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Répercussions des dilemmes éthiques vécus par les infirmières en unité de soins intensifs sur leur identité professionnelle lors de soins de fin de vie

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Academic year: 2021

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(1)

RÉPERCUSSIONS DES DILEMMES ÉTHIQUES VÉCUS

PAR LES INFIRMIÈRES EN UNITÉ DE SOINS INTENSIFS

SUR LEUR IDENTITÉ PROFESSIONNELLE

LORS DE SOINS DE FIN DE VIE

Mémoire

CLAUDINE GENDRON

Maîtrise en relations industrielles

Maître ès arts (M.A.)

QUÉBEC, CANADA

(2)
(3)

iii

Résumé

Cette recherche qualitative porte sur les dilemmes éthiques vécus par des infirmières lorsqu‟elles doivent prodiguer des soins de fin de vie. Nous cherchons à comprendre si les dilemmes éthiques ont des répercussions sur leur identité professionnelle et si la culture organisationnelle tient un rôle dans ces répercussions. Notre cadre théorique repose sur le modèle de l‟expérience identitaire d‟Osty et al. (2007). La méthodologie émane d‟une approche socioconstructiviste. Des entrevues ont été menées auprès d‟infirmières, et les données recueillies ont été traitées à l‟aide du logiciel ALCESTE. De plus, nous avons réalisé des entrevues auprès de gestionnaires qui travaillent avec les infirmières visées par cette recherche pour le volet portant sur la culture organisationnelle. Les résultats démontrent qu‟elles vivent effectivement des dilemmes éthiques, qu‟il y a des répercussions sur leur identité professionnelle et que la culture organisationnelle joue un rôle dans ces répercussions. Enfin, l‟advocacy semble faire partie de l‟interrelation.

Mots clés : dilemme éthique; ALCESTE; infirmière; soins de fin de vie; culture organisationnelle; identité professionnelle

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(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xi

Liste des graphiques ... xi

Liste des abréviations ... xiii

Remerciements ... xvii

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 5

1 – La problématique ... 6

1.1 – Les soins de fin de vie ... 9

1.1.1 – Les soins de fin de vie au Québec ... 9

1.1.1.1 – La position du Barreau du Québec à l‟égard des soins de fin de vie ... 11

1.1.1.2 – La position de l‟Association québécoise d‟établissements de santé et de services sociaux à l‟égard des soins de fin de vie ... 13

1.1.1.3 – La position de l‟Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à l‟égard des soins de fin de vie... 15 1.1.1.4 – Le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité17

(6)

1.1.1.5 – Le rapport du Comité de la mise en œuvre des recommandations de la

Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité ... 20

1.2 – L‟éthique ... 21

1.2.1 – L‟éthique : sa définition et son évolution ... 22

1.2.2 – L‟éthique en soins infirmiers ... 28

1.3 – La problématique spécifique ... 35

1.3.1 – La question de recherche ... 36

Chapitre 2 ... 37

2 – La recension des écrits ... 38

2.1 – Les dilemmes éthiques ... 39

2.1.1 – Les soins futiles et l‟acharnement thérapeutique ... 42

2.1.2 – L‟euthanasie et le suicide assisté occasionnant des dilemmes éthiques pour les infirmières ... 46

2.1.3 – Le respect des souhaits de fin de vie occasionnant des dilemmes éthiques pour les infirmières ... 48

2.1.4 – Les autres problématiques liées aux soins de fin de vie ou survenant en fin de vie et occasionnant des dilemmes éthiques pour les infirmières ... 50

2.1.4.1 – L‟avancement technologique... 50

2.1.4.2 – L‟environnement de travail, les indicateurs de performance sur la fin de vie en unité de soins intensifs et les protocoles de soins de fin de vie ... 53

2.2 – L‟identité de l‟infirmière et l‟éthique en soins infirmiers ... 56

2.3 – La culture organisationnelle et l‟éthique ... 59

(7)

vii

Chapitre 3 ... 65

3 – Le cadre théorique ... 66

3.1 – L‟identité professionnelle ... 66

3.1.1 – L‟expérience identitaire au travail selon Osty et ses collaborateurs ... 73

3.1.1.1 – Le monde social ... 73

3.1.1.2 – L‟expérience identitaire au travail ... 75

3.2 – L‟application du cadre théorique de l‟expérience identitaire au travail : l‟ajout à la typologie de Sainsaulieu par les travaux d‟Osty et ses collaborateurs ... 76

3.2.1 – La typologie d‟Osty et ses collaborateurs ... 78

3.2.1.1 – L‟identité réglementaire ... 78

3.2.1.2 – L‟identité communautaire ... 80

3.2.1.3 – L‟identité professionnelle de service public ... 81

3.2.1.4 – L‟identité de métier ... 82

3.2.1.5 – L‟identité mobile ... 83

3.2.1.6 – L‟identité entrepreneuriale ... 84

3.2.2 – La pertinence de notre cadre théorique ... 85

Chapitre 4 ... 87

4 – La méthodologie ... 88

4.1 – Les fondements méthodologiques ... 88

4.1.2 – Les fondements constructiviste, socioconstructiviste et constructionniste social .... 91

4.1.2.1 – Le fondement constructiviste ... 92

4.1.2.2 – Le fondement socioconstructiviste ... 93

4.1.2.3 – Le fondement constructionniste social ... 96

4.1.2.4 – Le choix du fondement socioconstructiviste ... 97

(8)

4.2.1 – La recherche qualitative ... 98

4.2.1.1 – La technique de cueillette des données : l‟entrevue semi-dirigée ... 98

4.2.1.2 – Le traitement : l‟analyse de contenu ... 99

4.2.2 – Les guides d‟entrevues : les dilemmes éthiques et la culture organisationnelle ... 100

4.2.2.1 – Le guide d‟entrevue : les dilemmes éthiques ... 100

4.2.2.2 – Le guide d‟observation et d‟entrevue : la culture organisationnelle ... 102

4.2.3 – Les données descriptives : les établissements et les participants ... 105

4.2.3.1 – L‟échantillon des établissements ... 105

4.2.3.2 – Les participants ... 107

4.2.4 – Le traitement des données ... 109

4.2.4.1 – La méthode ALCESTE... 110

4.2.4.2 – La grille d‟observation et le guide d‟entrevue ... 113

4.3 – Les limites ... 114

Chapitre 5 ... 119

5 – L‟analyse et le traitement des données ... 120

5.1 – L‟analyse des dilemmes éthiques ... 120

5.1.1 – L‟arbre de la classification descendante hiérarchique ... 120

5.1.1.1 – La signification de l‟arbre de la classification : six classes de représentations120 5.1.1.2 – Le poids des classes ... 121

5.1.2 – La classification descendante hiérarchique ... 122

5.1.2.1 – La présentation des classes et leur discours significatif ... 125

5.1.3 – L‟analyse factorielle des correspondances : mots des classes et variables démographiques ... 137

5.1.3.1 – L‟analyse factorielle des correspondances des mots des classes ... 138

(9)

ix 5.1.4 – L‟interprétation des résultats : les sources et les répercussions des dilemmes

éthiques sur l‟identité professionnelle ... 148

5.2 – L‟analyse de la culture organisationnelle ... 157

5.2.1 – L‟analyse de la culture organisationnelle de l‟établissement R ... 158

5.2.1.1 – Le niveau 1 : les artéfacts selon les entrevues réalisées avec les gestionnaires de l‟établissement R ... 158

5.2.1.2 – Le niveau 2 : les valeurs ... 172

5.2.1.3 – Le niveau mitoyen : entre les valeurs et les hypothèses de base ... 178

5.3 – L‟analyse de la culture organisationnelle en lien avec les répercussions des dilemmes éthiques sur l‟identité professionnelle à l‟établissement R ... 186

5.3.1 – Les procédures concernant la fin de vie au sein de l‟unité de soins intensifs ... 186

5.3.2 – Les valeurs véhiculées et transmises au sein de l‟unité de soins intensifs ... 188

5.3.3 – Les conflits ... 191 Chapitre 6 ... 197 6 – La discussion et la conclusion ... 198 6.1 – La discussion ... 198 6.2 – La conclusion ... 200 Références ... 205 Annexes ... 221

Annexe I : Les termes des thesaurus pour les bases de données en ressources humaines, en philosophie et en sciences infirmières ... 222

(10)

Annexe III : L‟analyse factorielle des identités au travail et le tableau des variables selon

Osty et ses collaborateurs ... 230

Annexe IV : Le guide d‟entrevue validé de Langlois, versions française et anglaise ... 232

Annexe V : Le guide d‟entretien et d‟analyse de Claire Lapointe ... 236

Annexe VI : La grille d‟observation et le résultat ... 246

Annexe VII : La grille d‟analyse finale et le guide d‟entrevue de la culture organisationnelle ... 248

Annexe VIII : La fiche signalétique pour les infirmières ... 252

Annexe IX : La fiche signalétique pour les gestionnaires ... 255

Annexe X : La grille d‟analyse de l‟identité professionnelle en présence de dilemmes éthiques selon Osty et ses collaborateurs et selon Schein ... 257

Annexe XI : L‟identification des dilemmes éthiques des infirmières de l‟établissement R ... 258

(11)

xi

Liste des tableaux

Tableau 1 : Les définitions des termes associés aux soins de fin de vie de la Commission

spéciale ... 9

Tableau 2 : Les caractéristiques des établissements du projet SATIN ... 107

Tableau 3 : Les variables descriptives des infirmières des cinq établissements ... 108

Tableau 4 : Les variables descriptives des infirmières de l‟établissement R ... 108

Tableau 5 : Les variables descriptives des gestionnaires de l‟établissement R ... 109

Tableau 6 : La classification descendante hiérarchique ... 123

Liste des figures

Figure 1 : La position des six typologies d‟Osty et ses collaborateurs ... 77

Figure 2 : Le modèle d‟analyse globale ... 86

Figure 3 : L‟arbre de la classification descendante hiérarchique ... 121

Figure 4 : Le plan cartésien des mots des classes ... 139

Figure 5 : Le plan cartésien des variables démographiques et du positionnement des classes ... 145

Figure 6 : La représentation des interrelations ... 199

Liste des graphiques

Graphique 1 : Le poids des classes par unité de contexte élémentaire ... 122

(12)
(13)

xiii

Liste des abréviations

AIIC : Association des infirmières et infirmiers du Canada AIC : Assistante infirmière-chef

ASI : Assistante du supérieur immédiat ANA: American Nurses Association

AACN: American Association of Critical-Care Nurses

AQESSS : Association québécoise d‟établissements de santé et de services sociaux CEPI : Candidate à l‟exercice de la profession d‟infirmière

Khi2 ou χ² : Khi carré

MSSS : Ministère de la Santé et des Services sociaux OIIQ : Ordre des infirmières et infirmiers du Québec PAB : Préposé aux bénéficiaires

PTI : Plan thérapeutique infirmier (ou plan de travail infirmier) UCE : Unité de contexte élémentaire

(14)
(15)

xv

À mon père

« L'homme est emprisonné par sa conscience. »

(16)
(17)

xvii

Remerciements

Premièrement, je tiens à remercier madame Lyse Langlois, professeure-chercheuse au Département des relations industrielles de l‟Université Laval, qui m‟a invitée à me joindre à l‟équipe de recherche du projet SATIN à titre d‟assistante de recherche et qui m‟a donné l‟occasion d‟entreprendre un projet de mémoire motivant ayant une problématique complexe, intéressante et d‟actualité. Madame Langlois a agi à titre de directrice de mon projet de mémoire, et je lui suis reconnaissante de son appui et de ses conseils judicieux.

J‟aimerais également témoigner ma gratitude à l‟équipe du projet SATIN – Vers l‟amélioration des services et des soins de fin de vie : mieux comprendre l‟impact du milieu de travail sur la satisfaction et le bien-être des infirmières, sous la supervision de madame Lise Fillion, professeure-chercheuse à la Faculté des sciences infirmières de l‟Université Laval, pour m‟avoir permis d‟agir à titre d‟assistante de recherche.

En outre, grâce à l‟équipe, et plus particulièrement à madame Langlois, responsable du volet portant sur les dilemmes éthiques, j‟ai été en mesure de tirer profit des transcriptions mot pour mot des entretiens en lien avec les dilemmes éthiques vécus par les infirmières. J‟adresse un merci particulier à madame Clémence Dallaire, professeure-chercheuse à la Faculté des sciences infirmières de l‟Université Laval, pour m‟avoir facilité l‟accès au comité d‟éthique de l‟établissement visé par mon mémoire. Je tiens aussi à remercier madame Marie-Anik Robitaille, coordonnatrice de recherche du projet SATIN.

De plus, je souhaite exprimer toute ma reconnaissance aux personnes dont j‟ai sollicité l‟aide pour obtenir des précisions, notamment à monsieur Jean-Jacques Georges pour ses judicieux conseils concernant la recherche de la littérature scientifique en sciences infirmières, ainsi qu‟à tous les gestionnaires qui m‟ont consacré du temps pour réaliser des

(18)

entrevues dans le cadre du volet portant sur la culture organisationnelle, et ce, tant pour la partie prétest que pour la partie test du mémoire.

Finalement, j‟aimerais remercier mon père, mon frère Marc, ma tante Christianne, ma famille et mes amis pour leur patience et pour leur soutien inconditionnel durant mon cheminement académique et personnel. Plus particulièrement, j‟exprime toute ma gratitude à mon père qui a toujours été là et qui m‟a épaulée dans ce cheminement plutôt inattendu.

(19)

1

Introduction

Ce projet de mémoire s‟insère dans le cadre d‟un projet plus vaste portant sur « l‟amélioration des services et des soins de fin de vie : mieux comprendre l‟impact du milieu de travail sur la satisfaction et le bien-être des infirmières (projet SATIN) » sous la direction de madame Lise Fillion. Un volet de ce projet de recherche porte sur la présence ou l‟absence de dilemmes éthiques chez le personnel infirmier. Ce volet est sous la responsabilité de madame Lyse Langlois, qui agit à titre de directrice de ce mémoire.

Depuis plusieurs années, nous entendons parler de la pénurie de main-d‟œuvre dans le secteur de la santé. Certaines recherches démontrent que cette pénurie est multifactorielle et qu‟elle est notamment causée par des départs à la retraite prématurés, par l‟abandon volontaire de la profession ainsi que par le manque de ressources pour assurer la relève (Estryn-Behar et al., 2010). Par ailleurs, au Québec, la population est vieillissante, ce qui soulève des questions quant aux soins de fin de vie. Ce questionnement a fait l‟objet d‟une commission désignée sous le nom de Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité.

Le chapitre 1 présente notre problématique portant sur les dilemmes éthiques vécus par les infirmières et qui sont liés aux soins de fin de vie. Nous présentons l‟état de la situation des soins de fin de vie au Québec. Nous abordons notamment les termes associés aux soins de fin de vie ainsi que l‟évolution de l‟éthique et de son importance en soins infirmiers. Ce chapitre comprend nos questions initiales quant aux soins de fin de vie ainsi que notre question de recherche concernant les répercussions des dilemmes éthiques vécus par des infirmières en unité de soins intensifs sur leur identité professionnelle lors de soins de fin de vie.

(20)

Le chapitre 2 recense la littérature en lien avec notre question de recherche. Nous y abordons les thèmes liés à l‟éthique, les dilemmes éthiques, l‟identité professionnelle ainsi que la culture organisationnelle par rapport à l‟éthique. Nous remarquons qu‟il semble y avoir un vide au sein de la littérature quant à notre sujet de recherche, ce qui nous laisse croire en sa pertinence du point de vue scientifique et nous incite à poursuivre sur cette voie.

Le chapitre 3 aborde notre cadre théorique basé sur les travaux de Florence Osty, Renaud Sainsaulieu et Marc Uhalde (2007). Ce cadre nous offre une belle intégration des questionnements de recherche que nous avions lorsque nous avons commencé ce projet. Il nous permet notamment de comprendre comment les identités des infirmières en unité de soins intensifs se construisent et évoluent au fil de leurs expériences de travail, donc lorsqu‟elles administrent des soins de fin de vie et qu‟elles vivent leurs dilemmes éthiques.

Le chapitre 4 porte sur la méthodologie et le traitement de nos données. Notre recherche s‟inscrit dans le courant socioconstructiviste. Pour les données démographiques, nous avons travaillé avec deux échantillons, le premier étant composé de 28 infirmières et le second comptant 5 gestionnaires. Pour le volet concernant l‟analyse des dilemmes éthiques vécus par les infirmières, les 28 travailleuses de la santé interrogées provenaient de 5 établissements de santé québécois. La cueillette des données pour les infirmières a été effectuée à l‟aide d‟un guide d‟entrevue validé. Le verbatim des entrevues a été soumis à un logiciel d‟analyse de données nommé ALCESTE. Pour le volet concernant la culture organisationnelle, nos cinq gestionnaires provenaient d‟un seul établissement et ils ont répondu à une grille d‟entrevue semi-dirigée que nous avons conçue afin d‟analyser la culture organisationnelle. Bref, dans ce chapitre, nous proposons deux méthodes d‟analyse qualitative et nous abordons les limites de notre recherche.

(21)

3 Le chapitre 5 expose nos résultats en trois volets. Le premier volet présente l‟analyse en profondeur, à l‟aide du logiciel ALCESTE, des dilemmes éthiques vécus par les infirmières ainsi que notre interprétation de cette analyse, soit les répercussions des dilemmes éthiques sur l‟identité professionnelle des infirmières. Le second volet comprend l‟analyse en profondeur des entrevues semi-dirigées réalisées auprès des gestionnaires et qui sont en lien avec la culture organisationnelle, ainsi que notre interprétation de ces données. Le troisième volet constitue notre analyse et notre interprétation des répercussions des dilemmes éthiques sur l‟identité professionnelle des infirmières et le rôle de la culture organisationnelle dans ces répercussions.

Enfin, le chapitre 6 est consacré à notre discussion. Il démontre les interrelations existantes entre les dilemmes éthiques, l‟identité professionnelle des infirmières et la culture organisationnelle. Ce chapitre se termine par notre conclusion et nos recommandations.

(22)
(23)

5

Chapitre 1

(24)

1 – La problématique

Pourquoi est-il important d‟étudier les dilemmes éthiques vécus par les infirmières1 travaillant dans les unités de soins intensifs et d‟y voir de possibles répercussions sur leur identité professionnelle? La réponse à cette question concerne le bien-être des travailleurs de la santé. Outre les répercussions sur leur identité professionnelle, d‟autres conséquences peuvent également se faire sentir. Ces effets peuvent notamment être de nature psychologique, physique ou démographique en raison de la perte de main-d‟œuvre qualifiée, car les infirmières peuvent quitter la profession (Estryn-Behar et al., 2010; Meltzer et Huckabay, 2004; Schulter et al., 2008). De plus, les statistiques dressent un portrait inquiétant de cette catégorie professionnelle. La démographie infirmière au Québec, selon le nombre d‟infirmières inscrites à l‟Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ2), se présente comme suit :

[…] la pyramide des âges de l‟effectif infirmier du Québec s‟est quelque peu aplanie depuis 2004-2005. En effet, alors que les quatre classes d‟âge du milieu s‟amenuisent de 35 à 54 ans, on observe une augmentation importante du côté des jeunes infirmières de 25 à 34 ans. Ce rajeunissement de l‟effectif infirmier est attribuable au nombre élevé de nouveaux permis délivrés depuis 2003, soit autour de 2 800 annuellement. Toutefois, une diminution d‟environ 9 % du nombre de nouveaux permis en 2008 ralentit l‟entrée de jeunes infirmières, telle qu‟en fait foi la diminution observée chez les 24 ans ou moins. Quant à l‟autre côté de la pyramide, les rangs des infirmières de 55 ans et plus augmentent au fur et à mesure que les infirmières de 50 à 54 ans, qui étaient et demeurent toujours les plus nombreuses, atteignent 55 ans. La croissance des trois classes d‟infirmières plus âgées dépendra du rythme et de l‟âge auxquels les infirmières prendront leur retraite (OIIQ, 2009 : 37).

1. Afin d‟alléger le texte, le terme « infirmière » inclut le féminin et le masculin.

2. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « OIIQ » sera utilisé afin de citer l‟Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

(25)

7 Selon un rapport de l‟Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC3) publié en 2009, la situation concernant la pénurie de main-d'œuvre infirmière est alarmante. En effet, en 2007, il y avait 217 000 infirmières autorisées, ce qui représentait un manque à gagner de 11 000 infirmières à temps plein. Selon l‟AIIC, d‟ici 2022, le manque d‟infirmières autorisées se chiffrera à 60 000 infirmières à temps plein.

La situation au Québec n‟est pas plus reluisante. Selon l‟OIIQ, 70 587 infirmières étaient membres de l‟OIIQ en 2008-2009, ce qui correspond à une croissance de 0,6 % par rapport à l‟année 2007-2008. Cette croissance est inférieure au taux de 1,5 % des années 2002-2003 à 2006-2007. L‟OIIQ attribue ce ralentissement aux abandons de la profession ainsi qu‟au manque de nouvelles infirmières. Au Québec, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS4) prévoit des déficits dans sa planification de l‟effectif infirmier. Le déficit anticipé est de 4,8 %, ce qui équivaut à un total de 3 285 infirmières manquantes au sein du réseau québécois de la santé pour la période 2009-2010. Selon les projections pour les années 2014-2015, il y aurait une pénurie de 7 822 infirmières actives, soit un déficit estimé à 10,8 % (MSSS, 2010).

Les connaissances des infirmières, leurs habiletés techniques et leurs qualités humaines sont essentielles au bon fonctionnement des organisations de la santé au Québec. Cependant, malgré leur importance, les infirmières vivent des difficultés qui se traduisent par le départ de plusieurs infirmières de la profession après quelques années de pratique professionnelle, ce qui entraîne des répercussions importantes sur le système de santé (Estryn-Behar et al., 2010; Hayes et al., 2006; Kash et al., 2006). Plus spécifiquement, au Québec, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ5), à la suite d‟un

3. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « AIIC » sera utilisé afin de citer l‟Association des infirmières et infirmiers du Canada.

4. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « MSSS » sera utilisé afin de citer le ministère de la Santé et des Services sociaux.

5. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « FIQ » sera utilisé afin de citer la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec.

(26)

sondage mené auprès de ses membres6 lors des négociations de renouvellement de la convention collective nationale en 2010, dévoile que :

 63 % de ses membres craignent l‟épuisement professionnel (burn-out);  39 % des infirmières affirment qu‟elles iraient au privé;

 27 % envisagent de quitter la profession en réponse à la question « Si les négociations actuelles ne permettent pas de régler l‟aménagement du temps de travail, quelles seraient les conséquences pour vous personnellement? »

La situation actuelle au Québec est urgente, et nous devons comprendre et agir rapidement afin de freiner cette diminution d‟effectif qui est souvent liée aux problématiques vécues par les infirmières. Dès lors, nous allons nous intéresser plus spécifiquement aux dilemmes éthiques vécus par les infirmières en unité de soins intensifs et aux répercussions potentielles de ces dilemmes sur leur identité professionnelle. Notre intérêt s‟attache plus particulièrement au domaine de l‟éthique, qui contribuera à éclairer certaines problématiques lorsque ces professionnelles doivent prodiguer des soins de fin de vie.

Ce mémoire poursuit les objectifs suivants :

1. Vérifier si les infirmières en unité de soins intensifs vivent des dilemmes éthiques lorsqu‟elles doivent prodiguer des soins de fin de vie.

2. Décrire et analyser ces dilemmes éthiques lorsqu‟ils sont mentionnés, et expliquer leurs répercussions potentielles sur l‟identité professionnelle des infirmières.

6. Le sondage téléphonique de Léger Marketing a été conduit du 25 au 27 août 2010 auprès de 501 membres de la FIQ choisis au hasard. Les résultats du sondage comportent une marge d‟erreur de plus ou moins 4,4 %, et ce, 19 fois sur 20. [http://lcn.canoe.ca/lcn/infos/national/archives/2010/09/20100920-215855.html] (21 septembre 2010).

(27)

9

1.1 – Les soins de fin de vie

Que savons-nous des soins de fin de vie? La plupart des individus n‟exerçant pas une profession dans le secteur de la santé n‟en savent presque rien. Or, dans le cadre de cette recherche, il est important de comprendre la notion de soins de fin de vie. Nous allons donc décrire cette notion ainsi que la situation qui prévaut au Québec, car cette dernière soulève beaucoup de passion. Par la suite, nous allons poursuivre notre réflexion en nous penchant sur la notion de l‟éthique, et ce, plus particulièrement au Québec, ainsi que sur son application en soins infirmiers.

1.1.1 – Les soins de fin de vie au Québec

Depuis quelques années au Québec, un débat a cours quant à la façon de traiter les patients en situation de soins de fin de vie. L‟État a choisi de rendre ce débat accessible à la société par l‟entremise de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Au moment où siégeait cette Commission spéciale, de nombreux spécialistes et regroupements de citoyens ont déposé des mémoires afin de s‟exprimer sur la question. La Commission spéciale a défini certains termes associés aux soins de fin de vie, et nous croyons important de les indiquer ici. Ainsi, les termes et les définitions du tableau 1 sont tirés du travail de la Commission spéciale (Commission, 2012 : 17-18).

Tableau 1 : Les définitions des termes associés aux soins de fin de vie de la Commission spéciale

Termes Définitions

Acharnement thérapeutique Recours à des traitements intensifs dans le but de prolonger la vie d‟une personne malade au stade terminal, sans espoir réel d‟améliorer son état.

(28)

Termes Définitions

Aptitude à consentir aux soins Capacité de la personne à comprendre la nature de la maladie pour laquelle un traitement lui est proposé, la nature et le but du traitement, les risques et les avantages de celui-ci, qu‟elle le reçoive ou non.

Arrêt de traitements Fait de cesser des traitements susceptibles de maintenir la vie.

Directives médicales anticipées* Instructions, par écrit ou autrement, que donne une personne apte quant aux décisions à prendre en matière de soins dans l‟éventualité où elle ne serait plus en mesure de les prendre elle-même.

Euthanasie Acte qui consiste à provoquer

intentionnellement la mort d‟une personne à sa demande pour mettre fin à ses souffrances.

Refus de traitement Fait, pour une personne, de refuser des traitements susceptibles de la maintenir en vie.

Suicide assisté Fait d‟aider quelqu‟un à se donner

volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l‟information sur la façon de procéder, ou les deux.

Soins palliatifs Ensemble de soins actifs et globaux dispensés aux personnes atteintes d‟une maladie avec pronostic réservé. L‟atténuation de la douleur, des autres symptômes et de tout problème psychologique, social et spirituel devient essentielle au cours de cette période de vie. L‟objectif des soins palliatifs est d‟obtenir, pour les usagers et leurs proches, la meilleure qualité de vie possible. Les soins palliatifs sont organisés et dispensés grâce aux efforts de collaboration d‟une équipe multidisciplinaire incluant l‟usager et les proches.

Sédation palliative A. Continue :

Administration d‟une médication à une personne, de façon continue, dans le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente jusqu‟à son décès.

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11

Termes Définitions

B. Intermittente :

Administration d‟une médication à une personne, avec alternance de période d‟éveil et de sommeil, dans le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente.

*Ce terme a des synonymes, notamment : testament de vie, testament de fin de vie, testament biologique, directives de fin de vie, directives préalables et directives anticipées. Source : Commission spéciale (Commission, 2012 : 17-18).

Enfin, nous allons nous intéresser à la position de trois organisations relativement aux soins de fin de vie et à la question de mourir avec dignité. Nous allons examiner la position du Barreau du Québec afin de connaître les dispositions législatives dans lesquelles les infirmières évoluent lorsqu‟elles sont en situation de soins de fin de vie. Nous nous intéresserons ensuite à la position de l‟Association québécoise d‟établissements de santé et de services sociaux (AQESSS7), soit les organisations pour lesquelles les infirmières travaillent. Enfin, nous présenterons la position de l‟OIIQ, qui est l‟ordre professionnel auquel les infirmières doivent adhérer afin de pratiquer leur profession. Nous allons aussi faire état des constats de la Commission spéciale à l‟aide de son rapport publié en mars 2012 et nous allons également aborder celui du Comité de la mise en œuvre des recommandations de la Commission spéciale, dont le rapport a été publié en janvier 2013.

1.1.1.1 – La position du Barreau du Québec à l’égard des soins de fin de

vie

Le Barreau du Québec constate que l‟avancement technologique et scientifique de la médecine permet de repousser le moment naturel de la mort, que les lois ne sont pas adaptées à cette nouvelle réalité et que la majorité des individus (patients et intervenants en santé) ne connaissent pas leurs droits et leurs obligations concernant la fin de vie. Selon le

7. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « AQESSS » sera utilisé afin de citer l‟Association québécoise d‟établissements de santé et de services sociaux.

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Barreau, il existe des droits encadrant cette dernière étape de la vie, et il est important de protéger les droits de fin de vie de la personne majeure et apte à prendre ses propres décisions, notamment celui « d‟être informée de sa condition et de ses options, de décider des traitements de fin de vie qu‟elle veut ou non recevoir, des conséquences, de choisir le lieu de sa fin de vie, d‟avoir accès aux soins requis pour son état et de voir ses volontés respectées » (Barreau du Québec, 2010 : 3). Mourir dans la dignité, selon le Barreau, commence par une réappropriation de sa mort par l‟individu en fin de vie. Ainsi, la personne est en mesure de devancer ou de repousser le moment de sa mort, ou d‟opter pour un processus naturel dans les limites médicales et juridiques. Ainsi, le progrès technologique permet de mourir paisiblement pour certains, mais dans la détresse et la souffrance pour d‟autres :

À l‟heure actuelle […], on meurt, la plupart du temps, intubé, gavé, perfusé, anesthésié, dans l‟arrangement d‟une chambre d‟hôpital, dans la solitude et loin de tout ce qui faisait la vie. […] l‟individu a été exproprié de sa mort par la science médicale. […] avec le progrès de la médecine, le moment de la mort, de naturel qu‟il était, fait de plus en plus l‟objet de décisions humaines (Barreau du Québec, 2010 : 5-6).

En ce qui a trait aux lois, trois composantes influent sur les choix à faire en fin de vie, soit « les règles du droit criminel, l‟impact des chartes dans le développement des droits de la personne en fin de vie et l‟évolution juridique de la notion du caractère sacré de la vie, particulièrement en ce qui concerne le droit à l‟autodétermination de la personne » (Barreau du Québec, 2010 : 6). Le droit criminel est de compétence fédérale, mais l‟application du Code criminel relève du palier provincial. Enfin, il est bon de savoir que la règle de base en droit criminel est l‟obligation pour la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable qu‟il y a eu crime.

À l‟examen de la jurisprudence existante et des documents de la Commission de réforme du droit au Canada, le Barreau du Québec a constaté que l‟article 14 concernant le

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13 traitement médical avait été adopté en 1892. Or, les décisions prises depuis cette adoption, l‟évolution des technologies ainsi que les mœurs qui ne sont plus les mêmes ont pour effet de rendre encore plus confuse l‟application des dispositions du Code. Les chartes permettent des droits et des libertés ainsi que le respect et la dignité de la personne et, conséquemment, elles permettent que la personne agisse selon son autodétermination et le droit de disposer de son corps et de sa vie selon ses valeurs (Barreau du Québec, 2010 : 9). Enfin, « le caractère sacré de la vie, qui a toujours été la base de l‟interdiction de l‟euthanasie ou de l‟aide au suicide, est un concept dont la portée a évolué en ce qui a trait à l‟expansion du droit à l‟autodétermination des personnes » (Barreau du Québec, 2010 : 9).

La position du Barreau du Québec concernant la personne majeure apte ou inapte, mais ayant exprimé sa volonté en lien avec les soins de fin de vie alors qu‟elle était apte, est favorable à l‟assistance médicale afin de mettre fin à sa vie, dans des circonstances bien encadrées, pour des situations exceptionnelles8. L‟objectif n‟est pas de décriminaliser

l‟euthanasie ou l‟aide au suicide, mais d‟assouplir l‟application dans un contexte de soins de fin de vie afin que l‟autodétermination de la personne mourante puisse être respectée et pour lui offrir de l‟assistance médicale au moment de sa mort. Le Barreau du Québec recommande que le procureur général puisse donner des directives claires lors de situations exceptionnelles afin que le médecin en relation avec le patient ne puisse pas être poursuivi lorsqu‟il a respecté la décision de son client. Cela s‟applique également à l‟infirmière qui procède au traitement de fin de vie prescrit par le médecin (Barreau du Québec, 2010 : 12-19).

1.1.1.2 – La position de l’Association québécoise d’établissements de santé

et de services sociaux à l’égard des soins de fin de vie

L‟AQESSS est le regroupement représentant les gestionnaires des établissements de santé au Québec, soit les centres hospitaliers, les centres d‟hébergement et de soins de longue

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durée (CHSLD9) ainsi que les centres de santé et de services sociaux (CSSS10). Selon l‟AQESSS, le contexte d‟arrêt des soins curatifs pour passer à des soins de fin de vie peut engendrer une difficulté morale à l‟égard de la vie, de l‟autodétermination, de la fin de vie, de la souffrance en fin de vie ainsi que des demandes d‟abréger la souffrance en fin de vie. Le contexte démographique démontre qu‟au Québec, la population est vieillissante11 et que les établissements doivent être en mesure d‟offrir des services de fin de vie adéquats pour cette population et pour les individus atteints de maladies terminales.

L‟AQESSS précise que depuis 1994, l‟article 10 du Code civil du Québec réaffirme l‟importance du principe de l‟autonomie et de l‟inviolabilité de la personne par le consentement libre et éclairé. « Ces dispositions ont contribué à diminuer significativement les situations qualifiées d‟acharnement thérapeutique. Aujourd‟hui, la décision d‟entreprendre ou de poursuivre ou non des soins ou un traitement doit résulter d‟un échange, d‟une communication avec le patient et, le cas échéant, avec ses proches et le corps médical » (AQESSS, 2010 : 3). Or, selon les membres de l‟AQESSS, les choix ne sont pas toujours respectés, et il est important de faire connaître ces choix lorsque les individus sont aptes à les exprimer. Deux moyens sont possibles pour y arriver : le mandat

9. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « CHSLD » sera utilisé afin de citer les centres d‟hébergement en soins de longue durée.

10. Afin d‟alléger le texte, l‟acronyme « CSSS » sera utilisé afin de citer les centres de santé et de services sociaux.

11. Selon l‟Institut de la statistique du Québec, si les tendances récentes se maintiennent, le Québec ne connaîtrait pas de déclin de sa population d‟ici 2056. Une situation démographique moins favorable, correspondant au scénario faible, se traduirait par contre par une croissance démographique qui plafonnerait en 2029 à près de 8,3 millions d‟individus, suivie d‟un déclin qui ramènerait la population du Québec à 7,7 millions en 2056, soit le niveau de 2008. Une situation de très forte croissance démographique porterait quant à elle la population du Québec à près de 11 millions d‟habitants en 2056. Selon le scénario de référence, qui regroupe les hypothèses les plus plausibles, les situations suivantes sont attendues : 1- L‟accroissement naturel du Québec restera positif jusqu‟en 2029. Par la suite, le nombre de décès surpassera le nombre de naissances. La migration internationale assurera alors à elle seule la croissance démographique du Québec. 2- La population du Québec compterait, en 2056, 1,6 million de personnes de plus qu‟en 2006, alors que l‟effectif des personnes de 65 ans et plus aura augmenté à lui seul de 1,5 million. Les aînés verraient ainsi leur poids démographique passer de 14 % en 2006 à 28 % en 2056. 3- Le nombre de personnes de 65 ans et plus devrait surpasser celui des jeunes de moins de 20 ans en 2022. 4- Le Québec pourrait compter 19 000 centenaires en 2056, comparativement à un peu plus de 1 000 en 2006. 5- Le Québec devrait compter, en 2056, un million de ménages privés de plus qu‟en 2006, pour un total de 4,26 millions. [http://www.stat.gouv.qc.ca/salle-presse/communiq/2009/juillet/juillet0915.htm] (18 octobre 2011).

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15 en cas d‟inaptitude, qui doit être homologué afin de prendre effet, et le testament de vie. L‟AQESSS soutient davantage le testament de vie, qui est rédigé par la personne apte et qui émet des directives concernant ses choix de soins de fin de vie, notamment lorsqu‟elle vieillit ou lorsqu‟elle est toujours apte à prendre ses propres décisions. Certains établissements ont également conçu des documents afin de connaître le niveau de soins que la personne désire obtenir (AQESSS, 2010 : 4-6).

L‟AQESSS se préoccupe de la fin de vie en contexte de soulagement de la douleur et de l‟accès aux soins palliatifs. Ainsi, la douleur en fin de vie doit être soulagée, ce qui n‟est pas toujours le cas dans la réalité. Par ailleurs, les soins palliatifs permettent de soulager non seulement la douleur physique, mais aussi la douleur morale, et ce, que les soins soient dispensés en établissement ou à la résidence de la personne en fin de vie. Selon l‟AQESSS, « plusieurs acteurs des établissements de santé sont confrontés à la souffrance physique et psychologique, à des personnes qui souhaitent mourir, à la fin de vie et à la mort. Pourtant, cette proximité de la souffrance et de la mort ne fait pas des travailleurs de la santé et des services sociaux un groupe de personnes partageant pour autant les mêmes croyances, valeurs et opinions sur ces questions » (AQESSS, 2010 : 10). Enfin, pour l‟AQESSS, si le législateur entreprend des procédures afin de permettre l‟euthanasie, cette procédure doit correspondre à des critères bien encadrés et définis (AQESSS, 2010 : 10-13).

1.1.1.3 – La position de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à

l’égard des soins de fin de vie

Durant leur vie active, les membres de l‟OIIQ ont à faire face à des prescriptions de soins de fin de vie et ils doivent les exécuter. L‟OIIQ émet quatre commentaires à l‟égard de la Commission pour mourir dans la dignité :

1. L‟Ordre est d‟avis que la Commission banalise le sous-développement des soins palliatifs au Québec, voire l‟occulte, alors qu‟il y a consensus chez les cliniciens

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comme dans la littérature scientifique que cette approche de soins permet à une grande majorité de personnes de vivre leur mort dans la dignité et de réduire les demandes d‟euthanasie et de suicide assisté.

2. L‟Ordre est aussi étonné du silence de la Commission sur l‟acharnement thérapeutique encore trop fréquemment pratiqué, considéré comme l‟une des sources principales de conflits de valeurs chez les patients et leur famille, et de dilemmes éthiques chez les professionnels.

3. L‟Ordre craint que, dans ce contexte, la légalisation de l‟euthanasie ou du suicide assisté devienne des échappatoires à des soins de fin de vie déficients et enlève le caractère exceptionnel des demandes d‟aide pour mourir. L‟Ordre est très inquiet de ce risque de dérive.

4. L‟Ordre soumet à la Commission que les demandes d‟euthanasie […], données en exemple dans le document de consultation, représentent de plus en plus des situations de fin de vie « types » pour lesquelles nos sociétés ont développé des dispositifs légaux et des approches de soins, dont celle des soins palliatifs. Ces moyens constituent pour la vaste majorité des malades des solutions valables, respectueuses des codes de déontologie des professionnels et des lois en vigueur au pays (OIIQ, 2010 : 2).

Selon l‟OIIQ, il existe une culture professionnelle qui associe la cessation d‟un traitement à l‟euthanasie. Or, « la cessation de traitement est non seulement permise, mais elle est une preuve de compétence clinique et déontologique dans les cas où le malade est à la fin de sa vie et qu‟il n‟y a aucun espoir d‟améliorer son état » (OIIQ, 2010 : 3). Ainsi, il n‟y a pas de prolongement indu de la vie ni d‟acharnement thérapeutique. La formation en soins palliatifs permet une réconciliation entre mourir en dignité et les soins de fin de vie. L‟OIIQ n‟est pas pour la légalisation de l‟euthanasie ou du suicide assisté à cause des raisons évoquées précédemment, considérant notamment qu‟il s‟agit d‟une échappatoire à l‟investissement requis pour développer les soins palliatifs, qu‟il y a un dérapage quant aux critères d‟évaluation de la situation d‟exception et que les infirmières deviennent l‟outil exécutoire de l‟euthanasie, et ce, indépendamment de leurs valeurs et de leurs croyances (OIIQ, 2010 : 5).

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1.1.1.4 – Le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir

dans la dignité

Le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité fait un bref rappel de l‟évolution des valeurs ainsi que des mœurs au Québec. Il précise que le Québec est passé d‟une société dont les valeurs religieuses prévalaient sur tout à une société laïque. En effet, notre société prône aujourd‟hui les valeurs des libertés individuelles (par l‟entremise des chartes), le respect de l‟autonomie et le droit à l‟autodétermination, par opposition au « caractère sacré de la vie » enchâssé au sein de notre histoire religieuse et législative. Ainsi, la Commission spéciale a tenu des audiences publiques et distribué un questionnaire en ligne auquel 6 558 personnes ont répondu. La question en faveur de l‟euthanasie sous certaines conditions indique que 58 % des répondants sont totalement d‟accord avec l‟euthanasie, et que 71 % sont totalement en accord concernant une demande d‟euthanasie pour des motifs raisonnables pour une personne majeure et apte à décider pour elle-même (Commission, 2012 : 129). Ce sondage confirme des données statistiques concernant l‟euthanasie indiquant que de 70 à 80 % de la population québécoise, y compris des médecins omnipraticiens, sont en faveur de l‟euthanasie lors de circonstances particulières12 (Commission, 2012 : 11-13).

Ce qui ressort de ce rapport est le manque de connaissances des soins palliatifs. Il existe un manque de formation lorsque les intervenants de la santé doivent passer des soins curatifs à des soins de confort, qu‟ils soient en centre hospitalier ou en CHSLD (Commission, 2012 : 26). Le rapport indique également que, pour beaucoup, la mort est un échec au sein de notre société en raison de l‟ensemble des connaissances et des avancées technologiques et pharmacologiques (Commission, 2012 : 33) et que, selon certains témoignages, le consentement du patient n‟est pas toujours retenu par les médecins. Ces derniers préfèrent s‟adresser aux membres de la famille afin d‟obtenir un consentement quant aux soins à prescrire aux patients en fin de vie. Selon la Commission, le consentement devrait revenir au patient, surtout lorsque le traitement consiste en une sédation palliative (Commission,

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2012 : 37). Enfin, le rapport met en évidence que pour certains médecins, la ligne est mince entre la sédation palliative et l‟euthanasie :

[…] la sédation palliative n‟abrège pas la vie des malades en phase terminale si le médicament est dosé de façon à assurer un niveau d‟inconscience juste suffisant au confort. C‟est la maladie qui continue d‟évoluer qui entraîne le décès. En ce qui a trait aux complications pouvant survenir pendant une sédation continue et avoir une incidence sur la durée de vie du malade, surtout dans les situations où les doses de médicaments nécessaires sont importantes, ces témoins invoquent la règle du double effet13 : l‟intention première est de soulager le malade et non d‟abréger sa vie, même si cela peut se produire comme un mauvais effet, alors qu‟on cherche un bon effet. Selon eux, l‟intention permet de distinguer la sédation de l‟euthanasie (Commission, 2012 : 39).

De plus, le Collège des médecins estime que « la frontière est bien mince entre l‟intention d‟endormir de façon irréversible et celle d‟écourter la vie » (Commission, 2012 : 39). Ce qui surprend la Commission spéciale à l‟égard de la sédation palliative est qu‟il n‟y a aucune norme d‟encadrement, et « cela peut mener à l‟utilisation de mauvais agents pharmacologiques pour induire une sédation palliative, voire à ne pas la proposer, même lorsqu‟elle pourrait être indiquée et souhaitée pour le patient » (Commission, 2012 : 40). Ensuite, le rapport de la Commission spéciale nous indique que les directives médicales anticipées ne lient pas les médecins ou la famille, car selon l‟article 12 du Code civil du Québec, « celui qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenu d‟agir dans le seul intérêt de cette personne en tenant compte, dans la mesure du possible, des volontés que cette dernière a pu manifester » (Commission, 2012 : 41).

13. Cette règle s‟énonce ainsi, selon la Société française d‟accompagnement et de soins palliatifs : « On peut accomplir un acte ayant à la fois un bon et un mauvais effet seulement si le bon effet est supérieur au mauvais et si, de surcroît, au moins les conditions suivantes ont été remplies : l‟acte lui-même doit être bon ou moralement neutre, ou tout au moins ne doit pas être interdit; le mauvais effet ne doit pas être un moyen de produire le bon effet, mais doit être simultané ou en résulter; le mauvais effet prévu ne doit pas être intentionnel ou approuvé, mais simplement permis; l‟effet positif recherché doit être proportionnel à l‟effet indésirable et il n‟y a pas d‟autre moyen pour l‟obtenir. » [http://www.sfap.org/pdf/lll-O6a-pdf.pdf] (18 octobre 2011).

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19 La société québécoise, selon la Commission, est en accord avec le choix de l‟arrêt de traitements qui, dans la majorité des cas, précipite le décès. Cependant, même si une forte majorité de la société québécoise a une opinion favorable relativement à l‟euthanasie dans certaines conditions, ce sujet est toujours empreint de tabous. Selon la Commission spéciale, l‟euthanasie devrait plutôt être une option de soins palliatifs et s‟inscrire dans la continuité des soins afin d‟apporter une aide médicale à mourir. La Commission spéciale a même vérifié s‟il y avait des abus concernant les demandes d‟aide à mourir dans les pays d‟Europe la pratiquant. Étonnamment, seulement de 0,7 à 2 % de la population européenne en fin de vie demande cette assistance (Commission, 2012 : 73). Selon les experts entendus par la Commission spéciale, l‟actualisation des lois, le respect des directives médicales ainsi qu‟une meilleure compréhension des soins de fin de vie (soins palliatifs) favoriseront la diminution de l‟acharnement thérapeutique (alors que le choix du patient consiste en un refus de traitement) en fin de vie (Commission, 2012 : 47-77). Ainsi, la Commission spéciale formule 24 recommandations, dont la recommandation numéro 13 présentée ci-dessous :

La Commission recommande que les lois pertinentes soient modifiées afin de reconnaître l‟aide médicale à mourir comme un soin approprié en fin de vie si la demande formulée par la personne respecte les critères suivants, selon l‟évaluation du médecin :

 La personne est résidente du Québec selon les dispositions de la Loi sur l‟assurance maladie;

 La personne est majeure et apte à consentir aux soins au regard de la loi;

 La personne exprime elle-même, à la suite d‟une prise de décision libre et éclairée, une demande d‟aide médicale à mourir;

 La personne est atteinte d‟une maladie grave et incurable;

 La situation médicale de la personne se caractérise par une déchéance avancée de ses capacités, sans aucune perspective d‟amélioration;

 La personne éprouve des souffrances physiques ou psychologiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu‟elle juge tolérables (Commission, 2012 : 101).

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Ainsi, à la suite des consultations, la Commission favorise la mise en œuvre d‟un comité afin de prendre en considération l‟option de l‟aide médicale à mourir à titre de traitement dans le cadre de soins palliatifs.

1.1.1.5 – Le rapport du Comité de la mise en œuvre des recommandations

de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité

Le Comité de mise en œuvre des recommandations de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité a déposé son rapport le 15 janvier 201314. Ce rapport, rédigé par une équipe de juristes, évalue de façon détaillée la question juridique portant sur l‟aide à mourir préconisée par la Commission spéciale. Ce comité soulève les points suivants : l‟évolution technologique et l‟évolution législative quant au caractère sacré de la vie (en vigueur depuis 1892), la décriminalisation de la tentative de suicide (en vigueur depuis 1972), la notion d‟inviolabilité (en vigueur depuis 1970), l‟autodétermination – chartes (en vigueur depuis 1975 et 1982) et l‟aide à mourir (en évaluation depuis 2012) (Comité, 2013 : 2-7).

Le Comité soulève également le fait qu‟il semble y avoir certaines problématiques quant au respect des volontés anticipées (à titre d‟exemple, le testament biologique), comme la méconnaissance des individus pour ce type de document, le manque de précisions quant aux directives dudit testament ou l‟aptitude de l‟individu à consentir lors de la rédaction du document. De plus, les médecins ont un devoir déontologique quant au respect des choix des individus, mais un praticien peut aussi refuser de prodiguer un traitement qui va à l‟encontre de ses propres valeurs (il est cependant tenu de diriger l‟individu vers un collègue). Or, au Québec, les droits et les obligations (ainsi que la déontologie) des médecins n‟offrent aucun encadrement concernant les soins en fin de vie, notamment l‟aide

14. Le Comité a soumis un rapport de 450 pages [http://www.msss.gouv.qc.ca/documentation/salle-de-presse/medias/rapport_comite_juristes_experts.pdf] ainsi qu‟un résumé de 15 pages [http://www.msss.gouv.qc.ca/documentation/salle-de-presse/medias/resume_du_rapport.pdf]. Nous avons lu le rapport complet, mais employé le résumé pour la présentation de cette section.

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21 médicale à mourir. Le Comité reconnaît que l‟acharnement thérapeutique est présent lors de la fin de vie, que les soins palliatifs sont mal définis sur le plan légal et qu‟ils ne sont pas accessibles à l‟ensemble de la population en fin de vie. Le Comité note aussi que la sédation palliative est méconnue et non encadrée. Les notions de refus de traitements ne sont pas méconnues ni contestées, mais des problématiques surgissent lorsque les individus ne peuvent s‟exprimer ou lorsque la consigne de non-réanimation est ignorée par le médecin. Actuellement, l‟euthanasie et le suicide assisté sont pratiqués au Québec, mais il existe peu de preuves de ces pratiques (Comité, 2013 : 7-9). Enfin, le Comité conclut son rapport par ce qui suit : « Le Comité recommande que le législateur québécois intervienne pour mieux encadrer les soins de fin de vie, en tenant compte de l‟évolution des droits et des attentes de la société » (Comité, 2013 : 15).

Cette recommandation du Comité nous laisse perplexe. Les soins de fin de vie soulèvent des questionnements éthiques. Le Comité reconnaît l‟urgence de la situation et le fait que le manque d‟encadrement des soins de fin de vie a des conséquences, notamment en raison d‟un non-respect des décisions des gens en fin de vie ou d‟une pratique de l‟euthanasie et du suicide assisté. Or, la recommandation du Comité semble n‟offrir aucune directive aux infirmières confrontées aux questions éthiques qui émergent des situations de soins de fin de vie, puisqu‟elle suggère uniquement de mieux encadrer les soins de fin de vie. Cela nous apparaît être un retour à la case départ, étant donné que le gouvernement doit maintenant formuler un projet de loi, et que ce projet doit progresser selon les normes législatives du Québec.

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1.2.1 – L’éthique : sa définition et son évolution

L‟éthique est souvent associée à différents aspects organisationnels, et ce mot est employé dans de nombreuses expressions. On parle de comités d‟éthique, de commissaires à l‟éthique, de codes d‟éthique, de décisions éthiques, et ce, sous diverses écoles de pensée en gestion. Bourgeault (2004) s‟attache à la distinction entre le mot « éthique » et le mot « morale », deux termes dont les racines étymologiques signifient « mœurs ». Le mot « éthique » provient de la racine grecque « êthos », et le mot « morale » provient de la racine latine « mores ». L‟emploi des deux mots revêt la même signification. Ces mots correspondent à la réflexion et à la capacité d‟agir conformément aux valeurs et aux normes qui sont remises en question. Cela s‟applique tant sur les plans personnel qu‟organisationnel afin de prendre une décision et d‟entreprendre l‟action de la décision, et ce, d‟une manière juste, réfléchie et justifiée (Bourgeault, 2004 : 12-13).

Selon Bourgeault (2004), un certain engouement à l‟égard de l‟éthique est perceptible dans les organisations depuis les dernières décennies. Cet auteur souligne que le mot « éthique » s‟emploie maintenant au pluriel. L‟utilisation du terme au singulier, durant les dernières années, était réservée pour parler et pour discuter de l‟éthique, pour désigner la réflexion, le questionnement ainsi que la délibération et le choix. Au pluriel, l‟éthique est rattachée à des courants philosophiques, notamment l‟éthique sociale, l‟éthique de société et l‟éthique de l‟État. Une certaine dérive est perceptible, car l‟éthique se trouve de plus en plus instrumentalisée et réduite à un outil de gestion dans lequel le paraître éthique semble devenir une norme au détriment de l‟être. Le retour de l‟éthique a été considéré comme un événement annonciateur d‟une société éthicosociale, c‟est-à-dire une société responsable optant pour des débats et des remises en question des statu quo sociétaux à l‟égard des valeurs et de la perte de sens qui peut devenir, selon Bourgeault, une échappatoire, faisant en sorte de créer un effacement de la conscience sociale (Bourgeault, 2004 : 4-6).

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23 L‟engouement quant à l‟éthique ne laisse pas l‟État québécois indifférent. Le 21 novembre 2002, l‟Assemblée nationale15 affirmait l‟importance de l‟éthique et de sa place au sein de la modernisation de la fonction publique québécoise, qui inclut les services de santé. La modernisation et l‟intégration de l‟éthique s‟insèrent dans un changement en profondeur touchant les valeurs et la culture, et elles s‟ancrent dans la responsabilité et la transparence. L‟État doit mettre en place une modernisation qui tient compte notamment de l‟atteinte d‟objectifs (ou l‟orientation vers le résultat) par le développement d‟indicateurs de performance et par l‟analyse des programmes et des politiques afin de bien évaluer les résultats et de s‟assurer qu‟ils sont atteints en respectant les règles. Les fonctionnaires doivent apprendre les notions éthiques comme l‟engagement, la reconnaissance, le respect, la motivation et le sentiment d‟appartenance. La gestion doit être renouvelée, et l‟évaluation doit être axée sur ces nouvelles valeurs guidées par les notions éthiques (Boisvert et al., 2003 : 11-18).

La modernisation de l‟État passe aussi par l‟éthique. Afin que la modernisation se réalise, il faut des outils de transformation. Ces outils proviennent d‟une philosophie de gestion participative et de coresponsabilité favorisant notamment une plus grande liberté décisionnelle grâce à l‟autonomie et à la transparence. Ce faisant, les comportements des fonctionnaires deviennent imputables, et les effets de la bureaucratie sont moins présents. Or, la difficulté rencontrée lorsque nous désirons intégrer l‟éthique en organisation est la grande confusion quant aux outils et l‟utilisation abusive du mot « éthique » qui devient un terme employé à toutes les sauces. Les outils éthiques de la régulation des comportements peuvent se positionner soit l‟autorégulation, soit l‟hétérorégulation (Boisvert et al., 2003 : 18-28).

Les modes de régulation des comportements s‟inscrivent au sein d‟une progression et d‟une évolution de la compréhension éthique. Cette progression passe de la morale, des mœurs,

15. Allocution de Joseph Facal, ministre d‟État à l‟Administration et à la Fonction publique, et président du Conseil du trésor.

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du droit, de la déontologie et de l‟éthique, donc d‟une progression de l‟hétérorégulation, vers l‟autorégulation éthique. L‟hétérorégulation consiste en « un mouvement de régulation établi et imposé de l‟extérieur : une autorité dicte la façon dont on doit décider et agir. La régulation des conduites dans la logique hétéronome passe donc par le respect des règles imposées par les supérieurs et la sanction dans le cas contraire » (Boisvert et al., 2003 : 28). L‟autorégulation est le contraire : elle provient de la régulation interne de l‟individu. « La source de la régulation des conduites réside en fait dans le sens coconstruit et partagé par les membres du groupe auquel appartient l‟individu et dans la maîtrise de soi-même. […] L‟autorégulation fait appel à la maîtrise de soi d‟un sujet en mesure de poser des actes libres et responsables » (Boisvert et al., 2003 : 28).

L‟hétérorégulation s‟exerce par l‟autorité, le respect des règles ainsi que par l‟application de sanctions. Elle est transmise, elle contrôle et elle surveille. Nous retrouvons son premier point d‟ancrage dans la morale. La morale entraîne une discipline ainsi qu‟un contrôle extérieur. En plus, « elle régule les comportements en imposant aux individus des “devoirs” pour faire le bien et éviter le mal » (Boisvert et al., 2003 : 30). Citons, à titre d‟exemple, l‟omniprésence de la religion catholique au Québec avant la Révolution tranquille. Le second point d‟ancrage de l‟hétérorégulation correspond aux mœurs. Celles-ci reposent sur la culture, les us, les coutumes et les traditions. Elles « résultent de l‟expérience, de l‟histoire du groupe, elles le façonnent et évoluent très lentement avec lui » (Boisvert et al., 2003 : 34). Le mode de régulation des comportements associés aux mœurs se caractérise par un désir de se conformer, notamment par appartenance à un groupe, par habitude ou par peur du rejet du groupe. Le troisième point est le droit, qui est en fait de l‟hétérorégulation, car il soumet les individus aux lois. Toutefois, contrairement à la morale, le droit soumet les individus à des convictions connues qui régulent les comportements sous réserve de sanctions (d‟un simple avis à l‟emprisonnement) basées notamment sur des lois et des règlements. La régulation « n‟est pas un délégué du pouvoir divin ni un porte-parole d‟une idéologie qui dicte les devoirs, mais des représentants élus de la population. Dans un contexte démocratique, cette même participation des citoyens rapproche le droit de l‟autorégulation » (Boisvert et al., 2003 : 36). La déontologie est la suite logique du droit et

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25 elle s‟adresse généralement à un corps professionnel ou à une organisation, et elle impose des devoirs. Les comportements sont régulés par « l‟établissement des règlements et des normes consignés dans un code de déontologie à l‟usage des membres d‟une profession ou d‟une organisation » (Boisvert et al., 2003 : 39). Les membres adhèrent à la déontologie, car elle est synonyme de crédibilité et assortie de sanctions, comme l‟exclusion, envers les membres lors de manquements (Boisvert et al., 2003 : 27-42).

Enfin, l‟éthique s‟inscrit dans une visée autorégulatoire :

[Elle] provient d‟abord du jugement personnel de l‟individu, tout en se fondant sur des valeurs coconstruites et partagées pour donner sens à ses décisions et à ses actions. C‟est ce caractère autorégulatoire qui distingue l‟éthique des autres modes de régulation, parce qu‟il laisse une plus grande place à l‟autonomie et à la responsabilité individuelles. […] elle invite les sujets à éviter les conduites qui pourraient avoir des conséquences négatives sur le soi-même ou sur les autres (Boisvert et al., 2003 : 43).

L‟éthique vue en tant que mode autorégulatoire prend son sens au sein des valeurs qui éclairent le raisonnement et la décision, ainsi que dans l‟action qui émane de cette décision. Les décisions éthiques peuvent prendre plusieurs formes, notamment la décision délibérée à laquelle Boisvert et ses collaborateurs (2003) souscrivent. Ce type de décision favorise, selon les auteurs, la diminution de dilemmes éthiques (conflit de valeurs, absence de repères, etc.) (Boisvert et al., 2003 : 45). Une décision délibérée peut être prise à la suite d‟un temps d‟arrêt pour effectuer l‟évaluation de la situation par l‟entremise d‟un débat interne moral afin de trouver la meilleure solution pour les autres ou pour soi-même. La délibération permet de justifier une décision qui peut engendrer (ou non), pour les autres ou pour soi-même, un dilemme éthique. Cette justification prend son sens au sein de ses actions et de ses décisions lors du dialogue et de la délibération avec autrui; il ne s‟agit pas seulement de suivre les règles, il faut agir et s‟interroger avant qu‟un problème ne survienne. Il faut être critique et proactif quant aux décisions à prendre avant qu‟il y ait un

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problème ou une situation de dérogation relativement aux règles et aux valeurs déterminées et partagées par le collectif (l‟organisation, la société) (Boisvert et al., 2003 : 43-51).

Selon Bourgeault (2004), il existe une institutionnalisation de l‟éthique. Elle s‟observe de plus en plus au sein des organisations. À titre d‟exemple, il y a le comité pour la recherche et le développement, le comité de l‟éthique clinique, le comité des répondants en éthique, le comité d‟éthique en gestion, etc. Bourgeault fait état de quatre formes d‟institutionnalisation de l‟éthique :

1- La prolifération des codes, des guides et des directives dans les corporations professionnelles et dans les institutions;

2- La multiplication des commissions nationales et internationales, et, à l‟intérieur des pays, des comités institutionnels, professionnels et sectoriels;

3- L‟appel incessant à l‟éthique dans tous les champs d‟activité et dans toutes les sphères de la vie des individus et des collectivités, y compris dans les sphères économique et politique;

4- L‟émergence de la profession d‟éthicien et d‟éthicienne, encouragée par la multiplication des programmes de formation spécialisés et donnant lieu à la création de postes de conseillers ou de firmes-conseils en éthique (Bourgeault, 2004 : 7).

Selon Bourgeault (2004), le retour de l‟éthique permet de mettre en évidence la notion de tension. Le discours lié à l‟éthique s‟inscrit dans différents modes selon les diverses générations et les mœurs. Les tensions sont présentes au sein des organisations : « la liberté et la loi, le risque et la sécurité, la responsabilité et le contrôle assurant la conformité, le dit et le contredit, le consensus et la dissidence, la complaisance et l‟indignation prenant corps dans la protestation puis dans l‟action, le contrôlable et le contrôlé » (Bourgeault, 2004 : 16). Alors, pour diminuer ces tensions, les organisations favorisent une normalisation de l‟éthique par des codes de conduite, des conventions collectives, des codes de déontologie et des lois.

Conséquemment, pour certaines organisations au Québec, l‟éthique en tant que processus d‟aide à la décision semble favoriser une forme de réflexion sur le sens et les valeurs au sein des organisations. Selon Roy (2009) et Girard (2009), l‟utilisation des expériences

Figure

Figure 1 : La position des six typologies d‟Osty et ses collaborateurs
Figure 2 : Le modèle d‟analyse globale  Aucune répercussion  sur le processus  identitaire
Tableau 4 : Les variables descriptives des infirmières de l‟établissement R  Groupe
Tableau 5 : Les variables descriptives des gestionnaires de l‟établissement R  Groupe
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