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Rapports aux experts et aux expertes scientifiques de futures enseignantes du primaire : construction de quatre idéaux-types

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Academic year: 2021

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(1)

Rapports aux experts et aux expertes scientifiques de

futures enseignantes du primaire

Construction de quatre idéaux-types

Thèse

Audrey Groleau

Doctorat en didactique

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

© Audrey Groleau, 2017

(2)

Rapports aux experts et aux expertes scientifiques de

futures enseignantes du primaire

Construction de quatre idéaux-types

Thèse

Audrey Groleau

Sous la direction de :

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Résumé

Cette thèse vise à construire un modèle des rapports aux experts et aux expertes scientifiques entretenus par de futures enseignantes du primaire. Elle s'inscrit dans le contexte selon lequel il est attendu de leur part qu'elles entretiennent un rapport plus libre devant les experts scientifiques. Or, ces rapports n'ont à ce jour jamais été documentés ni modélisés. Quinze futures enseignantes du primaire ont d'abord été invitées à compléter un questionnaire sur le cours et la gestion de controverses sociotechniques actuelles, puis sept d'entre elles, scindées en équipes de trois et quatre personnes, ont pris part à une séance du jeu de société Decide au sujet de la controverse entourant les nanotechnologies. Sept participantes ont également été rencontrées en entretien individuel semi-dirigé pour clarifier et approfondir leurs points de vue. L'analyse des résultats documente les trois dimensions du rapport aux experts et aux expertes scientifiques des participantes. Nous avons opérationnalisé leurs rapports à soi en nous penchant sur les rôles, capacités et incapacités qu'elles s'attribuent dans les discours individuels et collectifs qu'elles ont produits; leurs rapports aux autres par les rôles, capacités et incapacités qu'elles distribuent aux scientifiques et aux experts et expertes scientifiques; et leurs rapports à l'activité dans le monde et sur le monde par les interactions qu'elles évoquent entre les citoyens et d'autres groupes d'actrices et d'acteurs sociaux. Les rôles, capacités et incapacités distribués aux citoyens et aux citoyennes sont parfois interprétés comme un rapport à soi, parfois comme un rapport aux autres, selon le contexte. Quatre rapports idéaux-typiques aux experts et aux expertes scientifiques ont ensuite été construits : un rapport de coexistence, de coopération, de dépendance et d'empowerment aux experts et aux expertes scientifiques. Ils forment un outil théorique qui pourra, nous l'espérons, être réinvesti dans des recherches en didactique des sciences et en Science studies.

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Table des matières

Résumé...iii

Table des matières...iv

Liste des tableaux...vii

Liste des figures...viii

Remerciements...x

Introduction...1

I.1 Plan de la thèse...6

1Problématique...10

1.1Cadre contextuel...12

1.1.1Les manières dont les programmes d'études québécois abordent les controverses sociotechniques...13

1.1.2Des courants de recherche de la didactique des sciences et des Science studies qui s'intéressent aux controverses sociotechniques...15

1.1.3Quelques précisions au sujet de notre posture de chercheuse...22

1.1.4Attentes ministérielles au sujet des relations que les enseignantes du primaire entretiennent avec les experts et les expertes scientifiques...26

1.2État de la question...27

1.2.1Écrits issus du champ de la didactique des sciences...27

1.2.2Écrits issus du champ des Science studies...34

1.2.3Problème de recherche...39

1.3La controverse entourant les nanotechnologies comme contexte pertinent pour examiner l'objet de recherche de cette thèse...41

2Cadre théorique...47

2.1Les notions de rapport au savoir et de rapport aux experts et aux expertes scientifiques...48

2.2L'idéal-type comme façon de modéliser les rapports aux experts et aux expertes scientifiques ...53

2.3Divers visages de l'expertise scientifique...57

2.3.1Définitions de l'expert ou de l'expert scientifique issues d'ouvrages généraux...61

2.3.2Histoire de l'expertise ou de l'expertise scientifique...63

2.3.3Définitions de la teneur et des fonctions de l'expertise scientifique ou présentations des manières dont elle se construit...65

2.3.4Études de cas qui mènent à élargir la définition de l'expertise scientifique ou à envisager autrement sa construction...78

2.3.5Écrits qui remettent en question la pertinence de la notion d'expert scientifique (mais pas celle d'expertise scientifique)...82

2.3.6En guise de synthèse : notre conception de l'expert et de l'expertise scientifique...84

2.4Précisions sur la façon dont les controverses sont envisagées dans cette thèse...86

2.5Question de recherche et objectifs de la recherche...94

3Orientations méthodologiques et analytiques...97

3.1Une étude de cas...99

3.2Quelques précisions au sujet des participantes et de leur programme d'études...100

3.2.1Le profil Éducation auquel les participantes étaient inscrites...100

3.2.2D'autres profils d'études collégiales en éducation...102

(5)

3.4Premier instrument méthodologique : un questionnaire ouvert...106

3.5Sélection des participantes pour les deuxième et troisième instruments méthodologiques....110

3.6Deuxième instrument méthodologique : le jeu de société Decide...112

3.6.1À propos du jeu Decide...113

3.6.2Mettre à profit un jeu de société comme instrument méthodologique...113

3.6.3Déroulement du jeu...115

3.6.4Utilisations antérieures du jeu...118

3.6.5Caractéristiques de la trousse portant sur la controverse entourant les nanotechnologies ...119

3.7Troisième instrument méthodologique : des entretiens individuels semi-dirigés...120

3.8Un journal de bord...122

3.9Résumé des opérations méthodologiques réalisées...123

3.10L'analyse des données recueillies...123

3.10.1Premier moment d'analyse : la transcription...124

3.10.2Deuxième moment d'analyse : l'examen préliminaire...125

3.10.3Troisième moment d'analyse : l'analyse par questionnement analytique...125

4Analyse des discours individuels...133

4.1Portrait de la participante 3...136 4.2Portrait de la participante 4...142 4.3Portrait de la participante 6...148 4.4Portrait de la participante 7...152 4.5Portrait de la participante 9...156 4.6Portrait de la participante 11...159 4.7Portrait de la participante 12...166 4.8Portrait de la participante 13...173 4.9Portrait de la participante 18...184 4.10Portrait de la participante 19...190 4.11Portrait de la participante 22...194 4.12Portrait de la participante 23...197 4.13Portrait de la participante 26...199 4.14Portrait de la participante 27...207 4.15Portrait de la participante 30...211 4.16Synthèse du chapitre...214

5Analyse des discours collectifs...223

5.1Portrait de la séance du jeu Decide regroupant les participantes 18, 23 et 26...224

5.1.1Applications médicales des nanotechnologies et droit à l'information...226

5.1.2Contrôle de l'utilisation des nanotechnologies et attribution du rôle de décideurs...227

5.1.3Émission d'une recommandation et incapacités citoyennes...231

5.1.4Dialogue public et réouverture éventuelle des processus sociopolitiques de prises de décisions...233

5.1.5Adoption d'une position commune...234

5.1.6Résumé du point de vue collectif construit par les participantes...236

5.2Portrait de la séance du jeu Decide regroupant les participantes 3, 4, 11 et 13...244

5.2.1Attributions explicites...245

5.2.2Attributions implicites...247

5.2.3« Expression de sentiments » en réponse à une carte « défi »...248

(6)

5.3Synthèse du chapitre...253

6Construction de quatre rapports idéaux-typiques aux experts et aux expertes scientifiques...257

6.1Retour sur la teneur et la pertinence de la démarche réalisée...258

6.2Présentation détaillée des rapports idéaux-typiques aux experts et aux expertes scientifiques ...264

6.2.1Participantes 7, 11, 12, 19, 27 et membres de l'équipe formée par P3, P4, P11 et P13.264 6.2.2Participantes 6 et 9 – rapport de coexistence avec les experts et les expertes scientifiques...267

6.2.3Participante 4 – rapport de coopération avec les experts et les expertes scientifiques. .270 6.2.4Participantes 18, 26, 30 et membres de l'équipe formée par les participantes 18, 23 et 26 – rapport d'empowerment aux experts et aux expertes scientifiques...272

6.3Cas particuliers – participantes 3, 13, 22 et 23...276

6.3.1Participante 3...276 6.3.2Participante 13...277 6.3.3Participante 22...279 6.3.4Participante 23...280 6.4Synthèse du chapitre...282 7Discussion...284

7.1Au sujet des résultats...285

7.1.1Rôles attribués par les participantes...285

7.1.2Capacités et incapacités attribuées par les participantes...295

7.1.3Interactions entre les citoyens, les citoyennes et d'autres groupes d'actrices et d'acteurs sociaux...299

7.1.4Rapports idéaux-typiques aux experts et aux expertes scientifiques...301

7.2Au sujet des choix méthodologiques...310

7.2.1De l'apport de chacun des instruments méthodologiques...310

7.2.2Le jeu de société Decide : retour sur une première utilisation comme instrument méthodologique...311

7.3Au sujet de l'analyse des données...314

Conclusion...317

C.1 Retour sur la recherche...317

C.2 Limites de la recherche...323

C.3 Apport de cette recherche et pistes de recherche...324

Références bibliographiques...327

Annexe : Questionnaire (instrument méthodologique 1)...343

Annexe : Canevas d'entretien individuel semi-dirigé (instrument méthodologique 3)...350

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 3...355

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 4...362

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 11...368

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 12...373

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 13...379

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 18...391

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus par la participante 26...397

Annexe : Inventaire des extraits recensés dans les propos tenus pendant la séance du jeu de société regroupant les participantes 18, 23 et 26...407

Annexe : Outil-synthèse présentant tous les rôles, capacités, incapacités et interactions attribuées par les participantes et les équipes à divers groupes d'actrices et d'acteurs sociaux...418

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Liste des tableaux

Tableau 1: Différents visages de l'expertise scientifique...61 Tableau 2: Tableau périodique de l'expertise simplifié traduit de Collins et Evans (2014)...70 Tableau 3: Résumé des quatre approches d'analyse de controverses décrites (adapté de B. Martin & Richards, 1995)...90 Tableau 4: Résumé de notre position relative à l'analyse de controverses à partir du chapitre de Martin et Richards (1995)...94 Tableau 5: Nombre d'établissement offrant des profils liés à l’éducation dans le programme des Sciences humaines du Québec...103 Tableau 6: Liste d'établissements et de profils liés à l’éducation dans le programme des Sciences humaines du Québec...104 Tableau 7: Définitions adoptées pour les notions de rôle, de capacité, d'incapacité et d'interaction 129 Tableau 8: Outil utilisé pour consigner les rôles que les participantes attribuent à divers groupes d'actrices et d'acteurs sociaux...130 Tableau 9: Outil utilisé pour consigner les interactions que les participantes décrivent entre les citoyens, les citoyennes et d'autres groupes d'actrices et d'acteurs sociaux...130 Tableau 10: Outil-synthèse utilisé pour consigner tous les rôles, capacités, incapacités et interactions attribués par les participantes et les équipes à divers groupes d'actrices et d'acteurs sociaux...131 Tableau 11: Outil-synthèse présentant les rôles, capacités, incapacités et interactions évoqués par les participantes dans leurs discours individuels...222 Tableau 12: Outil-synthèse présentant les rôles, capacités, incapacités et interactions évoqués par les participantes dans leurs discours collectifs...255 Tableau 13: Résultat obtenu si l'on qualifie les rapports singuliers aux experts et aux expertes scientifiques de participantes...259 Tableau 14: Caractéristiques associées au rapport idéal-typique de dépendance face aux experts et aux expertes scientifiques...267 Tableau 15: Caractéristiques associées au rapport idéal-typique de coexistence avec les experts et les expertes scientifiques...270 Tableau 16: Caractéristiques associées au rapport idéal-typique de coopération avec les experts et les expertes scientifiques...272 Tableau 17: Caractéristiques associées au rapport idéal-typique d'empowerment aux experts et aux expertes scientifiques...276 Tableau 18: Caractéristiques associées à chacun des rapports idéaux-typiques aux experts et aux expertes scientifiques...283 Tableau 19: Répartition des points de vue sélectionnés relativement à l'item VOSTS...291

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Liste des figures

Figure 1: Structure du chapitre de problématique...12 Figure 2: Structure du chapitre de cadre théorique...48 Figure 3: Schéma de la planche de jeu de l'expertise adapté et traduit à partir de Jasanoff (2012)...78 Figure 4: Plan du chapitre portant sur les orientations méthodologiques et analytiques...98 Figure 5: Structure du chapitre présentant l'analyse des discours individuels...135 Figure 6: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la

participante 3...141 Figure 7: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la

participante 4...148 Figure 8: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la

participante 6...152 Figure 9: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la

participante 7...156 Figure 10: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 9...159 Figure 11: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 11...166 Figure 12: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 12...172 Figure 13: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 13...184 Figure 14: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 18...190 Figure 15: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 19...193 Figure 16: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 22...196 Figure 17: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 23...199 Figure 18: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 26...207 Figure 19: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 27...210 Figure 20: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par la participante 30...214 Figure 21: Structure du chapitre présentant l'analyse des discours collectifs...224 Figure 22: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par les participantes 18, 23 et 26...244 Figure 23: Attribution de rôles, de capacités et d'incapacités et description d'interactions par les participantes 3, 4, 11 et 13...252 Figure 24: Structure du chapitre présentant la construction des rapports aux experts et aux expertes scientifiques...258 Figure 25: Lien entre les rapports singuliers et les rapports idéaux-typiques aux experts et aux expertes scientifiques...261

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Remerciements

Un doctorat consiste habituellement en la participation à quelques cours, en la réalisation d'une recherche et en la rédaction d'une thèse. C'est bien entendu ce que j'ai fait depuis septembre 2010, mais j'ai eu la chance de vivre une expérience qui s'étend bien au-delà de ces trois éléments. Si j'ai pu me rendre à l'endroit où je suis au moment d'écrire ces lignes, c'est parce que j'ai été extraordinairement bien entourée.

Je suis d'abord infiniment redevable envers Chantal Pouliot, qui a agi à titre de directrice de recherche pendant mes études de maitrise, puis de doctorat. La qualité de la formation qu'elle m'a offerte a une valeur inestimable et je lui en serai toujours reconnaissante. Je la remercie particulièrement de toutes les discussions que nous avons eues, du soutien dans les périodes difficiles et du temps qu'elle a consacré à me former à l'écriture académique et à l'expression orale. Je remercie Renée-Marie Fountain, qui fait partie de mon comité de thèse depuis le tout début, pour ses encouragements au sujet de la compréhension en profondeur des concepts convoqués dans cette thèse. Je lui suis de plus reconnaissante pour toutes les expériences enrichissantes qu'elles m'a permis de vivre : je pense notamment à un séjour à Paris pour participer au forum Les jeunes,

acteurs du changement social : ensemble, planifions l'éducation et au texte publié dans la Webéducation qui présente le forum et ses fruits, ainsi qu'à deux communications et à un acte de

colloque relatifs au cours Web 2.0 = Pédagogie 2.0? pour lesquels nous avons été coauteures. Je la remercie de tout cœur d'avoir effectué la prélecture de la thèse et d'avoir formulé des commentaires m'amenant à pousser ma réflexion encore plus loin.

Je tiens également à remercier Barbara Bader, qui m'a accompagnée dans les premières étapes de mon parcours en tant que membre de mon comité de thèse. Elle m'a encore et encore incitée à affiner la problématique de ma recherche doctorale et m'a invitée à adopter un angle d'entrée davantage lié à l'enseignement des sciences au primaire pour ma thèse.

Vincent Richard s'est joint au comité au moment de l'évaluation de la thèse. Ses commentaires m'ont permis d'approfondir ma réflexion au sujet des choix nécessairement opérés lors de la rédaction d'une thèse et d'entrevoir d'autres avenues, voire d'autres thèses possibles.

Geneviève Therriault a quant à elle agi comme examinatrice externe. Elle a su identifier les parties de la thèse qui auraient gagné à être plus développées et elle a formulé des suggestions offrant un nouvel éclairage au sujet de quelques difficultés dont j'étais consciente, mais que je n'arrivais pas à cerner aussi précisément ou encore à solutionner.

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Les étudiantes du profil Éducation et leur enseignante m'ont accueillie dans leur classe avec beaucoup de gentillesse et m'ont été d'une grande aide alors qu'elles ont accepté de prendre part à ma recherche. Je leur en suis reconnaissante.

J'ai été très choyée en termes de financement. Alors que le CRSH m'a offert une bourse qui m'a permis de poursuivre mes études à temps plein et sans souci financier, le CRIRES m'a décerné une bourse de publication et de communication qui a contribué à la diffusion de mes travaux de recherche. Le Bureau international de l'Université Laval a également financé mon séjour à Paris en lien avec le forum Les jeunes, acteurs du changement social : ensemble, planifions l'éducation. J'ai enfin bénéficié d'une bourse d'admission de la Faculté des Sciences de l'éducation de l'Université Laval.

La direction du Cégep de Sainte-Foy, les membres du département de physique de ce cégep, ainsi que les étudiantes et étudiants du programme Sciences, lettres et arts m'ont permis de vivre un passage court mais riche de discussions et de réflexions sur la physique et l'enseignement des sciences dans leur établissement. J'ai aussi pu renouer avec l'enseignement de la physique au collégial, ce qui a été un grand plaisir. Je remercie également le département de French, hispanic

and italian studies de l'Université de la Colombie-Britannique qui m'a donné l'occasion de vivre une

première expérience d'enseignement universitaire et de supervision de personnel.

Je souhaite exprimer ma reconnaissance envers les membres du Département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui ont accepté de m'attendre quelques mois, le temps que j'avance la rédaction de cette thèse. Un merci spécial à Geneviève Bergeron, Corina Borri-Anadon, Sivane Hirsch, Alain Huot, Luc Prud'homme et Anne Roy de m'avoir épaulée tout au long de la période pendant laquelle j'ai porté simultanément les chapeaux de doctorante et de professeure de didactique des sciences et de la technologie. Je remercie également Corneille Kazadi, Ghislain Samson, Stéphane Thibodeau et Sonia El Euch, qui ont tour à tour exercé le rôle de directeurs et de directrice du département depuis mon embauche.

Merci également à mes parents Solange Desruisseaux et Paul Groleau, à mon frère Simon Groleau et à mes amis Emilie Lavoie, Jocelyn Parent et France Tremblay pour leurs encouragements et les discussions enrichissantes que j'ai eues avec eux tout au long de mes études.

Enfin, si ces années au doctorat ont été aussi agréables, c'est en bonne partie en raison de la présence de mon conjoint Antoine Dubé, avec qui j'ai vécu et je continue de vivre de nombreuses et belles aventures.

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Introduction

26 octobre 20171

La controverse entourant la contamination au trichloroéthylène – un solvant et dégraissant ayant été employé sur une longue période à la base militaire de Valcartier – des eaux souterraines de Shannon, près de Québec, est la première controverse sociotechnique locale à avoir sérieusement attiré mon attention. J'en ai d'abord entendu parler lorsque j'étais étudiante à la maitrise en didactique par l'entremise du reportage Cancers à Shannon : une histoire d'eau (Blais, 2009) diffusé à l'émission Enquête en janvier 2009. Depuis, il en a régulièrement été question dans les médias. Dans un article publié en février 2016 (Radio-Canada, 2016f), on rappelle que la Cour supérieure a tranché en 2012 au sujet du recours collectif intenté par les citoyens et les citoyennes de Shannon au sujet de la contamination de l'eau et des cas de cancer dénombrés dans la municipalité. Il a été décidé que des indemnités d'un montant maximal de 15 000 $ seraient versées aux personnes ayant résidé en 2001 dans une petite partie de la ville de Shannon, parfois désignée par l'expression « triangle rouge ». Selon le jugement produit, les citoyens et les citoyennes n'avaient pas été en mesure de tisser le lien de cause à effet entre les cas de cancer et la contamination de l'eau. Ils ont alors porté la cause en appel. Cet appel devait être entendu le 22 février 2016 mais n'a toujours pas eu lieu.

Les développements relatifs à cette controverse ont toutefois été nombreux depuis le début de l'année dernière. L'article de février 2016 présenté ci-haut était intitulé « TCE à Shannon : les citoyens souhaitent déposer une nouvelle preuve » (Radio-Canada, 2016f). Cette preuve était constituée de l'interprétation du Dr Claude Tremblay, l'expert du Regroupement des citoyens de Shannon, d'une recherche menée par la Direction de la santé publique de la Capitale-Nationale. Selon cet expert, les personnes ayant résidé à Shannon entre 1987 et 2001 ont développé 3,5 fois plus de cancers que ce qui est habituellement répertorié dans une telle population. Or, dans un article publié en avril 2016 (J. Lavoie, 2016), on apprenait que la Direction de la santé publique tirait des conclusions différentes de la même recherche. Pour elle, les citoyens et les citoyennes de Shannon ne souffrent pas davantage de cancer que les autres, et cela, même si la fréquence des cancers du foie et des voies biliaires y est deux fois plus élevée qu'ailleurs dans la province. Le Dr François Desbiens, directeur de la santé publique pour la région de Québec, a alors annoncé 1 Je me permets de rédiger à la première personne du singulier cette section qui relate les manières dont des

controverses sociotechniques actuelles ou récentes m'ont amenée à entreprendre un doctorat en didactique des sciences.

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qu'aucune recherche ne serait réalisée pour investiguer la cause de ces cancers et a déclaré qu'il n'était « plus préoccupé par les cancers du cerveau à Shannon ». Quelques semaines plus tard, le Dr Pierre Band, un oncologue ayant siégé sur un comité d'experts formé par la Direction de la santé publique, a exprimé ses préoccupations relatives à la manière dont la controverse a été cadrée dans cette recherche – il avait recommandé que la recherche se concentre sur la zone contaminée au TCE plutôt que sur la municipalité entière – et, par la même occasion, au sujet de la validité de ses résultats (Radio-Canada, 2016a). En janvier 2017, les citoyens et les citoyennes ont appris qu'ils pourraient déposer les rapports du Dr Tremblay et du Dr Band en preuve à la Cour d'appel (Radio-Canada, 2017a).

À la fin de l'été 2010, quelques semaines avant mon entrée officielle au doctorat en didactique, j'ai visionné le documentaire La bataille de Rabaska (Duckworth & Isacsson, 2008) dans le cadre de l'Université d'été sur la participation publique et le développement durable offerte par la Faculté de droit de l'Université Laval. Ce film documente les actions menées par des résidents de Beaumont pour tenter d'empêcher l'établissement d'un port méthanier sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, en face de l'Ile d'Orléans : manifestations, tenue d'un référendum, interventions lors de réunions d'information, etc. À l'automne 2013, le gouvernement provincial de Pauline Marois a clos le projet de port méthanier en invoquant notamment la fin d'un bail qui réservait en quelque sorte les terrains nécessaires à sa construction (Nadeau, 2013).

Pendant les cinq jours de l'Université d'été, une expression était sur toutes les lèvres : « gaz de schiste ». Les étudiantes et les étudiants, les conférencières et les conférenciers, les professeures et les professeurs ont affirmé à de nombreuses reprises que l'automne serait « chaud », qu'il s'agissait d'une controverse émergente qui prendrait fort probablement d'énormes proportions. Une lettre adressée à Jean Charest, le premier ministre provincial de l'époque, signée par 475 personnes et intitulée « Non à l'exploitation du pétrole et du gaz au Québec » (NON au pétrole au Québec, 2010), avait déjà été publiée en juillet 2010 dans le journal Le Soleil. Les auteurs y faisaient notamment référence à une autre controverse, celle relative à l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater

Horizon, survenue plus tôt en 2010. À la fin du mois de novembre 2010, un groupe d'artistes

québécois mit en ligne une vidéo (intitulée « Gaz de schiste : Wo! »; 2010) soutenant l'établissement d'un éventuel moratoire relatif à l'exploration et à l'exploitation du gaz de schiste. Les membres du groupe suggéraient également que les citoyens et les citoyennes devraient prendre la décision en ce qui concerne cette exploration et cette exploitation. À la fin de l'année 2014, le premier ministre du

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Québec Philippe Couillard affirmait, pendant une entrevue avec la chef d'antenne de la télévision de Radio-Canada, Céline Galipeau (Radio-Canada, 2014), que le gaz de schiste présent dans la vallée du Saint-Laurent ne serait finalement pas exploité.

En octobre 2012, une autre controverse a éclaté : celle relative à la dispersion de poussière métallique dans l'air des quartiers centraux de la ville de Québec, où j'étais alors domiciliée. Cette poussière provient des activités se déroulant au Port de Québec, situé tout près de Limoilou. C'est Véronique Lalande, une résidente du quartier, qui a lancé l'alerte après avoir remarqué la présence de poussière rouge autour de sa maison et l'avoir fait analyser par un laboratoire qui a identifié, dans l'échantillon qui lui a été soumis, plusieurs métaux dont du nickel et du plomb (Radio-Canada, 2012a). Elle a aussi fondé, avec son conjoint Louis Duchesne, l'Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, qui s'est donné pour mission « de colliger et [de] diffuser l’information et les témoignages sur les impacts environnementaux des activités industrielles au Port de Québec » (Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, 2016). Deux recours collectifs ont été intentés relativement à cette controverse (Rémillard & Piedboeuf, 2015). Au cours des dernières semaines, j'ai par ailleurs pu constater l'installation d'instruments visant à analyser la qualité de l'air dans les quartiers Limoilou et St-Roch, vraisemblablement dans le cadre de l'étude présentement réalisée par la Direction de la santé publique et financée par la Ville de Québec dans la foulée de cette controverse (Radio-Canada, 2017b). Un ouvrage documentant l'engagement des citoyens et des citoyennes dans cette controverse et les fruits de leur travail a été publié en 2015 (Pouliot, 2015). Dans le même ordre d'idées, les frères Seaborn ont lancé hier, soit exactement cinq ans après l'épisode de poussière rouge ayant déclenché la controverse, la bande-annonce de leur documentaire Bras de fer, dans lequel ils suivent les démarches entreprises par Lalande et Duchesne. Le film sera diffusé dans les cinémas l'hiver prochain (Morin, 2017).

En juillet 2013, le centre-ville de Lac-Mégantic a été en partie détruit par l'explosion d'un train transportant du pétrole. Quarante-sept personnes sont décédées dans les explosions et l'incendie. Du pétrole a également été déversé dans le lac Mégantic, puis dans la rivière Chaudière. Cette tragédie a notamment mis en lumière les risques et incertitudes associés au transport de produits pétroliers par trains et le mauvais état des rails. Le nombre élevé d'accidents liés aux activités de l'entreprise propriétaire des rails, la Montreal, Maine & Atlantic Railway, a aussi été évoqué (Radio-Canada, 2016g). La Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire exige quant à elle l'interdiction du transport de produits dangereux dans la ville de Lac-Mégantic tant que

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les rails demeureront en mauvais état (Lachapelle, Bellefleur, & Blais, 2015). Au début de l'année 2016, le ministre fédéral des transports Marc Garneau a annoncé qu'aucun train transportant des produits pétroliers ne circulerait par le centre-ville de Lac-Mégantic, et cela, au moins jusqu'à la fin de l'année 2016 (Radio-Canada avec La Presse Canadienne, 2016). À l'été 2017, des citoyens et des citoyennes de Lac-Mégantic demandaient toujours qu'une voie de contournement soit construite (Lowrie, 2017). Le procès pour négligence criminelle de trois employés de la Montreal, Maine &

Atlantic Railway au moment des évènements se déroule cet automne à Sherbrooke (Rousseau,

2017).

Une controverse relative à la fluoration de l'eau potable visant à améliorer la santé dentaire est en cours depuis plusieurs années à Trois-Rivières, où je réside depuis la fin de l'année 2013. Après de nombreuses tergiversations et malgré l'opposition du mouvement citoyen Coalition trifluvienne pour une eau très saine (Coalition trifluvienne pour une eau très saine, 2016), le conseil municipal de la ville a décidé en 2014 que l'eau potable serait de nouveau fluorée à partir de janvier 2016. La Direction de la santé publique de la Mauricie et du Centre-du-Québec a toutefois confié au Dr Christian Caron, professeur titulaire à la Faculté de médecine dentaire de l'Université Laval, la tâche de réaliser une recherche sur la santé dentaire des enfants de Trois-Rivières n'ayant pas bu d'eau fluorée, sachant que la fluoration y a cessé en 2008 (Radio-Canada selon les informations de Maude Montembeault, 2015). Il est à noter, d'une part, qu'il a été annoncé en septembre 2015 que la fluoration de l'eau à Trois-Rivières ne débuterait pas comme prévu en janvier 2016 car les résultats de la recherche menée par le Dr Caron n'étaient pas connus2 (Montembeault, 2015) et, d'autre part,

qu'il était prévu qu'un comité de citoyens et de citoyennes soit formé pour accompagner le Dr Caron dans sa recherche en vue d'en « assurer la transparence » (Radio-Canada selon les informations de Maude Montembeault, 2015). À la fin de l'année 2016, alors que le recrutement des participants (Bouchard, 2016b) et les examens dentaires réalisés dans le contexte de la recherche venaient tout juste de commencer, la Ville de Trois-Rivières a annoncé qu'elle renonçait à la fluoration de l'eau sans attendre les résultats de la recherche du Dr Caron (Radio-Canada avec les informations de Pierre Marceau, 2016). Ce dernier a alors déclaré que « les grands gagnants de cette décision-là sont l’ignorance et la démagogie » (Bouchard, 2016a). Au contraire, pour Joan Hamel de la Coalition trifluvienne pour une eau très saine, « c'est une belle victoire pour la démocratie » (Radio-Canada avec les informations de Pierre Marceau, 2016).

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Depuis près de deux ans, le projet de pipeline Énergie Est de l'entreprise TransCanada prend une place importante dans l'actualité. Pendant l'hiver 2016, Denis Coderre, le maire de Montréal, se querellait au sujet de ce projet de pipeline avec Brad Wall, le premier ministre de la Saskatchewan, par médias sociaux interposés (Radio-Canada, 2016b). Les animateurs d'émissions humoristiques Rick Mercer et Jean-René Dufort ont fait de même, cette fois-ci en exprimant leurs points de vue dans un segment de leur émission respective (Radio-Canada, 2016e). Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, considérait quant à lui qu'il devait exercer le rôle d'arbitre dans le dossier (Messier, 2016). Le 9 septembre 2016, trois commissaires devant présider les audiences de l'Office national de l'énergie relatives à ce projet se sont récusés (Radio-Canada, 2016d), tout comme leur supérieur, le 13 septembre (Fournier, 2016). Trois de ces quatre personnes ont en effet admis avoir rencontré l'ex-premier ministre Jean Charest au début de l'année 2015, alors qu'il agissait à titre de consultant pour le compte de TransCanada (Radio-Canada, 2016d). Les audiences ont été suspendues le 30 aout en raison de manifestations qui perturbaient leur déroulement (Radio-Canada, 2016c). De nouveaux commissaires ont toutefois été nommés et il a été déterminé que le processus d'évaluation reprendrait du début (Shields, 2016). L'entreprise TransCanada a toutefois annoncé en octobre 2017 qu'elle mettait fin aux démarches visant l'approbation de la construction du pipeline (G. Fillion, 2017). Le regroupement citoyen Coule pas chez nous milite toujours contre le transport de produits pétroliers au Québec (Coule pas chez nous, n.d.). Leurs affiches sont bien visibles sur les routes longeant le fleuve Saint-Laurent.

Plus récemment, les composés organiques volatils libérés dans l'air de Cap-Rouge, un quartier résidentiel de l'ouest de la ville de Québec, par l'usine Anacolor ont fait les manchettes. L'entreprise, qui œuvre dans le domaine de la peinture de pièces métalliques, existe depuis de nombreuses années. Ses activités se sont toutefois significativement accélérées depuis 2012, augmentant du coup ses émissions de composés volatils organiques (Radio-Canada, 2016h). En septembre 2016, le Ministère de l'environnement du Québec exigeait qu'Anacolor effectue des changements à son usine de manière à rejeter 90% moins de composés organiques volatils, décision que l'entreprise a contestée au Tribunal administratif du Québec, tout en promettant de continuer à diminuer ses émissions (Cliche, 2016a). En décembre 2016, la Direction de la santé publique de la Capitale-Nationale a demandé que les enfants fréquentant une école primaire et un centre de la petite enfance situés à proximité de l'usine demeurent à l'intérieur lorsque de fortes odeurs étaient perceptibles (M.-A. Lavoie, 2016). En février 2017, c'est le conseil d'établissement de l'école qui a

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décidé que les récréations se dérouleraient à l'intérieur pour une durée d'un peu plus d'une semaine, et cela, non seulement parce que les enfants étaient incommodés par les odeurs émanant de l'usine, mais aussi parce qu'ils ressentaient des malaises comme des saignements de nez et des maux de tête lorsqu'ils passaient du temps à l'extérieur (Gagné & Lemieux, 2017). Des citoyens et des citoyennes ont alors proposé comme solution le déménagement de l'usine (Cliche, 2016b), possibilité qui s'est invitée dans les campagnes électorales provinciale – l'élection partielle dans la circonscription Louis-Hébert, où est située l'usine d'Anacolor – et municipale de 2017, alors que de nombreux candidats ont pris position à ce sujet (Porter, 2017). Un recours collectif a par ailleurs été intenté par des citoyens et des citoyennes du quartier contre Anacolor (Cliche, 2017).

Cette très brève rétrospective de controverses sociotechniques ayant traversé le Québec depuis le début de mon parcours doctoral ne prétend pas être exhaustive ni en recenser les principaux enjeux. Elle montre cependant que les controverses sociotechniques sont liées à des débordements possibles (port méthanier, gaz de schiste, fluoration de l'eau, etc.) ou avérés (ex. Lac-Mégantic). Elles sont bien plus fréquentes qu'on pourrait le penser et elles se déroulent souvent tout près de nous. Plus encore, les citoyens et citoyennes y ont pris et y prennent toujours une place importante. C'est dans ce contexte que les idées principales de cette recherche doctorale ont émergé puis se sont structurées et formalisées. Cette thèse est le résultat de ce travail qui s'est étendu sur sept années.

I.1 Plan de la thèse

La thèse s'étend sur sept chapitres et une conclusion. Le chapitre de problématique (chapitre 1) présente et situe en trois temps l'objet de cette recherche, soit les relations que de futures enseignantes du primaire entretiennent avec des personnes qu'elles estiment être des experts et des expertes scientifiques dans le contexte de réflexions et de discussions au sujet de controverses sociotechniques actuelles, notamment celle entourant les nanotechnologies. Nous détaillons d'abord le cadre contextuel dans lequel notre recherche se déploie en décrivant les manières dont les controverses sociotechniques sont abordées dans les programmes d'études québécois (notamment : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2007; Ministère de l’Éducation du Québec, 1998, 2001b, 2006), puis en situant nos travaux à l'intersection de trois courants de recherche de la didactique des sciences et de travaux issus des Science studies qui s'intéressent à ces controverses sociotechniques. Nous explicitons ensuite certains éléments de notre posture de chercheuse et détaillons les attentes ministérielles (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001a) envers les

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enseignantes du primaire en ce qui concerne les relations qu'elles entretiennent avec les experts et les expertes scientifiques. La deuxième section du chapitre consiste en un état de la question dans lequel nous nous penchons sur des recherches issues des champs de la didactique des sciences et des Science studies qui s'intéressent aux relations que des personnes entretiennent avec les experts et les expertes scientifiques. Nous concluons cette section par l'articulation de notre problème de recherche. Dans la troisième section du chapitre, nous précisons en quoi la controverse entourant les nanotechnologies constitue un contexte pertinent pour étudier l'objet de recherche de cette thèse. Dans le chapitre de cadre théorique (chapitre 2) de la thèse, nous nous attardons aux outils théoriques que nous avons sélectionnés pour interpréter les discours produits par les participantes au sujet du cours et de la gestion de controverses sociotechniques actuelles, et plus particulièrement celle entourant le développement et la commercialisation des nanotechnologies. Nous décrivons d'abord la notion de rapport aux experts et aux expertes scientifiques, une déclinaison de la notion de rapport au savoir (Charlot, 1997; Pouliot, 2011). Nous l'opérationnalisons en nous intéressant plus précisément, d'une part, aux rôles, aux capacités et aux incapacités que les participantes s'attribuent et attribuent aux citoyens, aux citoyennes, aux scientifiques et aux experts et aux expertes scientifiques3 et, d'autre part, aux interactions qu'elles décrivent entre les citoyens, les citoyennes et

d'autres groupes d'actrices et d'acteurs sociaux. Nous faisons aussi appel à la notion d'idéal-type (Weber, 1949), qui nous permettra de construire un modèle des rapports aux experts et aux expertes scientifiques entretenus par des futures enseignantes du primaire au chapitre 6. Nous explorons ensuite différentes manières d'envisager l'expertise scientifique (notamment celles de Roqueplo (1997), de Callon, Lascoumes et Barthe (2001), de Jasanoff (2012) et de Collins et Evans (2002, 2007)) et quatre conceptions de l'analyse des controverses (B. Martin & Richards, 1995). Nous concluons ce chapitre en déclinant les objectifs de cette recherche, ainsi que la question de recherche4.

Le chapitre suivant (chapitre 3) porte sur les orientations méthodologiques et analytiques que nous avons privilégiées. Cette recherche prend la forme d'une étude de cas qualitative (Merriam, 1988) réalisée auprès de quinze futures enseignantes du primaire engagées dans la dernière 3 Il s'agit plus précisément des rôles, capacités et incapacités que les participantes attribuent aux personnes qu'elles

estiment être des citoyens et des citoyennes, des scientifiques et des experts et des expertes scientifiques.

4 Qui a été formulée comme suit : Quels rapports idéaux-typiques de futures enseignantes du primaire, inscrites dans un profil d'études collégiales en éducation, entretiennent-elles avec des personnes qu'elles estiment être des experts et des expertes scientifiques dans le cadre de controverses sociotechniques actuelles, notamment celle entourant les nanotechnologies?

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session d'un profil d'études collégiales en éducation. Nous présentons les trois instruments méthodologiques que nous avons sélectionnés : un questionnaire ouvert portant sur le cours et la gestion de controverses sociotechniques actuelles (Aikenhead & Ryan, 1992; quinze participantes), deux séances du jeu de société Decide5 au sujet de la controverse entourant les nanotechnologies

(Groleau & Pouliot, 2014; Pion, Piron, & Duranceau, 2009; regroupant respectivement trois et quatre participantes) et sept entretiens individuels semi-dirigés (Kvale, 1996)6. Nous avons réalisé une

analyse en trois étapes des discours ainsi produits. Les réponses au questionnaire et les enregistrements des séances du jeu de société et des entretiens ont d'abord été transcrits textuellement. Nous avons ensuite exploré les transcriptions et en avons produit un résumé (Paillé & Mucchielli, 2008). Une analyse par questionnement analytique à deux niveaux (Paillé & Mucchielli, 2008) a enfin été menée, ce qui nous a permis de documenter, d'une part, les rôles, capacités et incapacités que les participantes attribuent à divers groupes d'actrices et d'acteurs sociaux et, d'autre part, les interactions qu'elles décrivent entre les citoyens, les citoyennes et d'autres groupes d'acteurs sociaux. L'analyse de second niveau consiste quant à elle à construire, à partir des résultats de l'analyse de premier niveau, un modèle des rapports aux experts et aux expertes scientifiques de futures enseignantes du primaire.

Le premier chapitre de résultats (chapitre 4) détaille les manières dont les quinze participantes attribuent, dans leurs discours individuels, des rôles, des capacités et des incapacités à divers groupes d'actrices et d'acteurs sociaux. Il est aussi question, dans ce chapitre, de leurs descriptions d'interactions possibles ou souhaitables entre les citoyens, les citoyennes et d'autres groupes d'acteurs sociaux. Autrement dit, nous analysons les réponses des participantes au questionnaire que nous leur avons soumis et, le cas échéant, les discours qu'elles ont produits pendant les entretiens individuels semi-dirigés.

Le deuxième chapitre de résultats (chapitre 5) reprend la démarche réalisée au chapitre précédent, mais cette fois-ci en analysant les transcriptions des séances du jeu de société Decide auxquelles sept participantes, scindées en deux équipes, ont pris part. Il s'agit ici d'une analyse des discours collectifs.

5 Ce jeu est disponible à l'adresse www.playdecide.eu.

6 Six personnes ont participé à une séance du jeu de société Decide et à un entretien individuel semi-dirigé. Une autre personne a pris part à une séance du jeu, mais n'a pas été rencontrée en entretien. Une dernière personne a joué au jeu de société, mais cette séance n'a pas été retenue pour analyse. Nous avons également réalisé un entretien avec elle. Voir le chapitre 3 pour plus de détails à ce sujet.

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L'avant-dernier chapitre (chapitre 6) consiste en une transition entre les chapitres de résultats et le chapitre de discussion de la thèse. Nous y proposons en effet une analyse de deuxième niveau, dans laquelle nous construisons un modèle (prenant la forme d'une typologie) des rapports aux experts et aux expertes scientifiques entretenus par les participantes à cette recherche. C'est dans ce chapitre que nous apportons des éléments de réponse à la question de recherche.

Dans le chapitre de discussion (chapitre 7), nous effectuons un retour sur les résultats présentés dans la thèse, sur les choix méthodologiques que nous avons effectués et sur l'analyse des données que nous avons réalisée. Tout au long du chapitre, nous mettons en exergue les manières dont on peut lier ces résultats aux recherches déjà menées en didactique des sciences et en Science

studies.

En conclusion de la thèse, nous synthétisons la recherche et ses résultats. Nous rappelons ses principales limites ainsi que ses principaux apports aux champs de la didactique des sciences et des

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1 Problématique

À la fin septembre 2015, la ville de Montréal a annoncé qu'elle procéderait au déversement de huit milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent (Gerbet, 2015a). Le maire Denis Coderre affirmait que ce déversement était nécessaire pour permettre la réalisation de travaux sur l'autoroute Bonaventure. Pendant plusieurs semaines, des usagers du fleuve, notamment des surfeurs et des kayakistes (Zapirain, 2015), une communauté autochtone (Parent, 2015), les maires de villes situées en aval (Radio-Canada, 2015b), des scientifiques et des ingénieurs (Gerbet, 2015b) et le gouvernement fédéral (Radio-Canada, 2015a), pour ne nommer que ces groupes, ont tenté d'empêcher le déversement et ont proposé d'autres solutions. Autrement dit, ils ont activement pris part au débat entourant cette controverse sociotechnique. Le déversement a finalement eu lieu à partir du 11 novembre 2015 (Parent, 2015).

Quelques semaines plus tard, Justine Dion-Routhier, une jeune enseignante à l'école primaire Les Primevères-Jouvence (située à Québec) et étudiante à la maitrise en psychopédagogie à l'Université Laval, a proposé à ses élèves de 4e et de 5e année d'explorer cette controverse7. À cette fin, les

élèves ont d'abord décidé de se documenter par l'entremise de la lecture d'articles de journaux et du visionnement de reportages. Ils et elles ont ensuite mis en commun les informations recueillies, puis ont choisi de porter plus spécifiquement leur attention sur les conséquences de ce déversement sur les poissons. Non seulement leur enseignante était peu familière avec cet aspect de la controverse, mais ces conséquences n'étaient pas connues des scientifiques. C'est donc dire que les élèves travaillaient sur la science en train de se faire (Latour, 2005). Ils ont alors émis des hypothèses, puis se sont scindés en trois groupes pour examiner autant de thèmes : l'espérance de vie des poissons, leur reproduction et leur respiration. Ils ont lu des ouvrages, effectué des recherches sur Internet et recensé le travail réalisé par les médias sur ce thème d'actualité. Une fois leur exploration terminée, ils ont rédigé une lettre – leur enseignante s'étant uniquement assurée du respect des règles de la langue écrite – et l'ont fait parvenir au maire Coderre pour lui faire part de leur compréhension de la controverse. Dans cette lettre, ils ont aussi formulé des recommandations en prévision d'un éventuel déversement d'eau usées. Cette lettre a été publiée dans le journal Le Soleil (Dion-Routhier, 2016a) et dans le Huffington Post (Dion-Routhier, 2016b). Monsieur Coderre a d'ailleurs répondu aux élèves (Turcotte, 2016)8. En somme, l'activité proposée par madame Dion-Routhier a amené les élèves à

7 La démarche réalisée par les élèves est relatée dans une entrevue avec Mme Dion-Routhier publiée dans la revue Spectre (Turcotte, 2016).

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prendre en charge leur démarche et à s'engager dans le débat relatif à cette controverse sociotechnique, au même titre que l'ont fait des usagers du fleuve, les membres d'une communauté autochtone, des scientifiques, des maires et le gouvernement fédéral.

Dans ce chapitre de problématique, nous montrons d'abord les manières dont les controverses sociotechniques comme celle du déversement d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent figurent dans les programmes d'études québécois. Nous nous penchons ensuite sur trois courants de recherche de la didactique des sciences et sur des travaux issus du champ des Science studies qui portent sur ces controverses ou sur leur enseignement. Nous apportons par la suite deux précisions relatives à notre posture de chercheuse. Alors que la première consiste en l'adoption d'une posture antidéficitaire envers les citoyens et les citoyennes, les enseignants et les enseignantes ainsi que leurs élèves, la seconde porte sur la prise au sérieux de l'idée selon laquelle les controverses sociotechniques sont aussi l'affaire des citoyens et des citoyennes. Nous présentons ensuite les attentes ministérielles envers les enseignantes du primaire au sujet des relations qu'elles entretiennent avec les experts et les expertes scientifiques. L'ensemble de ces éléments forme le cadre contextuel de la thèse. Nous proposons également un état de la question des relations que des personnes, notamment des enseignants et des enseignantes en formation, entretiennent avec les experts et les expertes scientifiques en nous appuyant sur des travaux issus des champs de la didactique des sciences et des Science studies. Nous exposons de plus le problème de cette recherche. Nous concluons le chapitre en montrant en quoi la controverse entourant le développement et la commercialisation des nanotechnologies constitue un contexte pertinent pour étudier l'objet de recherche de cette thèse, soit les relations que de futures enseignantes du primaire entretiennent avec des personnes qu'elles estiment être des experts et des expertes scientifiques dans le contexte de réflexions et de discussions au sujet de controverses sociotechniques actuelles, notamment celle entourant les nanotechnologies. La figure 1 présente schématiquement la structure de ce chapitre.

menée, pour leur usage pertinent des nouvelles technologies et pour leur intérêt pour les thèmes d'actualité, et cela, bien qu'il remette en question certaines de leurs interprétations. Il propose quelques pistes de réflexion

supplémentaires et conclut la lettre en invitant les élèves à considérer un choix de carrière dans le domaine de la gestion de l'eau (il nomme les professions relatives au génie, à l'hydrologie, à l'écologie et à la biologie).

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1.1 Cadre contextuel

Dans cette section de la thèse, il sera d'abord question des manières dont les programmes d'études québécois du primaire, du secondaire et du collégial abordent les controverses sociotechniques et leur enseignement. Nous situerons ensuite notre recherche aux confluents des courants de recherche des questions socialement vives (Albe, 2009; Legardez & Simonneaux, 2006), d'activist

science and technology education (Bencze & Alsop, 2014), des socio-scientific issues (Sadler,

2011c) – qui sont tous associés à la didactique des sciences (ou à Science education, son pendant anglo-saxon) – et de recherches réalisées en Sciences studies au sujet de la participation des citoyens et des citoyennes dans le cours et la gestion de ces controverses sociotechniques. Nous

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préciserons ensuite deux éléments de notre posture de chercheuse. Il s'agit de l'adoption d'une posture antidéficitaire et de la prise au sérieux de l'idée selon laquelle les controverses sociotechniques sont aussi l'affaire des citoyens et des citoyennes. Nous terminons cette section en nous penchant sur les attentes ministérielles au sujet des relations que les futures enseignantes du primaire entretiennent avec les personnes qu'elles estiment être des experts et des expertes scientifiques.

1.1.1 Les manières dont les programmes d'études québécois abordent les controverses sociotechniques

Les controverses sociotechniques sont abordées dans les programmes d'études québécois au primaire et au secondaire, ainsi que dans certains programmes collégiaux . Au primaire comme au secondaire, ces controverses sont liées de près à la deuxième compétence disciplinaire que les élèves doivent développer dans le contexte de leur cours Science et technologie. Cette compétence, qui s'intitule Mettre à profit les outils, objets et procédés de la science et de la technologie au primaire, consiste entre autres à « se prononcer sur des questions relatives aux usages sociaux de la science et de la technologie et [à] participer de façon plus éclairée aux choix qui conditionnent le présent et l’avenir de la société » (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001b, p. 152). Au premier cycle du secondaire, les élèves sont notamment invités, aussi dans le contexte du développement de la deuxième compétence – intitulée Mettre à profit ses connaissances scientifiques et technologiques

–, à identifier les retombées positives et négatives des sciences et de la technologie ainsi que les

enjeux éthiques qui les entourent (Ministère de l’Éducation du Québec, 2006). C'est au deuxième cycle qu'ils sont spécifiquement amenés à se positionner relativement au cours et à la gestion de controverses sociotechniques actuelles, notamment par l'entremise du développement de la deuxième compétence, dont l'une des composantes amène les élèves à « construire [leur] opinion sur la problématique à l'étude ». Les savoirs prescrits s'articulent d'ailleurs autour de problématiques environnementales, telles Les changements climatiques et Le défi énergétique de l'humanité. Plus encore, une des démarches scientifiques ou technologiques qui devraient être abordées en classe (Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, 2007) est consacrée à la construction d'opinion, ici envisagée comme l'élaboration d'un point de vue éclairé, qui s'appuie sur des savoirs scientifiques et technologiques, mais aussi sur des savoirs économiques, sociaux, historiques, politiques, environnementaux et éthiques.

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cycle du secondaire : une visée technocratique (qui concerne la formation de scientifiques et d'ingénieurs dans une optique de compétitivité avec les autres pays et de prospérité économique), une visée utilitariste (pour permettre à chacun ou chacune d'utiliser adéquatement les sciences et les technologies dans sa vie quotidienne), une visée humaniste (pour favoriser le développement du plein potentiel de chaque individu) et une visée démocratique (pour que chaque personne puisse développer son expertise citoyenne). Barma et Guilbert (2006) précisent que la visée démocratique concerne explicitement la participation des citoyens et des citoyennes aux controverses sociotechniques actuelles lorsqu'elles affirment que « si nous voulons une société démocratique basée sur la transparence et la confiance, la participation du public aux grands débats et aux controverses de société est indispensable » (p. 25).

Par ailleurs, trois des buts généraux du programme des Sciences de la nature au collégial pourraient être atteints par des réflexions, des discussions, des investigations ou la pose d'actions sociales relatives au cours et à la gestion de controverses sociotechniques actuelles : Établir des liens entre

la science, la technologie et l’évolution de la société; Définir son système de valeurs et Situer le contexte d’émergence et d’élaboration des concepts scientifiques (Ministère de l’Éducation du

Québec, 1998). D'autres programmes d'études préuniversitaires au collégial proposent des visées semblables. À titre d'exemples, alors que le programme d'Histoire et civilisations a entre autres pour but d'amener les étudiants et les étudiantes à Comprendre et apprécier les idées religieuses,

philosophiques et scientifiques les plus importantes de la pensée occidentale, leur nature et leur influence sur les sociétés occidentales (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur,

2017a), on demande à l’étudiant ou à l’étudiante de Sciences humaines de « non seulement connaître des faits de sociétés localisées aux antipodes les unes des autres, mais aussi pouvoir situer divers enjeux relatifs à la citoyenneté dans un contexte de mondialisation » (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2017c, p. 7). C'est toutefois en Sciences, lettres et arts (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2017b) que l'on retrouve le plus d'éléments que l'on pourrait relier aux controverses sociotechniques. Dans le but Situer et relier les

caractéristiques des disciplines étudiées, on dit que l’étudiant ou l’étudiante doit être en mesure

« d’établir des liens entre les théories, les approches et les méthodologies propres aux disciplines en les situant sur les plans historique, social, culturel, scientifique, littéraire et artistique » (p. 6); « de comprendre la portée et les limites de la démarche scientifique comme mode de détermination des savoirs » (p. 6) et « de reconnaître l’apport de la science et de la technologie, de la littérature et des

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arts à l’évolution de la société » (p. 6). Une formation à l'interdisciplinarité est également prévue dans ce programme. Dans le but Intégrer des concepts et des méthodes nécessaires à l'étude des objets

des différents champs du savoir, il est question d'« argumenter et [de] disserter sur des questions et

des thèmes traités dans plus d’une discipline » (p. 6); d' « analyser des phénomènes à partir de plus d’une approche disciplinaire » (p. 6); de « faire des recherches et [de] réaliser des projets portant sur des situations, des problèmes ou des enjeux en faisant appel aux connaissances de plus d’un champ du savoir » (p. 6). Autrement dit, si les controverses sociotechniques ne sont pas explicitement nommées dans ces programmes d'études, il y est prévu que les étudiants et les étudiantes contextualisent et problématisent les savoirs, notamment scientifiques, et qu'ils soient en mesure d'aborder des situations, enjeux et problèmes en interdisciplinarité.

1.1.2 Des courants de recherche de la didactique des sciences et des

Science studies qui s'intéressent aux controverses sociotechniques

Dans cette section, nous examinons d'abord trois courants de recherche de la didactique des sciences dont s'inspire cette thèse (les questions socialement vives (Albe, 2009; Legardez & Simonneaux, 2006), les socio-scientific issues (Sadler, 2011c) et l'activist science and technology

education (Bencze & Alsop, 2014)), puis nous présentons certains travaux issus du champ des Science studies qui portent sur la participation citoyenne dans les controverses sociotechniques

actuelles.

1.1.2.1 Les courants de recherche d'activist science and technology education, des socio-scientific issues et des questions socialement vives

Bien que les courants de recherche d'activist science and technology education, des socio-scientific

issues et des questions socialement vives ne partagent ni la même origine géographique et

linguistique, ni les mêmes visées et ne définissent généralement pas les concepts de la même manière, ils ont en commun de s'intéresser à l'enseignement des sciences et de la technologie par l'entremise de controverses (Albe, 2009; Simonneaux, 2014). Les frontières de ces courants de recherche sont assez poreuses. En effet, des chercheuses et des chercheurs associés à l'un des courants citent souvent des auteurs dont les travaux sont issus d'un autre de ces courants et participent à l'occasion aux initiatives menées par les uns ou les autres9.

9 À titre d'exemple, Laurence Simonneaux (2014), une figure importante du courant de recherche des questions socialement vives, a publié un chapitre dans un ouvrage collectif codirigé par Larry Bencze et Steve Alsop, des chercheurs œuvrant dans le courant d'activist science and technology education. Dans ce chapitre, Simonneaux cite notamment les travaux de Troy Sadler et de Dana Zeidler, quant à eux associés au courant des socio-scientific issues.

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L'un de ces courants de recherche est celui d'activist science and technology education, qui tire son origine du champ anglo-saxon (principalement anglais, australien, canadien et états-unien) de

Science education. Pour Bencze et Carter (2011), l'enseignement des sciences vise trop souvent à

former, d'une part, des producteurs de savoirs – notamment des scientifiques et des ingénieurs – qui développeront des produits et des services, ainsi que, d'autre part, des consommateurs et des consommatrices de ces biens et services. De cette séparation entre producteurs et consommateurs découleraient d'importantes inégalités socioéconomiques que l'enseignement des sciences doit considérer, explorer et même combattre. Bencze et Carter (2011) ont à ce dessein développé le cadre théorique et pédagogique STEPWISE10, qui prévoit explicitement la recherche du bienêtre pour les individus, les sociétés et les environnements, des activités pédagogiques menées par les élèves et une prise en considération des aspects politiques, économiques et éthiques des questions investiguées. Sklarzyk, Jameson, Abdullahi et Shah (2014) se sont par exemple penchés sur la controverse entourant le brevetage des gènes humains dans le contexte de leur cours de sciences au secondaire. Après avoir investigué les points de vue de 60 de leurs collègues à ce sujet, ils ont produit deux vidéos d'information et de sensibilisation en plus de rédiger une lettre d'appui à une association qui s'oppose au brevetage des gènes humains. Ce courant de recherche n'amène cependant pas toujours les élèves à s'intéresser à des questions controversées. À titre d'exemple, Calabrese Barton et Tan (2014) présentent le portrait de trois jeunes filles (dont deux inscrites à une école primaire) ayant pris part à un projet qui a mené au remplacement du toit de la maison des jeunes qu'elles fréquentent par un toit vert. Ce courant a en somme pour particularité d'explicitement inviter les élèves à se considérer comme des acteurs de changement (Alsop & Bencze, 2014). Un deuxième courant de recherche ayant inspiré cette thèse, lui aussi associé au champ de Science

education (cette fois-ci principalement états-unien), est celui des socio-scientific issues. Le titre

donné par Sadler (2011a) à l'introduction de l'ouvrage collectif qu'il a dirigé, Situating socio-scientific

issues in classrooms as a means of achieving goals of science education, montre bien que, dans ce

courant, les controverses constituent d'abord et avant tout un contexte pour atteindre certaines visées de l'enseignement des sciences et de la technologie. Ce chercheur définit plus précisément les socio-scientific issues comme suit :

Socio-scientific issues (SSI) are controversial social issues with conceptual and/or procedural links to science (Sadler, 2004). They are open-ended problems without clear-cut solutions; in

10 STEPWISE signifie Science and technology education promoting wellbeing for individuals, societies and environments.

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fact, they tend to have multiple plausible solutions. These solutions can be informed by scientific principles, theories, and data, but the solutions cannot be fully determined by scientific considerations. The issues and potential courses of action associated with the issues are influenced by a variety of social factors including politics, economics, and ethics. SSI may be global in nature such as climate change and the use of genetic technologies or local such as addressing a neighborhood environmental crisis or determining the location of a new power plant (p. 4).

Cela dit, Sadler associe explicitement, dans le même chapitre, l'enseignement par l'entremise des

socio-scientific issues au but de préparer les élèves à leur éventuelle participation aux débats et aux

processus sociopolitiques de prises de décisions dans les controverses qui les intéressent.

Dans la conclusion du même ouvrage, Sadler (2011c) organise un enseignement basé sur les

socio-scientific issues autour de quatre dimensions : la planification du cours; les expériences que les

apprenants doivent vivre pendant cet enseignement; l'environnement de classe et les caractéristiques de l'enseignant ou de l'enseignante. Pour chaque dimension, des éléments essentiels sont spécifiés et, pour deux dimensions, certaines recommandations sont formulées. En ce qui concerne la planification du cours, l'enseignant ou l'enseignante doit choisir un enjeu qui suscite l'intérêt; le présenter au début de la séquence d'enseignement; faciliter le déploiement d'une argumentation, d'une prise de décision et d'un raisonnement; amener les élèves à réaliser une production finale11. Les expériences de l'apprenant devraient quant à elles l'amener à raisonner, à

argumenter, à prendre position ou à prendre une décision; à confronter différents points de vue scientifiques; à recueillir ou à analyser des données; à se pencher sur les aspects sociaux de l'enjeu. Il serait aussi pertinent, mais non essentiel, que les élèves travaillent sur les aspects éthiques de l'enjeu, se familiarisent avec la nature des sciences et exploitent les TIC et les médias dans leurs investigations. L'environnement de classe doit favoriser la participation des élèves; être interactif et collaboratif; favoriser le respect entre les enseignants et les élèves; être sécuritaire pour les uns et les autres. Enfin, l'enseignant ou l'enseignante devrait maitriser les savoirs scientifiques relatifs à l'enjeu choisi et être conscient de ses aspects sociaux; (re)connaître les limites de ses connaissances; être à l'aise avec l'incertitude en contexte scolaire et se considérer autrement que comme « l'autorité » dans la classe. Ainsi, ce courant rend explicites les conditions favorisant un enseignement qui permette de préparer les élèves en vue de leur participation au cours et à la gestion de controverses sociotechniques.

Le courant de recherche des questions socialement vives a quant à lui émergé il y a une quinzaine 11 Cette expression est ici utilisée au sens large. Sadler parle de culminating experience.

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d'années dans le champ de la didactique française. Il concerne l'enseignement de différentes disciplines ; il regroupe notamment des chercheurs et des chercheuses en didactique des sciences et en didactique des sciences humaines. Sa formalisation comme courant de recherche de la didactique des sciences coïncide avec la publication de l'ouvrage collectif L'école à l'épreuve de

l'actualité. Enseigner les questions vives codirigé par Alain Legardez et Laurence Simonneaux

(2006)12. Pour Legardez (2006), une question socialement vive est à la fois vive dans les savoirs

savants, dans les savoirs sociaux et dans les savoirs scolaires. Elle n'apparait pas toujours sous la forme d'une question, ni même comme une controverse, dans les programmes scolaires. Elle peut être d'actualité ou non : Legardez parle de questions émergentes (ex. nanotechnologies), latentes (ex. le racisme) ou résurgente (ex. les questions relatives à l'énergie). Pour Albe (2009), aborder les questions socialement vives en classe de sciences peut poursuivre différentes visées, notamment la familiarisation des élèves avec la nature des sciences, la construction d'un point de vue, la prise de décisions éclairées, la maitrise des concepts scientifiques et le développement des compétences nécessaires à la participation aux débats. Ce courant permet aussi d'adopter une posture relative à une éducation aux sciences dite citoyenne en visant « un usage critique et raisonné de l'expertise et une participation démocratique aux débats publics, procédures d'expertise et prises de décisions en matière technoscientifique » (Albe, 2009, pp. 15-16).

Les résultats issus de ces trois courants de recherche sont nombreux et variés. Le lecteur ou la lectrice qui souhaite se familiariser avec eux pourra notamment consulter l'ouvrage d'Albe (2009), ou encore les ouvrages collectifs dirigés par Legardez et Simonneaux (2006), Sadler (2011b) et Bencze et Alsop (2014). Les travaux associés à ces courants qui portent plus précisément sur les relations que des élèves, des étudiants et étudiantes et des enseignants et enseignantes entretiennent avec des personnes qu'ils estiment être des experts et des expertes scientifiques seront d'ailleurs détaillés plus loin dans ce chapitre. Cela dit, force est de constater que peu de recherches réalisées en didactique des sciences au sujet de l'enseignement de controverses, que ces recherches s'inscrivent dans le courant des questions socialement vives, des socio-scientific issues ou encore d'activist

science and technology education, portent spécifiquement sur des activités menées par des élèves

du primaire (de la 1re à la 6e année). À titre d'exemple, aucun texte de la section relative à

l'enseignement des sciences et des technologies de l'ouvrage dirigé par Legardez et Simonneaux 12 L'article le plus ancien que nous avons repéré et qui convoque explicitement la notion de question socialement vive

est celui d'Albe et de Simonneaux (2002). Cela dit, cet article réfère à un acte de colloque publié l'année précédente dans lequel Legardez et Alpe emploient cette expression.

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