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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Synthèse et perspectives  « Perspectives chamoniardes »

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Academic year: 2021

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PERSPECTIVES CHAMONIARDES

Jean-Louis MARTINAND

UMR-STEF, ENS Cachan, Universud-Paris

Il s’agit dans les propos qui suivent de quelques réflexions pour mise en perspective.

Au cours de Journées sur le thème « Différences et inéquités : enjeux culturels et scolaires pour les sciences et les techniques », il faut évidemment nous garder de généralisations hâtives, cet obstacle épistémologique bien mis en relief par Bachelard mais trop souvent oublié dans les recherches didactiques pressées de mettre en évidence du « commun », ou d’établir un « générique », sans l’accumulation empirique, la discussion critique et l’élaboration théorique qui permettent de passer du singulier au particulier, au général, à l’universel. Sans attention à l’inattendu, armée pour l’observation divergente, et sans hypothèses de différences, situées et critériées, celles-ci ont bien peu de chance d’apparaître comme des faits ; quant aux différences spécifiques, elles ne relèvent pas de décisions théoriques.

C’est pourquoi l’appel à communication appelait aux efforts patients pour prendre vraiment au sérieux les enjeux des Journées :

« Dans une société profondément mondialisée, mais hétérogène et changeante, il est bien difficile aujourd’hui d’ignorer les défis des inégalités face aux sciences et aux techniques contemporaines : inégalités affectant les familles et leurs membres, les milieux et les régions, les ressources et les obstacles, les perspectives et les politiques.

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Mais trop souvent, ces défis sociaux et culturels sont déniés sitôt que découverts ; ou ils sont abordés publiquement, mais sous forme d’opinions aussi fortement proclamées que subjectivement élaborées ; les faits, divers, complexes et variables, sont dédaignés ; les solutions, proposées sur un mode d’évidence, confondent élucidation et prescription, causes et conditions, prémisses et conséquences ; les expériences, les savoirs, les valeurs, les idées, les aspirations et les avis de ceux-là mêmes qui sont concernés, sont ignorés. Ce dont se dispensent trop fréquemment les « leaders d’opinion » intervenant sur ces sujets, c’est de l’effort nécessaire de position objective et d’élaboration critique de problèmes qui sont d’abord ceux « des autres ».

Pour l’éducation et la culture scientifiques et techniques, il importe alors de prendre du temps pour recenser et analyser les divers facteurs de différences, leurs manifestations et leurs enracinements, d’envisager les diversités fécondes et les inéquités inacceptables, d’évaluer les modes d’actions, les outils, les contenus qui les prennent en compte comme appuis à utiliser ou comme obstacles à surmonter. C’est ce que les XXIXes Journées de Chamonix se proposent de favoriser, entre chercheurs, médiateurs, formateurs et enseignants, à partir des expériences, productions, études, innovations et recherches récentes et passées, dans un esprit d’ouverture sociale et culturelle, d’exigence intellectuelle et éthique, d’initiative anticipatrice et responsable.

Parmi les nombreux facteurs de différences et d’inéquités, nous souhaitons privilégier les propositions qui traiteront :

des facteurs de cultures et de traditions ; des facteurs de milieux sociaux et culturels ; des facteurs de sexe et de genre ;

des facteurs de développement économique et social ; des facteurs de champs scientifiques et techniques ; des facteurs de ressources éducatives et culturelles.

Et parmi les nombreuses situations et occasions qui peuvent donner lieu à réflexion, pensons aux contenus de programmes scolaires, aux outils didactiques ou produits de médiation, aux interactions concrètes dans les activités scolaires ou actions de diffusion culturelle, aux jugements que chacun porte sur le comportement de ses interlocuteurs… » Cette manière d’essayer de prendre les enjeux à leur racine et dans leurs développements, en associant « praticiens » et chercheurs est une caractéristique voulue des Journées de Chamonix. Elle ne fait pas, ou plutôt dans notre domaine d’intérêt ne fait plus des Journées un colloque de recherche, mais elle en fait un colloque ouvert, indispensable aux chercheurs, comme aux

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responsables qui ont besoin de se donner les moyens d’anticiper les évolutions et d’inventer les actions futures. Je pense que les actes de ces dernières journées montrent une contribution collective appréciable, originale et sans doute indispensable en ce sens, sur le terrain des didactiques et des médiatiques de sciences et de techniques.

L’originalité des Journées repose justement sur le respect des différences de postures et d’apports entre chercheurs et praticiens, l’attention à leurs expériences et à leurs efforts pour la penser et la formuler, mais aussi sur la critique sans concession des interventions médiatisées qui ne s’appuient que sur un transfert indu de notoriété. Pour prendre un exemple actuel, n’est-il pas étonnant de voir en France que dans le montage en cours d’un gros appel à projet de l’Agence Nationale pour la Recherche sur le thème Science et société, il est imposé d’un côté les exigences scientifiques habituelles et normales pour les équipes et chercheurs de sciences humaines et sociales, et de l’autre une inclusion de « scientifiques » (des « vrais ») voire d’administrateurs de recherche sous la seule condition d’un vague intérêt ou d’un besoin d’expression.

Plus gravement en France, pour les recherches éducatives et didactiques, il n’y a ni demande, ni débat, mais mise à l’écart permanente par les pouvoirs politiques, médiatiques et administratifs des compétences spécifiques, et des relations nationales et internationales qu’elles impliquent. Dans ces journées, l’absence d’administrateurs de l’éducation français est en tout cas patente (il est vrai que contrairement à l’Allemagne, bien peu peuvent se prévaloir d’un doctorat, d’une expérience de la recherche et d’un réseau de chercheurs), et la faible réactivité des Instituts universitaires de formation des maîtres est consternante (sont-ils déjà anéantis ?). Certes, dans chacun des pays francophones, et même dans le monde anglophone, avec tous les particularismes qui s’y révèlent, les chercheurs de notre champ se plaignent aussi de ne pas être entendus comme ils le souhaiteraient ; mais ce n’est pas l’ignorance et l’évitement.

En tout cas, nous avons besoin d’échanges internationaux pour comparer, apprécier et comprendre les différences de situation de la recherche et de l’innovation, réfléchir sur les échecs et les réussites, confronter les cadres intellectuels, pousser aussi loin que possible les questionnements et les élaborations intellectuelles qui permettent de penser les changements dans les pratiques et les institutions, pour en être acteur et non objet.

Quel que soit l’environnement, le rôle que nous fixons aux Journées de Chamonix, et qu’elles doivent tenir et maintenir, est d’anticiper les thèmes et enjeux d’éducation, de formation, de communication et de culture scientifiques et techniques qui ont des chances de passer au premier plan, de les problématiser, en travaillant les concepts qui ouvrent un questionnement pertinent et en ébauchant des développements plus systématiques et plus heuristiques. C’est ce que l’appel à

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communications cherchait à susciter, par son titre comme par son argument, c’est ce que la disposition et le contenu des séances plénières voulaient assurer, c’est aussi ce que le journal Slalom a accompagné.

J’espère qu’à la fin des XXIXes Journées, le « jeu conceptuel » différence/inégalité – diversité/inéquité a pu fonctionner comme « opérateur » problématique pour des innovateurs et des chercheurs peu enclins à penser par eux-mêmes ces questions, même s’ils les rencontrent. Et j’espère aussi que les « moments » à distinguer pour éviter les mélanges et les confusions ont pu l’être : moment de la caractérisation objective, de l’élucidation des « facteurs », de mise au jour des relations, moment d’expression et d’argumentation des jugements d’inéquité inacceptable ou de diversité souhaitable, moment de projection et de choix des actions. Car devant la différence, faut-il aller vers la « différenciation » et la multiplicité des adaptations, ou vers l’exploitation de la diversité et une forme d’« intégration » ? Quelles valeurs vaut-il mieux privilégier ? Qu’est-ce qui change et qu’est-ce qui est alors considéré comme invariant, du point de vue didactique ou médiatique ? À quels termes juger les mises en œuvre et leurs conséquences, quels en seront les critères d’évaluation ?

J’aimerais insister sur des distinctions nécessaires pour avancer. Le thème « Différences et inéquités : enjeux culturels et scolaires » peut être abordé sur trois plans : un plan didactique ou médiatique, qui risque d’être entièrement occupé par les chercheurs et les formateurs au détriment des praticiens et des innovateurs, un plan « politique » souvent délaissé par les spécialistes, par manque de préparation pour les confrontations et décisions qui en sont la marque, et entre les deux un plan « stratégique », celui de la conception et de l’organisation ou de l’administration.

Dans un champ comme le nôtre, il n’est pas possible de faire l’impasse sur le fait que les recherches et innovations particulières comme les expériences singulières sont interpellées sur ces trois plans, et pas seulement sur le premier, qui permet de s’isoler en choisissant les interlocuteurs selon ses affinités, ou les deux autres plutôt investis comme terrains d’influence ou d’affrontement idéologiques que comme lieux d’élaboration et de délibération impliquant de multiples partenaires. Même si nous ne sommes pas à l’aise pour le faire, nous devons nous demander : comment apparaissent nos essais et nos recherches sur chacun de ces trois plans ? Comment en parler, dans quel « langage » ? Comment les situer, à quoi faut-il les comparer pour les partenaires qu’on y rencontre ? Quels sont leurs apports, à quels enjeux répondent-elles ? Comment prennent-elles ou peuvent-elles prendre en compte les demandes et suggestions de diverses origines ? Comment justifier la reprise ou le refus de certains points ? Comment sortir du risque souligné ici même d’« autisme », ou plutôt d’égocentrisme ?

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Bien sûr ces enjeux fondamentaux concernent d’abord nos rapports « extérieurs », mais ils touchent directement au sens social de nos travaux. Avec les Journées, par l’écoute et le débat que permettent la convivialité et la focalisation sur un thème problématisé, nous pouvons nous entraîner à progresser dans la capacité de faire face aux enjeux actuels et à venir de l’enseignement et de la culture scientifiques et techniques. Nous en avons certainement bien besoin.

QUELQUES RÉFÉRENCES UTILES SUR LE THÈME

UNESCO (1974). La science et la diversité des cultures. Paris : PUF.

Morazé, C. et al. (1979). La science et les facteurs de l’inégalité. Leçons du passé et espoirs de l’avenir. Paris : PUF.

Michalon, C. (1997). Différences culturelles : mode d’emploi. Saint-Maur : SEPIA.

Académie d’éducation et d’études sociales (2000). Au risque de la science. Les conséquences éducatives et sociales du développement scientifique et technique. Paris : Fayard.

Bentolila, A. (dir) (2000). L’école face à la différence. Paris : Nathan.

Convert, B. (2002). Les impasses de la démocratisation scolaire. Sur la prétendue crise des vocations scientifiques. Paris : Raison d’agir.

Michalon, C. (2002). Histoire de différences, différence d’histoires. Saint-Maur : SEPIA. Terrail, J.-P. (2002). De l’inégalité scolaire.Paris : La Dispute.

Michaud, Y. (dir) (2003). Égalité et inégalités. Paris : Odile Jacob, Université de tous les savoirs. Moscovici, N. (dir.) (2003). Égalité des sexes en éducation et formation. Paris : PUF.

Références

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