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Le grain et la peau : de la temporalité de l'image photographique dans l'architecture de Mallet-Stevens

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••

1. . • •

Le Grain et la Peau

De la temporalité de l'image photographique dans l'architecture de

},;/allet-Stevens

.t»atricia Boileau Ecole d'Architecture Université McGill. Montréal

Août, 1999

Une thèse soumise à la Faculté des Etudes Supérieuresetde la Recherche pour le parachèvement des éxigences du grade de Maîtrise en Architecture

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Remerciements

Je voudrais remerCIer le directeur du programme d'histoire et de théorie de l'architecture de l'Université McGill, le docteur Alberto Pérez-G6mez pour sa profonde compréhension de ma longue démarche, pour la générosité de son savoir et la patience que mon travail demandait.

Je remercie les professeurs invités et les assistants d'atelier pour la portée de la pertinence de leurs commentaires et plus particulièrement Louise Pelletier et Tracy E. Winton.

Pour l'approfondissement de mes connaissances sur le personnage de Mallet-Stevens, je remercie sa petite-fille Catherine Mallet-Stevens.

Les photographies et les visites de la villa de Noailles et de Cavrois n'auraient jamais pu se produire sans Cécile Briolle et le directeur du service culturel de la O.R.i\:..C. de Lille.

Je remercie pour leur diligence les bibliothécaires du CCI de Beaubourg et du CCA, les responsables des archives cinématographiques du MüMA.

Je remercie particulièrement, Susie Spurden, assistante du programme de maitrise, pour le grand secours de son travail et son affectueuse attention.

Et je voudrais insister sur ma reconnaissance pour leur commentaires enrichissants, et leurs encouragf;ments : tout d'abord Ellen Zweig, Alain Pélissier, Diane Guay, Laurence Libratti, Caroline Dionne, Isabelle Moneyron, Bernard, Micheline Clouard, mes collègues et ....Bien sûr ma famille.

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Résumé

Cette étude trace dans l'architecture de Mallet-Stevens une temporalité propre à l'image photographique, latente dans l'espace des modernes des années 1920-1930. A cette fin je

présente, à la fois, une analyse de l' œuvre de Mallet-Stevens, et un montage photographique sur les villas de Noailles et de Cavrois, combinant des photos prises par

moi-même avec des documents d'époque. Le montage révèle dans ces espaces une qualité

perceptuelle de l'image résonnant avec la notion de chair de Merleau Ponty. L'analyse

articule cette notion suivant la thématique «le grain et la peau». Elle révèle dans l'œuvre

architecturale de Mallet-Stevens l'importance capitale de son expéiience de décor de

cinéma. En effet, l'espace est conçu par Mallet-Stevens en fonction du cadre d'une

caméra: le médium privilégié est donc la surface (le grain), lieu de l'effet émotionnel de

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v

Abstract

This study traces in Mallet-Stevens' architecture a temporality proper to the photographie image, latent in the space of the modems of the 1920-1930. To this end, 1 present both an analyses of Mallet-Stevens' work and a photomontage on the Noailles and Cavrois villas, which combines my photos with historical documents. The montage reveals in these spaces a perceptual quality of the image germane to Merleau-Ponty's notion offlesh. The analysis develops this notion along the lines of 'the grain and the skin'. It reveals in Mallet-Stevens' work the capital importance of bis experience, as movie set designer. Indeed, space is conceived by Mallet-Stevens in relationship to a camera frame: therefore the primary medium is the surface (the grain), where the emotional effect of temporality takes place (the skin).

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III IV V VI X p.l -Le

VII Remerciements Résumé Abstract

Table des matières Préambule

Introduction

- L'architecture moderne des villas de Noailles et de Cavrois : une découverte

grain et la peau: le hantésuite - Les aspects de l'espace concerné - L'acuité de l'intuition de Mallet-Stevens: la portée contemporaine de son travail - Plan du mémoire

-1 -

Le Grain et

la

Peau de l'imagephotographique et de l'architecture

- De la temporalité de l'image photographique dans l'architt:cture de MalletStevens La sensibilité moderne au visible: un visuel et la chair de l'espace

-Le grain et la peau de l'image photographique: médiateurs de cette sensibilité au visible - Entre l'image et la mise en scène architecturale: une phénoménologie de

la présence - Le grain et la peau de l'architecture moderne dans les villas de Noailles et Cavrois.

- 2 -

Entre l'image et les villas de Noailles et de Cavrois

ce que livrent le catalogue photographique et le film

Mallet-Stevens et la construction d'un visuel : miroir d'une modernité - Une crise de la construction et de la diffusion : l'influence de l'invention d'une architecture de «papier» sur sa conception de l'espace - Les villas de Noailles et de Cavrois dans le travail de Mallet-Stevens - Les villas de Noailles et de Cavrois: l'euphorie de la modernité et la recherche de son expression dans la conception d'un espace

événementiel - Le film de Man Ray sur la villa de Noailles et le catalogue photographique de la villa Cavrois - Une perception et une conception de l'espace: l'importance de l'image danslasensibilité à l'espace de l'époque - De l'articulation du mur et du cadre visuel de mes prises de vues - La raison de la prégnance de l'image photographique dans l'architecture de Mallet-Stevens: son langage visuel, un fonctionnalisme esthétique

p.9

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- 3 - Lesferments du langage plastique de Mallet-Stevens

Les résonances entre la mise en scène moderne et l'espace film

Le cinéma des années 1920 synthétise l'euphorie de la modernité comme métaphore de l'architecture - La mise en scène des arts décoratifs à l'origine de l'importance du visuel et de la présence plastique des objets dans l'espace intérieur -Mallet-Stevens et l'euphorie de la modernité: de l'exposition au concept du pavillon, l'intégration du cadre de point de vue dans l'architecture moderne - Mallet-Stevens et l'euphorie de la modernité: l'influence de l'émotion plastique de l'avant-garde picturale - La mise en scène des arts décoratifs, la nouvelle présence des éléments architecturaux et les images d' «une cité Moderne» de Mallet-Stevens - Mallet-Stevens décorateur de cinéma: l'évolution technique qui fait converger le cinéma vers la question de l'espace posée par les modernes - L'ouverture du cinéma à d'autres conditions d'espace: la valorisation de la présence des choses par le d6iail, l'accomplissement d'unemédiatisation par les formes - Les recherches esthétiques du cinéma d'avant-garde et Mallet-Stevens: <<L'Inhumaine », la construction d'un langage plastique et une conception de la présence physique - Le cubisme cinématographique de Mallet-Stevens: la profondeur émotionneIle et spatiale de son architecture critiquée comme «délimitante» - L'espace filmé: le langage plastique de Mallet-Stevens rapproche une condition d'espace moderne av(""l celle de l'image

- 4 -

Le travail de MaUet-Stevens centré sur le mé1ium

L'articulation d'un cadre visuelàune perception de la surface déployant la qualité spatiale du grain de l'image

_ L'esthétique de Mallet-Stevens repose sur la surface comme médium - L'origine «arts décoratifs» du sens de la surface comme médium de sa composition dans un art géométrique: surfaces et grains, mur et mobilier - Une recherche du sens du médium soutenue par la synthèse de la surface des peintres d'avant-garde symbolisant la modernité: la spatialisation du temps - Le recueil d'<<une cité Moderne» préfigure son travail de la surface comme médium et de la recherche de son sens - L'espace comme cadre dans le Pavillon du tourisme: l'expérience spatiale du jeu entre le cadre et la surface - Mallet-Stevens et les villas de NoaiIles et de Cavrois : une surface allusive qui engage une déstabilisation de l'occupant - L'atelier de NoaiIles: la suggestion d'une temporalité de l'image photographique commune à l'espace moderne et à l'espace filmé - L'espace de Mallet-Stevens entre cadre et surfaces sensibles: la lumière comme temporalité contenue entre les choses

p.3?

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IX

5 -

Le Grain et la Peau revisité

_La perception de l'optique de Mallet-Stevens déplace la profondeur temporelle à la surface: l'espace se charge de sens comme l'image - Son interprétation de la photogénie de l'architecture: la nature temporelle du grainde la photographie dans l'espace - «L'illusion comme vraisemblable» de Mallet-Stevens - Lapeau comme émergence du grain: la qualité émotionnelle et temporelle du grain -Lemobilier: l'absence annoncée de l'image photographique - Le cadre du point de vue du concepteur Mallet-Stevens se transforme en regards diégétiques: le muretune phénoménologie de la présence propre à l'image photographique: - Chair trouble du visible: développement des regards diégétiques dans les villas de Noailles et de Cavrois - Une défamiliarisation du regard: prises de vue sur l'extérieur

Annexes

Projets et réalisations de Mallet-Stevens

Axonométrie, plans, coupes de la villa de Noailles Plans de la villa Cavrois

Filmographie Bibliographie p.90 1 IV VII IX XII

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Préambule

A travers le thème du grain et de la peau, l'étude se préoccupe de la référence de l'espace moderne à l'image photographique dans l'architecture de Mallet-Stevens. Mon propos est que cette référence se produit par les contradictions entre les intentions théoriques modernes avec les traditions dans une nature d'espace qui se dessine par défaut.

Pour mettre en évidence la qualité de symptôme de cette nature d'espace, de faire pressentir sa réalité dans l'architecture de Mallet-Stevens, et de rendre la dimension contemporaine du re-gard et du visuel moderne des années 1920-1930, il m'a paru nécessaire de recourir à une étude qui croise la présentation historique, l'analyse et l'interprétation perceptive.

Le texte et un essai photographique sont mis en parallèles tout au long du mémoire. Alors que le texte fait une analyse théorique et historique d'une quaiité d'espace moderne dans l'œuvre de Mallet-Stevens, l'essai photographique tente de transmettre la réalité perceptuelle, le grain

et la peau,de cet espace dans les villas de Noailles et de Cavrois. Afin de montrer que cette qualité d'espace se perpétue, les montages photographiques mêlent les photos d'archives, du temps où les villas étaient meublées avec mes prise de vues de leur état actuel. Pour permettre une lecture plus légère de cet essai photographique, j'ai recouru, dans les légendes, à un code pour l'identifier l'époque et l'auteur des images des montages :

La/<,<:elldedecO/l/cllr grisedé.\if!/IcIlle\'prises de \'IIC

Le sigle désigne les photographies reprises du catalogue «Une demeure 1934», composé et commenté par Robert Mal/el-Stevens, édité par l'Architecture d'Aujourd'hui.

Le sigle désigne les scènes reprises dufilm «Les mystères du Château de Dé.'>, réalisé par Man Ray en 1929.

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Introduction

L'architecture moderne des villas de Noaillesetde Cavrois : une découverte

Les villas de Noailles et de Cavrois construites par l'architecte Robert Mallet-Stevens dans leS années 1920 et 1930 sont actuellement abandonnées. Leur béance fait surgir une qualité d'espace d'une modernité que leurs vestiges entretiennent au lieu de pervertir.

L'ensemble de mes prises de vues des villas fait apparaître une autre qualité d'espace moderne pressentie lors de mon parcours. En les regardant de plus près, la procédure visuelle de mon relevé photographique, s'inscrit étrangement dans la structure physi-que des villas.. Une correspondance étroite entre les cadrages visuels qu'offre le mur et mes cadrages photographiques me fait supposer que les villas se structurent sur un

mécanisme visuel qui m'est apparu comme l'origine de cette qualité d'espace.

Les deux montages des pages suivantes témoignent que déjààl'approche des villas nous sommes impliqués dans unjeu de cadrages visuels offerts par la plastique des murs des villas. Il n'y a qu'à distance qu'elles se laissent appréhender dans leur entier et qu'elles imposent au paysage une modernité architecturale unilatérale. En se rapprochant, cette modernité se diffuse jusqu'à se défaire, tissant des liens morcelés avec soi et avec le paysage.

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-1-Le Grain et la Peau de l'image photographique et de

l'archi-tecture

Delatemporalité propreàl'im9ge photographique dans l'architecture de Mallet-Stevens

Mes photographies des villas de Mallet-Stevens soutiennent mon pressentiment qu' une logique profonde entretient un rapport étroit entre la temporalité de l'espace et celle de l'image. A ia lecture de son oeuvre, la nature de la photographie se révèle l'inspirer, et le mener àproduire cette qualité degrainet depeau dans son architecture.

Par son expérience de décorateur de cinéma, Mallet-Stevens privilégie une construction d'un visuel qu'il adapteàla conception et la réalisation de son architecture. Cette con-ception de la modernité est dominée par le souci de renouer les nouvelles théories avec les usages. Et elle se caractérise plutôt comme une recherche d'expression où l'expéri-mentation visuelle domine et participeàla force des prises de position en art et sur l' es-pace de l'époque. Cette recherche qui se fait dans différentes conditions visuelles etesthétiques, mobilise naturellement le cinéma et la photographie.

La qualité remarquable de Mallet-Stevens est de pressentir dans l'espace filmé et dans

La lumière et l'ombre aspire étrangement.

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Construite en 1924 dans les ruines d'une abbaye, la villa de Noailh:.:s (cf. au verso la planche photo) s'inscrit dans le paysage naturel de la montagne dominant la ville d'Hyè-res et la vue sur la mer. La villa Cavrois (cf. planche photo en vis à vis) est construite en 1933 sur un vaste terrain plat dans une zone résidentielle bourgeoise de la banlieue de Lille. De l'une àl'autre les conditions d'approche sont initiées par le même style architectural de «paquebot» et se déclinent différemment suivant le site: La villa de Noailles suit en terrasse la pente, et la villa Cavrois est implantée suivant un tracé rigoureux du paysage naturel. Mais dans chacune, l'architecture conserve une qualité plastique du mur qui compose un lien étroit entre le cadrage visuel offert par l'archi-tecture de Mallet-Stevens et le cadrage photographique.

L'observation de cette continuité entre les deux villas, est significati ve de la démar-che de Mallet-Stevens. Elle m'a amenée à les conserver toutes deux dans mon étude sur la relation étroite qu'entretient l'œil avec l'objectif de l'appareil photographi-que dans le rapport photographi-que l'architecture de Mallet-Stevens entretient avec le corps.

Le grain et la peau: le Izantél suite

Cette étude continue ma réflexion surle hanté, née de ma préoccupation d'une qualité sous-jacente au concept de l'espace «moderne» qui se perpétuerait dans l'espace con-temporain. Par «moderne», j'entends la projection unilatérale des positions théoriques prises sur l'espace domestique à partir des années 1920. Cet héritage théorique moderne dans l'espace contemporain se révèle altéré. Aujourd'hui l'espace repose sur des carac-téristiques spatiales d'un mode relationnel propre à l'espace vécu, tel que le décrit Geor-ges Perec:

« (... ] De tels lieux (stables, enracinés) n'existent pas, et c'est parce qu'ils n'exis-tent pas qu'ils deviennent question, celle d'être évidente, celle d'être incomprise, d'être appropriée. L'espace est un doute, il me faut sans cesse le marquer, le dési-gner, il n'est jamais à moi, il ne m'est jamais donné, il faut que j'en fasse la con-quête.2»

Cette expérience de l'espace vécu est celle d'un espace laissant la place à l'incertitude

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de la confrontation que la théorie architecturale provoque avec les usages. Elle a initié ainsi l'étude des qualités de cette autre nature d'espace au niveau de la con-frontation entre le donné et le suggéré qui exacerberait l'incertitude.

Mon attention au Hanté provient du «Das Unheimliche 3» , l'inquiétante étrangeté que S. Freud développe comme propre àl'Esthétique, «science des impressions produites par le Beau». Freud expose que «Das Unheimliche» est la frayeur «se rattachant aux choses connues depuis longtemps et de tout temps familières» et la perception que «tout ce qui devrait rester caché, secret, se manifeste». Freud décrit ainsi une percep-tion particulière de ce qui se présente àsoi: celle du familier lié àl'étrange qui peut en surgir. En tentant de comprendre en quoi le quotidien devient si insolite, Freud fait apparaître l'aspect de cette condition moderne pressentie ici avec Georges Perec comme une perception d'espace indicible. Ce qui se répète caractérise la vie quotidienne, mais les temps modernes ont fait vaciller les points de repère traditionnels, et les opposi-tions autrefois tranchées se brouillent entre l'insolite et l'habituel.

L'étude du hanté s'est attachée à développer l'aspect spatial de cette perception, que le grain et la peau se propose, ici, de poursuivre par l'analyse de sa dimension vi-suelle. Le hanté s'est imposé comme thème exploratoire portant les conditions et les qualités de cette incertitude: il articule temporellement et émotionnellement le jeu de vu et de non-vu, entre la présence et la suggestion de l'absence qui la déploie.

Le hanté exprime bien cette problématique de l'incertitude que pose cette qualité de l'espace vécu à la représentation architecturale moderne. Elle concerne les conditions visuelles que ces représentations projettent dans les formes qui ne peuvent échapper à l'ambivalence de leur présence dans l'espace vécu. Le hanté entretient cette ambiva-lence et la relation morcelée et discontinue de la perception. Déjà dans cette étude l'image photographique apparaît faire de même. Par sa prise de vue, ses cadrages, elle capte ces instants particuliers de la perception, et permet l'émotion et la temporalité que le phénomènehantédéploie: celles d'une autre nature d'espace que cette percep-tion de l'espace vécu induit.

L'expérience des villas de Noailles et de Cavrois confirme le rôle central de la photographie pour franchir une autre étape de cette exploration. Ainsi, mon mémoire

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développe la question des résonances que l'image entretient avec l'espace moderne. L'analyse trace l'émergence spatiale d'une qualité perceptuelle de l'image dans l'es-pace moderne des années 1920-1930, le grain et la peau. Ce concept relationnel in-terprète la perception, établie par mes prises de vue des villas de Noailles et de Cavrois comme couche première du matériau.

Les aspects de l'espace concernés

Ma réflexion considère l'existence d'une sensibilité moderne au visible qui con-duirait l'époque de Mallet-Stevens à produire cette qualité émotionnelle de l'image photographique dans l'espace. Cette sensibilité moderne entretiendrait une perception d'étrangeté du visible, générant la perception visuelle d'une in-quiétante consistance de l'espace que je désigne comme le grain et la peau4

Par

ce concept je désigne ce moment indicible où la chose vue entre ou se révèle être, en résonance avec le corps. Ce concept, difficilement descriptible, agit comme thème exploratoire qui s'affirme au fur et à mesure que l'analyse révèle cette étrangeté du visible comme exacerbée par les positions théoriques mo-derne. Il s'agit de voir comment les effets d'une procédure visuelle que celles-ci engagent, génèrent cette autre nature d'espace.

Cette recherche s'inscrit donc dans le cadre de l'étude de la qualité émotionnelle des relations, entretenues entre le corps et l'espace moderne: une étrange adhé-rence charnelle, issue de la confrontation entre ce qui est donné à voir et ce qui est perçu. Elle relève du problème posé par les modernes sur la conception des liens entre théorie et usages, entre modernité et traditions, entre j'inscription des in-tentions dans la surface de la matière architecturale et sa réception. Cherchant à contenir conceptuellement ces liens, leurs représentations pri vilégient la prédomi-nance du rôle de l'œil dans la conception de l'espace comme le moteur de ces relations spatiales. Et l'étude révèle cette qualité dans l'effet des conditions de

lile! eXTérieure (/(-/<1,'age d'(,,I'('allt'r({IIi('olllflo,\'('1 axe œll/fal (JI/lem/, dI/qI/ci lal'il/a Carrois.Il'di:l'i..·{O/'/k' <:11sfliralc.

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spatialité provoquée par ces dernières.

Les signes de cette sensibilité au visible que porte l'image photo, montrent que l'œil exacerbe la particularité de cette spatialité: cette spatialité se développe comme sens latent aux formes manifestes et à la théorie. Celle-ci se réalise dans le balancement, l'oscillation du vu et du non-vu initiés par ces réinterprétations formelles dans l'espace moderne: c'est-à-dire cette étrangeté du visible qui rapproche cet aspect de la temporalité de l'espace avec les ca-ractéristiques de l'image photographique. Cette spatialité articule, en cela, le grain et la peau par lesquels cette émotion particulière se produit: L'œil anime des relations troubles entre le corps et l'espace, et contredit les intentions théo-riques modernes qui l'ont convoqué.

L'étude trace cette spatialité là où les éléments spatiaux pennettent à la photogra-phie de s'ancrer et de manifester cette émotion de façon exacerbée. Elle suit, à tra-vers la réverbération de la nature de l'image photographique, cette qualité comme l'effet de cette sensibilité moderne sur ces relations spatiales. Ma réflexion en trace l'implication dans l'espace intérieur moderne, que cela conditionne particulière-ment, dans lequel la photographie et le cinéma restent référentiels.

La problématique concerne l'accent que les modernes ont mis sur la relation visnciie entre la forme projetée dans l'espace et la perception. Elle en dégage l'effet dans le rapport entre le concepteur - l'espace projeté - l'espace vécu: la qualité spatiale de l'intervention de l'architecte «moderne» s'avère ne pas provenir d'une conception d'ordre unilatéral, mais plutôt d'une conception d'ordre diégétiques.

L'acuité de l'intuition de Mallet-Stevens: la portée contemporaine de son travail.

Le grain et la peau, pressentis dans les espaces de Mallet-Stevens, tiennent à la parti-cularité de sa recherche, pour laquelle l'histoire critique l'a maintenu dans une place à part d'auteur singulier et autonome. Sa recherche emprunte des concepts à d'autres

1il!!del'ancienne ,I"tlledegymna.I/Î</I/<.'l'en'la piscine, JansIdl'illa

de Noaillc's.

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L'existence d'un catalogue photographique sur la villa Cavrois que Mallet-Ste-vens a commenté et composé et d'un film que Man Raya réalisé sur la villa de Noailles témoigne du rôle de la qualité perceptuelle de l'image dans son architecture. Mallet-Stevens montre que la photographie n'est pas simplement un instrument tech-nique de reproduction, et que le cinéma n'est pas seulement un instrument de fabrica-tion d'imaginaire autonome de l'architecture moderne. Ils partagent les condifabrica-tions de perception et de composition de l'image qui agissent sur l'espace moderne: celles de la constitution d'un nouveau regard sur l'environnement moderne ré-vélant une autre conception et perception de l'espace intérieur moderne cette échappée d'une autre spatialité.

L'étude analyse la façon dont il conçoit et déploie dans son travail la temporalité propre à l'image: c'est-à-dire la façon dont il articule cette phénoménologie de la présence qu'elle partage avec l'espace moderne. Le développement de son intuition de la temporalité de l'image photographique dans l'architectuïe moderne est appuyé par ses concepts. Ses écrits et ses espaces apparaissent correspondre aujourd'hui à une réalité contemporaine de l'architecture.

L'essai photographique

Tout au long de l'étude est évoqué à demi-mot ce rapport dans lequel l'œil et le corps entretiennent des rapports instables avec l'espace qui se pose et reste comme question de la même façon que l'image. Le mémoire développe un essai photogra-phique, en contrepoint au texte, qui arpente la perception de cette qualité d'espace alors que le texte expose comment elle s'affirme dans le travail mené par Mallet-Stevens à la fois comme architecte et comme décorateur de cinéma.

L'essai photographique met en parallèle les images du catalogue de Mallet-Stevens et dufilm

de Man Ray avec mes prises de vue, faites en 1987, de l'état actuel des villas où la béance domine. Ce rapprochement est choisi pour révéler que la procédure visuelle ressentie dans la

L'appel des cadrages visuels.

Comme dans la vil/a de Noailles, les couloirs constituent les lieux fédérateurs de la villa Cavrois. Au coellr dll bâtiment, ils le traversent

sllr toute sa longueur. liant J'extérieur avec les terrasses et l'intérieur. Ils constituent la «chambre noire» des villas, où les pièces qu'ils dessen'ent absorbent l'extérieur.s

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béance des villas est un mécanisme, resté intact, projeté par une concep-tion moderne de l'espace.

L'essai photographique est travaillé comme une succession d'images de film pour soutenir ce concept le grain et la peau interprétant le lien entre l'architecture moderne et la photographie. Il s'agitd'une perception d'espace stimulée par l'évo-cation d'une temporalité, le mouvement suggéré dans les formes fixes que l'image photo retranscrit et que sa succession exacerbe.

Plan du mémoire

Le premier chapitre expose le grain et la peau en référence à la "chair du visible de Merleau-Ponty, et son lien à l'image photographique et à l'architecture moderne de l'épo-que de Mallet-Stevens. Le deuxième chapitre relève les indices de la prégnance de l'image qu'exploite Mallet-Stevens dans l'espace moderne: ceux de la prédominance de la construction d'un visuel. Y sont exposés les liens que les villas de Noailles et de Cavrois entretiennent avec leurs interprétations cinématographiques et photogra-phiques faites lors de leur construction. Le troisième chapitre met en évidence l'im-portance du langage plastique propre àl'image, par lequel Mallet-Stevens étend la résonance de la mise en scène architecturale avec la décoration au cinéma. Dans le quatrième chapitre, j'interprète une nouvelle nature de mur et de mobilier par les influences art décoratives, avant-gardes et cinématographiques sur l'architecture de Mallet-Stevens. L'inscription de la temporalité de l'image dans ses espaces tient

à sa particularité de travailler la surface comme médium et de lui donner sens. Il inscrit dans leurs surfaces une sensibilité particulière aux incertitudes du visible en concevant l'architecture entre cadre de l'objectif, l'œil, et les limites spatiales: la profondeur temporelle de l'espace se déplace à la surface. Dans le cinquième chapitre, Mallet-Stevens se révèle élaborer des outils de conception commune à

Ainsi le grain et le cadre dans les espaces de Mal/et-Stevens font une architecture qui se réalise sur toutes les surfaces sensibles, provoquant une autre relation avec l'occupant,

1ilia cie Noailles, \'/((' dJlcOII/oi,. aho/lli,l.IWIILi /(/ .\(//le de.\(//I(I\h.

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l'image photographique et à l'architecture faisant comprendre comment ses espa-ces se chargent de sens comme l'image. Le sens du grain et de la peau et les indices d~ sa présence spatiale dans les villas apparaissent dorénavant intimement liés à un sens moderne de la surface: unedéfamiliarisation du regardgénérée par le travail de Mallet-Stevens sur le médium et sur le signifiant.

Patricia Boileau, «hanté», Thèse de diplôme d'architecture présenté à l'École Paris-Tolbiac, 1993. Georges Perec, La vie mode d'emploi, Editions Hachette, 1978.

Sigmund Freud, L'étrange étrangeté. das Unheimliche, traduit, Paris, Hatier, janvier 1987, p. 36-47.

Dans «malaise dans la civilisation», Freud pose déjà la problématique qui sous-tend cette étude: la psychanalyse «étudie les conditions dans lesquelles on ressent le beau, mais elle n'a pu apporter aucun éclaircissement sur la nature et l'origine de la beauté». «L'étrange étrangeté», écrit en 1919, est une recherche esthétique qui porte sur l'objet même de la psychanalyse et qui ouvre sur la nature de la littérature telle que toute œuvre de fiction rendrait la banalité étonnante. Freud part du tenne d'Esthétique, tiré au milieu du XVIllième siècle par Bawngarten, d'un mot grec,

aislhêsis. qui signifie sensation.fiélabore une enquête lexicologique sur le tenne <<unheimlich». Et il révèle que le tenne lui-même, appartenant à la fois au groupe de représentation «de ce qui est familien> et à celui «de ce qui est caché» échappe à un sens strict.fiétablit ainsi une référence théorique pour mon étude sur cette qualité indicible et dominante de l'espace qui échappe aux outils de conception.

Nous allons voir au chapitre 1 commentle grain el la peau se définit.firecouvre deux concepts distincts, que je recompose en un concept relationnel pouvant interpréter cette perception de l'espace qui m'intéresse dans lehantéet pressentiedans mes prises de vue.

S Anne Souriau (dir.), Vocabulaire d'esthétique, Paris, Presses Universitaires de France, 1990, p.581.

Leterme diégétique accompagne le terme de diégèse, crée par Anne Souriau en 1950, dans le cadre d'esthétique cinématographique.Leterme provient d'un terme grec désignant à la fois le récit et le contenu du récit. TI s'applique à tout art où on représente quelque chose: La diégèse est l'univers de l'œuvre, le monde posé par une œuvre d'art qui en représente une partie. La diégèse désigne, à la fois, le point de vue de l'auteur avec lequel il présente les éléments, il hiérarchise les événementsdansl'œuvre,etles infuùes façons dont elle peut être perçue. C'est dans ce sens que le terme diégétique s'attache à la portée de la conception spatiale de l'architecte.

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l'image, une nature particulière d'espace moderne, cette autre nature d'espace que j'ai pressentie, que ces conditions et ces enjeux visuels induisent. En interprétant l'es-pace filmé dans l'esl'es-pace moderne,il fait la synthèse de cette conception de la moder-nité qui s'exprime de façon symptômatique dans différents champs esthétiques. Spéci-fiquement il développe une intuition spatiale à l' œuvre dans les mécanismes et la na-ture de la photographie, qui met àjour cette sensibilité moderne au visible.

L'interprétation que fait Mallet-Stevens de l'espace filmé dans son architecture, est la mise en forme de sa conception de la temporalité de l'espace qui est propre à l'image photographique et qui permetl'échapp~cde cette spatialité latente dans l'es-pace moderne. Ce travail qu'il mène transversalement aux arts décoratifs, aux arts plastiques et au cinéma est à l'origine de cette qualité de grain et de peau.

La sensibilité moderne au visible: un visuel et lachair de l'espace

«[ ... ] La chair dont nous parlons n'est pas la matière. Elle est l'enroulement du visible sur le corps voyant, du tangible sur le corps touchant.J».

Dans cette qualité d'une autre nature d'espace moderne, lapeau se définit comme la

qualité émergeant du grain. Le concept relationnelle Grain et la Peau interprète la

notion dechair de Merleau-Ponty, pour qui son sens précède toute formulation

théo-rique sur l'espace. En situant la condition de chair de ce qui s'expose, Merleau-Ponty articule les conditions perceptives qui sous-tendent l'existence de cette autre nature d'espace. Il met en évidence cette notion de corps, latente dans la perception vi-suelle, qui déstabilise les intentions de visibilité et de transparence investies dans le visuel par les modernes.

Merleau-Ponty fait ainsi comprendre que cette sensibilité moderne au visible est l'état de fait du balancement frontière entre un environnement technique que l'époque de Mallet-Stevens idéalise et l'intuition qu'elle voudrait réguler par cette rationalisation. Mallet-Stevens met en évidence que l'espace ainsi déterminé par le visuel devient

1ill! versl 'en/l'et' de la salle de jm pour les1!'~faf1/s, situéeLIli

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dépendant de ses conditions de visibilité, la chair que décrit Merleau-Ponty. En s'exposant à cette condition de chair, il accentue l'incertitude de sa perception: la matière, en se chargeant théoriquement de sens dans cette redéfinition visuelle, sur-charge l'espace d'autres sens confrontant ceux des usages connus. Elle devient une «qualité qui se présente à soi», une «plastique» par laquelle l'espace moderne ac-quiert une consistance dans le visible et entretient des rapports physiques qui échap-pent aux intentions théoriques: un langage visuel silencieux des choses qui exa-cerbe la valeur du regard et en retour intensifie l'interrogation sur les choses. La matière architecturale fait ainsi appel aux même conditions que la surface de l'image photographique: elle supporte ce même aspect interrogatif suggéré par ce qu'ex-pose l'image. Dans l'architecture de Mallet-Stevens, toutes deux se révèlent rejoin-dre la question d'identification de l'espace moderne au niveau de la perception, celle de la reconnaissance qui s'élabore dans la chair du visible de Merleau-Ponty. Avec Mallet-Stevens cette consistance du visible prend un accent particulier à la concep-tion moderne: l'époque exacerbe un rapport visuel particulier entre le geste initié (conception) et le geste motivé (usage) dans les relations spatiales, dans sa recher-che d'une esthétique conciliant éthique et morale.

Cette chair est celle du visible de l'espace moderne où les contradictions entre le rationalisme souhaité d'un visuel construit et l'intuition du corps lorsqu'il l'oc-cupe, sont déployées. C'est celle de l'image photographique, dont la pseudo-réa-lité entretient la même contradiction. On ne retient que son pseudo-réalisme comme référence de rationalité dans la conception de l'espace moderne.

Le Grain et la Peau de l'image photographique: médiateurs de cette sensibilité au visible

Le concept le Grain et la Peau s'impose de soi comme analyse thématique de cette intuition d'une perception visuelle d'étrangeté commune à l'image et à l'espace. Le concept se dégage à partir de la synthèse, qu'opère l'image photographique, de cette perception et de ses conditions culturelles. La photographie exacerbe, en la figeant dans sa

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perception et de ses conditions culturelles. La photographie exacerbe, en la figeant dans sa surface, cette capacité d'évocation temporelle d'autres couches de réel, produite par la présence des formes dans l'espace sur laquelle agissent ces conditions. La résonance d'une sensibilité au visible établie parle Grain et la Peau entre l'image photographique et l'ar-chitecture moderne tientàla nature commune de la temporalité que tous deux contiennent. En photographie, le grain convoque la vue, il définit ce qui se donne à voir. Il compose le sens de la texture et de la surface lorsque le cadre du point de vue l'enserre. Il est évocateur du tactile, dans une proportion de pleins et de vides, par laquelle la matière prend sens visuellement.

Lapeau est comprise ici comme l'effet émotionnel et temporel du grain. Elle est sollicitée par le cadre du point de vue qui la rend duelle : elle reçoit, et ressent. Le point de vue donne un sens à la chose exposée et interpelle la reconnaissance. Dans la surface de la photogra-phie, legrain est la définition visuelle de ce qui se présente par les dimensions des particules précipitées. Au niveau de la perception, il présente un niveau de netteté qui est toujours inférieuràce qu'on désire. La peau vient interroger la clarté du visible qu'expose le grain dans la surface: celui-ci se révèle être un niveau de révélation parmi d'autres.

Prises ensembles, ces deux qualités distinctes révèlent les caractéristiques d'une perception attachée àcette sensibilité moderne au visible: la réalité exposée par la photographie recouvre une prolifération de niveaux de réel, comme le jeu du vu et du non-vu dans l'espace que l'on s'approprie. Il s'agit d'une perception du réel sous-tendue par la sensation du familier, détournant sa précision de re-production dans la pseudo-réalité de l'image.

L'image exacerbe ainsi le fait que ce qui se perçoit visuellement n'est que la première d'une succession de couches: elle évoque toujours quelque chose de préalable. Elle suggère ainsi une profondeur temporelle, par cette confrontation entre le vu et le suggéré, qui provoque une sensation d'espace. Finalement, la précision de la reproduction que la photographie opère, déploie un brouillage du sens, cette chair du visible de Merleau-Ponty.

L'interaction entre la photographie et l'architecture, analysée ici, m'amène à sup

Montage de vues prises dansla «petite villa»,de Noailles: des mor-ceaux d'espace qui s'installent dans le cadrage de l'image.

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poser et celle exacerbée conçue par les modernes. La surface de papier qui porte l'image est que la temporalité contenue dans l'image est équivalente à celle contenue dans l'espace déjà un donné, rejoignant l'impact de la redéfinition moderne de l'emploi du temps domestique: les éléments se pressentent dans l'espace comme s'ils étaient déjà un donné. Legrain évoque ainsi une temporalité contenue dans les surfaces

présen-tées par l'image et qui va se déployer (la peau) : celle du geste cherché dans les surfa-ces de l'espace qu'on appréhende dans la confrontation, un autre instant.

C'est pourquoi le concept désigne non pas «le grain de la peau», mais le Grain et la Peau: ces qualités sont comprises comme deux qualités distinctes qui se confrontent,

pour marquer clairement les effets de l'architecture moderne que l'image expose: cette façon particulière avec laquelle la nature visuelle de l'architecture moderne en-gage la corporalité. Le concept exprime la mesure de la confrontation entre le visuel de l'architecture et le regard de l'occupant: l'existence de cette qualité du visible, qui acquiert une consistance troublante dans laquelle s'engagent l'espace et l'occupant

Entre l'image et la mise en scène architecturale: unephénoménologie de la présence

L'architecture de Mallet-Stevens, en intégrant son expérience de décor de cinéma, présente ceci de particulier:

d'une part, refléter son époque où la question s'affirme quant aux formes diatrices d'un emploi du temps, dynamique pou laquelle le visuel est le mé-dium possible de façon à permettre l'évocation de la temporalité du corps dans le nouvel espace.

d'autre part, développer l'orientation implicite vers l'état de grain et de peau

de l'image photographique, en extrayant les implications spatiales et percepti-ves implicites à cette recherche de médiation.

Levisuel devient alors le médium clé en vertu de la résolution qu'il semble offrirà la crise de la représentation au tournant de la Première Guerre mondiale. Cette crise en architecture

re-Les ellipses temporel/es initiées par les découpages visuels consti-tuent ce lien particulier entre I"architecture moderne, lïmage pho-tographique et cinémapho-tographique.

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pose sur le réajustement d'un médium à la représentation des liens entre tradition et modernité, liens qui rendent le programme moderne incertain. Le souci des architectes est de produire la vraisemblance d'une évocation temporelle et émotionnelle des usa-ges auprès de l'occupant, dans l'expression d'une construction visuelle. C'est dans une mise en scène des expositions et des publications qu'ils trouvent la possibilité de développer cette expérience spatiale se substituant à un programme incertain.

La multiplication des mises en scène développe l'accent mis sur la conception de l'es-pace moderne comme événementiel, où l'authenticité de la qualité spatiale des valeurs modernes se transmet par l'illusion d'un sentiment d'espace possible. Le cinéma est ainsi pressenti par les arts et l'architecture comme une continuité possible de l' articu-lation de ces nouvelles formes spatiales issues de ces expériences modernes.

L'influence de l'image photographique retracée dans l'architecture de Mallet-Ste-vens montre que cette continuité tientà une résonance entre l'espace filmé et l'es-pace moderne. Cette continuité repose sur des références particulières que la com-position visuelle moderne inscrit dans les formes: celle d'une sensibilité au visible provoquée par la découverte de la photographie, qui s'inscrit dans les signes de l'es-pace intérieur. L'impact de la photographie se traduit alors, depuis le siècle dernier, par la découverte d'un rapport fascinant avec le banal et d'une valorisation du re-gard lui-même, dans lequel se mêlent la mécanique de l'œil et celle de l'optique. La perception du réel est renouvelée et agit sur les préoccupations de l'architecture moderne: elle est à la recherche de l'expression visuelle de la temporalité des usa-ges dans Il! structure des objets et dans l'enveloppe architecturale qui permette l' ex-périence individuelle de la réalité moderne. En développant les résonances entre le cinéma et l'architecture moderne, Mallet-Stevens montre l'orientation implicite des ces mises en scène vers les expériences visuelles réalisées dans l'image.

En France, c'est particulièrement le cinéma d'avant-garde, auquel participe Mallet-Stevens, qui partage ces recherches: celui-ci partage avec la photographie la même recherche d'expériences nouvelles du regard, qu'elle inspire, chez le spectateur: les

L'architecture moderne apparaît avoir densifié les espaces d'ellipses temporel/es en multipliant les cadrages.

l't", d'une l'lwm.lm:(11' /(/ vil/a Cavrois.

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recherches de nouvelles sensations visuelles dans l'image.Le film d'avant-garde est alors un montage cinétique et muet d'images fixes. L'influence de l'image photographique dans l'ar-chitecture de Mallet-Stevens indique que le visuel des mises en scène modernes agit dans les rapports entre le corps et l'espace, devenant ainsi réceptif à ces expériences visuelles. Au fond, le modernisme cherchait à l'époque des données pour traduire le monde moderne dans l'espace domestique, générer un rapport avec la réalité moderne, etilse trouvait dans les mêmes conditions que définit Susan Sontag à partir de la condition de l'image photographique : il présente une partie du monde et veut transcender sa réalité: «Ce qu'on écrit sur une personne et sur un événement est bien évidemment une interprétation tout comme les comptes-rendus visuels faits à la main, tels que la peinture et le dessin. Les images photographiées ne semblent pas être des comptes-rendus du monde que des parties de celui-ci.l». Et la mémoire de la photographie n'a

pas de mémoire interne propre. Elle se donne au temps externe dans lequel elle se dissout comme une chose quelconque, de la même façon que l'espace domestique ex-posé dans les mises en scène modernes des expositions et des publications. Finale-ment cet espace exposé ignore tout temps comme la photo et a un rapport homologue et naturel avec le temps réel. En cela se produit, avec les instruments de la représenta-tion technologique (photographie et cinéma) à l'époque de Mallet-Stevens, «un évé-nement inédit sur la scène anthropologique2»d'une nouvellephénoménologie de la

présence accompagnant une nouvelle perception des choses qui domine la spatialité

moderne. L'espace moderne est livré avec ces acteurs (qui sont les éléments mobiliers et architecturaux) comme une pièce en attente de son événement.

Le grain et la peau de l'architecture moderne dans les villas de Noailles et Cavrois

Le Grain et la Peau de l'architecture moderne, retracés dans le travail de Mallet·

Stevens, s'élaborent dans cette sensibilité moderne aux liens entretenus entre l'homme

Lavolumétrie et la monumentalité soutiennent encore l'effet de mise en scène de la modernité architecturale.

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et l'espace moderne. La particularité de Mallet-Stevens est de l'amplifier en interprétant cette phénoménologie de la présence communeà la photographie et à l'espace moderne: il développe la résonance du balancement entre le vu et le non-vu de l'image avec celui généré par les nouvelles réinterprétations formelles et visuelles. Ces dernières engagent une nouvelle conception du mur et du mobilier qui se révèle produire avec Mallet-Ste-vens cette nouvelle phénoménologie de la présence dans l'espace moderne. Le croise-ment qu'il propose des conditions de cet espace avec son expérience de l'espace filmé, révèle que le mur et le mobilier composent l'espace moderne comme un grain: ils ponc-tuent l'espace comme un réseau spatial contenant une temporalité équivalenteà l'image, qui appelle le travail de un l'œil dans le rapport entre le corps et l'espace. L'espace se conçoit ainsi par ce qui permetà l'occupant d'appréhender à première vue l'occupation spatiale possible de son corps: sa qualité de présence instantanée domine, telle que celle du grain de la photographie qui se présente à soi.

L'influence du décor de cinéma ancre ainsi ma perception de cette qualité conjointe de

grain et de peau comme la logique interne de l'espace moderne: La réalisation tempo-relle de la présence qui s'yproduit n'est autre que celle pressentie dans / 'image.

L'es-pace moderne, tel qu'exposé dans les villas de Noailles et de Cavrois, partage avec son image photographique cette nature de grain, la surface dans laquelle les choses se pres-sentent dans la clarté et la précision momentanée et le moment où elles font sens ; et cette qualité de peau, la découverte renouvelée de ce qui se révèle et l'intrigue de l'om-bre 11 révèle ainsi que l'espace se livre par couches de la même façon: la présence d'un corps dans l'espace opère comme révélateur de même que le cadrage sur le réel fait par la photographie. Cette qualité de grain et de peau propreàl'image photographique, qui se révèle dans les villas, produire cette «chain> dont parle Merleau-Ponty, où le tangible et le visible présentent les intentions modernes dans un brouillage visuel, où le corps s'interroge sur sa place potentielle dans les indices d'espace exposés qu'il pressent. Elle détourne les intentions modernes dans une fiction du sens exacerbant cette phéno-ménologie de la présence3

Le Grain et la Peau traite ainsi d'une dimension moderne du regard, que Mallet-Stevens

a développé de facon décisive dans son architecture.

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Le grain et la peau de l'image analysée dans son architecture sont ce qui fait appamître

que cette qualité temporelle implicite dans l'espace moderne tient dans la fonction du regard: «Architecture is not simply a platfonn that accomodates the viewing subject. It isa viewing mecanism that produces the subject.Itprecedes and frames the occupant.4».

L'intérêt du travail de Mallet-Stevens est de révéler ainsi l'implication perceptuelle engagée par la mécanique visuelle de l'architecture moderne, décrite par Béatrice Colomina comme autonome du corps. Il met en évidence le fait que l'espace mo-derne se réalise dans la contamination du regard de l'occupant. Cette contamination génère une perception de la réalité auprès de l'occupant et entretient ainsi la pré-gnance des conditions de l'image photographique sur l'espace moderne.

Par cette valorisation du regard, Mallet-Stevens fait apparaître que l'intention de l'architecte moderne, à la fois le commentaire et l'origine de l'architecture, s'inscrit dans les surfaces de celle-ci; mais confrontée aux usages, elle se transforme en fiction. L'architecture tient aux symptômes que cette fiction entretient dans la struc-ture physique: ceux d'une nastruc-ture d'espace qu'elle laisse échapper, révélant une autre modernité qui hante celle défendant les conditions de transparence et de visibilité

Merleau Ponty, Le visible et l'invisible, Paris, Editions Gallimard, (1964), p.191.

2 Susan Sontag, On photography,New York, éditions Anchor Book publié par Doubleday, août (1990), pA.

3 Costa, La Maison «au cinéma», dans Exposé n03, vol 1 La Maison, revue d'esthétique et d'art contemporain, François Albéra, Le Plessis Robinson, les Editions HYX, (1997).

4 Dans «le visible et l'invisible», Merleau Ponty expose qu'il n'y a jamais de pensée pure: toute

conscience est la conscience de quelque chose. Mais cet objet, tout en étant transcendant à la cons-cience, n'est considéré par Husserl qu'en tant que donné àelle, dans son rapport au sujet. C'est ce que signifie le terme de phénoménologie par lequel il caractérise sa méthode: il s'agit ici, de la simple «apparence»d'une «chose en soi» inaccessible, mais de la façon dont l'objet pensé, la «chose» est donné à la conscience. Mais ces «choses», ces données sont ici des réalités intelligibles [...] Cuvellier, Précis de philosophie, II, p. 423-429. Mon étude suit cette notion de phénoménologie pour analyser cette qualité particulière des espaces de Mallet-Stevens qui se définit par ce moment d'étrange adhérence charnelle entre le corps et l'espace. Ainsi laphénoménologie de la présence nourrit les

liens émotionnels entre le corps et l'environnement, dans lequel l'expérience spatiale de la sphère domestique moderne est incertaine.

4 Béatrice Colamina, Privacy et Publicity, Modern Architecture as Mass Media, Cambridge, M.I.T.

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-2-Entre l'image et les villas de Noailles et de Cavrois :

Ce que livrent un catalogue photographique et un film.

La plastique de la villa de Noailles (1923-1928) et la villa Cavrois (1931-1933) entretient effectivement une expression liéeàl'image.Leconte filmé, <<Les mystères du Château de Dé» réalisé par Man Ray en 1929, qui marque la mémoire de la villa. Et Robert Mallet-Stevens, qui publie et commente un catalogue photographique sur Cavrois, «Une Demeure 19341», révèle son intérêt tourné vers la nature de l'image pour l'expression de son architecture. Ce chapitre expose que le lien effectif entre les villas de Mallet-Stevens et l'image s'initie dans la représentation particulière de la modernitéàl'époque. Une crise sociale et économique rend la résolution des incertitudes du programme moderne difficile. Elle influe sur les expectatives qui s'investissent dès lors dans une recherche diffuse sur l'expression visuelle même de la modernité.

L'activité de Mallet-Stevens entre recherche et réalisation est le reflet de cette attitude. Les intentions des propriétaires des villas et la réalisation des ces dernières en témoignent et par leurs documents visuels, montrent l'incidence sur l'espace moderne qui se conçoit dès lors commeespace événementiel. Parallèlement une sensibilité au visible liée au

Le jeu des surfacesdansl'architecturedeMal/et-Stevens entretien-nent un rapport étroit avec le cadrage photographique.

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cadrage photographique et à l'image se dessine/révélant l'apparition d'un nouveau regard dont cette qualité événementielle est symptomatique. La construction d'un visuel par Mallet-Stevens se révèle en faire la synthèse dans langage plastique.

La construction d'un visuel de Mallet-Stevens: miroir d'une modernité

Bien qu'un des grands représentants de l'architecture moderne des années vingt, Mallet-Stevens (1886-1945) a été tenu dans l'ombre par la critique française. De plus, la crise des années 1930, sa mort à la fin de la guerre ne lui ont pas pennis de réaliser son programme social et de participer à la grande reconstruction2

,

Pourtant, après la guerre 1914-1918, l' œuvre de Mallet-Stevens tient une place maj eure

dansl'essor de la propagande de la modernité de la société et de l'architecture, une modernité qu'une des nombreuses expositions, auxquelles il participe, consacre: l'Exposition des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 à Paris. Cette période est le moment d'épanouissement d'un travail qui suit et reflète les étapes successives de cette modernité architecturale et de son programme, depuis le tournant du siècle. L'implication culturelle du travail de Mallet-Stevens tient une place importante dans l'expression de la modernité rendue décisive au tournant de la guerre. TI cumule plusieurs fonctions, dont dix ans d'enseignement à l'Ecole Spéciale d'Architectureetla diffusion de ses réflexionsetde ses propositions graphiques augmente. D'un travail strictement théorique datant de l'avant-guerre (dont le recueil «Une cité moderne» est le plus important),ilpasse à la réalisation; cette expérience se limite aux expositionsjusqu'en 1923, année de sa première construction.

Les années 1920 voient ainsi s'élaborer les œuvres majeures de la carrière de Mallet-Stevens qui le placent alcrs au premier plan3et qui synthétisent l'évolution du programme

de l'espace moderne de cette période: de l'enthousiasme créatif au réalisme des années 1930. Mallet-Stevens partage l'engouement de l'après-guerre pour le renouvellement des formes symboliques de la société, motivé prrun souci de donner un.e valeurspirituelle à l'esthétisme et par celui de répondre à un programme social. Il va être le premier architecte à diffuser les

{~ typesdevues plwtographiques delaJ/iUa Cavrois, présenlJes et 'légendéesparMallet-Stevensdans lecatalogue«une Demeure1934 ,,:

T.a maisondllgardien(h.)

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formes d'avant-garde du groupe De Stijl, dont la maquette du pavillon de l'Aéro-club au Salon d'Automne de 1922 est la première interprétation marquante. La part importante qu'il prend à l'exposition desartsdécoratifs et industriels modernes de 1925 affirme le rôle détenninant qu'il partage avecLeCorbusier dans cet essor. Ilyproduit plusieurs projets, dont le Pavillon du tourisme, première réalisation architecturale influencée par De Stijl, ainsi que lejardin avec les arbres des frères Martel, qui affirme son intérêt plastique pour les formes cubistes.

Cette période la plus productive de Mallet-Stevens, se réalise au moment où les prises de positions modernes sur l'espace social se radicalisent. Alors qu'elles mènent une recherche dispersée sur sa représentation visuelle, la genèse de l'œuvre de Mallet-Stevens est influencée par le cinéma. Il est le seul architecte, dans les années 1920, à prendre l'opportunité d'un nouveau lieu d'exploration moderne qu'offre l'évolution du cinéma et de l'étendre de façon exemplaire dans son architecture. Il a produit des décors de cinéma pour une quantité de films. On en connaît une vingtaine jusqu'à cejour qui se partage en trois styles différents: les décors pour les films dits historiques, ceux d'inspirationArtsdécoratifs, et ceux, déterminants, de type cubiste, qui accomplissent les intentions esthétiques de l'époque4

•Certains de ces

films sont réalisés avec les réalisateurs décisifs de l'époque, comme Marcel L'Herbier, Jacques Riven, Pierre Benoît et René Clair. Mallet-Stevens fait la démonstration une modernité de conception implicite chez ses contemporains: celle d'une modernité qui s'ouvre à d'autres champs esthétiques. Cette première expérimentation de ses recherches va se mêler aux écrits théoriques sur la modernité architecturale.

Cette période le voit aussi fonder deux associations: le «Club des Amis du 7ième Art» en 1921, pour promouvoir le cinéma, et celle de l'Union des Artistes Modernes en 1929, qui marque le passage de sa réflexion au rationalisme de l'espace domestique. A partir de 1928, il ne fait plus de décor de cinéma. Son activité tant culturelle que professionnelle est en pleine expansion jusque dans les années 1930 où s'entame son déclin. Le souci de réalisme et de rigueur de cette période oriente vers le social et le public les programmes en architecture et en urbanisme. L'architecture de Mallet-Stevens, jusque-là destinée à l'élite, ne semble plus répondre aux intentions politiques et culturelles de cette nouvelle période. Les commande se

(Salle

àmanger (h.): «Mur et wl en marbrewrtdeSuède,meubles en poirier "noir,si~recouvertsen cuir beigerosé,éclairage i,1diœctàtroisallumages..

Porteselfenêtresàcoulis5es.» Mallet-Stevens.

flICde l'office. recadrage de 1'original (g.). BI/n'au de Madame (d.).

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font rares et la fuite vers le sud de la France, pour protéger sa femme des pressions antisémites des Allemands, le font disparaître de la scène. Sa dernière intervention importante a lieu à l'exposition des arts décoratifs en 1937, avec notamment le pavillon de l'électricité.

Sa participation active aux recherches sur l'espace moderne, qui l'amène à co-fonder le C.lAM dans les années 1930, commencée dès le début de sa carrière, aux environs de 1911.liest d'abord exposé très tôt auxtravaux de la Sécession Viennoise. Puisils'associe au travail de Francis Jourdain sur la modernisation de l'espace domestique, avant la guerre 1914-1918. Par leurs expositions nombreuses et leurs publications, les arts décoratifs, alors le lieu de cette recherche, ont initié l'attachement que porte Mallet-Stevens au visuel. Son «architecture de papier» des premières années et l'influence du cinémadans son tmvail montrent la trace particulière que lesartsdécoratifs laissent dans l'ensemble de son œuvre: une conception de l'espace moderne, ouverte à d'autres champs esthétiques; une activité entre recherche et réalisation.

Une crise de la construction et de la diffusion: l'influence de l'invention d'une architecture de «papier» sur sa conception de l'espace.

«On comprend, hélas! L'abandon du logis familial au profit du marchand de vin, quand le travailleur ne possède qu'une pièce où vivent lamentablement plusieurs personnes; quand cette pièce honteuse, non chauffée, éclairée au gaz ou au pétrole, sert de chambre à coucher, de salle à mangeretde cuisine à toute une famille; ,0 [... ] TI faut des maisons claires, des logements sains, de l'air. De l'eau, de la lumière, dela

gaieté, etbien des intérieurs bourgeois sont encore des taudis.»

-Robert Mallet-Stevens, «L'architecture moderne et le public» , causerie donnée à l'exposition de l'habitation, 5 février 1904, conservée au musée des arts décoratifs.

La particularité de son travail est de produire la construction d'un visuel qui reflète les effets implicites d'une réflexion de l'architecture restreinte au domaine théorique jusque dans les années 1920. Sa recherche relève de la crise du programme de l'habitation en France, depuis que se pose la question (milieu du XVllIème) de l'adaptation des traditions de l'habitation à de nouveaux usages. Au tournant du siècle, la surface d'habitation se réduit, imposant de nouvelles conditions d'existence. Viollet-le-Duc, comprenant cette nouvelle instabilité de la nouvelle culture matérielle, disait: «les nécessités de chaquejour, en désaccord souvent avec les traditions. Nos habitudes, nos usages, notre enseignement dans le domaine intellectuel,

Les deux villas partagent le même composant dynamique: le mur.

.,,~ede la façade sud delavilla Cavrois.

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comme nos habitations dans le domaine matériel, peignent l'état d'incertitude de notre temps. 5». Cette crise conditionne la construction visuelle cherchée dans les expositions, décrite dans le chapitre 1. Elle exacerbe cette recherche d'évocation des usages et oriente cette dernière sur celle des signes modernes de l'espace intérieur domestique. Cette crise s'ajoute à celle de la construction et de la diffusion, accentuée par l'épreuve de la guerre 1914-1918. Elle contraint la création de formes nouvelles etest à l'origine de l'exacerbation, chez les architectes et les décorateurs, de la nécessité de communiquer les signes modernes par le renouvellement des représentations. L'exposition internationale desartsdécoratifs et industriels modernes de 1925 sera, en cela, décisive sur les prises de position radicale concernant l'espace.

Ces crises éclairent latendance conceptuelle de l'époque qui sous-tend la conception de la modernité des mises en scène: elle est celle de l'invention, se traduisant dans les arts par la création d'un nouveau médium permettant l'expérience moderne. Les expositions et les publications sont les seuls moyens pour Mallet-Stevens de communiquer son travail. Et le développement d'une conception de l'architecture marque sa conception: celle d'une «architecture de papier» dont les effets se prolongent dans sa participation constante aux expositions. En regard de cette invention, l'«architecture de papier» de Mallet-Stevens se révèle ainsi synthétiser la conception d'un espace virtuel, l'amenant à développer son expérience de décorateur de cinéma dans son architecture. L'intérêt, pour mon propos, du programme de la villa moderne de cette époque, est qu'elle est devenue le support privilégié d'une promotion de la création moderne et du programme complet d'un nouvel art de vivre (architecture élaborée jusque-là dans le pavillon d'exposition). Dans ce sens, la villa, composant la majeure partie des réalisations de Mallet-Stevens, s'offre comme caractéristique de ses recherches architecturales.

Les villas de Noailles et de Cavrois dans le travail de Mallet-Stevens

Mon intérêt, porté particulièrement sur les villas de Noailles et de Cavrois, vient d'abord du fait que l'une inaugure et que l'autre clôture respectivement la période majeure de sa production. Lavilla de Noailles, commencée en 1923 à Hyères, est la commande d'une maison de campagne dans le sud de la France, par des aristocrates mécènes. Elle est le premier projet architectural venant après les réalisations en volume faites par Mallet-Stevens au cinéma. La construction de

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la villa, la structure de ses espaces évoquent la nature visuelle expérimentale decette«architecture de papier» et des expositions qu'il développe avec le décor de cinéma.Lavilla s'articule autour de l'espace intérieur, devenu dans la recherche de Mallet-Stevens, objet de conception répondant au souci de l'expression formelle et visuelle de la vie moderne.

Lavilla de Noailles reflète l'attachement intellectuel de Mallet-Stevensàl'aspect visuel desarts

décoratifs et de la décoration, de 1911à1923, qu'il étend au sein d'une collaboration soutenue avec différents décorateurs. Son projet s'élabore selon le mode de réalisation qu'il trouve dans le travail de décor de cinéma qui domine sa production d'après-guerre, et qui s'arrête en 1928 au profit de la construction architecturale. Les décorsdecinéma étendent les recherches visuelles de Mallet-Stevens, en lui fournissant des instruments répondantàsa fascination pour le visuel et l'optique apparue lors de son engagement pendant la guerre dans les services photographiques. Les réflexions théoriques sur le décor de cinéma, qu'il est le premieràporter, offrent un développement d'intérêt général dans les arts et l'architecture, pour les nouveaux médias qui permettent d'étendre·les capacités d'authenticité et de réception de l'architecture moderne : elles soutiennent l'affirmation d'un vocabulaire spatial qui traduit la fascination d'une modernité contenue dans les formes expressives du mouvement et de la vitesse de l'avion (qu'il trouve dansle cubisme et dans l'Elémentarisme du mouvement De Stijl). Ses réflexions commencent à s'imbriquer avec celles de l'architecture moderne dans la villa de Noailles.

Lavilla Cavrois, construite en 1932àCroix, commande de mécènes industriels du textile, est le programme gigantesque d'unchâteau dans le nord de laFrance.Lavilladéveloppe les caractéristiques visuelles et spatiales produites avec unéclectisme formel danslavilla de Noailles, dans une recherche formelle plus stricte. Ellearticule les IJUpositions architeetwaIes,quefaitMallet-Stevens avecl'DAM7

,

sur un programme de production en série des objets et de la primauté de l'espace sur la décoration: une recherche formelle sur la commodité qu'il accomplira dans le «style paquebot». D'une villaà

l'autre,ils'agit de l'affirmation d'une qualité spatialebaséesurun programme moderne incertain et issue de saconstructionvisuelle qui interprète architecturalement son expérience de cinéma.

La mise en scène de la piscine de la villa de Noailles en 1928.

Photographie d'époque de la terrasse de la piscine avec les fauteuils métalliques dessinés par Robert Mal/et-Stevens,

Photographie d'époque de l'intérieur de la piscine.

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