• Aucun résultat trouvé

Une critique de l’analyse de G. E. Moore connue sous le nom de « critique du sophisme naturaliste »

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Une critique de l’analyse de G. E. Moore connue sous le nom de « critique du sophisme naturaliste »"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02491738

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02491738

Submitted on 26 Feb 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Une critique de l’analyse de G. E. Moore connue sous le

nom de “ critique du sophisme naturaliste ”

René Daval

To cite this version:

René Daval. Une critique de l’analyse de G. E. Moore connue sous le nom de “ critique du sophisme naturaliste ”. Res per nomen, CIRLEP, Centre interdisciplinaire de recherches sur les langues et la pensée, Université de Reims Champagne-Ardenne, May 2017, Reims, France. pp.447-454. �hal-02491738�

(2)

connue sous le nom de

« critique du sophisme naturaliste »

René Daval Université de Reims Champagne-Ardenne, EA 4299 CIRLEP

rene.daval@sfr.fr

Pour le philosophe anglais G. E. Moore, toute réflexion éthique doit débuter par un effort pour délimiter le champ des jugements éthiques : qu’est-ce qui est commun à tous les jugements, éthiques et spécifiques, d’eux seuls ? Ils portent tous sur la conduite humaine et se demandent ce qu’il est juste de faire et de quoi nous devons nous abstenir. Ce que nous appelons un homme bon est quelqu’un qui agit justement et bien. Les vertus sont des actions bonnes et les vices des actions coupables. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’éthique se limite à la réflexion sur la conduite. Il faut, au contraire, la caracté-riser comme « l’enquête générale sur la question du bien », comme le dit Moore (1998 : 94). Il faut s’interroger sur ce qu’est le bien. La bonne conduite est une notion complexe et beaucoup de choses autres que la conduite peuvent être bonnes. « Bon » dénote donc une propriété commune à beaucoup de choses. Il faut considérer ce qu’est le bien en général. Le projet de Moore est particulièrement ambi-tieux : il s’agit de s’interroger sur les fondements de l’éthique et de produire une théorie de la valeur. La bonté est la valeur fondamentale. Comment répondre à la question « qu’est-ce que le bien ? » Com-ment peut-on définir le prédicat « bon » ? Il s’agit du seul objet de pensée abstrait simple, avec son contraire « mauvais », qui soit propre à l’éthique. L’objet de l’éthique comme science est de donner des rai-sons valides pour penser que tel ou tel objet est bon, et tant que l’on ne sait comment définir le bon, on ne saurait atteindre ces raisons. Or, affirme G. E. Moore, il est impossible de définir le bon : le bon, c’est le bon, et l’on ne saurait rien dire de plus. Les propositions au

(3)

René Daval

sujet du bon sont des propositions synthétiques et non pas analy-tiques, c’est-à-dire que le prédicat n’est pas contenu dans le sujet. Si l’on dit : « le plaisir est bon », « bon » n’est pas contenu dans la notion de plaisir. Le contenu du concept de bonté est indéfinissable.

Que signifie exactement, pour Moore, ce caractère indéfinissable de « bon » ? Il répond à la question par une analogie : « bon » est une notion simple, comme « jaune » est une notion simple (cf. Moore, 1998 : 46). On ne peut pas plus expliquer ce qu’est le bon que l’on ne saurait faire comprendre à qui ne le connaîtrait pas déjà ce qu’est le jaune. Les notions complexes, au contraire, telles que celles d’un cheval peuvent être définies, car on peut énumérer toutes les proprié-tés qu’un cheval possède, mais une fois la notion analysée en ses termes les plus simples, on ne peut définir ceux-ci, la pensée aboutit à des inanalysables, et comme le disait Aristote : « il est nécessaire de s’arrêter ». « Bon » n’est composé d’aucune partie que nous puissions lui substituer par la pensée, lorsque nous le concevons, et c’est le lot de tous les concepts abstraits. Mais, Moore le souligne, cela ne veut pas dire pour autant que le bien, cela même qui est bon, soit indéfi-nissable. « Bon » est un adjectif, et « le bien » est le substantif auquel l’adjectif s’applique. Le substantif est différent de l’adjectif, comme une totalité est différente du qualificatif qu’on lui donne. On peut donner plusieurs qualificatifs à un tout : on peut dire, par exemple, que le bien est aussi plaisant et intelligent, et si ces deux adjectifs font partie de sa définition, alors il est vrai que le plaisir et l’intelligence sont bons. Mais, en disant cela, on n’a pas progressé d’un pas dans la définition de « bon ». Poursuivons l’analogie entre le bon et le jaune : on peut essayer de définir le jaune en décrivant son équivalent phy-sique, en disant quel type de vibrations lumineuses agit sur l’œil pour que nous percevions cette couleur. Mais ces vibrations lumineuses ne sont pas ce que nous entendons par « jaune » ni non plus ce que nous percevons. C’est parce que nous avons été frappés par la différence qualitative des diverses couleurs que nous avons découvert l’existence

(4)

des vibrations lumineuses. Celles-ci sont ce qui, dans l’espace, corres-pond au jaune que nous percevons effectivement. De même, en ce qui concerne le bon, il est peut-être vrai que les choses qui sont bonnes ont aussi d’autres qualités, de même qu’il est vrai que toutes les choses jaunes produisent un certain type de vibration à la lumière. Mais, en nommant les autres propriétés que possèdent les choses bonnes, trop de philosophes ont pensé selon Moore qu’ils définissaient ainsi le bon. C’est cette erreur qui constitue le « sophisme naturaliste » que le phi-losophe anglais veut dénoncer. Le « sophisme naturaliste » est le sophisme que tous les philosophes ont commis à l’exception de Pla-ton, en définissant « bon » en l’assimilant à une réalité naturelle concrète : le plaisir, le désir, le plus grand bien pour le plus grand nombre. « Bon » n’est pas un objet naturel pour Moore, il n’existe pas dans l’espace et le temps, il est, tout simplement. Mais où est-il ? A cette question, Moore répond qu’il est dans un monde différent du monde naturel, comme c’est aussi le cas pour le nombre.

Si le bon est défini comme étant autre chose que lui-même, si par exemple, avec les utilitaristes Bentham et Mill, on dit que le bon, c’est le plaisir, ou si, avec d’autres philosophes, on le définit comme ce qui est désiré, on définit une position purement psychologique qui varie avec les définitions proposées, et on aboutit à ce résultat désastreux pour l’éthique qu’il n’y a plus d’objectivité des jugements moraux. Il n’est plus alors possible ni de prouver qu’une autre définition de ce qui est bon est mauvaise, ni même d’en refuser aucune. Pourquoi, en effet, préférer le plaisir à la santé, à la richesse, au bonheur, à la sagesse, ou à quelque autre chose bonne que ce soit ? « Bon » n’a rien à voir avec quelque chose qui se produit en notre esprit, et la plupart des philosophes qui ont pris l’éthique comme objet de leurs efforts sont tombés dans les erreurs du subjectivisme.

Dans Principia Ethica, Moore est attentif à montrer que les juge-ments éthiques ne sont pas des descriptions de nos états de conscience, et que le bon n’a rien à voir avec quelque état subjectif que ce soit. Il

(5)

René Daval

s’agit de savoir ce qui est bon, et non pas de décrire un état intérieur, ou de s’interroger sur le sens d’un mot. Comme on l’a vu, les juge-ments éthiques sont des jugejuge-ments synthétiques qui sont tels que le prédicat n’est pas la simple définition du sujet ou un synonyme de celui-ci. Le bon n’est pas un objet naturel, alors que le plaisir ou le désir sont tous deux, tout comme le bonheur ou la sagesse des objets naturels. Les propositions éthiques ne sauraient être de pures et simples tautologies, mais si elles ne le sont pas, c’est qu’alors le bon ne se confond avec aucune des définitions que les philosophes nous ont proposées. Tout le monde comprend la question : « cela est-il bon ? » et quand on pense à cette question, l’état d’esprit n’est pas le même que si l’on demande : « ceci est-il plaisant, ou désiré, ou approuvé ? » La signification de la première question est distincte de celle des se-condes, et chaque fois que l’on pense à la valeur intrinsèque d’une chose, ou que l’on dit qu’une chose doit exister, on a dans l’esprit l’unique objet, l’unique propriété attribuable que l’on signifie par « bon ».

Nous le voyons, la position de Moore aboutit à un réalisme gnoséo-logique et à un platonisme : il y a des êtres qui ne sont pas des objets naturels, et que nous connaissons, comme les nombres, par une in-tuition intellectuelle. Ces êtres sont dans un monde intelligible. Il me semble que Moore a tort de postuler l’existence d’êtres qui n’existent pas dans l’espace et le temps, mais qui sont. Cette affirmation ne mul-tiplie-t-elle pas les entités sans nécessité, pour reprendre la formule nominaliste de Guillaume d’Ockham ? John Austin, d’autre part, considère que l’expression « la signification d’un mot » est « un dan-gereux non-sens » (1994 : 22). Pour lui, en effet, ce n’est pas le mot, mais la phrase qui possède une signification. Connaître la significa-tion d’un mot, c’est connaître la significasignifica-tion des phrases qui le contiennent. Pour comprendre la signification d’un mot, continue Austin (1994 : 23), il faut donner des exemples de phrases dans les-quelles on peut employer le mot en question, et d’autres dans

(6)

lesquelles on ne le devrait pas. On peut « manifester la sémantique du mot » en amenant celui qui pose la question sur ce que signifie le mot à imaginer et à expérimenter les situations décrites par les phrases con-tenant le mot et celles où on ne devrait pas l’employer. En d’autres termes, pour saisir la signification d’un mot, il faut le replacer dans son contexte et se garder de l’isoler de celui-ci Or, il me semble que Moore isole le terme « bon » de tout contexte dans son analyse. Il faut poser la question : quelle est la signification de la phrase « il est bon de respecter la vie de son prochain » et ne pas s’interroger sur la signi-fication de « bon » en général, ce qui n’engendre, selon Austin, et il me semble avoir raison, que des non-sens. Comme l’écrit Austin (1994 : 34), « la question prétendument générale n’est en fait qu’une question erronée, type de questions que l’on rencontre couramment en philosophie ». Moore pense que les énoncés éthiques sont synthé-tiques, on l’a vu, et il tient pour vraie la phrase « ce qui est bon devrait exister » (cf. Austin, 1994 : 34). Si on dit qu’une phrase doit être ana-lytique ou synthétique, on est à peu près certain de se retrouver avec des phrases générales qui ne sont sûrement pas analytiques, mais dont on a du mal à penser qu’elles sont fausses. Comme l’écrit Austin (1994 : 34), « c’est-à-dire que vous aboutissez à la “connaissance syn-thétique a priori ” ». En distinguant les jugements en analytiques et synthétiques, « nous utilisons un modèle de travail qui ne concorde pas avec les faits dont nous voulons vraiment parler » (Austin, 1994 : 30). Quand on considère ce dont on veut vraiment parler, on ne sait pas ce qu’il faut entendre par « jugement analytique » et « jugement synthétique ». Le modèle qu’est une langue « idéale » est inadéquat pour n’importe quelle langue réelle. Une langue réelle n’a pas ou peu de conventions explicites, et il n’y a pas de frontière rigide entre le syntaxique et le sémantique (Austin, 1994 : 35). Il ne convient pas, juge avec raison Austin, de forcer la langue réelle à s’accorder avec un modèle préconçu. Austin n’est pas le seul philosophe à avoir critiqué

(7)

René Daval

la méthode adoptée par G. E. Moore. Wittgenstein la critique aussi d’un autre point de vue.

Dans sa fameuse Conférence sur l’éthique, Wittgenstein part de la définition de l’éthique qui avait été proposée par G. E. Moore dans ses célèbres Principia Ethica : « l’éthique est l’investigation générale de ce qui est bien ». Mais il utilise le terme « bien » dans un sens plus large que ne le faisait Moore, incluant l’esthétique, la considération de ce qui est beau. Qu’est-ce que nous appelons « bien » ? Examinons différentes expressions synonymes ayant trait au bien, pour essayer de saisir leurs caractéristiques communes. À cette question, Wittgenstein (1971 : 143, 144) répond qu’on pourrait dire que l’éthique est « l’in-vestigation de ce qui a une valeur ou de ce qui compte réellement ou qu’elle réfléchit sur le sens de la vie, de ce qui rend la vie digne d’être vécue, ou de la façon correcte de vivre ». Ce qu’il est important de souligner, c’est que chacune de ces expressions est employée dans deux sens très différents que Wittgenstein (1971 : 144) propose d’appe-ler « le sens trivial ou relatif d’une part, et le sens éthique ou absolu d’autre part ». Dans son sens relatif, le mot « bon » signifie simple-ment ce qui satisfait à un certain modèle prédéterminé. Un bon pianiste est celui qui peut jouer de la musique difficile avec un certain degré d’habileté. Une route bonne, de même, est celle qui est correcte pour atteindre un certain but. Ces expressions, employées ainsi, ne suscitent pas de difficultés particulières.

Mais l’éthique emploie ces expressions d’une toute autre façon. Alors que le sens relatif de ces expressions n’implique aucune idée de devoir, le sens absolu, quant à lui, renvoie à l’exigence d’un devoir. Il importe de bien distinguer le jugement de valeur absolu que l’on voit ici mobilisé, du jugement relatif qui était en jeu dans l’exemple du pianiste. Le second n’est qu’un simple énoncé de faits et peut être for-mulé de telle manière qu’il perd toute apparence de jugement de valeur. Wittgenstein le souligne : « aucun énoncé de faits ne peut être ou ne peut impliquer un jugement de valeur absolue » (p. 145). Un

(8)

fait que nous pouvons décrire n’est ni bon ni mauvais dans un sens éthique. Il y a le monde des faits et celui des valeurs. L’éthique, si elle existe, ne décrit pas des faits, mais exprime des valeurs et est « surna-turelle » (Wittgenstein, 1971 : 148). Le bien absolu serait un état de choses dont chacun nécessairement poursuivrait la réalisation indé-pendamment de ce qu’il aime ou de ses goûts personnels. Or, un tel état de choses est « une chimère » (p. 148). Aucun état de choses ne peut prétendre à un caractère d’absoluité.

Nous le voyons, Wittgenstein accorde à Moore que l’éthique ne parle pas de l’idiosyncrasie de chacun, mais il estime que les jugements éthiques ne sont pas des jugements de faits mais de valeur, et que celles-ci sont en dehors des limites du monde qu’expriment les pro-positions du langage qui ne peuvent aller au-delà du monde. Il s’interroge sur les situations où nous avons une expérience de valeur absolue, telles que l’étonnement devant l’existence du monde ou le sentiment d’avoir la conscience tranquille. Mais les propositions par lesquelles nous exprimons ces expériences sont des non-sens. S’éton-ner de la production d’une chose n’a de sens que si l’on peut imagiS’éton-ner sa non-production. Wittgenstein fait varier les situations dans les-quelles on emploie certaines propositions et constate qu’il y a des cas où ces propositions sont des non-sens. Dire avec Moore que « bon est indéfinissable » mais que « bon » est dans un monde qui est au-dessus de celui des faits, c’est prononcer un non-sens.

L’argument de Moore a l’immense mérite de sauvegarder la spécifi-cité des jugements moraux, mais Moore a le tort de généraliser abusivement quand il parle de « bon » et de croire que les jugements éthiques ont un sens. Austin critique la première affirmation de Moore et Wittgenstein la seconde et ils ont tous deux raison. Les pro-positions qui utilisent des notions abstraites sont des non-sens.

(9)

René Daval

Références bibliographiques

Moore, G. E., 1998, Principia Ethica,traduction M. Gouverneur revue par R. Ogien, Paris : PUF.

Austin, J. L., 1994, Écrits philosophiques, traduction L. Aubert et A. L. Hacker, Paris : Éditions du Seuil.

Daval, R., 1997, Moore et la philosophie analytique,Paris : PUF.

Mill, J. S., 1988 (1843), Système de logique déductive et inductive, Liège : Mardaga.

Wittgenstein, L., 1971, Conférence sur l’éthique,traduction J. Fauve, Paris : NRF / Gallimard.

Références

Documents relatifs

Du social dans On ne badine pas avec l’amour, Il ne faut jurer de rien et Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée de Musset Essai de sociocritique du proverbe

corneae spores in the urine sediment were propagated in investigations of IPZ:TZ-H13U with use of infected MRC-5 vitro, and molecular and immunologic characterization re- cells

• Les sorties d’une machine de Moore dépendent de l’état présent (synchrones, elles changent sur un front d’horloge). • L’état futur est calculé à partir des entrées et

Il ne le supporte pas. Il décide de dévorer toutes les histoires qui parlent de grand méchant loup.!. Mais il ne dévore pas que

AUREOL 3 satellite, whose common features are that the lines drift together and have a roughly constant frequency spacing of 50 Hz, their frequency range is mainly between 3

Raison supplémentaire pour que Baillet cherche à montrer qu’il les rejette, tant par ses attaques plus ou moins voilées contre tous ceux qui lui semblent faire montre, dans

En implantant et facilitant la mise en place de cette stratégie concernant les inno- vations en santé, nous avons peut-être une chance d’en favoriser le développement de notre

Visando contornar esses problemas, o Professor do DPS da UFV, Víctor Hugo Alvarez V., propôs um algoritmo para cálculo da necessidade de calagem, pressupondo que as menores doses