HAL Id: dumas-01903865
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01903865
Submitted on 24 Oct 2018
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License
Libre choix à l’entrée en EHPAD et dépression parmi les
nouveaux résidents
Solenne Leudière
To cite this version:
Solenne Leudière. Libre choix à l’entrée en EHPAD et dépression parmi les nouveaux résidents. Sciences du Vivant [q-bio]. 2014. �dumas-01903865�
1
UNIVERSITE DE BREST - BRETAGNE OCCIDENTALE
Faculté de Médecine & des Sciences de la Santé
*****
Année 2013-2014 N°
THESE DE DOCTORAT en MEDECINE
De spécialité MEDECINE GENERALE
DIPLOME D’ETAT
Par Mme LEUDIERE Solenne
Née le 02 janvier 1985 à Flers (Orne) Présentée et soutenue publiquement le 02 octobre 2014
Libre choix à l’entrée en EHPAD et
dépression parmi les nouveaux résidents
Président Monsieur le Professeur Walter Michel
Membres du Jury Monsieur le Professeur Boles Jean-Michel
Madame la Professeur Tilly-Gentric Armelle Docteur Hazif-Thomas Cyril
2
UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE
---
FACULTE DE MEDECINE ET
DES SCIENCES DE LA SANTE DE BREST
DOYENS HONORAIRES : Professeur H. FLOCH
Professeur G. LE MENN () Professeur B. SENECAIL Professeur J. M. BOLES Professeur Y. BIZAIS ()
Professeur M. DE BRAEKELEER
DOYEN Professeur C. BERTHOU
PROFESSEURS EMERITES
GIOUX Maxime Physiologie
LAZARTIGUES Alain Pédopsychiatrie
YOUINOU Pierre Immunologie
PROFESSEURS DES UNIVERSITES EN SURNOMBRE
LEJEUNE Benoist Epidémiologie, Economie de la santé & de la prévention
3
SENECAIL Bernard Anatomie
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS DE CLASSE EXCEPTIONNELLE
BOLES Jean-Michel Réanimation Médicale
FEREC Claude Génétique
JOUQUAN Jean Médecine Interne
LEFEVRE Christian Anatomie
MOTTIER Dominique Thérapeutique
OZIER Yves Anesthésiologie et Réanimation Chirurgicale
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS DE 1ERE CLASSE
ABGRALL Jean-François Hématologie - Transfusion
BRESSOLLETTE Luc Médecine Vasculaire
COCHENER - LAMARD Béatrice Ophtalmologie
COLLET Michel Gynécologie - Obstétrique
DE PARSCAU DU PLESSIX Loïc Pédiatrie
DE BRAEKELEER Marc Génétique
DEWITTE Jean-Dominique Médecine & Santé au Travail
DUBRANA Frédéric Chirurgie Orthopédique et Traumatologique
FENOLL Bertrand Chirurgie Infantile
FOURNIER Georges Urologie
GILARD Martine Cardiologie
GOUNY Pierre Chirurgie Vasculaire
KERLAN Véronique Endocrinologie, Diabète & maladies métaboliques
4
LEROYER Christophe Pneumologie
LE MEUR Yannick Néphrologie
LE NEN Dominique Chirurgie Orthopédique et Traumatologique
LOZAC’H Patrick Chirurgie Digestive
MANSOURATI Jacques Cardiologie
MARIANOWSKI Rémi Oto. Rhino. Laryngologie
MISERY Laurent Dermatologie - Vénérologie
NONENT Michel Radiologie & Imagerie médicale
PAYAN Christopher Bactériologie – Virologie; Hygiène REMY-NERIS Olivier Médecine Physique et Réadaptation
ROBASZKIEWICZ Michel Gastroentérologie - Hépatologie
SARAUX Alain Rhumatologie
SIZUN Jacques Pédiatrie
TILLY - GENTRIC Armelle Gériatrie & biologie du vieillissement
TIMSIT Serge Neurologie
WALTER Michel Psychiatrie d'Adultes
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS DE 2EME CLASSE
BAIL Jean-Pierre Chirurgie Digestive
BEN SALEM Douraied Radiologie & Imagerie médicale
BERNARD-MARCORELLES Pascale Anatomie et cytologie pathologiques
BERTHOU Christian Hématologie – Transfusion
BEZON Eric Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
BLONDEL Marc Biologie cellulaire
BOTBOL Michel Psychiatrie Infantile
CARRE Jean-Luc Biochimie et Biologie moléculaire
COUTURAUD Francis Pneumologie
5
DEHNI Nidal Chirurgie Générale
DELARUE Jacques Nutrition
DEVAUCHELLE-PENSEC Valérie Rhumatologie
GIROUX-METGES Marie-Agnès Physiologie
HU Weigo Chirurgie plastique, reconstructrice & esthétique ; brûlologie
LACUT Karine Thérapeutique
LE GAL Grégoire Médecine interne
LE MARECHAL Cédric Génétique
L’HER Erwan Réanimation Médicale
NEVEZ Gilles Parasitologie et Mycologie
NOUSBAUM Jean-Baptiste Gastroentérologie - Hépatologie
PRADIER Olivier Cancérologie - Radiothérapie
RENAUDINEAU Yves Immunologie
RICHE Christian Pharmacologie fondamentale
SALAUN Pierre-Yves Biophysique et Médecine Nucléaire
STINDEL Eric Biostatistiques, Informatique Médicale & technologies de communication
UGO Valérie Hématologie, transfusion
VALERI Antoine Urologie
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIEN LIBERAL
LE RESTE Jean Yves Médecine Générale
PROFESSEURS ASSOCIES A MI-TEMPS
6
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES – PRATICIENS HOSPITALIERS DE HORS CLASSE
AMET Yolande Biochimie et Biologie moléculaire
LE MEVEL Jean Claude Physiologie
LUCAS Danièle Biochimie et Biologie moléculaire
RATANASAVANH Damrong Pharmacologie fondamentale
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES – PRATICIENS HOSPITALIERS DE 1ERE CLASSE
DELLUC Aurélien Médecine interne
DE VRIES Philine Chirurgie infantile
DOUET-GUILBERT Nathalie Génétique
HILLION Sophie Immunologie
JAMIN Christophe Immunologie
MIALON Philippe Physiologie
MOREL Frédéric Médecine & biologie du développement & de la reproduction
PERSON Hervé Anatomie
PLEE-GAUTIER Emmanuelle Biochimie et Biologie Moléculaire
QUERELLOU Solène Biophysique et Médecine nucléaire
SEIZEUR Romuald Anatomie-Neurochirurgie
VALLET Sophie Bactériologie – Virologie ; Hygiène
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES – PRATICIENS HOSPITALIERS DE 2EME CLASSE
ABGRAL Ronan Biophysique et Médecine nucléaire
7
HERY-ARNAUD Geneviève Bactériologie – Virologie; Hygiène
LE BERRE Rozenn Maladies infectieuses-Maladies tropicales
LE GAC Gérald Génétique
LODDE Brice Médecine et santé au travail
MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES – PRATICIENS HOSPITALIERS STAGIAIRES
LE ROUX Pierre-Yves Biophysique et Médecine nucléaire
PERRIN Aurore Biologie et médecine du développement & de la reproduction
TALAGAS Matthieu Cytologie et histologie
MAITRE DE CONFERENCES - CHAIRE INSERM
MIGNEN Olivier Physiologie
MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIES MI-TEMPS
BARRAINE Pierre Médecine Générale
CHIRON Benoît Médecine Générale
NABBE Patrice Médecine Générale
8
HAXAIRE Claudie Sociologie - Démographie
LANCIEN Frédéric Physiologie
LE CORRE Rozenn Biologie cellulaire
MONTIER Tristan Biochimie et biologie moléculaire
MORIN Vincent Electronique et Informatique
MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIES DES UNIVERSITES
BALEZ Ralph Pierre Médecine et Santé au travail
AGREGES DU SECOND DEGRE
MONOT Alain Français
9
Remerciements
A Monsieur le Professeur Michel Walter, Président du Jury,
Vous me faites l’honneur de présider mon jury. Soyez assuré de ma reconnaissance et de mon profond respect.
A Monsieur le Docteur Hazif-Thomas Cyril, Directeur de Thèse,
Vous m’avez accueilli en stage et donné une image très positive de la gérontopsychiatrie. Vous m’avez accompagné tout le long de cette recherche. Soyez assuré de mes
remerciements les plus sincères.
A Monsieur le Professeur Jean-Michel Boles,
Vous me faites l’honneur de votre présence dans ce jury. Soyez assuré de ma reconnaissance et de mon respect.
A Madame la Professeur Armelle Tilly-Gentric,
Vous me faites l’honneur de votre présence dans ce jury. Soyez assurée de ma reconnaissance et de mon respect.
Aux médecins coordonnateurs, aux directeurs et au personnel des EHPAD,
Par votre disponibilité, vous avez permis la réalisation de cette recherche. Soyez assurés de ma reconnaissance.
A Mathieu,
10
A notre fille Awena,
A mes parents, à ma famille,
Vous avez su respecter mes choix. Merci pour votre soutien au cours de ces années.
A mes amis,
11
Sommaire :
Introduction………
14
Méthode………..
16
1. Population initiale ……….
16
2. Premier temps de l’étude : recueil de données sur dossiers ……
16
3. Deuxième temps de l’étude : entretien court ………
17
Résultats ……….
18
A. Première étape : le recueil de données sur dossiers ………..
18
1. Données démographiques ………. 18
a. Âge à l’entrée des résidents concernés ………. 19
b. Le GIR à l’entrée ………. 20
2. Données sur les circonstances d’entrée en EHPAD ………. 21
a. Provenance du résident ……… 21
b. Personne à l’origine de la demande ………. 22
c. Acceptation du projet par le résident (à partir des données du dossier) ………. 23
3. Données concernant les antidépresseurs ……….. 25
a. Comparaison des groupes 1,2 et 3 selon les données démographiques ………... 26
b. Comparaison des groupes 1,2 et 3 selon les circonstances d’entrée en EHPAD ……….. 29
c. Comparaison des groupes 1,2 et 3 selon l’importance des pathologies associées ………. 33
B. Deuxième étape : les entretiens ………
35
1. Répartition des causes d’exclusion aux entretiens ………. 35
2. Données démographiques des résidents interrogés ………. 36
3. « En aviez-vous préalablement parlé à votre entourage ?» : prévalence d’anticipation ………. 36
12
4. « Etiez-vous en accord avec ce projet ? » : Prévalence de l’absence de choix
raisonné ……….. 36
5. « Avez-vous eu le choix de l’établissement ? » : Prévalence de l’absence de choix de l’établissement ………. 37
6. « Avez-vous eu le choix du médecin traitant ? » : Prévalence de l’absence de choix de son médecin ……… 38
7. « Quel lieu considérez-vous être votre domicile ? » : Prévalence des résidents considérant l’EHPAD comme leur domicile ……….. 38
Discussion ……….. 40
A. Les résultats ……… 40
1. D’après le recueil de dossiers ……….. 40
a. Sur les données démographiques et les circonstances d’entrée ………... 40
b. Sur les données de l’étude concernant l’état dépressif .. 41
2. D’après les entretiens ……… 43
a. Une faible anticipation de l’entrée en institution ………… 43
b. Acceptation initiale : non correspondance entre les informations recueillies sur dossiers et celles recueillies lors des entretiens ………. 44
c. Libre choix de l’établissement ……….. 44
d. Libre choix du médecin traitant ………... 45
e. EHPAD : le domicile ? ……… 46
B. Les biais de l’étude ……… 47
1. Biais de sélection ……….. 47
2. Biais de classement de la maladie ……… 47
C. Faciliter l’adaptation ……….. 48
1. Les pré-visites ………. 48
2. Personnalisation ……….. 48
a. Du lieu privatif ……….. 48
b. De la vie quotidienne ……… 49
3. Liberté d’aller et venir ……… 49
13
Conclusion ………. 51
Bibliographie ……… 52
Annexes ………. 56
Annexe 1 : Les grands types d’établissements d’hébergement pour personnes âgées ………... 56
Annexe 2 : La mesure de la dépendance des personnes âgées ……… 57
Annexe 3 : Recueil de données sur dossiers de l’étude présente : aspects démographiques et circonstances d’entrée ………... 58 Annexe 4 : Recueil de données concernant les résidents n’ayant pas dans le traitement
d’antidépresseur à l’entrée et à un an de leur arrivée en EHPAD ………. 62
Annexe 5 : Recueil de données concernant les résidents qui présentaient un traitement antidépresseur à l’entrée mais non modifié au cours de l’année suivant l’entrée en EHPAD
………. 64
Annexe 6 : Recueil de données concernant les résidents chez qui un traitement antidépresseur a dû être introduit ou majoré au cours de l’année suivant l’entrée en EHPAD ……… 66 Annexe 7 : Echelle gériatrique de dépression : GDS ……….. 68 Annexe 8 : Cour de cassation – chambre civile 3 – du 01/07/1998, n°96-17515, publié au bulletin ……… 69
14
Introduction :
Le médecin généraliste est régulièrement confronté à la problématique du maintien à domicile difficile. Il peut s’agir de son patient lui-même qui ne souhaite plus vivre seul, qui ne se sent plus en sécurité chez lui. Il peut s’agir de la famille ou des intervenants à domicile qui alertent sur les difficultés et les dangers au domicile. Il se pose alors la question de l’autonomie et du libre choix.
La médecine libérale est particulièrement attachée au principe de libre choix [1]. Ainsi un des principes fondamentaux de la charte médicale de 1927 [2], rédigée sous l’impulsion du Docteur Paul Cibrié, toujours présent dans le code de Sécurité Sociale [3], n’est autre que la liberté de choix du médecin par le malade. Depuis les années 2000, de nombreuses lois relatives aux droits fondamentaux des usagers, à leurs libertés, voient le jour. La première est la loi 2002-2 du 02 janvier 2002 [4] rénovant l’action sociale et médicosociale, suivie de la loi 2002-303 du 04 mars 2002 [5] relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Enfin, la loi 2007-308 du 05 mars 2007 [6] porte la réforme de la protection juridique des majeurs.
Depuis l’arrêté du 08 septembre 2003 [7], une charte des droits et libertés de la personne accueillie dans les établissements médico-sociaux existe, mentionnée dans le code de l’action sociale et des familles [8], précisant les notions de respect de la dignité, de la vie privée, du corps, le droit d’être informé et l’exigence du consentement.
L’entrée en institution est un évènement de vie important, tout autant qu’un déménagement au cours de sa vie. Il est d’autant plus important de remarquer que la maison de retraite est bien souvent le dernier domicile. Le médecin généraliste ainsi que les professionnels des établissements médico-sociaux se doivent juridiquement de rechercher le « consentement libre et éclairé » à l’entrée en institution, c’est-à-dire de leur fournir toutes les données nécessaires leur permettant de prendre raisonnablement leur décision. Nous parlerons alors de « libre choix raisonné ». Cependant les situations sont souvent bien plus complexes et d’autres paramètres s’ajoutent. Il est toujours difficile pour un médecin de connaitre le degré exact d’adhésion à ce nouveau projet de vie qu’est l’entrée en institution, surtout lorsque la demande vient de la famille ou qu’elle survient suite à un évènement récent (décès du conjoint, hospitalisation, …) Que faire en cas de refus d’entrée en maison de retraite mais d’insécurité évidente au domicile ? Que faire en cas de diminution des capacités intellectuelles diminuant alors les facultés d’autonomie y compris l’autonomie dans la prise de décisions ? [9]. Jean-Luc Roelandt le rappelle : « La médecine générale a la confiance des citoyens et des familles, c’est donc vers elle que s’oriente le suivi au long cours des parcours de soins. C’est là que cela commence, c’est là que cela fini. [10]» Le consentement est recherché dès la demande d’inscription en EHPAD (annexe 1), notamment sur le dossier unique de demande d’admission en EHPAD [11] que doit remplir le médecin traitant.
15
Outre pour garantir le respect des droits de chacun, ce questionnement concernant le consentement s’impose au médecin traitant, aux professionnels des établissements mais aussi aux proches de la personne concernée dans le souci de garantir au mieux une bonne adhésion au nouveau projet, une bonne acceptation et intégration dans ce nouveau lieu de vie qu’est la maison de retraite.
Certains nouveaux résidents s’adaptent très vite en institution, créant rapidement des liens avec le personnel et les autres résidents tout en participant aux diverses activités proposées. Pour d’autres, l’acceptation est plus difficile avec parfois l’apparition d’un syndrome dépressif.
Chez la personne âgée, la prévalence de l’état dépressif majeur varie de 4 à 8 %. En institution, ce chiffre s’élève à 15 voire 30 % (et 25 à 40 % présenteraient une dépression mineure), avec des conséquences importantes (aggravation des comorbidités, aggravation de troubles cognitifs, souffrance familiale). On note par ailleurs un risque suicidaire important dans la dépression tardive (RR 3-4 chez les hommes très âgés).
Divers facteurs paraissent impliqués dans la dépression du sujet âgé. Parmi eux, les pathologies chroniques entrainant des handicaps physiques et/ou psychiques et donc une perte d’autonomie. Un lien particulier existe entre la dépression et la démence, la dépression inaugurant parfois la maladie démentielle et pouvant par ailleurs être une réaction au déclin cognitif ressenti par le patient. On notera par ailleurs la personnalité, l’entourage socio-familial, les évènements de vie. Un autre facteur que l’on pourrait envisager est l’absence de consentement raisonné à l’entrée en institution.
Cette étude a pour objectif de déterminer la prévalence de l’absence de choix raisonné parmi les nouveaux résidents des EHPAD de Brest et ses alentours, chez qui un traitement antidépresseur a dû être introduit ou modifié. Existe–t-il un lien entre l’incidence de la dépression en institution et l’absence de choix raisonné à l’entrée ?
16
Méthode :
Nous réaliserons une étude observationnelle rétrospective descriptive de type transversale. 1. Population initiale:
Pour la réalisation de cette étude, l’ensemble des Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Brest et ses alentours, correspondant au secteur 1 à 4 de psychiatrie a été sollicité. L’étude se concentre sur les nouveaux résidents entrés au cours du premier semestre 2013. Le recueil des données est réalisé 6 à 12 mois après l’entrée en institution.
2. Premier temps de l’étude : recueil de données sur dossiers
On réalise un recueil de données sur dossiers informatisés (+/- papiers selon le degré d’informatisation des EHPAD), permettant de relever les données administratives et les motifs d’entrée en institution, (divers facteurs décrit dans la littérature comme pouvant être associés à la dépression de la personne âgée) mais aussi les traitements d’entrée puis actuels (au 31 décembre 2013).
Fiche de recueil de données
Numéro : Date d’entrée :
Date de naissance : Lieu ancien domicile : Sexe : Mesure de Protection : GIR :
Profession :
Antécédents principaux / nombre de pathologies associées :
Motifs d’entrée en institution et circonstances : Traitement :
- Entrée - Actuel
Visite et entourage :
17
3. Deuxième temps de l’étude : entretien court
Un entretien court de 5 questions concernant les circonstances de l’entrée en institution est proposé, avec leur accord, aux nouveaux résidents chez qui un traitement antidépresseur a dû être introduit ou modifié au cours des 6 à 12 premiers mois suivant leur entrée. Il permettra de recueillir le ressenti de résident sur leur degré de libre choix.
On exclue de ces entretiens les résidents ayant des troubles cognitifs importants, ne permettant pas un entretien fiable ainsi que ceux qui ont refusé la réalisation de cet entretien.
Entretien auprès des personnes âgées
1. Dans quelles circonstances êtes-vous entré en maison de retraite ? 2. En aviez-vous préalablement parlé avec votre entourage (famille,
amis, médecin traitant) ?
3. Etiez-vous en accord avec cette décision ? 4. Avez-vous eu le choix de l’établissement ? 5. Avez-vous eu le choix du médecin traitant ? 6. Quel lieu considérez-vous être votre domicile ?
Recueil de données des résidents entrés au premier semestre 2013 Introduction ou modification du traitement antidépresseur ? NON OUI MMS < 20 OUI Exclusion de l’entretien NON Entretien Le résident accepte l’entretien ?
18
Résultats :
A. Première étape : le recueil de données sur dossiers
1. Données démographiques
Sur les trente EHPAD contactées (par courrier puis par téléphone et/ou par courrier électronique), treize ont répondu favorablement à la demande soit un taux de participation de 43%.
Ces treize structures ont une capacité de résidents allant de 44 à 315 résidents. Les entrées concernant le premier semestre 2013 vont de 2 à 45 selon les structures. Au total, 148 dossiers de résidents ont été consultés : 107 femmes et 41 hommes
Tranche d'âge Hommes Femmes Nombre
65-70 2 1 3 70-75 4 0 4 75-80 5 8 13 80-85 10 33 43 85-90 12 39 51 90-95 7 21 28 95-100 1 4 5 100-105 0 1 1 total 41 107 148
Tableau 1 : âge à l’entrée des résidents
Tableau 2 : GIR à l’entrée des résidents
Tranche d'âge GIR Homme GIR Femme GIR Moyen 65-70 4 4 4 70-75 2,7 2,7 75-80 2,4 3,6 3,2 80-85 3,7 3,5 3,5 85-90 3,3 3,4 3,4 90-95 3 2,8 2,8 95-100 6 3,3 3,8 100-105 1 1
19
a. Âge à l’entrée des résidents concernés
D’après le tableau 1 et les graphiques ci-dessus, sexes confondus, l’âge moyen à l’entrée en EHPAD est de 85,7 ans et l’âge médian de 86.2 ans.
L’âge moyen à l’entrée des hommes est de 83,7 ans tandis que l’âge moyen à l’entrée des femmes est de 86.5 ans. Les hommes entrent en institution à un âge moyen significativement plus faible que les femmes au risque α ˂ 0.03%.
0 10 20 30 40 50 60
Âge à l'entrée
nombre 0 10 20 30 40 Homme Femmes20
b. Le GIR à l’entrée (annexe2)
D’après le tableau 2 et le graphique ci-dessous, âges à l’entrée et sexes confondus, la moyenne du GIR à l’entrée est de 3.31.
Le GIR moyen à l’entrée des hommes est de 3,27 pour un GIR moyen à l’entrée des femmes de 3,32. Il n’y a pas de différence significative entre ces deux valeurs. Selon cette étude, en moyenne, les hommes et les femmes entrent en institution avec une perte d’autonomie équivalente. 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4
GIR moyen selon l'âge
GIR Moyen 0 1 2 3 4 5 6 GIR Homme GIR Femme
21
2. Données sur les circonstances d’entrée en EHPAD
Demande réalisée par
Provenance Résident Résident + Famille Famille NC*
hospitalisation 74 7 7 58 2
Domicile 65 15 11 38 1
autres structures 9 1 1 7 0
TOTAL 148 23 19 103 3
Tableau 3 : Personne réalisant la demande en fonction de la provenance du résident
Acceptation initiale
Provenance Bonne Mauvaise Non recueillie NC*
hospitalisation 74 42 15 15 2
Domicile 65 48 8 8 1
autres structures 9 3 4 2 0
TOTAL 148 93 27 25 3
Tableau 4 : Acceptation initiale selon la provenance du résident
*NC = données non communiquées
a. Provenance du résident
Dans cette étude, dans 50% des cas, le résident vient des suites d’une hospitalisation, c’est-à-dire sans retour au domicile avant l’entrée en institution : directement en sortie d’hôpital,
74; 50% 65; 44% 9; 6%
Provenance
Suite Hospitalisation du domicile Autres structures22
ou après une convalescence +/- un hébergement temporaire dans les suites immédiates de l’hospitalisation.
Dans 44% des cas, le résident vient de son domicile.
Dans 6% des cas, le résident vient d’une autre structure, à savoir : une autre EHPAD (rapprochement familial, EHPAD non adaptée), d’un foyer-logement, d’un hébergement temporaire ne faisant pas suite à une hospitalisation.
b. Personne à l’origine de la demande
Dans 29% des cas, le résident est, au moins en partie, à l’origine de la demande. La demande d’entrée en institution est uniquement à sa demande dans 16% des cas.
D’après le tableau 3 et les deux graphiques ci-dessous, lorsque le résident provient du domicile, il semble plus à même de participer à la demande d’admission. En effet, comme l’indique ces deux graphiques, il intervient au moins en partie au cours de la demande d’admission dans 40% des cas contre 19% seulement lorsque son entrée fait suite directe à une hospitalisation.
23; 16%
103; 71% 19; 13%
Personne à l'origine de la demande
Résident lui-même Famille
23
c. Acceptation du projet par le résident (à partir des données du dossier)
L’acceptation du projet d’entrée en institution par le résident serait bonne dans 64% des cas, mauvaise dans 19% des cas. Lors de l’entretien d’admission, dans 5% des cas, le résident s’est montré indifférent à ce projet et dans 12% des cas, le consentement a été impossible à recueillir en raison de troubles cognitifs très évolués ou de maladies avec handicap majeur (aphasie suite à un AVC par exemple).
7; 10%
58; 78% 7; 9%
2; 3%
Personne réalisant la demande lorsque le
résident vient d'hospitalisation
Résident Famille Résident + Famille NC 15; 23% 38; 58% 11; 17% 1; 2%
Personne réalisant la demande lorsque le
résident vient de son domicile
Résident Famille
Résident + Famille NC
24
L’acceptation initiale du projet d’entrée en EHPAD par le résident semble meilleure lorsqu’il vient du domicile selon les données recueillies sur dossier (Tableau 4), comme le montrent les deux graphiques suivants (74% contre 57% lorsque le résident entre dans les suites directes d’une hospitalisation).
93; 64% 27; 19% 7; 5% 18; 12%
Acceptation du projet
Bonne mauvaise indifférence Impossible à connaître 42; 57% 15; 20% 15; 20% 2; 3%Acceptation initiale lorsque le résident vient
d'hospitalisation
Bonne Mauvaise Non recueillie NC
25
3. Données concernant les antidépresseurs
A leur entrée, 43 % des résidents avaient un antidépresseur dans leur traitement.
A un an de leur entrée, ce pourcentage monte à 57 %. Cette différence est significative puisque l’intervalle de confiance du pourcentage observé à l’entrée de résidents sous antidépresseur au risque de 1% est : IC99% [32.4 – 53.6].
48; 74% 8; 12%
8; 12% 1; 2%
Acceptation initiale lorsque le résident vient de
son domicile
Bonne Mauvaise Non recueillie NC 43% 57%Antidépresseur à
l'entrée
oui non 57% 43%Antidépresseur à 1an
oui non
26
Pour 27% des résidents, un antidépresseur a été introduit ou majoré au cours de la première année en institution.
Pour la suite de ce travail, nous séparerons en 3 groupes les résidents :
- Groupe 1 : Résidents dont le traitement ne comporte aucun antidépresseur (annexe 4) - Groupe 2 : Résidents dont le traitement comportait un antidépresseur à l’entrée mais qui n’a pas été modifié (annexe 5)
- Groupe 3 : Résidents pour qui un traitement antidépresseur a été introduit ou majoré (annexe 6) 27% 73%
Antidépresseur majoré ou
introduit
oui non27
a. Comparaison des groupes 1, 2 et 3 selon les données démographiques
Comparaison de l’âge moyen à l’entrée en EHPAD
Dans le groupe 3, l’âge moyen à l’entrée en institution est de 87,5 ans contre 85,3 ans pour les résidents des groupes 1+2. Cette différence est significative au risque α˂ 6%. Les résidents ayant nécessité une modification de leur traitement antidépresseur ou une introduction de celui-ci semble être significativement plus âgés à l’entrée en institution.
Age moyen
(ans) GIR Femmes Hommes
Groupe 1 85,9 3,4 40 22
Groupe 2 84,3 3,1 32 12
Groupe 3 87,4 3,3 34 5
Total 106 39
Tableau 5 : Données démographiques pour les groupes 1,2 et 3
82 83 84 85 86 87 88
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Age moyen
Age moyen 84 84,5 85 85,5 86 86,5 87 87,5 88 Groupe 1 + 2 Groupe 328
Comparaison du sex ratio
Le pourcentage d’homme dans le groupe 1 est de 35.5%, contre 27.5% dans le groupe 2 et 12.8% dans le groupe 3. La différence est significative au risque α˂5% : la proportion de femmes est significativement plus importante parmi les résidents ayant nécessité une majoration ou une introduction d’un traitement antidépresseur dans l’année ayant suivi l’entrée en institution.
Comparaison du GIR moyen à l’entrée en EHPAD
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 90,0 100,0
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
% femme % homme
Pourcentage Homme/Femme
2,9 3 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
GIR moyen
29
Le GIR moyen à l’entrée est comparable d’un groupe à l’autre. Il n’y a pas de différence significative.
b. Comparaison des groupes 1, 2 et 3 selon les circonstances d’entrée en
EHPAD
Comparaison concernant la provenance
Le pourcentage d’entrée en institution suite à une hospitalisation est de 58% dans le groupe 1 contre 68% dans le groupe 2 et 41% dans le groupe 3. La différence est significative au risque α ˂ 5% : La proportion de résidents provenant d’une hospitalisation immédiatement avant leur entrée en institution est significativement moins importante parmi les résidents chez qui un traitement antidépresseur a dû être introduit ou majoré.
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0
Hospitalisation Domicile Autres structures
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
30
Comparaison selon la personne ayant fait la demande
Le pourcentage de demandes réalisées par le résident (avec ou sans un membre de sa famille) est de 29.0 % et 29.6% dans les groupes 1 et 2 contre 28.2 % dans le groupe 3. La différence est non significative.
En provenance d'Hospitalisation Personne ayant fait la demande Acceptation initiale
Résident Famille R+F NC Bonne mauvaise non formulée
NC
Groupe 1 3 26 3 1 20 7 5 1
Groupe 2 3 21 2 1 13 6 8 1
Groupe 3 1 10 2 0 9 2 2 0
Tableau 6 : Données concernant les circonstances d’entrée pour les résidents venant d’hospitalisation, en fonction de groupes
En provenance du Domicile
Personne ayant
fait la demande Acceptation initiale
Résident Famille R+F NC Bonne mauvaise
non
formulée NC
Groupe 1 7 15 4 0 20 1 5 0
Groupe 2 5 7 2 0 11 1 2 0
Groupe 3 3 15 5 0 17 5 1 0
Tableau 7 : Données concernant les circonstances d’entrée pour les résidents venant du domicile, en fonction de groupes 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0
Résident Famille Résident + Famille
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
31
D’après les tableaux 6 et 7 et les deux graphiques ci-dessous, les pourcentages de demandes réalisées par la famille seule pour les résidents dans les différents groupes (variant de 76.9 à 78.8% selon les groupes) ne présentent pas de différence significative.
Il en est de même lorsque les résidents viennent du domicile, même si les écarts entre les pourcentages sont un peu plus importants puisque respectivement 57.7%, 50% et 65.2% pour les groupes 1,2 et 3.
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 90,0 Résident Famille R+F NC Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Personne ayant fait la demande lorsque le résident vient d'hospitalisation (en %)
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 Résident Famille R+F NC Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Personne ayant fait la demande lorsque le résident vient du domicile (en %)
32
Comparaison selon l’acceptation initiale du projet d’entrée en institution
Le pourcentage d’acceptation initiale du projet par le résident est de 68.9% dans le groupe 1, de 56.8% dans le groupe 2 et de 66.7% dans le groupe 3. La différence est non significative.
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0
Bonne Mauvaise Indifférence Impossible à recueillir
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Acceptation du résident (en %)
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0
Bonne mauvaise non formulée NC
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Acceptation initiale lorsque
33
c. Comparaison des groupes 1, 2 et 3 selon l’importance des pathologies à
l’entrée
Handicap à l’entrée (déficit moteur et /ou déficit sensoriel) 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 90,0
Bonne mauvaise non formulée NC
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Acceptation initiale lorsque le résident vient du domicile (en %)
0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 40,0 45,0 50,0
Déficit moteur (DM) Déficit sensoriel (DS)
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
34
Le pourcentage de résidents présentant à l’entrée en institution un handicap moteur et/ou sensoriel est de 54.8% dans le groupe 1, 52.3% dans le groupe 2 et 59% dans le groupe 3. Cette différence est non significative.
Handicap moteur seul
Le pourcentage de résidents présentant à l’entrée un handicap moteur est de 35% dans le groupe 1, 34% dans le groupe 2 et 46% dans le groupe 3. Si la différence est elle aussi non significative, le handicap moteur semble malgré tout être plus important dans le groupe 3.
Nombre de pathologies à l’entrée
La moyenne du nombre de pathologies à l’entrée est comparable d’un groupe à l’autre : 2,9 pour le groupe 1 et 3.2 pour les groupes 2 et 3.
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0
Déficit moteur (DM)Déficit sensoriel (DS) DM et DS DM et/ou DS Ni DM ni DS
Group e 1
35
B. Deuxième étape : les entretiens
Critères d’inclusion :
Ces entretiens ont été réalisés auprès des nouveaux résidents dont l’état de santé a nécessité l’instauration ou la modification d’un traitement antidépresseur au cours de la première année suivant leur entrée en institution (Groupe 3).
Critères d’exclusion :
Ont été exclus de ces entretiens, les résidents en fin de vie et/ou décédés, les résidents ayant changé de structure, les résidents présentant des troubles cognitifs sévères.
Après discussion avec les équipes paramédicales, le médecin coordonnateur et éventuellement le psychologue intervenant dans la structure, les résidents pour lesquels l’entretien pouvait perturber leur équilibre ont été exclus de cette deuxième étape, le personnel craignant une charge émotionnelle trop importante suite à l’évocation de leur entrée en institution (critère nommé déséquilibre psychologique dans le graphique ci-dessous).
Enfin, n’ont été réalisés que les entretiens acceptés par les résidents après informations au préalable de l’objet de cette thèse et du caractère anonyme des réponses.
1. Répartition des causes d’exclusion aux entretiens
Ainsi 39 résidents appartenaient au groupe 3 mais seul 16 entretiens ont pu être réalisés soit 41%. 9 9 1 1 2 1 Démence Décès Fin de vie Déséquilibre psychologique
36
2. Données démographiques des résidents interrogés
16 résidents ont été interrogés dont 13 femmes. L’âge moyen à l’entrée était de 86,3 ans et le GIR moyen à l’entrée de 3.5.
8 résidents sont entrés en institution directement du domicile, les autres résidents étant entrés dans les suites d’une hospitalisation.
3. « En aviez-vous préalablement parlé à votre entourage ? » : Prévalence
d’anticipation
Seuls 2 résidents avaient évoqué au préalable la possibilité d’entrée en maison de retraite soit 12.5% avec leur famille, amis et/ou médecin traitant.
4. « Etiez-vous en accord avec ce projet ? » : Prévalence de l’absence de choix
raisonné
Si l’on compare ces résultats avec les résultats obtenus d’après dossiers, on remarque une nette différence.
10; 62%
6; 38% Oui
Non
37
Les résidents interrogés sont moins nombreux à déclarer être en accord avec le projet d’entrée en institution qu’ils ne semblaient l’être d’après leur dossier.
La différence entre ces pourcentages est significative au risque α˂0.01%. Cependant le critère de validité du test n’est pas obtenu en raison d’effectifs trop faibles.
5. « Avez-vous eu le choix de l’établissement ? » : Prévalence de l’absence de choix
de l’établissement
50% des résidents exactement déclarent avoir eu le choix de l’établissement. Les premiers critères avancés sont le choix d’un établissement le plus proche de son ancien domicile ou alors, le rapprochement familial.
14; 87% 2; 13%
Oui Non
Adhésion au projet (d'après les dossiers)
0 1 2 3 4 5 6 oui non Domicile Hospitalisation
38
6. « Avez-vous eu le choix du médecin traitant ? » : Prévalence de l’absence de
choix de son médecin
75% des résidents interrogés ont pu choisir le médecin traitant mais seul 56% des résidents ont pu conserver leur médecin traitant habituel.
Dans 25% des cas le médecin traitant a été imposé au résident à son entrée en institution.
7. « Quel lieu considérez-vous être votre domicile ? » : Prévalence des résidents
considérant l’EHPAD comme leur domicile
9; 56% 3; 19%
4; 25% Le même
Différent mais choisi Différent et imposé
Choix du médecin traitant
7; 44% 2; 12% 7; 44% EHPAD Ancienne habitation Sans domicile
39
Pour 44% des résidents interrogés, leur domicile actuel est la maison de retraite dans laquelle ils vivent. 12% des résidents considèrent leur maison ou leur appartement comme étant toujours leur domicile. 44% des résidents considèrent ne plus avoir de domicile.
Pourtant, selon l’enquête DREES [12] sur l’opinion des résidents d’établissements pour personnes âgées sur leurs conditions de vie, deux tiers de l’ensemble des résidents se considèrent chez eux dans leur chambre.
Au risque α˂5%, la différence est significative entre les résultats de l’étude présente et ceux de l’enquête DREES. Les résidents pour lesquels un traitement antidépresseur a été introduit ou majoré (Groupe 3) se sentent significativement moins chez eux dans leur chambre que l’ensemble des résidents des établissements ayant répondu à l’enquête DREES. Ceci tend à montrer l’importance du lieu privatif dans le bien-être des nouveaux résidents. Cependant, contrairement à l’étude présente, l’enquête DREES a recueilli l’opinion de l’ensemble des résidents (à un instant T) et non uniquement celle des nouveaux résidents : le temps d’adaptation au nouveau lieu de vie pourrait être à l’origine de cette différence.
40
Discussion
:A. Les résultats
1. D’après le recueil de dossiers
a. Sur les données démographiques et les circonstances d’entrée
Données démographiques
Le vieillissement de la population, en France, en Europe, et plus largement au niveau mondial est important dans les pays développés. D’ici 2050, on estime que dans les pays développés, la population âgée de plus de 60 ans devrait être de 33% contre 20% actuellement, comme le constate, en 2013, la mission interministérielle sur l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population [13].
Dans le même temps, les différentes enquêtes se rejoignent pour affirmer qu’il existe aussi un vieillissement des résidents à leur entrée en établissement. Par ailleurs, elles déterminent aussi que les hommes entrent plus jeunes en institution que les femmes. Ainsi dans cette étude, on retrouve aussi cet écart significatif d’âge à l’entrée qui est de près de 3 ans.
Le vieillissement à l’entrée est probablement en grande partie la résultante à la fois de l’augmentation de l’espérance de vie sans incapacité [14] et de la politique actuelle menée en faveur du maintien à domicile. Ainsi, en septembre 2014, l’Assemblée adopte deux mesures phares du projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement [15] : la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et le « droit au répit » pour les aidants familiaux.
Circonstances d’entrée
Dans cette étude, les nouveaux résidents viennent pour le plus grand nombre d’hospitalisation ou de services de soins de suite par rapport au domicile (50% contre 44%). Ces données évoquent une entrée en institution suite à une situation de crise avec généralement une aggravation rapide de l’état de santé du futur résident.
A l’inverse, d’autres enquêtes ne retrouvent pas les mêmes proportions. Ainsi l’enquête DREES de 2007 [14] retrouve un plus grand nombre de résidents provenant du domicile (59%) au sein des maisons de retraite et des EHPAD.
Si lorsque la demande est réalisée au moins en partie par la personne âgée (29% des cas dans cette étude), le consentement et l’adhésion au projet sont supposés acquis, dans une
41
grande majorité des cas la demande d’entrée est réalisée par les familles (71% dans cette étude) rendant difficile l’appréciation sur dossier du degré d’adhésion du résident au projet d’entrée en institution.
Dans le dossier unique de demande d’admission en EHPAD mis en place depuis juin 2012 [16], trois cases sont consacrées, dans la partie administrative, à la recherche de l’information et du consentement de la personne âgée. Au cours d’une éventuelle pré-visite de l’établissement, il est souvent recherché une confirmation de ce consentement. Ces pré-visites ne sont cependant pas obligatoires.
Ce droit fondamental qu’est le libre choix de l’entrée en institution est pourtant essentiel. En effet, sans lui, le lien de confiance entre le résident et le personnel de l’établissement ne peut se créer convenablement. Le résident ne peut alors adhérer librement au projet de vie ou de soins qu’on lui propose. Dans ces conditions, comment protéger son estime de soi, son humeur ? Or, de son coté, la dépression renforce elle-même la perte d’estime de soi et de confiance en soi de sorte que l’entrevision par la personne d’une santé mentale positive, d’un avenir positif semble bien fuyante.
b. Sur les données de l’étude concernant l’état dépressif
La dépression du sujet âgé et ses particularités
L’état dépressif chez la personne âgé est fréquent et de diagnostic difficile.
Plusieurs échelles peuvent être utilisées pour améliorer le dépistage de la dépression : - Geriatric Depression Scale de Brink et Yesavage : un
autoquestionnaire de trente items (GDS) (annexe 7) - Montgomery et Asberg Depression rating scale - Echelle de dépression d’Hamilton
La prévalence est de l’ordre de 5% chez la personne âgée de plus de 65 ans [17]. Cette prévalence augmente de façon importante en institution selon les précédentes études [18] puisqu’elle serait de 8.1% pour les états dépressifs majeurs, 14.1% pour les formes mineures et jusqu’à 24% des résidents présenteraient un état sub-dépressif, ce qui impliquerait que près de la moitié des résidents souffriraient de symptômes dépressifs [19]. L’étude AGED, dont sont tirés ces chiffres, explique cette augmentation par de nombreux facteurs aussi bien l’âge < 80 ans, le sentiment de solitude, les douleurs chroniques, les déficits moteurs et visuels. D’autres études évoquent aussi le sexe féminin, les évènements de vie récents (tels que le décès du conjoint), les déficits cognitifs.
L’appréhension de la dépression du sujet âgé est difficile en raison de tableaux atypiques : plaintes somatiques, intrication entre symptômes dépressifs et troubles du comportement
42
liés à une maladie neurodégénérative [20]. La tristesse est souvent minimisée, y compris par le résident lui-même, la considérant normale dans le processus de vieillissement. La dépression est pourtant un facteur de risque important d’aggravation de l’état général du patient âgé et le risque suicidaire (et son équivalent, le syndrome de glissement) présente une prévalence importante en institution [21]. Une étude française retrouve un taux de suicide augmenté en EHPAD par rapport à une population vivant au domicile sauf chez les veufs isolés au domicile [22], traduisant la « crise » à laquelle doit faire face le nouveau résident. En effet, «Comme toute crise, la crise suicidaire traduit un moment de rupture de l’équilibre relationnel du sujet avec lui-même et avec son environnement » [23]. Selon les chiffres du CepicDc-inserm [24], 28% des suicides en 2010 ont concerné des personnes âgées de plus de 65 ans avec un taux de sous-estimation évalué à 12.85%. Si 60% des personnes âgées ayant fait une tentative de suicide vont récidiver dans l’année qui suit, 75% des suicides ne sont pas précédés de tentative. Dans 75% des cas, leur suicide n’a jamais été précédé de tentative de suicide [25]. Dans la littérature, on rappelle que la détermination du sujet âgé est souvent forte au moment du passe à l’acte suicidaire et qu’à ces chiffres s’ajoutent les équivalents suicidaires jusqu’à présent non comptabilisés [26]. Toutes ces constatations ont conduit à la mise en place en 2013 de nouveaux dispositifs visant à prévenir le risque suicidaire de la personne âgée (Programme MONALISA (mobilisation nationale de lutte contre l’isolement des âgés), programme MOBIQUAL dédié à la prévention du suicide des personnes âgées au domicile [27], et le lancement de l’observatoire du suicide).
Données de l’étude
Rappelons qu’au cours de l’étude présente, celle-ci étant rétrospective, les modifications des traitements antidépresseurs étaient déjà réalisées au moment de sa réalisation. Une échelle de dépistage de la dépression n’a donc pu être utilisée. On présuppose que les antidépresseurs ont été instaurés devant de réels états dépressifs.
Un nombre important de résidents (43%) présentait dans leur traitement un antidépresseur avant leur entrée en institution, bien plus que la prévalence des états dépressifs chez les personnes âgées de plus de 65 ans retrouvée dans la littérature. Cette différence tient probablement à un biais de sélection de la population étudiée, puisqu’il s’agit d’une population de personnes âgées ayant déjà perdu une part importante de son autonomie avec aggravation, en général brutale, de leur état de santé. Le recueil de données sur dossiers (rétrospectif) n’a pas permis de déterminer depuis combien de temps ce traitement était introduit.
Dans la première année suivant leur entrée en institution, 14% supplémentaires des nouveaux résidents vont nécessiter l’introduction d’un traitement antidépresseur et 13% vont décompenser leur état dépressif impliquant la majoration du traitement
43
antidépresseur. Au total, à un an de l’entrée en institution, 57% des nouveaux résidents présentaient un traitement antidépresseur, pourcentage restant supérieur à celui décrit en littérature mais dans une moindre mesure.
L’étude présente révèle un facteur d’association supplémentaire pour les femmes, les hommes étant moins nombreux de façon significative dans le groupe 3 (modification ou introduction du traitement antidépresseur) avec 12.8% que dans les groupes 1 et 2 (respectivement 35.5 et 27.5%). Contrairement à ce qui est décrit dans l’étude AGED [19], dans laquelle une entrée avant l’âge de 80 ans serait un facteur de risque de dépression, l’âge à l’entrée en institution est significativement plus élevé dans le groupe 3 (87,5 ans versus 85,3 ans).
S’il n’a pas été retrouvé de lien d’association entre l’état de dépendance (GIR) et l’apparition ou la décompensation d’un état dépressif, ni avec la polypathologie, l’étude tend à confirmer un lien avec l’importance du handicap moteur (46% des résidents présentaient à l’entrée un handicap moteur empêchant les déplacements sans aide d’une tierce personne dans le groupe 3 contre respectivement 35 et 34% dans les groupes 1 et 2).
Concernant les circonstances d’entrée en EHPAD, il n’a pas été retrouvé de lien en fonction de la personne ayant fait la demande d’admission en institution ou l’acceptation initiale du projet indiquée sur le dossier. Cependant il existe une discordance entre les données du dossier et les informations données par le résident au cours de l’entretien concernant cette acceptation. On retrouve par contre une association entre le fait d’entrer en institution en provenant du domicile et l’apparition d’un état dépressif : seulement 41% des résidents du groupe 3 sont entrés suite à une hospitalisation contre respectivement 58 et 68% dans les groupe 1 et 2. On peut penser que parmi les résidents provenant du domicile, l’aggravation de l’état de santé a été moins brutale rendant plus difficile le deuil de la vie passée.
2. D’après les entretiens
a. Une faible anticipation de l’entrée en institution
D’après les entretiens réalisés au cours de cette étude auprès de résidents pour lesquels un traitement antidépresseur a dû être introduit ou majoré, seuls deux nouveaux résidents sur seize (soit 12.5%) avaient anticipé une éventuelle entrée en institution en discutant avec un proche, ami voire avec son médecin traitant bien avant l’entrée effective. Ce chiffre est près de 3 fois supérieur dans l’enquête DREES de 2007 [14] (36%), enquête qui détermine que les résidents qui se sont préparés bien avant à l’entrée en institution ont près de deux fois plus de chances d’avoir le sentiment d’avoir bien vécu l’entrée en EHPAD.
Pour pouvoir exercer son droit au libre choix, ce dernier doit d’abord être raisonné, réfléchi. Toute réflexion prend du temps. Les entretiens de cette étude et l’enquête DREES confirment bien l’importance de l’anticipation d’une entrée éventuelle en institution.
44
b. Acceptation initiale : non correspondance entre les informations recueillies sur dossiers et celles recueillies aux entretiens
« Bien vivre l’entrée en établissement influence de manière significative le bien-être ressenti par le résident par la suite » selon l’article sur la satisfaction des personnes âgées vivant en EHPAD et en maison de retraite de l’enquête DREES de 2007 [14].
Les entretiens ont permis de mettre en évidence une discordance entre les données recueillies sur dossier concernant l’adhésion au projet d’entrée en institution et celles déclarées par les nouveaux résidents. En effet, 62% des nouveaux résidents interrogés affirment avoir été en accord avec ce projet contre 87% selon leur dossier. On peut en grande partie expliquer cette différence par le facteur temps : la précipitation de l’entrée limite souvent le temps de réflexion nécessaire pour l’exercice du libre choix. Poussés par l’aggravation brutale de leur état de santé, par les proches, parfois par le personnel médical, ces nouveaux résidents ont pu accepter (sans le délai de réflexion nécessaire) l’idée d’entrer en institution. Par ailleurs, entre les données des dossiers recueillies à l’entrée et les entretiens, le temps s’est écoulé : l’âge et l’évolution des pathologies notamment des troubles cognitifs ont pu modifier le vécu à l’entrée.
c. Libre choix de l’établissement
Un résident sur deux au cours des entretiens déclare avoir eu le choix de l’établissement. Les critères avancés au cours des entretiens sont surtout géographiques. L’un des souhaits premier des nouveaux résidents était, en effet, de rester dans le quartier de son domicile pour limiter la perte des repères et souvent de retrouver au sein de l’établissement des connaissances (amis, voisins et parfois membre de la famille). Parfois, il s’agit d’un rapprochement familial, de façon à faciliter la visite des proches au sein de l’établissement. Ce critère géographique affirme bien l’importance accordée par le futur résident et sa famille au maintien de la vie sociale.
L’effectif est trop faible pour déterminer s’il existe une différence significative concernant le choix de l’établissement selon les circonstances d’entrée en institution. Les chiffres montrent une tendance à un plus grand libre choix parmi les résidents venant du domicile. Intuitivement, ce sont les résultats attendus. En effet, une hospitalisation est souvent la conséquence d’une situation de crise. Or, nous avons vu précédemment que l’entrée en institution est rarement anticipée, selon les déclarations des nouveaux résidents. Devant l’impossibilité de maintien au domicile, les demandes au sein des établissements environnants sont souvent multiples et le « choix » se porte dans l’établissement qui présente la première disponibilité.
45
Ainsi, si, dans les suites d’une hospitalisation, le libre choix d’entrée en maison de retraite peut, malgré la situation de crise, être raisonné (la personne âgée reconnaissant son incapacité désormais à vivre seule au domicile malgré les diverses aides), la situation d’urgence fait que le libre choix de l’établissement est souvent non respecté. On peut alors imaginer que l’adaptation dans ce nouveau lieu de vie n’en est que plus difficile.
Anticiper l’entrée en EHPAD en réalisant des demandes auprès des établissements souhaités, c’est aussi anticiper une situation de crise, se protéger soi et son libre choix.
d. Libre choix du médecin traitant
« Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l'exercice de ce droit. » [28] Ceci est repris par le Code de Déontologie médicale.
« Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire. » [29]
Comme vu en introduction, le libre choix du médecin traitant par le patient est un principe fondamental de la médecine libérale, apparaissant dans la charte médicale de 1927 [2] et qui ne cesse d’être affirmé depuis les années 2000. Qu’en est-il du libre choix du médecin traitant en EHPAD ?
Concernant les treize EHPAD de cette étude, dont la capacité d’accueil va de 44 à 315 résidents, on retrouve des fonctionnements divers quant à la présence médicale. Ainsi les médecins généralistes libéraux sont au nombre de 3 à 55 à se déplacer selon les structures. De manière générale, le nombre est plus faible en périphérie de Brest, en milieu rural, ceci s’expliquant probablement par une plus faible démographie médicale. Dans un établissement, on retrouve un fonctionnement avec six médecins salariés. Cependant cette structure laisse le choix au résident de choisir un médecin généraliste extérieur à ses frais. Ainsi trois médecins exerçaient à titre libéral au moment de l’étude dans cette structure. Concernant les résidents interrogés, seuls 56% d’entre eux ont pu conserver leur médecin traitant, même si au total 75% ont eu le choix de leur médecin traitant. La plupart du temps, cet écart est le résultat d’une problématique géographique, l’ancien médecin traitant ne pouvant assurer le suivi de son patient en raison d’un éloignement trop important. Parfois, le patient a souhaité changer de médecin traitant.
Des entretiens avec les différents médecins coordonnateurs, on en retire que de maintenir le libre choix du médecin traitant au résident est avant tout un respect de leurs droits mais aussi leur permettre de conserver un point de repère avec leur vie antérieure et ainsi de faciliter leur adaptation dans leur nouveau lieu de vie. Cependant, tous évoquent la difficulté de coordination des soins entre le médecin et l’équipe paramédicale lorsque le nombre de
46
médecins généralistes libéraux se multiplie. Les médecins coordonnateurs l’expliquent ainsi : le médecin généraliste qui ne suit qu’un ou deux résidents dans une même structure ne s’impliquerait pas autant dans le fonctionnement de l’établissement et notamment dans le système informatique.
C’est pour pallier à cette difficulté que le contrat-type de médecin traitant en EHPAD a été créé avec le décret du 30/12/2010 relatif à l’intervention des professionnels de santé exerçant à titre libéral au sein des EHPAD [30]. Ce contrat, déjà prévu, dans le code de l’action sociale et des familles [31], a été dénoncé par le conseil national de l’ordre des médecins craignant une atteinte à la liberté de choix du patient mais aussi à la liberté d’indépendance et de prescription du médecin libéral. Avec l’arrêt du Conseil d’Etat du 20/03/2013, le contrat-type est maintenu avec toutefois des modifications assurant les principes fondamentaux de la médecine libérale et surtout interdisant aux EHPAD de ne pas autoriser l’accès à l’établissement lorsqu’un médecin libéral souhaite exercer son activité dans la structure en acceptant les conditions particulières d’exercice prévues par le contrat-type, garantissant ainsi le libre choix du résident.
L’existence de ce contrat-type doit être spécifiée dans le contrat de séjour, dont la signature par le résident vaut pour accord. Mais qu’en est-il des résidents qui n’ont pas eu le choix de l’établissement souvent dans les suites d’une situation de crise ? Ceci explique peut-être les 25% des résidents qui ont déclaré au cours des entretiens ne pas avoir pu exercer le libre choix de médecin traitant, le « choix » n’existant en réalité qu’au sein d’une liste limitée. Selon l’étude DREES de 2007 [14], ce pourcentage pourrait être nettement plus important. Leur enquête retrouve en effet 44% des résidents (tout établissement pour personnes âgées confondu) considérant ne pas avoir pu exercer leur libre choix de médecin traitant
e. EHPAD : le domicile ?
Quel est le statut juridique de l’espace privé en EHPAD ? La réponse n’est pas si simple et il est souvent fait une distinction entre résidence et domicile.
Selon l’ANESM [32], on entend par domicile « le lieu de résidence, principale ou secondaire, sans distinction de propriété ou de location ». Le code civil définit le domicile comme étant « le lieu où une personne possède son principal établissement » [33]. Ce n’est qu’en 2006 que le ministre délégué aux personnes âgées, M. Philippe BAS, reconnaît le droit à l’hospitalisation à domicile en EHPAD, notion reprise dans la loi de 2009 portant la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires [34] .
Cependant un arrêt de la cour de cassation de 1998 [35 et annexe 8], détermine que le contrat de séjour n’est pas un contrat de bail mais un contrat de prestation de services. Ceci est lourd de conséquences, puisqu’ainsi le respect de la trêve hivernale n’est pas obligatoire lors d’une expulsion d’une EHPAD. C’est ainsi que le débat a été relancé sur la notion de
47
« domicile » suite à l’expulsion en hiver d’une résidente nonagénaire pour cause d’impayés en 2013.
Si le statut juridique de l’EHPAD est difficile à déterminer, l’EHPAD reste un lieu de résidence, où la chambre a toujours été considérée comme un lieu privé. Or, « l’espace privatif doit être considéré comme la transposition en établissement du domicile du résident. Il doit pouvoir être personnalisé [36]».
Dans cette étude les entretiens révèlent que 44 % seulement des résidents interrogés (ayant nécessité une introduction ou une majoration de traitement antidépresseur) considèrent leur chambre comme leur domicile, chiffre significativement différent de celui de l’enquête DREES [12] (deux tiers) portant sur un ensemble de résidents de plusieurs EHPAD. Se sentir chez soi est pourtant un enjeu de la qualité de vie et de bien-être.
B. Les Biais de l’étude
Nous avons vu dans la méthode qu’il s’agissait d’une étude observationnelle rétrospective descriptive de type transversale visant à déterminer la prévalence de l’état dépressif dans la première année suivant l’entrée en EHPAD et d’éventuellement de déterminer la présence de facteurs associés à l’état dépressif. Cette étude présente toutefois des biais.
1. Biais de sélection
L’étude se voulait exhaustive sur la population des secteurs de psychiatrie 1 à 4 de Brest et ses alentours. Malheureusement, un peu moins de la moitié des établissements ont répondu favorablement.
2. Biais de classement sur la maladie
Comme précédemment expliqué, l’étude étant rétrospective, l’utilisation d’une échelle de dépistage de la dépression n’a pu être utilisé au moment de l’étude, les traitements antidépresseurs étant déjà majorés ou introduits. De plus, l’utilisation d’une telle échelle n’a pu être retrouvée de façon systématique au cours du recueil de données sur dossier. On part du principe que les traitements psychotropes ont été modifiés à juste titre sans en avoir la preuve objective.
48
C. Faciliter l’adaptation
1. Les pré-visites
Au cours des entretiens auprès des médecins coordonnateurs, on notera que tous les établissements visités proposent des pré-visites aux personnes âgées et à leurs proches. Ces pré-visites consistent en la découverte de l’établissement, la rencontre avec le personnel et souvent en la réalisation d’un entretien d’admission avec un cadre de santé et/ou le médecin coordonnateur. Les situations de crise font que les pré-visites avec le futur résident ne sont pas toujours réalisables du fait de l’incapacité à se déplacer pour la personne âgée, de la précipitation. Ainsi, dans l’enquête DREES [14], seulement quatre résidents sur dix déclaraient avoir bénéficié d’une visite préalable à leur entrée. Or, la pré-visite de l’établissement est un bon moyen pour la personne âgée d’être acteur dans cette décision d’entrer en institution, de participer au choix de l’établissement mais aussi, pour le personnel de l’établissement, d’apprécier l’adhésion du futur résident à ce projet d’entrée en EHPAD.
2. Personnalisation
a. Du lieu privatif
La personnalisation du lieu privatif en EHPAD, la chambre, est un moyen de préserver, d’assurer l’identité du résident [37]. Or, plus l’établissement est médicalisé, moins les espaces privatifs semblent personnalisés.
« Il doit pouvoir être personnalisé et permettre aux personnes âgées qui le souhaitent d'y apporter du mobilier personnel, autre que cadres, photographies et objets familiers […] et ainsi disposer d'un lieu privé, […] leur permettant s'ils le souhaitent d'organiser comme ils l'entendent l'aménagement de l'espace qui leur est dévolu […] et recevoir dans l'équivalent d'un chez-soi, facilitant ainsi ses relations sociales, notamment avec sa famille et son entourage. (art 2 de l’arrêté 1999-04-26)». Selon l’enquête DREES [12], 56% des résidents apportent des meubles et des bibelots. Pour les autres, ou bien ils considèrent manquer de place, ou bien ce n’était pas leur préoccupation première. Pour 14% d’entre eux, l’apport de biens ne leur a pas été accordé.
Toujours selon cette enquête, 70% des établissements mettent à disposition un téléphone dans chaque chambre quand 13% des établissements n’ont aucun téléphone dans les chambres.