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Inhibition cognitive sémantique et spatiale : source unique ou mécanismes distincts?

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Academic year: 2021

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SANDRA POULIN

INHIBITION COGNITIVE SÉMANTIQUE ET SPATIALE: SOURCE UNIQUE OU MÉCANISMES DISTINCTS?

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de !,Université Laval

pour l'obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

AVRIL 2001

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RÉSUMÉ

Les mécanismes d'inhibition sélective attentionnelle ont été abondamment étudiés au cours des dernières années. Les avancées en recherche ne permettent toutefois pas d'établir avec certitude s'ils sont multiples ou la manifestation d'un système unique. L'objectif de cette étude est de vérifier si l'inhibition sélective sémantique et de la localisation résultent ou non d'un mécanisme commun. Trente-et-un participants exécutent deux tâches, l'une mesurant l'effet d'amorçage négatif sémantique et l'autre évaluant l'effet d'amorçage négatif de la localisation. Des effets d'inhibition sont obtenus aux deux procédures. Les résultats observés indiquent cependant l'absence de relation statistique entre les mesures d'inhibition sémantique et spatiale. Les résultats sont discutés en rapport avec la littérature pertinente dans le domaine.

James Everett, Ph D. Sandra Poulin

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AVANT-PROPOS

D'abord, un grand merci à tous les participants de cette étude, qui ont fourni gracieusement leur temps et leur confiance en mon projet.

Je veux remercier aussi Monsieur Robert Rousseau, qui m'a accordé l'espace physique et les facilités techniques pour mener à bien mon expérimentation. Je suis aussi reconnaissante envers Monsieur Michel Vinette, qui m'a fourni un soutien essentiel quant aux aspects informatiques de cette étude.

Je tiens à remercier également Mesdames Geneviève Belleville et Tina Lévesque ainsi que Messieurs François Bherer, Patrick Gosselin, Hans !vers et Christian Watier qui m'ont tous aidée dans la poursuite de cette recherche.

Merci à ma famille, mon copain et mes amis, qui m'ont soutenue et encouragée tout au long de mes études.

Enfin, je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur James Everett, qui a stimulé mon intérêt pour le domaine, m'a accompagnée et guidée dans mes réflexions; il m'a outillée et soutenue activement, avec beaucoup de patience et de respect dans mon apprentissage du processus de recherche.

Sandra Poulin

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé... ii

Avant-propos... iii

Table des matières... iv

Liste des tableaux et figures... v

Liste des annexes... vi

1 2 3 5 8 10 14 16 17 18 19 19 20 20 20 21 22 23 27 31 37 38 Introduction... L'inhibition sélective attentionnelle... Conditions nécessaires à l'effet d'amorçage négatif... Explications alternatives de l'effet d'amorçage négatif... Qu'est-ce qui est inhibé?... Doit-on parler de l'inhibition ou des inhibitions?... Les réseaux attentionnels antérieur et postérieur et l'inhibition Question de recherche... Paradigme d'amorçage négatif sémantique... Paradigme d'amorçage négatif de la localisation... Méthode...

Participants... Matériel... Procédure...

Déroulement de la séance d'expérimentation.... Tâche d'inhibition sémantique... Tâche d'inhibition de la localisation... Résultats... Discussion... Bibliographie... Annexe A... Annexe B...

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LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Temps de réaction moyens et écart-types moyens (entre parenthèses) en millisecondes pour chaque condition des paradigmes expérimentaux... 24

Coefficients de corrélation de Pearson entre les temps de réaction moyens aux deux conditions et les scores différentiels pour

chaque paradigme...26

Exemples de stimuli utilisés dans chacune des conditions du

paradigme d'amorçage négatif de la localisation...23

Scores différentiels entre les conditions neutre et inhibition de

chaque paradigme expérimental... 27 Tabeau 1.

Tableau 2.

Figure 1.

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LISTE DES ANNEXES

Formulaire de consentement... 37 Instructions...38 Annexe A.

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Source unique ou mécanismes distincts?

Introduction

D’après Fortin et Rousseau (1996), !’attention sélective est l’habileté à orienter ses ressources mentales vers un message en éliminant les messages simultanés non pertinents. D’un point de vue écologique, cette fonction permet de tenir compte de !’information nécessaire à un comportement adapté sans être distrait par des éléments perturbants. L’un des questionnements qui émerge de la recherche sur !’attention sélective concerne la façon dont le système cognitif procède pour rendre effective cette fonction. Deux positions se dégagent et ont grandement stimulé les travaux en ce domaine. L’une avance que la sélectivité de !’attention s’opère par l’allocation directe des ressources attentionnelles à !’information pertinente. Cette théorie, avancée par Broadbent (1958), postule que la représentation mentale de !’information sélectionnée se distingue de la masse en entrant dans un état de disponibilité imminente. Ce faisant, l’activation des informations jugées non pertinentes se dissipe passivement, parce que les ressources sont dirigées ailleurs. Ces informations ne sont donc pas traitées activement.

L’autre position soutient que, pour mettre en évidence !’information choisie, le système cognitif procède également par élimination. Les représentations des stimuli perçus sont d'abord activées. Puis, en plus de consacrer des ressources à !’information pertinente, le système exécuterait une sorte de mise en veilleuse de !’information susceptible de compétitionner avec le message jugé pertinent (e.g. Houghton et Tipper, 1994; Neill et Westberry, 1987). Ce mécanisme est nommé l’inhibition sélective attentionnelle. Cette dernière perspective a reçu beaucoup d’intérêt et a généré un courant de recherche important (Fox, 1995).

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L’étude des mécanismes d’inhibition attentionnelle a connu un essor important avec l’élaboration du paradigme d’amorçage négatif. La tâche classique employant ce paradigme a pour caractéristique de base la présentation simultanée de deux types d’information en un essai. L’une est pertinente aux demandes de la tâche; il s’agit de l’information-cible. L’autre partage suffisamment de caractéristiques avec la cible pour être susceptible d’interférer avec le traitement de cette dernière; il s’agit du distracteur. L’intérêt de ce paradigme réside au niveau des relations séquentielles qui unissent les essais. Lorsque le distracteur, à un essai donné, devient F information-cible à l’essai subséquent (condition inhibition), le temps de réponse est ralenti par rapport aux séquences d’essais où les informations sont indépendantes (condition neutre). Dans certains paradigmes expérimentaux, les essais sont couplés. Chaque essai comprend généralement une cible et un distracteur. Le premier est nommé l'amorce et le second, le test. Un couple d'essais appartient à la condition inhibition s'il y a une relation signifiante entre la cible du test et le distracteur de l'amorce. Autrement, le couple d'essais appartient à une autre condition, généralement la condition neutre. Selon Tipper (1985), l'allongement du temps de réponse observé aux essais de la condition inhibition reflète l’action des mécanismes inhibiteurs; !’information qui a tenu le rôle de distracteur est pénalisée, en terme de temps de traitement, en comparaison avec une information nouvelle. Neill et Westberry (1987) ont également étudié ce phénomène et ont observé un patron de résultats similaire; ils l’ont baptisé l’effet de suppression du distracteur.

Le phénomène de l’amorçage négatif a été testé avec une grande variété de stimuli. Des études ont ainsi été réalisées à l’aide de figures (Tipper, 1985), de symboles (Tipper, Weaver, Cameron, Brehaut et Bastedo, 1991), de caractères de l’alphabet (Tipper et Cranston, 1985), ou de mots (Beech, McManus, Baylis, Tipper et Agar, 1991).

Les demandes de la tâche ont aussi été variées. Ainsi, certains auteurs ont étudié l’effet de l’amorçage négatif dans le cadre de tâches où il s’agit d’effectuer une sélection d’après un type d’information (Tipper, Weaver, Cameron, Brehaut et Bastedo, 1991), de

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semblables ou différents (Neill, Lissner et Beck, 1990). D'autres ont fait varier la demande d’un essai à l’autre (Neill, Terry et Valdes, 1994).

Lorsque la tâche consiste à effectuer une sélection, l’information-cible et celle devant être ignorée peuvent être intégrées dans un même stimulus (e.g., Stroop, 1935), contenues dans deux stimuli superposés (Tipper, 1985) ou encore dans deux objets plus ou moins distincts spatialement (Fox, 1994).

Toujours dans un contexte de sélectivité, le critère de sélection de la cible peut être la couleur (Tipper et Cranston, 1985), la localisation (Tipper, Weaver, Cameron, Brehaut et Bastedo, 1991), l’identité (Neill et Westberry, 1987), le signifiant du stimulus (Tipper et Baylis, 1987) ou encore un indice visuel (Fox, 1994). Certains auteurs ont même fait varier le critère de sélection d’un essai à l’autre (Chiappe et McLeod, 1995).

Enfin, le paradigme a été testé avec différentes modalités de réponse; elle peut être verbale (Tipper, 1991) ou manuelle (Neill, Terry et Valdes, 1994). Tipper, Weaver, Kirkpatrick et Lewis (1991) ont fait alterner la modalité de réponse d'un essai à l'autre et ont observé un effet d'amorçage négatif.

A la lumière de toutes ces considérations, il semble raisonnable de croire que l’effet d’amorçage négatif est un phénomène robuste et crédible.

Conditions nécessaires à l’effet d’amorçage négatif

Bien que le phénomène d’amorçage négatif soit observé dans le cadre d’une grande panoplie d’épreuves, certains chercheurs ne sont pas parvenus à le reproduire. Les études qu’ils ont réalisées ont notamment permis de dévoiler les conditions nécessaires à la survenue de l’effet d’amorçage négatif.

Neill et Westberry (1987) ont étudié l’effet d’amorçage négatif à l’aide des stimuli de Stroop (1935). Ces stimuli sont des mots désignant une couleur présentés dans une

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teinte divergente. Les participants sont invités à répondre en fonction de !,information chromatique contenue dans le stimulus, soit la couleur avec laquelle le mot est écrit, tout en évitant de répondre en fonction de !,information sémantique de l'objet, en !,occurrence le sens du mot. Dans un premier temps, ils manipulent les instructions données aux participants. Ils ont observé que lorsque l’emphase est mise sur la vitesse d’exécution plutôt que sur l’exactitude de la réponse, ils n’obtiennent pas d’effet de suppression du distracteur, mais plutôt un effet de facilitation; les temps de réponse à la condition inhibition sont inférieurs aux temps de réponse à la condition neutre. Il semble donc que le phénomène dépend du soin qui est porté à donner une réponse exacte.

En outre, la nature du matériel présenté à !,intérieur d'un essai, à savoir s'il contient ou non des informations conflictuelles, paraît être un facteur critique quant à la survenue de l'effet d'amorçage négatif. Moore (1994) a mené une série d'expérimentations portant sur l'influence de ce facteur quant à la manifestation du phénomène d'amorçage négatif. Un essai contenant des informations conflictuelles est formé d'une cible et d'un distracteur, tous deux tirés de l'ensemble de stimuli "I", "O", "S" et "X". Dans un essai exempt de conflit, la cible est l'une des quatre lettres précédemment mentionnées tandis que le distracteur sera le symbole "#", toute lettre de l'alphabet excluant les choix de cible, un nuage de points occupant l'espace d'une lettre ou encore il sera absent. Les résultats qu'elle a obtenus soutiennent que l'amorçage négatif se manifeste lorsqu'il y a conflit dans le matériel présenté. Un essai devrait donc présenter un distracteur compétitif pour qu'il y ait un ralentissement de la réponse effectuée en fonction de !'information pertinente précédemment inhibée, à une exception près. En effet, les travaux de Moore ont mis en évidence la possibilité que l'effet d'amorçage négatif soit observé en l'absence de matériel contenant un conflit, et ce dans un contexte particulier. Lorsque les informations comprises dans un essai n'entretiennent pas de conflit, le phénomène d'amorçage négatif se présentera dans la mesure où l'absence de conflit n'est pas prévisible sur la base du contexte, soit le bloc d'essais au cours duquel cet essai est exposé. Les résultats obtenus par Moore mettent donc en lumière l'importance du contexte dans lequel les essais destinés à mesurer l'inhibition sont présentés.

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L’effet d’amorçage négatif repose aussi sur un facteur temporel, soit l’intervalle réponse-stimulus. Les résultats de Neill et Westberry (1987), dans le second volet de leur étude, sont éloquents à ce sujet. Ils ont observé qu’en faisant varier le délai entre la réponse et la présentation de l’essai suivant, on obtient soit un effet d’amorçage négatif, aucun effet, ou encore un effet de facilitation. Plus précisément, lorsque l’intervalle réponse-stimulus est de 20 ms, les temps de réponse à la condition d’inhibition ne se distinguent pas de ceux à la condition neutre. Dans le cas où l’intervalle réponse- stimulus est de 520 ms, les auteurs ont obtenu un effet d’amorçage négatif solide. Cependant, lorsqu’ils fixent l’intervalle réponse-stimulus à 2020 ms, ils observent plutôt un effet de facilitation.

Enfin, l’amplitude de l’effet d’amorçage négatif, dans le cas où !’information ciblée et !’information distractrice sont présentées dans deux stimuli distincts, semble dépendre de la distance physique qui sépare les stimuli. Fox (1994) a réalisé une étude à l’aide du paradigme d’amorçage négatif où elle a fait varier la distance entre la cible et le distracteur. Elle a observé que la magnitude du phénomène augmente lorsque la cible et le distracteur sont proches l’un de l’autre, comparativement à lorsqu’ils sont plus

éloignés.

De nos jours, !'utilisation du concept d’inhibition sélective attentionnelle est admise par de nombreux chercheurs bien que l'existence d'un tel processus ne puisse être, du moins à l'heure actuelle, positivement démontrée. Cela n'est pas étranger à l'intérêt que représente sa valeur explicative, notamment dans les situations expérimentales précédemment mentionnées. Il n'en demeure pas moins que certains chercheurs ont proposé des hypothèses alternatives pour expliquer l’effet d’amorçage négatif observé dans des conditions bien précises.

Explications alternatives de l’effet d’amorçage négatif

Park et Kanwisher (1994) ont étudié l’effet d’amorçage négatif dans le cadre d’une tâche où la consigne est de localiser une cible. L'épreuve est constituée d'une série d'essais prenant la forme suivante; une cible (le symbole "O") et un distracteur (le signe

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"X") apparaissent, chacun occupant l'une de quatre positions disponibles. Le participant doit indiquer !'emplacement de la cible en appuyant sur une touche au clavier correspondant à sa position. Les auteurs ont reproduit le phénomène d'amorçage négatif; lorsque la cible du test occupe la position du distracteur de l'amorce, le temps de réaction est supérieur à celui obtenu lorsque leurs localisations respectives sont distinctes. Toutefois, Park et Kanwisher n’expliquent pas l'effet obtenu par l’action des mécanismes inhibiteurs. Selon eux, le ralentissement de la réponse est attribuable au changement d’identité d’un stimulus à un endroit donné, peu importe s’il tient le rôle de cible ou de distracteur. Ce serait donc le manque de correspondance entre les caractéristiques physiques de deux essais consécutifs qui donnerait lieu à un ralentissement de la réponse. Afin de tester cette hypothèse, les auteurs ont apporté à la procédure la modification suivante: la cible est désormais le symbole "X" pour l'amorce, et le symbole "O" pour le test. Ils ont alors constaté qu'un ralentissement de la réponse survenait lorsque les symboles occupant la position de la cible au test changeaient d'identité. Ce résultat vient appuyer l'hypothèse émise par les auteurs. Cette hypothèse, cependant, ne permet pas d’expliquer les résultats obtenus par Tipper et Cranston (1985) et ceux de Milliken, Tipper et Weaver (1994). Ceux-ci ont reproduit le phénomène d’amorçage négatif dans le cadre d’une tâche où le distracteur à un essai donné est identique en tout point à la cible de l’essai subséquent. Dans le cadre de cette recherche, les auteurs ont élaboré une procédure permettant de faire varier la cible d'un essai à l'autre. Les stimuli qu'ils ont utilisés sont les caractères "A", "B", "C", et "D", et ils peuvent apparaître en quatre couleurs distinctes. Un indice est présenté au centre de l'écran préalablement à chaque événement. Cet indice, en l'occurrence l'un des quatre stimuli dans sa forme minuscule et de couleur grise, constitue le critère de sélection de la cible (e.g., lorsque l'indice "a" apparaît au centre de l'écran, la cible de l'essai à venir est le caractère "A"). Dans la condition où la cible du test partage la couleur et la localisation du distracteur de l'amorce, les auteurs ont observé un effet d'amorçage négatif. Dans ce contexte, les différences physiques entre les deux essais ne peuvent expliquer l’effet obtenu.

Une autre hypothèse, formulée par Neill et Valdes (1992), a été émise pour rendre compte de l’effet d’amorçage négatif. Selon eux, le ralentissement de la réponse aux essais de la condition inhibition est attribuable à un conflit entre le traitement cognitif

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d’un essai donné et la récupération mnésique de l'analyse de l’essai précédent. Le traitement d’un essai agirait à titre d'indice de récupération, en ce qu'il provoquerait le recouvrement automatique en mémoire de l’analyse effectuée à l’essai précédent. Ainsi, la production de la réponse sera ralentie dans la mesure où un conflit survient entre la catégorisation d’une information à un essai donné et sa catégorisation antérieure. Cette hypothèse ne peut cependant pas expliquer les résultats obtenus par Neill et Westberry (1987). Ceux-ci ont manipulé la consigne dans le cadre d’une étude visant à étudier l’effet d’amorçage négatif sur la dénomination de couleurs. Ils rapportent que lorsqu’ils encouragent les participants à faire vite plutôt qu’éviter à tout prix les erreurs, ils obtiennent un effet de facilitation à la condition inhibition. La position de Broadbent (1958) quant aux mécanismes du processus de sélectivité attentionnelle se défend dans cette situation. En effet, la diminution du temps de réaction dans ce contexte peut être attribuée à une activation de la représentation mentale du distracteur qui, par la suite, se dissipera passivement. Du reste, ces résultats confrontent l’hypothèse de récupération épisodique (e.g. Fox 1995). En effet, cette hypothèse ne permet pas d'expliquer comment des résultats peuvent différer en fonction de la consigne donnée aux participants.

Fox (1995) mentionne, au terme d’une étude détaillée du phénomène d’amorçage négatif, que les hypothèses d’inhibition sélective attentionnelle et de récupération épisodique partagent au moins une caractéristique, soit que le facteur critique à l'amorçage négatif réside en !'attribution antérieure du rôle de distracteur à un stimulus donné. De plus, elle avance la possibilité que l'inhibition sélective et la récupération épisodique contribuent tous deux au phénomène de l'amorçage négatif. Il est aussi possible que les deux processus coexistent et entrent en jeu ou non en fonction de variables encore non-identiflées à ce jour. Enfin, rien n'empêche de croire que le conflit généré par la comparaison des analyses faites sur deux stimuli consécutifs (l'une attribuant la valeur de cible à un stimulus et l'autre lui assignant le rôle de distracteur) et la participation des mécanismes d'inhibition sélective du distracteur interagissent pour déterminer l'effet d'amorçage négatif. Ainsi, étant donné !'inconsistance dans les données actuellement disponibles, il serait audacieux de se positionner quant à l'authenticité de l'hypothèse de récupération épisodique.

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Qu’est-ce qui est inhibé?

Les résultats aux travaux portant sur les mécanismes d’inhibition attentionnelle ont rapidement soulevé une question de première importance. En effet, plusieurs chercheurs se sont interrogés quant au niveau auquel agissent les mécanismes inhibiteurs dans l’ensemble des opérations cognitives impliquées dans une tâche d’attention sélective. Plusieurs propositions furent émises. L’hypothèse selon laquelle les mécanismes inhibiteurs agiraient au niveau des caractéristiques physiques des stimuli a été indirectement infirmée sur la base des résultats obtenus par Tipper et Driver (1988) ainsi que Neill et Westberry (1987). Les premiers rapportent que l’inhibition, appliquée à une figure qui occupe le rôle du distracteur, provoque un ralentissement de la réponse à un essai subséquent où la cible correspond au mot désignant cette figure. Neill et Westberry, quant à eux, ont observé un effet d’amorçage négatif lorsque le distracteur est un mot, alors que la cible est la couleur employée pour présenter ce mot. Si les mécanismes d’inhibition sélective agissaient sur les caractéristiques des stimuli, le phénomène de l’amorçage négatif (ou l'effet de suppression du distracteur) n’aurait pu être reproduit dans ces circonstances.

Les résultats obtenus par Driver et Baylis (1993) portent aussi à croire que les caractéristiques physiques du stimulus ne peuvent expliquer à elles seules l’effet d’amorçage négatif. Ils ont observé que le temps de réponse à un chiffre présenté visuellement est ralenti lorsqu’il a dû être ignoré lors d’une présentation auditive antérieure. Ainsi, il semble que les informations non pertinentes à une tâche soient inhibées seulement une fois qu’elles ont atteint un niveau de représentation interne abstrait. Neill (dans Fox, 1995) a obtenu des résultats qui viennent cependant préciser dans quelle mesure les caractéristiques physiques peuvent jouer un rôle dans le phénomène d’amorçage négatif. Il a utilisé une tâche où la consigne est de vérifier si la deuxième et la quatrième lettre d’une suite de cinq lettres sont semblables ou différentes (tâche de type semblable-différent). Supposons que l'amorce est constituée des objets "A-C-A-C-A" puis que le test présente les stimuli "B-A-B-A-B", la latence de réponse sera ralentie du fait que la cible du test (les "A") correspond au distracteur de l'amorce (également les "A"). Lorsque le mode de présentation des lettres (majuscules vs

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minuscules) varie d’un essai à l’autre (e.g., l'amorce "A-C-A-C-A" suivie du test "d-a-d- a-d"), l’effet d’amorçage négatif n’est pas reproduit. D’après Fox (1995), ces résultats peuvent s’expliquer en fonction des exigences de la tâche. De fait, la nature de la tâche n’exige pas d’identifier les deuxième et quatrième lettres; seule la vérification de la correspondance des caractéristiques physiques est nécessaire. Ainsi, c’est l’apparence physique de la lettre, plutôt que son identité, qui devient !’information sujette à l’action des mécanismes inhibiteurs.

Tipper et Cranston (1985), au terme de plusieurs expérimentations portant sur l’effet d’amorçage négatif, ont élaboré un modèle proposant que ce soit la traduction entre la représentation perceptuelle et la réponse qui soit inhibée. En d’autres mots, l’inhibition agirait au niveau du lien entre la perception et le mécanisme de réponse. Quelques années plus tard, Tipper, McQueen et Brehaut (1988) ont directement vérifié si l’inhibition est associée à la modalité de réponse ou si elle agit à un niveau plus central. Pour ce faire, ils ont fait varier la modalité de réponse d’un essai à l’autre. Les résultats qu’ils ont obtenus appuient la seconde proposition.

Neill, Lissner et Beck (1990) ont testé, quant à eux, si les mécanismes d’inhibition agissent au niveau de la réponse elle-même (1’ "identité" de la réponse, en quelque sorte), plutôt qu’au niveau de l’identité du distracteur. Pour ce faire, ils ont employé une tâche de type semblable-différent. Leurs résultats démontrent que l’effet d’amorçage négatif est indépendant de l’identité de la réponse; ils en concluent que les mécanismes d’inhibition agissent vraisemblablement au niveau de !’information devant être ignorée. Tipper, Weaver, Cameron, Brehaut et Bastedo (1991) sont aussi d'avis que l'inhibition est localisée quelque part entre l'analyse visuelle primaire de !'information et l'exécution de la réponse.

À ce propos, Moore (1994) suggère, sur la base d'une série d'expérimentations qu'elle a menées, que l'inhibition sélective agit au niveau d'une opération encore mal connue aujourd'hui, incluse dans le processus de sélection attentionnelle. Elle a observé que l'effet d'amorçage négatif ne se produit pas s'il est possible de prédire, sur la base des informations contextuelles (dans ce cas-ci, le bloc auquel appartient un essai), qu'un essai

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donné ne présentera pas de conflit. L'effet d'amorçage négatif ne së .présente pas également lorsqu'un essai donné est aisé à distinguer des essais comprenant des informations conflictuelles (en ce cas-ci, en raison de l'absence manifeste de distracteur). L'hypothèse formulée par Moore avance que l'opération en question participerait seulement dans certaines circonstances au processus de sélection attentionnelle. Les mécanismes inhibiteurs agissant spécifiquement sur cette opération, l'absence d'amorçage négatif ne serait donc plus un argument indéfectible en défaveur de l'hypothèse d'inhibition sélective. Cette proposition suggère du même coup une explication à certains résultats négatifs rapportés dans la littérature portant sur l'étude de l'effet d'amorçage négatif. Du reste, il demeure possible d'expliquer les résultats obtenus par Moore sans introduire une étape supplémentaire dans le traitement attentionnel de !'information. De fait, l'évaluation des circonstances et !'établissement d'une stratégie conséquente, nécessitée par l'incertitude générée via une situation, peut être l'élément déterminant faisant en sorte que les mécanismes inhibiteurs entreront enjeu ou pas.

Enfin, Milliken, Tipper et Weaver (1994), sur la base des travaux qu’ils ont menés à l’aide du paradigme d’amorçage négatif, suggèrent que les mécanismes d’inhibition agissent au niveau des propriétés de !’information qui sont décisives en regard des demandes de la tâche. Cette proposition soulève la question de la nature profonde de l’inhibition; s’agit-il d’une fonction unique et flexible, dont le mécanisme d’action s’adapte au niveau du type d’information à inhiber, ou bien les mécanismes inhibiteurs sont multiples, différant en fonction du type de matériel devant être ignoré?

Doit-on parler de l’inhibition ou des inhibitions?

Tipper, Weaver, Cameron, Brehaut et Bastedo (1991) ont présenté la possibilité que le phénomène d’amorçage négatif soit le reflet d’un système central d’inhibition. Pour tester cette hypothèse, ils ont étudié l'effet d'un événement intercalé entre l'amorce et le test sur le phénomène d'amorçage négatif de localisation. La tâche qu'ils ont utilisée consiste à localiser un stimulus, en l'occurrence le symbole "O", tout en ignorant l'objet "+", soit le distracteur. Les réponses sont données à l'aide de touches au clavier dont !'emplacement correspond aux localisations potentielles des stimuli. L'événement

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intercalé consiste en la présentation d'un stimulus, le symbole "E" ou le symbole "7". La consigne est d'appuyer sur une touche du clavier lorsque le "E" apparaît, et d'éviter de répondre lorsque le "7" est présenté. Leurs résultats démontrent qu'avoir à inhiber la réponse à un événement intervenant entre l'amorce et le test augmente le délai de réponse au test. Mais surtout, l'inhibition de la réponse à l'événement intercalé n'affecte pas l'effet d'amorçage négatif. Dit autrement, l'inhibition impliquée dans l'évitement de la réponse et celle associée au distracteur de l'amorce pourraient ne pas provenir de la même source. Les auteurs soulèvent donc la possibilité de différents types d'inhibition, tout en soulignant qu'ils peuvent être l'expression d'un système unique dont les capacités n'auront pas été outrepassées dans le cadre de leur recherche. Enfin, ils soulignent que, ne serait- ce que sur le plan théorique, leurs résultats suscitent la nécessité de nouvelles recherches dans le domaine.

D'autres auteurs conceptualisent l'inhibition comme l'expression d'un mécanisme central, agissant sur un large spectre de fonctions cognitives. Hasher, Stoltzfus, Zacks et Rypma (1991) ont mené une étude à l'aide d'un protocole d'amorçage négatif de l'identité auprès d'un groupe de jeunes adultes et d'un groupe d'adultes âgés. Ils ont obtenu un effet d'amorçage négatif chez les jeunes adultes seulement. Ils expliquent l'absence d'amorçage négatif chez les adultes âgés à l'aide d'un modèle théorique élaboré par Hasher et Zacks. Ce modèle suggère, sur la base de recherches menées sur !'attention, le langage et la mémoire, que les adultes âgés présentent des défaillances quant à la fonction inhibitrice. Les informations devant être ignorées seraient chez eux plus susceptibles de compétitionner avec les informations pertinentes à la tâche. Dans le cadre de la présente étude, l'intérêt de ce modèle réside en ce qu'il prédit qu'un dysfonctionnement des mécanismes d'inhibition se manifesterait dans une grande panoplie de tâches. Les auteurs envisagent explicitement les fonctions inhibitrices comme le reflet d'un mécanisme unique, qui rendrait compte de !'interference, de l'effet de suppression du distracteur et de la persévération.

D'autre part, l'hypothèse de mécanismes inhibiteurs différents selon le type d’information à inhiber a également été soulevée. Tipper, Weaver, Kirkpatrick et Lewis (1991) rapportent l'absence d'effet d'amorçage négatif significatif dans une procédure de

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localisation dans le cas où la modalité de réponse est verbale. Un effet d'amorçage négatif significatif avait pourtant été obtenu à l'aide de la même procédure lorsque la réponse était donnée manuellement. Pour expliquer leurs résultats, ils émettent une proposition avancée par Virzi et Egeth (1985), selon laquelle le système visuospatial est séparé du système linguistique, rendant nécessaire une traduction de !'information d'un système représentationnel à l'autre. Il se pourrait alors que l'action des mécanismes d'inhibition sélective sur la dimension spatiale d'un objet ne résiste pas à cette traduction. Une explication alternative demeure possible: leurs résultats peuvent être l'expression de la coexistence de mécanismes inhibiteurs distincts, l'un agissant sur les représentations

spatiales et l'autre, sur le système linguistique.

Les résultats des recherches sur différents groupes d'âge portent à croire que les mécanismes responsables de Γinhibition spatiale se développent plus tôt chez l’être humain que ceux agissant sur la composante sémantique des stimuli. Tipper, Bourque, Anderson et Brehaut (1989) rapportent l’absence d’effet d’amorçage négatif à une tâche utilisant les stimuli Stroop chez des enfants. Pourtant, Tipper et McLaren (1990) ont trouvé que les enfants manifestent un amorçage négatif de localisation équivalent à celui observé chez les adultes. Ces données militent en faveur de l'existence de mécanismes inhibiteurs distincts, du moins sur le plan développemental, en fonction du type d'information à ignorer. Ces résultats demandaient cependant à être confirmés dans le cadre d'une étude mesurant conjointement l'effet d'amorçage négatif sur différentes dimensions; c'est ce que Connelly et Hasher (1993) ont fait.

Connelly et Hasher (1993) ont mené une étude visant à comparer le fonctionnement des mécanismes inhibiteurs auprès de jeunes adultes et d’adultes âgés. Deux tâches ont été étudiées. La première vise à évaluer l'effet d'amorçage négatif spatial. La consigne est d'indiquer la position d'une cible (le symbole "O") en ignorant tout autre objet s'il y a lieu (en ce cas le signe "+"). La réponse est produite à l'aide d'une touche au clavier correspondant à la position de la cible, ou encore oralement, en indiquant le chiffre associé à !'emplacement où s'est trouvée la cible (les chiffres demeurent alors présents à l'écran tout au long de la présentation). La seconde tâche permet de mesurer à la fois l'effet d'amorçage négatif spatial ainsi que celui induit par

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l'identité d'un stimulus. Les stimuli utilisés sont les caractères "A", "B", "C" et "D", et ils peuvent occuper l'une de quatre localisations possibles. Le critère de sélection étant la couleur, la tâche consiste à nommer la cible. Cette dernière, lors du test, peut; apparaître à l'endroit où s'est trouvé le distracteur durant l'amorce et partager son identité, apparaître où était le distracteur pendant l'amorce mais revêtir une identité différente, partager l'identité du distracteur précédent mais occuper une position différente, ou encore ne partager ni l'identité ni la localisation du distracteur de l'amorce. Les résultats obtenus révèlent que le fonctionnement des mécanismes inhibiteurs sur la composante de localisation est préservé chez les adultes âgés. Toutefois, les auteurs ont trouvé une absence d’amorçage négatif d’identité chez eux. Les résultats obtenus suggèrent également que l’effet d'amorçage négatif induit par l'inhibition des composantes d’identité et de localisation soit additif. En effet, chez les jeunes adultes, le temps de réaction est plus long lorsque l’identité et la localisation d'une cible correspondent à ceux du distracteur de l'amorce que lorsqu’une seule de ces composantes est commune aux deux stimuli. Chez les personnes âgées, l'effet d’amorçage négatif obtenu dans cette procédure est équivalent à celui observé dans un protocole mesurant strictement l'inhibtion de localisation: chez ces derniers, tout l’effet d’amorçage observé serait donc attribuable à l’inhibition de localisation. Ces résultats appuient l’hypothèse de mécanismes d’inhibition distincts pour les composantes de localisation et d’identité d’un stimulus.

Les données recueillies par Cheesman, Graf et Bourassa (1990) lorsque comparées à celles obtenues par Tipper, Weaver, Kirkpatrick et Lewis (1991), appuient aussi, de façon indirecte, l'hypothèse de mécanismes inhibiteurs indépendants. Les premiers ont trouvé que l’amorçage négatif observé au cours d'un paradigme d'inhibition de l'identité décline avec la pratique, alors que Tipper et ses collègues, dans la version spatiale de ce paradigme, ont observé que l’effet subsiste même après des sessions de pratique substantielles.

Ainsi, d'après l'état actuel des connaissances sur le sujet, il semble possible que l'inhibition de l'identité et l'inhibition de la localisation ne soient pas attribuables à un système commun. En effet, la perspective de mécanismes inhibiteurs indépendants,

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plutôt que celle d'une source unique d'inhibition, semble mieux rendre compte des résultats obtenus jusqu'à ce jour. Il n'en demeure pas moins qu'il reste de nombreux points à éclaircir avant d'adopter d'emblée l'une ou l'autre des propositions.

Les résultats obtenus aux études contrastant différents groupes d'âges fournissent des renseignements intéressants quant à la nature des mécanismes d'inhibition attentionnelle. En effet, il se pourrait que, d'un point de vue développemental, le système d'inhibition se développe de manière à ce que la fonction inhibant la localisation parvienne à maturité avant celle responsable de l'inhibition de l'identité. Cette proposition peut expliquer les résultats de Tipper, Bourque, Anderson et Brehaut (1989) et ceux obtenus par Tipper et McLaren (1990) auprès des enfants. De la même manière, l'échec à reproduire un effet d'amorçage négatif de l'identité chez les adultes âgés alors que l'inhibition de la localisation est intacte chez eux ne permet pas d'affirmer catégoriquement qu'il existe plusieurs mécanismes inhibiteurs. Il demeure possible que le système responsable de l'inhibition se détériore graduellement, l'inhibition de l'identité étant la première affectée par le vieillissement. Enfin, l'étude de l'inhibition agissant sur d'autres composantes que celle de l'identité et de la localisation pourraient être utiles à la généralisation des résultats obtenus jusqu'à ce jour.

Les réseaux attentionnels antérieur et postérieur et l'inhibition

Les études effectuées dans le domaine des neuro science s cognitives suggèrent l'existence de deux systèmes attentionnels sollicités dans l'analyse de différentes catégories d'information; il s'agit des réseaux attentionnels postérieur et antérieur. Ils se distinguent par le type de matériel dont ils effectuent le traitement et par les structures cérébrales impliquées dans leur action. La nature des relations qu'entretiennent ces deux réseaux est actuellement équivoque; l'on peut croire qu'ils opèrent de façon discrète, ou alors que les mécanismes de ces deux réseaux sont interdépendants. Fuentes, Vivas et Humphreys (1999) ont réalisé une étude visant à vérifier si les processus inhibiteurs des deux réseaux sont associés l'un à l'autre ou opèrent de manière distincte. Pour ce faire, ils ont utilisé les paradigmes d'inhibition de retour spatial et sémantique. L'effet typique d'inhibition de retour se manifeste par un temps de réaction supérieur lorsqu'un stimulus

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est présenté dans une zone préalablement explorée plutôt qu'en un endroit qui n'a pas été précédemment investigué. D'un point de vue pratique, cette fonction contribue à ce qu'un organisme explore efficacement un environnement donné en évitant de revenir vers des zones déjà parcourues. Brièvement, la tâche employée pour évaluer l'inhibition de retour consiste à orienter !'attention vers une localisation ou un espace conceptuel via un indice périphérique, !'attention est par la suite ramenée au centre de !'environnement, puis une cible est présentée, soit à !'emplacement (visuel ou conceptuel) qu'occupait l'indice précédent ou ailleurs. Le résultat attendu est une latence de réponse plus longue lorsque la cible est présentée là où se situait l'indice (ou dans le même espace conceptuel). Les auteurs ont élaboré une procédure permettant d'évaluer conjointement l'inhibition de retour sémantique et spatiale. Un essai-type se déroule ainsi: une croix de fixation apparaît, puis cède la place à une rangée de trois boîtes; un premier mot (l'indice) est présenté en périphérie (dans la boîte de droite ou de gauche); un second mot apparaît ensuite dans la boîte centrale et enfin, une chaîne de caractères (un mot ou un non-mot) est présentée, soit au même emplacement que celui de l'indice ou dans la boîte opposée - il s'agit de la cible. La tâche consiste à prendre une décision lexicale, à savoir si la chaîne de caractères constitue ou non un mot. Les conditions expérimentales suivantes sont étudiées: la chaîne de caractères est un mot et ce mot est lié sémantiquement à l'indice, la chaîne de caractères est un mot et n'est pas sémantiquement lié à l'indice, la chaîne de caractères est un non-mot formellement semblable à un mot sémantiquement relié à l'indice et la chaîne de caractères est un non-mot qui ne ressemble pas, au plan formel, à un mot pouvant être associé sémantiquement à l'indice. Enfin, la chaîne de caractères peut être présentée au même emplacement que l'indice ou non. Un effet d'inhibition de retour spatial est obtenu; les temps de réaction sont supérieurs lorsque la cible apparaît à !'emplacement où se trouvait l'indice plutôt qu'à !'emplacement opposé. Un effet d'inhibition de retour sémantique est également observé; la latence de réponse est plus longue lorsque la chaîne de caractères est reliée sémantiquement à l'indice que lorsqu'elle ne l'est pas. Mais surtout, les analyses révèlent un effet d'interaction des facteurs sémantique et spatial; un calcul d'effet simple montre que l'effet d'inhibition de retour sémantique n'est significatif que lorsque la chaîne de caractères n'apparaît pas dans l'espace où est apparue l'indice. Sur cette base, les auteurs concluent que les mécanismes inhibiteurs des réseaux attentionné!s sémantique et spatial interagissent sur le plan de

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leurs opérations. Ces résultats les amènent aussi à considérer l'analogie entre les effets d'amorçage négatif sémantique et de la localisation en tant qu'appui à l'hypothèse de mécanismes inhibiteurs interdépendants. La comparaison directe de ces deux paradigmes, dans un protocole à mesures répétées, devient ainsi pertinente.

La recherche proposée utilisera donc les paradigmes d'amorçage négatif sémantique et de la localisation. Les motifs ayant guidé ce choix sont les suivants. D'abord, d'après la littérature existante sur le sujet, il semble que ces deux paradigmes n'aient pas encore été contrastés. En effet, malgré l'abondance de la littérature sur l'inhibition cognitive, les recherches portant sur la comparaison directe des mécanismes inhibiteurs agissant sur les dimensions sémantique et spatiale d'un stimulus étaient jusqu'à tout récemment peu nombreuses. Cette étude se distingue de celle menée par Connelly et Hasher (1993) en ce qu'elle intéresse les mécanismes d'inhibition sémantique et de la localisation plutôt que ceux d'identité et de la localisation. De plus, ces paradigmes s'addressent aux réseaux attentionnels antérieur et postérieur; les résultats obtenus permettront d'envisager si les conclusions formulées par Fuentes, Vivas et Humphreys (1999) sont applicables dans un contexte où des procédures d'amorçage négatif sont utilisées.

Question de recherche

L’étude présentée a pour objectif de vérifier si les processus d’inhibition agissant sur la composante sémantique d’un stimulus et sur sa localisation procèdent ou non d’un mécanisme commun. À cette fin, la force de la relation entre les effets de suppression du distracteur à deux tâches sera calculée. Attendu que des effets de groupe statistiquement significatifs sont obtenus, ce type d'analyse permettra de voir dans le détail si les scores d'un individu contribuent de la même façon aux effets observés dans le cadre de chaque tâche. Autrement dit, il s'agit là d'un moyen d'examiner dans quelle mesure !'observation du phénomème d'amorçage négatif de localisation permet de s'attendre à obtenir un effet d'amorçage négatif sémantique pour un individu donné. Le cas échéant, on y verra un appui à l'hypothèse d'un mécanisme central d'inhibition sélective du distracteur, dans le cas où les aspects sémantique et spatial d'un objet sont considérés. Si toutefois les deux

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effets n'étaient pas reliés, la proposition de mécanismes d'inhibition distincts sera considérée. Il faut cependant demeurer prudent à cet égard, cette étude ne permettant pas d'affirmer de façon non équivoque que seuls les mécanismes d'inhibition sélective du distracteur peuvent engendrer un effet d'amorçage négatif Les résultats attendus n'ambitionnent pas de mettre un terme à la discussion concernant la source, unique ou multiple, de l'inhibition sélective attentionnelle. Cette étude vise plutôt à apporter un appui à l'une ou l'autre des propositions, en assumant que l'effet d'amorçage négatif attendu à chaque tâche est bel et bien attribuable aux mécanismes inhibiteurs.

Cette recherche permettra aussi de vérifier si les résultats aux études confrontant l'inhibition de l'identité à l'inhibition de la localisation sont comparables à ceux observés lorsque l'inhibition sémantique est contrastée à l'inhibition de localisation. De plus, elle veut vérifier si les conclusions formulées sur la base des résultats obtenus à l'aide du paradigme d'inhibition de retour trouveront un appui dans l'étude de l'effet de suppression du distracteur. L'étude emploie un protocole à mesures répétées et s'addresse uniquement à un échantillon de jeunes adultes; ainsi, les résultats obtenus ne pourront être attribués à des variables développementales ou associées au vieillissement.

Les paradigmes d'amorçage négatif sémantique et de localisation seront utilisés. Les temps de réaction moyens aux conditions neutre et inhibition seront comparés; un temps de réaction moyen significativement plus élevé à la condition inhibition par rapport à la condition neutre sera ici considéré comme la manifestation de l'action des mécanismes inhibiteurs.

Paradigme d'amorçage négatif sémantique

Le paradigme qui sera employé est bâti à l'aide des stimuli de Stroop (1935). Ces stimuli furent élaborés dans le but de mesurer l'effet d'interférence par le biais de temps de réaction verbaux. Dans un premier temps, la tâche consiste à lire une liste de mots désignant des couleurs. Par la suite, il faut nommer successivement les couleurs de séries de symboles colorés. Enfin, le dernier volet de la tâche consiste à nommer les couleurs (information chromatique) avec lesquelles une liste de mots sont écrits (information

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sémantique), ces mots désignant une couleur divergente. Cette épreuve révèle un effet d'interférence, en ce qu'il est plus long de nommer les couleurs au troisième volet de la tâche qu'au second. Dalrymple-Alford et Budayr (1966) furent les premiers à observer l'effet de suppression du distracteur à l'aide des stimuli de la troisième liste. Ils se sont aperçus que le ralentissement de la réponse à un essai est spécialement important lorsque la couleur à nommer correspond au mot qui le précède immédiatement dans la série d'essais. Neill (1977) a reproduit ces résultats au cours d'une présentation d'essais discrets. Par la suite, de nombreux chercheurs ont employé ce paradigme pour étudier le phénomène de l'amorçage négatif sur la dimension sémantique d'un stimulus (e.g. Lowe, 1979; Neill et Westberry, 1987; Tipper, Bourque, Anderson et Brehaut, 1989; Little et Hartley, 2000). Cette procédure a été retenue parce qu'étant donné que la cible et le distracteur sont intégrés en un seul objet, la possibilité que des variables spatiales entrent enjeu est réduite.

Dans le cadre de cette étude, les stimuli sont présentés en essais discrets. Traditionnellement, les stimuli utilisés sont formés des mots et couleurs rouge, vert, bleu et jaune. Pour des raisons de contraste à l'écran, le jaune a été remplacé par le noir. Le noir a été retenu en raison de sa fréquence d'utilisation, et parce qu'il s'agit d'un terme monosyllabique, tout comme les autres stimuli. Enfin, Tipper, Bourque, Anderson et Brehaut (1989) ont aussi utilisé ce stimulus dans le cadre d'une procédure semblable. Les réponses seront données dans la modalité verbale, toujours dans le but d'éviter !'implication de facteurs spatiaux. Les latences de réponse sont compilées à l'aide du logiciel Superlab (version 1.5.9), alors que les réponses elles-mêmes sont enregistrées par écrit en temps réel, afin de pouvoir calculer subséquemment les taux d'erreurs de chaque participant.

Paradigme d'amorçage négatif de la localisation

Tipper s'est grandement intéressé à l'effet d'amorçage négatif. Il s'est notamment penché sur la validité écologique des différents paradigmes expérimentaux destinés à l'étude de ce phénomène. Il avance que, parmi les interactions avec !'environnement sollicitant la sélectivité de !'attention, la plupart exige de sélectionner un objet sur la base

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de son identité et d'exécuter une réponse en fonction de son emplacement. En revanche, les paradigmes d'amorçage négatif existants exigeaient de sélectionner sur la base de la couleur ou de la localisation et de répondre d'après l'identité. C'est pour remédier à cette situation que Tipper, Brehaut et Driver (1990) ont élaboré le paradigme d'amorçage négatif de la localisation. Cette procédure implique la présentation simultanée de deux symboles distincts, l'un étant la cible (le symbole et l'autre le distracteur (le symbole "+"). La tâche consiste à indiquer la position qu'occupe la cible. Il y a quatre positions possibles. La réponse est donnée manuellement sur l'une des quatre touches situées à des positions correspondantes sur un clavier d'ordinateur (les touches "D", "K", "C" et "M"). Lorsque la cible et le distracteur d'un test occupent des positions différentes de ceux de l'amorce, cet essai est associé à la condition neutre. Les tests de la condition inhibition s'en distinguent en ce que leur cible est située à !'emplacement qu'occupait le distracteur de l'amorce. Lorsque les temps de réaction moyens à chacune des conditions sont comparés, on observe un ralentissement à la condition inhibition, soit un effet d'amorçage négatif. La particularité de cette tâche réside en ce que seul le temps de réaction d'un essai sur deux est compilé. En effet, un essai dont le temps de réponse est compilé (le test) est précédé d'une amorce, soit une présentation destinée à déterminer si l'essai est associé à la condition neutre ou la condition inhibition. Ces deux événements contituent un couple d'essais. Enfin, il faut mentionner que l'identité de la cible a été ultérieurement substituée par un "O", les participants le trouvant plus facile à distinguer du "+" que le (Tipper, Weaver, Kirkpatrick et Lewis, 1991).

Méthode

Le devis expérimental utilisé en est un à mesures complètement répétées; tous les participants exécutent les deux tâches et sont soumis à chacune des conditions expérimentales.

Participants

Les participants sont recrutés sur le campus de !’Université Laval. Le recrutement est effectué par affiches et par annonces aux classes. Les participants doivent répondre

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aux critères suivants : avoir le français pour langue maternelle, et avoir une vision correcte ou corrigée. Suite à leur déclaration, les participants portant l’un des diagnostics suivants ne sont pas retenus : daltonisme, trouble neurologique, dépression, schizophrénie, trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité. Sur cette base, les données de 31 participants (6 hommes) sur une possibilité de 35 sont retenues. Les participants sont âgés d’en moyenne 21,68 ans (é.-1=2,65 ans). Dix participants se déclarent gauchers (32,26%). Aucun dédommagement financier n’est versé aux participants.

Matériel

Les Stimuli sont, pour les paradigmes d'amorçage négatif sémantique et de localisation respectivement, les mots "bleu", "noir", "rouge" et "vert", puis les symboles "O" et "+". Ils ont été réalisés à partir de la version 1.1 du logiciel MacDraw. Les caractères apparaissent dans la police New York et font 36 points par pouce. Les objets et caractères apparaissent toujours sur un fond d’écran blanc. Les procédures ont été réalisées à l’aide de la version 1.5.9 du logiciel Superlab, sur un micro-ordinateur Macintosh (série LC475). Les procédures sont diffusées sur un moniteur Macintosh de 14 pouces, situé approximativement à 60 cm des participants. Les temps de réaction sont immédiatement enregistrés dans un fichier de type Microsoft Excel. Les réponses manuelles sont données sur un clavier Apple Extended Keyboard Π. Les touches "D", "K", "C" et "M" sont identifiées par des autocollants bleus. Les réponses verbales sont recueillies à l’aide d’un microphone reposant sous l’écran, dont le seuil de sensibilité est réglé à 30 décibels. Les données sont analysées à l’aide du logiciel StatView.

Procédure

Déroulement de la séance d’expérimentation

Les participants sont rencontrés individuellement. Ils sont informés de la durée de la séance et des buts de la recherche. Ils sont invités à lire le formulaire de consentement (voir Annexe A). Lorsqu’ils l’ont signé, ils prennent place devant l’écran et des instructions, standardisées leur sont données verbalement (voir Annexe B). L’ordre

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d’administration est contrebalancé, de sorte que 15 participants débutent par la tâche d’inhibition de localisation et 16 participants exécutent d’abord la tâche d’inhibition sémantique. Pour chaque procédure, 10 essais (ou couples d'essais) de pratique sont présentés, pour permettre aux participants de se familiariser avec la tâche. Les données relatives à ces essais ne sont pas compilées. Les participants peuvent ensuite demander des précisions s’ils en ressentent le besoin. Ils exécutent ensuite les tâches, comprenant chacune deux blocs de 60 essais séparés d’une pause. La durée de la pause est déterminée par le participant. Aucun des participants n’a pris une pause de plus de 120 s. Lorsque les deux tâches sont complétées, une période de temps est prévue pour discuter des hypothèses de la recherche et répondre aux questions des participants. La rencontre dure au total de 30 à 35 minutes.

Tâche d'inhibition sémantique

Cent-vingt essais sont divisés en deux blocs. Chaque bloc comprend quarante- cinq essais de la condition neutre et quinze essais de la condition inhibition. Un essai de la condition neutre n'entretient aucune relation avec l'essai précédent (exemple: le mot "rouge" écrit en vert précédé du mot "bleu" écrit en noir). Un essai de la condition inhibition a pour cible le distracteur de l'essai immédiatement précédent (exemple: le mot "bleu" écrit en vert précédé du mot "vert" écrit en rouge). La séquence d'essais est organisée de telle sorte que ni les cibles, ni les distracteurs ne sont répétés dans deux essais consécutifs. Voici le déroulement d'un essai-type.

La présentation débute avec le message "Êtes-vous prêt?", qui demeure à l'écran jusqu'à ce que le participant réponde "oui". Une croix apparaît alors au centre de l'écran, pour une durée de 300 ms. Après un intervalle de 200 ms, un stimulus est présenté. Il demeure à l'écran jusqu'à ce que le participant donne une réponse. De nouveau, une croix de fixation est présentée pour 300 ms, suivie d'un écran vierge durant 200 ms, puis le stimulus suivant apparaît. La présentation se poursuit jusqu'à la complétion d'un bloc. Une pause est alors offerte au participant. H complète ensuite le second bloc, qui prend la même forme que le premier.

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Tâche d'inhibition de la localisation

La tâche est constituée de deux blocs de soixante couples d'essais. Un couple d'essais est formé d'une amorce et d'un test. Les deux événements sont similaires. La relation qu'entretient l'amorce avec le test détermine la condition à laquelle appartient le couple d'essais: si la position du distracteur lors de l'amorce correspond à celle qu'occupera la cible lors du test, ce couple d'essais fait partie de la condition inhibition. Si au contraire le distracteur de l'amorce apparaît à une localisation différente de celle de la cible lors du test, ce couple d'essais appartient à la condition neutre. Seuls les temps de réaction aux tests sont compilés. Parmi ces cent-vingt couples d'essais, quatre-vingt-dix sont associés à la condition neutre. Dans cette condition, les localisations de la cible et du distracteur sont, pour un couple d'essais donné, indépendantes. Les trente autres couples d'essais sont associés à la condition inhibition; pour un couple d'essais donné, la position qu'occupe la cible au test correspond à celle du distracteur de l'amorce.

La figure 1 présente un exemple d'un couple d'essais de chaque condition. Les couples d'essais de chaque condition sont répartis également dans chaque bloc. Voici le déroulement d'un couple d'essais-type.

Le message "Êtes-vous prêt?" est présenté à l’écran. Il y demeure jusqu’à ce que le participant appuie sur la barre d’espacement. Dès lors, une matrice et un point de fixation apparaissent pour une durée de 1500 ms. La matrice est composée de quatre traits noirs indiquant les emplacements que peuvent occuper les stimuli. Deux stimuli ("O" et "+") sont présentés pour une durée de 150 ms. La matrice demeure à l’écran jusqu’à ce que le participant donne une réponse. A ce moment, il voit de nouveau le point de fixation et la matrice durant 350 ms. De nouveau, un cercle et une croix apparaissent pour une durée de 150 ms. La matrice demeure toujours à l’écran jusqu’à ce qu’une réponse soit donnée. Lorsqu’un participant commet une erreur, le message "Erreur!" est présenté à l’écran pour une durée de 1000 ms, puis la procédure poursuit son cours.

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Figure 1.

Exemples de stimuli utilisés dans chacune des conditions du paradigme d'amorçage négatif de la localisation. Condition neutre Amorce Essai Condition inhibition Amorce Essai Résultats

Le tableau 1 présente les temps de réaction moyens obtenus dans les deux conditions de chaque paradigme. Les temps de réaction aux essais où une erreur est commise sont exclus des analyses. Le taux d’erreurs moyen à la tâche d’inhibition sémantique est de 3,84% (é.-t.=2,36%), et celui à la tâche d’inhibition de la localisation est de 3,36% (é.-t.=2,46%). Ils sont statistiquement équivalents (t=0,33, p>0,05). Aucun des participants n’a eu un taux d’erreurs supérieur à 9,17% dans chacune des tâches.

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Tableau 1.

Temps de réaction moyens et écarts-type moyens (entre parenthèses) en millisecondes pour chaque condition des paradigmes expérimentaux.

Condition neutre Condition inhibition

Paradigme sémantique 715,54 (±94,14) 752,18 (±118,08)

Paradigme de localisation 214,22 (±55,88) 233,59 (±60,88)

Les temps de réaction moyens pour les conditions neutre et inhibition de chaque paradigme sont comparés à l'aide d'un test de Student bilatéral pour échantillons dépendants. On retrouve une différence significative entre la condition neutre et la condition inhibition du paradigme d'inhibition sémantique (t=4,71, p<0,0001). Les participants ont pris plus de temps à nommer une cible qui correspondait au distracteur de l'essai précédent que lorsqu'elle n'était pas présente à l'essai antérieur. Le phénomène d'amorçage négatif sémantique est donc reproduit.

À la tâche d'inhibition de la localisation, on retrouve également un effet d'amorçage négatif (t=6,07, p<0,0001); le temps de réaction moyen est significativement plus élevé lorsque la position de la cible d’un test correspond à celle du distracteur de l'amorce (condition inhibition) que lorsque ces localisations sont distinctes (condition neutre).

Ces résultats révèlent la présence d'effets de groupe significatifs relativement à la variable condition pour chacun des paradigmes. Cependant, ils ne permettent pas de savoir si la magnitude de l'effet d'amorçage négatif à une tâche est associée à celle d'une autre tâche. À cet effet, un coefficient de corrélation de Pearson a été calculé sur les scores différentiels de chaque paradigme. Ces scores sont obtenus en soustrayant le temps de réaction moyen à la condition neutre du temps de réaction moyen à la condition inhibition pour chaque participant. Ils sont envisagés comme l'expression de l'amplitude de l'effet d'inhibition du distracteur. Le tableau 2 présente l'indice de relation entre ces

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deux variables, ainsi que d'autres coefficients de corrélation qui ont été calculés. Leur niveau de signifiance est déterminé à l'aide d'un test de Student bilatéral pour échantillons dépendants. Les coefficients de corrélation qui suivent seront envisagés succintement en raison de leur caractère subsidiaire à l'égard de cette étude.

La significativité des coefficients de corrélation unissant les conditions neutre et inhibition des paradigmes sémantique et de localisation, respectivement de 0,94 et de 0,96, permettent de supposer que plusieurs étapes sont communes au traitement des deux types d'essais. De fait, 88% de la variance des temps de réaction moyens de la condition inhibition est partagée avec la variance des temps de réaction moyens de la condition neutre. Ce taux s'élève à 92% pour le paradigme de localisation.

Les liens unissant les scores différentiels et les temps de réaction moyens à la condition inhibition sont réflétés par des corrélations significatives de 0,68 pour le paradigme sémantique puis de 0,42 pour le paradigme de localisation. Ainsi 46% de la variance des scores différentiels est partagée avec la variance des temps de réaction moyens à la condition inhibition du paradigme sémantique. Ce taux est de 18% pour le paradigme de localisation.

Un coefficient de corrélation significatif entre les scores différentiels et ceux de la condition neutre est obtenu pour le paradigme sémantique seulement. Cette relation se traduit par un partage de 15% des variances des scores différentiels et des temps de réaction moyens de la condition neutre. Il est possible que la non-significativité de l'indice de corrélation entre ces données pour le paradigme de localisation soit attribuable à une moins grande variabilité dans les temps de réaction moyens.

Enfin, le coefficient de corrélation illustrant le lien entre les deux conditions neutre et celui exprimant la relation entre les deux condition inhibition sont également significatifs (0,40 et 0,37). Le taux de variance partagée s'élève à 16% pour les temps de réaction moyens des conditions neutre et à 14% pour les temps de réaction moyens aux conditions inhibition.

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Le coefficient de corrélation qui présente un intérêt particulier dans le cadre de cette étude est celui qui quantifie le lien possible entre les scores différentiels de chaque paradigme. Cet indice de relation n'atteint pas le seuil de significativité (1=0,10, p>0,05). La figure 2 illustre ces scores.

Tableau 2,

Coefficients de corrélation de Pearson entre les temps de réaction moyens aux deux conditions et les scores différentiels pour chaque paradigme.

Paradigme Paradigme de Différence entre les

sémantique localisation conditions

Neutre Inhibition Neutre Inhibition Sémantique Localisation Paradigme Sémantique Neutre 0,94*** 0,40* 0,39* Inhibition - - 0,37* 0,68*** -Paradigme de localisation Neutre 0,96*** 0,14 Inhibition - - - - 0,42** Différence entre les conditions Sémantique 0,10 Localisation - - - - -*g<0,05 **p<0,02 ***p<0,001

Les coefficients de corrélation entre les conditions neutre et inhibition de chaque tâche ont été comparés à l'aide du test de comparaison de coefficients de corrélation dépendants. Le résultat n'est pas significatif (t=0,33, p>0,05). Dès lors, il semble raisonnable de penser que les temps de réaction moyens aux conditions neutre sont reliés de façon équivalente aux temps de réaction moyens des conditions inhibition dans les deux tâches. Cela revient à dire que, statistiquement, les éléments partagés qui contribuent aux temps de réaction moyens des conditions neutre et inhibition n'ont pas un

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impact différent selon que l'on considère le paradigme sémantique ou celui de localisation.

En outre, un test d'indépendance basé sur le coefficient de corrélation échantillonnai de Pearson a été calculé sur les scores différentiels de chaque tâche. Le résultat obtenu conduit à accepter l'hypothèse nulle, soit que les scores différentiels de chaque paradigme sont des variables indépendantes (t=0,55, p>0,05). Ce résultat conduit à supposer qu'il se peut que les étapes de traitement conduisant à une latence de réponse supérieure dans les conditions inhibition soient différentes d'un paradigme à l'autre.

Figure 2.

Scores différentiels entre les conditions neutre et inhibition des paradigmes d'amorçage négatif sémantique et de la localisation.

Différence paradigme d'amorçage négatif sémantique

Discussion

Le but de cette étude est de vérifier si l'inhibition des dimensions sémantique ou spatiale d'un objet est le produit d'un système central ou de processus distincts. Afin de

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mesurer l'effet des mécanismes inhibiteurs, les paradigmes d'amorçage négatif sémantique et de la localisation ont été utilisés. Des différences significatives ont été obtenues entre les conditions neutre et inhibition dans le cadre des deux tâches. Ces effets de groupe sont généralement interprétés en tant que manifestation de l'action des mécanismes inhibiteurs.

Afin d'évaluer s'il existe une relation entre les mesures d'inhibition recueillies à l'aide de chaque paradigme, des scores différentiels entre les temps de réaction moyens à la condition neutre et à la condition inhibition ont d'abord été calculés pour chaque participant. La relation entre les scores différentiels des paradigmes d'amorçage négatif sémantique et de localisation n'est pas significative. De surcroît, ces données ont été soumises à un test d'indépendance basé sur le coefficient de corrélation échantillonnai de Pearson; la statistique obtenue vient supporter le résultat précédent, soit que les scores différentiels de chaque paradigme sont des variables indépendantes.

Les coefficients de corrélation entre les scores moyens aux conditions neutre et inhibition de chaque paradigme ont été comparés. Le résultat obtenu indique qu'il n'y a pas lieu de croire que les liens unissant les deux conditions soient différents d'un paradigme à l'autre. Ainsi, la non-significativité de la relation entre les mesures d'inhibition sémantique et de la localisation ne semble pas pouvoir s'expliquer par une association dissemblable entre les conditions lorsque l'on contraste les deux paradigmes.

Il devient alors intéressant de reconsidérer les degrés d'association obtenus entre les différentes conditions de chaque paradigme. La variance partagée entre les conditions neutre de chaque paradigme est modeste mais présente. L'on peut donc croire qu'une partie des étapes est commune au traitement des essais de chaque condition neutre. Lorsque l'on observe le taux de variance partagée entre les conditions inhibition de chaque paradigme, on peut penser qu'il existe encore des éléments communs dans le traitement de ces essais. Enfin, la non-significativité de la relation entre les scores différentiels de chaque paradigme suggère qu'il y a peu ou pas d'éléments communs entre les étapes de traitement spécifiques à une situation où l'inhibition est appliquée, selon qu'elle agit sur une information de nature sémantique ou spatiale. En effet, si l'on

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soustrait les temps de réaction moyens à la condition neutre de ceux de la condition inhibition, il apparaît plausible de penser que l'on accède à une portion spécifique du traitement liée au fait que l'inhibition est sollicitée. L'absence de corrélation entre ces scores, de même que le résultat négatif obtenu au test d'indépendance des variables laisse envisager la possibilité de la coexistence de mécanismes d'inhibition distincts selon qu'ils agissent sur l'aspect sémantique ou spatial d'un objet.

Ainsi, dans la mesure où l'on assume que les différences entre les scores aux conditions neutre et inhibition de chaque paradigme sont le reflet de l'action des processus inhibiteurs, les résultats obtenus dans le cadre de cette étude soulèvent un doute quant à la conceptualisation de l'inhibition en tant que produit d'un système unique.

Les implications de ces résultats quant à la proposition d'interdépendance entre les inhibitions propres aux réseaux attentionnels antérieur et postérieur (Fuentes, Vivas et Humphreys, 1999) demeurent mitigées. En effet, le protocole utilisé dans le cadre de cette étude ne permet pas de trancher quant à !'interdépendance des mécanismes d'inhibition sélective sémantique et spatiale. Au demeurant, on peut affirmer que les résultats n'ont pas permis de mettre en évidence un lien direct entre ces deux types d'inhibition; ils n'infirment cependant pas la possibilité que ces mécanismes interagissent dans un contexte où ils seraient sollicités simultanément.

Il importe de mentionner que l'apport de cette étude est limité par les caractéristiques de l'indice statistique utilisé; un indice de relation ne permet pas, par exemple, de trancher quant à !'implication des mécanismes inhibiteurs dans l'exécution des deux tâches respectivement. Compte tenu du résultat obtenu, soit un indice de relation non significatif entre les effets d'amorçage négatif sémantique et de localisation, il deviendra intéressant de reconsidérer !'implication potentielle d'un autre mécanisme que l'inhibition dans le phénomène de suppression du distracteur.

Il ressort néanmoins que les résultats appuient la proposition de mécanismes d'inhibition multiples, ou à tout le moins distincts selon qu'ils agissent sur la dimension spatiale ou sémantique d'un stimulus. Les données recueillies permettent d'imaginer un

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système cognitif pourvu de mécanismes inhibiteurs spécialisés au type d'infomation à inhiber. La recherche menée Connelly et Hasher (1993), bien que basée sur une méthodologie différente et étudiant d'autres types d'inhibition a généré des résultats intéressants en ce sens. Elles ont observé un profil de résultats suggérant la fragilisation des mécanismes d'inhibition de l'identité chez les personnes âgées alors que l'efficacité des mécanismes agissant sur la composante de localisation demeurait probante. Ces données les ont conduites à adopter l'hypothèse qu'il existe de multiples systèmes inhibiteurs et que l'efficience de ces systèmes ne diminue pas de façon équivalente avec l'âge. Leurs résultats, grâce à une procédure permettant l'étude simultanée de l'effet d'amorçage négatif d'identité et de localisation, ont également démontré l'additivité des effets d'amorçage négatif induits par ces deux composantes chez les jeunes adultes; cette observation permet de supposer la contribution individuelle de mécanismes d'inhibition distincts à l'intérieur d'une même tâche. Il serait intéressant, pour de futures recherches, d'étudier les contributions propres des mécanismes d'inhibition sémantique et spatiale à l'intérieur d'une tâche unique, afin de vérifier si une phénomène d'additivité sera observé.

Enfin, les résultats présentés dans le cadre de cette recherche n'ont aucune prétention confirmatoire; d'autres études s'avèrent nécessaires avant d'adopter d'emblée l'une ou l'autre des propositions émises quant à l'unicité des mécanismes d'inhibition. Ces études prennent de l'importance lorsque l'on considère le rôle capital que joue l'inhibition dans l'adoption d'un agir adapté.

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Références

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