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La responsabilité du supérieur hiérarchique basée sur la négligence en droit pénal international /

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Texte intégral

(1)

~·.

La responsabilité du supérieur hiérarchique basée

sur la négligence en droit pénal international

Par

Marie-Pierre Robert

Institut de droit comparé Faculté de droit Université McGill, Montréal

Décembre 2007

Une thèse soumise à l'Université McGill en vue de répondre partiellement aux exigences du

diplôme de doctorat en droit civil (D.C.L.)

(2)

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à

la loi canadienne sur la protection de la vie privée, quelques formulaires secondaires ont été enlevés de cette thèse. Bien que ces formulaires

aient inclus dans la pagination, il n'y aura aucun contenu manquant.

(3)

Résumé

Cette thèse porte sur la responsabilité du supérieur hiérarchique en droit pénal international. Cette doctrine permet de retenir la responsabilité pénale d'un chef, civil ou militaire, pour les crimes commis par ses subordonnés, alors qu'il a fait défaut de les prévenir ou de les punir. Reconnue en droit pénal international comme base de responsabilité personnelle depuis la Seconde Guerre mondiale, la doctrine de la responsabilité du supérieur hiérarchique a été codifiée au Statut de Rome créant la récente Cour pénale internationale. Au sein de ce statut, la négligence est acceptée comme base de responsabilité du supérieur hiérarchique militaire, c'est-à-dire qu'elle interviendra lorsque le chef militaire aurait dû savoir que ses subordonnés se livraient à un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un génocide, même si, dans les faits, il n'avait pas cette connaissance. C'est ce mariage entre les concepts de responsabilité du supérieur et de négligence qui sera étudié. La nature de ces deux concepts sera analysée dans une perspective comparée, empruntant principalement aux droits international, canadien et français.

Nous débuterons par l'étude de la responsabilité du supérieur hiérarchique, principalement son historique, ses critères ainsi que sa nature. Nous enchaînerons par l'étude du concept de négligence, tant en droit interne qu'international pour déterminer dans quels contextes cette norme de faute est acceptable. Puis, nous tenterons de comprendre pourquoi la négligence a été retenue dans le contexte de la responsabilité du supérieur militaire, afin de juger de la sagesse de cette décision.

Abstract

The backdrop of this thesis is the theory of criminal liability of the superior in international criminal law. According to this theory, a superior, either belonging to the military or a civilian, may be found criminally liable because of crimes

(4)

committed by his subordinates, if he failed to warn them or punish them after the fact. Recognized as valid ground for persona! criminal liability sin ce W orld W ar II, the theory of criminalliability of the superior was codified in the Rome Statute creating the International Criminal Court. In this Statute, negligence is an acceptable standard to find a military superior criminally liable. In other words, liability is incurred if the military superior should have known that his subordinates were committing war crimes, crimes against hum~ity or genocide even if, in fact, he did not have such knowledge. Specifically, this thesis will explore the link between the concept of superior responsibility and the standard of negligence. The nature of both concepts will be analysed in a comparative perspective, borrowing from international, Canadian and French law.

The author be gins with a review of the theory of superior responsibility, exploring its history, its triggers and its nature. The author then studies negligence as a concept, both in internai and international law to see in what context this standard is acceptable. Then, the author explains why the standard of negligence was accepted as a valid ground for criminal liability of the superior, and assesses the wisdom of this decision.

(5)

Remerciements

J'aimerais tout d'abord remercier mon mari pour son écoute et son support indéfectibles qui ont fait de lui mon plus grand allié dans cette aventure. Je remercie également ma famille, ma belle-famille et mes amis, qui m'ont encouragée pendant ces années de doctorat. En particulier, merci à ma mère pour son expertise linguistique.

J'aimerais également remercier mon superviseur, le professeur Patrick Healy, pour ses judicieux conseils, ainsi que les professeurs René Provost et Mark Antaki qui, à titre de membres de mon comité de thèse, rn' ont également fait de très utiles commentaires. M. Provost a aussi agi comme directeur pour les fins de la soutenance et m'a de plus fourni une aide financière par le biais de ses fonds de recherche et je lui en suis très reconnaissante. Je tiens de plus à exprimer ma gratitude à l'Université McGill qui m'a soutenue par le biais de ses bourses d'études.

(6)

Table des matières

Introduction . . . 1

1) LA RESPONSABILITÉ DU SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE... 6

A) L'historique ... .'... 8

1) La Seconde Guerre mondiale. . . 13

a) L'affaire Yamashita ou les racines de la responsabilité de commandement ... 13

b) Les tribunaux de Nuremberg... 19

c) Le Tribunal de Tokyo... 22

2) Les développements subséquents... 28

a) La guerre du Viêt Nam... 28

b) La commission Kahan... 31

B) La codification de la responsabilité de commandement en droit pénal international: Les conditions ... 35

1) L'existence d'une relation de subordination ... 39

2) Les exigences de connaissance ... 44

a) La connaissance personnelle... 45 b) L'aveuglement volontaire... 46 c) La négligence... 50 d) Aucune ... 53 3) Le défaut d'agir ... 54 a) Le défaut de prévenir... 55 b) Le défaut de punir... 58

C) Le type de responsabilité en cause... 60

1) La responsabilité pour autrui... 62

a) La responsabilité du parent... 65

b) La responsabilité du dirigeant d'entreprise. . . 69

(7)

i) La théorie de 1 'identification ... 74

ii) La théorie de la culture corporative ... 76

iii) La responsabilité des personnes morales en droit pénal international ... 78

2) La responsabilité collective... 85

a) Les diverses théories... 87

b) La responsabilité des États en droit international. . . .. 93

3) La responsabilité multi-personnelle... ... ... ... .... 103

a) La complicité... 103

i) L'ordre, la sollicitation et l'encouragement... 105

ii) L'aide ou l'assistance... 107

L'omission ... 108

La mens rea... llO b) L'entreprise criminelle commune ... 113

c) Les liens avec la responsabilité du supérieur hiérarchique :les accusations multiples .... 121

4) La responsabilité pour un crime distinct... 125

Conclusion partielle... 128

D) La responsabilité du supérieur au sein des lois de mise en œuvre du Statut de Rome... 129

1) Le lien entre responsabilité du supérieur et complicité... 130

2) Les modifications à l'exigence de connaissance... 131

3) Le crime distinct... 134

4) L'allègement de la peine ... ; ... 139

Il) LA NÉGLIGENCE COMME BASE DE RESPONSABILITÉ PÉNALE ... 142

A) La négligence en droit pénal interne ... 145

(8)

a) La négligence criminelle ... 146

b) La négligence pénale ... 150

c) La négligence réglementaire ... 159

2) La négligence en droit francais ... 163

B) La négligence au sein d'une théorie de la mens rea... 169

1) La négligence comme forme de mens rea... 169

2) La négligence mise en perspective... 170

a) L'insouciance... 171

b) L'aveuglement volontaire... 17 4 c) L'omission... 179

C) La justesse de punir la négligence . . . .. 181

1) La réticence à pénaliser la négligence... 182

2) La justification de la pénalisation de la négligence 185 3) Les considérations propres au droit pénal international. . . 192

D) La négligence en droit pénal international.. ... 196

1) Les crimes. . . 196

a) Le génocide ... 197

b) Le crime contre l'humanité ... 204

c) Le crime de guerre. . . 21 0 d) L'agression... 221

2) Les moyens de défense . . .. . . .. . . .. . . .. . .. . .. . .. . .. . . .. . 227

a) La légitime défense ... 228

b) La contrainte et la nécessité. . . 231

c) La défense d'ordres supérieurs ... 238

d) L'erreur ... 248

i) L'erreur de fait... 248

ii) L'erreur de droit ... 251

III) LA NÉGLIGENCE DANS LE CONTEXTE DE LA RESPONSABILITÉ DU CHEFMILITAIRE ... 256

(9)

1) L'explication téléologique ... 258

a) Les objectifs traditionnels au droit pénal ... 259

i) La prévention du crime... 259

ii) La rétribution... 262

b) Les objectifs particuliers à la justice pénale internationale... 269

i)

La paix...

270

ii) La vérité... 273

c) L'objectif de la responsabilité du supérieur hiérarchique ... 278

2) L'explication contextuelle... 279

a) La logique militaire ... 279

b) L'applicabilité de cette logique en contexte international... 285

B) Les problèmes causés par ce type de responsabilité ... 290

1) Le principe de culpabilité. . . . .. . . .. . . 290

2) Le lien de causalité... 295

C) Les solutions possibles... 305

Conclusion... 311

(10)

Qui peut et n'empêche pèche.

(11)

LA RESPONSABILITÉ DU SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE BASÉE SUR LA NÉGLIGENCE EN DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

PAR MARIE-PIERRE ROBERT

En avril 2004, des photographies de détenus maltraités par des soldats américains à la- prison iraquienne d'Abu Ghraib faisaient le tour du monde. Ces images montraient les détenus dans des positions dégradantes, souvent nus, ayant été victimes de torture ou d'autres formes de violence. Suite à cette affaire, quelques soldats américains ont été jugés et condamnés en cour martiale, mais aucun haut responsable n'a écopé. Si les mauvais traitements ont été tolérés par l'armée américaine, serait-il possible de rechercher la responsabilité pénale de supérieurs qui avaient le pouvoir de les empêcher et qui ne 1' ont pas fait?

Le droit pénal international permet-il de rechercher la responsabilité pénale de personnes en position d'autorité, même si elles n'ont pas ordonné les crimes internationaux, mais qu'elles ont omis de les prévenir? Les crimes internationaux étant souvent commis en masse, ceux qui y participent sont plus nombreux que ceux qui s'y salissent les mains. Afin de prévenir la commission de tels crimes, la communauté internationale souhaite mettre le grappin non seulement sur les petits exécutants, mais également sur les personnes positionnées plus haut dans les hiérarchies impliquées.

La doctrine du supérieur hiérarchique a été conçue à cette fin. Elle permet de retenir la responsabilité pénale d'un supérieur, civil ou militaire, pour les crimes commis par ses subordonnés, s'il savait ou avait des raisons de savoir qu'ils étaient commis et qu'il a fait défaut de les en empêcher ou de les punir après coup. Cette doctrine, tirée du droit militaire, a été appliquée à certains accusés dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, avant d'être reprise par les statuts des tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie1 (TPIY) et le

(12)

Rwanda2 (TPIR), puis, plus récemment, par le Statut de Rome3, lequel créant la

nouvelle·Cour pénale internationale (CPI). Cette cour permanente a pour mission de juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité ainsi que les génocides commis après le premier juillet 2002, date d'entrée en vigueur de son Statut, signé par plus d'une centaine de pays du globe. Cette institution maintenant centrale à la justice pénale internationale a innové à plusieurs égards, dont dans sa conception de la responsabilité_ du supérieur hiérarchique, dépeinte par l'article 28 du Statut de Rome:

2

Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour des crimes relevant de la compétence de-la Cour:

a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :

i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes; et

ii) Ce chef militaire ou cette personne n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites; b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :

Statut du TPIR, Rés. C.S. 955, Doc. NU S/RES/955 (1994), art. 6(3).

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998,2187 R.T.N.U. 160, art. 28.

(13)

i) Le supeneur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir · compte d'informations qui l'indiquaient clairement; ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa

responsabilité et de son contrôle effectifs; et

iii) Le supérieur hiérarchique n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites.

À la simple lecture, on constate immédiatement une particularité frappante : l'article est subdivisé en deux parties, la première encadrant la responsabilité du supérieur militaire, la seconde, celle du supérieur civil. Si cette structure vient confirmer que la doctrine s'applique tant aux supérieurs civils qu'aux supérieurs militaires, elle innove en prévoyant des normes différentes dans les deux cas. La différence la plus substantielle entre les deux types de chefs est la norme de connaissance minimale exigée pour chacun d'entre eux : pour le chef militaire, le fait qu'il aurait dû savoir, pour le chef civil, le fait qu'il a délibérément négligé de tenir compte d'informations. Autrement dit, pour le militaire, la norme est la négligence, alors qu'elle est l'aveuglement volontaire pour le civil.

Le Statut de Rome est le premier instrument international à codifier la négligence comme base de responsabilité du supérieur hiérarchique et il le fait dans un contexte exclusivement militaire. C'est ce mariage entre négligence et responsabilité du supérieur hiérarchique qui fera l'objet de notre étude. Ces deux concepts feront-ils bon ménage? Sont-ils faits l'un pour l'autre?

Afin de répondre à ces questions, notre thèse est subdivisée en trois grands titres, dont le premier s'intitule tout simplement «La responsabilité du supérieur hiérarchique ».Nous y étudierons tout d'abord l'historique de la responsabilité du supérieur hiérarchique, en droit interne, mais surtout en droit international. La jurisprudence des tribunaux établis suite à la Seconde Guerre mondiale

(14)

constituera la référence dans notre analyse. Nous ferons ensuite le saut en droit positif pour comprendre les conditions d'ouverture de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Nous proposons alors une analyse hybride du droit des tribunaux ad hoc et du Statut de Rome, qui retiennent les trois mêmes conditions de base, soit: 1) l'existence d'une relation de subordination; 2) la norme de connaissance; et 3) le défaut d'intervenir.

Nous passerons ensuite à l'étude de la nature de la responsabilité du supérieur hiérarchique. De quel type de responsabilité s'agit-il? Une responsabilité pour autrui? Une responsabilité collective? Une forme de complicité? Un crime distinct? Aucune de ses réponses? Puis, nous observerons les différentes lois de mises en œuvre du Statut de Rome afin d'identifier la conception que différents États parties se font de ce concept ou de ce qu'il devrait être.

Le deuxième titre porte sur la négligence comme base de responsabilité pénale, tant en droit interne qu'en droit international. Après avoir étudié le concept de négligence en droit canadien et français, nous traiterons de la négligence en droit pénal international, tant en ce qui concerne les crimes substantifs que les moyens de défense reconnus.

Le troisième et dernier titre portera sur le mariage entre les deux notions vues dans les deux premiers, soit la négligence dans le contexte de la responsabilité du chef militaire. Après avoir tenté d'expliquer, téléologiquement ams1 que contextuellement, pourquoi la négligence a été retenue pour les supérieurs militaires et non pour les autres, nous identifierons les problèmes causés par cette alliance avant d'en proposer des solutions.

Comme la CPI est l'institution pénale internationale de l'avenir, nous concentrerons notre analyse sur ses règles. Étant donné que la Cour n'en est qu'à ses débuts, nous devrons également recourir à la jurisprudence d'autres tribunaux, dont principalement le TPIY et le TPIR. Bien que certaines affaires nationales

(15)

seront également analysées, nous privilégierons la jurisprudence des tribunaux internationaux, qui ont déjà tenté un amalgame entre les traditions juridiques et qui sont spécialisés en droit pénal international. De même, comme la négligence n'est acceptée que pour le chef militaire, c'est sur ce contexte que nous . insisterons. Notons que la recherche est à jour en juillet 2007.

Notre analyse sera celle d'une pénaliste davantage que celle d'une internationaliste. À la fois critique et comparée, elle permettra, par l'étude de la responsabilité du supérieur hiérarchique, de clarifier les limites de la responsabilité pénale individuelle. La doctrine du supérieur hiérarchique, en combinant 1' omission et la négligence, sans exiger de lien de causalité entre le supérieur et le crime, repousse, en effet, les limites de la responsabilité pénale. Le lien entre le crime et le supérieur est alors indirect, mince. Sera-t-il compensé par le pouvoir du supérieur et l'importance de la dissuasion en droit pénal international? Ce mécanisme, lorsqu'il est basé sur la négligence, respecte-il les principes généraux du droit pénal tel le principe de culpabilité? Notre analyse permettra de répondre à ces questions posées par 1' alliance entre responsabilité du supérieur hiérarchique et négligence.

(16)

1)

LA RESPONSABILITÉ DU SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE

[ ... ] il faut poser pour maxime que celui qui sait que l'on commet un délit, qui peut l'empêcher, qui est tenu de le faire, et qui ne l'empêche pas, se rend lui-même coupable. 4

Le droit pénal international, pour être efficace, doit pouvoir punir non seulement les petits exécutants, mais également les plus hauts responsables des crimes internationaux. Les dirigeants, tant civils que militaires, qui ont planifié, ordonné ou autrement contribué à la commission des crimes internationaux doivent être punis pour leurs actes. En plus de leur responsabilité personnelle directe, pour les actes qu'ils ont commis, ordonnés ou encouragés, le droit pénal international permet de tenir responsables ceux qui auraient pu empêcher la commission de crimes, mais qui ne 1' ont pas fait. Ainsi est né le concept de « responsabilité de commandement », qui, alors qu'il sera étendu aux civils, sera rebaptisé «responsabilité du supérieur hiérarchique »5. Ce concept veut qu'un supérieur, civil ou militaire, voie sa responsabilité pénale engagée par les crimes commis par ses subordonnés, s'il savait ou devait savoir qu'ils les commettaient ou allaient les commettre et qu'il ne les a ni empêchés ni punis.

Il existe deux formes de responsabilité du supérieur : la responsabilité dite directe et celle, indirecte. La responsabilité directe du supérieur naît lorsqu'il ordonne, participe ou aide à la commission de crimes internationaux par ses subordonnés6.

Il peut, par exemple, avoir donné 1' ordre de massacrer des civils ou de maltraiter des prisonniers de guerre ou il peut, tout simplement, avoir transmis de tels ordres qui lui sont venus de ses propres supérieurs. Cette forme de responsabilité ne pose

4

6

Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, trad. par P. Pradier-Fodéré, coll. Léviathan, Paris, Presses universitaires de France, 1999, Livre II, chap. XXI, II à la p. 510. Il s'agit, bien entendu, d'une traduction du célèbre ouvrage rédigé en latin, en 1625, sous le titre De jure belli ac pacis.

Nous utiliserons ces expressions ainsi : « responsabilité de commandement » fera référence à des commandants militaires seulement, alors que « responsabilité du supérieur hiérarchique » inclura à la fois les supérieurs militaires et civils.

(17)

pas tellement problème, pmsque le supérieur a personnellement participé aux crimes, sa responsabilité peut donc être retenue suivant les principes généraux du droit pénal. La forme de responsabilité à laquelle nous nous attarderons ici est la responsabilité indirecte, ou la réelle responsabilité du supérieur, celle qui naît sans que le supérieur n'ait ordonné, encouragé ou aidé ses subordonnés, mais en raison de son omission de prévenir ou de punir leur participation à des crimes internationaux. C'est le sens qu'aura l'expression «responsabilité du supérieur» tout au long du présent ouvrage.

La responsabilité du supérieur hiérarchique est basée sur la présence de trois éléments: 1) l'existence d'une relation de subordination, militaire ou civile, entre l'exécutant et son supérieur; 2) l'exigence de connaissance du supérieur face aux activités de ses subordonnés; 3) son défaut de les empêcher ou de les punir. Dépendamment de la façon dont elle est codifiée et interprétée, la responsabilité du supérieur peut être basée sur la réelle connaissance du supérieur, sur son aveuglement volontaire ou sur sa négligence criminelle. Ce choix, au niveau de la connaissance, est central parce qu'il détermine la norme de faute qui sera exigée du supérieur. Alors que les Statuts des tribunaux ad hoc ont adopté une norme subjective, le Statut de Rome crée une responsabilité qui accepte également la négligence, pour les supérieurs militaires.

La présente partie a pour but de cerner ce qu'est la responsabilité de commandement en étudiant tout d'abord son historique, puis ses conditions d'établissement, pour en venir à une réelle analyse du type de responsabilité qu'elle constitue. En la comparant avec d'autres types de responsabilité, issus tant du droit pénal international que de différents droits pénaux nationaux, nous tenterons d'en saisir la nature.

Commençons donc par le début, soit le contexte dans lequel est née la responsabilité du supérieur en droit interne, puis international, à la fin des années quarante.

(18)

A) L'historique 7

The rational study of law is still to a large extent the study of history. [ ... ] It

is a part of a rational study, because it is the first step toward an enlightened skepticism, that is, toward a deliberate reconsideration of the worth of those rules. When you get the dragon out of his cave on to the plain and in the daylight, you can count his teeth and claws, and see just what is his strength. 8

La doctrine du supérieur hiérarchique a vu le jour dans différents systèmes de droit militaire du monde avant d'être admise au sein du droit international. Que ce soit d'abord en Asie ou dans les systèmes de droit romano-germanique et anglo-saxon, la responsabilité du supérieur pour les actes de ses subordonnés fut appliquée dans plusieurs pays à travers le monde. La formulation la plus ancienne est attribuée à Sun Zi, auteur chinois ayant rédigé le premier manuel militaire, quelques siècles avant Jésus-Christ. Bien que la date de ses écrits soit incertaine, on la situe habituellement autour de 1' an 500 avant notre ère. Ses théories militaires ont eu une influence considérable, d'abord en Orient, puis, plusieurs siècles plus tard, lorsque des traductions ont circulé, dans le monde entier. Pour Sun Zi, la responsabilité du supérieur semble aller de soi :

7

Dans la guerre, il y a : la fuite, le relâchement, la chute au pouvoir de l'ennemi, l'effondrement, la confusion, la défaite.

Voir Adel Chaouch Helel, La responsabilité pénale indirecte du supérieur hiérarchique

pour violation du droit international humanitaire, thèse de doctorat en droit, Université

de Nice-Sophia Antipolis, 2003 [non publiée] aux pp. 16 et s.; Cherif Bassiouni et Peter Manikas, The Law of the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia, New York, Transnational Publishers, 1996, aux pp. 351 et s.; Matthew. Lippman, «The Evolution and Scope of Command Responsibility » (2000) 13 Leiden J. Int'l L. 139; Major Michael L. Smidt, « Yamashita, Medina and Beyond: Command Responsibility in contemporary Military Operations » (2000) 164 Mil. L. Rev. 155; L.C. Green, « Command Responsibility in International Humanitarian Law» (1995) 5 Transnat'l L. & Contemp. Probs. 319; Major William H. Parks, « éommand Responsibility for War Crimes» (1973) 62 Mil. L. Rev. 1.

(19)

Ces six malheurs ne sont pas envoyés du Ciel, ils sont causés par les erreurs du général. 9

En Europe, dès 1439, Charles VII, alors roi de France, codifiait la responsabilité du supérieur dans ses Lettres pour obvier aux pilleries & vexations des Gens de guerre, où 1' on peut lire :

Ordonne le Roy, que chacun Capitaine ou Lieutenant sera tenu des excès, maux & outrages commis par ceux de sa compagnie, ou aucun d'eux, en tant que sitost que plainte ou clameur sera faite au Capitaine, de ses gens, ou d'aucun d'eux, d'aucun- malfaict ou excès, que incontinent il prenne le délinquant, & le baille à Justice pour en estre faite punition, selon son délit, raisonnable, selon ces présentes Ordonnances; & en cas qu'il ne le fera ou dissimulera ou delayera en quelque maniere que ce soit, ou que par négligence ou autrement le délinquant évadera & s'en ira, en telle maniere que punition & justice n'en soit faite, le Capitaine sera tenu du délit, comme celui qui l'aura fait, & en souffrira pareille peine qu'eust fait le délinquant.10

Déjà cette formulation retenait la négligence comme base de responsabilité du supérieur et le principe selon lequel le supérieur sera puni de la même façon que son subordonné, éléments qui constituent encore 1 'état du droit actuellement. Dès 1621, le Roi de Suède émit une règle semblable, quoique moins précise, car elle ne contenait aucune référence à l'élément de faute requis: « No Colonel or Captaine shall command his souldiers to do any un lawful thing; which who so does, shall be punished according to the discretion of the J udges [ ... ] » 11•

Le principe de la responsabilité de commandement existait également en droit anglo-saxon. Avant même la naissance des États-Unis, il figurait dans les Massachusetts Articles ofWar de 1775 :

9

10

Il

Sun Zi, L'art de la guerre, trad. par Valérie Niquet-Cabestan, Paris, Economica, 1988, Article X« De la configuration du terrain», au para. 78, aux pp. 84 et 85.

M. de Vilevault & M. de Bréquigny, Ordonnances des rois de France de la troisième

race, vol. 13, Paris, Imprimerie royale, 1782, Ordonnance de Charles VII, à Orléans, le 2 novembre 1439, p. 306, à la p. 308, au para. 18.

King Gustavus Adolphus,« Articles ofMilitary Lawwes to be Observed in the Warres »,

article 46, cité par Parks, supra note 7 à la p. 5 et reproduits en entier en annexe de William Winthrop, Military Law and Precedents, International Military Law and History Reprint Series, vol. XI, William S. Hein & Co, 1979.

(20)

Every Officer commanding in quarters, or on a march, shall keep good order, and to the utmost of his power, redress all such abuses or disorders which may be committed by any Officer or Soldier under his command; if upon corn plaint made to him of Officers or Soldiers beating or otherwise ill-treating any person, or committing any kind of riot to the disquieting of the inhabitants of this Continent; he the said Commander, who shall refuse or omit to see Justice done to the offender or offenders, and reparation made to the party or parties injured, as soon as the offender's wages shall enable him or them, shall, upon due proof thereof, be punished as ordered by a General Court Martial, in such manner as if he himselfhad committed the crimes or disorders complained of.12

Cet article est lui-même inspiré, le plus naturellement du monde, par les British Articles of W ar13 de 1' époque, qui étaient en vigueur pendant la guerre d'indépendance des États-Unis. Mais c'est dans le code américain de 1956 que la responsabilité du supérieur, particulièrement pour les crimes internationaux, est la plus claire :

12

13

In sorne cases, military commanders may be responsible for war crimes committed by subordinate members of the armed forces, or other persons subject to their control. Thus, for instance, when troops commit massacres and atrocities against the civilian population of occupied territory or against prisoners of war, the responsibility may rest not only with the actual perpetrators but also with the commander. Such a responsibility arises directly when the acts in question have been committed in pursuance of an order of the commander concemed. The commander is also responsible if he has actual knowledge, or should have knowledge, through reports received by him or through other means, that troops or other persons subject to his control are about to commit or have committed

a

war crime and he fails to take the necessary

American Articles ofWar, 5 avril1775, article 11, reproduits en annexe de Winthrop,

ibid. aux pp. 948 et 949. L'article 12 des Articles of War du 30 juin 1775 est au même effet. On en retrouve une version dont la ponctuation et l'utilisation de la majuscule est légèrement différente en ligne: <http://www.yale.edu/lawweb/avalon/contcong/06-30-75.htm>. Pour l'évolution de la doctrine de la responsabilité du supérieur en droit américain, voir Winthrop, ibid. pp. 17-24 et Parks, supra note 7 aux pp. 5-1 O.

British Articles of War, 1765, Section IX, article V, reproduits en annexe de Winthrop,

(21)

and reasonable steps to insure compliance with the law of war or to punish violators thereof.14

La similitude entre cet énoncé américain et les articles qui seront par la suite adoptés en droit international est assez frappante. Il semble que les États-Unis aient joui d'une large influence à cet égard. Pas étonnant donc que l'affaire Yamashita, qui donnera l'envol à ce concept de responsabilité du supérieur émane d'une commission militaire américaine. Si ce texte, édicté suite à la Seconde Guerre mondiale, vise particulièrement les crimes internationaux, il découle néanmoins d'une longue tradition américaine de tenir responsables les commandants pour les actes de leurs subordonnés qu'ils n'ont pas punis.

Le manuel britannique de droit militaire serait au même effet15. Dans d'autres

pays d'Europe tels la Belgique16 et le Luxembourg17, des dispositions claires existent également sur la responsabilité du supérieur. En droit français, on trouve une disposition semblable, mais qui considère le supérieur comme un complice :

14

15

16

17

18

Lorsqu'un subordonné est poursuivi comme auteur principal d'un . crime de guerre et que ses supérieurs hiérarchiques ne peuvent être recherchés comme coauteurs, ils sont considérés comme complices dans la mesure où ils ont orÎanisé ou toléré les agissements criminels de leurs subordonnés. 1

Department of the Army, The Law of Land W arfare, Field Manual 27-10, Washington,

1956, art. 501.

Great Britain War Office, The Law ofWar on Land, Partie 3 du Manual of Military Law,

Londres, 1958 au para. 631.

« Les supérieurs exercent leur autorité avec fermeté, équité et correction. Ils sont responsables des ordres qu'ils donnent et répondent de l'unité qui leur est confiée ainsi que du bon fonctionnement du service. Ils sont également responsables des désordres causés par leurs subordonnés, lorsque ces désordres ont pu se commettre du fait de leur négligence ou leur excès de tolérance. » Loi du 14 janvier 1975 portant règlement de discipline des forces armées, art. 11§ 1, en ligne: <www.moniteur.be>.

« Le supérieur a la responsabilité de ses ordres et veille à leur exécution. La responsabilité de ses subordonnés ne le dégage d'aucune des responsabilités qui lui incombent. » Loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique,

Mémorial 1979, A-33, p. 663, art. 6(2), en ligne : <http :/ /www .legilux. public.lu/leg/index.html>.

Ordonnance du 28 août 1944, Relative à la répression des crimes de guerre, article 4, reproduite dans Yves Mayaud, Code pénal 2007, 104• éd., Paris, Dalloz, 2006.

(22)

La première référence, dans un document international, à la responsabilité dé commandement figure dans la Convention de La Haye de 1907 : « La Partie belligérante qui violerait les dispositions dudit Règlement sera tenue à indemnité, s'il y a lieu. Elle sera responsable de tous actes commis par les personnes faisant partie de sa force armée

»

19

. Cette convention, dans le règlement qu'on trouve à

son annexe, reconnaît d'ailleurs que la responsabilité hiérarchique caractérise 1' organisation militaire :

Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s'appliquent pas seulement à l'armée, mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les conditions suivantes:

1 o. d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés;

2°. d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance; 3

°.

de porter les armes ouvertement et

4 o. de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre.

Dans les pays où les milices ou des corps de volontaires constituent l'armée ou en font partie, ils sont compris sous la dénomination d"armée'.20

Ainsi, pour que le droit des conflits armés s'applique, une force doit avoir à sa tête une personne responsable pour ses subordonnés, mais aucun régime de responsabilité précis ni aucune sanction précise ne sont prévus pour ce responsable. Ce n'est que quelques années plus tard, suite à la Première Guerre mondiale, que la question de la responsabilité de commandement fut explicitement considérée dans un contexte international. Le rapport de la commission internationale établie sur le sujet recommande que les personnes responsables, incluant celles qui, connaissant la commission des crimes et ayant la capacité d'intervenir, ne l'ont pas fait, soient tenues responsables criminellement devant un tribunal internationae1• Mais finalement, un tel tribunal ne fut jamais

19

20

21

Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907, art. 3.

Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, Annexe à la Convention,

ibid, article premier.

Commission on the Responsibility of the Authors of the War and on Enforcement of Penalties, Report. presented to the Preliminary Peace Conference, Versailles, 29 mars 1919, reproduit à (1920) 14 Am. J. Int'l L. 95.

(23)

-~·

m1s sur pied, pour des raisons essentiellement politiques22. Guillaume II, l'empereur allemand lors de la grande guerre, ne fut donc jamais jugé pour ses crimes, ayant trouvé refuge aux Pays-Bas, pays qui refusa de 1' extrader.

On devra connaître les atrocités d'une autre guerre mondiale avant que la responsabilité du supérieur hiérarchique ne prenne vraiment son envol. Si cette doctrine avait des bases dans différents systèmes de droits nationaux, elle s'est fait connaître en droit international par la jurisprudence suite à la Seconde Guerre mondiale.

1) La Seconde Guerre mondiale

La jurisprudence née suite aux crimes internationaux commis lors de la guerre de

1939-1945 est constituée, non seulement par le célèbre Tribunal de Nuremberg, mais également par celui de Tokyo et des nombreux jugements des commissions militaires, tel le jugement dans l'affaire Yamashita. Ce jugement, que nous étudierons en premier lieu, parce qu'il jette les bases de la responsabilité de commandement, ne permet pas d'écarter la négligence comme base de responsabilité du supérieur; bien au contraire.

a) L'affaire Yamashita ou les racines de la responsabilité de commandement

La responsabilité de commandement a pris son envol au vingtième siècle dans l'affaire du général T omoyuki Y amashita23, un commandant ·général du quatorzième groupe de l'armée impériale japonaise sur le territoire des Philippines d'octobre 1944 à septembre 1945, accusé de crime de guerre pour avoir omis de contrôler ses troupes, qui se sont livrées à des atrocités sur des

22 23

Voir Parks, supra note 7 aux pp. 11-14.

United States v. Yamashita, Commission militaire américaine, Manille, 7 décembre 1945.

Cette décision est reproduite à 4 L.R.T.W.C. 1, ainsi que dans Leon Friedman, dir., The Law of War: A Documentary History, New York, Random House, 1972, vol. II à la p. 1596 [Yamashita avec renvois à Friedman].

(24)

citoyens américains et philippins. Plus précisément, le chef d'accusation voulait que le général Y amashita :

[ ... ] while commander of armed forces of Japan at war with the United States of America and its allies, unlawfully disregarded and failed to discharge his duty as commander to control the operations of the members of his command, permitting them to commit brutal atrocities and other high crimes against people of the United States and of its allies and dependencies, particularly the Philippines; and he thereby violated the laws ofwar?4

Des précisions énuméraient les nombreux crimes des subordonnés de Y amashita, dont le massacre de civils, le mauvais traitement de prisonniers de guerre, le pillage et la destruction inutile de monuments religieux. Une commission, formée de cinq militaires américains dont aucun n'était juriste, fut chargée de le juger. Elle le condamna à mort le 7 décembre 1945, date anniversaire de l'attaque contre Pearl Harbour, par une décision laconique dont le manque de limpidité fut critiqué. Ce jugement retient donc la responsabilité de Y amashita en tant que commandant, mais sans préciser les normes de faute et de connaissance sur lesquelles la commission se base. Un passage qui peut s'avérer utile à cet égard est le suivant :

The Prosecution presented evidence to show that the crimes were so extensive and widespread, both as to time and area, that they must have been willfully permitted by the accused, or secretly ordered by the accused. 25

Il n'est donc pas clair si la commission retient que 1) l'accusé a ordonné les crimes, 2) qu'il a omis d'intervenir alors qu'il en avait la connaissance, ou même 3) qu'il a simplement été négligent dans son devoir de surveillance, de sorte qu'on lui reproche de ne pas en avoir eu connaissance. Ce deuxième passage semble retenir cette dernière option :

24 25

In Re Yamashita, 327 U.S. 1 aux pp. 13 et 14 (1945).

(25)

Clearly, assignment to command military troops is accompanied by broad authority and heavy responsibility. This has been true of all armies throughout recorded history. It is absurd, however, to consider a commander a murderer or rapist because one of his soldiers commits a murder or a rape. Nevertheless, where murder and rape are vicious, revengeful actions and widespread offences, and there is no effective attempt by a commander to discover and control the criminal acts, such a commander may be held responsible, even criminally Hable, for the lawless acts of his troops, dependin~ upon their nature and the circumstances surrounding them. 6

L'accusé s'est pourvu en habeas corpus, en prohibition et en certiorari devant la Cour suprême des États-Unis27. Entre autres questions soulevées par le pourvoi se trouvait celle de 1' existence, en droit pénal international, de la responsabilité de commandement. La défense plaidait que le chef d'accusation reprochait à son client un crime inconnu selon les lois de la guerre existantes au moment où les actes furent commis. De plus, selon l'interprétation de la défense, on ne reprochait pas à 1' accusé d'avoir fait quelque chose ni d'avoir omis de faire quelque chose, mais bien d'être quelqu'un, c'est-à-dire le commandant des troupes ayant commis les atrocités28• Juger quelqu'un sur sa position, et non sur ses actes, allait à l'encontre des principes de responsabilité reconnus non seulement aux États-Unis, mais dans les grandes démocraties. Selon la défense, il s'agissait donc d'un nouveau crime sans intention, basé sur les actes d'autrui.

Cet argument, comme tous les autres d'ailleurs, fut rejeté par la Cour suprême américaine, deux juges étant cependant dissidents. La majorité de la Cour rappelle que les actes commis par les subordonnés du général Y amashita étaient clairement des violations aux lois· de la guerre. Ce qui lui est reproché est un manquement à son devoir de commandant. La seule question qui se posait était donc de savoir si

'

le droit international imposait un devoir aux commandants de prendre les mesures appropriées pour empêcher leurs troupes de commettre des violations aux lois de 26

27 28 .

Ibid. à la p. 1597. La commission conclut ensuite que Yamashita a fait défaut d'exercer le

contrôle sur ses troupes qui était requis par les circonstances.

In Re Yamashita, supra note 24.

A. Frank Reel, The Case of General Yamashita, Chicago, Chicago University Press, 1949

(26)

la guerre, et si 1' on pouvait, en conséquence, retenir leur responsabilité pénale personnelle pour leur manquement à cette obligation29• La Cour suprême des

États-Unis conclut par l'affirmative, suite à l'étude de différentes conventions internationales30, en s'appuyant sur un argument téléologique:

It is evident that the conduct of military operations by troops whose excesses are unrestrained by the orders or efforts of their commander would almost certainly result in violations which it is the purpose of the law of war to prevent. Its purpose to protect the civilian population and prisoners of war from brutality would largely be defeated if the commander of an invading army could with impunity neglect to take reasonable measures for their protection. Hence the law of war presupposes that its violation is to be avoided through the control of the operations of war by commanders who are to sorne extent responsible for their subordinates. 31

D'après le droit international, un devoir incombait donc au général Yamashita de protéger la population civile, de même que les prisonniers de guerre, en prenant toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher ses subordonnés de commettre des atrocités, sa responsabilité personnelle étant engagée par son défaut d'avoir empêché de tels crimes. La Cour suprême venait donc de décider de l'existence de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Elle décida que cette forme de responsabilité existait bel et bien; donc, le chef d'accusation reproché au général Y amashita constituait un crime connu du droit international, mais la Cour suprême américaine ne détailla pas les tenants et aboutissants de cette forme de responsabilité.

29

30

31

In Re Yamashita, supra note 24 aux pp. 14 et 15 : «The question then is whether the law

of war imposes on an army commander a duty to take such appropriate measures as are within his power to control the troops under his command for the prevention of the specified acts which are violations of the law of war and which are likely to attend the occupation of hostile territory by an uncontrolled soldiery, and whether he may be charged with personal responsibi1ity for his fai1ure to take such measures when violations result ».

La Cour cite l'annexe à la Quatrième Convention de La Haye de 1907, art. 1 et 43; la Dixième Convention de La Haye, art. 19 et la Convention de Genève sur la Croix-Rouge de 1929, art. 26.

(27)

Deux juges de la Cour suprême furent dissidents sur cette question. Les opinions des juges Murphy et Rutledge sont basées sur le respect des droits et libertés, tels que prévus par certaines conventions internationales et par le droit américain, dont le cinquième amendement à la Constitution protégeant le droit à un procès juste et équitable. Dans certains élans de principes, ils rappellent à quel point la protection universelle des droits et libertés est au cœur des valeurs américaines et comme ce serait une victoire, de la part de leurs ennemis, de les voir reculer sur ce point.

À leur avis, les droits du général Y amashita ont été bafoués à cet égard. Les juges dissidents estiment que la responsabilité de commandement est inconnue en droit pénal international, faute de précédents dans les situations où l'accusé n'a ni ordonné ni participé aux crimes. Après un rappel historique des faits, le juge Murphy caricature ainsi l'accusation qui pèse contre le général japonais :

In other words, read against the background of military events in the Philippines subsequent to October 9, 1944, these charges amount to this: « We, the victorious American forces, have done everything possible to destroy and disorganize your lines of communication, your effective control of your personnel, your ability to wage war. In those respects we have succeeded. We have defeated and crushed your forces. And now we charge and condemn you for having been inefficient in maintaining control of your troops during the period when we were so effectively besieging and eliminating your forces and blocking your ability to maintain effective control. Many terrible atrocities were committed by your disorganized troops. Because these atrocities were so widespread we will not bother to charge or prove that you committed, ordered or condoned any of them. We will assume that they must have resulted from your inefficiency and negligence as a commander ».32

Ce ton ironique laisse voir combien il juge critiquable, dans ce contexte, de retenir une responsabilité basée sur la négligence. Dans la même logique, le juge Rutledge retient la position que la connaissance des actes de ses subordonnés était

(28)

un élément essentiel à prouver, mais, précise-t-il, pour lequel aucune preuve admissible n'a été présentée33.

Contrairement aux deux juges dissidents, la majorité avait insisté sur la partie du chef d'accusation qll;i mentionnait que Yamashita avait permis à ses subordonnés de commettre les infractions qu'ils ont commises. Le fossé qui sépare la majorité de la dissidence ne tient donc pas seulement à 1' importance ou à la portée des droits et libertés, mais à la conception de la responsabilité de commandement. La majorité ne précise pas non plus les conditions d'une telle responsabilité: aucune exigence de connaissance n'est spécifiée. Au contraire, la Cour insiste sur le devoir du commandant et sa violation. Même si aucune référence explicite n'est faite à la négligence, à part l'utilisation du terme « neglect » dans·le passage cité plus haut, ce semble être la base de la responsabilité de commandement telle que reconnue par la majorité. Ce jugement, à cause probablement du fait qu'il n'établit par clairement le standard de responsabilité que constitue la responsabilité de commandement, fut interprété par certains comme ne requiérant pas de faute, comme instituant une responsabilité absolue. Il fut en conséquence fort controversë4, mais demeure tout de même la référence de base en matière de responsabilité du supérieur.

Malgré toutes les incertitudes qui demeurèrent au lendemain de 1' affaire Yamashita sur le type de responsabilité que constitue la responsabilité de commandement et sur la mens rea qu'elle·exige, l'affaire fut déterminante en ce qu'elle vint établir pour la première fois que la responsabilité de commandement constituait une base de responsabilité en droit pénal international.

33 34

Ibid. à la p. 53.

Pour une critique basée sur le fait que le jugement envers le général Yamashita était influencé par des préjugés raciaux, voir Ann Marie Prévost,« Race and War Crimes: The 1945 War Crimes Trial of General Tomoyuki Yamashita » (1992) 14 Hum. Rts Q. 303.

(29)

b) Les tribunaux de Nuremberg

La question de la responsabilité de commandement ne fut pas abordée de plein fouet dans le jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg. Même si la Charte de Nuremberg ne prévoyait pas d'article spécifique sur la responsabilité de commandement, ce concept fut appliqué à certains dirigeants civils. L'accusé Wilhelm Frick a vu sa responsabilité criminelle retenue parce qu'il avait un poste de responsabilité pertinent par rapport aux euthanasies dont il avait connaissance et qu'il n'a rien fait pour les empêcher:

Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'euthanasie fut pratiquée, pendant la guerre, dans des sanatoriums, des hôpitaux et des asiles placés sous l'autorité de Frick. Il savait que des aliénés, des personnes malades et âgées, des «bouches inutiles », étaient mis à mort d'une façon systématique; des plaintes lui parvinrent au sujet de ces meurtres, mais il ne fit rien pour faire cesser ces agissements.35

Du coup, le concept de responsabilité du supérieur, bien qu'implicitement, se voit retenu dans un jugement d'un tribunal international, étendu aux dirigeants civils, tout en exigeant leur connaissance des faits. Étonnamment, cette forme de responsabilité ne fut pas invoquée dans les parties du jugement qui concernent les accusés militaires. Elle le fut cependant dans d'autres procès militaires instaurés par différentes nations victorieuses, qui eurent lieu également dans la ville de Nuremberg. Deux procès dédiés à des militaires reprirent la notion léguée par l'affaire Yamashita : il s'agit des affaires connues sous le nom du «haut commandement » et des « otages ».

L'affaire dite du « hal;lt commandement» étudia la responsabilité de 13 commandants importants de l'armée allemande, pour leur responsabilité dans les atrocités commises lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans la plupart de ces

35

Tribunal militaire international, Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg, Secrétariat du Tribunal, 194 7, t. 1, jugement, p. 181,

(30)

cas de figure, les commandants étaient accusés d'avoir relayé à leurs subordonnés des ordres qui leur étaient venus de plus haut dans la hiérarchie militaire. Responsabilité de commandement se conjuguait ainsi avec défense d'ordres supérieurs. Le tribunal militaire, composé de trois juristes américains, retint le principe suivant par rapport à la responsabilité des supérieurs :

Criminality does not attach to every individual in this chain of command from that fact alone. There must be a personal dereliction. That can occur only where the act is directly traceable to him or where his failure to properly supervise his subordinates constitutes criminal negligence on his part. In the latter case it must be a personal neglect amounting to a wanton, immoral disregard of the action of his subordinates amounting to acquiescence .. Any other interpretation of international law would go far beyond the basic principles of criminallaw as known to civilized nations.36

Et plus loin:

We are of the opmwn, however, [ ... ] that the occupying commander must have knowledge of these offenses and acquiesce or participate or criminally neglect to interfere in their commission and that the offenses committed must be patently criminal.37

Ainsi, ce jugement venait établir non seulement que la responsabilité de commandement existe, mais qu'elle peut être retenue sur la base de la négligence criminelle du commandant. Le tribunal retient de plus 1' exigence de la connaissance, par le commandant, des actes de ses subordonnés. Il refuse donc de retenir une présomption de connaissance, découlant de l'ampleur des violations, mais cherche plutôt à déterminer la connaissance et la culpabilité de chaque accusé au cas par cas.

36

37

United States v. Wilhelm von Leeb et al, dans Nuemberg Military Tribunals, Trials of War Criminals Before the Nuernberg Military Tribunals Under Control Council Law No 10, Washington, United States Government Printing Office, 1950, Vol. XI, aux pp. 543 et

544 (nos italiques).

(31)

Dans l'affaire des «otages »38, dix autres hauts responsables de l'année allemande étaient accusés du meurtre et de la déportation de milliers de civils, effectués par leurs subordonnés. Compte tenu du degré de sophistication des moyens de communication de l'année allemande à l'époque, les commandants ne peuvent prétendre ne pas avoir été mis au courant de rapports transmis à leur bureau: ils sont obligés de les connaître39. Un commandant doit s'assurer d'avoir toutes les informations et s'il manque à son devoir, il ne peut invoquer sa propre turpitude40. Par exemple, comme il y avait des rapports envoyés au bureau de l'accusé List concernant les massacres et qu'il n'a rien fait pour les empêcher, sa responsabilité de supérieur est retenue.

Une troisième cause jugée par les tribunaux de Nuremberg s'avère pertinente, bien que dans une moindre mesure. Il s'agit de la célèbre affaire dite« médicale »41, qui est aussi venue confirmer la conclusion de l'affaire Yamashita, voulant que le commandant ait un devoir de contrôler ses subordonnés pour qu'ils ne s'adonnent pas à des crimes, tout en appliquant ce principe à certains civils42. Le tribunal juge, par exemple, que Schroeder, chef des services médicaux, connaissait les expériences médicales conduites dans des camps de concentration et a approuvé qu'elles se poursuivent, en ne délimitant pas les conditions dans lesquelles elles pouvaient être menées.

Cette jurisprudence, rendue suite à la Seconde Guerre mondiale, peut être résumée en utilisant l'allégorie du tableau que Yamashita aurait brossé et qui aurait été complété par les jugements de Nuremberg :

38

39 40 41

42

United States v. Wilhelm List et al., dans Nuemberg Military Tribunals, supra note 36,

vol. XI, à la p. 1230.

Ibid. aux pp. 1259-1260 et 1281. Ibid. aux pp. 1271-1272.

United States v. Brandt et al, dans Nuemberg Military Tribunals, supra note 36, vol. II, à la p. 171.

Ibid. aux pp. 212-213 Voir aussi United States v. Pohl et al., dans Nuemberg Military

(32)

Yamashita addressed the duty and responsibility of the commander with a broad · brush; the High Command and Hostage cases provided much of the detail necessary the complete the picture. Significantly, both minimum and maximum lines were drawn, the latter express rejection of any purported Yamashita-strict liability theory~43

La responsabilité absolue, celle qui ne requiert aucune faute, pas même la négligence de la part de l'accusé, a été rejetée par les tribunaux de Nuremberg: « The strict liability standard of Y amashita was abandoned in favor of an actual or constructive knowledge test » . 44 Alors que dans 1' affaire du « haut commandement », le tribunal insiste sur la connaissance du supérieur des actes interdits, l'affaire des «otages » et l'affaire «médicale » retiennent plutôt une responsabilité basée sur les faits que le supérieur aurait dû connaître, compte tenu des informations qu'il avait. Le pendule oscille donc entre connaissance et aveuglement volontaire.

c) Le Tribunal de Tokyo45

Moins connu du grand public, le Tribunal de Tokyo constitue le pendant du Tribunal de Nuremberg, pour les crimes commis lors de la Deuxième Guerre mondiale en Extrême-Orient et dont le nom officiel est d'ailleurs le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient. Chargé de juger des accusés exclusivement japonais, il fut décrié46 pour son haut niveau de politisation et sa mauvaise protection des droits des accusés, qui ont tous été déclarés coupables47,

43 44 45

46

47

Parks, supra note 7 à la p. 62. Lippman, supra note 7 à la p. 150.

Voir l'article très détaillé de Solis Horwitz, « The Tokyo Trial » (1950) 28 Int'l Conciliation 475, qui fut membre de l'équipe du Procureur; Annette Wieviorka, dir., Les procès de Nuremberg et de Tokyo, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996; Roger S. Clark,

«Nuremberg and Tokyo in Contemporary Perspective», dans Timothy L.H. McCormack

et Gerry J. Simpson, dir., The Law of War Crimes: National and International Approaches, La Haye, Kluwer Law International, 1997, chap. 7, à la p. 171, ainsi que les ouvrages cités.

Yves Beigbeder, Judging War Crimina!s: The Politics of International Justice, Londres, MacMillan Press, 1999, chap. 3; Richard H. Minear, Victor's Justice: The Tokyo War Crimes Trial, Center for Japanese Studies, University of Michigan, Ann Arbour, 2001. Il n'y eu aucun acquittement, mais deux décès pendant le procès et un accusé déclaré inapte pour cause d'aliénation mentale.

(33)

dont plusieurs pendus, sans appel, malgré les fortes dissidences de plusieurs

. 48

JUges .

Les 28 leaders japonais, dont 19 militaires, étaient accusés de crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre 1 'humanité49. En ce qui concerne les

crimes de guerre commis à 1' encontre des prisonniers, après avoir identifié que la responsabilité de ces prisonniers échoit au gouvernement qui en a la garde, ce qui inclut tous les responsables civils et militaires chargés de leur surveillance ou de leur bien-être, le Tribunal conclut :

48

49

It is the duty of ali those on whom responsibility rests to secure proper treatment of prisoners and to prevent their ill treatment by establishing and securing the continuous and efficient working of a system appropriate for these purposes. Such persons fail in this duty and become responsible for ill treatment of prisoners if:

1) They fail to establish such a system.

2) If having established such a system, they fail to secure its continued and efficient working.

Each of such persons has a duty to ascertain that the system is working and if he neglects to do so he is responsible. He does not discharge his duty by merely instituting an appropriate system and thereafter neglecting to learn of its application. [ ... ]

Nevertheless, such persons are not responsible if a proper system and its continuous efficient functioning be provided for and conventional war crimes be committed unless :

1) They had knowledge that such crimes were being committed, and having such knowledge they failed to take such steps as were within their power to prevent the commission of such crimes in the future, or

2) They are at fault in having failed to acquire such knowledge.

If such a person had, or should, but for negligence or supineness, have had such knowledge he is not excused for inaction if his

Voir en particulier l'opinion dissidente du juge Pal, de l'Inde, qui aurait acquitté tous les accusés, entre autres faute de base en droit pénal international pour la responsabilité personnelle.

Voir la Charte du Tribunal de Tokyo, article 5, qui prévoit la juridiction du tribunal sur ces trois crimes internationaux, en ligne : <http://www.yale.edu/ lawweb/avalon/imtfech.htm>. Une version française de cette Charte figure en annexe 3 de l'ouvrage de Jean-Paul Bazelaire et Thierry Cretin, La justice pénale internationale:

Son évolution, son avenir de Nuremberg à La Haye, Paris, Presses universitaires de France, 2000 à la p. 133.

(34)

office required or permitted him to take any action to prevent such crimes.

Ces propos sont lourds de sens. Le tribunal international fait ici référence à une responsabilité systémique : celle, pour tous les responsables, non seulement d'établir un système adéquat pour éviter le mauvais traitement des prisonniers de guerre, mais également de veiller à son fonctionnement. Les dirigeants, civils comme militaires, ne peuvent donc se réfugier derrière un système inadéquat pour justifier leur inaction et exiger ainsi leur acquittement, puisque la responsabilité de l'instauration et du maintien du système incombe à tous et chacun d'entre eux. En somme, ils forment le système.

Ce type de criminalité systémique est particulièrement visée par les tribunaux pénaux internationaux, qui se verront confier la tâche de juger des crimes auxquels participent nombre de personnes, selon une organisation serrée, qui inclut souvent des membres du gouvernement. Le juge Roling, magistrat néerlandais au tribunal de Tokyo, expliquera plus tard sa conception de la criminalité systémique :

50

Then there is war crirninality of a more significant nature, that which is ordered, recornrnended, or tolerated by the authorities because they believe it furthers the aims of the war. This can be called « systernic crirninality » or « structural .crirninality » and includes the use of banned weapons, outlawed methods of fighting, attacks on illegitimate objectives, terrorization of the population in the theater of operations or in occupied territories, rnistreatrnent of prisoners of war, and violation of occupation law. Such crirninality usually is not punished by the govemment of the offending troops because the govemment itself is involved. It is the kind of war

R. John Pritchard et Sonia Magbanua Zaide, dir., The Tokyo War Crimes Trial, vol. 20

« Judgment and Annexes», New York & London, Garland Publishing, 1981 aux pp. 48444 et 48445. Le jugement est également reproduit dans Friedman, supra note 23, vol. Il, à la p. 1029. Contrairement au jugement du Tribunal international de Nuremberg, il n'existe pas de version officielle française du jugement du Tribunal de Tokyo, dont les langues officielles étaient l'anglais et le japonais.

(35)

criminality that leads to trials after the war, by national courts of the victors or by international tribunals established by them. 51

Les dirigeants seront reconnus coupables de crimes de guerre s'ils en avaient la connaissance et n'ont rien fait pour prévenir leur récurrence ou si leur défaut d'acquérir une telle connaissance découle de leur propre faute. Si l'ignorance d'un dirigeant découle de sa propre négligence, il n'est pas excusé et pourra, au contraire, être tenu responsable pour les crimes de guerre si ses fonctions lui auraient permis d'intervenir. Un dirigeant ne pourra s'exonérer de toute responsabilité en se fiant aux assurances données par des personnes impliquées plus directement dans le sort des prisonniers, si en raison des circonstances, il aurait dû obtenir davantage d'informations et pousser l'analyse plus loin52• Cette

précision sera reprise par la jurisprudence subséquente.

Le jugement majoritaire du Tribunal de Tokyo retient donc une responsabilité basée sur l'omission et la négligence de veiller au bon traitement des prisonniers. Les responsables qui connaissaient le mauvais sort qui leur était réservé, ou qui auraient dû le connaître, et qui n'ont rien fait pour améliorer leur situation ont été tenus responsables criminellement. Le tribunal considère que de telles personnes sont fautives pour avoir omis d'acquérir la connaissance en question. Notons que cette règle s'applique non seulement aux militaires, mais également aux responsables civils, tels les ministres. Elle constitue donc une base de responsabilité des plus larges, tant du point de vue du degré de faute exigé, soit la négligence, que de la qualité, militaire ou civile, de ceux dont elle est exigée. Si la négligence comme base de la responsabilité du supérieur militaire réapparaîtra dans le futur, notamment au sein du Statut de Rome, le Tribunal de Tokyo demeurera le seul à prévoir cette forme de faute pour les supérieurs civils. La responsabilité hiérarchique du supérieur civil continuera d'être retenue par la jurisprudence, mais selon une norme de faute toujours plus élevée.

51

52

B.V.A. Rëiling, «Introduction», dans C. Hosoya, N. Ando, Y. Onuma, R. Minear, dir.,

The Tokyo War Crimes Trial: A Symposium, Tokyo, Kodansha, 1986, p. 15, à la p. 20.

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