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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Conception de l'erreur et rupture épistémologique : de la théorie à la pratique

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Academic year: 2021

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CONCEPTION DE L'ERREUR ET RUPTURE

ÉPISTÉMOLOGIQUE : DE LA THÉORIE

À

LA PRATIQUE

Christian REYNAUD, Daniel FAVRE

Laboratoire de Modélisation de la Relation Pédagogique, Université de Montpellier

n

MOTS-CLÉS: STATUT DE L'ERREUR - REPRÉSENTATION SPONTANÉE - FAUTE-DÉMARCHESClliNTUAQUE

RÉSUMÉ: Les participants ont exploré ce qu'ils ressentent quand la probabilité de faire des erreurs est importante. Ils ont mesuré l'influence, sur leur relationàl'erreur, d'un affect désagréable qui pourrait être renforcé par nos traditions culturelles et éducatives. La discussion a porté sur la possibilité d'ancreria relation à l'erreur dans un "paradigme scientifique", ce qui entraînerait une rupture épistémologique avec les représentations "spontanées" des participants, identifiées comme appartenantàun "paradigme de traitement dogmatique de l'information".

SUMMARY : Participants explored what they feel when the probability of making errors is important. This enable them to measure how their relation to error is influenced by an unpleasant feeling which could be conveyed by our cultural and educative traditions. The discussion has reached at the possibility of tying the relation to error in a "scientific paradigm", which one could induce an epistemological breakdown in front of the participants's "spontaneous" ideas, identifed as an emanation from a "paradigm of dogmatic treatment of information".

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1. INTRODUCTION

La réflexion collective sur l'alphabétisation scientifique peut-elle être alimentée par une expérimentation individuelle visant à identifier la relation que chacun entretient avec l'erreur? Nous avons proposé aux participants d'expérimenter une situation pennettant aux acteurs d'explorer ce qu'ils ressentent et pensent lorsque la probabilité de faire des erreurs est importante. Un traitement collectif a permis ensuite de repérer les différentes stratégies adoptées, stratégies souvent révélatrices d'interférences émotionnelles. Dans la mesure où nos traditions culturelles et éducatives pourraient véhiculer un affect artificiellement greffé sur l'événement cognitif qu'est l'erreur, nous avons proposé d'en rechercher le sens épistémologique et d'en analyser les conséquences didactiques.Àcette fin nous avons présenté la modélisation de deux paradigmes épistémologiques: le Paradigme de Traitement Dogmatique de l'Infonnation et son opposé, qualifié de Non-Dogmatique, ou Scientifique (Favre, 1991 ; Favre, Rancoule, 1993). Afin de pennettre à chacun de pouvoir faire progresser plus facilement ses conceptions, notre analyse nous a amenéàinstaller la relation àl'erreur dans un paradigme épistémologique "majoritairement scientifique". Ce déplacement pourrait cependant entraîner une rupture épistémologique avec la représentation de l'erreur actuellement dominante identifiée comme appartenant à un P.T.D.1. (Favre, 1994). Une alphabétisation scientifique qui viserait à développer l'autonomie des individus dans un monde dont les changements continus rendent nécessaire l'évolution des connaissances, peut-elle faire l'économie de la mise en place d'un dispositif éducatif qui favoriserait un tel changement d'attitude dans la manière de ressentir et de traiter les erreurs ?

2. CONFRONTATION À L'ERREUR POUR LES PARTICIPANTS À L'ATELIER

2.1 Description de la situation proposée

L'apprenant doit arriveràla maîtrise d'une notion (d'un concept ou d'une procédure) qu'il ne connaît pas à l'avance. Il va donc devoir apprendre à utiliser cette notion et la mettreàl'épreuve pour se l'approprier. Cela implique que l'apprenant risque de rencontrer l'erreur. Comment cette confrontation à l'erreur peut-elle être vécue? Pour que chacun puisse s'interroger sur cette relation à l'erreuràpartir de son propre exemple, nous avons mis au point un exercice destiné à explorer ce que l'on ressent lorsqu'on est en situation de faire des erreurs. Dans cette situation "artificielle" (sans enjeu d'apprentissage ou professionnel) l'acteur est amenéàfaire des erreurs. Les participants ont été invités àeffectuer une tâche inhabituelle dont les consignes, assez contraignantes, ne sont pas répétées et sont conçues pour mettre en évidence les erreurs : l'exercice consiste à reproduire, en

symétrie, un dessin géométrique complexe et relativement précis, en utilisant deux crayons de couleurs différentes afin que chaque erreur repérée par le dessinateur puisse être visualisée par un

changementdecouleur,la règle et la gomme sont interdites, et si la question de la durée de l'exercice est posée, nous demandons aux participants de faire comme s'ils avaient l'éternité pour le réaliser.

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En revanche, l'objectif général de l'exercice est bien précisé: l'exploration de son rapport personnel avec l'erreur sera rappelé plusieurs fois pendant l'exercice. Pour permettre à chacun de récolter ses réactions, nous proposons d'utiliser une "feuille de reportage" sur laquelle toutes les observations en cours d'exercice peuvent être notées. Ce document étant exploité individuellement par son producteur, les participants sont invités à ne pas se censurer. À la fin de l'exercice chacun peut rapporter,à partir de ses notes, ce qui s'est passé en lui.

2.2 Traitement collectif des stratégies adoptées

Invités à rendre compte de ce qu'ils avaient ressenti au cours de l'exercice, les participants ont fait plusieurs commentaires de la situation.Àce sujet les femmes présentes ont extériorisé plus de facilité et moins de retenue que les hommes à parler des manifestations de leur subjectivité, au début en tout cas. Outre un certain nombre de précautions méthodologiques que certains s'étaient données pour réussir la tâche (la reproduction du modèle en symétrie), nous avons retrouvé, exprimées par les participants, des stratégies déjà identifiées (Favre, 1994) :

- stratégies pour diminuer le risque d'erreur: s'appliquer, se concentrer (se couper du monde),

oublier les consignes qui rendent l'exercice difficile, les modifier pour baisser le niveau de difficulté.

- stratégies préventives pour éviter la confrontation avec ses erreurs potentielles: se rajouter des

consignes supplémentaires, éviter de faire des vérifications, se concentrer davantage en se tendant musculairement et en retenant plus ou moins sa respiration, suspecter la valeur pédagogique de l'exercice, s'inventer des excuses, se déclarer d'emblée incompétent, penser à autre chose, se donner le droit d'arrêter de faire l'exercice. Une quinzaine de soupirs profonds et autant de rires nerveux dont on connaît l'effet anxiolytique, ont été relevés.

- stratégies curatives pour atténuer l'impact émotionnel désagréable de la confrontation avec ses erreurs: s'insulter, se décourager, se désimpliquer, suspecter d'incompétence celui qui a proposé cet

exercice, cacher sa feuille d'exercice, vouloir effacer l'erreur, regarder ce que font les autres et soit se sentir rassuré s'ils font beaucoup d'erreurs soit découragé s'ils en ont fait moins que soi.

Ont également été rapportées, quelquesmanifestations somatiques non attendues: des sensations de

chaleur et d'étouffement, un mal de dos et un mal de têteou psychologiques: une épouse, après avoir

écouté comment son mari décrivait avec un grand souci d 'honnêteté et de précision sa rencontre personnelle avec ses erreurs, s'est trouvé une raison supplémentaire pour l'apprécier davantage.

3. UN MODÈLE ÉPISTÉMOLOGIQUE POUR REPÉRER NOS DIFFÉRENTES ATTITUDES COGNITIVES

3.1 Rappel du modèle épistémologique

Pour analyser le processus de traitement cognitif qui gouverne la relation d'un individu à l'erreur, nous proposons d'utiliser un modèle développé pour repérer les attitudes cognitives de la démarche scientifique (Favre, Rancoule, 1993), modèle que nous rappelons ci-dessous.

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Paradigme de traitement Paradigme de traitement non

dogmatique des informations -dogmatique des Informations

::-::-::_::-::_:1 00%,:_::-::,::_:. :::-:':':':':_:-:·100 %:-:_:-:':-:':':-:-:':-:':':-:':':':.

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3 . Recherche des contre-évidences :::::::::::généralisations ::-:::::::::: : pour préciser le domaine de -:':.::::::abusives .:_>:.:::-:. 4 : validité d'un énoncé

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DEPLACEMENT FAVORISANT LA DESTABILISATION DES CONNAISSANCES

Paradigmede traitement des infonnations : ensemble de valeurs, d'habitudes, de comportements, de savoir-faire,d'attitudes cognitives définies ici par quatre différentiels:<__m >.

Différentiels:il existe un grand nombre de positions intennédiaires entre les deux extrêmes. En pratique, on se situe et on fluctue entre les deux opposés: c'est ce que symbolise le déplacement du"curseur".

3.2 Le traitement de l'erreur dans les deux paradigmes

Le repérage dans les deux paradigmes des attitudes repérées face à l'erreur peut être explicité par le tableau suivant (traitement de l'erreur sur chaque différentiel). Les échanges concernant les réactions des participantsàl'exercice suggèrent fortement que la rencontre avec l'erreur (du latin, aller au hasard) - événement cognitif témoin de notre liberté potentielle et de notre capacitéàexplorer età apprendre hors de la tutelle des instincts - était associée avec un affect négatif susceptible de nous la faire individuellement et collectivement redouter.

P. majoritairement dogmatique Il existe un risque important que l'erreur reste implicite donc non-apparente L'erreur est exclue car elle s'oppose à la notion de vérité

La construction de systématiques viseà éliminer les erreurs en ne prenant en compte que les cas qui confinnentl'énoncé Une attitude projective fait percevoir l'erreur comme une faute et un échec personnel, elle entraîne souvent une inhibition de l'action

P. majoritairement non-dogmatique Expliciter augmente la probabilité d'exposer les erreurs

Dans une hypothèse l'erreur est potentiellement présente

On peut rechercher les erreurs c'estàdire les contre-exemples pour préciser le domaine de validité

Une attitude réflexive pennet de percevoir l'erreur comme une infonnation et d'en inférer de nouvelles hypothèses

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4. LE STATUT DE L'ERREUR

Si un affect négatif a été greffé sur les événements que nous appelons "erreur", il est vraisemblable que nous le devons à la manière dont nous avons été incités à nous la représenter au cours de notre éducation. Si cette façon de traiter l'erreur a une origine culturelle ancienne, alors cela devrait ressortir dans l'expression de nos "représentations spontanées".

C'est la raison pour laquelle en commençant cet atelier nous avons tenté de recueillir les représentations spontanées des participants concernant l'erreur, c'est-à-dire les éléments d'information se présentant de manière automatique à la conscience de ces personnes lorsqu'ils sont sollicités sur ce sujet. Pour que chacun puisse "photographier", souslaforme d'un mot, ce qui lui est venu à l'esprit en premier sitôt après notre intervention, nous avons demandé que chacun se prépare à noter ce premier mot sur un morceau de papier qui avait été distribué. Lorsque tout le monde fut prêt, un animateur énonça: "Imaginez que vous preniez conscience d'avoir fait une erreur, décrivez en un

mot et par écrit le sentiment ou l'émotion que vous éprouvez" .Les mots recueillis auprès des25

participants ont été classés dans les trois colonnes suivantes (tableau, page suivante).

Étonnés par leurs résultats, les participants à l'atelier l'ont été davantage d'apprendre que depuis dix ans, de Tlemcen en Algérie à Léningrad en Russie, ce type d'enquête réalisé auprès d'un millier d'enseignants francophones, montrait que seulement moins de 10% d'entre eux associent spontanément l'erreur à un sentiment débouchant sur une action nouvelle (Favre, 1994).

mots qUI traduisent une mots qUI traduisent une mots qUI traduisent UDE émotion ou un sentiment qui tentative pour se rassurer émotion ou un sentiment qui

inhibe l'action : ou se préserver : débouche sur l'action :

concernant un sentiment concernant un sentiment concernant la compréhensionetece

désagréable: désagréable : qui s'est passé:

confusion (2) silence, zut (2), merde à comprendre, manque

concernant l'imagede soi et de sa concernant l'image de soi et de concernant la possibilité d'une

valeur : sava/eur : nouvelle action :

honte (5), échec nonnal recommencer

concernant un sentiment de

culpabilité :

culpabilité (2), coupable, faute, embarras, mortification

concernant un sentiment de peur :

hourrah! irréversible, bloca2e

Les enseignants ont ainsi tendance à transmettre par "contagion", malgré eux et malgré leur connaissances épistémologiques théoriques, une représentation de l'erreur risquant d'introduire des tropismes négatifs vis-à-vis des apprentissages, puisque associée à des affects désagréables démotivants (cf la colonne de gauche du tableau). Il a été suggéré par les participants de vérifier si le sexe et la religion des personnes interviewées constituaient ou non une variable significative, ce que nous n'avions pas fait jusqu'à présent. La discussion a porté ensuite sur les effets induits dans la manière de recueillir les représentations spontanées. Les pourcentages des termes choisis dans

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chacune des trois colonnes varient en effet selon la manière de poser la question mais ne s'inversent jamais. Le problème a donc été posé de comment aborder l'erreur dans une situation d'apprentissage pour que le message de l'enseignant ne comporte pas une opposition paradoxale entre le contenu verbal théorique (se donner le droitàl'erreur, conseils pour bien la vivre etc.) et les contenus non-verbaux (où l'erreur est redoutée). Une telle opposition entre message verbal et non-verbal entraîne dans le meilleur des cas une priorité pour le message non-verbal et à terme la difficulté à installer une représentation de l'erreur dans le paradigme non-dogmatique comme peut le rendre nécessaire la pratique de l'évaluation formative (Favre, 1994).

S. CONCLUSION

Lafamiliarisation des hommes avec une culture scientifique en perpétuelle évolution pourra-t-elle faire l'économie d'une modification de la relation de chacun à l'erreur? Cette évolution implique en effet de pouvoir modifier nos connaissances chaque fois qu'elles deviennent plus ou moins obsolètes; elles risquent d'être alors vécues comme "fausses". Cette aptitude a faire évoluer nos connaissances concerne donc les enseignants, puisque c'est souvent aux cours des apprentissages organisés par eux que se construit notre représentation de l'erreur, mais elle semble difficileàacquérir car elle exige, selon nous, une rupture épistémologique entre les représentations de l'erreur dans le paradigme dogmatique et celles avec lesquelles l'erreur se trouve associée dans le paradigme non-dogmatique. Dépasser cette rupture, souvent encore non reconnue comme telle, signifierait que les enseignants puissent et veuillent modifier leurs représentations de l'acte d'enseigner (passage de la transmission des connaissances à l'aide apportée à l'apprenant pour se les approprier) et de l'image qu'ils ont encore de ce qu'est un enseignant idéal (celui qui sait, qui ne se trompe pas et dont l'ampleur des connaissances est un indicateur de la valeur personnelle).À notre avis, la formation actuelle des enseignants ne met pas encore suffisamment en évidence ces représentations du métier d'enseignant Elles proviennent vraisemblablement de l'expérience que les enseignants ont eu en tant qu'élèves et qui, faute d'avoir été interrogée suffisamment dans ce sens par leur formation pédagogique encore largement centrée sur les contenus de l'enseignement, n'a pas été remise en question pourlamajorité d'entre eux.

BIBLIOGRAPHIE

FAVRE D., Conception de l'erreur et rupture épistémologique,Revue FrançaisedePédagogie, 1994,

Références

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