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DE LA FORMATION À LA PRATIQUE : QUE PEUT NOUS APPRENDRE L'ANALYSE DE PRATIQUES DE STAGIAIRES ?

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NOUS APPRENDRE L’ANALYSE DE PRATIQUES

DE STAGIAIRES ?

Magali Hersant

To cite this version:

Magali Hersant. DE LA FORMATION À LA PRATIQUE : QUE PEUT NOUS APPRENDRE L’ANALYSE DE PRATIQUES DE STAGIAIRES ?. Espace Mathématique Francophone (EMF) 2018, Oct 2018, Gennevilliers, France. �hal-01943554�

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DE LA FORMATION À LA PRATIQUE : QUE PEUT NOUS APPRENDRE

L’ANALYSE DE PRATIQUES DE STAGIAIRES ?

HERSANT* Magali

Résumé – À partir de l’analyse d’une séance menée par une professeure des écoles stagiaire, nous

identifions deux problèmes professionnels auxquels répond sa pratique. Nous les analysons avec le cadre de la problématisation et mettons en relation les solutions trouvées par la stagiaire et la formation à l’enseignement des mathématiques qu’elle a reçue.

Mots-clefs : formation initiale, institutionnalisation, pratiques, problématisation

Abstract – Analysing the practice of a preservice teacher at the elementary school, we identify two

professionnal problems that her practice answers. We analyze them with the framework of the problematization and put in relation the solutions found by the preservice teacher and the teacher’s professional mathematics education.

Keywords: preservice teachers, institutionnalization, teaching practices, problématization

I. INTRODUCTION

Cette communication questionne les effets de la formation initiale de professeurs des écoles (PE) en mathématiques dans le contexte français en 2014 : les étudiants sont à mi-temps en formation à l'ESPE1 et à mi-temps stagiaires de l'Éducation Nationale en charge d'une classe. Il s’agit d’une étude de cas qui doit se garder de toute généralisation abusive. En particulier, cette étude de cas ne peut constituer une évaluation de la formation.

L’effet de la formation est envisagé à partir de l’analyse d’une séance sur les fractions et décimaux en CM1 menée par une stagiaire dans le contexte suivant : une présentation commentée de la progression Cap Math CM1 (Charnay et al, 2003) a été effectuée en formation et la stagiaire réalise quelques jours après cette formation dans sa classe la séance 2 de cette même progression (introduction et signification de l’écriture fractionnaire ; utilisation de cette écriture pour coder des longueurs) ; Cap Maths est l’ouvrage habituellement utilisé dans la classe et la stagiaire a prévu de réaliser la leçon comme le propose le guide du maître.

À partir de l’identification d’écarts significatifs entre le prévu et le réalisé et de moments critiques dans la séance (moment où l’on perçoit que la stagiaire est déstabilisée face à la contingence) nous reconstruisons des problèmes professionnels auxquels la stagiaire est confrontée et questionnons l’apport de la formation dans la résolution de ces problèmes. Pour cela nous mobilisons le cadre de la problématisation (Fabre, Orange, 1997 ; Fabre, 2006) et la catégorisation des connaissances mathématiques de l’enseignant (Ball et al., 2008). Nous utilisons aussi la notion de registre de représentation sémiotique de Duval (1995).

Il serait réducteur de ne prendre en compte dans l’étude que la formation sur les fractions, c’est pourquoi le corpus est constitué d'éléments concernant la formation réalisée (fiches de préparation de l'ensemble des séances de formation, diaporama de la séance sur les fractions et enregistrement audio de cette séance) et de la réalisation en classe de la séance (entretien pré-séance, vidéo et transcription partielle de la séance, travaux d'élèves, entretien post-séance). La formation en mathématiques dont a bénéficié la stagiaire est synthétisée dans la première partie de ce texte.

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ESPE de Nantes, CREN, Université de Nantes – France – magali.hersant@univ-nantes.fr

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II. METHODOLOGIE ET CADRE D'ANALYSE

L’enseignement de mathématiques est une activité qui mobilise de façon singulière les mathématiques (Ball & al, 2008) dans des situations dynamiques riches de contingences et qui demandent de prendre des décisions en situation (Robert, Rogalski, 2002 ; Ball, 2017). Nous considérons que, de ce fait, l’enseignant est confronté à des problèmes professionnels mathématiques lorsqu’il prépare une séance et lorsqu’il la met en œuvre et que la pratique est une solution à ces problèmes. Nous faisons l’hypothèse que les écarts entre le prévu et le réalisé traduisent la résolution d’un problème de ce type et que certaines hésitations de l’enseignant correspondent à un problème émergent dont la solution ne lui apparaît pas facilement. Mais « traiter la pratique comme une « solution » n’implique pas que l’acteur ait intégralement construit le problème, ni même qu’il ait vécu sa pratique comme un problème. » (Fabre, 2006, p. 135), c’est pourquoi les problèmes professionnels sur lesquels nous travaillons sont des constructions du chercheur. Nous analysons ces problèmes professionnels avec le cadre de la problématisation (Fabre, Orange, 1997 ; Fabre, 2006). Ainsi nous reconstruisons le problème de l’enseignant en considérant les données dont il dispose et les normes qu’il se donne. Ces normes permettent de définir les conditions du problème (Fabre, 2006, p. 135). Dans le cas étudié, les données sont constituées à partir des connaissances des élèves et de leurs difficultés en général ou bien spécifiquement sur la notion en cours d’apprentissage, de leur production orales et écrites, ainsi que des ressources dont dispose la stagiaire pour construire sa séance. Les conditions relèvent de principes pédagogiques, par exemple dérivés du socio-constructivisme, et de principes spécifiques à l’enseignement d’une notion, par exemple l’écriture fractionnaire doit être introduite en lien aves pliages et des reports de la bande unité. La mise en tension des données et des conditions permet d’arriver à une solution du problème.

Nous considérons que les données et conditions spécifiques de l’enseignement d’une notion peuvent s’analyser selon la classification des connaissances mathématiques pour l'enseignement que proposent Ball et al. (2008, cité par Clivaz, 2014) et dont voici un rapide rappel : connaissance du sujet (au sens de notion) qui comprennent les connaissances mathématiques communes, celles spécifiques à l’enseignement et les connaissances relatives à l’horizon mathématique ; connaissances pédagogiques du contenu qui comprennent les connaissances des manières possibles d’enseigner le sujet, les connaissances des réactions des élèves sur le sujet ; les connaissances des programmes et des moyens d’enseignement.

III. LA FORMATION DONT A BÉNÉFICÉ LA STAGIAIRE

1. Le dispositif global de formation

En première année de master, la PE a préparé à l'ESPE le concours de professeur des écoles qui porte, essentiellement, sur le programme de mathématiques de collège. Au cours de sa deuxième année de master, avant l'observation, elle a bénéficié de 4 séances de 3h de formation en mathématiques.

Cette formation a été réalisée par l’auteure. Elle prend appui sur des travaux didactiques (ingénieries didactiques, situations d’homologie et conditions pour l’apprentissage de mathématiques) et tente de s'ancrer dans des problématiques professionnelles en proposant des tâches très contextualisées susceptibles, d’une part, de permettre aux stagiaires d'anticiper leur séance lors de leur temps de préparation et, d’autre part, de les mettre en situation proche de situations de décisions en classe. Par exemple nous utilisons la situation d’homologie sur l’aire (Houdement, Peltier, 2001) et lui associons un travail sur cette situation avec des élèves

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de CM1 (EuroMaths, CM1) (TD3). Ces problèmes de la profession peuvent être anticipés par nous. Ainsi, par exemple, à partir de la situation de tri en PS selon deux modalités, boites ouvertes ou boites fermées (Briand, 2000) le TD 1 permet un travail sur la question de la validation et l’anticipation des procédures des élèves. Ils peuvent aussi provenir des stagiaires. Par exemple, le TD2 traite de la manipulation en mathématiques en réponse à une question de stagiaire. Différentes situations sont proposées à l'analyse des stagiaires : un agrandissement de puzzle en CM2 avec des productions erronées d'élèves permet de faire ressortir la fonction « invalider une conception erronée » de la manipulation, en lien avec ce qui a été dit lors de la séance 1 ; la fabrication de napperons au CM (Peltier, 2000) à partir de la situation du manuel EurosMaths (Peltier et al., 2009) permet de mettre en évidence le rôle de la manipulation dans la conceptualisation de la notion d'axe de symétrie ainsi que l'importance de l’anticipation préalable à la manipulation ; à partir de la comparaison des formes proposées à des élèves de CM1 puis du CM2 les stagiaires sont amenés à mettre en évidence l'importance du choix des formes, leurs orientations, leurs positions relatives en fonction des connaissances des élèves, dans une perspective de progression ; la question des « critères de ressemblance » à préciser aux élèves dès le début de l'activité est travaillée.

Par ailleurs, parce que la formulation des savoirs à destination des élèves est essentielle pour les apprentissages, qu’elle est difficile pour les enseignants dans la mesure où elle suppose à la fois des connaissances mathématiques communes et des connaissances mathématiques spécifiques à l’enseignement et qu’elle est finalement peu présente dans les ressources, nous lui accordons une place particulière. Ainsi, par exemple, lors du travail sur le système de numération décimale au cycle 2 (TD4), les stagiaires sont d'abord invités à lister et hiérarchiser les connaissances que les élèves doivent acquérir au CP à propos du nombre, à les formuler pour des parents d’élèves puis, à partir d'une situation qui porte sur la mise en relation de l'écriture chiffrée d'un nombre et de l'organisation d'une quantité en pièces isolées et paquets de 10 pièces proposée par une titulaire et de productions d'élèves, les stagiaires sont mis en situation de formuler, comme ils le feraient pour les élèves, les consignes pour certaines phases de la situation et une synthèse de la séance avant de préparer une phase d'entrainement. Ce travail se poursuit par une analyse de quelques extraits de manuels qui cible sur, d'une part les erreurs possibles des élèves (en particulier les erreurs de dénombrement qui ne disent rien de la compréhension du codage) et, d'autre part, sur certaines façons de présenter les décompositions de collection (par exemple on présente toujours dizaines puis unités ou toujours des unités en nombre inférieur à 10) qui ne permettent pas de s'assurer pleinement de la compréhension du codage par les élèves.

Cette formation essaie aussi de mettre en perspective les enjeux de l’enseignement des notions abordées dans la scolarité future des élèves. Ce qui renvoie à un travail sur l’horizon mathématique (Ball et al, 2008). Par exemple, dans la formation sur l'enseignement du calcul posé de la multiplication de deux nombres décimaux en CM2 (TD2), les stagiaires sont amenés à réfléchir sur les enjeux associés à l’apprentissage de cette multiplication (pourquoi on fait encore ça ?) et les pré-requis pour cet enseignement - autrement dit, ce qui a dû être travaillé dans les classes précédentes et avant au cours de l'année de CM2 avant de discuter une proposition d'activité d'introduction à cette multiplication en questionnant le choix de la situation par rapport aux connaissances visées, en envisageant des procédures possibles des élèves, en commentant la trace écrite et l'évaluation proposées par l’enseignante.

2. Une formation qui intègre un cours magistral

Plusieurs raisons président à ce choix qui n’est pas une solution pragmatique dans un contexte contraint. D’abord, la formation a tendance à mettre en avant les situations-problèmes et les stagiaires pensent souvent (en creux) que c’est la seule façon d’enseigner. Or

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cela n'est pertinent ni du point de vue des mathématiques (par exemple pour les conventions), ni du point de vue du travail d’un enseignant débutant. Adopter en formation une posture magistrale assumée est une façon de montrer qu'ils peuvent eux aussi assumer une telle posture. Ensuite, la thématique de « fractions-décimaux » se prête particulièrement bien à cet enseignement qui requiert justement des changements de postures de l'enseignant : d'abord une situation problème pour montrer l'insuffisance des nombres entiers, puis une posture magistrale pour l'introduction du signe fractionnaire. Par ailleurs, il demande la mise en place d'un processus d'institutionnalisation permettant un tissage fin et progressif entre actions de pliage – report et construction du sens de l’écriture fractionnaire. Or nous savons que ce processus est toujours délicat à gérer (Butlen & al., 2012). À cela s’ajoute des caractéristiques mathématiques de la notion qui rendent les stagiaires peu à l’aise avec cet enseignement : la fraction est souvent perçue comme un nombre inférieur à 1 ; la différence entre l’écriture fractionnaire et le nombre rationnel ou décimal est floue (par exemple 2 n’est pas perçue comme un nombre rationnel ni décimal) ; les stagiaires perçoivent la fraction comme une division...

La formation sur fractions-décimaux prend donc la forme d’une intervention magistrale d’une heure vingt, avec un groupe de 26 étudiants, entrecoupée d’échanges avec les stagiaires prévus (par exemple pour qu’ils explicitent les difficultés de leurs élèves sur les fractions et décimaux) ou provoqués par des questions ou réactions de stagiaires (par exemple « on ne peut pas faire ça avec nos élèves c’est trop difficile ») et de moments de mise en activité des stagiaires (résolution d’exercices du Cap Maths CM1, recherche des procédures des élèves ; formulation des connaissance aux élèves).

Après un travail sur la signification du signe fractionnaire pour un élève de l'école élémentaire et une mise en commun des difficultés perçues par les stagiaires chez leurs élèves concernant les fractions et les nombres décimaux, la progression du manuel Cap Maths est commentée et analysée. La ressource est présentée comme une ressource sur laquelle les stagiaires peuvent s’appuyer. Les choix de stratégies d’enseignement (situation problème ou présentation magistrale) et de variables didactiques qui n’apparaissent pas dans le livre du maitre sont expliqués et justifiés. En particulier, nous insistons sur le fait que l’écriture fractionnaire et l’écriture avec une virgule relèvent de conventions que les élèves ne peuvent pas deviner et que, pour cette raison, adopter une posture magistrale est pertinent et permet une présentation rapide qui laisse ensuite aux élèves du temps pour s’approprier le codage dans des exercices d’entrainement. Les procédures attendues font l’objet d’échanges ; les stagiaires sont mis en situation de chercher quelques exercices destinés aux élèves pour leur permettre d’imaginer leurs procédures et surtout de s’approprier le sens de la fraction comme pliage et report d’une bande unité ; une attention particulière est portée à la façon dont on dit et écrit les fractions aux élèves (on écrit avec une barre de fraction verticale, on ne dit pas « 1 sur 8 » mais « un huitième »…), aux savoirs en jeu dans chacune des séances et à la façon dont on peut les formuler et en garder trace (affiche, cahier d’élèves).

IV. ANALYSE DE DEUX PROBLEMES AUXQUELS EST CONFRONTÉE LA STAGIAIRE

La séance analysée est la seconde séance sur les fractions ; il s’agit d’expliquer l'écriture fractionnaire aux élèves et de leur permettre de se l'approprier en codant les longueurs de bande de papier utilisées dans la séance 1. Nous allons nous intéresser ici à deux problèmes que rencontre la stagiaire.

Le premier est en rapport avec une modification du déroulement prévu qui a dû apparaître mineure et justifiée à la stagiaire mais qui s’avère finalement très problématique pour la suite

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de la séance. Le déroulement prévoit une explication par l'enseignante de l'écriture fractionnaire à partir de ¾2 puis l’utilisation de cette écriture pour coder les longueurs des bandes de papier de la séance 1. Mais la stagiaire choisit de travailler à partir de la fraction ½ et demande à un élève de venir montrer comment il l’écrit. Nous verrons à quel problème cette modification de projet correspond.

Le second problème découle du premier et correspond aussi à une modification du projet initial : après une « explication » de l’écriture fractionnaire la stagiaire diffère le moment de mise au travail individuel des élèves et demande à une élève de donner une fraction correspondant à l’unité.

1. Pourquoi la stagiaire demande- t-elle à Ellie de donner l’écriture de « moitié » au lieu d’expliquer elle-même ¾ ?

Le projet de la stagiaire est de prendre la responsabilité d'expliquer le sens de l'écriture fractionnaire, elle l'indique clairement aux élèves (début de l'épisode 2a : « je vais vous donner une manière d'écrire parce que vous ne pouvez pas la deviner. On va l'expliciter et après on va faire un petit exercice avec la feuille que vous avez retrouvée. »). Elle a prévu de le faire en utilisant la fraction 3/4 conformément à ce que propose le manuel Cap Math. Pourtant après elle demande finalement : « Quand on parle de la moitié d'une unité (elle note

“ une moitié ”) y'en a aussi qui ont dit que c'était un demi (elle note “ un demi ”). Est-ce que

vous êtes d'accord avec moi ? Vous connaissez cette expression un demi ? Et en mathématiques est-ce que quelqu'un connaît l'écriture mathématique ? » Comment peut-on expliquer cette évolution de projet ?

Considérons la situation comme un problème professionnel « expliquer l'écriture fractionnaire à des élèves de CM1 ». Compte-tenu de la formation reçue et de ce qui s'est passé précédemment dans la séance (épisode 2a), et d'après ce qu'indique la stagiaire en entretien on peut considérer que les données et conditions que la stagiaire a en tête sont :

Données : (d1) les élèves savent ce que représente la moitié ou un demi dans le registre du pliage-report d'une bande unité mais confondent tiers et quarts (épisode 1b) dans ce même registre ; (d2) certains élèves savent des choses, en particulier Ellie qui a utilisé la notation 1/2 lors de la séance 1 ; (d3) beaucoup d'élèves de la classe ont des difficultés importantes (dans l'entretien avant la séance la stagiaire évoque ces difficultés) ; (d4) les élèves s'agitent facilement.

Conditions : (c1) : les élèves ne peuvent pas deviner le sens de l'écriture car c’est une convention ; (c2) l'écriture fractionnaire doit être introduite en lien avec les actions de pliage et report (formation mathématique et livre du maître) ; (c3) l’explication proposée doit être comprise de tous ; (c4) il faut s’appuyer autant que possible sur ce que savent les élèves (ils sont ainsi acteurs de leur apprentissage).

Commençons par essayer de comprendre pourquoi, en situation, avec ces données et ces conditions, la stagiaire décide de travailler sur ½ plutôt que ¾. Tout se passe comme si, consciente des difficultés de ses élèves en général (d3) et de leurs difficultés particulières avec les quarts (d1) elle estimait que travailler sur un demi plutôt que ¾ serait plus accessible pour un plus grand nombre d’élèves (c3) car, alors le travail serait ancré dans ce qu’ils savent (c4). Et pourquoi fait-elle intervenir Ellie ? Elle sait qu’Ellie a utilisé l’écriture ½ lors de la séance précédente (d2) alors lorsqu’il lève la main elle l’interroge. Cela permet en particulier de

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mon traitement de texte résiste à l’écriture fractionnaire avec une barre horizontale, c’est pourquoi toutes les fractions qui figurent dans ce texte sont avec une barre oblique mais lors de la formation et dans la classe elles sont écrites avec une barre horizontale.

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s’appuyer sur ce que savent les élèves (c4) et, éventuellement évite une situation d’écoute longue propice à l’agitation (d4).

Pour ce qui concerne ce moment de la séance, on voit que la décision de la stagiaire est d’abord organisée par des raisons d’ordre pédagogique non spécifiques du contenu (c4), les raisons mathématiques (c1) ayant une priorité seconde. Dans la construction du problème une donnée de l’ordre des connaissances des élèves et de l’apprentissage du sujet n’est pas prise en compte : ce n’est pas parce que Ellie a utilisé l’écriture fractionnaire correcte pour coder la longueur de sa bande qu’il sait ce que signifie cette expression dans le registre des pliages-report et encore moins qu’il saura l’expliquer. En formation nous avons bien précisé les raisons pour lesquelles l’enseignant doit expliquer l’écriture fractionnaire sans expliciter cet élément. Ainsi les connaissances de la stagiaire n’apparaissent pas suffisantes pour qu’elle mesure l’incertitude dans laquelle elle s’engouffre. Bien sûr ce n’est pas parce qu’Ellie est venu écrire la fraction qu’il est obligé de l’expliquer. Mais, une fois au tableau, l’élève écrit non seulement ½ mais aussi 2/4 … et la stagiaire, surprise de cette proposition, va essayer de montrer leur équivalence dans le registre des pliages-reports de la bande unité. Elle perd alors de vue son objectif et elle donne l’explication de la moitié dans le registre des pliages-reports de la bande unité et non celle de l’écriture fractionnaire ½ : « la moitié ça veut dire qu’on a plié notre bande unité en deux parts égales et qu’on a pris que … une seule », en montrant sur la bande unité mais sans montrer le 1 et le 2 de la fraction.

Par ailleurs, le choix de la fraction ½ au lieu de ¾ n’est pas pertinent mais la stagiaire ne le perçoit pas. En effet, d’abord, ½ peut se lire « un demi » ou « une moitié » et dans les deux cas, il n’y a pas de congruence entre le registre du langage naturel et le registre des écritures fractionnaires (contrairement à ¾ où on « entend » le 3 et le 4), ce qui peut nuire à la compréhension du symbolisme. Ni l’ouvrage, ni la formation n’avait explicité cet élément qui relève des connaissances mathématiques spécifiques à l’enseignement.

2. Pourquoi la stagiaire demande t-elle à Lise de venir écrire 1 comme une fraction au lieu de mettre les élèves en activité individuelle de codage ?

Suite à cet épisode, la stagiaire a l’impression d’avoir donné l’explication de l’écriture fractionnaire. Elle passe donc à la partie « exercices » de la séance mais au lieu de demander aux élèves de coder individuellement les mesures des bandes de papier utilisées dans la séance 1, elle interroge les élèves sur la façon dont on peut écrire une unité avec des quarts et des demis. Elle invite Lise, une bonne élève, à venir au tableau. L’élève propose 4/1. Cette proposition étonne beaucoup la stagiaire :

Stagiaire : tu m'as mis quoi ? une unité c’est quatre sur un ? combien j'ai de moitiés dans mon unité en

montrant la bande unité Combien j'ai de moitiés ? Lise : 2 Stagiaire : donc une unité c'est ? Lise : deux

sur un. Stagiaire : Le deux qui est en dessous en montrant la fraction ½ le deux qui est ici ça signifie que j'ai coupé la bande en deux parts égales et le 1 ça signifie que je n’ai pris qu’une seule partie de ma bande. J'ai pris que un des deux. Le deux sur deux ça veut dire que j'ai pris mes deux morceaux, je l'ai coupée deux et j'ai pris mes deux morceaux, d'accord ? Donc ça fait bien un.

Cet épisode n’était pas prévu dans le déroulement de la séance. La stagiaire l’ajoute car elle perçoit que les élèves n’ont pas tous compris le sens de l’écriture fractionnaire et se demande comment leur permettre de comprendre cette écriture. Ainsi, cet épisode est la réponse au problème « beaucoup d’élèves n’ont pas compris, comment les aider à comprendre ? » que nous reconstruisons ainsi du point de vue de la stagiaire :

Données : (d1) les élèves savent ce que représente la moitié ou un demi dans le registre du pliage-report d'une bande unité mais confondent tiers et quarts (épisode 1b) dans ce même registre ; (d2) certains élèves savent des choses, en particulier Ellie qui a utilisé la notation 1/2

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lors de la séance 1 ; (d3) certains élèves ont compris le sens de l’écriture fractionnaire mais pas tous ; (d4) Ellie a déjà été interrogé ; (d5) beaucoup d'élèves de la classe ont des difficultés importantes (dans l'entretien avant la séance la stagiaire évoque ces difficultés) ; (d6) les élèves s'agitent facilement ; (d7) ½ a déjà été codé ; (d8) ¼ ressemble beaucoup à ½ ; (d9) les élèves ne connaissent probablement pas le mot « huitième » (formation)

Conditions : (c1) : les élèves ne peuvent pas deviner le sens de l'écriture car c’est une convention ; (c2) l'écriture fractionnaire doit être introduite en lien avec les actions de pliage et report (formation et livre du maître) ; (c3) l’explication proposée doit être comprise de tous ; (c4) il faut s’appuyer autant que possible sur ce que savent les élèves (ils sont ainsi acteurs de leur apprentissage) ; (c5) on ne peut pas interroger toujours les mêmes élèves ; (c6) dans l’enseignement des fractions on travaille d’abord sur des fractions dont le dénominateur est un multiple de 2 car plier en 2 est facile (par rapport à plier en 3) (formation)

Pourquoi la stagiaire choisit-elle de coder 1 avec des quarts et des demis ? On peut penser que les données (d7) à (d9) associées à (c6) conduisent à ce choix. Mais ses connaissances des réactions des élèves sur le sujet ne sont pas assez étendues pour qu’elle envisage les difficultés que ce choix génère (pas abordé en formation et pas précisé dans le livre du maître).

Là encore, la solution choisie consiste à faire intervenir une élève plutôt que de prendre la responsabilité de donner une nouvelle explication et, comme Ellie qui est un autre bon élève a déjà été interrogé, elle demande à Lise. Comme dans le premier problème, dans la décision de la stagiaire, les conditions pédagogiques (c4) et (c5) priment sur les conditions mathématiques (c1). En effet, la stagiaire aurait pu tout simplement « redonner » elle même l’explication.

Face à la réponse déconcertante de Lise, la stagiaire finit donner elle-même l’explication. Mais ce choix apparait alors comme un choix par défaut : ne comprenant pas l’erreur de Lise, réalisant que même de bons élèves n’ont pas compris, elle « redonne » l’explication. Dix-sept minutes se sont écoulées depuis le début de la séance !

V. CONCLUSION

L’analyse de ces deux problèmes n’épuise pas l’ensemble des problèmes auxquels est confrontée la stagiaire au cours de cette séance. On perçoit en particulier dans le deuxième cas des difficultés de compréhension des erreurs des élèves pour lesquels des connaissances des réactions des élèves sur le sujet et de l’apprentissage des fractions ne semblent pas disponibles.

Cette étude de cas traite de l’effet de la formation et de l’effet des pratiques à très court termes, elle ne dit rien des pratiques de la stagiaire et de apprentissages des élèves à long terme. Elle met cependant en évidence, d’abord, la difficulté pour la stagiaire à prendre une posture d’enseignante. Elle montre aussi qu’elle peine à identifier la différence importante entre l’explication qu’elle donne de ½ et l’explication prévue. Des connaissances mathématiques fines et spécifiques de l’enseignement sont en jeu à ce niveau (registres de représentation sémiotique) ; elles ont été abordées en cours mais trop peu pour qu’elles permettent une vigilance didactique dans le cours de l’action. On peut penser les évènements contingents de la classe – la proposition de ½ et 2/4 par Ellie en particulier – n’aident pas à cette mobilisation. Ensuite, pour les deux problèmes étudiés, alors qu’il s’agit de faire comprendre des mathématiques aux élèves, dans la tension entre une logique du savoir et une logique de l’élève au centre, pour cette stagiaire, la logique de l’élève au centre prime. Ces résultats sont à rapprocher des travaux de Butlen et Pézard (Butlen & al., 2012, Pézard, 2010) concernant la peu de vigilance didactique des PE. Ils sont singuliers dans la mesure où ils

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concernent le processus d’institutionnalisation hors situation-problème. Autrement dit cette étude de cas montre que ce n’est pas seulement le tissage de savoirs à partir des productions des élèves qui est difficile mais simplement la prise de responsabilité par rapport au savoir, la posture même d’enseignant. Ainsi ces résultats questionnent la formation et les conditions dans lesquelles elle se réalise. En effet, les connaissances mathématiques et spécifiques à l’enseignement (Ball et al., 2008) sont au cœur de la formation reçue par la stagiaire et travaillées en références à des problématiques professionnelles. Comment permettre aux PE qui sont, rappelons-le, à 80% non scientifiques, d’assumer pleinement leur rôle par rapport au savoir que les élèves doivent apprendre, en relation avec une situation-problème ou pas ? Nous l’avons vu, l’effet cours magistral ne suffit pas à infléchir les décisions prises dans l’instant. Il est toutefois important de noter que cet enseignement a été réalisé avant que les stagiaires enseignent les fractions dans leur classe, et donc, d’une certaine façon avant que cet enseignement ne fasse problème pour eux. Dans un autre groupe, le même cours sur les fractions effectué après que les stagiaires aient commencé à enseigner les fractions a donné lieu à un nombre très important de questions relatives du type « comment faire si… ? » « comment faire quand … ? », en appui sur les procédures des élèves et les difficultés d’apprentissage observées par les stagiaires dans leurs classes. On peut donc s’interroger sur l’importance de la temporalité formation mathématique – « expérience » en classe. Et, sans aller trop hâtivement vers une solution, on peut penser a minima qu’une formation plus longue permettrait de travailler, précisément, pour chaque notion au programme, les connaissances mathématiques spécifiques à l’enseignement et les connaissances des réactions des élèves sur le sujet, en articulation avec des problèmes professionnels rencontrés par les stagiaires dans leur classe, en particulier ceux liés à la gestion de la contingence. Former à l’analyse de problèmes professionnels avec le cadre de la problématisation est aussi, peut-être, une piste à explorer. Mais il nous semble essentiel d’avoir une vision large de la formation. En effet, ces analyses posent la question de la cohérence entre la formation (mathématique) disciplinaire et les autres formations dispensées aux stagiaires PE. Ces questions sont cruciales car ce type de pratique limite fortement l’activité mathématique des élèves et nourrit, à termes, la difficulté scolaire.

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