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Collectivités territoriales et entreprises : nouvelles compétences ou nouvelles politiques ?

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Submitted on 3 May 2006

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Collectivités territoriales et entreprises : nouvelles

compétences ou nouvelles politiques ?

Frédéric Marty

To cite this version:

Frédéric Marty. Collectivités territoriales et entreprises : nouvelles compétences ou nouvelles poli-tiques ?. Colloque du GRALE, Jan 2006. �halshs-00010591�

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Colloque du GRALE “La décentralisation en mouvement” Paris, Assemblée Nationale, les 12 et 13 janvier 2006

Collectivités territoriales et entreprises : nouvelles compétences ou

nouvelles politiques

1

?

Frédéric MARTY Chargé de recherche CNRS Chercheur affilié OFCE GREDEG – Université de Nice Sophia-Antipolis

frederic.maty@idefi.cnrs.fr

Le génie de la complexité n’a pas plus épargné le domaine des interventions économiques des collectivités territoriales que celui des finances publiques locales. La définition d’une intervention économique efficace des collectivités territoriales peut, en effet, se comparer à une optimisation sous contraintes.

Si nous utilisions une image issue de la recherche opérationnelle, une programmation linéaire par exemple, nous pourrions représenter l’espace possible de ces interventions par un quadrant défini par deux axes orthonormés. Ces derniers pourraient respectivement représenter l’efficacité productive et l’efficacité productives. Celles-ci pourraient résumer les deux objectifs des collectivités. Dans un tel espace, plus on se déplace vers le nord-est, plus le résultat obtenu pourrait être considéré comme satisfaisant. En effet, toutes les politiques de développement économiques ne peuvent être pleinement efficaces. Certaines peuvent ne mobiliser que des financements insuffisants. Il s’agit de ce que l’on dénonce parfois sous le terme de “saupoudrage”. D’autres initiatives peuvent simplement se solder par un “effet d’aub aine” pour les entreprises. Une aide à l’installation pour une entreprise qui aurait choisi la localisation en question, même sans soutien public, correspond à un tel schéma. Enfin, dernière illustration, certaines aides publiques peuvent être captées par des entreprises opportunistes qui se sont engagées dans des stratégies de “chasse à la prime”.

A ces divers titres, il serait possible de définir une politique de développement économique territorial efficace comme une politique qui permet de favoriser l’implantation de firmes, de corriger d’éventuelles défaillances de marché, préjudiciables à leur création ou à leur développement, et de fournir aux entreprises installées, non pas de simples avantages de coûts (avantages génériques) mais des avantages permettant de créer des rendements croissants d’agglomération (avantages spécifiques). Ces derniers sont alors susceptibles de pérenniser les choix de localisation des firmes et, ce faisant, de les rendre moins sensibles à d’éventuelles “sirènes de la délocalisation”. Si de tels effets d’agglomération apparaissent, les soutiens publics ne devraient donc pas avoir à être périodiquement renouvelés.

1

Nos remerciements à Marc Deschamps (CNRS-GREDEG) pour les commentaires apportés à cet article. Toute erreur demeure cependant de notre responsabilité.

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Or, dans notre quadrant, l’espace correspondant à de telles politiques risque de se résumer à une simple frontière du fait de l’existence de diverses contraintes contribuant à réduire drastiquement notre monde des possibles. Celles-ci peuvent être représentées dans le plan par des droites, empêchant d’atteindre les points les plus satisfaisants situés au nord-est. Ces contraintes sont en matière de politiques locales de développement territorial particulièrement nombreuses. Citons en trois, parmi les plus strictes.

Considérons, tout d’abord, la contrainte financière. L’élargissement des compétences des collectivités ne risque-t- il pas de se faire au détriment des marges de manœuvre budgétaires de ces dernières ? Quelles seront leurs capacités d’action autonome dans le cadre d’un schéma de développement national structuré par les pôles de compétitivité ?

Envisageons une autre contrainte, qui plus est appelée à évoluer : l’encadrement européen des aides publiques. Dans le cadre de la réforme de la politique de la Commission, quelles seront les possibilités d’interventions des collectivités ? Quels seront les impacts de la révision des plafonds des aides régionales, de la promotion des mesures d’aides horizontales ou de l’adoption du critère de la correction de la défaillance de marché ?

Enfin, une dernière contrainte est à prendre en compte. Celle-ci procède des difficultés issues des partages de compétences entre collectivités liées à la décentralisation2. Celles-ci se traduisent par les difficultés de coordination d’une action publique multi niveaux associant communes, départements, régions et Etat. Nous sommes ici en présence de ce que nous pourrions appelés des coûts de coordination ou des coûts de transaction liés à la complexité institutionnelle.

Espace des politiques possibles

Frontière

Frontièredes des politiquespolitiques

efficaces efficaces Efficacité allocative Efficacité productive Contrainte financière Contrainte concurrentielle Contrainte institutionnelle 0

Ce faisant, l’espace des possibles dont “l’Acte II de la décentralisation” devait marquer l’élargissement se voit irrésistiblement restreint. Cependant, il appartient aux collectivités

2

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d’atteindre cette frontière ; laquelle définit une sorte de condition “de fil du rasoir” en matière d’action économique locale efficace sur le long terme. Elles doivent, de plus, l’atteindre dans un environnement éminemment évolutif.

L’objectif de cette présentation sera donc de brosser le tableau de ce monde des possibles, de ces contraintes et de tracer l’ébauche de ce que l’économie pourrait définir comme une politique efficace. Mais pour ce faire, il convient de revenir aux interventions économiques des collectivités, à leurs récentes évolutions et aux enjeux auxquelles elles doivent répondre. Ouvertes par la loi du 2 mars 1982, les possibilités d’interve ntions économiques des collectivités locales en faveur des entreprises ont été renforcées à l’été 2004. La loi du 13 août renforce notamment le rôle de coordination assuré par les régions et ouvre la possibilité d’une gestion locale des fonds structurels européens. De telles évolutions suscitent de nombreuses interrogations, au-delà même de la question de la compensation financière des compétences transférées et des futures exigences communautaires en matière d’aides publiques. En effet, les politiques d’attractivité, doivent être envisagées sous l’angle de l’efficacité économique. Sont-elles susceptibles d’enclencher de réels et durables effets d’agglomération à même d’attirer et de retenir sur place des entreprises, en leur fournissant des avantages spécifiques, les rendant dès lors insensibles aux sirènes de la délocalisation ?

A ce titre, la question des compétences des collectivités territoriales doit être remise en perspective avec la mise en place des pôles de compétitivité. En effet, la réussite de ces derniers est conditionnée à la consolidation de tels avantages spécifiques. Le rôle qu’auront à y jouer les collectivités territoriales doit être confronté aux questions liées à une éventuelle concurrence entre les très nombreux pôles créés, mais aussi aux problématiques d’articulation des différents niveaux de compétences publics en matière de gouvernance des ces derniers. Nous nous proposons d’apprécier les conditions dans lesquelles peuvent se déployer les interventions économiques des collectivités locales. Nous nous attacherons, en première partie, à l’analyse du cadre dans lequel ces politiques se déploient. Pour ce faire, nous présenterons successivement les compétences qui ont été transférées aux collectivités et les difficultés de mise en œuvre de celles-ci non seulement en termes de répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités mais aussi en termes de financement. Notre seconde partie, essaiera de définir quelles peuvent être les voies d’action efficaces dans un environnement contraint par les règles communautaires d’encadrement des aides publiques et par la possibilité de mise en œuvre de stratégies de nature opportuniste par les firmes. Nous verrons alors qu’une action publique efficace sur le long terme peut passer par le soutien à la création de liens de complémentarités territoriales, tant institutionnelles que productives, entre firmes implantées sur un territoire donné et centres de recherche et d’enseignement supérieur. A ce titre, nous tracerons quelques premières perspectives quant aux capacités des pôles de compétitivité à susciter de tels effets d’agglomération.

I – Collectivités locales et développement économique territorial : Quelles évolutions des responsabilités ? Quels enjeux ?

Nous mettrons en évidence, dans cette première partie, les difficultés auxquelles doivent faire face les collectivités territoriales pour exercer leurs compétences économiques. Après avoir présenté les compétences transférées dans une première section, nous nous attacherons, dans

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une seconde section, successivement aux difficultés liées au partage des responsabilités entre collectivités et à la question des ressources financières.

I – 1 Les responsabilités économiques des collectivités territoriales

Afin d’apprécier les possibilités d’action des collectivités dans le domaine économique, ainsi que les limites de ces dernières, nous nous attacherons à l’évolution de leurs compétences. I – 1 – 1 Les responsabilités initiales des collectivités locales en matière économique

o Un cadre restrictif avant “l’acte I de la décentralisation”

Les compétences des collectivités territoriales en terme de promotion de l’attractivité des territoires et de soutien du développement économique local ne furent réellement reconnues en France qu’à partir de la loi de décentralisation du 2 mars 1982. Avant la promulgation des lois Deferre, le cadre jurisprudentiel dans lequel se déployaient les interventions économiques des collectivités était des plus restrictif3.

Le strict contrôle de ces dernières visait à prévenir trois risques distincts. Il s’agissait tout d’abord d’éviter que de telles interventions ne viennent entraver la mise en œuvre des règles du droit commercial4. Il convenait ensuite de garantir que les actions des collectivités dans le domaine économique ne viennent fausser le libre jeu de la concurrence. Il s’agissait enfin de veiller au bon usage des deniers publics et de limiter les prises de risques financiers pour les collectivités. Ce faisant la jurisprudence administrative tendait à n’autoriser les interventions économiques des collectivités territoriales que du moment où des circonstances particulières les rendaient indispensables5. Il apparaît donc que les restrictions, posées dès alors, préfiguraient finement les préoccupations actuelles de la Commission européenne en matière de contrôle des aides publiques6. Il s’agit à la fois d’éviter des soutiens abusifs à des entreprises non viables économiquement, des distorsions de concurrence et de garantir aux citoyens une utilisation efficace des fonds publics7.

Les lois de décentralisation du début des années quatre-vingt ouvrirent de nouvelles possibilités d’interventions aux collectivités. L’article 5 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 reconnut aux communes la capacité d’intervenir en matière économique. L’article 1 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précis a ces attributions, dans le domaine du développement économique et de l’aménagement du territoire, et organisa leur répartition entre les différents niveaux de collectivités.

o La distinction aides directes et aides indirectes dans le cadre des lois de 1982

3

Mercier M., (2000), Bilan de la décentralisation et propositions d’améliorations visant à faciliter l’exercice

des compétences locales, Rapport d’information, Sénat, Paris, juin.

4 Par exemple, les procédures collectives (redressement ou de liquidation judiciaire).

5 Notons cependant que la jurisprudence du Conseil d’Etat avait progressivement élargi le périmètre potentiel des

interventions publiques locales, notamment en autorisant ces dernières en cas de défaillance de l’offre privée. Citons par exemple, Syndicat des exploitants de cinématographes de l’Oranie, Conseil d’Etat, 12 juin 1959.

6

Commission Européenne, (2005), « Plan d’action dans le domaine des aides d’Etat. Des mesures moins nombreuses et mieux ciblées : une feuille de route pour la réforme des aides d’Etat, 2005-2009 », Document de

consultation, COM(2005)107 final, Bruxelles, juin.

7

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Les possibilités d’aides ouvertes pour les collectivités furent subdivisées entre aides directes et aides indirectes, dont les contours précis furent définis par la jurisprudence. Une aide est définie comme directe dès lors qu’elle se traduit par la mise à disposition de ressources financières à l’entreprise bénéficiaire avec une conséquence comptable (immédiate ou potentielle) sur son compte de résultat8. A l’inverse, sont qualifiées d’aides indirectes toutes les mesures consistant soit à mettre à disposition des entreprises des biens immeubles, soit à améliorer leur environnement économique et à faciliter l’implantation ou la création d’activités.

Les aides directes correspondent à trois types de mesures. Il s’agit tout d’abord des primes régionales à l’emploi (PRE), des primes régionales à la création d’entreprises (PRCE) et, enfin, des prêts, avances et bonifications. Non seulement ces aides sont limitativement énumérées, mais leur mise en œuvre par les départements et les communes est subordonnée à la mise en place préalable d’une mesure équivalente par la région.

Les collectivités territoriales sont cependant sur un pied d’égalité en matière d’aides indirectes. Celles-ci peuvent notamment concerner (sous conditions) des garanties d’emprunts, des prises de participations ou des aides à l’immobilier d’entreprise. Notons qu’une grande partie des aides concerne le soutien des entreprises en difficultés. Si en la matière les interventions des départements et des communes ne sont pas subordonnées à l’intervention préalable de la région, il n’en demeure pas moins que l’ensemble des aides des collectivités sont subordonnées à la conclusion d’une convention prévoyant l’ensemble des mesures nécessaires pour le redressement de l’entreprise.

Cependant, notamment pour s’assurer de la compatibilité de ce cadre institutionnel avec l’encadrement communautaire des aides publiques, une première réforme fut engagée au travers de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité. Celle-ci, outre une simplification de la réglementation applicable aux interventions économiques, renforça le rôle coordinateur de l’échelon régional.

I – 1 – 2 Les nouveaux transferts de responsabilités

La loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, a conduit au transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, notamment dans le domaine du développement économique. Les principaux transferts portent d’une part sur les infrastructures publiques et d’autre part sur les politiques publiques locales de développement économique.

En matière d’infrastructures, les nouvelles attributions des collectivités portent sur la voirie et sur les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Dans le domaine des voies routières, l’article 18 de la loi du 13 août stipule que quelques 15 000 kilomètres de routes nationales seront transférés au 1er janvier 2008 aux départements. Ceux-ci prendront parallèlement sous leur responsabilité 30 000 agents des DDE. De la même façon, l’article 32 accroît les capacités des régions et des départements en terme de développement des infrastructures portuaires. Enfin, l’article 28 de la loi ouvre la possibilité de transférer aux collectivités territoriales qui en feraient la demande les aéroports civils, à l’exception des aéroports de dimension internationale9.

8

Conseil d’Etat, 18 novembre 1991, département des Alpes -Maritimes.

9

Les aéroports régionaux, actuellement concédés aux Chambres de Commerce et d’Industrie (depuis les années trente) sont appelés à changer de statut pour devenir des sociétés anonymes. Au-delà de la question du statut

(7)

En matière de développement économique, les transferts de responsabilités sont différenciés selon les niveaux de collectivités. Les communes (et / ou leur groupement) peuvent contribuer aux politiques de développement au travers de compléments aux aides régionales (à l’instar des départements) mais aussi au travers de l’aménagement de zones d’activités économiques et de la gestion de bâtiments commerciaux et artisanaux. Les régions voient consacré leur rôle pilote en matière d’attribution des aides, qu’il s’agisse de subventions, de prêts, d’avances, de bonifications d’intérêts, de garantie d’emprunts, de souscriptions à des fonds communs de placement (FCP) ou de prises de participation dans des sociétés de capital- investissement10. Enfin, la loi ouvre notamment la possibilité de mettre en œuvre des expérimentations (article 44) portant par exemple sur la gestion des fonds structurels européens ou, sur celle des aides d’Etat au développement économique11.

I – 2 Les enjeux liés aux nouvelles compétences transférées

Les enjeux relatifs aux transferts de compétences suscités par la loi du 13 août 2004 portent à la fois sur la répartition des responsabilités entre l’Etat et les différentes collectivités territoriales, mais aussi sur les marges de manœuvres financières qui demeureront à la disposition de ces dernières, du fait de la charge financière induite.

I – 2 – 1 Au point de vue institutionnel : quelles articulations entre les différents niveaux de collectivités ?

o La répartition des compétences

Préalablement aux nouveaux transferts de compétences, les régions jouaient un rôle déterminant dans le soutien au développement économique local. En effet, comme nous l’avons vu, l’octroi de soutiens directs par les communes et les départements était conditionné par la mise en place préalable de telles mesures par l’échelon régional. Ce faisant, les aides des départements (environ un tiers des aides totales) se concentraient-elles de façon privilégiée sur des incitations fiscales ou par des politiques de mise à disposition d’infrastructures (fourniture de terrains et aménagements de zones d’activités). Cependant, le poids des dépenses sociales transférées aux départements dans le cadre de la décentralisation peut laisser planer la crainte d’une victoire à la Pyrrhus de ces derniers en matière de délégations de compétences. En effet, la croissance difficilement maîtrisable de ces dernières

juridique (arbitrage entre les régimes de SA, de société d’économie mixte (SEM) ou d’établissement public industriel et commercial (EPIC)), la question de la pérennité du statut public est ouverte. En effet, les aides versées par les gestionnaires d’aéroports régionaux aux compagnies low cost pour susciter des dessertes aériennes passent sous les fourches caudines des politiques européennes de concurrence dans la mesure où elles risquent d’être financées à partir de ressources publiques. Que la gestion des infrastructures revienne aux CCI ou aux collectivités, une “distorsion de concurrence” au détriment des aéroports gérés par le public risque de perdurer. Les gestionnaires des infrastructures aéroportuaires seraient alors dans une situation qui ne serait pas sans rappeler celle que connurent les opérateurs historiques astreints au “principe de spécialité” dans le cadre de la libéralisation des industries de réseaux.

10

L’article 1 de la loi du 13 août prévoit une procédure d’évaluation.

11

Il convient de bien distinguer les aides régionales des fonds structurels européens. Les premières sont accordées par les Etats membres ou les collectivités territoriales sur leurs ressources propres et font l’objet d’un contrôle par la Commission Européenne. Les seconds sont financés sur le budget de l’Union Européenne et peuvent faire l’objet d’une délégation de gestion aux collectivités territoriales (en l’occurrence les régions).

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peut s’avérer susceptible de progressivement éroder leurs marges de manœuvres, notamment en matière d’intervention économique12.

Les régions semblent avoir vu leur rôle de chef de file des politiques de développement économique conforté par l’Acte II de la décentralisation et gagné en influence sur la définition des infrastructures publiques structurantes13. Cependant, il convient de s’attacher aux conditions de coordination entre l’échelon régional et les autres collectivités14 pour apprécier les capacités directrices et organisatrices de ce dernier. Nous verrons notamment au travers des problèmes de gouvernance des pôles de compétitivité, que des problèmes d’articulation de l’action publique régionale avec les niveaux subrégionaux ne manquent pas de se poser. En effet, le partage des compétences entre les différents niveaux de collectivités et l’absence de spécialisation de chacune d’entre elles risquent d’accroître encore les difficultés liées aux financements croisés.

o Coordination entre acteurs publics et risques pour les collectivités

Ainsi, les régions, à l’instar de l’ensemble des collectivités territoriales, risquent au final de faire face à un double risque15.

D’une part, les difficultés de coordination et de gouvernance multi- niveaux risquent d’éroder la capacité directive des politiques publiques en matière de développement territorial, cantonnant celles-ci à la promotion de schémas non contraignant et à la distribution de financements trop diffus pour être décisifs. D’autre part, la stratégie de défaisance de l’Etat risque de miner progressivement les marges de manœuvres des collectivités en matière d’intervention économique dans la mesure où la charge des compétences transférées pourrait progressivement assécher les ressources que les collectivités pourraient affecter à des interventions économiques autonomes.

Pour apprécier ce risque, il est nécessaire de s’attacher à la situation financière des collectivités face à de tels transferts.

I – 2 – 2 Au point de vue financier : quelles compensations financières ; quelles ressources budgétaires ?

o La situation avant 2004

Les dépenses engagées au titre des interventions économiques ne représentaient qu’une part modeste des dépenses des collectivités territoriales16. Cependant, ces dépenses se distinguaient déjà par leur diversité et leur forte croissance.

12

Pour reprendre les termes de N. Potier, les nouvelles attributions des départements risquent fort de les cantonner à terme à des fonctions de bureaux d’aide sociale et de subdivisions du ministère de l’Equipement. Portier N., (2003), « Les “gagnants” et les “perdants” de “l’Acte II” », Pouvoirs Locaux, n° 59 – IV, pp. 62-68.

13 Les régions établissent le Schéma Régional de Développement Economique (SRDE).

14 Les communes semblent à l’inverse avoir été relativement oubliées par la réforme. Dans le même temps, l’Etat

impose aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de s’occuper de développement économique. Ces derniers peuvent même se voir déléguer certaines des responsabilités confiées aux régions et départements.

15

Geppert A., (2003), « Clarifier les rôles et les financements », Pouvoirs Locaux, n° 59 – IV, pp. 83 -87.

16

Par exemple, les régions consacrent en moyenne annuelle 800 millions d’euros pour les aides aux entreprises pour des dépenses totales s’établissant aux alentours de 17 milliards d’euros.

(9)

Ces interventions participaient souvent de logiques de sauvegarde d’entreprises en difficultés et de politiques d’attractivité visant à attirer et / ou retenir les investissements des firmes sur les territoires17. Ce faisant, les dispositifs de soutien utilisés par les collectivités ont eu tendance à s’écarter de la logique portée par la loi de 1982 et à induire de ce fait de nouveaux risques pour ces dernières. En effet, en 1998, 30.4 % des aides indirectes prenait la forme de prises de participations. Qui plus est, les soutiens locaux passaient souvent par l’octroi de prêts ou d’avances à des taux bonifiés voire nuls. Comme le notait le rapport Mercier en 2000, « les collectivités se substitue nt donc aux établissements bancaires sous le coup de la nécessité18 ». De la même façon, les soutiens ont souvent pris la forme d’octrois de garanties19, lesquels peuvent faire courir le risque d’engagement de la responsabilité financière des collectivités.

o De la capacité financière des collectivités à faire face financièrement à leurs nouvelles responsabilités

Il convient de s’interroger sur la capacité des collectivités à financer les responsabilités transférées par la loi du 13 août 2004. La compensation financière des charges liées aux compétences transférées doit être intégrale. Les ressources transférées doivent correspondre aux ressources que l’Etat consacrait à l’exercice des compétences en question avant leur transfert. Qui plus est, le Conseil Cons titutionnel a rappelé dans sa décision n° 2003-489 DC que, conformément à l’article 72-2 de la Constitution, la compensation financière d’une compétence transférée ne doit pas se dégrader dans le temps20. En effet, celui-ci stipule que, « tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

De ce fait, une évaluation des charges financières liées aux compétences transférées est réalisée, selon les termes de la Constitution, par la Commission Consultative sur l’Evaluation des Charges (CCEC). L’avis de celle-ci sert de base à l’avis ministériel devant constater annuellement les accroissements de charges liés aux compétences transférées.

La question de la capacité des collectivités territoriales à faire face financièrement aux nouvelles obligations nées des compétences transférées est d’autant plus centrale que les engagements budgétaires des collectivités ont connu une nette croissance, avant même les transferts de l’été 200421.

Somme des dépenses (milliards d’euros) 2003 2004 Variation

Communes 78.4 81.5 + 3.9 %

Départements 46 53.9 + 17.2 %

Régions 15.8 17.5 + 10.4 %

Cumul collectivités 140.2 152.9 + 9 %

Groupements à fiscalité propre 15.7 16.8 + 7.1 %

17 « Les collectivités territoriales ont donc été soit contraintes d’intervenir (déclin, restructuration) pour lutter

contre le chômage, soit tentées de le faire (accentuation de la concurrence, mobilité accrue) pour provoquer une implantation ».

Mercier M., (2000), op. cit., p. 450.

18

Mercier M., (2000), Ibid., p. 453.

19

Sans pour autant utiliser l’outil systématiquement des sociétés de garantie.

20

On parle alors de compensation intégrale et concomitante.

21

(10)

Cumul général 155.9 169.6 + 8.8 %

Si les collectivités ont pu maintenir leur effort d’investissement (+ 9.8 % en 2004 après + 7.7 % en 2003), ce fut au détriment de leur capacité d’épargne et au prix de la montée de leur endettement22. Les dépenses liées aux infrastructures et aux interventions économiques représentent une part significativement élevée du total. L’ensemble des dépenses liées aux infrastructures et à l’aménagement représente 15 % du budget des départements et 9 % de celui des régions. Dans le même temps, les interventions économiques des régions s’élèvent à 9 % de leurs dépenses23.

Pour compenser les transferts de responsabilités, notamment en matière de transports publics, les régions reçoivent de l’Etat une dotation générale de décentralisation (DGD)24. Les transferts de responsabilités sont essentiellement couverts par l’attribution aux régions d’une quote-part du produit national de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Cependant, une éventuelle érosion dans le temps de la compensation versée par l’Etat au titre des charges transférées risque de se traduire par une contraction progressive des marges de manœuvres budgétaires des collectivités25.

Ce rapide tour d’horizon de la situation financière des collectivités territoriales et des compensations obtenues au titre des transferts de compétences vise à mettre en évidence le risque de diminution progressive des marges de manœuvres dont ces dernières peuvent bénéficier pour donner à leurs interventions économiques une masse critique suffisante. Le resserrement potentiel de la contrainte financière, notamment pour les départements, risque d’éroder ses capacités d’action. De la même façon, les régions risquent de subir maintes difficultés pour rendre acceptable par tous, son rôle de chef de file. Qui plus est, les compétences partagées ainsi que la mise en place de financements croisés risquent d’amoindrir l’efficacité de l’action publique si les coûts liés à la complexité du montage des opérations l’emportent sur les effets de leviers potentiels.

Ces limitations aux capacités d’action des collectivités, limitations liées à l’architecture institutionnelle ou au risque d’érosion des marges de manœuvre budgétaires vont se combiner, comme nous le verrons dans notre seconde partie avec deux écueils, tenant respectivement à l’encadrement européen des aides publiques et aux doutes quant à l’efficacité économique même du cadre incitatif créé par les mesures traditionnelles des collectivités sur les comportements des entreprises.

Nous verrons alors que la logique des pôles de compétitivité peut concilier une politique publique économiquement efficace avec les capacités d’action des collectivités, limitées par ces dimensions financières et réglementaires. Cependant, le succès d’une telle politique

22

Bien que de larges marges de manœuvres soient encore disponibles en la matière, du fait du faible taux d’endettement de ces dernières. L’annuité de la dette ne représentait en 2004 que 21 % des recettes de fonctionnement des régions et que 12.6 % de celles des départements.

23 Les dépenses économiques et sociales des départements représentent 47 % de leur budget. Cependant, le

niveau élevé de ce taux s’explique, comme nous l’avons vu, par les larges attributions de ces derniers en matière sociale.

24

Intégrée en très grande partie dans la dotation globale de fonctionnement (DGF) depuis 2004.

25

Un plafonnement de l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l’Etat pourrait aller dans ce sens. Ces conséquences seraient d’autant plus dommageables que le pouvoir fiscal des collectivités territoriales a été peu à peu amoindri, alors que ces dernières réalisent aujourd’hui plus de 60 % des investissements publics.

(11)

suppose que soient levées certaines “hypothèques” que nous aborderons dans notre dernière section, à caractère conclusif.

II – De nouvelles compétences mais quelles marges de manœuvre et pour quelles politiques ?

Nous aborderons successivement les contraintes économiques et concurrentielles auxquelles les interventions économiques des collectivités doivent faire face et les possibilités d’actions ouvertes par la mise en place des pôles de compétitivité.

II – 1 Les interventions économiques des collectivités : conditions d’efficacité économique et contraintes juridiques

Il s’agira, dans le cadre de cette section, de s’attacher à la présentation des variables d’action à disposition des collectivités et aux risques liés à celles-ci, avant de les confronter aux règles européennes de conc urrence.

II – 1 – 1 Les conditions de l’efficacité économique

L’ensemble des politiques d’attractivité vise à favoriser les décisions d’implantation des entreprises sur un territoire donné et à s’assurer de la pérennité de celles-ci. Parmi les nombreux paramètres des choix des entreprises, aux premiers rangs desquels figurent la proximité des marchés ou les coûts de production, figurent certaines variables sur lesquelles les politiques publiques locales peuvent jouer ; à savoir la pression fiscale, la fourniture de biens publics et les soutiens à la coordination des entreprises.

o Le risque de concurrence fiscale

Le premier levier est de nature fiscale. Bien qu’il convienne de ne pas exagérer la sensibilité des décisions des entreprises à ce seul paramètre26, il n’en demeure pas moins que les différentiels de pression fiscale peuvent affecter l’attractivité d’une localisation donnée. Ceci est particulièrement sensible dès lors que les entreprises arbitrent entre deux localisations relativement substituables l’une à l’autre. Dès lors qu’il n’existe pas de réels avantages comparatifs permettant de discriminer entre les deux sites mis en balance, la sensibilité de la décision de la firme aux incitations fiscales peut devenir significative.

L’exemple des choix d’implantation des compagnies aériennes à bas coût dans certains aéroports régionaux est ici pleinement représentatif27. Dès lors que les compagnies estiment que le choix d’un aéroport plutôt qu’un autre ne se traduira pas par une baisse significative de trafic, l’arbitrage privilégie les facteurs de coûts liés à chaque implantation. La décision de la firme devient dès lors extrêmement sensible aux incitations fiscales, que celles-ci prennent la forme de subventions ou de réductions de taxes.

26

Son impact est par exemple limité en matière de délocalisation à l’étranger dans la mesure où les surcoûts liés à la pression fiscale apparaissent comme négligeables vis -à-vis des surcoûts liés aux coûts de production. Conseil des Impôts, (2004), La concurrence fiscale et l’entreprise, Rapport au Président de la République, 362p.

27

Marty F., (2005), « Politiques d’attractivité des territoires et règles européennes de concurrence : Le cas des aides versées par les aéroports aux compagnies aériennes », Revue de l’OFCE, n° 94, juillet, pp. 97-126.

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Deux conditions doivent être réunies pour que la concurrence fiscale qui naîtrait des mesures de soutien des collectivités prenne la forme d’une concurrence à la Thiébout28. Il s’agit, d’abord, d’une relative substituabilité des localisations29 et, ensuite, de l’absence de coûts irrécouvrables pour la firme en cas de délocalisation. Si le départ de l’entreprise se traduit par la perte d’investissements qu’elle ne peut céder dans des conditions financièrement acceptables à des tiers ou redéployer vers d’autres activités, elle subira des coûts qui viendront potentiellement contrebalancer, dans son calcul économique, les gains liés au changement de localisation. Elle fera face à ce que les économistes nomment des barrières à la sortie.

Or, les barrières à la sortie sont d’autant plus faibles que les collectivités utilisent le second levier d’attractivité des territoires, en l’occurrence celui de la mise à disposition des firmes d’infrastructures publiques. Comme une partie non négligeable des investissements nécessaires à l’ implantation ont été pris en charge par les acteurs publics, les firmes voient les coûts d’une délocalisation potentielle réduits d’autant.

Il apparaît que, dans une certaine mesure, les aides financières directes et la mise à disposition d’infrastructur es publiques peuvent conduire à des dynamiques se rapprochant d’une logique de concurrence fiscale. Quand bien même, les mesures engagées ne se traduiraient t-elles pas par une mobilité des entreprises, les collectivités risqueraient de s’engager dans des surenchères par le jeu d’une concurrence par comparaison30. Ainsi, le risque de concurrence fiscale “horizontale” ne resterait- il pas purement théorique quand bien même les délocalisations inter-régionales effectives resteraient-elles marginales.

Cependant, non seulement les phénomènes de concurrence fiscale sont inefficients au point de vue économique (ils réduisent le bien être collectif31), mais ils peuvent, en outre, se traduire par des effets contre redistributifs. En effet, les collectivités dont les assises fiscales sont les plus larges peuvent apporter des soutiens financiers sans commune mesure avec les collectivités intrinsèquement moins attractives pour les firmes. Ce faisant, la vulnérabilité des collectivités des territoires les plus fragiles économiquement n’en sera que plus forte.

o Politiques de développement territorial et avantages spécifiques de localisation

En outre, les risques induits par les politiques locales d’attractivité, passant par des allègements de charges fiscales, des subventio ns publiques ou par des mesures “d’environnement” (par la infrastructures publiques notamment), peuvent résider en l’amorçage d’un cercle vicieux de renouvellement des aides publiques pour pérenniser les choix d’implantations des firmes. A ce titre, une politique de l’offre dont l’objet est de compenser les asymétries de coûts entre les différentes localisations risque de susciter des demandes réitérées de la part d’entreprises dont le choix ne repose que sur des facteurs de coûts32. Comme le notent J.-L. Gaffard et M. Quéré, « […] une politique qui vise à compenser

28

C’est-à-dire d’une concurrence par mobilité des bases d’imposition dans le cadre de laquelle les contribuables “votent avec leurs pieds”.

Thiebout C.M., (1956), “A Pure Theory of Local Expenditures”, Journal of Political Economy, 64, pp. 416-424.

29 King I., McAfee R.P. and Welling L., (1993), “Industrial Blackmail: Dynamic Tax Competition and Public

Investment”, Canadian Journal of Economics, volume 26, n° 3, pp. 590-608.

30

Yardstick competition.

31

Gordon R.H., (1983), “An Optimal Taxation Approach to Fiscal Federalism”, Quarterly Journal of

Economics, 98, pp. 567-586.

32

Un tel phénomène a pu être mis en évidence en matière d’aides publiques visant à compenser un handicap régional dans le secteur automobile.

(13)

les différentiels de salaires en réduisant les coûts non-salariaux grâce à des dépenses d’infrastructure, à des réductions d’impôts ou à des subventions, peut favoriser l’attractivité des territoires, mais aussi rendre instables les choix de localisation, en diminuant les coûts de sortie (de délocalisation) des firmes. S’il n’y a pas d’avantage spécifique pour une firme d’être localisée dans un endroit ou un autre, l’absence de coûts irrécouvrables rend la localisation instable33 ».

Dès lors, les aides financières en faveur de l’installation des entreprises dans une région donnée induisent l’effet pervers de renforcer l’instabilité des choix de localisation dans la mesure où ceux-ci dépendent dès l’origine d’incitations financières publiques34. Ainsi, le maintien de la localisation passe alors par le renouvellement des aides publiques, quand bien même les firmes ne mettraient-elles pas en œuvre des stratégies purement opportunistes de chasse à la prime.

De plus, de tels comportements opportunistes peuvent apparaître. Les firmes peuvent tirer profit d’une concurrence entre les collectivités passant par des investissements dans les infrastructures publiques. Les investissements publics précédant les décisions d’implantation des firmes, le jeu qui se joue alors peut s’assimiler à un jeu de concurrence fiscale dont les analogies avec les modèles de course au brevet sont nombreuses35. S’il s’avère que les firmes préfèrent majoritairement s’installer sur un site plutôt qu’un autre, la collectivité fera face à des investissements irréversibles qu’il lui sera très difficile de rentabiliser36.

Un dernier levier de soutien public réside cependant, en l’ensemble des mesures visant à favoriser la coordination et les coopérations entre les firmes implantées sur un territoire donné. Pour reprendre les termes du rapport Mercier, il s’agit de la « mise en réseau des

Barreiro E., Marty F. et Reis P., (2005), « Choix de localisation des firmes automobiles et aides publiques : Une analyse des décisions de la Commission européenne relative aux aides publiques en faveur des constructeurs», Sixièmes Journées du Pôle Européen Jean Monnet, Université de Metz, novembre.

33

Gaffard J.-L. et Quéré M., (2005), « Délocalisations : simple affaire de concurrence ou problème de politique économique ? », La Revue de l’OFCE, n° 94, Juillet, pp. 193-210.

34

Gaffard J.-L., (2005), « Développement local et globalisation : Nouveaux regards sur la croissance, le bien-être, les inégalités interrégionales et l’attractivité des territoires », Revue de l’OFCE, n° 94, juillet, pp.17-44.

35

Madiès T., (1999), « Compétition entre collectivités locales et politiques d’attraction des entreprises : Quelques apports de l’économie industrielle à l’économie publique locale », Revue d’Economie Régionale et

Urbaine, n° 5, pp. 999-1019.

36 L’un des risques de tels processus tient au fait que ce sont les collectivités qui font alors face aux

investissements irrécouvrables (nous pourrions parler de coûts échoués). Celles -ci peuvent alors se lancer dans une surenchère en matière de versement de subventions publiques pour retenir les firmes susceptibles de délocaliser ou pour attirer de nouvelles entreprises à même d’utiliser (et donc de permettre d’amortir) les infrastructures. L’octroi de nouveaux soutiens aura un effet d’entraînement cumulatif en favorisant la sensibilité des décisions d’implantation des firmes aux facteurs de coûts. Le risque pour les collectiv ités d’être entraînées dans une dynamique de concurrence fiscale est d’autant plus fort que le jeu qui se noue s’avère un jeu à plusieurs périodes opposant de nombreux territoires, relativement substituables pour les firmes. En t0, plusieurs

collectivités investissent dans des infrastructures publiques afin d’accroître l’attractivité des territoires dont elles ont la responsabilité et attirer des implantations d’entreprises. Comme des initiatives concurrentes peuvent être lancées, certaines infrastructures seront sous utilisées dans la période t1. De ce fait, pour garantir un niveau

d’utilisation satisfaisant de ces dernières, des collectivités risquent d’accorder de nouvelles incitations fiscales en t2 pour attirer de nouvelles firmes, au risque de favoriser des délocalisations opportunistes, lesquelles se

traduiront en t3 par des mesures dans le même sens des collectivités victimes de telles délocalisations. La

question de la “rentabilisation” d’infrastructures publiques existantes via des aides à l’établis sement ou au maintien d’un trafic peut être à nouveau illustré par l’exemple des aéroports secondaires.

Marty F. et Quéré M., (2005), « Politiques publiques de développement territorial, concurrence et instabilité des choix de localisation des firmes », Journée d’étude Concurrence Fiscale, OFCE – GREDEG, Sophia-Antipolis, octobre.

(14)

initiatives privées et publiques de développement de synergies (par exemple, en matière de transferts de technologie et de savoir faire)37 ». Nous verrons que la logique même des pôles de compétitivité repose sur de telles initiatives par lesquelles les acteurs publics facilitent la coopération entre firmes privées et contribuent par la même à la création de complémentarités institutionnelles et productives, complémentarités à même de susciter des rendements croissants d’agglomération et par la même de consolider les choix d’implantation des firmes.

II – 1 – 2 La contrainte posée par les règles concurrentielles

o L’impact du Plan d’action de la Commission en matière d’encadrement des aides publiques

Au-delà de la question de l’efficacité économique même des dispositifs classiques d’aides publiques, se pose celle de la compatibilité de ces derniers avec le cadre réglementaire européen et particulièrement avec les évolutions annoncées de l’encadrement des aides publiques. La Commission pointe d’ailleurs le fait que les aides régionales peuvent se traduire par un double risque de surenchères entre collectivités et d’entrave au processus concurrentiel38. Elle part notamment du principe que les aides publiques ne doivent pas interférer avec le mécanisme de sélection assuré par le marché en portant de façon privilégié sur certaines entreprises ou en visant principalement à la sauvegarde d’entreprises en difficultés. Le rôle attribué aux aides publiques est, dans ce cadre, de préserver sur le long terme le processus de concurrence en corrigeant les défaillances de marché, notamment au profit des entreprises innovantes39. Ainsi le critère de correction d’une défaillance de marché prendra-t-il une place croissante dans l’acceptation des projets d’aides par la Commission40. Ses propositions vont dans le sens d’une concentration des aides41 sur les PME-PMI (notamment en matière d’accès aux financements) et sur les projets potentiellement porteurs d’innovations radicales42. Par exemple, les aides en faveur des petites et moyennes entreprises ou de la recherche-développement “amont” (i.e. éloignée du marché) pourraient faire l’objet d’une procédure simplifiée quand les mesures en faveur des grandes entreprises ou des firmes détentrices d’un réel pouvoir de marché devraient faire l’objet d’une notification préalable à la Commission.

o L’évolution des plafonds applicables pour les aides régionales

Qui plus, au-delà de la question du traitement par les autorités communautaires des projets d’aides, se pose celle de l’évolution des possibilités d’action des collectivités publiques en

37

Mercier M., (2000), op. cit., p.454.

38

Il s’agit d’éviter que certaines entreprises ne fassent l’objet de soutiens immérités (socialement préjudiciables sur le long terme) et que le processus de récompense des entreprises dynamiques par le marché ne soit entravé.

39 Avant toute aide, il serait nécessaire de faire la démonstration de l’existence d’une défaillance de marché,

d’apporter la preuve de l’efficacité anticipée de la mesure (en ce sens que les effets négatifs en termes concurrentiels soient inférieurs au gain en terme d’accroissement de la concurrence à long terme).

40

Aux côtés de la logique de service universel.

41

Nous retrouvons une logique connue : moins aider mais mieux aider.

42

Lesquels sont rarement développés par les grandes entreprises.

Morck R. et Yeung B., (2001), « Les déterminants économiques de l’innovation », Document hors série n° 25, ministère de l’Industrie du Canada, janvier, 112p.

(15)

matière d’aides régionales. L’élargissement de l’Union conduit cette dernière à réduire le montant maximal d’aides publiques admissible pour les régions jusque là relativement défavorisées. Si entre 2000 et 2006, 52.2 % de la population de l’Union vit dans des zones éligibles aux aides régionales, ce taux devra baisser à 43.1 % dans la période 2006-2013. Cependant pour éviter une chute trop brutale dans les régions aidées des pays les plus riches (ex : Nord Pas de Calais, länder de l’ex-RDA), les nouvelles lignes directrices européennes indiquent que la population éligible d’un pays donné ne pourra pas être divisée par plus de deux. En France, ce taux sera atteint. Seulement 18.4 % de la population vivra à terme dans des régions éligibles43. Ce faisant, les capacités de soutien à finalité régionale des collectivités territoriales sont appelées à être significativement réduites dans les prochaines années.

II – 2 Une autonomie pour des politiques locales malgré les contraintes économiques et réglementaires : l’exemple des pôles de compétitivité Les limites des interventions traditionnelles en terme d’efficacité économique posées et le nouvel encadrement européen dessiné, il convient de s’attacher à l a place qu’occuperont les collectivités territoriales dans le pilotage et le financement des pôles de compétitivité, lesquels sont susceptibles de constituer une nouvelle donne en terme d’intervention économique territoriale.

II – 2 – 1 Les pôles de compétitivités comme réponse aux limites traditionnelles des interventions économiques des collectivités

o Les pôles de compétitivités comme nouvelle modalité partenariale de politique de développement économique territorial

Les pôles de compétitivité reposent sur une logique de recherche de complémentarités productives et institutionnelles entre acteurs publics et privés44. En ce sens ils reconnaissent aux collectivités publiques un rôle “actif” d’animation, de facilitation de la coordination des activités, de correction des défaillances de marché. Ils constituent donc des outils de politique publique allant au-delà des essais de constitutions de “districts industriels” à partir des seules politiques d’environnement tels qu’ils furent menés dans les années quatre-vingt. La réelle innovation portée par les pôles correspond donc, en grande partie, à la logique partenariale dans laquelle les collectivités territoriales ont un rôle réel à jouer.

Les pôles peuvent se définir comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation, d’unités de recherche publiques ou privées, engagées dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants45.

La constitution des pôles s’est faite dans le cadre d’une démarche en trois étapes. Un appel d’offres fut lancé en novembre 2004, 105 propositions furent déposées à la date limite de réception des offres en février 2005. Enfin, le 12 juillet dernier, le Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires (CIADT) valida quelques 67 projets, liste encore étoffée courant décembre. Les différents pôles ne se situent cependant pas sur un pied

43

A titre de comparaison, si la Slovénie pourra aider 100 % de ses habitants, seuls 7.5 % des néerlandais vivront dans des zones susceptibles d’être éligibles aux aides régionales.

44

Blanc C., (2004), Pour un écosystème de croissance, La Documentation Française.

45

(16)

d’égalité. En effet, si l’on se limite à la liste établie en juillet 2005, six pôles sont considérés comme ayant une dimension mondiale, neuf n’en ont pour l’instant que la vocation et 51 ne font l’objet que d’un label46. Les pôles furent sélectionnés en fonction de trois critères, fortement inspirés de la logique de partenariat public-privé et mettant en exergue le lien au marché. Il s’agit respectivement de la présence d’un partenariat science- industrie, de la référence à un marché et / ou à un domaine technologique et de la mise en place d’une structure de gouvernance partenariale.

Le pilotage des pôles, lequel apparaît comme la dimension la plus critique pour leur réussite, repose sur la logique d’un partena riat public-privé47. La gouvernance des pôles est assurée par un comité de pilotage réunissant des agences de l’Etat (telle l’ANR), l’ANVAR-OSEO, la Caisse des Dépôts et Consignations, le Rectorat d’Académie, la Présidence de université locale, des représentants des différentes collectivités territoriales concernées ainsi qu’un représentant du groupe de travail interministériel. Les projets labellisés sont donc susceptibles de recevoir les soutiens financiers prévus dans le cadre des pôles, après une évaluation par le comité scientifique et un passage devant le comité des financeurs.

Les moyens financiers affectés aux pôles de compétitivité reposent principalement sur le couple réduction d’impôt / subvention et proviennent, dans de nombreux cas, des collectivités territoriales. Il s’agit en effet de franchises fiscales48, d’allègements de charges sociales49, d’exonérations de taxes locales et de subventions versées pour des projets, cofinancées par l’Etat et les collectivités50. Enfin, des financements additionnels seront apportés par l’ANVAR-OSEO.

o Pôles de compétitivité et construction des politiques publiques sur le couple sélection / variété

Pour être réellement efficaces, les politiques publiques doivent satisfaire un double objectif51. Il s’agit à la fois de concentrer les moyens sur les projets les plus prometteurs (sélection), afin de garantir l’efficacité de l’allocation des ressources et d’entretenir un portefeuille de firmes innovantes (variété), afin de permettre un renouvellement permanent des conditions de cette même sélection52. Il est attendu de la logique partenariale qu’elle permette de concilier ces deux objectifs de façon plus équilibrée que les politiques de grands programmes ou de développement des systèmes locaux d’innovation.

En effet, les grands programmes ne remplissent efficacement leur rôle de sélection que dans le cadre d’une logique descendante dans laquelle l’innovation était principalement poussée par

46

Notons au passage que ce dernier statut ramène les pôles en question à une situation bien proche des logiques de systèmes productifs locaux déjà activées ces vingt dernières années.

47

Betbèze J.-P., (2005), « Recherche-développement, financement et croissance : quels choix pour la France dans l’Union Européenne ? », rapport du Conseil d’Analyse Economique, Financer la R&D, La Documentation Française, Paris, pp.7-178.

48 Sous la forme d’une exonération d’impôt sur les sociétés (IS).

49 L’allègement des charges sociales se fera à concurrence des effectifs affectés aux activités de

recherche-développement.

50

Les ministères devraient consacrer une part significative de leurs fonds d’intervention (entre 20 et 30 %) aux pôles de compétitivité. 360 millions d’euros sur trois ans sont attendus.

51

Metcalfe J.S., (1998), Evolutionary Economics and the Creative Destruction , Routledge, London.

52

Frenken K., Van Oort F., Verburg T. and Boschma R., (2004), “Variety and Regional Economic Growth in the Netherlands”, mimeo, Urban and Regional Research Centre of Utrecht, Utrecht University.

(17)

l’Etat et non tirée par le marché53. Ils induisent de plus un risque de biais défavorable envers les PME en matière de sélection. Pour ce qui est de la variété, le modèle sous-jacent du champion national présente le risque de ne tabler que sur la possibilité d’extraire les firmes des pressions concurrentielles en pérennisant un avantage concurrentiel leur offrant un certain pouvoir de monopole.

Des risques symétriques existaient pour les politiques d’environnement. La logique des droits de tirages financiers ne fait pas sens en matière de sélection et ce d’autant plus que les choix des firmes s’avèrent des plus instables s’ils ne sont basés que sur des avantages génériques, notamment sous forme de subventions. De la même façon, l’objectif d’entretien de la variété ne peut être réalisé par de seuls soutiens financiers indifférenciés. L’efficacité des politiques d’environnement et des aides horizontales peut donc être mise en doute. En effet, de tels dispositifs ne semblent pas permettre à de jeunes entreprises innovantes de croître significativement pour acquérir une taille critique au niveau mondial (songeons aux entreprises de biotechnologies). En outre, de tels dispositifs n’apportent pas de solution à l’une des faiblesses du tissu industriel français pointé par le rapport Beffa54, à savoir une spécialisation internationale assez dangereuse car trop concentrée sur les produits et services à faible niveau technologique.

La logique partenariale peut permettre de pallier ces risques en évitant que les acteurs publics n’adoptent une position de surplomb vis-à-vis de la coordination privée. Dans cette situation, que Salais et Storper nomment la convention de l’Etat extérieur, on suppose que l’acteur public est omniscient, qu’il est capable d’orienter la coordination des firmes dans un sens optimal en terme d’efficacité économique. A cette vision de l’action publique, la logique partenariale à la base des pôles de compétitivité, faisant pleinement écho en ceci à la nouvelle politique d’encadrement des aides par la Commission européenne, substitue une convention d’un Etat subsidiaire55. Il faut entendre ainsi subsidiaire dans le sens du subsidium dans l’armée romaine, c’est-à-dire de la troupe maintenue en réserve dans la bataille, qui n’intervient que si les circonstances l’exigent mais dont tous savent qu’elle est susceptible de le faire. Ce faisant, les collectivités publiques ne se substituent à l’initiative privée ou aux mécanismes de marché (notamment en terme de sélection, ce qui constituait le talon d’Achille de la logique des Grands Programmes) mais n’interviendront qu’en soutien de la coordination privée, que du moment où celle-ci est menacée par la présence d’imperfections de marché. Il apparaît donc que l’une des conditions de succès des politiques locales de développement économique, notamment dans le cadre de la politique des pôles de compétitivité, passe par la capacité à favoriser l’enclenchement d’un cercle vertueux de développement des complémentarités et des coopérations entre firmes et institutions publiques implantées sur un même territoire.

53

Les risques d’erreurs sont alors d’autant plus élevé que les technologies en question ne sont plus poussées par la demande publiques mais tirées par le foisonnement du marché. A ce titre, l’exemple du Plan calcul était pleinement emblématique de la difficulté quasi-insurmontable de pousser une filière technologique par la demande publique dès lors que la demande publique demeure marginale vis -à-vis de celle des acteurs privés. Pour une analyse générale de ce phénomène voir :

Burmeister A., (1994), « Marchés publics et politiques technologiques : le concept de “demand-pull public” »,

Revue française d’économie, vol IX, 2, printemps, pp. 187-220.

54

Beffa J.-L., (2005), Pour une nouvelle politique industrielle, janvier.

55

Salais R. et Storper M., (1993), Les mondes de production ; enquête sur l’identité économique de la France, éditions de l’EHESS, Paris, 468p.

(18)

Il est espéré qu’un tel cercle vertueux puisse susciter des effets d’agglomération permettant de stabiliser les décisions d’implantation des firmes et des complémentarités territoriales susceptibles de produire des effets d’agglomération. En d’autres termes, ce que gagnerait financièrement une entreprise en délocalisant ses activités dans une zone à bas salaires ou à faible pression fiscale ne permettrait pas de compenser la perte d’efficacité liée à l’éloignement vis-à-vis du tissu d’entreprises partenaires, vis-à-vis des centres publics de recherche-développement ainsi que vis-à-vis des externalités positives liées à l’existence d’un marché de l’emploi spécialisé.

De la même façon, la logique des pôles devrait faciliter la gestion du couple sélection / variété. Tout d’abord, il est attendu de l’existence d’un comité de sélection partenarial qu’elle permette de lever les biais classiques de la sélection des projets et des firmes par les pouvoirs publics. Ensuite, le foisonnement des projets qui devraient naître des différentes coopérations devrait favoriser l’entretien de la variété.

o Une politique conforme à la Stratégie de Lisbonne promue par la Commission européenne

La logique de soutien public mise en œuvre dans le cadre des pôles de compétitivité s’inscrit dans la logique de la réorientation des aides publiques impulsée par la stratégie de Lisbonne. Il s’agit de soutenir financièrement des investissements qui ne le seraient pas de façon suffisante si on ne se reposait que sur les seules incitations fournies par le marché.

La Commission souligne d’ailleurs son soutien aux pôles d’excellence, conçus comme des groupements régionaux orientés vers la recherche et capables d’attirer chercheurs, investisseurs et acteurs de premier plan dans un secteur donné. Elle estime que les aides publiques sont légitimes du moment où elles permettent à ces pôles d’atteindre une taille critique dans la concurrence mondiale. Il appartient néanmoins aux autorités nationales de veiller sur l’équilibre des soutiens versés aux grands groupes et aux PME et à la mise en cohérence des aides régionales et des aides horizontales. Le Plan d’Action met au cœur de sa démarche, conformément à la logique de Lisbonne, la substitution progressive d’aides de nature horizontale aux mesures sectorielles, potentiellement plus porteuses de distorsions de concurrence56.

II – 2 – 2 A la recherche d’interventions économiques locales efficaces o Efficacité des structures de gouvernance et place des collectivités territoriales

Les pôles n’éviteront ces écueils et ne pourront pleinement remplir ces objectifs que dans la mesure où leurs structures de gouvernance mettront en œuvre une logique partenariale. En d’autres termes, tant le succès des pôles que la qualité de l’insertion de ceux-ci dans les politiques de développement économique local mis en œuvre par les collectivités passeront par l’efficacité du partenariat public-privé noué au sein des structures de gouvernance et par la qualité des incitations produites par les soutiens financiers publics.

56

Commission Européenne, (2005), « Plan d’action dans le domaine des aides d’Etat. Des mesures moins nombreuses et mieux ciblées : une feuille de route pour la réforme des aides d’Etat, 2005-2009 », Document de

(19)

En effet, les structures de pilotage des pôles ont un double rôle de sélection et de financement des projets. A la différence de la logique des grands programmes, l’Etat délègue le rôle de sélection à ces organismes dans lesquels les collectivités territoriales ont collectivement un rôle à jouer.

Ceci pose cependant trois problèmes. Le premier fait écho à la coordination même des collectivités au sein de ces structures de gouvernance. Il s’agit non seulement de savoir comment peser sur les décisions mais aussi de s’assurer de la cohérence des positions des différents niveaux de collectivités. Le second problème tient à la possibilité d’une relative perte de contrôle des dernières marges de manœuvre financières des collectivités. Enfin, la dernière difficulté tient au risque même de dispersion et de redondance des financements publics (tant ceux de l’Etat que ceux des collectivités) face au nombre très élevé de pôles et au risque de concurrence entre ces derniers (y compris pour les pôles mondiaux). En effet, il est à craindre que le processus de sélection même des pôles n’ait pas été suffisamment serré pour sortir d’une logique d’aménagement du territoire ou de promotion des systèmes productifs locaux, telle qu’elle se pratiquait précédemment.

La sélection des pôles par l’Etat pose qui plus est la question de l’articulation de ses attributions avec celles des collectivités. L’Etat a en charge la sélection des pôles et la mise en œuvre de leurs structures d’évaluation quand les collectivités (en l’occurrence les régions) se doivent d’apporter leur soutien financier. Se posent dès lors des questions relatives à l’influence des collectivités sur le choix et sur la gouvernance des pôles et des interrogations relatives au devenir de leurs marges de manœuvres budgétaires affectables à d’autres domaines d’intervention économique. En effet, il convient de s’attacher à la question du respect, notamment par l’Etat, du rôle de chef de file du développement économique local dévolu aux régions. Si le rôle pivot de l’échelon régional n’est pas pleinement respecté dans la gouvernance des pôles, il est à craindre que les régions, à l’instar des autres collectivités, ne soient cantonnées à un simple rôle de financeur. Qui plus est, comme nous l’avons vu, ceci se ferait au détriment des initiatives propres de celles-ci, les capacités financières n’étant pas extensibles à l’infini, loin s’en faut.

o Nouvelles politiques locales et logique partenariale

Il apparaît donc que les interventions économiques des collectivités, au sein de la nouvelle donne que nous avons rapidement présentée, ne pourront être réellement efficaces que si elles s’inscrivent dans une logique partenariale. Un tel partenariat doit d’abord être conçu comme un partenariat public-privé. La logique des pôles de compétitivité atteste que les effets d’agglomération attendus ne pourront être obtenus qu’en combinant les capacités du public et du privé pour garantir l’efficacité du couple variété / sélection.

Ce partenariat n’est cependant pas réductible à un simple partenariat public-privé. Il doit aussi s’étendre à une logique de partenariat public-public, associant l’ensemble des collectivités, des établissements publics – nous songeons ici particulièrement aux établissements de recherche et d’enseignement supérieur – et l’Etat central lui- même. En effet, deux écueils doivent être pris en considération. Tout d’abord, il ne faut pas que les relations entre les collectivités territoriales s’inscrivent dans une logique de concurrence ou de rivalité. Ensuite, les liens entre l’Etat et les collectivités ne doivent ni être du registre de la mise sous tutelle – aux collectivités de financer les décisions de l’administration centrale – ni revenir à un délestage de charges via les compétences transférées.

(20)

Si ces deux partenariats constituent l’une des conditions de réussite des politiques locales de développement économique, il convient cependant de ne pas prêter trop de vertu à ce seul concept. Comme l’écrit le professeur Eckert, ce n’est pas le partenariat qui garantit la bonne administration, mais la qualité de la gouvernance publique qui assure la réussite du partenariat57. Il ne faut pas oublier que partenariat vient de partitio, lequel ne signifie pas panacée ou confiance aveugle, mais tout simplement partage ou répartition. Tout partenariat ne peut réussir que s’il repose sur une mise en commun des compétences et sur une répartition optimale des responsabilités58.

57

Eckert G., (2005), « Les contrats de partenariat et l’évolution de l’action publique », Sixièmes Journées du Pôle Européen Jean Monnet, Université de Metz, novembre.

58

Marty F., Trosa S. et Voisin A., (2006) Les partenariats public-privé, Repères – La Découverte, Paris, à

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