• Aucun résultat trouvé

Le rapport au groupe dans les apprentissages

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le rapport au groupe dans les apprentissages"

Copied!
27
0
0

Texte intégral

(1)

ECOLE SUPÉRIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’ÉDUCATION DE L’ACADÉMIE DE PARIS

L

E

RAPPORT

AU

GROUPE

DANS

LES

APPRENTISSAGES

Juliette Soudères

M

ÉMOIRE DEMASTER

MEEF

Mention Premier degré

Sous la direction de Frédéric Untz

2016-2017

(2)

INTRODUCTION

Lors de la rentrée 2016 je me suis retrouvée pour la première fois face à une classe de cours élémentaire de première année (CE1). 25 élèves qui passent une grande partie de leur temps ensemble sans s’être choisis au préalable, sans non plus m’avoir choisie en tant qu’enseignante. Ils forment donc un groupe à la fois homogène en âge mais hétérogène dans leurs parcours familiaux, leurs amitiés, inimités, centres d’intérêts… Certains étaient heureux de se revoir, se connaissant parfois depuis la maternelle, d’autres étaient plus inquiets ou à l’écart.

Nous avons fait connaissance et en observant la vie de la classe il m’a semblé que les enfants qui n’avaient pas une attitude d’élève, c’est à dire qui ne maîtrisaient pas les codes de l’école, et qui sont des enfants généralement en difficulté scolaire, étaient plutôt isolés dans les groupes d’amitiés qui parcourent la classe. Je me suis donc demandée s’ il y avait un lien entre la maîtrise des codes du groupe et la maîtrise des apprentissages de façon plus scolaire. Est-ce que la réussite de l’intégration dans un groupe, et donc une réussite dans les apprentissages sociaux de l’école, influence l’apprentissage scolaire ? Et comment, en tant qu’enseignante, favoriser l’émergence d’un « groupe-classe » ?

Souvent dans les ouvrages de didactique la question de l’apprentissage se pose entre un enseignant et un élève, dans un rapport dual. Cependant l’enseignant n’a pas une relation exclusivement individuelle avec chacun de ses élèves, mais travaille bel et bien avec un groupe. Celui-ci, surtout en début d’année, n’a pas encore d’identité propre, il est parcouru de relations, formé éventuellement de sous-groupes et traversé par des courants qui ne sont pas toujours pris en compte par l’enseignant.

Nous verrons dans un premier temps que le groupe est un lieu de développement primordial pour le développement de l’enfant. Une classe se constitue donc rapidement de sous-groupes, éventuellement déjà constitués si les enfants se connaissent au préalable.

Il est donc intéressant pour la vie de la classe mais aussi d’un point de vue pédagogique de créer un groupe-classe avec une identité commune. Nous nous intéresserons donc aux effets que l’insertion dans un groupe, voire même l’amitié, ont sur l’apprentissage.

Mais encore faut-il savoir comment l’enseignant peut favoriser l’émergence d’un tel groupe ? Différentes réponses sont possibles, notamment via la pédagogie de projet ou bien

(3)

encore la pédagogie coopérative. Ces approches prenant encore plus de force lorsque l’enseignant observe sa classe et se montre attentif aux relations entre élèves.

1. LE GROUPE D’ENFANTS

1.1. Une habileté sociale précoce

1.1.1. Du nourrisson à l’enfant

La vie sociale des enfants commence très tôt. Même si la relation que l’enfant entretient avec ses pairs est moins visible que celle qu’il entretient avec ses parents, le bébé est loin d’être « socialement aveugle » aux autres enfants de son entourage.

Les auteurs des premières études sur le comportement de très jeunes enfants de moins de 6 mois, tels Bühler dans les années 20, en ont déduit que le bébé était relativement indifférent aux autres enfants durant les tout premiers mois de sa vie. Cependant cette analyse des premiers contacts entre enfants privilégiait les activités motrices, mais si l’on ne se focalise pas uniquement sur les activités motrices et que l’on élargit aux émotions, aux réactions, l’on se rend compte qu’il y a des relations sociales effectives. Certains auteurs comme Hay, Caplan et Nash ( 2009) soutiennent même que ces premières formes d’interactions sociales entre pairs peuvent avoir lieu dès les premiers jours de vie.

Avant un an, le bébé peut montrer de la sympathie à ses pairs, interagir avec eux et commence à développer des habiletés sociales qui lui seront nécessaires par la suite. Dès ce très jeune âge il apprend par imitation de ses pairs. En effet, les mêmes gestes conduisent aux mêmes émotions et aux mêmes états mentaux. Cela permet une meilleure compréhension d’autrui ainsi que de soi-même. Même les jeux côte à côte, où l’on ne note pas d’interaction directe ne sont en fait pas forcément une marque d’égocentrisme mais sont une façon d’être avec l’autre. Pour Mueller et Brenner ( 1977), les jeux en parallèle sont une étape à dépasser pour parvenir au jeu social.

« Faire la même chose l’un à côté de l’autre sans même se parler, non seulement

ce n’est pas forcément s’ignorer, mais quand on est enfant à la crèche ou à l’école maternelle, cela a de fortes chances d’être une manière d’entretenir une proximité psychologique à deux, pas aussi stimulante que l’imitation réciproque et simultanée, mais qui ne relève nullement de l’isolement social ». 1

(4)

Ces habiletés sociales se développent et se complexifient, l’enfant gère la relation deux à deux, puis à partir de 3 ans de petits groupes de 3-4 enfants peuvent se former et finalement l’enfant peut faire partie activement de groupes larges.

Ces groupes prennent une importance considérable dans la vie de l’enfant, qui est le plus souvent en collectivité dès la crèche et qui passe ensuite la majeure partie de ses journées à l’école primaire, au milieu de ses pairs. L’appartenance à un même groupe amical se traduit par davantage d’interactions verbales et physiques entre eux, et donc potentiellement par davantage d’imitation à l’intérieur du groupe qui partage des références, des codes, une identité plus ou moins affirmée.

Les groupes d’enfants entre 4 et 6 ans sont à 80 % unisexués et les groupes de garçons de 5-6 ans sont généralement constitués d’environ 6 enfants tandis que les groupes des filles du même âge comptent environ 3 enfants. Cette différence disparaît néanmoins vers 10-13 ans selon Gest, Davidson, Rulison, Moody et Welsh (2007).

1.1.2.

Les habiletés sociales nécessaires pour

s’intégrer dans un groupe

S’intégrer à un groupe est une opération plus délicate qu’il n’y paraît. Pour que les chances de succès soient bonnes il faut que l’enfant soit en mesure de comprendre comment fonctionne le groupe amical afin de pouvoir y être accepté.

Cela passe par une période d’observation. Il faut comprendre comment cela se passe à l’intérieur de ce groupe, quelles sont les règles implicites, qui sont les personnages dominants, quelles sont les valeurs mises en avant. Il faut savoir lire les états mentaux de ses pairs, repérer les émotions et trouver leur cause.

Ensuite l’enfant imite le comportement des membres du groupe qu’il souhaite intégrer pour pouvoir être accepté ou fait quelque chose de typique de ce groupe, et enfin, lorsqu’il est accepté il peut progressivement influencer le groupe.

S’intégrer dans un groupe déjà établi est une tâche difficile et rarement réussie à la première tentative. Cette intégration sera mieux réussie si l’enfant est explicitement invité par ses membres à rejoindre le groupe.

Les capacités à s’intégrer dépendent aussi de l’attachement que l’enfant a avec ses parents. Et la réussite de son intégration avec ses pairs influence aussi en retour les relations qu’il a avec ses parents.

(5)

1.1.3. La théorie de l’attachement selon Bowlby

John Bowlby et Mary Ainsworth ont observé et démontré l’importance d’une figure d’attachement, généralement la mère ou le père dans les toutes premières années. La grande majorité des apprentissages sont effectués par imitation des autres, imitation des adultes ou des pairs. Cependant certains apprentissages ne se font pas par imitation mais ont leur dynamique propre ( J. Bowlby parle de primary drive ). Lorsque les besoins de base sont satisfaits cet apprentissage sera enclenché et développé. C’est ce qui a lieu notamment pour le nourrisson qui s’attache aux personnes qui prennent soin de lui, généralement les parents. Cet attachement est primordial pour le développement psychique de l’enfant. Ces adultes, ou cet adulte, représenteront la base de sécurité auprès de laquelle il pourra toujours revenir et qui lui permet d’explorer le monde et les relations qui le parcourent de façon assurée. Le nourrisson recherchera toujours la proximité physique et émotionnelle avec un adulte qui, même s’il ne s’agit pas de la mère, sera « conditionné » à y répondre.

Les études en éthologie et en psychologie montrent que cet attachement se développe même en cas de mauvais traitements ( Ainsworth, 1967). Dans ces circonstances c’est la qualité de cette relation d’attachement qui est remise en cause, et non pas sa présence ou son intensité.

Il y a donc différents types d’attachement parental et toute une typologie s’est établie, entre l’attachement de type confiant ou de type anxieux-évitant, anxieux-résistant.

Les enfants qui ont un attachement de type anxieux avec leur mère sont de façon cohérente, réputés plus agressifs vis à vis de leurs pairs et sont perçus par leurs enseignants comme moins compétents et présentant plus de problèmes de comportement. ( Mallet, 2015)

Ces enfants qui ont des difficultés d’adaptation au groupe reportent leur besoin d’attention sur leurs parents qui sont rapidement épuisés et un cercle vicieux peut ainsi s’enclencher.

1.2. Les groupes larges, constitution et façon

d’être

Dans un premier temps les relations entre pairs sont essentiellement dyadiques (deux par deux). Mais à partir de 2 ans les groupes larges et stables dans le temps comme ceux que

(6)

l’on retrouve par exemple dans les crèches, présentent une organisation interne basée sur les relations entre les enfants.

On observe les premières formes de coopération, et de compétition, notamment autour de la possession de jeux. Ces disputes ou ces négociations peuvent être interprétés comme des comportements de dominance ou de soumission, si l’on utilise le vocabulaire de l’éthologie (Hinde, 1987).

L’analyse des échanges entre pairs permet de savoir pour chaque enfant avec combien d’enfants il est dominant, et avec combien d’enfants il est dominé. Il existe une véritable hiérarchie, qui peut changer au cours de l’année et qui devient de plus en plus précise et stable avec l’âge.

Coie, Dodge et Kupperschmidt ont en 1990 effectué une enquête sociométrique sur les différents statuts des enfants au sein d’un groupe et sur les conséquences que ces statuts ont. Lors de leurs enquêtes ils distinguent les enfants acceptés, rejetés, controversés, négligés ou

ignorés et enfin les moyens.

Le niveau d’acceptation d’un enfant dans un groupe-classe est indépendant de son niveau de rejet. Certains enfants sont à la fois très populaires et très rejetés, ce sont les

controversés.

Assez logiquement, plus son niveau d’acceptation est élevé mieux ses condisciples traitent leur camarade : comportement d’aide, d’offrande, sourire, rire, soumission, jeu coopératif, acceptation des offrandes et des suggestions, etc. Enfin plus il est cité parmi les moins aimés, plus il est maltraité : exclusion d’une activité collective, insulte, ignorance de sa présence, vol ou dégradation de ses affaires, menaces ou attaques physiques, etc.

Mais à quoi tiennent la sympathie ou l’antipathie du groupe ?

1.2.1. La sympathie ou l’antipathie du groupe

Pour ces auteurs, ce qui distingue les enfants qui ont un statut sociométrique positif (populaire ou moyen) ou négatif (rejeté, controversé ou négligé) c’est principalement leur envie de coopérer entre pairs ainsi que leurs comportements pro sociaux. C’est à dire ceux qui témoignent de bienveillance envers leurs pairs. De même, à tout âge, le statut de rejeté est lié à des conduites d’agression envers les autres enfants : parce que l’enfant a une conduite agressive il sera rejeté par le groupe.

(7)

Ces conduites et les réputations qui les accompagnent ont une influence sur le long terme, comme le montre une étude menée 10 ans plus tard avec les mêmes enfants.

Enfin, non seulement la réputation permet de faire des prédictions à long terme pour différentes conduites mais elle apparaît aussi comme un facteur de développement de ces conduites. « Le fait pour un enfant d’être réputé pro-social à l’école élémentaire pèse

favorablement sur l’évolution de ses performances scolaires au cours de l’adolescence ».

Même s’il ne s’agit évidemment pas du seul facteur, il s’agit là d’un facteur à part entière. ( Mallet, 2015)

Nous voyons donc qu’indépendamment des cours, les relations entre élèves ont un impact sur les résultats scolaires.

1.2.2. Les groupes apportent-ils toujours un

sentiment de sécurité ?

Nous avons vu que dès son plus jeune âge, l’enfant recherche la compagnie de ses pairs. De façon certes moins cruciale que la proximité de ses parents, mais de façon certaine.

Cependant vivre au sein d’un groupe est un apprentissage difficile, avec une hiérarchie informelle et changeante qui nécessite de très bonnes capacités à repérer les codes, et donc les règles, et à décrypter les émotions des autres enfants. Cela permet bien sûr en retour une meilleure connaissance de soi-même. Mais nous sommes loin du havre de sécurité, de la base de sécurité représentée par les parents. Les adultes, notamment en milieu scolaire, sont relativement peu nombreux et ne sont pas disponibles en permanence de façon individuelle.

Il faut donc dans une large mesure que l’enfant « se débrouille ». Pour cela, le psychologue du développement Pascal Mallet souligne le rôle que peut jouer l’amitié. Cette relation privilégiée s’apparente selon lui à un attachement.

« L’amitié entre enfants est bien l’expression de besoins primaires – originellement non appris – de sécurité auprès des partenaires dont on s’est imprégné, d’émotions de joie ou de sympathie éprouvées en empathie réciproque, de jeu aussi. Mais l’amitié varie au cours de l’ontogenèse, suivant un processus épigénétique, c’est à dire fait de réorganisation, en fonction des progrès dans la compréhension du monde social, d’autrui et de soi, en fonction des imprévus de la vie. Les formes successives d’amitié au cours du développement sont aussi

(8)

l’expression de cadres sociaux, de normes culturelles, de pratiques familiales, de la place qui lui est faite dans les institutions éducatives. »2

Il s’agirait d’un même besoin vital ( primary drive) que celui que le nourrisson puis l’enfant manifeste envers les personnes qui prennent soin de lui. L’ami représenterait la base de sécurité affective qui permet d’aller de l’avant et d’avoir de l’assurance dans ses relations avec autrui.

Il s’agit là d’une observation faite depuis longtemps, et déjà Aristote estimait que sans amitié vraie la vie ne valait rien.

Le miroir tendu par ce pair privilégié permet d’appréhender plus finement les émotions complexes, sans crainte de paraître faible ou ignorant, et donc de mieux comprendre les relations sociales.

1.2.3. Le groupe et l’amitié

Wallon en 1946 a clairement énoncé ce qui distingue et relie les niveaux du groupe et de la relation entre personnes.

« L’armature d’un groupe n’est pas une somme de relations interindividuelles

( …) L’existence d’un groupe ne repose pas sur les seules relations affectives d’individus entre eux et, même si c’est le but d’en entretenir de telles, sa constitution même impose à ses membres des obligations définies. Le groupe est le véhicule ou l’initiateur de pratiques sociales. Il dépasse les rapports subjectifs de personne à personne (…) C’est un aménagement intime de la personne qu’opèrent les groupes en y faisant pénétrer les différentes catégories de rapport à autrui ».3

Quels sont les rapports entre l’amitié dyadique ( 2 à 2) et l’acceptation dans le groupe ? Le fait d’avoir au moins un ami, et la qualité perçue de cette amitié, a des effets positifs, cela tend à renforcer l’estime de soi et permet d’ éviter la solitude émotionnelle.

Le groupe quant à lui permet d’éviter la solitude sociale, et si les deux sont liés il ne faut néanmoins pas les confondre.

2Pascal Mallet, L’amitié entre enfants ou adolescents, une force pour grandir, 2015, ed. Colin, p. 109 3Wallon, H. (1985). Les milieux, les groupes et la psychogénèse de l’enfant. Enfance, n°spécial Henri

(9)

Mais quelles répercussions ont ces relations sociales dans les apprentissages scolaires qui nous intéressent ? Est-il possible de tirer parti de ces groupes et des relations qui le traversent ?

Nous avons vu que ces groupes sont toujours présents et répondent à un besoin vital, au sein de ces groupes les relations sont complexes et hiérarchiques. Il y a des enfants qui sont largement imités par les autres puisque l’imitation est forte au sein d’un groupe. Enfin l’amitié est présente et importante : elle aide à s’assurer dans le groupe. Enfin, même si tous les membres d’un même groupe ne sont pas obligatoirement amis deux à deux, le but du groupe est une entente inter-personnelle.

2. LES RÉPERCUSSIONS DU GROUPE ET

DE L’AMITIÉ SUR L’APPRENTISSAGE

2.1. L’amitié, un thème populaire auprès des

enfants et présent en enseignement moral et

civique

2.1.1. L’amitié et l’enseignement moral et civique

Le rapport au groupe, le respect des normes de ce groupe, fait partie du socle commun de connaissance et de compétences en tant qu’il participe à la formation de la personne et du citoyen (domaine 3) et fait écho de façon plus large à la notion de fraternité promue dans la devise républicaine. Nous parlons là du groupe-classe, ou du groupe représenté par l’école, parcourus de groupes amicaux d’enfants, et incluant des enfants possiblement isolés ou rejetés de ces groupes amicaux.

En enseignement moral et civique, dans les principes généraux du programme du cycle 2 de 2016 il est précisé : « Les valeurs et les normes impliquées par l’acte même d’éduquer (…)

supposent une école à la fois exigeante et bienveillante qui favorise l’estime de soi et la confiance en soi des élèves, conditions indispensables à la formation globale de leur personnalité. Cet enseignement requiert de l’enseignant une attitude à la fois compréhensive et ferme. A l’écoute de chacun, il encourage l’autonomie, l’esprit critique et de coopération. Il veille à éviter toute discrimination et toute dévalorisations entre élèves. »4

(10)

L’amitié est donc un thème qui peut être exploité en classe, en lecture suivie ou en enseignement moral et civique. Des ressources sont par exemple présentées par le Ministère de l’Education Nationale sur Eduscol. On trouve par exemple un dilemme moral portant sur l’amitié, l’argent et le respect des biens d’autrui. Cela peut servir de support à une réflexion sur ce qu’est l’amitié, ce que cela représente pour eux et quels en sont les bénéfices.

2.1.2. Dans la littérature enfantine

Si les études sur l’amitié, et plus spécifiquement l’amitié entre enfants ne sont pas nombreuses, il s’agit là cependant d’un thème très populaire auprès des enfants. Nombreux sont les livres qui explorent ce qu’est l’amitié et quels sont ses effets. Sous forme de romans, dans Les p’tites poules de C. Jolibois et C. Heinrich et par exemple l’amitié entre Carmélito et Belino qui parcourt la série mais qui est particulièrement mise en avant dans Un poule tous et

tous poule un. Ou bien l’amitié entre Samsam et Petipôa, autres figures populaires de la

littérature enfantine, cette fois ci sous forme de bande-dessinée. Il s’agit là d’un sujet qui intéresse les enfants et que l’on retrouve largement dans la littérature enfantine. ON y trouve souvent des solidarités enfantines fortes, comme dans Fifi Brin d’acier, qui tournent parfois mal comme dans Sa majesté des mouches de William Golding. L’organisation en classe d’un rallye-lecture ayant pour thème l’amitié ( l’enseignant met à disposition différents livres sur le même thème et chaque élève lit le nombre d’ouvrages qu’il souhaite) est donc tout à fait envisageable et peut servir de point de départ à un débat sur ce que représente l’amitié.

2.1.3. Le groupe-classe, un refuge potentiel

Sans pour autant imaginer une classe où tous seraient amis, ce qui est assez largement idyllique, Schwartz a, en 1972, testé l’hypothèse d’un attachement entre des enfants de 4 ans à l’épreuve d’une « situation étrange ». C’est à dire lors d’une situation inhabituelle, modérément stressante, afin de voir si la mère était la seule à pouvoir inhiber la détresse induite chez un jeune enfant en cas de situation nouvelle. La conclusion de cette étude est qu’un ami a aussi cette capacité, et que les enfants d’une même classe « ont entre eux un lien

émotionnel certes faible comparativement à celui avec leurs parents mais qui peut quand même leur servir de « havre de réconfort » et qui en les rassurant leur donne de l’aisance pour explorer. » ( Mallet, 2015)

Cette « aisance » est nécessaire pour avoir confiance en ses capacités et une bonne estime de soi, deux aspects encouragés par l’éducation nationale et cette aisance permettra à l’élève de se lancer dans l’exploration de notions nouvelles. Différentes études ont en effet démontré

(11)

l’importance de l’amitié, ou à défaut d’une même appartenance à un groupe sur l’apprentissage.

2.2. Des effets directs sur l’apprentissage

2.2.1. Une communication plus aisée

Au sein d’un même groupe la communication est plus fréquente, et donc plus aisée et plus riche. Les enfants se connaissant mieux peuvent se faire confiance et risquer davantage. La motivation pour réussir ensemble est plus forte, et l’attention portée à la tâche à résoudre est plus continue et plus longue : ils sont capables de se concentrer plus longtemps. Ainsi les études de Howes (1983), ou de Dunn (2004), ont montré que lorsque les enfants se connaissaient et étaient amis les jeux d’imagination et les jeux de rôles sont plus complexes, ils mettent au point de meilleures stratégies et se comprennent bien mieux. Ils peuvent plus facilement comprendre et adopter, ou réfuter, le point de vue de leur partenaire. Toute l’énergie de l’enfant est concentrée sur la tâche puisqu’il est assuré, rassuré.

Qui dit interactions plus fréquentes dit aussi disputes plus fréquentes mais les tentatives de réconciliation et les pardons sont eux aussi plus fréquents. Enfin, entre deux amis, le travail coopératif est meilleur que celui fait entre deux inconnus ou à deux personnes se connaissant mais sans lien amical, même s’ils viennent de se disputer. Ils se connaissent suffisamment bien pour mettre leur différend momentanément de côté.

Les interactions entre jeunes amis stimulent leur intelligence sociale et leur langage dont ils ont besoin pour se coordonner au mieux l’un avec l’autre : c’est la base d’un ensemble d’habiletés psychologiques qu’ils pourront réinvestir ailleurs, dans de la compréhension fine de textes littéraires par exemple, ou dans la compréhension d’un raisonnement.

Cette capacité à travailler ensemble efficacement et de façon plus complexe qu’ils ne seraient capable de le faire seuls ou avec une simple connaissance est aussi intéressante à prendre en compte notamment lorsqu’il s’agit pour l’enseignant de constituer des groupes de travail.

2.2.2. L’importance des pairs dans la

construction d’un raisonnement

Piaget notamment a pointé l’importance de la présence d’autrui comme source de réflexion et dont la présence et la coopération permettent de distinguer dans un dialogue

(12)

permanent ce qui est objectif de ce qui est subjectif. Il s’agit là de la base d’un apprentissage construit sur le sens et la raison.

Cependant pour que cet apprentissage se fasse il faut que l’enfant soit capable de lire l’état mental de ses pairs et notamment qu’il comprenne qu’une autre personne peut avoir un point de vue différent. Wimmer et Perner (1983) ont cherché à savoir à partir de quel âge l’enfant comprend que la conduite d’une personne n’est pas seulement déterminée par la situation dans laquelle elle se trouve mais aussi par la représentation qu’elle s’en fait.

Ils ont raconté à des enfants entre 3 et 9 ans une histoire où il faut tenir compte du point de vue de chacun en fonction des informations qu’il a, qui ne sont pas forcément complètes. A 3-4 ans aucun enfant n’arrive à s’appuyer sur le point de vue erroné du héros de l’histoire puisqu’ils savent, eux, que c’est faux : ils ont les informations qui manquent au héros. Entre 4 et 6 ans 57 % des enfants y arrivent et entre 6 et 9 ans 86 % y arrivent. Ce qui veut quand même dire qu’environ 15 % des enfants entre 6 et 9 ans n’arrivent pas à comprendre qu’une personne peut avoir un point de vue différent du leur, vrai ou faux, pour de bonnes raisons. Or, il s’agit là comme l’a souligné Piaget, d’une condition sine qua non pour pouvoir confronter intelligemment son point de vue à un autre.

C’est donc à l’enseignant de rester attentif et d’observer si l’enfant est capable de mener ce raisonnement et si non, de l’aider à appréhender le point de vue d’autrui. Cet apprentissage lui servira pour distinguer l’objectif du subjectif lors de discussions ainsi que pour lire les états mentaux de ses pairs, capacité primordiale pour pouvoir s’intégrer dans un groupe qui lui apportera une certaine sécurité affective.

2.2.3. L’étude de Field ( 1984)

Nous avons vu que l’appartenance à un même groupe amical permet de mieux travailler ensemble notamment parce qu’il assure la sécurité nécessaire pour se lancer dans l’apprentissage. Mais que se passe-t-il lorsque l’enfant, qui suit un cheminement scolaire normal, change de groupe institutionnel ?

Field a étudié de jeunes enfants qui s’apprêtaient à passer de l’école maternelle à l’école élémentaire et qui allaient donc être séparés de leur groupe alors qu’ils se connaissaient depuis 3 ou 4 ans.

(13)

Pendant les deux semaines précédant la séparation ceux qui allaient partir ont davantage joué à des jeux d’imagination, ont eu plus de contacts physiques avec leurs pairs ainsi que davantage d’affects ou de propos négatifs. Ils ont aussi subi une augmentation de leur rythme cardiaque, une augmentation des maladies bénignes, une baisse de l’appétit et davantage de troubles du sommeil.

Cela correspond au comportement d’un jeune enfant dont la mère vient d’être hospitalisée pour la naissance d’un autre enfant.

Le changement de groupe est donc assez traumatisant et l’enfant n’est pas disponible aux apprentissages à ces moments là. On peut se demander dans quelle mesure le fait de prévoir et d’informer sur la composition des classes avant les vacances d’été peut aider à diminuer le stress vécu par l’enfant.

2.2.4. Une influence sur le climat scolaire

Une bonne intégration au groupe amical est donc importante pour que l’enfant se sente à l’aise, en confiance, et soit ainsi plus disponible aux apprentissages.

Il est aussi intéressant de noter que le groupe a sa propre hiérarchie, avec des enfants pivots qui jouent un rôle de leader. Or l’imitation joue un rôle très important à l’intérieur du groupe et pour ceux qui voudraient s’intégrer à ce groupe.

La situation est peut être un peu différente avec un groupe-classe, puisque le groupe-classe ne s’est pas coopté et est certainement composé de plusieurs groupes amicaux. Néanmoins, il y a de fait un groupe et les enfants partagent des émotions, se connaissent, font de fait partie du groupe, qu’ils y soient bien intégrés ou non.

L’observation et l’utilisation de sociogrammes par l’enseignant lui permet de saisir l’évolution du réseau social de sa classe au fil de l’année, et d’être conscient des courants qui parcourent la classe.

Etant donné que l’imitation joue un rôle important, repérer l’enfant ou les enfants qui sont bien considérés dans le groupe amical permet d’avoir un effet levier à plus ou moins long terme sur son groupe d’amis. Ils peuvent être spécialement sollicités pour valoriser des normes de non-violence dans la classe.

De même, l’étude du groupe-classe permet de repérer les enfants qui sont rejetés, qui sont susceptibles d’être victimes de harcèlement par exemple.

(14)

3. LA CONSTITUTION D’UN

GROUPE-CLASSE

3.1. L’observation et l’analyse de la situation

3.1.1. Le sociogramme, un outil pour l’analyse

Il s’agit là d’une procédure classique, mise au point par Coie, Dodge et Coppotelli (1982) . On demande à chaque enfant du groupe d’indiquer quels sont les trois qu’il préfère et quels sont les trois qu’il aime le moins. Chaque individu obtient un certain nombre de citations positives et un certains nombre de citations négatives. Cela constitue ses scores d’acceptation et de rejet.

A partir de là on peut distinguer les enfants qui sont

- populaires : ceux qui cumulent un niveau d’acceptation fort et un rejet faible, - rejetés : ceux qui un niveau d’acceptation faible et un niveau de rejet fort,

- controversés : ils ont à la fois un niveau d’acceptation fort et un niveau de rejet fort, - négligés ou ignorés : ils ont un faible niveau d’acceptation et un faible niveau de rejet, - moyens : ils ont des scores moyens en acceptation comme en rejet.

Ces informations obtenues à partir du point de vue des enfants correspondent à l’observation directe des comportements sociaux des élèves entre eux.

Les auteurs ont aussi cherché à savoir si le fait de poser ces questions avait un effet sur les relations entre enfants, notamment pour les enfants qui sont cités comme étant les moins aimés et qui pourraient être stigmatisés mais leurs études ainsi que d’autres recherches menées n’ont pas trouvé d’effet négatif au questionnaire sociométrique.

3.1.2. Le « jeu de classe révisé » selon Masten,

Morison et Pellegrini ( 1985)

L’enseignant peut aussi utiliser le « jeu de classe revisité », mis au point par Masten, Morison et Pellegrini qui permet d’étudier les réputations.

On demande à chaque membre du groupe d’imaginer qu’il met en scène une pièce de théâtre et doit distribuer les rôles. Pour chacun d’eux il cite les membres du groupe qui auraient le plus le profil.

(15)

Il y a une trentaine de rôles répartis entre 3 trois dimensions ( sociable-leader, agressif

perturbateur et hypersensible-isolé), chaque élève obtient trois scores correspondant au

nombre de fois qu’il a été cité pour les rôles d’une dimension.

Ce questionnaire a été affiné par d’autres chercheurs et compte maintenant 37 rôles permettant de distinguer cinq dimensions de réputations : agresseur ; timide-en retrait ;

victime de harcèlement ; populaire-sociable ; prosocial ( qui se soucie du bien-être des

autres).

3.2. L’exemple d’une classe de CE 1

3.2.1. La procédure utilisée

Il s’agit d’une classe de CE1 de 24 élèves où je suis professeur stagiaire, en alternance de 3 semaines avec un autre professeur stagiaire. Je me suis intéressée relativement tard dans l’année aux effets que l’inclusion ou l’exclusion du groupe peut avoir sur les élèves, alors qu’il me semble désormais que c’est une donnée à prendre en compte dès le début de l’année, en particulier au moment de la formation de la classe. Enfin, il s’agit d’un travail sur le long terme et début avril tout est loin d’avoir été mis en place, notamment un projet d’écriture et de mise en scène théâtrale impliquant toute la classe qui donnera lieu à un spectacle fin juin. Ce travail sur un projet permettra peut-être une meilleure cohésion de la classe, et participera à donner des références communes et par là même une identité de groupe commune.

J’ai néanmoins cherché à analyser les relations existantes dans la classe et mené une modeste recherche sociométrique. J’ai demandé par écrit à chaque élève de citer deux personnes à côté desquelles il souhaiterait être placé et une personne à côté de laquelle il ne souhaiterait pas être placé, me basant sur le fait que étant donné leur âge leurs réponses seraient liées à leur envie d’être ensemble et pour pouvoir utiliser le sociogramme développé par Pierre Girardot pour les professeurs intéressés ( http://www.stephanecote.org/2014/09/04/outil-du-sociogramme).

Ce sociogramme permet de voir rapidement et visuellement les relations entre enfants dans la classe et permet au professeur de former des groupes de 2,3,4,6 élèves en fonction ou non de leurs affinités. Il s’agit là bien évidemment d’un outil pour le professeur qui n’a pas vocation à être montré aux élèves. Mais les élèves apprécient que l’on prenne en compte leur avis et répondent bien volontiers.

Le lien vert entre 2 élèves indique qu’il s’agit d’un premier choix, le lien bleu indique qu’il s’agit d’un deuxième choix, et le lien rouge indique que l’élève ne souhaite pas être avec cet

(16)

autre élève. Si le lien est foncé lorsqu’il part d’un élève et plus clair lorsqu’il arrive sur l’élève cible, cela signifie qu’il représente le choix de ce premier élève mais ce n’est pas le choix de l’élève-cible.

Les élèves situés au centre sont les plus populaires, qui cumulent beaucoup de citations et des citations positives, les élèves situés à la périphérie sont les élèves les moins appréciés qui sont moins cités, voire oubliés, ou qui sont cités de façon négative.

3.2.2. Les résultats du premier sociogramme

Les résultats de l’enquête menée auprès des élèves de ma classe m’ont réservé quelques surprises mais sont à compléter par l’observation directe quotidienne et continue que l’enseignant a de sa classe.5

Tout d’abord, et c’est positif, il y a beaucoup de choix réciproques en premier et deuxième choix de placement, cela signifie qu’il y a des relations amicales fortes dans la classe sur lesquelles je peux m’appuyer. Il y a en effet 4 dyades amicales fortes ( premier choix réciproque) et 5 dyades amicales ( deuxième choix réciproque). La personne qui apparait comme étant la plus choisie est Eva. Il me semble qu’elles fait partie de 2 groupes amicaux et qu’elle est recherchée par les deux groupes, ce qui la place à une position clé dans la classe.

Surprise par le lien rouge et réciproque de « non-choix » qui apparaissait entre Colette et César qui me semblaient pourtant très bons amis je leur ai demandé pourquoi. Il s’agissait en fait d’une stratégie de leur part pour être ensemble : même si l’enseignante, retorse, décidait de les placer délibérément à côté de la personne citée comme non-désirée, ils seraient ainsi placés à côté de leur ami(e). Ils sont donc parfaitement amis et capables d’anticiper toutes les ruses imaginables. Et cela indique qu’il faudrait que je refasse assez rapidement ce sociogramme, maintenant qu’ils ont constaté que je respectais leurs choix de placement. Mais sinon il n’y a pas d’hostilité réciproque déclarée dans la classe.

Le placement en périphérie du groupe de certains élèves, Rayan, Valentin et Aurèle est à surveiller. Notamment Aurèle, qui n’a été choisi par personne tandis que Valentin et Rayan ont au moins un(e) ami(e) dans la classe. Aurèle a choisi d’être placé à côté de Robert, qui ne le refuse pas, les placer souvent côte à côte et les faire travailler ensemble pourrait peut-être aider Aurèle à mieux s’insérer.

Enfin j’ai pu constater que si Osena pose beaucoup de problèmes aux adultes de son entourage, ce n’est pas forcément le cas avec les autres enfants. Elle est largement ignorée, ce

(17)

qui m’a beaucoup surprise étant donné son comportement par ailleurs. Ce résultat m’a amené à relativiser l’impact de son comportement sur les autres élèves.

On peut remarquer que si l’on considère les six enfants placés en périphérie ( entre 0 et 1) trois d’entre-eux sont ceux qui ont le plus de difficultés scolaires dans la classe et posent des problèmes de comportement, et l’un de ces six élèves, qui a de bons résultats scolaires, pose des difficultés aux enseignants par son comportement en classe.

Un sociogramme isolé est un indicateur, mais ne saurait être suffisant. Il me semble qu’il serait intéressant d’en faire un au début de chaque période afin de voir s’il y a des constantes et des évolutions. Ce sociogramme a été fait en période 4 pour pouvoir les placer selon leurs souhaits et je souhaite recommencer pour la période 5.

Je n’ai pas pu les placer tout au long de la période en fonction de leurs souhaits puisque mon collègue a préféré faire à sa manière. Je l’ai néanmoins fait lorsque j’étais en responsabilité, et si je n’ai pas vu d’influence sur les résultats, le laps de temps étant trop court, c’est néanmoins la première fois que je n’ai pas eu de plaintes sur le placement, ce qui a contribué à alléger l’ambiance de la classe. Et je continuerai donc en partant d’un nouveau sociogramme, dont l’objectif ( et l’absence de tromperie !) sera de nouveau expliqué aux élèves.

Ce sociogramme peut aussi servir à former des groupes de travail plus ponctuels puisque deux élèves s’entendant bien travaillent de manière plus continue, avec une meilleure concentration et pour de meilleurs résultats.

Si cet outil me paraît intéressant notamment pour faire le point sur les relations à l’intérieur de la classe, il y a aussi des réponses pédagogiques possibles pour favoriser la cohésion du groupe-classe.

3.3. Des propositions pédagogiques

3.3.1. Un travail sur les émotions

Ce travail, qui n’a pas encore été mené dans ma classe, me paraît important pour pouvoir mettre des mots sur des sentiments. Si tous les élèves connaissent les émotions simples, tristesse, colère, joie… il me semble que les émotions plus complexes gagneraient à être explicitées. Que signifie être désabusé, se sentir trahi, la jalousie, l’expectative… ? Le domaine des émotions est riche et son apprentissage s’il commence à la maternelle gagnerait à être davantage mis en avant en élémentaire.

(18)

Mettre des mots sur ce que l’on ressent, ou comprendre ce que ressent l’autre permet le dialogue et évite l’affrontement physique.

Encore faut-il avoir un espace où les élèves puissent parler de façon confiante et régulière. Pour ceci, le conseil de classe institué de façon hebdomadaire, paraît une bonne réponse. Dans un contexte institutionnalisé les enfants peuvent prendre la parole et exposer leurs griefs et leurs envies. Le professeur intervient lorsque les enfants ne sont pas familiers du processus, puis s’efface progressivement pour laisser le groupe-classe se créer et résoudre ensemble par le dialogue ses difficultés.

3.2.2. Une pédagogie de projet

Travailler ensemble pour un objectif commun et qui motive la majeure partie du groupe est certainement aussi un moyen de créer du lien à l’intérieur du groupe-classe.

Notre classe travaille effectivement autour d’un projet commun à tous les CE1, ce qui permet de créer du lien entre les CE1 de l’école. Il s’agit de rédiger une pièce de théâtre, nous sommes chargés du premier acte, de la mettre en scène et de la jouer lors d’un spectacle de fin d’année.

Le théâtre est d’autant plus intéressant qu’il nécessite de la confiance envers ses partenaires et un travail à la fois sur le corps et sur le texte. Il peut donc être l’occasion de jeux collaboratifs où les enfants doivent travailler ensemble pour réussir. Réussir ensemble me paraît un critère important, il me semble que dans le plaisir de la réussite les liens se créent plus aisément. Ce projet théâtre permet aussi de mettre facilement en place le « jeu de classe révisé » cité plus haut qui permet de voir quelles sont les réputations des élèves les uns par rapport aux autres.

Ce projet théâtre, que nous sommes en train de mettre en place, n’a pas été choisi par les élèves mais par l’équipe enseignante. Cependant ce sont les élèves qui, dans les cadres donnés par les enseignants, écrivent les dialogues et prévoient la mise en scène. Cela leur permet de s’approprier le projet.

En sortant du cadre habituel les élèves peuvent faire connaissance différemment. De même, il serait intéressant de monter ce genre de projet dès le début de l’année, avec des jeux coopératifs variant les partenaires pour faire connaissance. Ainsi que de réserver une place régulière au travail de groupe en coopération.

(19)

Enfin, on pense bien sûr à la pratique du sport et à tout ce qu’il permet en terme de découverte de soi même et d’autrui ainsi que du nécessaire respect des règles pour pouvoir jouer ensemble.

CONCLUSION

Faire partie d’un groupe amical répond donc à un besoin vital, nécessaire pour une vie sociale et indispensable dans une collectivité telle l’école élémentaire. Cependant si le groupe permet d’éviter la solitude sociale et les dangers que cela représente, l’ami permet lui d’être assuré dans le groupe et d’éviter la solitude émotionnelle. Le besoin d’amitié est un besoin inné, au même titre que l’attachement entre l’enfant et le parent même si l’intensité et l’intimité ne sont pas les mêmes, l’ami pouvant changer au cours des circonstances et des accidents de la vie.

Une mère d’élève, avisée et légèrement désabusée, me disait que « de toute façon, (son

enfant) vient à l’école pour les copains. » Et il est vrai que, pour l’enfant, l’école est peut-être

d’abord et avant tout un lieu d’apprentissage social et amical. Cependant cet objectif de socialisation s’imbrique et concourt tout à fait avec l’objectif de l’enseignant et de l’institution qui est de développer différents apprentissages dans un cadre bienveillant et apaisé. L’enseignant peut parfaitement s’appuyer et profiter des réseaux amicaux qui parcourent la classe et plus largement l’école pour faciliter l’apprentissage des élèves.

Un élève mal inséré dans un groupe est effectivement un élève qui n’aura pas la capacité, ou qui aura une capacité moindre, à se lancer dans l’exploration de notions nouvelles qui ne sont pas forcément liées à ses préoccupations actuelles. Un élève mis à l’écart va d’abord lutter pour s’insérer dans un groupe et toute son attention et son énergie sont requises pour cette tâche qui, comme nous l’avons vu, est loin d’être aisée.

En essayant de créer un groupe-classe, via l’observation de la situation déjà existante, et un travail sur les émotions, la prise de parole, des projets motivants pour la classe et si possible initiés par la classe ou bien encore par le travail en coopération, l’enseignant s’assure que l’attention des élèves soit disponible à l’enseignement qu’il essaye de faire passer, ses besoins primordiaux d’acceptation dans le groupe étant satisfaits. Sans pour autant s’impliquer dans les conflits entre élèves, normaux au sein d’un groupe et qu’ils doivent

(20)

pouvoir régler seuls, l’enseignant peut être attentif à ce qui se joue dans l’espace de sa classe et de l’école. Être conscient des enjeux et de l’importance du groupe permet d’organiser sa classe de façon différente, propre à chaque enseignant, mais en ayant une idée claire du pourquoi de cette organisation.

(21)

Documents en annexe

Le sociogramme de la classe de CE1 début mars 2017

Lien vert : premier choix de placement Lien bleu : deuxième choix de placement

Lien rouge : ne préfère pas être placé à côté de cet élève.

Lorsque le lien est foncé d’un côté et plus clair de l’autre, cela signifie que le choix n’est pas réciproque. Par exemple Aurèle a choisi en premier choix d’être à côté de Robert, mais Robert a choisi d’être à côté de Joseph, ce qui est aussi le premier choix de Joseph et donc le lien entre eux apparaît en gras.

Sur le modèle en ligne, l’enseignant peut déplacer les prénoms pour une meilleure lisibilité.

(22)

Le sociogramme indiquant uniquement les relations

d’amitiés (début mars)

(23)

Le sociogramme indiquant les inimitiés ( début mars)

(24)

TABLE DES MATIÈRES

1. Le groupe d’enfants...3

1.1. Une habileté sociale précoce ... 3

1.1.1. Du nourrisson à l’enfant... 3

1.1.2. Les habiletés sociales nécessaires pour s’intégrer dans un groupe...4

1.1.3. La théorie de l’attachement selon Bowlby... 5

1.2. Les groupes larges, constitution et façon d’être ... 5

1.2.1. La sympathie ou l’antipathie du groupe... 6

1.2. 2. Le groupe apporte-il toujours un sentiment de sécurité ?... 7

1.2.3. Le groupe et l’amitié...8

2. Les répercussions du groupe et et de l’amitié sur l’apprentissage... 9

2.1. L’amitié, un thème populaire auprès des enfants et présent en E.M.C...9

2.1.1. L’amitié et l’enseignement moral et civique...9

2.1.2. Dans la littérature enfantine...10

2.1.3. Le groupe-classe, un refuge potentiel... 10

2.2. Des effets directs sur l’apprentissage...11

2.2.1. Une communication plus aisée... 11

2.2.2. L’importance des pairs dans la construction d’un raisonnement...11

2.2.3. L’étude de Field (1984)... 12

2.2.4. Une influence sur le climat scolaire... 13

3. La constitution d’un groupe-classe ... 14

3.1. L’observation et l’analyse de la situation...14

3.1.1. Le sociogramme, un outil pour l’analyse...14

3.1.2. Le «jeu de classe révisé» selon Masten, Morison et Pellegrini (1985)...14

3.2. L’exemple d’une classe de CE1... 15

3.2.1. La procédure utilisée... 15

3.2.2. Les résultats du premier sociogramme... 16

3.3. Des propositions pédagogiques... 17

3.3.1. Un travail sur les émotions...17

(25)
(26)

Résumé (français)

Les relations entre enfants sont au coeur de leur vie sociale et affective. Elles correspondent à un besoin primaire et une bonne intégration au groupe permet à l’enfant de se lancer dans des situations nouvelles, et donc d’apprendre. Il s’agit là d’un besoin que l’enseignant doit prendre en compte et sur lequel il peut s’appuyer pour favoriser l’apprentissage. Créer un véritable groupe-classe permet à l’enfant de se concentrer plus facilement sur le contenu de l’enseignement proposé.

Résumé (anglais)

Relationships between children are central for their social and emotional life. They correspond to a primary drive and a good integration within the group allows the child to get involved in new situations and therefore to learn. This is a need that the teacher must take into account and on which he can rely to promote learning. Creating a real group-class allows the child to focus more easily on the content of the proposed instruction.

Bibliographie :

BOWLBY, J. (1958). The nature of the child’s tie to his mother. Intern. J. Psychoanalysis, 39, 350-373. COIE, J.D., DODGE, K.A., & KUPPERSMIDT, J.B. (1990). Peer group behaviour and social status. In S.R. Asher & J. Coie ( Eds.), Peer rejection in childhood ( pp. 17-59). New-York : CUP.

FIELD, T. (1984) Peer separation of children attending new schools. Dev. Psychol., 20, p. 786-792. GEST, S.D., DAVIDSON, A.J., RULISON, K.L., MOODY, J. & WELSH, J.A. (2007). Features of groups and status hierarchies ins gril’s and boy’s early adolescent peer networks. In P.C. Rodkin & L.D. Hanish ( Eds.)

Social network analysis and children’s peer relationships ( pp. 43-60). San Fransisco : Jossey-Bass

HAY, D.F., CAPLAN, M., NASH, A. (2009). The beginnings of peer relations. In K.H. Rubin, W.M. Bukowski, & B. Laursen ( Eds), Handbook of peer interactions, relationships, and groups ( pp. 121-142). New York : Guilford.

MALLET, P. (2015). L’amitié entre enfants ou adolescents, Une force pour grandir. Paris, Armand Colin. MASTEN, A.S., MORISON, P., & PELLEGRINI, D.S. (1985). A revised class play method of peer assessment. Dev. Psychol, 21, 523-533.

PIAGET, J. (1923). Le langage et la pensée chez l’enfant. Paris : Alcan.

WALLON, H. (1985). Les milieux, les groupes et la psychogénèse de l’enfant. Enfance n° spécial Henri

(27)

Références

Documents relatifs

Exercice : accord des participes passés Accorde les participes passés, si c'est nécessaire :.. Les enfants

Les exemples les plus pertinents seront donnés dans ce dossier thématique, parmi lesquels les inhibiteurs de la voie SHH (Sonic Hedgehog) pour les médulloblastomes,

Si, à l’inverse de Winnicott, on faisait le bilan des raisons possibles pour faire un enfant, on citerait : créer un autre soi- même qui perpétuera le nom, la lignée, la famille ;

Leurs poèmes sont pleins de leurs hésitations et de leur amour pour des mots.. Les

C'est une association qui se donne pour mission d'appareiller les handicapés (essentiellement les amputés des membres inférieurs) dans les pays du Tiers monde (en

 Sélection des lieux d’apprentissage les plus fréquentés par les enfants testés à partir de l’enquête ménage.  Questionnaire adressé aux directeurs/responsables des lieux

Ils dépendent de l’angle mais ne lui sont pas égaux : la mesure de l’angle s’exprime avec une unité, mais sinus d'un angle, cosinus d'un angle et tangente d'un angle n’ont

Chez les êtres humains, les rôles et les fonctions des animaux familiers dans les liens d’attachement de la vie quotidienne, la sécurité affective, la libération des émotions et des