les autres groupes communautaires sida et par les deux paliers gouvernementaux. Au printemps, déjà une trentaine de bénévoles s'activent, notamment au niveau de la ligne Info-sida, de l'accompagnement et d'activités d'information-sensibilisation. La croissance du Mouvement entraînera la relocalisation dans un endroit plus grand, mais toujours près de la clientèle. Ainsi, en juillet 1987, MIELS-Québec déménage au 910 rue Brown. Cette même année, les sous-comités d'entraide-soutien et d'information-éducation sont créés. Ce dernier comité produit un premier dépliant sur le sida et sur les mesures de protection qui est publié à 5000 exemplaires. C'est une année importante pour la continuité du projet initial de MIELS-Québec, qui voit sa crédibilité et la justesse de ses actions confirmées par l'appui financier des gouvernements fédéral et provincial (73 000$), ainsi que par

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Centraide-Québec (10 000$). Avec environ 700 appels à la ligne téléphonique, 55 usagers réguliers et 6000$ en support matériel aux usagers, MIELS-Québec se permet d'engager des salariés dans ses deux secteurs d'activités (Bouffard, 2000 : 8).

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À partir de 1988, le gouvernement québécois reconnaît l'importance de supporter les quelques dix groupes communautaires liés à l'intervention sida au Québec, dont MIELS (MIELS-QUÉBEC, 1997 : 8). Le plan d'action provincial (première phase de la stratégie provinciale) mène à la création de services spécifiques d'accompagnements, de programmes de préventions, de soins palliatifs et de maisons d'hébergements communautaires pour les sidéens (Bouffard, 2000 : 5). Cette même année, MIELS-Québec s'attaque à un projet important, celui de doter la ville de MIELS-Québec d'un lieu d'hébergement pour les personnes atteintes par le sida. Suite à l'obtention d'une subvention de 200 000 $ de la part de la Société d'habitation du Québec (SHQ), l'organisme met en branle un projet qui vise à faire l'acquisition et l'aménagement d'une maison pour sidéens. Malheureusement, le projet fait face à des contestations par les résidents du secteur de Limoilou visé pour implanter cette maison d'hébergement. Le comité d'opposition à l'implantation soutient, entre autres, que le « voisinage de sidatiques rendrait le danger de contamination omniprésent ».

Cet échec conduira MIELS-Québec à chercher un autre lieu pour la maison d'hébergement en collaboration avec la Ville de Québec. Finalement, le 23 novembre, le Transit Marc-Simon est inauguré officiellement sur la rue Chouinard, dans le quartier Montcalm, et servira de maison d'hébergement pour les sidéens grâce au travail de 15 bénévoles sous la coordination de trois Sœurs de la Charité de Québec. Les noms Marc et Simon font référence à deux hommes qui se sont impliqués à MIELS-Québec et qui ont permis de faire connaître la réalité des individus atteints du VIH-sida. Simon était un des membres fondateurs de l'organisme et un des premiers bénévoles à y travailler tout en étant porteur du VIH. Marc, quant à lui, était un serveur au bar le Drague qui a continué à faire son travail malgré le stade avancé de sa maladie et les plaques du sarcome de Kaposi qui étaient visibles sur sa peau. Tragiquement, ces deux hommes sont décédés des

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suites de la maladie au milieu des années 1980. Un témoignage tiré du journal Sidus (1997 :8) rappelle l'importance qu'ont joué MIELS-Québec et la Maison Marc-Simon au pire de la crise du VIH-sida :

À titre de mère d'un enfant décédé à la Maison Marc-Simon, j'aimerais rendre hommage et dire ma gratitude profonde à MIELS-Québec qui a pris l'initiative d'implanter cette maison d'hébergement à Québec, dans un environnement paisible et d'une grande beauté, et à tous ceux qui ont fait un lieu d'accueil exceptionnellement chaleureux, pacifiant, rempli de tendresse humaine et de compréhension. J'y ai séjournée durant un mois et demi, au chevet de mon fils. J'y ai été reçue comme une amie, membre d'une belle et grande famille.

En mai de 1988, MIELS-Québec devient membre de la Société canadienne du sida. Suite à une expansion considérable en termes de développement, de structuration organisationnelle et de consolidation de services et de revenus, le 18 juin, l'organisme déménage à nouveau, cette fois au 575 rue Saint-Cyrille dans des locaux plus grands et confortables (Bouffard, 2000 : 11). Durant cette période, MIELS-Québec se développe de façon structurée afin d'assurer sa pérennité et ses activités : « Entièrement géré de façon bénévole à ses débuts, l'organisme ne peut plus se permettre une gestion cahoteuse, suite au roulement des titulaires bénévoles. En étant désormais assuré du soutien financier, MIELS-Québec passe d'une organisation artisanale, à une administration structurée dans le but d'assurer la gestion d'un budget convenable (Bouffard, 2000 : 10) ». Ainsi, d'autres ressources permanentes sont engagées et un poste de directeur général est mis sur pied. En octobre, une fin de semaine de travail est organisée à Québec par MIELS et d'autres organismes sida en vue de mettre en place un regroupement. Le premier décembre, c'est la première journée mondiale sur le sida. Le gouvernement provincial annonce la phase deux de sa stratégie de lutte contre sida (MIELS-QUÉBEC, 1997 : 8).

1989

En 1989, le Centre québécois de coordination sur le Sida (CQCS) est créé en juin afin d'améliorer la réponse gouvernementale à la lutte contre le sida. À l'été, la cinquième Conférence internationale sur le sida est tenue à Montréal. Au niveau du traitement de la maladie, l'AZT est reconnue comme étant efficace, c'est le premier médicament

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anti-viral (MIELS-QUEBEC, 1997 : 10). Durant cette période, MIELS-Québec instaure des mécanismes d'évaluation afin de vérifier la justesse de ses actions. Aussi le choix de diversifier les sources de financements entraîne l'instauration d'un modèle de gestion par projet. En ce qui a trait au secteur de l'entraide, le choix est fait d'encourager le soutien entre pairs. Au secteur Éducation-information, les activités visent à faire la promotion de comportements sexuels à risque réduit auprès des hommes gais et des prostitués (Bouffard, 2000 : 11). Le programme « sida en milieu de travail » est mis sur pied. Parmi les événements importants de l'année, MIELS-Québec est l'organisme-hôte de l'assemblé-générale de la Société Canadienne du Sida à Québec en mai. En août, le journal interne Sidus (qui signifie une constellation d'étoiles) est publié pour la première

fois. Finalement, l'organisme lance en décembre, une brochure illustrée sur le sida destinée aux jeunes à 20 000 exemplaires (Sida : ne vous laissez pas emporter par l'ignorance). À propos des trois premières années du Mouvement, Hélène Bouffard écrit :

Après trois ans, MIELS-Québec atteint une grande maturité. Son organisation administrative est stabilisée et rationnalisée, et ses activités et ses services sont structurés et consolidés. Son processus de comptabilité par fonds est développé et appliqué, ce qui permet de distinguer les argents alloués au Transit Marc-Simon du reste des activités de MIELS-Québec. L'administration et la gestion du Transit Marc-Simon sont assurées par trois Sœurs de la Charité de Québec de façon bénévole et les autres besoins par la main-d'œuvre salariée ou par des bénévoles (2000 : 12).

1990

En 1990, la Coalition des Organismes Communautaires de lutte contre le Sida (COCQ-Sida) voit le jour et regroupe sous une même entité les organismes communautaires sida du Québec. Cette année est pour MIELS-Québec une période de questionnement et de restructuration interne : « L'heure est aux grandes questions quant au futur de l'organisme. Que veut dire communautaire et organisme bénévole pour MIELS-Québec (Bouffard, 2000 : 12) ? ». En conséquence, le conseil d'administration démarre une opération de consultation auprès de tous les membres du Mouvement. Plusieurs mécanismes sont mis en place pour préparer l'avenir de l'organisme et orienter ses actions :

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De ces rencontres avec le conseil d'administration et les permanents de MIELS-Québec se dégagent 24 orientations [...] sachons que MIELS-Québec est à l'heure des évaluations et des comptes à rendre aux subventionneurs sur ses actions et sur la qualité de ses interventions. Les défis majeurs concernent : l'encadrement des bénévoles, la diversification et l'accroissement de l'autofinancement, le maintien et la qualité des services de soutien, la considération de l'expertise professionnelle et l'assurance du respect de la dignité humaine des personnes touchées par l'infection au VIH (Bouffard, 2000 : 13).

Au secteur de l'entraide, le choix est fait de valoriser les PVVIH (Personnes Vivant avec le VIH). A l'automne, MIELS-Québec créé le Regroupement des personnes vivant avec le VIH-sida de Québec : « Celui-ci est issu d'un besoin légitime pour ces personnes d'avoir un lieu spécifique, une entité autonome où il est possible de se mobiliser et de se regrouper afin de mieux s'entraider (MIELS-QUÉBEC, 2011 :16) ». De plus, un premier groupe de support pour endeuillés est tenu par MIELS-Québec. Parmi les projets de l'année, le groupe procède au lancement, en juin, d'une affiche de sensibilisation à caractère humoristique intitulée « Un condom comme de raison ». En mai, l'encan bénéfice amasse 30 500$ grâce à une nouveauté : une pré tournée des commerces et établissements gais en avril et mai. Également, l'Hippocampe instaure un brunch au bénéfice des PVVIH de MIELS:Québec qui deviendra récurrent.

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En 1991, le Ruban rouge, qui deviendra un des symboles de la lutte contre le sida, est créé par l'artiste peintre de New York Frank Moore (MIELS-QUÉBEC, 2011 : 17). En avril, la première conférence canadienne sur le sida a lieu à Vancouver. À MIELS-Québec un programme d'aide pour l'entourage des PVVIH-sida est mis sur pied ainsi qu'une formule de témoignages des PPVIH-sida. Au secteur de la prévention, la décision est prise de favoriser les partenariats avec les commerces et les entreprises. Ainsi, une campagne de sensibilisation VIH-sida a lieu à la radio (La Jungle) et dans les cinémas de Québec (850 messages en 6 mois), et une campagne de prévention est tenue dans les saunas de Québec. Également, un autobus de la CTCUQ est peint aux couleurs de MIELS-QUÉBEC jusqu'en mars 1992 avec le message : « Contre le sida... un simple

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condom! Ne Party pas sans lui! ». Au niveau des autres services, des efforts sont investis dans la publicisation du Transit Marc-Simon, ainsi que dans la réévaluation de sa mission et de sa structure organisationnelle : « Cette réflexion profonde amène MIELS-Québec à revoir la mission du Transit et à s'ajuster au nouveau besoin qui émerge chez les personnes atteintes, soit celui de mourir dans un milieu de vie où transpirent la compassion et la dignité [...] le Transit Marc-Simon élargit ses services pour offrir désormais des soins palliatifs (Bouffard, 2000 : 13) ». Grâce à une subvention inattendue et non-récurrente du MSSS provenant de l'application de décret suite à la grève des infirmières de 1989, le Mouvement peut améliorer les infrastructures du Transit. Ainsi, à l'automne, le transit est fermé afin d'effectuer des rénovations et doter la bâtisse d'un ascenseur. L'ascenseur permettra le déplacement des résidents en perte d'autonomie. Le transit sera réouvert sous le nom de Maison Marc-Simon, en présence du ministre de la santé Marc-Yvan Côté, durant le mois de décembre.

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À partir de 1992, une nouvelle stratégie canadienne de lutte contre le sida est adoptée afin d'ajuster les campagnes de prévention et de mieux cibler les actions d'éducation. De plus, de nouvelles études sont entamées sur les comportements sexuels des hommes de minorités sexuelles canadiens. L'étude « Au masculin » est publiée suite à une enquête nationale auprès des hommes gais et bisexuels canadiens (MIELS-QUÉBEC, 2011 : 18). Au printemps de 1992, MIELS-Québec met sur pied un programme novateur d'intervention et de prévention dans le milieu gai de Québec nommé G.I.-Clé. Suivant les conclusions d'études menées auprès d'hommes de minorités sexuelles, l'organisme cherchera à valoriser le soutien entre pairs dans l'adoption de pratiques sexuelles sécuritaires. La mise en place de ce programme aboutira plus tard à la naissance du volet PRISME-Québec. Durant la même année, MIELS-Québec déménage pour une quatrième fois. L'organisme s'établit au 175 rue Saint-Jean suite aux commentaires de la clientèle quant à l'accessibilité des locaux. Au niveau des services de MIELS-Québec, la ligne Info-sida devient Sida-aide. Le « réseau sentinelle » est créé afin de faire intervenir huit omnipraticiens à la Maison Marc-Simon. Le CLSC Haute-Ville fait sa part en affectant un poste d'infirmière à la Maison Marc-Simon qui verra sa mission changer pour

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accueillir aussi des personnes en perte sérieuse d'autonomie. Également, la pharmacie Caron et Bernier offre son soutien à la Maison à partir du mois de janvier.

1993

En 1993, on déclenche une enquête publique sur la contamination du sang par le virus du VIH dans les années 1980 au Canada (commission Wilbee). Également, une nouvelle définition du sida est entérinée afin d'inclure de nouvelles maladies révélatrices dont la tuberculose (MIELS-QUÉBEC, 1997: 16). À Québec, deux centres anonymes de dépistage du VIH sont ouverts dans des CLSC de la région. Le 3 octobre, la première Marche pour la lutte contre le sida de la Fondation Farha est organisée. À MIELS-Québec, un projet de prévention auprès des jeunes homosexuels voit le jour. De plus, l'organisme produit un nouveau dépliant de ses services et publie un guide à l'intention des proches des PVVIH portant sur leurs besoins intitulé « Au-delà des mots ». Au niveau des services, le Salon Hospitalité du regroupement des personnes vivant avec le VIH-sida (RPVVIH) est ouvert le 3 août et un nouveau service de repas congelé est ajouté aux services de MIELS-Québec. À l'automne, une première représentation de danse chorégraphique sécuri-sexe est présentée (Miels Angels).

1994

En 1994, la Commission des droits de la personne publie le rapport De l'illégalité à l'égalité (CDP, 1994) qui s'intéresse à la violence et la discrimination envers les gais et les lesbiennes. La Commission recommande au ministère de la Santé et des Services sociaux la mise en place d'interventions multisectorielles qui concernent principalement l'accès à des services adaptés, la formation et la sensibilisation des intervenant-e-s du réseau, la situation des lesbiennes et des jeunes appartenant à une minorité sexuelle, ainsi que la problématique du VIH-sida. En ce qui a trait au traitement de la maladie, la combinaison 3TC-AZT est maintenant reconnue plus efficace que l'AZT seule (MIELS-QUÉBEC, 1997 : 16). À MIELS-Québec, dans le cadre du projet « Sida en milieu de travail », des sessions de formations dans les entreprises commencent en janvier 1994. En mai, se tient le marathon bénéfice « Les grands ciseaux » avec dix coiffeurs qui amassent une somme de plus de 10 000$ au profit des PVVIH de MIELS-Québec. En juillet, le

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service de repas congelés pour les PVVIH est mis sur pied. Également, le projet « Communi-gai » est créé et vise à produire et diffuser une série de six bandes dessinées portant sur le « sécurisexe ». Finalement, des ateliers sur la sexualité sont développés à l'automne pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HARSAH). Ils seront d'une durée de 12 heures réparties en quatre rencontres.

1 9 9 5

En 1995, le gouvernement des États-Unis annonce que le sida est la principale cause de décès chez les Américains âgés entre 25 et 44 ans (MIELS-QUÉBEC, 2011 : 23). À MIELS-Québec, plusieurs activités sont organisées pour les hommes de minorités sexuelles, dont l'atelier sur la sexualité « Sexe, symbole et VIH, sa sexualité à l'ère du sida », destiné aux hommes gais et bisexuels. De plus, un concours de prévention est tenu dans la communauté gaie sous le thème: « Le sécurisexe, à toi d'y voir ». Le 29 septembre, on procède au lancement de 6 bandes dessinées du projet « Communi-gai » à raison de 25 000 exemplaires chacune. En juillet et en décembre, une campagne publicitaire visant à combattre les préjugés sur le VIH-sida est diffusée sur les ondes de TVA : « Pour l'instant, il n'y a qu'un remède au sida, la compréhension ». À l'automne, les services de MIELS-Québec et du RPVVIH-sida sont mis en cornmun. Aussi, le projet « Action-Maison de jeunes » est mis sur pied afin de valoriser la prévention chez les jeunes de 12 à 17 ans. À l'été, 5000 trousses sécurisexes sont distribuées aux jeunes de la

rue avec la collaboration de huit groupes communautaires de jeunes. Finalement, le comité logement mène un projet de logement social pour les PVVIH-sida économiquement défavorisées.

1 9 9 6

En 1996, la trithérapie commence à faire son apparition et souffle un vent d'espoir dans la lutte contre le VIH-sida. Rapidement, les taux de mortalité des malades chutent dans les régions où ces traitements sont utilisés. À MIELS-Québec, on souligne les 10 ans du mouvement sous le thème « 10 ans, on se reconnaît ». Au cours de cette année, MIELS procède au lancement d'une campagne de prévention entre pairs (Destination amour-Québec) qui a comme but de favoriser la sensibilisation et l'accessibilité au condom pour

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la communauté gaie. Également, l'organisme met sur pied une banque alimentaire au Regroupement. Lors de la fin de semaine de l'Action de grâce, des activités de prévention VIH-sida sont organisées en collaboration avec CHIK 98,9 et le bar Dagobert sous le thème : « Ça n'arrive qu'aux autres ». De plus, MIELS-Québec participe à la Semaine nationale de sensibilisation au sida avec sous la thématique de la toxicomanie. Le 1er

décembre, une journée portes-ouvertes est organisée. En plus, des représentations de la pièce « Mon seul crime est de l'avoir aimé » sont présentées par la troupe Lys Arc-en-ciel de Montréal. En ce qui a trait à la sensibilisation, une affiche est lancée « Aujourd'hui t'as le droit d'être bien dans ta peau! », qui s'adresse aux jeunes gais. Finalement, signe de l'évolution des mœurs, un bénévole créé un mur de solidarité sur le Web qui permet aux gens d'inscrire des messages d'espoirs aux personnes vivant avec le VIH.

En conclusion, la période de 1986 à 1996 marque la naissance du groupe communautaire MIELS à Québec. Durant ces années, la communauté gaie est frappée par la crise du VIH-sida et de nombreux hommes gais meurent sans avoir accès à des soins adéquats. Les dix premières années du groupe communautaire seront marquées par la naissance de l'organisme, la structuration de ses activités et sources de financements, ainsi que par la mise en place de différents services, dont la ressource d'hébergement communautaire et les projets alimentaires. De plus, MIELS-Québec mettra sur pied plusieurs projets de prévention à l'intention de la communauté gaie, notamment le projet Communi-gai et les ateliers sur la sexualité.

3.2 Genèse et évolution de MIELS-Québec (1997 - 2009)

Après 1996, l'histoire du groupe communautaire Miels-Québec est fortement marquée par les importantes avancées médicales en ce qui a trait au traitement du VIH-sida. En effet, l'arrivée de traitements ■ plus efficaces pour combattre le virus du VIH et le développement des connaissances sur la transmission du virus feront évoluer la maladie de mortelle à chronique dans la majorité des cas. Conséquemment, on assiste alors à la naissance d'une période de banalisation du VIH-sida. De plus, durant ces années, de nouveaux débats identitaires au sein de la communauté gaie et la mise en place de

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