LES ETUDIANTS POLYNESIENS
ET LEUR ENVIRONNEMENT
Michèle FEBVRE PCES-Sciences biologiques - Université de Nice et chargée de mission au Centre universitaire de Pirae, Tahiti
MOTS CLES : Etudiants, Polynésie française, biologie, Environnement.
RESUME: Le DEUG B, créé en 1987 au Centre universitaire de PIRAE, TAHITI est rattaché à l'Université de Nice et placé sous sa responsabilité pédagogique. Les étudiants en biologie ont manifesté un intérêt particulier pour tous les problèmes liés à l'environnement récifal en suivant des cours sur la biologie et la destruction des coraux et en préparant des rapports sur des sujets scientifiques étudiés dans l'île de TAHITI.
ABSTRACT : The DUG B set up in 1987 in the University Center of PIRAE, TAHITI is connected with NICE University which is responsible for the wition. The students in biology have showed a particular interest in reef environment prablems, bath taking courses on biology and the destruction of coral reefs and making reports on scientific subjects sutdied in the isle of TAHITI.
1. INTRODUCTION
Le centre universitaire de PIRAE, TAHITI propose aux étudiant~du territoire de la Polynésie française, des DEUG littéraires, juridiques et scientifiques par conventions entre le Ministère de l'Education du territoire et les Universités métropolitaines de MONTPELLIER, PARIS, BORDEAUX et NICE.
L'université de NICE est responsable des DEUG scientifiques: le DEUG A depuis 1985 et le DEUG B depuis 1987. Elle inscrit les étudiants scientifiques de PIRAE et gère leur scolarité. Les DEUG A et B dispensés à PIRAE respectent au plus près les maquettes du PCES (Premier Cycle des Etudes Scientifiques"es) de l'Université de Nice: programmes', coefficients, contrôles et modalités d'examens.
2. FONCTIONNEMENTDE L'ENSEIGNEMENT
Pour garantir l'homogénéité des programmes des DEUG scientifiques, les différentes matières sont traitées par les enseignants de l'Université de NICE.
Si nous prenons comme exemple le DEUG B, chaque discipline comme la chimie, la phY'.ique, les mathématiques est placée sous la responsabilité pédagogique d'un ou de deux - pour la biologie - enseignant(s) niçois.
Durant un séjour de trois ou quatre semaines le "missionnaire" prend en charge l'enseignement magistral, les contrôles continus et terminaux (examens) et organise les Travaux dirigés et pratiques (programme, documents, matériel) qui eux, seront assurés par un enseignant permanent local. L'informatique, l'anglais et l'option sont enseignés localement et à'l'année.
3. LES ETUDIANTS DU DEUG B, 1987-1988
Au nombre de sept (quatre filles et trois garçons), ils ont entre 18 et 21 ans et ils sont tous titulaires d'un Bac D obtenu en 1987 sur le territoire, le plus âgé après un redou blement de la ternùnale. Malgré le faible effectif, l'origine des étudiants estàla fois diverse et représentative de la Polynésie fran~'aise : deux polynésiens, une "demie" (mère polynésienne et père métropolitain), une chinoise, un caldoche et deux "popaa" (origine métropolitaine).
Aucun d'entre eux ne semble avoir de projet professionnel précis.
4. ETUDIANTS, BIOLOGIE ET ENVIRONNEMENT
Tous les chargés de mission au Centre de PLRAE sont soucieux de traiter les programmes permettant aux étudiants d'obtenir un diplôme national, tout en évaluant, lorsque la matière s'y prête les adaptations locales nécessaires.
Dans le domaine de la biologie, il semblait évident en milieu récifal, de compléter
l'enseignement dispensé à NICE par des généralités sur les mers tropicales et des cours sur la biologie et la destruction des récifs coralliens.
Même si la morphologie, la croissance, l'écologie des récifs, la formation des atolls, la faune récifale sont relativement bien connues, beaucoup d'étapes de la calcification des coraux ne sont pas élucidées. De plus la découverte récente de phénomènes de frai synchrone multispécifique de Scléractiniaire (Madréporaires) en rapport avec le cycle lunaire, sur plusieurs sites de la GRANDE BARRIERE AUSTRALIENNE permet enfin d'expliquer les cycles annuels de reproduction chez certains coraux (Babcock,
R.e.
et al., 1986).Le milieu récifal est fragile et la destruction des coraux peut avoir des causes biologiques (prédateurs, organismes perforanl", partage de l'espace vital) ou naturelles (intempéries). Cependant les activités humaines sur les récifs coralliens sont responsables de la plupart des dégradations de l'environnement récifal par des récoltes abusives de coraux, de coquillages, de poissons, par des constructions littorales et le rejet des eaux usées, par les risques de pollutions diverses dont pétrolifères, par les conséquences de l'installation des centrales énergétiques et des tirs nucléaires. Ces différents aspects ont été abordés dans un rapport récent édité par Salvat, B., 1987 (Centre de l'environnement de MOOREA).
Les étudiants ont reçu cet enseignement comme des informations pratiques plus que théoriques. Ils se sentent directement concernés par tous les problèmes de sauvegarde de l'environnement récifal. Ils connaissent bien le milieu marin, et ils pratiquent la plongée, la récolte des coquillages et l'aquariophilie. Ils constatent que les dégradations dans les îles vont parfois très vite. Ces cours ont été très interactifs, animés par des discussions, des compléments d'informations et des observations personnelles. Les étudiants ont apporté des documents, des échantillons de la faune locale, des coquillages, des coraux et même un cœur de corail, cylindre très lourd provenant d'un carottage profond sur l'atoll de MURUROA, Centre d'expérimentation nucléaire.
En complément nous avons conmlenté la presse locale qui se fait l'écho d'une campagne de protection des sites coralliens en rapport avec des exploitations abusives des matériaux coralliens destinés à la construction, en particulier à RAIATEA, île voisine de T AHlTI. Un programme est lancé par le Ministre de la Santé, de l'Environnement et de la recherche scientifique pour recenser les sites d'extraction à RAIATEA et les ILES-SOUS-LE VENT pour faire cesser les activités sur les sites non autorisés, évaluer les dégâts et restaurer les sites dégradés.
L'enseignement du rapport scientifique décrit dans un texte précédent (Febvre, M., 1987) a permis de confirmer l'intérêt des étudiants polynésiennes pour les sujets biologiques locaux liésàl'environnement. Après le cours théorique sur "L'initiation à la recherche documentaire" et "L'élaboration d'un rapport écrit et oral", ils ont effectué des exercices pratiquesà partir d'articles de périodiques scientifiques et d'ouvrages soit fournis, soit trouvés à la Bibliothèque de l'Ecole normale ou dans les librairies spécialisées de PAPEETE.
scientifiques de l'île de TAHlTI que les étudiants ont visité. Ils ont rencontré les chercheurs dans leurs Laboratoires, emprunté des documents fait des photos des installations.
4.1 Institut territorial de Recherches médicales Louis Malardé · Thème sur la ciguatera
La ciguatera est une intoxication alimentaire caractérisée chez l'homme par un tableau clinique diversifié et qui est liée à l'ingestion de poissons tropicaux de récifs. La source du complexe toxinique est un Dinoflagellé benthique Gambierdiscus toxicus qui prolifère sur .les substrats coralliens attaqués par diverses agressions souvent d'origine ~umaine. La chaîne alimentaire est touchée depuis cette algue, les poissons herbivores puis carnivores jusqu'à l'homme.
· Thème sur la filariose
La filariose est une maladie endémique en Polynésie française. Transmise par un vecteur le moustique Aedes polynésiensis, elle est dûe à des vers Nématodes, les filaires (Wurcheria bancrofti) qui envahissent le système lymphatique et le sang de l'homme. Les manifestations de la maladie, dans les cas les plus graves, sont la déformation des membres (Elephantiasis) et des organes génitaux. Le relâchement des mesures prophylactiques risque d'entraîner une recrudescence de la maladie.
4.2 Le CNEXO (Centre national pour l'exploitation des océans) devenu IFREMER et l'EV AAM (Etablissement pour la valorisation des activités aquicole et maritimes)
• Thème sur l'élevage des chevrettes
L'élevage de la chevrette ou crevette d'eau douce (l\lacrobrachium rosenbergii) présente plusieurs étapes : larves, post-larves, prégrossissement et grossissement. Même si la technique est au point, le développement des élevages pour fournir le marché local et l'exportation se heurteà la concurrence des pays du Sud-est asiatique. · Thème sur la conchyliculture en Polynésie française
Parmi les différentes activités l'ostreiculture, la mytiliculture, le domaine le plus prometteur est celui de la perliculture à partir de l'huître Pinctada margaritifera, var. cumingi. Les techniques d'élevage et de greffe conduisent à la production de perles noires particulières à TAHITI.
Les étudiants qui travaillaient en binôme (sauf une étudiante isolée) ont manifesté une grande motivation durant la préparation de leurs rapports. Nous avons examiné ensemble les matériaux documentaires, discuté des illustrations et du plan détaillé. Ils ont présenté leur travail oralement à la fin de mon séjour avec beaucoup d'enthousiasme et de force de conviction dans leurs explications. Ils se sont bien partagés leur temps de parole et ils ont utilisé les supports conseillés: transparents et posters pour les cycles, les plans, les cartes, les dessins de morphologie.
Les rapports écrits sur la ciguatera et la filariose ont été excellents: présentation, style, illustrations.
Les deux autres rapport~ ont présenté des défauts contraires : celui sur l'élevage des chevrettes est trop court et superficiel et celui sur la conchyliculture est trop long, sans sélection des informations essentielles.
5. BILAN PEDAGOGIQUE ET CONCLUSION
Cette mission de trois semaines avec 60 heures de cours, soit 4 heures par jour en moyenne, auxquelles s'ajoutent des exercices sur la documentation scientifique, un test portant sur la première partie de l'enseignement (la biosphère), la rédaction et la présentation des rapports scientifiques constitue un programme dense pour les étudiants comme pour l'enseignant.
Les étudiant'! sont lents à prendre des notes et à relever les schémas d'après les transparents projetés. Partagée entre le souci de développer chez eux le sens de l'observation et de l'effort, et celui de leur assurer des cours avec des illustrations correctes en l'absence d'un centre documentaire bien pourvu, j'ai distribué des photocopies des dessins les plus complexes d'embryogénèse et de morphologie. Le véritable problème sur un temps aussi court est de percevoir l'enracinement des connaissances même si le test a permis de donner des appréciations sur le travail. II est également difficile de corriger en profondeur les défauts liés à de mauvaises méthodes de travail. Les avantages sont ceux d'un stage avec un faible effectif: contact quotidien, souplesse horaire qui permet de réexpliquer, possibilité de faire comprendre à travers ce programme les notions de différenciation et de complexité croissante du règne animal.
Ces étudiants travaillent à un rythme différent de leurs camarades de métropole, cecià cause des multiples contrôles effectués par les missionnaires et les permanents, beaucoup plus réguliers. Ils sont très soucieux d'être considérés comme des étudiants de l'Université de NICE et en même temps ils souhaitent conserver leurs particularités. Ainsi leur esprit pratique et leur motivations se sont-elles bien exprimées dans la réalisation des rapports scientifiques liésàleur environnement. L'organisation actuelle par conventions entre le territoire et la métropole est vouée à disparaître dans un temps plus ou moins long, avec la mise en place de l'Université française du Pacifique Sud entrée en fonction début mars 1988 avec l'ouverture du Centre universitaire de NOUMEA qui sera suivie en septembre 1988 par celle du Centre de PAPEETE.
BIBLIOGRAPHE
BABCOL (R.C.) et al., 1986, Synchronous spawnings of 105 scIeractinian coral species on the Great Barrier Reef. Marine Biology, 90, pp. 379-394.
FEBVRE (M.), 1987, Le rapport scientifique dans le domaine des sciences biologiques. Feuilles d'épistémologie appliquée et de didactique des sciences, 9, pp. 81-84.
Impacts des activités humaines sur les récifs coralliens : connaissances ct recomnuznciations, éd. par Salvat (B.), 1987, - Moorea, Museum national d'histoire
