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Modèles cognitifs d'attachement : structure et implications pour l'ajustement et le tutorat au collégial

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Academic year: 2021

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MODÈLES COGNITIFS D’ATTACHEMENT:

STRUCTURE ET IMPLICATIONS POUR L’AJUSTEMENT ET LE TUTORAT AU COLLÉGIAL

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures de !Université Laval

pour !obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

École de psychologie

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITE LAVAL

QUÉBEC

JANVIER 2001

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RÉSUMÉ COURT

L’objectif général de la thèse est d’examiner !’association entre d’une part le type d’attachement d’étudiants collégiaux et d’autre part leur ajustement à la transition

secondaire-collégial, leur rendement scolaire pendant la transition, et les bénéfices qu’ils retirent d’une relation de tutorat avec un professeur. En raison de controverses théoriques actuelles, la thèse tente d'abord de clarifier son concept central d'attachement, en portant une attention particulière à sa conceptualisation et à sa mesure. Ainsi, les chapitres 2 et 3

proposent puis testent un modèle conceptuel et méthodologique qui tente d'intégrer les différentes traditions de mesure de l'attachement à l'adolescence et à l'âge adulte. Les chapitres 4 et 5 se penchent quant à eux sur les implications de l'attachement pour la

transition secondaire-collégial et le fonctionnement en relation de tutorat, mettant en lumière que la préoccupation face à l'attachement est associée à des difficultés d'ajustement à ces deux contextes.

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RÉSUMÉ LONG

La thèse vise à examiner les associations entre l’attachement à l’adolescence et trois processus associés à la transition secondaire-collégial. Plus spécifiquement, la thèse

s’intéresse aux relations entre l’état d’esprit face à l’attachement et l’ajustement à la

transition, le rendement scolaire pendant la transition, et !’utilisation d’une relation de tutorat visant à favoriser l’intégration au collège.

La notion d’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte fait l’objet de controverses importantes dans la littérature. Comme étape préalable à l’étude de la transition secondaire- collégial, la thèse tente donc d’éclaircir son concept central d’attachement. Le chapitre 2 de la thèse constitue une recension des modèles théoriques de l’attachement adulte, et se termine par la proposition d’un modèle visant à intégrer les divers instruments de mesure de l’attachement en rendant compte des faibles relations typiquement observées entre ces instruments.

Le chapitre 3 constitue une vérification empirique de ce modèle. Les résultats

indiquent que deux sources de variation peuvent rendre compte des associations faibles entre les diverses mesures d’attachement adulte: la sphère relationnelle visée, et le type de mesure utilisée. Ainsi, les relations observées entre les mesures sont fonction de la relation qui fait l’objet de !’évaluation ainsi que du type d’instrument: les données issues de mesures papier- crayon sont associées entre elles dans la mesure où elles se rapportent à la même relation- cible, mais ne sont pas associées à une mesure par entrevue.

Suite à cet exercice de clarification du construit d’attachement adulte, le chapitre 4 décrit les phénomènes psychosociaux associés à la transition secondaire-collégial et au tutorat professeur-élève, et discute la pertinence d’utiliser la théorie de l’attachement et une mesure par entrevue pour mieux comprendre ces phénomènes. Le chapitre 5 procède à l’examen des questions de recherche principales de la thèse. Les résultats indiquent que la préoccupation face à l’attachement est associée à des difficultés d’ajustement lors de la

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transition au collégial, à une diminution du rendement scolaire, et à une évaluation plus négative de Futilité du tutorat malgré l’établissement d’un lien de qualité avec le tuteur. Par ailleurs, l’attachement esquivant est associé à une diminution du rendement scolaire pendant la transition.

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ABSTRACT

The main purpose of the dissertation is to examine associations between attachment in adolescence and three aspects of the transition from high school to college. More

specifically, the dissertation focuses on the relations between on the one hand attachment state of mind, and on the other hand, adjustment to the college transition, academic achievement throughout the transition, and utilization of academic counseling.

The construct of adolescent and adult attachment is a highly controversial one in the current scientific literature; the dissertation thus first aims at describing and analyzing this concept. Chapter 2 is a critical review of theoretical (conceptualization, development, functions) and methodological (assessment) aspects of adult attachment, and ends with the proposition of a new conceptual framework for the integration of the diverse attachment measures currently available. Chapter 3 constitutes an empirical test of the proposed model. The results suggest that two sources of variation account for the weak relations typically observed between adult attachment measures: the relational sphere tapped, and the type of measurement utilized. Indeed, self-reported attachment measures are interrelated, but only to the extent that they pertain to the same relational sphere, and are not associated with an interview method. Chapter 3 points to the need for researchers to select the attachment measures that will be used in a given study based on theoretical, rather than practical, considerations.

Based on those results, chapter 4 describes the main psychosocial processes

associated with the transition from high school to college and with academic counseling, and argues that attachment theory, and more specifically the Adult Attachment Interview, are useful tools to better understand such processes. Chapter 5 constitutes the core of the dissertation and verifies its main hypotheses. The results suggest that preoccupation with attachment is associated with difficulties adjusting to college, with a deterioration in

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dissatisfaction with the academic counseling experience despite the development of a quality relationship with the counselor. In contrast, dismissing attachment tendencies are related solely to a decrease in academic performance over the course of the first year in college.

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AVANT-PROPOS

Je n’arriverai jamais à me souvenir de toutes les personnes qui sont importantes à mes yeux et qui ont compté pour moi lors de mes études doctorales, mais j’essaierai tout de même d'utiliser ces quelques pages pour en mentionner certaines, et pas les moindres...

Comme il se doit, ma première pensée est pour mes co-directeurs de thèse, messieurs Michel Bol vin et Simon Larose. Merci à vous deux pour la stimulation intellectuelle, les défis poussant à aller plus loin, et les mots d’encouragement face au travail accompli. Vous m’avez transmis une tonne de connaissances scientifiques, mais surtout une éthique de travail et une forme de pensée qui sont devenues la clé de la poursuite de mes rêves professionnels. Vous avez cru en moi et m’avez fait confiance, et le respect que vous m’avez manifesté à travers nos interactions a largement contribué à façonner ma confiance en moi. Merci d’avoir su trouver l’équilibre qui nous a permis de développer une relation à la fois détendue et professionnelle et qui m’a aidée à me percevoir de plus en plus comme une professionnelle en développement. Dans la même veine, mes remerciements les plus sincères à messieurs Louis Diguer, Stéphane Sabourin et Frédéric Legault qui ont su prodiguer à la fois défis intellectuels et soutien moral en tant que membres de mon comité de thèse.

On n'écrit pas une thèse sans collaborer avec plusieurs personnes. Des gens avec qui j'ai eu le plaisir de travailler au cours de mon doctorat, deux ont également été de grandes amies et des collaboratrices plus que précieuses. Je garde de Jocelyne Gagnon des souvenirs tous plus rigolos les uns que les autres: son désistement pour le Dixie Lee que j'ai dû déguster seule à Rivière-du- Loup, Ti-Lou et Ti-Chou, nos infiltrations en douce à la bibliothèque du cégep du Vieux-

Montréal, et bien sûr les conversations téléphoniques avec nos copains Erik et Mary. De Nathalie Soucy, mon souvenir le plus marquant est sans doute le temps qu'il faisait le jour du re-test au cégep de Ste-Foy (Bonne Fête Nath!). Cependant, comment oublier "Fières d'être femmes", "I'm sorry to bother you again" et le grand classique "Pain".... Nath et Jo, vous avez été de

merveilleuses collègues. Je ne veux pas penser à ce que j'aurais fait sans vous.

Mes années de doctorat ont été colorées par la présence d'un groupe de demoiselles toutes plus hilarantes, chaleureuses et attentionnés les unes que les autres: Marlène, Annie, Geneviève, Mélanie, Karine, Caroline, Catherine et Lucie, merci pour tous les fous rires, toutes les discussions, tout le soutien. Que nous soyons des PDV ou encore des Trésors de la Mer, l'important est de ne pas oublier de fêter Champoux 8 fois par année, en arrachant un cadre de

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porte ici et là. J'ai la chance d'être également entourée d’autres amis tous plus précieux les uns que les autres, certains qui sont à mes côtés depuis plusieurs années déjà. Je pense notamment à ma vieille chum Diane qui parle couramment le Latin (nostri Libri, Grumio est coquus...), à Johanne qui est la seule personne au monde chez qui j'ose m'installer pour des semaines à la fois, à Josée qui venait chez nous en pantoufles au grand désespoir de Yanick, à Marie-Jo et Jeff qui sont venus passer leur premier anniversaire de mariage avec moi au Maine alors que leur lave- vaisselle n'était même pas plein, à Eric queje n'ai toujours pas vu en étoile, à François qui est l'unique témoin vivant de l'éruption des égouts dans ma cuisine en Allemagne, à Éliane la coureuse des bois, etc, etc... Quelle chance j'ai de pouvoir compter de belles personnes comme vous parmi mes amis.

Heureusement pour moi, j'ai aussi pu compter sur la présence des autres gens du lab, qui connaissent le véritable sens du mot entraide. Stéphane toujours prêt à se fendre en quatre pour rendre service et toujours attentionné et à l'écoute, Ginette qui est devenue une grande amie et qui a su être là aux moments où ça comptait, et Valérie qui, en plus d'être MA française (comme j'aime le lui rappeler régulièrement!), a été une compagne de bureau rêvée, tant pour le travail que pour le placotage. Et bien sûr, comment oublier le passage de Pierrette parmi nous !

Au cours de la dernière année, j'ai eu le privilège de côtoyer des gens d'une qualité rare, dont la présence chaleureuse a fait toute la différence. Le personnel du centre de counseling de

l'université du Maine a fait de mon année d'internat l'une des plus belles aventures professionnelles et personnelles dont j'aurais pu rêver. Alan, Doug, Marc, April, Michelle, Isabelle, Keith, Shellie, Jeannie et Erica, merci pour cette si belle année d’apprentissage. Salutations à mes collègues internes Anne et Elizabeth, qui ont été des compagnes précieuses malgré (ou peut-être à cause de) leur fort penchant pour les croisières aux baleines et le sucre à la crème de ma mère. Mes plus sincères félicitations à Audrey et Wanda, qui ont réussi pendant un an à ne pas s'étouffer de rire (enfin, la plupart du temps...) en tapant mes dictations de notes évolutives. Un gros merci à ma chum Bellinda qui m'a appris la thérapie de groupe et la culture arménienne, qui m’a laissée lui apprendre des niaiseries en français, qui m'a appris à prononcer “mountain” et surtout qui a été une amie irremplaçable.

L'une des expériences les plus marquantes de mon doctorat fut sans contredit mon stage de recherche en Allemagne. Jamais je n'oublierai les gaffes que j’ai faites, notamment ce jour glorieux où je me suis retrouvée participante dans une parade médiévale, juste derrière le dragon. Mais surtout, je ne pourrai jamais oublier l'accueil extraordinaire que les gens du lab m'ont réservé. Peter, Fabienne, monsieur et madame Grossmann, Markus, Hans, Gottfried et madame

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plaisir et queje profite au maximum de mon été.

Les derniers mois de rédaction de ma thèse ont eu lieu au Delaware. Ma supervíseme, Mary Dozier, s'est montrée d'une compréhension exceptionnelle face à mes obligations de rédaction, et a généreusement partagé avec moi sa grande expertise du domaine afin de parfaire la qualité des articles de ma thèse. Surtout, sa gentillesse franchement hors du commun m’a aidée à trouver l’énergie nécessaire aux dernières étapes de rédaction. Mary et son équipe m'ont offert un soutien indispensable et leur intérêt envers les dernières étapes de mon processus doctoral m'a beaucoup touchée. Merci Mary, Anna, Shauna, John, Beth et Sandy.

Finalement mais surtout, que dire de ma famille. Mes parents, mes soeurs Sonia, Line et Linda et leurs conjoints, et les deux plus beaux enfants du monde Pascale et Frédéric sont les gens qui comptent vraiment, sur qui je peux toujours compter et sans qui les études, le travail ou les beaux diplômes signifieraient bien peu de choses. Merci à vous tout spécialement.

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Résumé court... Résumé long

Avant-propos... Table des matières...

CHAPITRE 1

INTRODUCTION GÉNÉRALE... La mesure du concept d’attachement... L’utilisation du concept d’attachement.

CHAPITRE 2

L' ATTACHEMENT ET LES MODÈLES COGNITIFS OPÉRANTS: CONCEPTUALISATION, MESURE ET STRUCTURE... Introduction... Conceptualisation, développement et fonctions des modèles cognitifs Organisation et structure des modèles cognitifs opérants... Aspects distinctifs des modèles cognitifs opérants... ... Mesure des modèles cognitifs opérants... Modèle pour l'examen et la mesure des modèles cognitifs opérants...

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AN INTEGRATIVE MODEL... Résumé... Introduction Méthode Participants et procédure... Instruments de mesure... Résultats... Discussion... Références... CHAPITRE 4

L’ENTREVUE D’ATTACHEMENT ADULTE, LA TRANSITION SECOND AIRE-COLLÉGIAL,

ET LE TUTORAT PROFESSEUR-ÉLÈVE... La transition secondaire-collégial... Le tutorat au collégial... L’Entrevue d’Attachement Adulte... Validité de construit de ΓΕΑΑ: la transmission intergénérationnelle___ Validité convergente et prédictive de 1ΈΑΑ: l’ajustement psychosocial État d’esprit face à l’attachement et relations d’aide... .

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CHAPITRE 5

ATTACHMENT STATE OF MIND: IMPLICATIONS FOR ADJUSTMENT

AND ACADEMIC COUNSELING IN COLLEGE... 108

Résumé... 110 Introduction ... Ill Méthode ... 118 Participants... 118 Instruments de mesure... 119 Procédure... 121 Résultats... 122 Discussion... 128 Références... 135 CHAPITRE 6 CONCLUSION GÉNÉRALE 157 RÉFÉRENCES (chapitres 1,4 et 6)... 164 ANNEXES 171

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LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES 53 CHAPITRE 2 Figure 1...

86

87.

88

89 90 91 CHAPITRE 3 Tableau 1... Tableau 2... Tableau 3... Tableau 4... Tableau 5... Figure 1... 144 145 146 147 148 149 151 154 155 156 CHAPITRE 5 Tableau 1... Tableau 2... Tableau 3... Tableau 4... Tableau 5... Tableau 6... Tableau 7... Figure 1... Figure 2... Figure 3...

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Les relations interpersonnelles constituent le tissu dont est faite Γexpérience humaine; elles procurent à l’individu les ressources affectives qui lui permettent d’actualiser son potentiel. Il n’est donc pas étonnant que la toute première de ces relations proches, celle qui se tisse entre un parent et son enfant, ait reçu autant d’attention. Les philosophes ont de tout temps réfléchi à la teneur de cette relation unique, et les premiers psychologues, notamment Freud et ses élèves, ont décrit la relation parent-nourrisson comme le fondement même de la capacité relationnelle humaine.

Le phénomène d’attachement entre un enfant et son parent est l’un des plus intenses, des plus durables, et des plus importants de la vie humaine. La théorie de l’attachement, proposée par le psychanalyste britannique John Bowlby (1973, 1980,1982), est généralement reconnue

comme l’un des efforts les plus notables pour systématiser et étudier scientifiquement ce

phénomène humain complexe. Bowlby propose que l’expérience subjective de sécurité affective est l’une des plus recherchées par le nourrisson, et que la recherche et le maintien du contact avec une personne susceptible de procurer cette sécurité affective est une tendance motivationnelle innée chez l’être humain. Par la sécurité affective qu'elle procure, la relation avec une figure d'attachement fournirait les bases au développement de la compétence sociale, assurerait la qualité de l'adaptation personnelle et préparerait l'individu à mieux affronter les autres tâches socio- affectives et cognitives rencontrées tout au long du développement (Ainsworth, 1982; Bowlby,

1982; Sroufe & Waters, 1977), notamment à l’adolescence et au début de l'âge adulte (Kobak & Sceery, 1988).

La thèse se propose d’examiner la contribution de la théorie de l’attachement à la compréhension de processus associés à la transition du secondaire au collégial. La transition secondaire-collégial est un contexte pouvant mettre au défi les stratégies d’adaptation de

l’individu: on a observé que la qualité des relations sociales, ainsi que l’ajustement social, émotif et scolaire, décroissent pendant la transition (Cutrona, 1982; Hays & Oxley, 1986; Lapsey, Rice, & Shadid, 1989; Rice, 1991; Shaver, Furman & Buhrmester, 1985). La thèse avance que la théorie de l’attachement peut aider à comprendre le processus d’adaptation pendant cette

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transition. Plus spécifiquement, la thèse se penche dans un premier temps sur les associations entre l’attachement à l’adolescence et l’ajustement scolaire et socio-émotif pendant la transition secondaire-collégial. En effet, bien qu’il ait été démontré de façon consistante que l’attachement est relié à de nombreux indices d’ajustement psychosocial à l’adolescence (voir Allen & Land,

1999, pour une revue exhaustive), les recherches antérieures ne se sont pas penchées sur la possibilité de généraliser ce phénomène au milieu scolaire. Compte tenu de l’importance du temps passé à l’école par les adolescents dans nos sociétés occidentales, il semble approprié d’examiner si les relations entre l’attachement à l’adolescence et !’ajustement personnel peuvent s’observer en milieu scolaire.

La formation de niveau collégial constitue soit une préparation technique directe à

l’exercice d’un travail spécialisé (dans le cas des formations dites techniques), soit une formation scientifique préparant l’étudiant à recevoir une éducation universitaire (dans le cas des formations dites pré-universitaires). La réussite scolaire au collégial est donc pour tous une condition

essentielle à la réussite professionnelle ultérieure, ce qui en fait une tâche importante de la fin de l’adolescence. Or, on a observé tant au Québec (Moss, St-Laurent & Parent, 1999), qu’aux États-Unis (Teo, Carlson, Mathieu, Egeland & Sroufe, 1996) et en Islande (Jacobsen, Edelstein & Hofmann, 1994) que l’attachement à l’enfance est associé de façon concurrente et prédictive à la réussite scolaire. Sur la base des propositions de Bretherton et Munholland (1999), la thèse avance que l’attachement à l’adolescence est également associé au rendement scolaire, et teste cette proposition dans le cadre de la transition secondaire-collégial.

Finalement, la thèse se penche sur la question du tutorat au collégial. Les dernières années ont vu émerger un intérêt grandissant, dans les collèges canadiens (Larose & Roy, 1993) et américains (American Association of State Colleges and Universities, 1985; Johnson, 1989) pour les programmes de tutorat maître-élève, qui semblent être une façon prometteuse de venir en aide aux élèves les plus susceptibles d'abandonner leurs études (Parker Redmond, 1990;

Richardson, 1988; Tinto, 1987; Upcraft & Gardner, 1989). La thèse se centre donc sur des étudiants jugés comme étant à risque d’éprouver des difficultés scolaires par leurs institutions

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collégiales, et qui profitent d’un encadrement individualisé avec un professeur volontaire. Les recherches inspirées par la théorie de l’attachement laissent croire que le type d’attachement présenté par “l’aidé” est associé à !’utilisation d’une variété de relations d’aide de type psychosocial (Bakermans-Kranenburg, Juffer & Van Ijzendoom, 1998; Dozier, 1990; Dozier, Lomax, Tyrrell & Lee, sous presse; Korfmacher, Adam, Ogawa & Egeland, 1997; Tyrrell, Dozier, Teague & Fallot, 1999). La thèse s’intéresse à examiner si ces résultats peuvent s'observer dans la cadre d'un encadrement individualisé à teneur scolaire.

Ainsi, la thèse s’intéresse à la contribution de la théorie de l’attachement à la

compréhension de trois aspects de la transition secondaire-collégial: l’adaptation à la transition, le rendement scolaire pendant la transition, et !’utilisation de relations de tutorat professeur-élève. Comme étape préalable et en raison de controverses théoriques actuelles, la thèse tente de clarifier la notion d’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte afin d’éclairer les choix

méthodologiques nécessaires à l’examen des relations entre l’attachement à l’adolescence et la transition au collégial.

La mesure du concept d’attachement

Mary Ainsworth a été la première chercheuse à soumettre les propositions théoriques de Bowlby (1973, 1980, 1982) à l’examen empirique. La Situation Étrangère (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978) est une procédure expérimentale qui a permis d'observer quatre grands patrons de réactions de nourrissons à une série de séparations et de réunions avec leur figure d’attachement: les patrons sécurisant, évitant, ambivalent et désorganisé. Certains enfants, qui recherchent la proximité et le contact au retour du parent, présentent un attachement sécurisant parce qu'ils utilisent le parent pour atténuer leur sentiment de détresse associé à la séparation. D'autres enfants affichent un attachement évitant parce qu'ils évitent le parent lorsqu'il revient, sans toutefois le rejeter carrément, alors qu'un troisième groupe d'enfants (présentant un

attachement ambivalent) combinent la recherche de contact avec des comportements de résistance ou de passivité, et réagissent avec hostilité et colère au retour du parent (Ainsworth, 1982).

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ou inhabituelles et étranges au retour du parent; on parle alors d’attachement désorganisé (Main & Solomon, 1990). Ces patrons de réactions comportementales et émotives, qui ont été désignés comme des types d’attachement, seraient une conséquence de la qualité et de la consistance des réponses habituelles du parent aux épisodes de détresse émotive du nourrisson (Ainsworth et ah,

1978).

Ces types d’attachement présentent des patrons clairs et distincts d’association avec le fonctionnement émotif, social et intellectuel, et ce, de façon transversale et longitudinale. Ainsi, lorsqu'on les compare à ceux qui présentent un attachement évitant ou ambivalent, les enfants caractérisés par un attachement sécurisant démontrent un plus grand enthousiasme, une humeur plus positive, et une plus grande persévérance en situation de résolution de problèmes à l'âge préscolaire (Matas, Arend & Sroufe, 1978), ils sont engagés dans des interactions plus positives et détendues avec leurs pairs (Waters, Wippman & Sroufe, 1979), et ils réagissent de façon plus flexible, persévérante et débrouillarde dans une situation préscolaire à l'âge de 4 et 5 ans (Arend, Grove & Sroufe 1979; Sroufe, 1983). Lamb, Thompson, Gardner, Charnov et Connell (1985) ont également observé que les enfants qui présentent un attachement sécurisant sont plus

sociables avec des adultes non familiers, plus coopératifs avec leurs parents, démontrent une plus grande compétence d'exploration et peuvent aussi s'entendre mieux avec leurs pairs,

comparativement aux enfants caractérisés par un attachement évitant ou ambivalent. Par ailleurs, les enfants présentant un attachement désorganisé sont plus susceptibles que les autres de présenter des comportements hostiles et agressifs envers leurs pairs à l'âge de 5 ans (Lyons- Ruth, Alpern & Repacholi, 1993) et sont plus à risque de souffrir de symptômes de dissociation, et ce jusqu'à l'âge de 19 ans (Weinfield, Sroufe, Egeland & Carlson, 1999).

En raison de la consistance et de la robustesse des associations entre l’attachement à la petite enfance et l’ajustement personnel ultérieur, plusieurs chercheurs se sont intéressés à identifier et à comprendre les mécanismes responsables de ces relations. À la suite des

propositions de Bowlby (1982) selon lesquelles l’attachement qui s’établit pendant la première année de vie persiste au cours de la vie de l’individu et devient progressivement une

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caractéristique stable de la personnalité, de nombreux théoriciens ont insisté sur l’importance de la question de l’expression et de la mesure de l’attachement au-delà de la petite enfance. Il a notamment été proposé que l’analyse des qualités psycholinguistiques du discours de l’individu concernant ses expériences d’attachement procure des indices importants du fonctionnement du système d’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte (Main, Kaplan & Cassidy, 1985).

Main et ses collaborateurs ont mis au point l’Entrevue d’Attachement Adulte (EAA; Adult Attachment Interview; George, Kaplan & Main, 1996), ainsi qu’un système de cotation (Main & Goldwyn, 1998) permettant d’évaluer la cohérence du discours concernant les

expériences d’attachement. Cette cohérence est considérée comme l’indice central de la sécurité d’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte (Main et al., 1985). Simultanément au

développement de ΓΕΑΑ, deux autres courants de recherche se sont penchés sur la question de l’attachement au-delà de l’enfance: le premier courant conceptualise les relations amoureuses comme une forme privilégiée d’attachement adulte et s’intéresse à la mesure des comportements et émotions censés refléter l’action du système d’attachement en relation amoureuse (e.g., Hazan & Shaver, 1987). Le deuxième courant concerne les sentiments actuels d’attachement aux

parents exprimés par les adultes et les adolescents (e.g., Armsden & Greenberg, 1987). Les écrits scientifiques récents sur l’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte ne s’entendent pas sur l’utilité de ces différentes traditions de mesure (Bartholomew & Shaver, 1998). De nombreuses études empiriques ont rapporté une absence de relation entre les diverses mesures d’attachement adulte, et les tenants de chaque approche tendent a dénigrer les méthodes utilisées par les autres courants de recherche. Il en résulte un manque d’intégration des concepts mesurés par les divers instruments disponibles. Ainsi, malgré la crédibilité de la théorie de l’attachement, celle-ci souffre d’une ambiguïté importante quant au concept d’attachement à l’âge adulte; bien que la plupart des chercheurs s’entendent sur l’utilité heuristique de cette notion, ils affichent des opinions fort différentes quant à la conceptualisation et la mesure de ce construit.

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Un premier grand objectif de la thèse est de procéder à une recension critique des

différents modèles conceptuels de l’attachement adulte et de proposer et tester un cadre théorique intégrateur permettant de situer les diverses traditions de mesure par rapport aux concepts

originalement proposés par Bowlby. La thèse propose le concept de modèle cognitif opérant comme central à la compréhension et à l’intégration des traditions de mesure et avance un modèle théorique qui inscrit !’organisation des modèles cognitifs opérants comme cadre unificateur de base. Le chapitre 2 fait le point sur les questions de la conceptualisation, de la structure, et de la mesure des modèles cognitifs opérants. Ce chapitre se termine par la proposition d’un modèle pour !’organisation et la mesure des modèles cognitifs opérants. Le chapitre 3 constitue une vérification empirique partielle de ce modèle auprès de 193 étudiants collégiaux.

L’utilisation du concept d’attachement

À la suite de ce travail visant à clarifier le construit central de la thèse, celle-ci se tourne vers la question de l’utilité du concept d’attachement pour comprendre l’adaptation lors de la transition secondaire-collégial, une étape importante de l’adolescence. En effet, un autre débat important dans les écrits scientifiques récents touche la question de l’ampleur des corrélais de l’attachement (Thompson, 1999). L’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte est associé de façon claire et consistante à de nombreux indices d’ajustement émotif, social et relationnel, ce qui est cohérent avec la théorie de l’attachement. Toutefois, les théoriciens de l’attachement ne se sont pas prononcés sur une association possible entre !’organisation du système d’attachement et l’ajustement scolaire, malgré l’importante portion de temps passé à l’école par la plupart des enfants et des adolescents dans notre société occidentale. Ainsi, bien que Ton connaisse les implications du système d’attachement pour l’adaptation à une variété de contextes relationnels et affectifs à l’adolescence, aucune étude empirique n’a tenté de vérifier si ces patrons

d’associations peuvent également s’observer en milieu scolaire.

Les théoriciens actuels sont divisés en deux clans sur la question, l’un postulant que la théorie de l’attachement ne permet pas de comprendre l’ajustement en milieu scolaire (e.g., Sroufe, 1988), l’autre voulant que la sécurité d’attachement favorise le fonctionnement et même

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le rendement en milieu scolaire par Γ intermédiaire de structures parallèles au système

d’attachement, tel le système d’exploration (Grossmann, Grossmann & Zimmermann, 1999). Sur la base d’observations empiriques indiquant une association entre l’attachement à l’enfance et le fonctionnement ultérieur dans un éventail très varié de sphères de fonctionnement, la thèse prend position en faveur d’une perspective élargie des corrélais de l’attachement, proposant que l’attachement à l’adolescence est susceptible d’être associé au fonctionnement en milieu scolaire. Plus spécifiquement, la thèse propose que l’attachement à l’adolescence, tel que mesuré par l’Entrevue d’Attachement Adulte, est associé à l’adaptation à la transition secondaire-collégiale et au rendement scolaire pendant la transition, ceci dans le contexte d’une relation de tutorat

professeur-élève.

Le chapitre 4 revient sur le choix de ΓΕΑΑ comme instrument pour mesurer !’association entre l’attachement et le fonctionnement en milieu scolaire. Ce chapitre débute par un examen des phénomènes psychosociaux prenant place en tutorat et pendant la transition secondaire-collégial, afin de faire valoir l’utilité du construit mesuré par l’EAA à la compréhension de ces deux contextes. Le chapitre se poursuit par une brève description de l’entrevue et des groupes d’attachement qu’elle permet de cerner, pour ensuite se tourner vers des études antérieures qui sont venues appuyer sa validité de construit. Puis, le chapitre 4 présente des travaux ayant suggéré que le construit d’état d’esprit face à l’attachement, mesuré par ΓΕΑΑ, est associé de façon convergente et prédictive à de nombreux indices d’ajustement psychosocial à

l’adolescence, ce qui suggère que l’EAA pourrait être un instrument utile à la compréhension de phénomènes d’ajustement en milieu scolaire. Enfin, le chapitre 4 recense les données empiriques sur !’utilisation de relations d’aide selon le type d’attachement de l’aidé, suggérant que l’EAA est susceptible de contribuer à la compréhension de !’utilisation différentielle d’une relation de tutorat par différents étudiants.

Finalement, le chapitre 5 procède à un examen empirique des associations entre d’une part l’état d’esprit face à l’attachement, et d’autre part l’ajustement, le rendement scolaire et

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!’utilisation de relations de tutorat au collégial. Cette vérification empirique a été menée sur une période de 9 mois auprès de 102 étudiants pendant leur transition du secondaire au collégial.

La thèse se penche donc sur deux questions non-résolues et hautement débattues dans la littérature actuelle sur l’attachement à l’adolescence et à l’âge adulte: la question des relations entre les mesures d’attachement et celle de l’ampleur des corrélais de l’attachement. Le chapitre 2 tente de clarifier la notion d’attachement adulte et de sa mesure, alors que le chapitre 3 est un test empirique des propositions de ce chapitre. Le chapitre 4 fait valoir l’utilité de ΓΕΑΑ pour étudier l’ajustement en milieu scolaire et !’utilisation du tutorat, et le chapitre 5 procède à une vérification empirique de ces propositions.

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L' ATTACHEMENT ET LES MODÈLES COGNITIFS OPÉRANTS: CONCEPTUALISATION, MESURE ET STRUCTURE.

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Annie Bernier 1, Simon Larose 2 et Michel Boivin 1: École de psychologie

Département d’études sur l’enseignement et !’apprentissage Université Laval

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L'attachement et les modèles cognitifs opérants: Conceptualisation, mesure et structure.

La théorie de l'attachement proposée par Bowlby (1973, 1980, 1982) a fait l'objet d'un nombre impressionnant d'essais théoriques et d'études empiriques au cours des 25 dernières années. Depuis ses débuts, elle ne cesse de se raffiner et de se complexifier, notamment grâce à des travaux sur les différences individuelles quant aux comportements et aux représentations d'attachement (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978; Main, Kaplan, & Cassidy, 1985), sur la stabilité du type d'attachement (Zimmermann, Fremmer-Bombik, Spangler, & Grossmann, 1997), sur !'association entre le type d'attachement et l'adaptation personnelle (Kobak & Sceery, 1988; Matas, Arend, & Sroufe, 1978), et sur la transmission intergénérationnelle de l'attachement (Van IJzendoorn, 1995). Toutefois, le concept-clé proposé par les théoriciens de l'attachement pour rendre compte de ces phénomènes, le modèle cognitif opérant (internal working modelV reste vague et mal compris.

Main et al. (1985) proposent que les modèles cognitifs opérants d'attachement s'agencent en différents patrons chez les adolescents et les adultes, mais selon un nombre limité

d'organisations possibles. À ce jour trois grands types d'organisation de modèles cognitifs opérants font !'unanimité dans la littérature: l'attachement autonome, l'attachement esquivé, et l'attachement préoccupé. Ces trois types d'organisation, ou types d'attachement, prendraient racine dans les expériences vécues avec les parents pendant l'enfance, et se traduiraient notamment par trois patrons de réponses distincts lors de l'Entrevue d'Attachement Adulte (EAA; Adult

Attachment Interview!. L'EAA amène le participant à donner des descriptions générales de ses relations précoces avec chacun de ses parents, pour ensuite lui demander de relater des épisodes spécifiques de son enfance pouvant illustrer ces descriptions. On questionne également le participant sur sa compréhension actuelle de l'effet qu'ont pu avoir ses relations avec ses parents sur sa personnalité et son fonctionnement actuels.

Les individus présentant un attachement autonome semblent à l'aise lors de l'entrevue, se remémorent aisément des épisodes spécifiques de leur enfance, et présentent un discours

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cohérent et crédible caractérisé par une intégration des caractéristiques positives et négatives de leurs relations d'attachement. Les individus caractérisés par un attachement esquivé considèrent leurs relations d'attachement comme ayant eu très peu d'influence sur leur développement et utilisent des stratégies visant à bloquer leur discours: incapacité répétée à se rappeler des

épisodes spécifiques, normalisation des expériences négatives, ou dérogation de l'attachement ou de l'un des parents. Leur discours est souvent incohérent en raison d'une tendance à donner des descriptions générales très positives qui ne sont pas supportées par des épisodes spécifiques. Finalement, l'attachement préoccupé se caractérise par une implication encore très marquée dans les relations avec les parents. L'individu semble incapable de faire le point sur ses relations d'attachement, et perd le fil de l'entrevue soit en s'emportant ou en utilisant un discours vague, imprécis et confus. Main et al. (1985) attribuent ces différents patrons de réponses à l'action des modèles cognitifs opérants.

Malgré la place centrale qu’occupe la notion de modèle cognitif opérant dans les écrits sur l'attachement, il n'y a pas de consensus quant aux fonctions, à la mesure, à la structure et aux mécanismes d'opération de ce construit. Selon Shaver, Collins et Clark (1996), le concept de modèle cognitif opérant est le pivot de la théorie de l'attachement, et cellè-ci continuera d'inspirer des recherches valables dans la mesure où ce concept sera clarifié et opérationnalisé. Ce chapitre se propose de contribuer à clarifier la compréhension du concept de modèle cognitif opérant, notamment en faisant appel aux écrits scientifiques sur les schémas relationnels. Nous nous pencherons également sur une question très débattue à l'heure actuelle, celle des différents instruments de mesure de l'attachement à l'adolescence et à l'âge adulte. Les modèles cognitifs opérants seront décrits sous l’angle de leur développement, de leurs fonctions, de leur structure, de leurs aspects uniques et distinctifs, et de leur mesure. Nous proposons notamment que dès l'adolescence, les modèles cognitifs opérants s’organisent de façon hiérarchique, avec des composantes conscientes et inconscientes devant être évaluées par des types d'instruments spécifiques à chaque composante.

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Conceptualisations, développement et fonctions des modèles cognitifs opérants

Bowlby (1982) définit les modèles cognitifs opérants comme des représentations mentales de soi, de la figure d'attachement, et de la relation entre soi et cette figure (Bowlby, 1982). La perception d'être accepté par la figure d'attachement et digne de son affection serait une caractéristique centrale du modèle de soi; de même, l'accessibilité de la figure d'attachement et sa capacité d'offrir le soutien émotif seraient des éléments cruciaux du modèle de celle-ci (Bowlby,

1973). Main et ses collaborateurs (1985) proposent une compréhension plus nuancée du modèle cognitif opérant, en insistant sur le fait qu'il n'est pas une image objective de soi et de la figure d'attachement, mais plutôt une représentation généralisée des réponses passées de la figure d'attachement aux signaux de détresse et de besoin de proximité manifestés par l'enfant envers cette figure. Cette conception est compatible à celle de Bowlby sous plusieurs aspects,

notamment par le caractère inconscient de certains aspects des modèles. En effet, tout comme Main et al., Bowlby (1980) estime qu'une fois formés, les modèles cognitifs opérants existent en- dehors du champ de la conscience, et sont activés sans que l’individu n'y porte une attention délibérée. C'est à ce caractère inconscient, ainsi qu'au processus dominant d'assimilation des nouvelles informations aux modèles déjà existants, que Bowlby (1980) attribue la persistance des modèles cognitifs au-delà de l'enfance.

La théorie de l'attachement reconnaît que pour demeurer utiles à !'interprétation des expériences sociales, les modèles cognitifs doivent avoir la capacité de s'accommoder aux changements ontogénétiques et environnementaux (Bretherton, 1991). Il est indispensable, par exemple, que les modèles cognitifs s’adaptent à des changements de conditions de vie tels l’arrivée ou le départ de la famille d’un adulte prenant soin de l’enfant. Bowlby (1980) propose que dès l'enfance, les individus ajusteront leurs modèles cognitifs opérants si la contradiction entre les modèles existants et les situations nouvelles est telle que les modèles ne sont plus utiles à l’interprétation des expériences sociales. Ainsi, un enfant pourra modifier le modèle relatif à sa mère, autrefois très sensible et présente, si celle-ci devient dépressive et moins en mesure de répondre aux besoins de l’enfant, suite à un deuil par exemple. Zimmermann et al. (1997) ont

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observé une proportion beaucoup plus grande d'attachements insécurisés (esquivé et préoccupé) chez des adolescents de 16 ans ayant expérimenté, entre 10 et 15 ans, des changements familiaux majeurs tels un divorce parental ou le décès d'un parent, que chez les adolescents n'ayant pas vécu de tels événements.

En dépit de cette nécessaire adaptation, les modèles cognitifs opérants ne fluctuent

toutefois pas constamment. Ils seraient particulièrement résistants aux changements en l’absence de bouleversement des conditions de vie. Cette tendance naturelle à la stabilité, lorsqu’elle se combine à un patron stable d'interactions avec les figures d'attachement, favorise la consolidation des modèles cognitifs, qui s’intégrent progressivement à la personnalité de l'individu (Main et al.,

1985). On a notamment observé une corrélation de 0,76 entre la sécurité d'attachement à 1 an et celle à 6 ans, telles que mesurées par des situations de séparation et de réunion avec le parent, adaptées à l'âge de l'enfant (Main et al., 1985). Pour leur part, Zimmermann et al. (1997) ont observé que les enfants qui avaient été classifiés sécurisés à un an se tournaient vers leurs parents pour composer avec des émotions négatives à 10 ans, alors que les enfants qui avaient été

classifiés évitants ou ambivalents évitaient leurs parents lorsqu'ils vivaient une détresse

personnelle. Ils ont également trouvé qu'un attachement autonome à 16 ans pouvait être prédit à l'âge de 10 ans par une représentation des deux parents comme étant émotivement accessibles, et par la tendance à rechercher le soutien des parents pour composer avec des difficultés

personnelles à 10 ans.

Ainsworth (1989) et Bowlby (1982) proposent que les différences individuelles quant aux modèles cognitifs opérants commencent à se développer vers la fin de la première année de vie, alors que l'enfant acquiert la permanence de l'objet (Piaget, 1954) et les rudiments du langage. Selon eux, ce n'est que lorsque leurs capacités cognitives atteignent un certain degré de

sophistication que les enfants développent des modèles cognitifs adaptés aux expériences

uniques qu’ils vivent avec leurs parents. Ce point de vue ne fait toutefois pas l'unanimité; Main et al. (1985) ainsi que Sroufe et Fleeson (1988) sont plutôt d'avis que les enfants commencent à développer un modèle cognitif spécifique à leurs relations dès les premiers mois de leur vie.

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Main et al. (1985) avancent que les différences individuelles sur le plan des modèles cognitifs opérants s'organisent à partir du patron habituel de réponse des parents aux besoins de réconfort et de sécurité manifestés par l’enfant. Étant donné que le système d'attachement représente une tendance universelle chez l'enfant à rechercher réconfort et proximité auprès de figures protectrices, les différences individuelles subséquentes dans !'organisation des modèles cognitifs opérants origineraient des réponses offertes par les figures d'attachement. Celles-ci peuvent être de trois types principaux: permettre l'accès à l'enfant qui recherche la proximité, bloquer cet accès, ou encore le permettre et le bloquer de façon inconsistante et imprévisible. Ces réponses viendraient modifier la trajectoire naturelle de recherche de proximité qui est commune à tous les enfants. Elles mèneraient respectivement aux trois grands types d'organisation des modèles cognitifs d'attachement largement documentés: sécurisé, évitant, et ambivalent (Main et al., 1985), qui s'établiraient ainsi dès la fin de la première année de vie, et qui sont l'équivalent conceptuel à l'enfance des types d'attachement autonome, esquivé et préoccupé observés à l'âge adulte.

Exception faite d'une possible révision de cette organisation vers l'âge de 4 ans (avec l'émergence de la capacité de l'enfant à comprendre les plans et les motivations de ses parents), ce n'est qu'avec l'apparition du stade des opérations formelles, soit vers 12 ans, qu'on verra une période de restructuration éventuelle des modèles cognitifs. Cette restructuration est rendue possible par les nouvelles capacités cognitives de l'enfant (Piaget, 1967). Ainsworth (1989) avance que les changements dans la nature de l'attachement pendant cette période pourraient également s’expliquer par des modifications hormonales, neurophysiologiques et cognitives, en plus des nouvelles expériences socio-affectives, telles celles provoquées par l’intérêt grandissant pour les relations amicales ou amoureuses avec des pairs du même âge ou le besoin d'autonomie face à la famille.

Les théoriciens de l'attachement s'entendent pour dire que vers le milieu ou la fin de l'adolescence, les modèles d'attachement sont consolidés et résistent, pour l'essentiel, aux changements importants. Le type d'attachement observé à la fin de l'adolescence (autonome,

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esquivé, ou préoccupé) est donc susceptible de se manifester pendant la vie adulte et d'avoir un impact important sur l’adaptation personnelle actuelle et subséquente. Becker-S toll, Zimmermann et Fremmer-Bombik (1998) ont trouvé une stabilité de 75% des types d'attachement esquivé et autonome sur une période de 12 ans (le type préoccupé était beaucoup moins stable dans cet échantillon).

La principale utilité des modèles cognitifs selon Bowlby (1982) et Bretherton (1991) est de fournir une représentation mentale du monde pour aider l'individu à percevoir et interpréter les événements, à anticiper logiquement le futur, et à mettre au point des plans. Les modèles cognitifs auraient un impact important sur les perceptions des situations sociales (la façon dont lés

événements sont évalués et interprétés), mais aussi sur les comportements émis suite à ces perceptions (Bowlby, 1973, 1982). Main et al. (1985) soulignent pour leur part l'influence que les modèles cognitifs opérants exercent sur le traitement de !'information ayant trait à

l'attachement; ils organiseraient et sélectionneraient les souvenirs que l'enfant garde des résultats habituels de ses tentatives d'obtenir le réconfort et la sécurité. Main et al. définissent donc les modèles cognitifs opérants d'attachement comme un ensemble de règles conscientes et

inconscientes organisant !'information relative à l'attachement, et permettant ou limitant l'accès à cette information.

Organisation et structure des modèles cognitifs opérants

Au cours des dernières années, certaines hypothèses ont été avancées au sujet de !'organisation interne des modèles cognitifs d'attachement. Notamment, Crittenden (1990), Bowlby (1982), Bretherton (1985, 1991), et Shaver et ses collaborateurs (1996) ont tous proposé que les modèles cognitifs opérants sont un réseau de représentations mentales à plusieurs

niveaux, organisés de façon hiérarchique. Ils se distinguent par ailleurs quant à la nature présumée de !’organisation hiérarchique.

Crittenden (1990) propose la notion de méta-structure. Elle avance qu’il existe trois types de méta-structures des modèles cognitifs opérants, qui se différencient les uns des autres par leur niveau de complexité et d'intégration. L'organisation la plus simple est celle du "modèle de

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représentation unique", caractérisée par la domination d'un modèle cognitif appliqué sans discrimination à toutes les relations interpersonnelles de l'individu, sans égard aux

caractéristiques uniques des relations. Cette organisation serait marquée par une assimilation excessive de toutes les informations nouvelles à un modèle unique. On la retrouverait chez les mères abusives qui tendraient à ne percevoir que les comportements négatifs des membres de leur réseau ou à interpréter les comportements positifs comme mal intentionnés (Crittenden,

1990).

Une méta-structure plus évoluée est celle des "modèles représentationnels multiples mais non reliés" (Crittenden, 1990), qui se caractérise par un modèle particulier à chaque relation et adapté à ses caractéristiques. Toutefois, cette organisation ne permettrait pas à l'individu de développer un sens de cohérence ou d'unité associée aux diverses relations dans lesquelles il est impliqué. Ce phénomène s'expliquerait par le fait que les modèles cognitifs s'accommoderaient de façon exagérée à la moindre nouveauté, perdant ainsi leur fonction de prédiction des

événements interpersonnels. Cette organisation des modèles cognitifs caractériserait notamment les victimes chroniques d’abus, qui ont de la difficulté à déduire logiquement des principes généraux sur la base de l’ensemble de !’information relationnelle qu’elles ont recueillie.

Finalement, la méta-structure la plus fonctionnelle se caractérise par un "modèle

généralisé accompagné de sous-modèles différenciés et spécifiques à des relations" (Crittenden, 1990). Un tel modèle fournirait à l'individu un sens de cohérence de soi et des autres à travers ses diverses relations, tout en permettant de reconnaître le caractère unique de relations particulières. Cette organisation présenterait un bon équilibre entre les processus d'assimilation et

d'accommodation.

Les propositions de Crittenden (1990) sont intéressantes sur le plan clinique; les trois méta-structures qu'elle propose constituent des hypothèses explicatives au traitement biaisé et inadapté de !'information sociale qui caractérise certains individus. Elles sont toutefois d'une utilité plus limitée pour comprendre en quoi les modèles cognitifs influencent les cognitions et les conduites interpersonnelles chez la majeure partie de la population adolescente, qui ne

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présente pas de problèmes cliniques majeurs. De plus, les propositions de Crittenden restent spéculatives car elles sont difficiles à vérifier empiriquement. Elles permettent toutefois de situer la structure des modèles cognitifs présentée à la fin du chapitre dans le cadre de la troisième méta-structure; en effet la structure proposée ici s'applique aux individus dont les modèles cognitifs sont issus d’un bon équilibre entre les processus d’assimilation et d'accommodation, permettant une certaine flexibilité dans l’activation de différents modèles.

Une deuxième structure hypothétique des modèles cognitifs d'attachement est celle de Bowlby (1982), qui propose un agencement des modèles cognitifs selon un ordre de priorité des personnes vers lesquelles l'individu se tourne en période de détresse. Furman et ses

collaborateurs ont utilisé cette idée pour étudier l'action des modèles cognitifs à l'adolescence. Selon Furman et Wehner (1994), cette hiérarchie subirait des modifications importantes à l'adolescence, notamment en raison des changements hormonaux typiques de cette période. Ces changements pousseraient l'adolescent à rechercher un partenaire du même âge, qui pourrait, selon !'investissement affectif et la durée de la relation, devenir une figure d'attachement. Progressivement, les partenaires amoureux de l'adolescent seraient susceptibles d'occuper une place de plus en plus dominante dans la hiérarchie de ses figures d’attachement. Furman et Wehner (1994) proposent que le partenaire amoureux devient la figure d'attachement dominante de la hiérarchie vers le début de la vie commune.

Cette forme de hiérarchie est particulièrement intéressante sur le plan ontogénétique, car elle met en lumière les changements majeurs associés à la restructuration des modèles cognitifs à l’adolescence et souligne la flexibilité du réseau des figures d'attachement en cours de

développement. Elle jouit également d'appuis empiriques clairs. Notamment, Furman et

Buhrmester (1992) ont observé que les parents, les amis de même sexe et le partenaire amoureux étaient respectivement les figures de soutien les plus importantes à 9 ans, 12 ans et 16 ans. La proposition de Furman et Wehner (1994) ne suggère toutefois pas de mécanisme par lequel ces différents modèles influencent les perceptions et les conduites sociales en général, se limitant à décrire la recherche de proximité auprès de quelques personnes importantes en période de

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détresse. La proposition présentée plus loin retient la notion de la centralité du modèle relatif aux figures d’attachement majeures, tout en postulant une influence de celui-ci à l’intérieur de

contextes relationnels plus diversifiés.

Furman et ses collaborateurs (Furman & Wehner, 1994; Furman & Wehner, 1997; Simon, Bouchey, & Furman, ce volume) proposent également la notion de "vues relationnelles". Selon eux, les individus utilisent non seulement des règles cognitives pour !'organisation et l'accès aux informations ayant trait à l'attachement, mais ils ont également recours à des règles pour toutes les relations interpersonnelles significatives. Ces règles, nommées vues relationnelles, seraient des représentations générales de certaines relations (e.g., relations avec les collègues de travail ou les coéquipiers sportifs), et non uniquement des représentations des processus d'attachement à !'intérieur des relations interpersonnelles. Furman et ses collaborateurs

distinguent les modèles cognitifs, qui sont des structures internes et partiellement inconscientes, des styles relationnels, qui sont constitués de représentations conscientes et facilement

accessibles. Ces représentations ne reflètent pas uniquement le système d’attachement, mais tous les systèmes comportementaux engagés dans une relation interpersonnelle à un point donné du développement. Furman et Wehner (1994) avancent que les styles relationnels sont aisément mesurables par des instruments auto-évaluatifs, alors que les modèles cognitifs, en raison de leur nature complexe et inconsciente, ne sont accessibles que par des méthodes d'entrevue telles l'Entrevue d'Attachement Adulte. Le point de vue de Furman et ses collaborateurs est très important pour la proposition présentée à la fin de ce chapitre, qui avance qu'il est opportun d'avoir recours à ces différentes formes d'évaluation pour saisir la complexité de la structure des modèles cognitifs, et propose l'existence de modèles cognitifs propres à des relations non intimes (e.g., avec les professeurs).

Bretherton (1985, 1991) propose un autre type d’organisation hiérarchique; elle suggère qu'il peut être utile de concevoir les modèles de soi et de la figure d'attachement selon leur spécificité. Au bas de la hiérarchie se retrouvent des schémas expérientiels très spécifiques, dérivés d'expériences répétées avec les figures d'attachement (e.g., "Ma mère me réconforte

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quand j'ai du chagrin"). Sur ces schémas de base se construisent différents niveaux de schémas plus généraux qui résument plusieurs schémas relatifs à des expériences de même nature (e.g., "Ma mère est généralement là quand j'ai besoin d'elle"). Au haut de la hiérarchie se trouvent des schémas généraux de soi et de la figure d'attachement, dérivés à leur tour de plusieurs schémas intermédiaires (e.g., "Ma mère est une personne aimante" et "Je suis une personne aimable").

Les propositions de Bretherton sont appuyées par des études portant sur les différences des descriptions de soi et des autres selon l’âge (Bannister & Agnew, 1977; Guardo & Bohan,

1971; Livesley & Bromley, 1973). Ces études montrent que les descriptions d'enfants d’âge préscolaire se composent d'affirmations très simples et concrètes au sujet de l'apparence

physique et du comportement. Les descriptions tendent à devenir de plus en plus raffinées avec l'âge, les adolescents pouvant donner des descriptions abstraites, complexes et bien organisées au sujet de la personnalité de leur amis et des relations interpersonnelles entretenues par différents membres de leur réseau. Ce n'est qu’à partir de 13 ans que les adolescents construisent des descriptions intégrant des aspects contradictoires d'une même personne en un tout cohérent et nuancé. Ainsi, à partir de l'adolescence, les modèles cognitifs se situeraient dans un réseau

hautement complexe et intégré comprenant de nombreuses connections entre ses éléments. Selon Bretherton (1990), cette complexité et cette unité grandissantes des modèles cognitifs les

rendraient particulièrement résistants à la réorganisation et à la reconstruction après l'adolescence. La hiérarchie proposée par Bretherton diffère donc de celle de Bowlby, les différents niveaux de la structure référant à des degrés de complexité et de généralité des modèles plutôt qu'à un ordre de priorité des personnes vers lesquelles se tourner. Elle demeure néanmoins assez proche de la structure proposée par Bowlby en ce sens qu'elle ne réfère qu'aux modèles de soi et des figures d'attachement. Elle demeure muette quant à la présence possible de modèles relatifs à d'autres types de personnes ou de relations interpersonnelles, et ne propose pas de mécanisme par lequel les modèles proposés pourraient influencer les perceptions et les comportements des adolescents lors de diverses situations interpersonnelles. Nous retenons toutefois l’idée de l’importance centrale des modèles relatifs aux parents, ainsi que la notion d'un réseau complexe

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et intégré de représentations mentales comprenant de nombreuses connections entre ses éléments.

Un dernier type d'organisation des modèles cognitifs opérants associé à l'attachement est celui élaboré par Shaver et ses collaborateurs (1996). Les idées de ces auteurs prennent

notamment racine dans celles de Baldwin (1992), qui propose le concept de schéma relationnel, fondé sur la notion que les gens développent des structures cognitives représentant des

régularités dans les patrons de relations interpersonnelles. Ces structures cognitives, ou schémas relationnels, se composeraient d'un script interpersonnel référant à un patron d'interaction entre soi et une autre personne, ainsi qu'un schéma de soi et un schéma de l'autre tels qu'ils se

présentent dans cette interaction (Baldwin, 1994). Plus récemment, Baldwin et Sinclair (1996) ont proposé que les schémas relationnels composeraient un réseau associatif de connaissances concernant des situations interpersonnelles typiques, ainsi que des pensées (schémas de soi et de l'autre) et des sentiments (e.g., la confiance, la colère) expérimentés dans ces situations. Il s’agit donc d’un concept assez voisin du modèle cognitif opérant.

Les schémas relationnels seraient activés par les événements interpersonnels, et détermineraient les attentes d'un individu et !'interprétation qu'il fait du comportement des personnes avec lesquelles il interagit. Ils influenceraient également ses croyances au sujet des réponses comportementales les plus appropriées (Baldwin, 1992). De nombreuses études empiriques (Baldwin, 1992; Baldwin, 1994; Baldwin, Carrell & Lopez, 1990; Baldwin & Holmes, 1987) ont démontré que les schémas amènent les individus à remarquer certaines informations plutôt que d'autres, à interpréter les informations ambiguës de façon consistante avec ces schémas, à compléter les pièces d'informations manquantes par des valeurs attendues sur la base des schémas, et à se rappeler plus facilement !'information qui est cohérente avec les schémas, ou à tout le moins qui y est reliée d'une façon ou d'une autre.

L'une des idées de base de la perspective des schémas relationnels qui la distingue de la théorie de l'attachement est que les individus développent des schémas relationnels propres à la relation qu'ils entretiennent avec chaque personne importante de leur entourage. Selon Baldwin

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(1992), puisque les individus connaissent une grande variété d'expériences relationnelles, il est probable qu'ils développeront un certain répertoire de modèles mentaux représentant différentes façons d'être en relation avec les gens. Les individus différeraient cependant quant à leur

familiarité avec certains patrons relationnels, et développeraient ainsi des schémas plus articulés au sujet de leurs patrons d'interaction les plus typiques. Selon Baldwin, Keelan, Fehr, Enns et Koh-Rangarajoo (1996), le style d'attachement auto-rapporté (Hazan & Shaver, 1987) reflète la prépondérance relative d'expériences sécurisantes, évitantes ou ambivalentes ayant été vécues par l'individu. Ces propos sont appuyés par des données empiriques montrant que les gens évoquent plus facilement des relations vécues contingentes avec leur style d'attachement. Ainsi, les

individus se décrivant comme évitants rapportent davantage et avec plus de facilité des épisodes relationnels où ils se sont comportés de façon évitante. Le même processus s'observe pour les styles sécurisant et ambivalent (Baldwin et al., 1996).

Le style d’attachement auto-rapporté serait le schéma relationnel central ou par défaut, i.e., actif lorsqu'aucun schéma plus spécifique n'est activé par les circonstances qui prévalent. Il se situerait au haut d'une hiérarchie de !'information relationnelle, dans laquelle les schémas de niveaux inférieurs peuvent être considérés comme les traces des schémas de hauts niveaux. Par exemple, un individu peut avoir un schéma général des relations (tel son style d'attachement) à l'effet que les autres répondent de façon partielle et imprévisible à ses besoins. À un niveau plus spécifique, cette attente prendra diverses formes selon les contextes relationnels et sera ajustée au contexte dans lequel elle sera appliquée (Baldwin, 1992). Par exemple, un individu présentant un style général évitant pourra se montrer particulièrement évitant dans les relations où il estime avoir été trompé par le passé, mais plus ouvert avec les individus qui lui ont prouvé leur fiabilité.

Le construit de schéma relationnel est donc clairement défini et jouit d'appuis empiriques importants (bien que ceux-ci proviennent tous de la même équipe de recherche). On ignore toutefois par quel mécanisme l'activation d'un schéma relationnel influence les cognitions sur soi- même et sur les autres. De plus, il n'est pas clair dans les écrits de Baldwin et ses collaborateurs si les schémas relationnels sont organisés de façon particulière, en-dehors de la proposition à

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l'effet que le style d'attachement auto-rapporté constitue le schéma par défaut, actif lorsqu'aucun schéma plus spécifique n'est activé. Néanmoins, la perspective des schémas relationnels

représente l’un des premiers efforts notables d'intégrer les notions reliées à l'attachement aux concepts socio-cognitifs traditionnels (scripts, schémas, etc.). De plus, elle déborde la théorie de l'attachement classique (Bowlby, 1982; Bretherton, 1985) en soulignant que les schémas

cognitifs s'inscrivent non seulement dans le cadre des relations d'attachement, mais également dans un contexte relationnel étendu. Cette idée est centrale à la proposition présentée à la fin de ce chapitre.

Les propositions de Shaver et al. (1996), qui représentent elles aussi une tentative

d'intégrer la théorie de l'attachement et les perspectives cognitives traditionnelles, sont plus claires en termes de structure des modèles cognitifs et de mécanisme d'action de ces derniers. Shaver et al. (1996) proposent de considérer les modèles cognitifs opérants d'attachement comme un réseau de représentations mentales variant en spécificité. Au haut de la hiérarchie, on retrouve les représentations les plus générales de soi et des autres, fondées sur une histoire précise

d'expériences relationnelles avec les parents et autres figures d'attachement importantes. Ces modèles généraux peuvent s'appliquer à une large variété de relations et de situations, tout en étant susceptibles de ne s'appliquer parfaitement à aucune. Au milieu de la hiérarchie se trouvent des modèles plus spécifiques correspondant à des types particuliers de relations, e.g., les

relations amicales, les relations parents-enfants, professeurs-élèves, etc. Finalement, on retrouve au bas de la hiérarchie des modèles très spécifiques, s'appliquant à des personnes particulières, e.g., ma meilleure amie, mon père, mon professeur d'histoire, etc. (Shaver et al., 1996). Les

modèles de la partie supérieure de la hiérarchie peuvent être activés par une diversité de situations, mais sont souvent de mauvais prédicteurs des comportements et des perceptions dans une

situation donnée, car ils ne sont pas associés de près aux caractéristiques uniques de la personne ou de la situation. À l'opposé, les modèles situés plus bas dans la hiérarchie sont aisément activés dans la relation à laquelle ils se rapportent, mais sont plus difficilement généralisables à d'autre situations (Shaver et al., 1996).

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Les modèles cognitifs diffèrent les uns des autres autrement qu'en termes de spécificité (Shaver et al., 1996). Certains sont plus complexes et élaborés que d'autres; certains peuvent être positifs alors que d'autres sont négatifs; certains peuvent être clairs et consistants et d'autres confus et inconsistants; enfin, certains peuvent être plus centraux et importants dans le réseau de modèles alors que d'autres sont périphériques. Les modèles centraux sont probablement les modèles les plus élaborés et ceux qui possèdent les connections les plus denses avec les autres structures de connaissances. Ils seraient plus cristallisés et plus stables que les autres. Compte tenu de leur primauté ontogénétique et de leur importance dans la vie de l'individu pendant plusieurs années, les modèles touchant la relation parents-enfant sont probablement les plus centraux et les plus profondément ancrés dans la structure du réseau de modèles à l'adolescence (Shaver et al., 1996).

Les représentations associées au réseau d'attachement ne peuvent pas être toutes activées en même temps, en raison de la capacité limitée de la mémoire de travail. Comment, alors, peut-on prédire quel modèle sera activé et utilisé pour guider les perceptions et les comportements? Shaver et al. (1996) font appel aux propositions de Collins et Read (1994) qui avancent que l'activation peut dépendre de trois éléments: les caractéristiques des modèles, les caractéristiques de la situation, et les motivations et humeurs actuelles de l'individu. Certains modèles sont plus accessibles que d'autres en raison de leur densité ou leur force (Collins & Read, 1994). La force d'un modèle dépend de variables telles l'expérience réelle sur laquelle il est basé, !'utilisation antérieure, et la densité des connections avec les autres structures de connaissances. Ceci

implique que les modèles basés sur les figures d'attachement importantes (comme les parents ou le conjoint) seront aisément activés et continuellement accessibles (Bargh, 1984; Higgins, King, & Mavin, 1982).

Le niveau de correspondance entre les caractéristiques de la situation et celles du modèle cognitif vont également affecter l'accessibilité de ce dernier (Collins & Read, 1994). Parmi les caractéristiques présumées importantes, on retrouve les caractéristiques du partenaire et la nature de la relation. Ceci permet toutefois une certaine souplesse sur le plan de la correspondance;

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ainsi, les modèles basés sur la relation avec les parents pourraient être activés dans plusieurs relations interpersonnelles, en raison de leur centralité dans le réseau (Collins & Read, 1994).

Finalement, les objectifs actuels et les états d'esprit de l'individu peuvent aussi affecter quel modèle sera activé et utilisé (Collins & Read, 1994). Certains modèles sont activés plus ou moins automatiquement en réponse à des stimuli situationnels spécifiques, alors que d'autres sont évoqués en réponse aux motifs qui guident l'individu à ce moment, aux besoins qu'il cherche à combler. Collins et Read proposent que le modèle de la relation avec les parents, en raison de sa dominance dans le réseau des modèles cognitifs, sera activé facilement en réponse à plusieurs types de stimuli ou de motivations, alors que les modèles plus restreints et spécifiques, celui associé aux relations conjugales par exemple, ne seront activés que lors de situations très précises impliquant une interaction semblable à celle visée par le modèle.

En somme, les propositions de Shaver et al. (1996) et de Collins et Read (1994) convergent vers deux points spécifiques. D'abord, le modèle de la relation avec les parents, en raison de certaines caractéristiques telles la densité de ses connections avec les autres modèles, sa centralité dans le réseau et sa primauté ontogénétique, sera aisément activé lors de plusieurs situations interpersonnelles. Également, plus un modèle présente de caractéristiques similaires aux caractéristiques spécifiques d'une relation interpersonnelle, plus il est susceptible d'être actif au cours de cette relation et d’influencer les perceptions et les comportements de l'individu. En effet, tel que proposé par Surra et Bohman (1991), les individus percevraient et interpréteraient une relation interpersonnelle donnée (e.g., la relation avec son père) en la comparant avec leur schéma d’une relation typique de ce genre (e.g., les relations père-fils), puis en la comparant avec des schémas de relations moins semblables (e.g., les relations adulte-enfant). L’influence

potentielle de cet exercice sur les perceptions et les comportements manifestés dans la relation- cible serait proportionnelle au niveau de similitude entre celle-ci et les différentes relations de comparaison.

Les idées de Shaver et al. (1996) constituent l'un des efforts les plus notables visant à répondre à la question de !'organisation des modèles cognitifs opérants. En effet, de nombreuses

Figure

Illustration du réseau des modèles mentaux avec quatre figures relationnelles
Figure Secure Avoidant Ambivalent Total

Références

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