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Les associations entre les entreprises et ONG : la création d’un espace de coopération contribuant à assurer efficacité et pérennité aux actions socialement responsables des entreprises | RIMEC

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Les associations entre les entreprises et ONG : la

création d’un espace de coopération contribuant à

assurer efficacité et pérennité aux actions

socialement responsables des entreprises

Jacques POIROT

Résumés

Résumé

A partir du début des années 1990, les partenariats entre les entreprises se sont développés malgré des objectifs souvent opposés. Dans cet article, ont été recherchés et analysés les facteurs, qui sont à l’origine des associations entre les entreprises et les ONG ainsi que de l’apparition d’un espace de coopération entre ces acteurs contribuant à assurer l’efficacité et la pérennité des actions socialement responsables des entreprises. Deux modèles ont été mobilisés pour analyser les relations entreprises-ONG et en comprendre les raisons : le modèle utilitariste et le modèle du don. Selon le modèle utilitariste, les entreprises et les ONG collaborent, car les deux partenaires en tirent un avantage réciproque. Il s’agit d’un avantage économique et financier ainsi que stratégique. Les entreprises minimisent le risque sociétal, en limitant notamment le risque de boycott ; elles bénéficient également d’économies externes apportées par les ONG qui aident les entreprises à mettre en œuvre les principes du développement durable. Les labels décernés aux entreprises leur permettent de vendre parfois plus facilement leurs produits et même à un prix plus élevé que celui de leurs concurrents. Les ONG, de leur côté, bénéficient d’une nouvelle source de financement qui complète l’apport des fonds publics et des donateurs privés. Elles peuvent aussi mieux comprendre les contraintes économiques et financières des entreprises et se montrer plus efficaces dans leurs actions auprès des entreprises. L’objectif essentiel des deux partenaires est d’obtenir, à travers leur collaboration, une reconnaissance du public ; pour les entreprises, il s’agit de la reconnaissance de leurs engagements en faveur du développement durable et, pour les ONG, de leur compétence professionnelle. Dans le jeu stratégique, qui oppose entreprises et ONG, chaque partenaire cherche parfois à développer sa marge d’autonomie, à acquérir un pouvoir, c’est-à-dire la capacité à influencer le comportement du partenaire. Cependant, c’est le modèle du don, initié par les travaux de Marcel Mauss, qui fait apparaître les véritables fondements de la collaboration entre les entreprises et les ONG. Les entreprises sont engagées, comme les autres acteurs de la société, dans un système de dons et de contre-dons ; elles ont l’obligation morale de rendre à la société les dons qu’elles ont initialement reçus et dont elles continuent à bénéficier. Les ONG apparaissent alors comme des médiatrices entre les entreprises et les donataires, constitués par les générations actuelles ou les générations futures. Une typologie des relations entre ONG et entreprises a été établie à partir des caractéristiques essentielles du modèle du don : le degré de réciprocité et le degré de générosité.

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1. Faire preuve de responsabilité sociale consiste pour les entreprises à aller « au-delà » des prescriptions légales dans le domaine social et environnemental. Elles modifient le cas échéant leur processus de production ou transforment leurs produits pour créer de la valeur l’égard de l’ensemble de leurs parties prenantes, et non plus seulement en faveur exclusivement de leurs actionnaires. Les ONG (organisations non gouvernementales), qui représentent l’ensemble de la population civile ou seulement quelques catégories de celle-ci, constituent l’une de leurs parties prenantes, à côté des salariés, des fournisseurs, des clients, des administrations publiques, et de l’ensemble des individus ou collectivités directement concernés par leurs activités. Si la référence aux actions menées par les ONG est de plus en plus fréquente, le terme d’ONG lui-même demeure toutefois relativement imprécis, même en droit international ou en droit français1. Novethic, en s’appuyant sur les travaux de la sociologie politique retient pour caractériser les ONG, les critères suivants : l’origine privée de sa constitution, le but non lucratif de son action, l’indépendance financière et politique, la défense de l’intérêt public et, souvent, un mode d’action en réseau. De ce fait, les ONG regroupent un ensemble relativement peu homogène d’acteurs qu’il est difficile d’estimer faute d’une définition juridique précise2 et dont les motivations, les objectifs ou les modalités d’actions sont très différents.

2. Jusqu’au début des années 1990, les relations entre les entreprises et les ONG ont été caractérisées par l’indifférence ou l’affrontement3. A la suite de l’accélération du processus de mondialisation à la fin des années 1980, entraînant un retrait relatif des États et un affaiblissement des syndicats, des partenariats (associations en vue de réaliser des objectifs commun) entre ONG et entreprises sont apparus, les deux groupes d’acteurs, dans un certain nombre de cas, pouvant retirer un avantage réciproque de leur collaboration. Selon l’Observatoire des relations ONG-entreprises, les partenariats, qui engagent souvent pour une longue durée entreprises et ONG, concernent surtout les grandes entreprises et les ONG de notoriété internationale4. De même, selon cet observatoire, 75% des partenariats recensés se font avec des ONG de notoriété internationale. Cependant beaucoup d’entreprises moyennes, notamment celles qui effectuent des opérations internationales (achats et sous-traitance à l’étranger, exportations), devraient être directement intéressées par des partenariats avec les ONG pour mener de façon plus efficace des actions dans le domaine du développement durable5 ; Pourquoi les ONG et les entreprises ont-elles été amenées à coopérer, malgré des objectifs souvent opposés ? Beaucoup d’ONG ont, en effet, pour objectif déclaré, d’obliger les États ou les organisations internationales à prendre des mesures contraignantes à l’égard des entreprises, et plus particulièrement à l’égard des multinationales, tandis que les dirigeants d’entreprises cherchent, notamment en menant volontairement des actions en faveur du développement durable, à éviter le retour à la réglementation. Nous rechercherons, dans une première partie, dans quelle mesure la convergence des intérêts économiques, financiers ou stratégiques des entreprises et des ONG aurait suffi à faire apparaître des partenariats durables entre ces acteurs. Cependant, cette convergence d’intérêt ne saurait constituer l’unique facteur de cette volonté de coopération. C’est pourquoi, en nous plaçant dans le cadre du modèle du don, initié par Marcel Mauss, nous montrerons, dans une seconde partie, que de nombreux accords entre entreprises et ONG relèvent d’une autre logique, que celle, utilitariste, de la recherche d’un

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avantage réciproque.

Table des matières

1 LE PARTENARIAT ENTREPRISES – ONG : UNE CONVERGENCE D’INTÉRÊTS DANS L’OPTIQUE UTILITARISTE

1.1 La convergence d’intérêts économiques et financiers

1.1.1 Intérêts économiques et financiers pour les entreprises 1.2 Intérêt économique et financier pour les ONG

1.2.1 La recherche de reconnaissance et de pouvoir au cœur des comportements stratégiques des acteurs dans la relation entreprise-ONG

1.2.2 Le comportement stratégique des ONG

1.2.3 Le comportement stratégique des entreprises face aux ONG 2 LE PARTENARIAT ENTREPRISES – ONG : LA CONSTRUCTION DE

RELATIONS ENTRE ACTEURS DANS LE CADRE DE L’ÉCONOMIE DU DON 2.1 Le rôle des partenaires dans le cadre des relations entreprises-ONG selon le modèle du don.

2.1.1 Le rôle spécifique des partenaires dans l’échange social du modèle du don

2.1.2 2) Le contre-don : une condition de la licence to operate de l’entreprise

2.1.3 Une place d’intermédiaire ambiguë pour les ONG dans leurs relations avec les entreprises

3 Un essai de typologie des relations entre ONG et entreprises établie à partir des caractéristiques essentielles du modèle du don

3.0.1 Le registre de la générosité 3.0.2 Le registre de la réciprocité 3.0.3 Le registre du pouvoir 3.0.4 Le registre de la violence 4 CONCLUSION

LE PARTENARIAT ENTREPRISES – ONG : UNE CONVERGENCE

D’INTÉRÊTS DANS L’OPTIQUE UTILITARISTE

3. Le partenariat entre entreprise et ONG, dans une optique utilitariste, est expliquée par la convergence d’intérêt économiques et financiers des acteurs impliqués, ainsi que par la recherche d’une reconnaissance de leurs parties prenantes6.

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La convergence d’intérêts économiques et financiers

Intérêts économiques et financiers pour les entreprises

4. En collaborant avec les ONG, les entreprises espèrent éviter des risques économiques tout en bénéficiant parfois d’économies externes.

a) Éviter les risques économiques

5. Les ONG ou les collectifs d’ONG, qui ont une grande notoriété, bénéficient d’une forte capacité de nuisance à l’égard des entreprises, notamment sous forme de boycott.

6. Le partenariat avec une ONG devrait éviter à l’entreprise d’être victime de la part de cette dernière d’un ordre de boycott sans en avoir été informée au préalable, et sans avoir eu même la possibilité de se défendre. C’est le souci d’éviter un tel risque qui a, sans doute, incité Shell à modifier entièrement sa stratégie à l’égard des exigences du développement durable. L’entreprise avait prévu d’immerger dans la Mer du Nord une plateforme pétrolière obsolète. Greenpeace, devant le refus de Shell d’abandonner son projet, lança un ordre de boycott qui entraîna immédiatement en Allemagne et dans les pays nordiques une perte de 20% de son chiffre d’affaires ainsi qu’une forte chute du cours de son action en bourse. La multinationale, qui avait une mauvaise image en termes de développement durable, décida de changer de stratégie et se donner une image « écologique ». Elle se retira du Global Climate Coalition, un groupe de pression, composé de multinationales, qui mettait alors en doute la réalité de la menace d’un changement climatique et lança des actions en faveur du développement durable, notamment en collaborant avec Daimler (Brown, 2003) pour la mise au point d’un moteur hydrogène7. Le rapport de l’ORSE (2005, p. 23) rappelle à cet égard que « le risque sociétal est une composante importante du risque opérationnel avec un impact potentiel sur les résultats financiers (coûts cachés, coûts d’opportunité, retards de croissance) »8.

7. Cependant, l’établissement de relations avec les ONG, qu’il s’agisse de dialogues, de mécénats, ou même partenariats, n’est pas une assurance anti-risque dans ce domaine. Une multinationale, qui a beaucoup d’activités diverses, peut nouer un partenariat avec une ONG pour un secteur donné, mais peut subir des attaques d’autres ONG (ou éventuellement de la même ONG) pour ne pas avoir respecté les principes du développement durable dans un ou plusieurs autres secteurs d’activité. Les ONG, elles-mêmes, rappellent que les accords de partenariat ne sont pas des « polices d’assurance » (Orse, 2005, p. 29). Selon le rapport de Manifeste (Novethic, 2006b), plus de la moitié des entreprises du SBF 250, qui annoncent avoir un ou plusieurs partenariats, ont fait, au cours de la période récente, l’objet d’au moins une mise en cause par une ONG9. L’établissement de relations avec les ONG, pour les entreprises, ne peut que limiter les attaques venant de ce secteur de la société civile. Cette analyse pourrait expliquer les raisons pour lesquelles les partenariats concernent essentiellement les entreprises les plus grandes et les ONG qui ont une notoriété internationale. Les grandes entreprises, les mieux connues du public, sont considérées par les ONG comme des acteurs les plus représentatifs de certaines activités

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économiques et sont donc les plus exposées aux critiques et aux actions menées par les ONG. Elles seront plus tentées que les entreprises moyennes de recourir à des partenariats pour limiter les attaques dont elles peuvent être victimes. Et, pour que cette protection soit la plus efficace possible, elles préfèrent, dans cette optique, s’associer aux ONG également les plus représentatives et ayant une grande notoriété au niveau international.

b) Bénéficier d’économies externes dans le cadre de la responsabilit é sociale de l’entreprise

8. Certaines ONG disposent de larges compétences dans le domaine environnemental ou social, et notamment de connaissances précises sur certaines zones géographiques.

9. Dans le domaine social, la FIDH (Fédération internationale des droits de l’Homme) a ainsi aidé Carrefour à élaborer une charte imposée aux fournisseurs, obligeant ces derniers à respecter les droits des travailleurs dans l’entreprise (De Ravignan, 2008b). Pour faire respecter cette charte, le distributeur et l’ONG ont établi un partenariat. La FIDH a apporté son expertise en aidant Carrefour à élaborer des questionnaires destinés à auditer les fournisseurs. L’accord autorisait également la FIDH à effectuer des contrôles inopinés dans les ateliers des fournisseurs afin de vérifier les audits effectués par les cabinets professionnels ainsi que la mise en œuvre effective des éventuelles mesures correctrices demandées par le distributeur10. Certaines entreprises ont bénéficié aussi de l’expertise des ONG dans le domaine de l’environnement11.

10. Les entreprises utilisent parfois les ONG comme de véritables prestataires de services, car elles disposent de compétences et de connaissances exclusives dans certains domaines, notamment dans celui des relations sociales au sein de certaines collectivités locales. Les actions de Suez12 et de Total13 peuvent être considérées comme représentatives de ce type de coopération ONG-entreprise.

c) intérêt économique du label et de la certification.

11. En bénéficiant d’un label reconnu, les entreprises peuvent parfois vendre leurs produits à un prix plus élevé. Tel est le cas des exploitants forestiers qui se sont engagés en respectant le label FSC (Forest Stewarship Council) à préserver la forêt ; ils ont pu augmenter leur prix de 10 à 15% (Canfin, 2008).

Intérêt économique et financier pour les ONG

12. Si les ONG ont apporté parfois leur expertise aux entreprises, ces dernières leur ont également, dans de nombreux cas, transmis leurs connaissances et leur expérience. Mais c’est surtout la recherche de nouvelles sources de financement qui a incité de nombreuses ONG à rechercher des partenaires dans le monde des entreprises.

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13. Les ONG généralistes ont cherché à bénéficier de connaissances et de compétences dans leurs secteurs d’intervention. C’est le cas, selon le rapport de l’Orse (2005, p. 27) du Secours catholique qui souhaitait profiter d’un savoir dans les domaines de la santé, de l’agronomie, de la finance, des audits14. Par ailleurs, les ONG, à caractère plus revendicatif, peuvent être, dans ce but, incitées à rechercher des partenariats avec les entreprises.

14. Comme le souligne Novethic (2006a), « le rapprochement avec les entreprises permet aux ONG de mieux comprendre leurs objectifs et leur mode de fonctionnement, et donc, in fine, de mieux les influencer ». Par ailleurs, la coopération avec les entreprises facilite, aux ONG , l’accès à une information non publique, susceptible de mieux les éclairer. Dans le cadre du mécénat de compétences, les membres des ONG peuvent, de leur côté, bénéficier de formations offertes par les entreprises, (audit, comptabilité, finance, management, gestion des ressources humaines…)

15. Les actions menées par une ONG dans le cadre de son partenariat lui permettent aussi parfois de bénéficier d’effets d’apprentissage et d’améliorer ainsi son expertise dans son domaine15.

b) De nouvelles sources de financement

16. Pour de nombreuses ONG, le partenariat avec les entreprises a été l’occasion de diversifier leurs sources de financement, au moment où les subventions publiques avaient tendance à diminuer. Par ailleurs, les dons venant des ménages sont difficiles et parfois longs à obtenir et, de plus, leur montant demeure souvent aléatoire.

17. Certaines ONG font du financement par l’entreprise une condition sine qua non du partenariat, tandis que d’autres, moins nombreuses, il est vrai, veulent conserver leur indépendance vis-à-vis des entreprises. Amnesty International, Greenpeace ou la FIDH ne font pas d’un soutien financier de l’entreprise une condition de leur partenariat. Mais la majorité, au contraire, lie tout partenariat potentiel avec une entreprise à la mise en place d’un financement. WWF estime même que de fortes contributions financières reflètent, de la part des entreprises partenaires, une ferme volonté de s’engager dans un partenariat durable.

18. Le financement peut se faire sous forme de dons ou sous forme d’une prestation de services, qui relève, dans cette dernière hypothèse, d’un contrat de droit commun. Lorsque la mise en œuvre du partenariat exige des moyens de financement relativement importants, l’entreprise et l’ONG peuvent créer une structure nouvelle, qui sera contrôlée par l’ONG, mais financée en partie par l’entreprise16.

La recherche de reconnaissance et de pouvoir au cœur des comportements stratégiques des acteurs dans la relation entreprise-ONG

19. L’enjeu commun essentiel des relations que nouent les entreprises et les ONG, c’est la recherche d’une reconnaissance par leurs parties prenantes, tant celle de l’entreprise que celle de l’ONG. Pour parvenir à leurs fins, ces organisations, ou leurs dirigeants, tentent d’obtenir un certain pouvoir sur leur partenaire, au sens de pouvoir donné par Michel Crozier

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(1963, 1977) et les tenants de l’analyse stratégique, c’est-à-dire d’acquérir la capacité d’influencer les décisions et les actions du partenaire en sa faveur. Nous rechercherons les ressources dont disposent dans ce domaine les entreprises et les ONG et nous analyserons les modalités de leurs actions, pouvant aller du dialogue à la manipulation ou à l’instrumentalisation. Le cas des ONG et des entreprises sera successivement analysé.

Le comportement stratégique des ONG

20. Les ONG se sont donné comme mission d’agir dans le sens de l’intérêt général, qu’il s’agisse du domaine social ou environnemental, qu’elles soient généralistes ou spécialisées dans un type d’intervention donnée. Il est indispensable que leurs arguments soient pris en considération par les différents acteurs publics ou privés ; c’est la condition sine qua non pour influencer dans un sens qu’elles jugent favorables les comportements des agents économiques et notamment des entreprises. Les ONG ont ainsi besoin, pour atteindre leurs objectifs, d’obtenir une reconnaissance de l’ensemble du public, et plus particulièrement de leurs parties prenantes, c’est-à-dire des acteurs qui sont les plus directement concernés par les missions qu’elles se sont fixées, comme leurs donateurs, les pouvoirs publics, certaines entreprises ou les ménages etc. Par ailleurs, comme dans tout jeu stratégique, les ONG cherchent à obtenir un certain pouvoir sur les entreprises, c’est-à-dire une capacité à modifier le comportement de ces dernières.

a) La recherche d’une reconnaissance par le public

21. C’est dans leurs relations avec les entreprises que les ONG peuvent obtenir une reconnaissance de leur compétence dans leur domaine d’activité. Trois grands types d’instruments peuvent, à cet égard, être distingués : les moyens, traditionnels et parfois spectaculaires, de pression directe sur les entreprises, dialogue, campagnes médiatiques, boycott et autres manifestations ; l’évaluation ou la notation des entreprises en fonction de leur progrès dans le respect du développement durable ; le partenariat, ponctuel ou sous forme d’une alliance durable. Il peut consister, dans ce dernier cas, de la part de l’ONG, en une simple prestation de services ou bien, de façon plus ambitieuse, à faire adopter par l’entreprise de nouveaux standards, des codes de bonne conduite dans le domaine social ou environnemental, avec, comme consécration, l’octroi de labels ou de certifications.

22. Le partenariat, et plus particulièrement le partenariat de longue durée, est sans doute le moyen le plus efficace pour l’ONG d’obtenir une reconnaissance de ses compétences par l’ensemble des acteurs. A ce propos, les alliances, entre la FIDH et Carrefour, ou entre WWF et Lafarge, cas emblématiques, ont largement contribué à ce que la FIDH ou WWF soient considérés par l’ensemble du public comme des experts incontournables dans leur domaine. La simple prestation de services assure à l’ONG la reconnaissance de ses compétences professionnelles, pouvant les rendre rivales des entreprises prestataires de services17.

23. Toutefois, le partenariat avec les entreprises risque parfois d’affecter l’image de l’ONG en la faisant apparaître dans l’esprit du public comme associée et même comme un

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soutien des entreprises. L’image de l’ONG et la reconnaissance du public peuvent même en être fortement affectées si l’entreprise ne parvient pas, malgré ses efforts, à respecter ses engagements dans le domaine social ou environnemental. Pour reprendre un des exemples précédemment cités, la FIDH a renoncé à participer à des contrôles inopinés chez les fournisseurs de Carrefour. Bien que, chaque année, le distributeur se sépare de 4,5 à 6% de ses fournisseurs, de nombreux cas de non-respect de la charte fournisseur de Carrefour ont été observés dans plusieurs pays, notamment des entorses à la réglementation sur les salaires au Bangladesh et en Chine18.

b) la recherche de pouvoir sur les entreprises

24. Conformément aux principes de l’analyse stratégique, en laissant planer une incertitude sur le recours éventuel à des actions directes contre l’entreprise, telles que les boycotts, les ONG ont acquis la capacité à obliger parfois les entreprises à changer de stratégie. Antoine Mach a noté « que sur 9 cas où une pression avait été exercée sur des entreprises par des ONG, 7 ont débouché ultérieurement sur une coopérative active » (Orse, 2005, p. 29)19. Le risque économique demeure, en effet, une menace majeure pour les entreprises qui sont tenues d’assurer la rentabilité de leur activité.

25. La notation des entreprises par les ONG, qui demeure encore relativement marginale, constitue une ressource nouvelle pour acquérir un certain pouvoir sur les entreprises. Cette notation peut être utilisée dans le cadre d’une campagne médiatique. Même si les ONG n’ont pas toujours la capacité technique des agences spécialisées pour établir des notations à la suite d’études exhaustives, elles ont le mérite d’être diffusées, à la différence des notations des agences spécialisées qui ont un caractère confidentiel. Ces notations sont publiées régulièrement de façon à faire ressortir les progrès accomplis par certaines entreprises20. La mise en œuvre généralisée d’un système de notation des entreprises pourrait inciter nombre d’entre elles à nouer des partenariats, même ponctuels avec des ONG21.

26. Le partenariat de longue durée entre entreprise et ONG donne à cette dernière un pouvoir accru sur l’entreprise, lui permettant de mieux infléchir son comportement conformément aux objectifs qu’elle s’est fixés. Elle connaît mieux les problèmes économiques et financiers de l’entreprise qui rencontre des difficultés croissantes à se dérober. A. de Ravignan (2008c) estime ainsi que WWF dispose maintenant d’un avantage stratégique sur Lafarge, car l’ONG « a acquis au fil du temps une connaissance fine de l’entreprise, connaît ses marges de manœuvre techniques et financières »22.

Le comportement stratégique des entreprises face aux ONG

27. Dans leur relation avec les ONG, les entreprises recherchent également une reconnaissance du public et, dans la mesure du possible, certaines tentent d’accroître leur pouvoir à l’égard des ONG, afin de se prémunir essentiellement contre leurs attaques.

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28. Pour bénéficier d’une large reconnaissance de leur action dans le domaine du développement durable, les entreprises ont intérêt à nouer des partenariats de longue durée avec les ONG, à constituer avec ces organisations de véritables alliances. Pour que cette reconnaissance puisse s’opérer, il faut que les deux partenaires, entreprise et ONG, aient des objectifs communs, comme dans les cas emblématiques de Carrefour et de Lafarge23. 29. On peut estimer que la reconnaissance du public ne se manifestera que si l’entreprise

coopère pour améliorer, dans le sens du développement durable, les activités qui constituent véritablement le cœur de son métier. Lafarge a collaboré avec Care pour lancer une politique de lutte contre le sida, car ce groupe avait estimé que 15 à 20% de ses salariés en Afrique australe étaient directement concernés par cette maladie (les salariés eux-mêmes ou un ou plusieurs membres de leur famille). Cependant, si Lafarge a bénéficié d’une reconnaissance du public, c’est plutôt à la suite de son partenariat avec WWF, qui a remis en cause le fonctionnement même de l’entreprise. On peut considérer que, vis-à-vis de ses salariés d’Afrique Australe, Lafarge n’a fait que financer une action humanitaire dont les retombées ont été immédiates pour l’entreprise, en contribuant à préserver sa force de travail.

30. Si Carrefour et Lafarge restent des références classiques dans le domaine du développement durable, d’autres entreprises en collaborant avec des ONG ont cherché à s’attirer une reconnaissance de leur engagement par le public24. Il serait intéressant de rechercher dans quelle mesure la reconnaissance et la perception du public sur les engagements d’une entreprise sont d’autant plus forts que les actions menées affectent plus fortement le fonctionnement de l’entreprise.

b) La recherche de pouvoir sur les ONG

31. Pour répondre aux critiques et aux attaques des ONG, les entreprises ont mené des stratégies visant à neutraliser l’action des ONG essentiellement par la coopération et, de façon plus marginale, par des attaques contre les ONG. Les entreprises ont également instrumentalisé les ONG, notamment dans le cadre de coopération entreprises-ONG.

32. L’établissement de partenariat avec les ONG a permis, dans certains cas, de limiter les critiques et les attaques menées par les ONG contre les entreprises. En s’associant avec les ONG, des entreprises ont parfois même transformé des menaces en opportunités. Comme cela a été mentionné précédemment, l’association avec l’ONG contribue à renforcer l’image de l’entreprise socialement responsable. Par ailleurs, si l’entreprise réalise de médiocres performances dans le domaine de la protection de l’environnement ou dans le domaine social, l’ONG, qui contrôle ses résultats, a souvent une connaissance assez précise des difficultés et des contraintes économiques et financières de l’entreprise. Elle évitera de critiquer ou de lancer des attaques contre l’entreprise qui peut espérer, également, être protégée des attaques d’autres ONG, moins informées de la situation de l’entreprise. Lafarge ne pourra pas réduire ainsi ses émissions de CO2 de 10% dans les pays développés à la suite d’une politique d’acquisitions, qui a mécaniquement augmenté ses émissions. WWF, connaissant la stratégie de l’entreprise, n’a aucun intérêt à exercer des pressions supplémentaires sur l’entreprise pour que ses objectifs soient atteints ; au contraire, les nouveaux établissements, entrant dans le groupe Lafarge, seront amenés à

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bénéficier des « bonnes pratiques » du groupe et à réduire ultérieurement leurs émissions. 33. Comme le signale le rapport de l’Orse (2005, p. 57), les entreprises, pour neutraliser l’action

des ONG, peuvent susciter la création d’associations chargées de noter ou d’examiner les comptes des ONG. Aux États-Unis, l’association Public Internet Watch s’est donné pour mission de « garder un œil sur les gardiens autoproclamés de l’intérêt public ». Selon les auteurs du rapport de l’Orse, elle « entend décrédibiliser certaines ONG en relevant d’éventuelles utilisations frauduleuses de leurs fonds25. »

34. Dans le jeu stratégique qui oppose parfois les entreprises et les ONG, les entreprises instrumentalisent aussi parfois les ONG. Elles peuvent, par exemple, faire participer une ou plusieurs ONG, ayant une certaine notoriété, à des organisations ou des programmes d’initiative patronale, où certaines entreprises adhérentes tenteront ainsi de se donner une meilleure image26. Par ailleurs, les syndicats, souvent tenus à l’égard par les ONG, ont fait remarquer que les partenariats avec les ONG permettaient aux entreprises de souscrire à des engagements beaucoup moins contraignants que les obligations qu’elles devraient respecter dans le cadre des conventions internationales27. Le rapport de l’Orse (2005, p. 31) rappelle les observations faites par Ludovic François à propos de la « puissance de déstabilisation des ONG qui peut être un outil extraordinaire pour des manipulateurs d’entreprise »28.

35. Les relations entre les entreprises et les ONG sont sans doute guidées par la recherche d’un intérêt économique ou financier réciproque à travers un jeu stratégique, où chaque acteur tente souvent d’accroître son pouvoir sur les autres tout en veillant à ce que son partenaire, de son côté, n’acquiert pas un pouvoir trop important sur lui-même. Cette analyse à caractère utilitariste ne saurait expliquer toutefois de façon complète la constitution de partenariats de longue durée entre les entreprises et les ONG. C’est pourquoi le recours au modèle du don est indispensable pour appréhender le caractère spécifique des relations entre les ONG et les entreprises.

LE PARTENARIAT ENTREPRISES – ONG : LA CONSTRUCTION DE

RELATIONS ENTRE ACTEURS DANS LE CADRE DE L’ÉCONOMIE DU DON

36. Pour analyser certains aspects spécifiques des relations entreprises-ONG, nous nous appuierons sur le modèle du don, initié par Marcel Mauss dans son célèbre article de 1923 (Mauss, 1989). Ce modèle a été appliqué à l’étude des relations entre acteurs dans de nombreux domaines de la vie sociale et économique, tels que la protection sociale, les relations entre les entreprises etc. (Chanial 2008a). Selon ce modèle, toutes les relations sociales ne sont pas régies par les principes de l’échange économique ou par les principes de l’analyse stratégique développée par Michel Crozier pour lequel chaque acteur cherche constamment à accroître son autonomie et son pouvoir sur les autres. Nous examinerons tout d’abord le rôle des partenaires dans le cadre des relations entreprises-ONG selon le modèle du don et nous tenterons ensuite d’établir une typologie des relations entreprises-ONG en nous plaçant dans le cadre de l’économie du don.

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Le rôle des partenaires dans le cadre des relations entreprises-ONG selon le modèle du don.

37. Après avoir souligné le rôle spécifique des partenaires dans l’échange social qui caractérise le modèle du don par rapport à l’échange économique classique, nous préciserons le rôle de l’entreprise et des ONG dans l’optique d’une économie du don.

Le rôle spécifique des partenaires dans l’échange social du modèle du don

38. L’échange social, qui relève de l’économie du don, s’oppose à l’échange économique classique par la place essentielle qu’il donne à la personnalité des partenaires.

39. Avec l’échange économique, les obligations de chaque partenaire, les biens ou les services échangés par exemple, sont fixés par le contrat qui lie les deux parties. L’échange a un caractère ponctuel ou implique un engagement limité dans le temps ; les deux co-contractants sont libres, par la suite, de passer de nouveaux contrats avec d’autres partenaires. Avec l’échange social de l’économie du don, les deux partenaires entrent, au contraire, dans un cycle d’échanges, chacun étant, tour à tour, donateur et donataire. Marcel Mauss (1989), dans son analyse des sociétés archaïques, a montré que les partenaires étaient soumis à une triple obligation, celle de donner, celle d’accepter le don et celle de rendre. Les acteurs entrent donc dans un processus de don et de contre-don. Néanmoins, chaque acteur demeure libre de donner ou de rendre. Le contenu du don et du contre-don n’est pas fixé par un contrat, mais laissé à la libre appréciation de chacun. Si les acteurs sont en principe libres, ils sont néanmoins soumis à une pression sociale. Se soustraire au don et au contre-don peut éventuellement entraîner l’exclusion ou la mise à l’écart de l’individu par l’ensemble de la collectivité. C’est pourquoi le don, dans l’échange social, est à la fois libre et obligatoire, libre au niveau de la valeur du don, obligatoire en fonction de la pression sociale qui s’exerce sur les individus. Les motivations des acteurs sont très différentes dans les modes d’échange économique et social. L’échange économique classique implique, de la part des acteurs, la recherche exclusive de leur intérêt, la maximisation du profit pour l’entreprise et la maximisation de l’utilité pour le consommateur. Par ailleurs au sein des organisations, chaque acteur, comme l’a montré Michel Crozier, cherche à accroître son autonomie et à acquérir du pouvoir sur les autres, notamment sur ses supérieurs ou ses collègues de travail. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un jeu à somme nulle, car l’autonomie gagnée par les uns correspond à un pouvoir perdu par les autres (Godbout, 2008). Au contraire, l’échange social implique de la part des partenaires un certain degré de générosité, de désintéressement. Il est vrai, comme l’ont souligné de nombreux auteurs, qu’il n’existe pas de don totalement désintéressé. Le donateur, dans l’échange social, espère bénéficier d’un contre-don ultérieur de la part du donataire, même s’il en ignore sa valeur. Le don est un dosage subtil entre intérêt et désintéressement.

40. La personnalité des acteurs joue un rôle essentiel dans l’échange social, alors que c’est l’objet de l’échange qui est primordial dans l’échange économique. Ce dernier ne regroupe les acteurs que pour des opérations limitées dans le temps, tandis que l’échange social crée une alliance durable entre les acteurs. L’échange économique se fait parfois dans un

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contexte de méfiance réciproque de la part des deux parties, alors que l’échange social contribue à créer un climat de confiance entre les acteurs ; il assure, lorsqu’il est généralisé à de nombreux secteurs, la cohésion de la société. Dans l’échange social, chaque partenaire montre de l’intérêt pour l’autre partie dans le cadre d’une alliance qui se poursuit ou qui s’instaure ; ce qui n’est pas le cas avec l’échange économique limité dans le temps.

41. Le don, comme cela a été fréquemment souligné, est, en définitive, un dosage subtil, d’une part, entre liberté et contrainte et, d’autre part, entre intérêt et désintéressement. Cependant, le don et le contre-don ne concernent pas toujours que deux partenaires ; il peut apparaître une tierce personne ou un tiers élément qui est le bénéficiaire ultime du don ; le donataire direct n’est alors qu’un simple intermédiaire. C’est le cas, à l’époque actuelle, lorsque des donateurs privés versent des dons à des associations caritatives pour qu’elles les redistribuent aux pauvres.

42. Les acteurs, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes, qu’ils appartiennent à des tribus ou des clans au sein des sociétés archaïques, ou qu’ils vivent dans une société moderne, tissent, grâce au don, des relations durables et ne laissent pas le marché réguler, seul, l’ensemble de leurs relations. Quelle est à cet égard la situation des entreprises ?

2) Le contre-don : une condition de la licence to operate de l’entreprise

43. Nombre d’entreprises, au niveau de leurs responsables, de leurs dirigeants ou de leurs salariés, ont pris conscience, à l’instar des autres acteurs, qu’elles avaient bénéficié et qu’elles bénéficient, en tant qu’entité, de dons venant du reste de la société. Cette dernière a mis à leur disposition, en effet, de nombreuses ressources qu’elles n’ont pas été obligées de financer : infrastructures indispensables à la logistique des transports, main-d’œuvre qualifiée formée par les institutions publiques, système de financement etc. Le processus d’innovation est aussi un processus de création collective et les entreprises se servent, pour leur fonctionnement, des découvertes et des inventions réalisées souvent à des périodes anciennes. Lorsqu’une entreprise se crée, tout se passe comme si elle recevait, de la société, un certain nombre de dons qui lui sont indispensables. A son tour, elle se doit de faire des contre-dons à la société. Certains ont un caractère obligatoire, comme les taxes et les impôts. Mais les entreprises, socialement responsables, ont admis que ces contre-dons imposés, en fait, ne suffisaient pas ; et elles ont décidé d’appliquer les principes du développement durable notamment dans ses dimensions sociale et environnementale. Elles estiment qu’elles doivent, par leurs actions, contribuer au respect de l’équité inter et intra générationnelle et participer également à la préservation de l’environnement en allant, le cas échéant, au-delà des prescriptions légales29.

44. Les acteurs, dans les sociétés modernes, sont, par conséquent engagés, qu’ils le souhaitent ou non, dans un processus de dons et de contre-dons, chacun étant tour à tour donateur et donataire. Dans l’optique du modèle du don, les entreprises doivent ainsi compléter les systèmes de protection sociale, lorsque les systèmes publics sont inexistants ou défaillants. L’accent a été mis par ailleurs sur leur responsabilité environnementale. On doit considérer que l’ensemble des acteurs ont reçu des générations précédentes un environnement,

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parfois dégradé, il est vrai, qu’ils doivent transmettre, dans le meilleur état possible aux générations suivantes. Les acteurs actuels doivent transmettre un environnement au moins aussi sain aux générations futures que celui dont ils ont bénéficié. Dans la mesure où les acteurs, et, parmi ceux-ci, les entreprises, améliorent la situation des écosystèmes, on peut considérer qu’il s’agit d’un don fait aux générations futures.

45. Cette responsabilité, dans le domaine social ou environnemental, des entreprises est directement liée à leur responsabilité directe dans le partage de la valeur ajoutée qu’elles ont créée et, d’une façon plus générale, dans le partage des revenus entre leurs différentes parties prenantes. L’objectif unique qui avait été initialement fixé aux entreprises était de créer de la valeur pour leurs actionnaires, tout en assumant les charges qui leur sont imposées par la loi. Le public, à travers les critiques faites à l’égard des entreprises, et notamment des multinationales, a jugé implicitement que leurs contre-dons à la société, sous forme de contributions fiscales, étaient insuffisants. Les gouvernements ont d’ailleurs renforcé, sans doute involontairement, ce sentiment en évitant, dans le cadre de la mondialisation, d’alourdir les charges des entreprises, principalement les charges sociales, comme l’attestent les récentes réformes de la sécurité sociale dans de nombreux pays, notamment la France. Comme l’objectif des États était de maintenir la compétitivité des entreprises et, plus généralement, l’attractivité de leur territoire, en assurant une rentabilité suffisante aux entreprises, les gouvernements ont limité, avec leurs politiques économiques, les contre-dons obligatoires des entreprises. Ils ont ainsi ouvert la voie à la contestation du mode de fonctionnement des entreprises (et de la société) et aux demandes d’instauration de normes au niveau international destinés à protéger les droits des travailleurs et l’environnement. Les ONG, qui se sont faites les représentantes de la société civile (en s’autoproclamant parfois), ont exigé que les firmes respectent les droits élémentaires des travailleurs et des populations locales, lorsqu’elles recourent à des fournisseurs situés dans les pays en développement ; les ONG ont exigé également que ces entreprises limitent leur pression sur l’environnement, notamment sur les écosystèmes, en restreignant les prélèvements qu’elles y opèrent et les rejets qu’elles effectuent. Dans l’optique du modèle du don, les entreprises doivent faire des contre-dons suffisamment importants à la société pour bénéficier, dans l’esprit du public, de la licence to operate, le droit d’exercer leur activité et de faire des profits pour les actionnaires.

Une place d’intermédiaire ambiguë pour les ONG dans leurs relations avec les entreprises

46. Le don ou le contre-don des entreprises à la société fait intervenir en fait trois partenaires : le donateur (l’entreprise), le donataire (la société), et des intermédiaires représentés par les ONG. Le donataire correspond, selon les cas, aux générations futures, lorsqu’il s’agit de la protection de l’environnement30 ou à des groupes sociaux spécifiques pour des actions dans le domaine social. Les ONG facilitent l’accès des bénéficiaires au don ou au contre-don. Le contre-don que recevront les entreprises vient du public sous forme d’une licence to operate et aussi, comme nous l’avons souligné précédemment, d’une reconnaissance du public et, plus particulièrement, de l’ensemble de ses parties prenantes. Dans ce modèle du don, par ailleurs, les entreprises doivent aussi manifester de l’intérêt pour leurs partenaires, les ONG,

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dont la légitimité peut toujours être remise en question.

a) Le rôle d’intermédiaire des ONG entre l’entreprise donatrice et l es bénéficiaires

47. Les ONG, dans leurs relations avec les entreprises, jouent un double rôle d’incitatrices et de médiatrices. Les ONG incitent souvent les entreprises à donner et surtout à accroître le volume de leur don ou de leur contre-don. Les relations étroites entre Lafarge et les ONG illustrent parfaitement ce comportement. A la fin des années 1990, Lafarge, pour marquer le changement de millénaire, avait eu l’idée de planter, avec le soutien de WWF, 70000 arbres, autant d’arbres que l’entreprise avait alors de salariés. WWF a estimé que ce contre-don proposé par Lafarge était insuffisant, car Lafarge, par ailleurs, est un gros pollueur en CO2. WWF a entamé des discussions avec Lafarge pour que le groupe s’engage à réduire ses émissions de CO2 et accepte que des contrôles soient opérés au niveau de ses établissements. Par ailleurs, concernant ce même groupe, Philippe Levêque, directeur général de Care France, explique (De Ravignan, 2008d, p. 74) que Lafarge voulait initialement engager une action de lutte contre le sida en se limitant à ses employés. L’ONG a incité l’entreprise à élargir son cercle d’action pour toucher d’autres catégories comme les familles élargies des salariés, les chauffeurs routiers, les prostituées, qui sont directement concernés dans la lutte contre l’extension du sida31.

48. Les ONG jouent aussi un rôle de prestataire de service et constituent parfois un écran entre les bénéficiaires du don et l’entreprise donatrice. Comme nous l’avons mentionné, Total a confié à Pro-Natura le soin d’aider des communautés locales du Niger, regroupant plus de 100 000 personnes, à élaborer leurs propres plans de développement et à la mettre en œuvre dans le cadre d’une démocratie locale. Dans ce cas, l’entreprise s’en tient à son rôle de donatrice et laisse l’ONG mener librement son action sur le terrain. L’ONG devient, dans cette hypothèse prestataire de service. Mais, de plus, l’ONG ajoute au don effectué par l’entreprise, son propre don, car elle fait bénéficier les donataires de son expérience acquise au cours d’opérations antérieures.

49. Par ailleurs, les ONG peuvent aussi agir comme intermédiaire, prestataire de services, à partir des dons reçus de secteurs divers (entreprises, ménages, administrations publiques) et notamment de plusieurs entreprises. Elles sont à l’origine des opérations qu’elles mènent, apportent leur savoir-faire et leurs actions s’inscrivent alors dans le cadre du mécénat d’entreprises.

b) La légitimité des ONG comme partenaires des entreprises

50. Les ONG engagées dans des partenariats avec les entreprises, conformément au modèle du don, doivent naturellement « avoir un intérêt » pour le partenaire, pour l’entreprise, car elles s’engagent dans une alliance de longue durée. Elles ne doivent pas mettre l’entreprise en difficulté en exigeant d’elle des performances sociales ou environnementales qu’elle serait incapable de réaliser à cause de contraintes économiques ou financières. Réciproquement, l’entreprise partenaire doit montrer, dans la logique du

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modèle du don, de l’intérêt pour l’ONG et ne pas remettre en cause sa légitimité. En effet, à la différence de l’Église qui jouait aussi au Moyen Age un rôle d’intermédiaire entre les riches donateurs et les pauvres ( Chanial 2008b), la légitimité des ONG est toujours susceptible être contestée et des campagnes médiatiques peuvent même être lancées contre certaines d’entre elles, comme nous l’avons analysé précédemment32.

Un essai de typologie des relations entre ONG et entreprises établie à partir

des caractéristiques essentielles du modèle du don

51. Nous nous limiterons dans cette analyse au domaine des relations entre entreprises et ONG, sans envisager les tiers bénéficiaires. Comme le rappelle fort justement Philippe Chanial, (2008c), les échanges portent sur tout, les biens, les services, les politesses, les coups, les femmes, les fêtes, les meurtres, les insultes… Dans cette analyse, limitée aux relations directes entre les entreprises et les ONG, les entreprises donnent aux ONG la possibilité de poursuivre leurs actions, grâce au mécénat ou au partenariat notamment ; les ONG apportent, en échange, aux entreprises, les moyens de se faire reconnaître par le public comme étant socialement responsables33,

52. En nous appuyant sur une « grammaire des relations humaines » établie par P. Chanial (2008c) dans l’optique du modèle du don, nous examinerons dans quelle mesure la typologie ainsi proposée permet de classer les différents types de relations entre ONG et entreprises.

1. Chanial, pour établir sa « grammaire des relations humaines », a distingué deux caractéristiques essentielles : le degré de réciprocité et le degré de générosité. Les relations sociales entre partenaires pourraient être repérées par conséquent sur deux axes distincts.

53. Le premier axe va de l’obligation de recevoir (une relation de « pouvoir ») à la forte « réciprocité ».

54. ———A———————————————————-B———————— ? Degré de réciprocité (Obligation forte de recevoir, relation de pouvoir) (Obligation forte de donner et de rendre)

55. Selon l’auteur, « les relations se distinguent au regard de l’importance qu’y revêt la norme [de réciprocité) et à travers elle, l’obligation de rendre ».

56. Le point B correspondrait à une relation impliquant une forte réciprocité de la part des acteurs, chacun est obligé de faire un contre-don, dont l’importance est déterminée par des normes sociales ou même réglementaires. Le point A correspondrait à une relation impliquant une relation de pouvoir ; celui qui reçoit n’a rien à rendre directement (versement de contributions obligatoires par exemple).

57. Le second axe irait de la « violence » à la « générosité » :

58. ———A——————————————————–B——————— ? Degré de générosité (Violence entre les partenaires) (Obligation morale forte de donner)

59. Le long de cet axe, les relations se distinguent au regard de l’importance accordée à l’obligation de donner. Le point B correspondrait à une relation impliquant une forte obligation de donner (obligation morale, non imposée par des statuts ou par un rôle social).

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La relation au point A s’inscrit dans le domaine de la violence.

60. En croisant la position de la relation par rapport au degré de réciprocité et au degré de générosité, P. Chanial a établi 4 registres (subdivisés chacun en deux régimes) : le registre de la générosité, celui de la réciprocité, celui du pouvoir et celui de la violence. Nous examinerons les différents types de relations ONG-Entreprises à partir de cette typologie.

Le registre de la générosité

61. Le registre la générosité comprend les régimes du don et de la bienfaisance. Le régime du don, dans cette typologie, se caractérise par une forte obligation de donner et une forte obligation de rendre. Il apparaît selon P. Chanial un « endettement positif », car les « partenaires se perçoivent comme recevant plus qu’ils ne donnent », sans pour autant avoir un sentiment de culpabilité.

62. Le régime de la bienfaisance est caractérisé par une générosité sans réciprocité. Il s’agit d’une relation asymétrique dont le don charitable constituerait un exemple.

63. Il est douteux qu’on puisse trouver fréquemment, dans les relations entreprises-ONG, de tels régimes qui impliqueraient un désintéressement complet de l’une des parties, notamment des entreprises.

Le registre de la réciprocité

64. Le registre de la réciprocité comprend le régime du rôle/statut et celui de l’échange économique. Le régime du rôle/statut se caractérise par une certaine routinisation des relations entre les acteurs. Chacun s’en tient à ce que son rôle et son statut lui prescrivent. Le degré de générosité peut être considéré comme relativement faible, tandis que le degré de réciprocité est élevé. L’échange économique a été précédemment analysé. Il n’implique aucune générosité de la part des partenaires et un fort degré de réciprocité inhérent aux contrats.

65. Comme on pouvait s’y attendre, c’est dans ce registre de la réciprocité qu’on rencontre le plus grand nombre de relations entre entreprises et ONG. Le mécénat d’entreprises relève de ce registre : les obligations de l’ONG et de l’entreprise sont clairement définis ; l’entreprise finance les actions de l’ONG et obtient en échange le droit de faire référence à l’opération ou d’utiliser un label, susceptible de lui apporter une certaine reconnaissance de la part du public. Cette relation relève bien de l’échange économique, car ces opérations ont un caractère ponctuel et les deux partenaires ne manifestent souvent qu’un intérêt limité pour leur partenaire dont ils peuvent d’ailleurs changer fréquemment.

66. Le régime du rôle/statut caractériserait le mieux les partenariats entreprises-ONG d’une certaine durée. Les deux partenaires, comme dans le cas de Lafarge-WWF ou celui de Carrefour-FIDH sont sans doute liés par un contrat, mais celui-ci est incomplet ; toutes les situations possibles ne peuvent pas être envisagées, et le système de dons et de contre-dons, qui s’instaure, tend à se normaliser, chacun jouant le rôle qui résulte de son statut. Lafarge s’est engagée à réduire ses émissions de CO2, avec le soutien de l’ONG qui en retire une certaine notoriété et surtout une reconnaissance, de la part du public, de son professionnalisme. Lafarge bénéficiera d’une large publicité grâce aux médias, lui donnant

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aussi une certaine reconnaissance du public comme acteur socialement responsable.

Le registre du pouvoir

67. Ce registre comprend les régimes de la domination et de l’autorité. Les deux régimes se caractérisent par l’absence de réciprocité et par une assez forte obligation de recevoir. 68. Le registre de la domination apparaît comme une sorte de dégénérescence de la

bienfaisance. Le don n’est fait que pour marquer une position de pouvoir. L’accumulation des dons entraîne pour les bénéficiaires une sorte de « dette négative » qu’ils ne peuvent rendre et devient le symbole de leur soumission à l’acteur donataire. Ce registre pourrait être illustré par le paternalisme d’entreprise.

69. Le registre de l’autorité se caractérise aussi, comme nous l’avons mentionné, par une absence totale de réciprocité. Mais le charisme du donateur évite de créer le sentiment d’être dominé chez les donataires. Il apparaît néanmoins un certain degré de générosité, tandis que le régime précédent est caractérisé par la violence. L’autorité du maître sur l’élève entre dans le cadre de cette relation asymétrique.

70. Il est possible que certaines relations entreprises-ONG relèvent du régime de la domination. Une entreprise, pour affirmer son pouvoir, pourrait très bien financer généreusement une ONG, peu connue, incapable en retour de faire preuve de réciprocité, en permettant à l’entreprise d’en retirer une reconnaissance très forte du public. Il serait possible aussi qu’une relation entreprises-ONG corresponde au régime de l’autorité. Il suffirait que l’entreprise, qui finance l’ONG peu connue, soit perçue comme socialement responsable et ne soit pas soupçonnée de vouloir affirmer sa position de pouvoir.

Le registre de la violence

71. Le registre de la violence regroupe les régimes de la vengeance et de la guerre. Comme nous l’avons précisé précédemment, les échanges peuvent aussi concerner les critiques, les attaques ou les actions directes entre ONG et entreprise.

72. Le régime de la vengeance est caractérisé par un fort degré de réciprocité et par le recours à un fort degré de violence au niveau des acteurs. C’est le cas d’une confrontation entre une entreprise et une ONG, qui peut déboucher sur des actions directes de l’ONG contre l’entreprise et de l’entreprise contre l’ONG. Le régime de la guerre se caractérise, selon P. Chanial, par une absence de réciprocité et par le recours à la violence ; si le régime de la vengeance peut être assimilé à une vendetta, celui de la guerre serait plutôt une guerre d’agression où l’un des deux partenaires essaye de neutraliser l’autre, sans que ce dernier soit en mesure de répondre. De nombreux cas de figures sont possibles. Comme cela a été observé précédemment, des entreprises ou des groupes d’entreprises peuvent chercher à déstabiliser des ONG en examinant leurs comptes ou éventuellement en publiant des notations ou des classements ; les ONG, de leur côté, notent aussi les entreprises et, par leur classement ou leurs méthodes de notation, peuvent contribuer à déstabiliser certaines d’entre elles.

73. En définitive, seuls les registres rôle/statut, don, bienfaisance et autorité relèvent, dans cette typologie, de l’échange social, tel que nous l’avons analysé précédemment, en l’opposant

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à l’échange économique. La « grammaire des relations humaines », proposée par P. Chanial, semble globalement adaptée pour analyser le type de relations qui s’établit entre entreprise et ONG. Il apparaît, à cet égard, principalement trois groupes de relations entre ces deux partenaires : le régime de l’échange économique ; le régime du rôle/statut ; les deux régimes de la violence (vengeance et guerre).

CONCLUSION

74. Deux modèles ont été mobilisés pour analyser les relations entreprises-ONG et en comprendre les raisons : le modèle utilitariste et le modèle du don. Selon le modèle utilitariste, les entreprises et les ONG collaborent, car les deux partenaires en tirent un avantage réciproque. Il s’agit d’un avantage économique et financier ainsi que stratégique, tant pour les entreprises que pour les ONG. Les entreprises minimisent le risque sociétal, en limitant notamment le risque de boycott ; elles bénéficient également d’économies externes apportées par les ONG qui aident les entreprises à mettre en œuvre les principes du développement durable dans le cadre de partenariat souvent de longue durée. Les ONG peuvent aussi décerner des labels aux entreprises permettant à ces dernières de vendre parfois plus facilement leurs produits et même à un prix plus élevé qu’auparavant. Les ONG, de leur côté, bénéficient d’une nouvelle source de financement qui complète l’apport des fonds publics et des donateurs privés. Les partenariats avec les entreprises leur permettent de mieux comprendre aussi les contraintes économiques et financières des entreprises et de se montrer plus efficaces dans leurs actions auprès des entreprises. Par ailleurs, les deux partenaires peuvent obtenir, à travers leur collaboration, et surtout dans le cadre de partenariats de longue durée, une reconnaissance du public ; pour les entreprises, il s’agit de la reconnaissance de leurs engagements en faveur du développement durable, et pour les ONG, de leur compétence professionnelle. Mais dans le jeu stratégique qui oppose entreprises et ONG, notamment lors de collaborations, chaque partenaire cherche parfois à développer sa marge d’autonomie, à acquérir un pouvoir, c’est-à-dire la capacité à influencer le comportement du partenaire. A la différence de la recherche d’une reconnaissance mutuelle, il s’agit d’un jeu à somme nulle.

75. Cependant, c’est le modèle du don, initié par Marcel Mauss, qui fait apparaître les véritables fondements de la collaboration entre les entreprises et les ONG, qu’il s’agisse de simples mécénats ou d’un partenariat de longue durée. Les entreprises sont engagées, comme les autres acteurs de la société, dans un système de dons et de contre-dons ; elles ont l’obligation morale de rendre à la société les dons qu’elles ont initialement reçus et dont elles continuent à bénéficier. Les ONG apparaissent alors comme des médiatrices entre les entreprises et les donataires.

76. Une méfiance réciproque, toutefois, semble toujours marquer les relations entre les entreprises et ONG. Les partenariats s’établissent de façon privilégiée entre grandes entreprises et ONG de notoriété internationale. Les grandes entreprises, notamment les grandes multinationales, sont des cibles-symboles pour les ONG, et la coopération, plutôt que l’affrontement avec les ONG, peut leur apporter des avantages économiques et

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financiers substantiels, relativement plus importants sans doute qu’aux PME, qui conservent, dans leur ensemble, une attitude d’indifférence ou de méfiance vis-à-vis des ONG. Par ailleurs, beaucoup d’entreprises, qui collaborent avec les ONG, préfèrent des relations qui relèvent de l’échange économique plutôt que de l’échange social qui s’inscrit dans l’économie du don. Nombre d’accords entre entreprises et ONG correspondent, en effet, à des mécénats, à travers lesquels c’est l’objet de l’échange qui est essentiel, indépendamment le plus souvent de la personnalité des deux partenaires. Pour que les partenaires changent de posture et adoptent les principes de l’échange social, il est indispensable que les dirigeants des entreprises ou des ONG prennent le risque de se faire mutuellement confiance, comme cela a été le cas pour les deux partenariats emblématiques de Lafarge avec WWF et de Carrefour avec la FIDH. C’est à cette condition que pourra s’établir, entre entreprises et ONG, un espace de coopération, susceptible d’assurer efficacité et pérennité aux actions socialement responsables des entreprises.

References

1. ? Le rapport de l’ORSE (2005,

p. 7) précise la définition retenue par les Nations Unies.

2. ? L’Union of international

associations estime leur nombre actuellement à 50 000, alors que ces ONG n’étaient 5 000 en 1974 (Orse, 2005, p. 9).

3. ? Selon Antoine de Ravignan

(2008), les ONG engagées dans le champ de la solidarité internationale « ont été plus soucieuses de mener à bien leurs projets de développement et d’interpeller les États sur leur politique d’aide ou de commerce que d’en découdre avec les multinationales », laissant aux ONG de consommateurs ou d’écologistes le soin de s’attaquer à ces dernières, notamment en lançant des

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boycotts ou en manifestant contre leurs activités non respectueuses de l’environnement.

4. ? L’Observatoire (2007) avait

constaté que 43 entreprises du SBF 250 avaient déclaré des partenariats, soit 17% des entreprises de cet indice, mais que sur ces 43 entreprises, 23 étaient des entreprises du CAC 40, ce qui souligne la faiblesse des partenariats noués avec des entreprises de taille moyenne.

5. ? Comme le souligne l’agence

Manifeste, « peu d’entreprises savent qu’il n’est pas nécessaire d’investir des centaines de milliers d’euros dans un partenariat pour qu’il soit efficace à tous les niveaux » et cette agence ajoute « qu’il n’est pas nécessaire de rechercher en permanence les ONG très connues pour obtenir une expertise terrain ou une contrepartie immédiate en matière de communication, si tel est l’un des objectifs du partenariat ». L’agence Manifeste édite en partenariat avec l’Obervatoire des ONG un annuaire des ONG (www.wwo.fr)

6. ? Pour A Caillé, le modèle

utilitariste énonce une « proposition positive » selon laquelle « l’action des individus est (ou devrait être,

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ou doit être considérée comme étant) régie par une mécanique du calcul intéressé » ainsi qu’une « proposition normative qui énonce qu’est juste ce qui contribue objectivement à l’accroissement du plus grand bonheur du plus grand nombre ». http://www.cairn.inf o/article_p.php?ID_ARTICLE =CITE_010_0077

7. ? Shell, à cause de sa

mauvaise image, n’avait pas eu en effet la possibilité de se justifier et de faire valoir ses arguments auprès de l’ONG, avant que l’ordre de boycott ne soit lancé ; pourtant, il a été reconnu ultérieurement par la justice que la solution retenue par Shell (la moins coûteuse) d’immerger la plate-forme était moins polluante que son démantèlement sur la terre ferme (solution imposée par Greenpeace). L’ONG a reconnu d’ailleurs publiquement son erreur d’appréciation. Si Shell, au lieu d’ignorer les ONG, avait entretenu un dialogue avec ces dernières, elle aurait sans doute eu la possibilité de faire valoir le bien-fondé de ses arguments.

8. ? Total a estimé, à ce propos,

qu’un retard de 6 mois pour la réalisation d’un investissement pouvait entraîner une hausse des coûts de l’ordre de 4% du

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montant de cet investissement. Le guide sociétal local de Total (2004) précise comment ce risque peut se matérialiser, notamment à la suite de campagnes médiatiques ou d’actions menées par des ONG : délais ou refus d’obtention de permis ; blocages logistiques des accès de site et même actions de sabotage ; contentieux avec les riverains ; atteinte à la réputation de la firme, notamment si des incidents graves surviennent etc. (Orse, 205, p. 23)

9. ? Yannick Jabot, directeur de

campagne de Greenpeace France, rappelle (De Ravignan, 2008d, p. 74) que si les actions menées par certaines entreprises, qui ne sont pas « au cœur de leur activité industrielle », représentent un « progrès incontestable », elles ne doivent pas cependant masquer la « réalité de l’impact social et écologique global » de leurs opérations industrielles. Ainsi, selon ce responsable d’ONG, les « bonnes pratiques d’Areva, partenaire d’une ONG pour la santé de ses ouvriers dans les mines d’uranium au Niger, ne doivent pas servir à occulter le problème des risques liés au nucléaire. »

10. ? Carrefour, grâce au soutien

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d’économies externes, car ce partenariat ne coûte que 70 000 euros, soit 1,75% du budget de l’ONG partenaire (De Ravignan, 2008b).

11. ? Dans le domaine de la

protection de l’environnement,

Greenpeace, une ONG connue pour ses positions contestataires et qui refuse toute coopération avec certaines entreprises, notamment celles des industries extractives ou de la chimie, a accepté une coopération informelle avec Coca-Cola, MacDonald’s et Unilever dans le cadre de sa campagne contre l’utilisation des gaz HFC en remplacement des gaz CFC nuisibles à la couche d’ozone (Orse 2005). Comme le précise le rapport de l’Orse (2005, p. 38), « les ingénieurs de Coca-Cola travaillaient déjà sur des solutions de substitution, toutefois le dialogue avec Greenpeace, qui avait de son côté étudié une technologie spécifique exempte de HFC, a permis à l’entreprise de mieux comprendre le problème et de prendre connaissance de possibles solutions. Plusieurs réunions ont aidé Coca-Cola à s’engager publiquement sur l’adoption de nouvelles technologies en son sein ». Dans le cas emblématique du

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partenariat entre le cimentier Lafarge et l’ONG WWF, cette dernière a apporté son expertise à l’entreprise pour la réhabilitation des carrières après exploitation.

12. ? Pour réduire les coûts de la

distribution d’eau dans les quartiers pauvres, les multinationales de l’eau, comme Suez, s’appuient sur les ONG locales. Dans le cadre du programme « Eau pour tous », à Djakarta, Suez rémunère une ONG américaine, Mercy Corps, pour qu’elle organise un système de règlement, efficace et peu coûteux des prestations de la multinationale. La solution, dans ce cas de figure, a consisté à installer un compteur unique pour le quartier, en laissant le soin aux responsables de la communauté, formés par l’ONG, de faire payer les ménages bénéficiaires. Avec ce système, la multinationale n’est plus confrontée à des facteurs impayées ou à des branchement sauvages ; le prix de l’eau a pu être réduit, facilitant ainsi l’accès à l’eau pour les plus pauvres (de Ravigan, 2008a, p.68).

13. ? Sur une échelle

géographique plus large, Total a décidé, en 2002, de soutenir un programme de développement dans le delta du Niger, au Nigéria. Un

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partenariat a été établi avec l’ONG Pro-natura qui a aidé, dans une approche participative, les communautés locales à élaborer leurs propres plans de développement et à les mettre en œuvre dans le cadre d’une démocratie locale. Plus de 100 000 personnes ont été ainsi directement concernées. (Ifri-Institut de l’entreprise, 2005, p. 75).

14. ? Un des objectifs de la

Croix-Rouge, dans le cadre de ses partenariats avec les entreprises, est d’améliorer la politique de l’association en matière d’achat de biens et de services, qui est un domaine clé pour l’efficacité des interventions de cette ONG (Orse, 2005, p. 27).

15. ? C’est le cas, notamment, de

Pro-natura international qui souhaite développer son expertise à travers la mise en place de projets participatifs (note 13).

16. ? Ainsi, dans le cadre de son

partenariat avec Carrefour, la FIDH a-t-elle exigé la création d’Infans, une association de droit français, ayant pour vocation l’évaluation des risques sociaux et, dans le cas du partenariat avec Carrefour, elle a été investie de la mission de réaliser des contrôles inopinés auprès des fournisseurs de Carrefour ou de repérer des ONG locales capables de contrôler

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le respect de la Charte fournisseurs par les partenaires de Carrefour. Le conseil d’administration d’Infans est en majorité composé des membres de la FIDH, et Carrefour participe aux financements de ces activités. Infans n’exerce plus actuellement cette dernière mission, car la FIDH, devant les difficultés rencontrées dans le contrôle par les fournisseurs de la Charte de Carrefour, a abandonné les contrôles directs chez les fournisseurs de Carrefour. Infans est devenue principalement un espace de discussion sur une future norme internationale concernant la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme (Orse 2005, p. 17).

17. ? La majorité des ONG ne

disposent pas cependant des moyens suffisants, notamment d’équipes importantes, pour procéder à des vérifications techniques sur le terrain. Pour l’Ifri (2005, p. 27), il existe toujours une complémentarité entre les ONG qui sensibilisent les responsables sur des problèmes sociaux et environnementaux et les cabinets d’audit, capables de mener des expertises précises. Cependant, selon l’auteur du rapport de l’Ifri, (p. 27), « cette

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complémentarité pourrait évoluer vers une certaine forme de concurrence : à mesure que les ONG se professionnalisent, leur parole gagne en crédibilité, et certaines d’entre elles pourraient se retrouver in fine sur un terrain assez proche de celui qu’occupent actuellement les cabinets d’audits et de conseil. »

18. ? De plus, il est apparu de

grandes disparités dans les audits réalisées dans les entreprises dont Carrefour, et les autres fournisseurs français, sont clients. La FIDH s’est ainsi dégagée « de son rôle de contrôle qui risquait d’associer son nom à des engagements non tenus ». Elle exerce plutôt une « fonction d’ami critique », vis-à-vis de Carrefour, cherchant toujours à faire avancer les droits des travailleurs et à les rendre effectifs. A. de Ratignan (2008b) souligne, à propos de la FIDH, le risque pris cette ONG en participant au Global Social Compliance Programme (GSCP) lancé en 2006. Le but est d’unifier les audits au niveau mondial afin d’éviter qu’un fournisseur ne soit inspecté par plusieurs clients différents. La FIDH participe à cette initiative en tant que simple consultante. Cependant sa participation est critiquée par les ONG, membres de la campagne

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internationale de vêtements propres, car Wal-Mart, connu par ses positions antisyndicales et parfois antisociales, participe aussi au GSCP qui reste une initiative patronale. La position des ONG, associées à des entreprises, peut se révéler risquée parfois en terme d’image.

19. ? A ce propos, Y. Jadot,

directeur des campagnes de Greenpeace France, explique qu’à la suite des campagnes lancées par son organisation contre Lapeyre pour importation de bois exploité illégalement au Brésil, l’entreprise s’est fortement impliquée « en matière de certification écologique de ses approvisionnements issus des forêts tropicales » (De Ravignan, 2008d, p. 74).

20. ? Comme le rappelle Novethic

(2006a) « à la suite des premières notations des entreprises High tech, Greenpeace a ciblé une entreprise en particulier qui cumulait deux points d’accroche facile pour une campagne : être une entreprise leader avec une image innovante et détenir la plus mauvaise note dans le classement. Apple a été ainsi la cible privilégiée de Greenpeace et la première victime de ce nouveau type de notation des entreprises ». Apple a choisi de dialoguer

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avec l’ONG et s’est engagé à améliorer ses performances sur plusieurs points.

21. ? Par ailleurs, le système

notation adoptée par Greenpeace peut induire une mauvaise image des entreprises du secteur ; les notes sont fixées en fonction d’un idéal à atteindre et aucune entreprise, lors du dernier classement de Greenpeace sur les entreprises de Haute technologie, n’avait la moyenne. Un partenariat avec l’ONG ou seulement un simple dialogue, pourrait faire comprendre, dans certains cas, à l’ONG les difficultés techniques et l’inciter à modifier son système de notation susceptible de moins affecter l’image de l’entreprise.

22. ? La négociation pour le

renouvellement du partenariat en 2008 en est d’autant plus serrée que la connaissance de WWF sur Lafarge est plus grande. Il avait été prévu lors de la conclusion du premier partenariat que Lafarge réduirait ses émissions de CO2 en 2010 de 10% en moyenne pour les cimenteries situées dans les pays développés et une diminution de 20% du carbone émis par tonne de ciment produite à l’échelle de la planète. Un cabinet

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d’experts, engagé par WWF et rémunéré sur les fonds versés par Lafarge, veille à la réalisation de ces objectifs. En s’appuyant sur les rapports des auditeurs et sur l’expertise de ses propres cadres, WWF a fait pression sur l’entreprise pour qu’elle améliore constamment son processus de production (De Ravignant, 2008c).

23. ? Carrefour a été amené, dans

le cadre de la responsabilité sociale de l’entreprise, à veiller à ce que ses fournisseurs respectent les droits des travailleurs. Le partenariat avec la FIDH, qui était d’ailleurs techniquement indispensable pour cette entreprise, a mis en évidence pour l’ensemble des acteurs, et notamment pour toutes ses parties prenantes, la solidité de son engagement dans ce domaine du développement durable. La FIDH s’est donné pour mission de faire respecter les droits de l’Homme dans le monde, et notamment les droits des travailleurs. L’objectif actuel de cette ONG d’ailleurs n’est plus actuellement de nouer un partenariat avec une autre entreprise, mais d’utiliser son expérience avec Carrefour pour élaborer une norme RSE sur les droits des travailleurs avec le soutien de Carrefour. Lafarge, cimentier, appartient

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