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L'analyse critique du "moi" dans les Pensées de Pascal : fondement d'un existentialisme chrétien

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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...

:tE "MOI" D'APRES PASCAL ET L' EXIS'l'ENTIALISME C~IE~

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L'Al'ALYSB CRITIQUB DU "MOI" DANS LBS PENSQS DE PASCAL:

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,PONDBMBNT D' UN BXISTBNTIALISMB CHRBTIEN o

",-\ by

"Marcel La farqe

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(3)

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f

Master of Arts

Department of Fren~h

Language and Literature McGill University

)

L'ANALYSE C~ITIQUE DU "MOI" DANS LES PENSEES DE PASCAL:

FONDEMENT D'UN EXISTENTIALISME CHRETIEN

by

Marcel Lafarge

RESUME

Les Pensées de pascal offrent au penseur une mine inépuisable

d'interrogations. Rassemblement de fra~ents épars, cette oeuvre

sur~rénante n'a pas encore livré à la postérité la clé de l'éni~e

qu'elle pose. Des idéologies contraires ont fondé, sur tels ou

tels fragments, une justification fa~le à leur scepticisme radical

ou à leur optimisme à tous crins.

..

\

Notre propos p'a pas la prétention de vider le débat, ni de

1

trouver une clé d'interprétati~p plus précie~se que celles qu'a pu

1

forger jusqu'à l t heure

t'

critique. Nous avons cru, tout

simple-ment, qu'il serait;. utile de confronter la perception du "moi",

"

telle qu'elle se dé gag, des Pensées, avec les éléments fondamentaux

~

de l'expérience religieuse dont t'moigne cette oeuvre.

Deux faita noua ont frappé. Le, premier, c' est le courant

existentialiste, .qui semble soua-tendre la description du "moi Il

,

chez

pa8~al,

jusqu'à

~

charrier

",~\"~~pOrt. tr~~i~

... habi·tue.le.

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culpâbilit', solitude~ angol •••• · La ••

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la première, à la manière d'une réponse recouvrant précisément une

question. L'analyse du "moi" dans, les Pensées est l,écessairement

envisagée sous deux ~aces: le "moi-sujet" ou la conscience et ses

capacités de saisie de la vérité'; le "moi-objet" ou la Vision, de ,

l'Homme et de sa destinée. Le caractère existentialiste du "moi"

est suffisamment marqué par la priorité donnée, dans la majeure

partie des fragments, à l'expérience personnelle. Le résultat de

notre enquête sur ces deux aspects du "moi" aboutit à la même

im-passe tragique: disproportion et incapacité foncière de la personne

humaine à se comprendre elle-même et à ma1tri~er son destin, d'où

angoisse existentielle qui est anéantissement de la raison.

l .

L'expérience religieuse à laquelle Pascal s'est livré corps

et âme, à partir de la "Nuit de feu", a comblé, avec une âdap.tat1on

exacte, les vides creusés par la pensée naturelle, et a opéré un

,

red~essement de l'itre, postulé par ses interrogat~on8

existentiel-,

les. Outre ce caractère de réponse à~une question 'précise, ce qui

1 ~ '~

nous a f~~ dans

la

nature de cette GXP'rience religieuse, c'est

qu'elle n'arrate pas, mais prolonge, sous ube autre forme, la même

r '

démarche ex'istentielle du "moi" •

.

Passée au niveau transcendental,

cette démarche n'en reste pas 'moins· celle d'une conscience d'homme,

,

engagée

~an.

l'Ordre du coeurS

'.ans

àé.~:~è~pour c~la

le8

contins'

j 'lr" \. ' " " ! ' ,

de ,la..;'raiaon.

~l conClu.ron.-n.~t..x.i~:~t

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1 ••

Pe~e!·bi.n ~'autrea

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ençore, et

d'ûa~

autre'nature. Quant

à

noua,

noua,

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~vona

vu une

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exi.~en~1.~1. 'coh.~n~. ~~.

que

irrationn.ll.~ ~ou.

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(5)

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Mas ter of Arts

Department of French Language and Literature McGill University

L'ANAJ,.YSE CRITIQUE DU "MOIli DANS LES PENSEES DE PASCAL:

~ FONDEMENT D'UN EXISTENTIALISME CHRETIEN

by

Marcel Lafarge

ABSTRACT

Pascalls Pensées open ta the thinker an inexhaustible mine of

que'tions. A collection of fragments, this singular work has not

yet yielded the Key ta the enigma it,presents. Opposing ideologies

have' found in isolated fragments

easy

justification of, on the one

hand, a fundamental scepticism or, on the other, a wholesale optimism.

This the~is does not cla~ to have exhausted the debate, nor

to have found â more valuabie Key to ~nterpretation th an those

furnished by previous criticism. It haB

.eemed of

value, simply,

to analyse the perception of

the "Eqo"

which etnerges 'from the

Pens'es

in

relation to ,the reliqiou8 conviction fev.aled in,tb.'work.

The

author

was

.ttuck

by two

factors.

The

firet

va., the,

exiatentialiat tendeney which . . . to und.riie

pascal

r

d ••

cription

of the "Bgo", evea

to

inv ••

ting

·it with

the

u.ual tragic

bu~d.n

of

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quilt, .olitude a1)4 angui'P-

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th. corn.pond.nea

which . . . to exi.t betW86n 'th. f two .14.. of th. expe~1.l\ce. tM

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natural

' .

and'

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(6)

l,

i

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Pensées must necessarily be developed from two standpoints:

;'E9~-Subject".1

or the intellect and

it~

capacity to perceive

the the truth; ànd the "Ego-object", or the Vision of Man and his destiny. The existentialist character of the "Egon is emphasized by the priority given, in most of the fragments, to personal experience.

,

This inquiry into these two aspects of the "Ego" ends in the same tragic impasse: the disproportion and' the-fundamental inability of the human being to understand himself, and the resultant existential anguish which destroys reason.

l

The religious experience to which Pascal gave hirnself body

\

and soul after writing the "Nuit de feu", filled

ex~

void created by rational thought, and

eff~cted

the elevation of

th~human

being demanded by his existential questioninq. In addition

t~its

character of an answer to a precise question, the author was atruck

by the fact th~t this religious experience does not block the exis ten tial approach of the lIEgo", but carries

forme Translated to the tran8cendental;~vel,

that of a human con.ciouene.e

committ~~rt~:'Jthe

~r ,

but still bound ~Y the domaine of rai~on. What

.'

!t ~rth~r in another

thi./'approach remaina

rul. of the

h.r

can.o~e concl~de?

That there remains much els8 ta be found in the Penséè8_e '1'li!s author

has seen an exiatent!al approach that,i. coherent although irrational.

"

.

.

But he

do..

not wi~h to redue. the .~tanc. of

thf

Pensêo$

to

thi.

-, -Il'ion"~' 'l'hi. rich and complex t u t will y1eld , \

many

another

dis-cov_,ry! _

J.

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(7)

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.

..

-

Chapi tr.e pz:.emier -: PERCEPTION EXISTENTIALISTE

nUo-'MOI-SUJET DANS LES PENSEES. .. • • • .'

1.1 Mati~re premiàre de la connaissance:

1'expêrience • • • . ' . . • .~. • • •

.

.

. .

.

.

1

1.11 Primauté de i"expérience • • • • • • • • •

1.12 Expérience: caract~re change6nt et

.

.

..

.

'"

multiple. .• • • • • \, • • • • • • •

1.13 Expérience: son contenu engag4 et

dialectique • • • . • • • • • • • • • •

1.2 Nature de l'outil de la connais.ance: ~

~ la R~i8on et le Coeur. • Ii • • . ' , J • • • • • l" •

1.21 La Raison et

.8.

",pôuvoirs" .. " • • •

t.22 Le "COeur" se1?n Pascal .. • .. • .. • • .. . '

.

'

,1.3 Conditions concr~tea de la connai.sance: ~

"

"" un "moi" en situation • • ' ..

.

.

.

. .

1.31 Situation

concràtea

'1.32 Situation

eapace-temps: condi tio~a

de l'existenc«:}, .. .. • i. du moi-connai.sant. .. •

·

. . .

·

.

.,

.

·

.

.

.

Chapitre-II UN MOI-OBJ'B'1' BXISTD1'1'IALISTI OU

VlSI~ 'l'IlAGIQUI DB L·IdIMB. .". .. .. •

"

" '") ....

2 .. 1 Mis~re de l' hOl'l'lllle. .. • • • • .',,;. .. .. • • • •

o

t.11

mi.ire

.de

l'homme-provient

de

.a ccn8~ tiott mi.6rable.. .. .. • .. '. • 2.12 1..-

mia.re

iu

"cU."ertiaeeaentlt • .. .. -, 1

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..

..

,

Z.2.Grandeur de l'homme: autre 'lément du

tragique C1e sa condition • • .'. • •

.

.2.21 , 2.22

2.23

Grandeur réside en 1~ pensée.

Grandeur d'un roi dépossédé .. En quoi réside précisément le

..

.

tragique. . . . ~. . . . . * ~ -,

..

..

.

.

..

..

..

.

..

.

· . . . .

2 .. 3 Voie sans issue ou "existentialisme ouverttt

..

..

2 .. ~1 La ra~son humaine enfèrmêe dans une

impasse .. .. • .. • .' • • lIj • • .. .. .. •

2.32 Le fondement d'un existenëial1,me

ouvert. .. • • .. .. .. • • .. .. • •

2.33 Les v'rit~e8 dimensions de

l'expêrienc~ religieuse . . .

..

.

· . .

.

.

· .

.

.

.

.

.

Chapitre III -,.t,'EXPBRIENCE DE· LA TRANSCENDANCE: ..

"Page 81 ~ 81 86 89 91 91 96 104

POND.NT D'UN EXISTBN'l'IALliSMÉ C:r.1.RBTIEN'. 112

!'I

3.1 L'expérience du p6ch' ori<,l'1Rel _.. • .. ') .. '. ..

3 • 2 ,.L'exp! dence du "COrps Mys

t1..;... . . . .\:,... .

1./

3.3 Le "Mystè~ de J'sus" et la connai.sance

du Il coeur"

,

1. • • • • • ,. • • • • • • • . • • • •

.

,

..

· CONCLUSIOll

..

.

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.

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,

'

Proposer pour une étude des Pensée. de Pascal le cadre. 1

d'une ~~proche'eX1s~entialiste peut para1tre un ~xercice ~Fti~

Il

fici~l ou une sorte de gageure:

a 1

Toyt rapprochement de c~ type conduit nécessairement à~

tirer plus ou moins le texte dans le sena souha~tâble, au risque

cJ

de' i~ solliciter ou mime,

FI'

en ""d6fomer

ie

sens. Notta connai.-sons.ces ~gers. Pourtant d~ux raisona noua portent

l

tenter

> .11 exP'rience.

~

~

.

L'impression Vive

que

Pascal,

sans

être

un

écrivain

.

,

..

existentialiste

au

senl modecne du

mot. entr_ dans

une famille d'esprit

.e~lab~e

l

~~lle'àe

ces

êcrivain~'

/ '

( l i t

,-L'intuition qb'on fagriera quelque lumi~re

pour

une

,J

meilleure compr'hefiaion 4e

ce.

n~a!on.

pour

une

Apol0g6ti~"

o

que .on~

1.. Pene' •• ,

si

60gB aam.~ton.

cam.. l-priori

~tho-"

' \

dolQgique,

qu •.

pa.oa.'1

voulGt

.\t

pl~c.r

dan.·an

gt.aiD!!I!!Jl1:

Q.e

0

, <

caraçtare ex1atènt,iali,1;e pour

,

' erltr~ex: • • a luite 'le l.ibe:t1iltl

de sea

ai..

~. il pntendait;

convertU.

.

.

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,

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(11)

J

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' l " i U>, t, , , , "

..

..

,

.

,

.

.

:On peut &tre "6finitivement, déconcerté èt le .rester,

si lion s'en tie~t scrupuleuseme~t au .texte des Penséés. En

dépit des~éclàirages successi~s e~ dè liimmens~ servlce au

, ~. 411 )

lecteur rendu

pa~

les

~lu~ téce~~~s reconStf~~ons

critiques

du m~uscrit, les Penstes n'en demeurent pas mbins un "pu~zle

indéchiffraple". plusieurs pa~cal s' y 'affrontent en une sorte

.

de dialectique MY,stérieuse. Aveb plus ou moins~de àuac~s, .

J

, ~

furent essayées plusieur.s clée d'interprétation.

"-Parmi celles-ci: l'approche existentiàliBte. Pour

.'

" J

Pascal, 'le problème existentiel par excellence e'st \celui.

.

d,

J:!.

.

connaissance. Pour ce qui est d~'~de extérieur, Pascal croit

.

,

~ ~

. .

en la certitude obtenue par la méthode ~om6triqûe: le8\

pre-miers

pr~cif,.a

noue sont" donné"s, j::ex"tes1 par ,le

"coe~r':,

mais,

"

A

partir de, ceux-ci, la raison hum&i~e8t un instrument a~é-

,

.

quat. Il-faut. cependant, se souvenir que les lnathématiques

brillants )eux de l'aaprit pour

.

au

~I. .i~~\e,

que

~omm.

une

élit.

d'i~elle~tuel.

..

de

amateurs. ,Mais quand ~l s'eet tourn' ver. la connaiesance ,de

"

Q

l'homme, qu'il est~ait l~ seule vra1Den~ ~rt~n~ e~

india-,pen.~~~e l acqu'rir~

pa_caf

eut l'intuition d •. l'échaé fé la '

.

.

raison humaine qui. conduit 11 hc8Ie aux

Ji

v.a

4. 1;

a'ba!!d!

01"'

u ~

i l

I!I~ "?~

t \t0rc6, avec

c~JaiDt.e

et trflllbl.-nt,

~~

lÙ.a.er

~.

8a vie' sur 'un

coup de

~"

dan.

11 Uispie.nw

~

mseet.1,lk

dt.

l,

1 .. t

",

.

' " <1 ! '- " t' 'II • • " ., , & ,

.

(12)

" >

"

"

4

nuit de l'esprit. N'est-ce pas au même codstat qu'~outit tout

philosophe existentialiste, un Sarbr«, un Camus, enfermés dans

le vase clos de la conscience individuelle, mais aussi, Un

Kierkeqard, ul Jaspers, un Gabriel Marcel, pour lesquels la

.

lumière transcendantale éclaire~d'une luèur d'espoir

ihtermit-,

tente la mime absUrde pondition humaine.

Nous sefons donc amenés l nous demander pourqUoi

Pascal, "le maltre de la logique, fut conduit, par cette mime

logique, au moment où il voulut l'appliquer au domaine de~

'connaissance de l'hanme,

A

une impasse insurmontable, èt

can-ment la foi chrétienne, et elle seule, Iput l'aider à sortir de

cette tmpasse, en fournissant, à son esprit inquisiteur, le.

d

-"

\.

eeuls postulats de paae-sQ8CéPtibl!. de supporter une explica: 0

tien rationnelle 4e l'irrationnel.

En ce qui concerne la ~thode, Pascal, qu~, par ailleurs,

paralt . ' opposeF violemment à Descartes", eut ~&c:tement DIa mame

Q

intuition que celui-ci: tout démQlir &t reRartir

a

z'ro.

Lea Penaées de·Pasoal sont donc, dana leur premi~re

étape, Une entr~~i8e de démolition syst6matlquez à ce stade,

elles nous donnent l', iIIlpreS8ion d' un pascal ennemi de la rataOli

1 ~'I ~'"'

i-o r

et parfait sc~,~~e •

.

Ma~. une cleuxi._ 4'tuitio~ le situe A

• r", 1 •

~ . l' appos' de ,Deaca:rtea et la rapproohe de Montaiqne: al ,l'

in-verse de Descartes, Pascal ne .e .ert pa., pour ~lir la

" o " nE' fi a .' , , ' , -'

(13)

,1 " ,

.'

•.

-",~\' ; .... ~. . .~. l'A""_ ,..

1

" ( 1

.

,,~

.

,

J

'

.

. J

5

raison; d'un doute méthodique rationnel: il reconstitue les

,

condi tions conc~~tes d1s ~ lesquelles est l'emprisonné le moi Il ,

et son investigation en arrive à l'évidence que Il homme, point

,

tmperceptib13 au croiseme~t des deux vecteurs espace e~tem~s,.

,

.

.

\

ne peut rien connaltre, par ses (propres force., ni de ses

ori-"

gines, ni de

sa

f~

'ascaj. a t ac6, dans ces fragments que sont

.!!!!.

Pensées, des orientations de réflexiGn qui sont comme des seg

-;

ments de droité que nous noue efforcerons de prolonger juaqu"

leur ultime limite.

C',est d"abord uns

't~d., ~.Ujet"

et de aes

con,U-tions concrètes de f~ctionnemènt. BIle présente un caract~re

existentialiste en ce sens qu'elle a ~ donpée de d'part et comme ce~tré, l'expérience.

.~ -~

Vient en.uit~ une pereepti~n gl~bale de la conditio~ r

humaine, telle que foumie -par ce "1lO1-8ujet~, ~trement di t,

telle que l ',expêr1ence l' 'P~uv,*.

Rou.

évoquerons alors 1 ••

deux dimensions dialectique. qui fondent l'exiatence humaine et

--que l'on conna1t soua l'antith' •• cl . . . ique: mia'r.

..

\: et

grlll)-deur de l'hexame. La not1~'exl.t.ntial~te , de traviqGe

.

absurde . ' en cMQB48 ~ natunll_l'lt. BIle aJ)out:1t:

a

1-

an-t

goi...

exi.tentielle-

1)

pliut

Hthentique.

qui

da1ete en la

-n'~.ed.t6 -dtagi~

(ou

~. ~r1er)

4ana la

nUit,'1-"

pl,.

CIb.oure.

\

.

.

.

""

.'..

"" , -.:: ~~ ~'. ~ ,~~ .. ~-, , ,

(14)

1.\ . 1 ..

,

-1 6

Comment l'

humanit~

perpétuellement oscillé entre

,J

1'>

. optimisme et pessimisme, suivant qu'elle a exalté la grandeur

Ide l'homme, p'ar le dogmatiSmê, ou qu'elle a'~urenchéri, par le

.

~ (, ...

pyrrhonisme, .sur son l.gnorance et son incapacité totale de

savoir: comment,ces deux courants opposés de la pensée

hu-maine ~ ,se rejoignant jamais représe?tent l'incapacité

fondamentale de l'homme de rêsoudre sa propre énigme, Pascal

l'a profondément ressenti, puisque par expérience per~onnelle

il a pu parcourir.jusqu'à leurs extr~es conséque~~es ces deux

lignes de pensée.

-+-C'est à ce moment seulement ~e refaisant dans sa

propre conscience l'expérience du vide absolu, Pascal reconna1t

c'

que le probl~e de l'homme trouve sa p!rfaite solution dans les

données trrationnelles révélées par le christianisme. "Credo

quia absurdum". Mais, ce faisant, il ne suit pas l'erreur du

d~gmatisme. Les myst~r.s du péchê originel et du COrps

mysti-lque ne sont pas des véritês théoriques qui puilsent le

s8tis-faire intellectuellement. Ils rest:ent, au regard de la-raison

humaine, des absur~it's et des folie.. Pascal le proclame l

l'envi. Ce sont des v4rit'. étrangère8 A l'homme, que celui-cii

doit s'assimiler mentalement pour en

vivre. Quand on a

aêCeptê

de "faire le saut·', c' •• t-'-tSire d. vivre awSacieua ... ent

l'ex-,

p'rie~ce

mystique, tout le puazle humain se ru.emble. L'·boD.e

(15)

\

,

..

"

)

\,. 7 ~

récupère le sens intégral de l'existence: il redevient capable

.

de se replacer par rappOrt à son origi~e et à sa fin. Il entre

dans une autre,dimension de l'exp'rience

humaine,eXis~tie~~e

et qui se traduit par ces, paroles de-St Paul: "Vivre, pour

moi, , Cl est le 'Christ l " . > i

AjoutOn~ ces quelques remarques concernant la méthode

que nous suivrons. Les deux premiers chapitres sont consacrés

à une analyse du "moi" dlapr~ les Pensées:

principales lignes de force

lu

"moi-sujet"~

l'un,indique ~s

l'autre brosse à

grands traits lEfs caract~res fondamentaux. du "moi-objet". Ces

deux premiers chapitres appellent, 8euls, des rêférences claires

aux intuitions de la pensée existentialiste. Le troisi~e

cha-pitre, par contre, qui a pour but de d'crire les pointa forts

de l'expérien~e ehr'tienne v6cue par pascal, ne comporte paa,

dlune mani~re explicite, de. raPPrQch~ents avec la pen.ée

1,

existentialiste. Que l'on veu~lle ne pa. s'en 'tonner: il

tend à prouver, précisême~t, que c~ •• t en vivant ce type

,

d'expérience dans un cheminement de foi que Pascal réu •• it •

.,.

transcender les limites où l'enfermait la seule

logi~e'ration-, ( nelle.

\

" l' , l,o,"'" , ,

.

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(17)

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/

(

1.1 Mati~re première de la connaissance: l'e!P'ri!nce

1.11 Primauté de l'e~rience

i

Une perception existentialis~e du moi s'étend à ses deux aSPect~: le moi-sujet et le moi-objet .. , Par moi-sujet, ou .. je"-, on entend la conscience personnelle,' en tant qu'outil o~edium~

Jt

de connaissance. Dire que le 1l\(>i-s,lljet est perçu de façon existentialiste, c'est reconnattre la priqri~é de l'expérience comme source de v'rité. L'expêrience se prfaente comme une

.

succe$sion contin~e de phén~nes et la conscience qui les 8ai-sit est un ph6nomàne global oàlle coeur, entendu au sens qui

.

,

sera défini dans ce_~apitra, a plus de

part

que

la raison •

.... ,;1 ~

,

Un moi-sujet ex~st.ntiali.te

se

rff16chit dans

l'expê-)

ri.pce de llinstant •. Le- r6el imm6diat

Perçu

par la conscience

.

est ce '(v6cu par le

moi·,

dana la foz:me . . . . oà il apparalt 1

loa conacittnce. C· . . t

ce ••

1l~1 J:f.l qui

int'rH.'

l t

an.a1ys.

éla

philosophe ph6nCli6nologue. Mau:ttce Merleau-Ponty pr6ci •• 1:

t

, ,

.'

(18)

10

source absolue. , Mon, ~tence ne

vient pas de mes antéc~dents, de mon entourage

physique et sociali elle va vers ·eux et les

soutient, car c'est moi qui fais être pour moi (et donc au seul sens que ce, mot puisse avoir pour moi) cette tradition que je choisis de

reprendre. 1 .

\,

J.P. Sartre reconna1t, en cette pr~orité du phénomène

perçu par 'la conscience. une ind~niab1e acquis,i tion de la pens~e

moderne:

La pensée moderne a réalisé un progrès

consi-dérable en réduisant l'existant à la série

des apparitions qui le manifestent. L'~tre

d'un existant, c'est précisément ce qu'il

'1 2

para t •••

On ne peut prétendre trouver chez Pascal un parti-pris

~ aussi systématique de valorisation de l'expérience. Les

préoc-,~.

cupations de l'écrivain du XVIIe siècle ne co1ncident~ pas avec

celles des philosophes du XXe. Dans les Pens~es, cependant, on

relève aisément certains signes traduisant une tendance générale

à "penser l' Homme" 1 à partir de l' expêrience v6cue.

~

Ce ni était pas,. à vrai dire, une l.nnovation. Montaigne

avai~ mont~ le chemin, lui pour qui la lecture des Anciens

'tait avant tout un pr'f:exte à l'analyse du "moi". Si, souvent,

,

Pascal s'oppose à Montaigne, ce n'est pas pour renier ca point,

de départ subjectif, mais il reproche l son pr6déce'eseur dé" se 1

complaire à regarder son nombril.

"

'1

.'

(19)

() ,

r '

I l

Les signes les plus fréquents de cette implication per-sonnelle de Pascal dans son étude de l'Homme, ce sont les cris

,.... ...

du coeur: cette "'coloration affective" qui â.ccompagne nombre

, , \

"

de ses assertions.

Pense-t-il à l'écoulement du temps, sensible à la conscience, il s'écrie:

.

'C'est une chose horrible de sentir s'éeouler

tout ce qu'on poss~del3 (P. 212)

On aura plus loin l'occasierl de souligner l'importance

de l'angoisse existentielle dans les Pensées. citons ici une

partie de ces textes dans le seul but de montrer combien

l'homme~pàscal ressent Eersonnellement cette angoisse comme une

expérience authentique qui l'émeut profondém.nt:

'-Je vois ces effroyables espaces qui m'enferment, et je me trouve attach.

~ ce coin de cette vaste étendue, sans l

que je sach~ pourquoi je suis plutôt

placé en ce lieu qu'en un autre •••

je n~ vois que des infinit6s de toutes

par' qui m'enferment comme un atome •• ".

Tou e je connais est que je dois

bien t mourir, mais ce que j'ignore le

plus est cette mort même que je ne saurais

éviter. (P. 194)

Ce cri du' coeur de Pascal est multiplié par le aenti-' ment tragique de la solitude:

NoU8 somme8 plaisanta de nous repo •• r· dans

la soci't' de nos semblable. s mis'rables

comme nou., ~puiasanta ~ noua,

i i .

ne

'nous aideront paal

op

mourra seul. (P. 211)

" - 222Q ,

.

! ,

..

,~' ~ 'J ~~~ , .. "~.' /~;'!, :tI'.'l

(20)

a

.'

.

'

.

12

c'est ~ travers ces expressions-chocs, témoins d'une

expérience authentique, que l'on reconna1t ce que Gabriel

Marcel a appelé "la morsure du réel", 4 signe unique pour lu~,

de la véritable "qualité philosophique".

En d'autres termes, mais de fa~on aussi catégorique,

Pascal souligne, quand il est question de science de l'homme,

la valeur primordiale de l' ex~rience personnelle. "Deux

choses

in~tru\seht

l'homme de toute sa nature: l'instinct et

l'expérience." (P. 319)

Un autre signe, révélateur chez Pascal, de cette ten-

..

"

dance à chercher la vérité sur l'homme dans la lecture de sa

propre vie, c'est l'importance qu'il reconna1t au caractère

subjectif de toute vérité conquise par l'homme. Le fait, que

l'expérience personnelle soit source de connaissance entraîne

automat~quemént l'aspect subjectif--et donc partiel, sinon

~

partial--de cette connaissance. Ce que l'on gagne en

authen-ticité, on le perd en universalité.

L'importance du point de vue subjectif est soulignée dans les passages suivants:

On Sè persuade mieux, pour l'ordinaire, par

le~ raisons

Ctu'

on a· soi-même trouv6es, que

par Célle. qui sont venues dans l'esprit

des autres. (P. 10)

Ausai, l'argument d'autorit' perd à ses yeux toute

(

(21)

13-surnaturelle, comme la Bible. liCe n'test pas dans Montaigne,

mais dans moi, que je trouve tout ce que j'y vois.1I (P. 64)

D'autre part, aux regards de Pascal, la vérit~ totale

(

ne peut résider dans la perception d'un seul homme, mais dans

une addition de tous les points de vue. Chacun est perfluad~

d' ~tre dans' le -vrai, suivant le point de vue par où il regarde

le réel, et, de ce côté-là; il a raison. ~ • aussi.

Quand on veut reprendre avec utilit~ et

montrer à un autre qu'il se trompe, il

faut observer par quel côté il envisage la chose, 'car elle est vraie ordinairement

par ce 'côt~-](~, et lui avouer cette vérité,

mais lui découvrir le côté par où elle est

fausse. (P. 9)

Ainsi, quand Pascal reconnalt dans la recherche de la vérité sur l'homme la priorité de l"expérience personnelle, et

• 1

donc, l'importance du caractère subjectif de cette v~rité, il

se comporte en existentialiste avant la lettre. ~

Nous ne prétendons pas, cependant, que ce point de dé.

part lui paraisse suffisant et entiare~nt satisfaisant. Au

contraire, s'il sla~uie sur ces données. il y trouve de

.êrieuses' raisons de s'en méfier, car il en constate l'a.pect

"

... / incertain. fragile et illusoire. Ce qu,i n'empêche pas qui i l

, J

s'y appuie tout de même.

/

(22)

14

1.12 Expérience: caractàre changeant et mult!Ele

Une foi~ admis le fait que l'expérience est à la base

même de la connaissance du "moi", il convient de s'interroger sur l' int~rêt de ses"données, dans les Pensées de Pascal.

Que nous apprend donc l'expérience, sur l' homme:?

\

Est-elle en mesure de nous \renseigner sur la nature humaine?

Les existentialistes nous ont accoutumé à refuser toute

méthode de pensée qui partirait d'une prétendue nature humaine, stable et identique en tods les hommes, origine et norme de

'~

leurs pensées1et de leurs actions. Pour eux, l'existence

pré-càde l'essence: c'est ce que proclame, en tout premier lieu~

J .P. Sartre:

L'existentialisme tient, au contraire, que chez l'homme, et chez l'homme seul. l'exis-tence pr6càde l'essence. Cela signifie

tout simplement què l' homme est d'abord, et

qu'ensuite il est ceci ou cela. 5

En oona4quenee, la seule méthode valable n'est pas de

déduire ce qu'est l'homme d'apr~s ce qu'ii devrait1ltre, mais

de le décrire a PQ8teriori,

-

dtapr~s'la somme des ph'n~n ••

....

émerg6s à la consciençe. Cela revient l r4duire "l'existant l

la série des apparitions qui le manifestent.' •• L~atr. d'un

~i.-tant é~i.-tant précisément ce qu'il parait ••• _6 1

-'

.,

, l

(23)

; a

! '

· 15/

Pascal a pressenti la justesse d'une telle méthode, en

l'appliquant effectivement dans les Pensées: Le texte des

Pensées nous livr~ deux aspects fondamentaux d'une 'perception

..

existentialiste de l'expérience humaine: son caractère

insta-ble et mobile; sa mUltiplicité.

Pascal est visiblement frappé et trouplé, par une

réa-..

lité pourtant bien simple et que chacUn de nous peut aisément

constater: la personne humaine est un être en perpétuelle

mouvance. Ce "moi", terrain-où geJ:me l'expérience, seul miroir

où se reflète pour moi la totalité de~ choses, a ceci de

parti-culier: il est sujet à changer continuellement de forme.

,]

Comment l'image qui s'y refl~te pourrait-elle jouir d'une

cer-\

taine consistance?

A lire superficiellement les lignes des Pensées

consa-crées à ce chang$ment. il semblerait que cela arrange bien les

\

choses et console Pascal:

Le temps guérit les 'douleurs et les que-relles, parve qu'on chanqe, on n'est plus

la même personne. Ni l'offensant, ni

l'offensé/ne sont plus eux-memes. C'est

comme un peuple qu'on a ofIens6 et qu'on

reverrait après deux gênérations. Ce sont "

~

encore des Français, mais non les marnes. (P. 122)

,

Que l'on ne s'y trompe pas 1

Il se oache, derri~re cette apparente .érênité, une

sorte d'épouvante contenue. Epouvante de sentir se di8soudre,

(24)

1

r'

!, , ' , '

,

j':",': ,: b'~,", 16

en un perpét1a~l changement, le "moi" dont un des éléments

carac-téristiques essentiels est l'affectivité. Or, les sentiments eux-mêmes perdent tout support et sont en perpétuelle mouvance:

1

Il n'aime plus cette personne qu'il

aimai t il Y a dix ans. J,e crois bien: :

elle n'est plus la m~e, ni lui non plus:

Il était jeune et elle aussi: elle est

tout autre. Il l'ai~rait peut-~tre

.'

,.

encore, telle qu'elle était alors. (P. 123)

La conscien~e globale du "moi" n'est donc plus un

~

tissu cohérent où tout s'ordonne autour d'une chaIne ferme: la

mémoire, ce ciment provisoipe et fragile, me révèle, à travers

la série de phéno~nes qui a nom exp4rience, une altération

continue: rien de l'e~rience passée ne peut servir de pierre

d'assise à l'e~rience future. "panta reL •• Tout coule". La

nature sensible, expression de l'instinct de vivre, frissonne

et tressaille dans ses profondeurs. C'est le fameux cri déjl

cité: ",C'est une choae horribl~ de sentir s'écouler tout ce

qu'on possàde." (P. 212) 1

L'angoisse prend racine dans le vertige'. Ce vertige

"'de l' ~tre, emporté par le courant, qui cherche dea yeux~ un

appui stable où s' accrocher: mais tout tourne et. fuit l aea

yeux épouvantés.

Que-lque terme 0\\

nous peneiona' noua

attacher et noua affer.mir. il branle

et noua quitte: et,

ai

n~

,

le

auivon.,

,

..

..

-u : .-

-

,

,~ _. • • t$ !. ,' .. ~ l ' . , ;. ~-: t;.

~

'. l ' , 1 1 1

(25)

,

...

<l 1. .•. 1 ., r

r

ni

~

il échappe ~ nos prisesi pdUs cJI.isse eu'

fuit dl une fuite éternelle. ('P. 72)

:Y

t Dans la suite' de ce texte est Pos6 le problème de la

contradiction entre une nature humaine stable et souveraine.

,

"

.

telle que rêvée par l'homme, et la réalité mouvante de son état;

et les

derni~res

lignes nous f6nt entrevoir le caractàre

spé-~ ~

'"

cifique de l'anqoissr pAscaliennel

4;J

une angoisse de l'entende-ment.

,

.

..

Rien ne s'arrête

pour

nous. C'est l'état

qui nous est naturel, et toutefois,

.!!.

plus contraire à notre inclination~ noua

brt\1.ons de tro~ver une assiette

fer

et .

une derni~re base constante pour y, fier

une tour qui s'élève à l'infini, m

8!!!!i

notre fondement cragpe, et la terre s'ouvre

jusqu'aux abîmes_ ,(P.

72).-'G 0 \

Car, selon PAscal,--mais. cela. ne provient pa. ct'une

théorie, c'est l'écho fid~le de son expérience inttme,--ce

,

dont l'homme a le plus bAoin, pour vivre ~t at,épanouir. c'est

de comprendre.

Or, pour caraprwetldr' .... il f.aut ~rr.et.r, etabiliser, d'une

part; il faut d'au~re part, ambra ••• r , c'eat-l-dire po.86der

une

capacit~

de vi.iori p1ûs tirande que "l'objet perçu.

Qu~

" ('

l' hoarane es t loin du ~ompte 1 Ce

..

QÛ.roir aux mil.l. facette.' en

perpétuel mouvement, sa conacienae. ne lui r i " l . du del

czut.une

toute!petite tranche: il ;; . li. ;-l:... "

,

'1 i 1 1 i , '1 1 • 1 , • J ,: " <,.~ • 'r ~~

(26)

\,

;

!: '

18

'0

Que fe~-t-il sinon d"apercevoiroo.oogpelQge apparence du mili.ü des choses, dans un désespoir éternel de connaltre ni leur

principe, ni leur fin? (P. 72)

û

Ainsi don~ l'un des ca~actères les plus inquiétants

'de la -conscience, c" est d" itre un ment, une riviè're qui jLécoule et

miroir e~rpé~~el

change-dont l'/au-n"est jamais la

,~ 1

même. Certaips autres textes des Pensées nous présentent les

données de la conscience sous un autre aspect particulièrement

inédit. Par ses intuitio~( qé~~ales, Pascal dépasse de

quel-ques .iècles la pensée de son temp~

Pour lui, l'acte de connaié.ance n"est jamais de mime

nature, puis~~con8isteoavant tout en une prise de ~ontact

expértmental. Or, rien, dan~ la nature, ne se rêpète. Pascal

est frappé par "l'unicité des Itres", autrement dit l"extr&ne diversitê qui règne dans la nature:

.'

La ~ons diversit' de voix, tous les mouchera, touasera, est~~i ample, que toue les

éternuers ...

on

distingue des fruits lee

"1-raisins, et entre eux tG)U8 le8

'.

~scat., 'et

.

puis Condrièu, et puis Desarques, et puis

cette ente..' Est-ce tout? en a-t-elle

jamais produ~t deux grappes pareille.? et

une grappe a-t-elle deux graina pareils? '(P. 114)

Mai. ai la ce~aance est une addition de refleta

(j

J

dl une rial:it' toute individualia'. et

.arqd.

par la 4iver,.iU

,?

\ , .

multiple dan~ un aireir lui ...

pn

ptu:»6tJ,lella mouvance,'

oa

"r

l'homme trouvera-t-il cette " ••• iette" dont 11 il betaoia pour

, , r ,

..

l..,\i, cC.::" \ L l , ~.~. ' , . ' " ... ':'f.À..:~ .... 'r ,f' J

(27)

'"

..

, ,

J

' "

r ~. 1 19

cqmprendre le monde èt se comprendre lui-mlme? Lui-même dont

le seul corps est formé d'un as,emblage de pi~ces, chacune

caractérisée par cette unique identité~ n'est-il pas à ses

yeux une épouvantabl~ énigme?

Enigme encore plus inextricable, si l'on songe,--tout comme les existentialistes contemporains--, que l'!tre humain, considéré sous l'angle du devenir, représente un nombre incal-culable de possibles.

Tout est un, tout est divers. Que de

natures en celles de l'hommel Que de

vacations 1 Et par quel hasard chacun prend d'ordinaire ce qu'il a oui

esti-merl (P. 116)

Il semble bien que Pascal ait été frappé--étonné--du

fait que l'homme lui-même ait l ae vouloir, l se créer, en

quelque sorte, selon ce qu'il est convenu d'appeler sa liberté: étonné surtout de constater sur quelles bases fra9il.. repose

la déter.mination de cette liberté:

Je m'effraie et je . ' étonne de me, voir- ici plutôt que là, car il n'y a point de raison

pourquoi ici plut~t que ll, pourquoi l

présent pl.tet que lors. (P. 205).

\i'

/.

Cette réaction affective est expliqdée par GAbriel

1

1

Marcel quand il écrit. "LI ~i.t.nce n'eet pa • • é'p~rable de r \.

l'

l'étonnement_N' Nous 'trOuvons une r6flexion

àembl&ble,~an. ~

, 1

texte de Maine de Biz;au 1 ."

c:::ommen

t ne pas Itre ramené au

-,

r

1"

• ",. ' . .J, _ M.> ,~ • . \1

(28)

• '. ~,.

20

mystère de sa propre existence par l'étonnement même qu'il cause à tOJ,.\t être pensant?"

POur Pascal, le mot étonner n'a pas perdu de sa

vigueur première: il évoque, un ébranlem~nt fondamental de

1

l'être qui ne peut que provoquer l'effroi et par sa répétition l'angoisse: l'angoisse d'exister •

1.13 Expérience: son contenu engagé et dialecti~e

Tout nous ramène à l'angoisse: kaléidoscope des

expé-rieriCes multiples, irrémédiablement écoulées, irréversibles, uniques, expériences qui révèlent, enfin, un moi sujét engagé

et dialectiq~e. Encore deux termes qui, appliqués

A

la

per-ception du moi chez Pascal~ rendent compte d'une réalité ~oute

voisine de la perception existentialiste.

Nous pénétrons avec ces considlrations dans~l'étrangeté

mystérieuse de la nature humaine. Nous touchons ~ un point de

la description de l'expérience oà nous ne nous étonnerons pas

1

d'~tre contraints d'avancer l!s assè!tions les plus

contradic-. ~

toires.

~

Ainsi en est-il pour les concepts fondamentaux et con-tradictoires de n libert' responsable" et de "situation" •

..

"L'homme 8e fait lui-mbe, l'homme doit se cr'er sa

a

J ) ' "

proprfl easence.... dit Sartre. Il rewntSique pour l' homme la

(29)

t-•

21

plus .entière liberté, celle d'un Dieu, proclamant son indépen-dance la plus absolue.

't

Je ne reviendrai pas sous ta loi: je suis

condamné à n'avoir d'autre loi que la

mienne. Car je suis un homme, Ju~iter~ et

chaque homme doit inventer son chémin.

Par contre Sartre affirme ailleurs l'implication de

l' homme dans son milieu historique, géographique:'

.~ocio-économique ...

L'homme n'est qu'ene situation •.. totalement conditionné par sa classe, son salaire, la

nature de son travail, conditionn~ jusqu'à

ses sentiments, jusqu'à ses pensées.lO

. - ,

Pour les existentialistes" le seul homme réel, ce'

n'est pas l~homme en général, la nature humaine, mais tel

homme précis, cet homme, individu conditionné, certes, mais

aussi auto-créateur. Cet homme est pris entre deux r6alit~s

qui l~ constituent: i l est .n9a~ et i l engage personnellement

son existence. Ce qui fait de son existertce une réalité

ambi-guê, une réalit6 dialectique.

Comment ne pas @tre surpris par une certaine parent'

entre ces concepts si r6cents et les vues exprim6es par~

Pascal?

Elles se résument en cet argument: cl.et parce que tout ...

homme est "embaxqu'" dan. le fait de l'existence, qu'il doit

"parier", ce qui pOUr pa.cal revient l dire, prendre parti,

, , .~ X.,~ .. !~~ ..

J

" i

(30)

. . .

s

...

~---~---~--~~·~'

--•

,

22

Il s' engager" . Cet argument parait à Pascal si évident, qu'il

s'~chauffe, s'indigne, se révolte contre celui qui, refusant

de voir en. face le "réel", gaspille sa vie dans le divertisse-ment tandis que le fleuve du temps l'entra1ne avec lui, quoi qu'il fasse.

Ce fameux argument du pari, ellpOs~ au fragment 233,

risque d'~tre mal compris. On peut n'y voir qu'un Pascal

,

raisonneur, s'efforçant d'enfermer son interlocuteur dans les

filets d'une implacable logique. En fait, il y a un peu de

oela, mais d'une façon différente. Pascal géomàtre se met au

service de Pascal homme, personnellement impliqué dans

l'expé-rience humaine. Or, ~ce service que le premier rend au deuxiàme

tient essentiellement en un argument "a ,contrario": toute

I09i~e s'avère impuissance et mime folid face au probl~e

uni-1

que de J.' existence humaine.

une

choae reste," qui ni est pas de

l'ordre de la raison, mais de 'l'ordre de Ite~rience: c'est

Notre

lme

est jetée dans le corps, où

elie trouve nombre, temps, dimensions.

IBlle raisonne les d ••• us, et appelle ~

cela nature, n'ce.ait"'1 et n~ peut

croire autre cho.e. (P.- 233)

Ce. de~ peti,te. phr~ •••• ont plein •• de substance ..

-Il Y a d' abord le fait brutal et d'teDlinant, "Notre Iaae est

jet'. dana le corpe .... tt Ce qui revient l

dire.

Iloua 801Be8

..

{ ~~. . , , , ~ , '-l ,

(31)

23

des êtres engagés. Ici, dans le sens d'impliqués dans une

situation précise, dans un temps historique, dans un espace

géographique. Il Y a ensuite que, de ce fait, dépendent nos

perceptions, nos gonts, nos désirs, nos conceptions, et même nos raisonnem~pts: nous sommes, comme l'on dit à présent, des

êtres "en situation". Il y a enfin la pré~arité même de cette

situation qui entraine une incapacité fondamentale pour

l' hormne de penser correctement le probl~e de son exis'tence,

\

car l'âme "jetée dans le corps" ne peut que "raisonner les dessus".

Ici intervient la méditation g60métrique de Pascal sur

les deux infinis, le fameux fragment 72, qui montre la dispro- 0

portion flagrante de l'homme vis-A-vis de l'univers: "Oue

l'homme contemple donc la nature entière ••• qu'est-ce qu'un

homme dans l'infini? •• " Or, dans -l"extrait 233, l'argument

du Pari, Pascal démontre que le "point imperceptible" que

nous sommes ne peut connattre de Dieu, ni ~a nature, ni

l'exis-tence. Il Nous sotnll\es donc incapables de conn al tre ni

?

qu' il

est, ni s'il est." (P. 233)

Si l'on s' en tbmt. l cette premii1'ti 'ta~ de sa

d'mon8-tration, on a l'impression que' Pascal a atteint'au fond du

plus noir pessimis... et nie l l' hoaIDe toute libertA vraie,

,

.

; , " " 'l 1 " ;, " 1

(32)

..

\,

..

...

: ...

24

puisque celui-ci est incapable de choisir en toute connaissance

, . &

de cause. N'est-ce pas une conception identique de la,liberté

que l'on peut trouver chez Sartre? L'homme n'est pas libre de

choisir ou de ne pas choisir. Il est dans Une situation telle

que ne pas choisir, c'est choisir de ne pas choisir. , Reste

encore,--et en cela réside la liberté--qu' il peut choisir entre

"croix" et "pile". Or i l est par lui-m~me strictement

incapa-... .. t

ble de déterminer lequel des deux corresportd à la v'rit'.

Alors. de deux choses l'une: ou il choisit au hasard, et

désormais s'en tient à ce choix, par fidélit' à soi-m~me: il

aura conscience d'avoir agi en toute liberté, d'oü le sentiment

de responsabilité et l'angoisse, puisqu'il se choisit et se construit dans le noir.

Ou bien, à la suite de Pascal, il raisonne comme up

joueur dans un jeu de hasard, se demandant l~elle des deux

i

options lui lais8e le maximum d& chances de gain avec le minimum

de risques de perte'.

Sa

1iDert6

n' ••

t pas eb80lument aveugle,

mais guidée par cet 'clairage ~i. quotque inauffiaant, est le

seul pratiquement po •• ible. Pascal, en fait, tr~~ende le

stade

d"

pe88imisM, par~' qu'il fait confiance" la rai8on, du

moine

pour

rtsoudre

un prôbl~ av.c~leqQel elle

.st

prQpOr~

tionn6'é.

l, •

(33)

a

....

-" !1f"'.! 25

Cependant, il Y a lieu de distinguer deux plans: celui

des conditions qui pr~sident à l'engagement humain et celui de

la solution proposée au problmne que cette "situation" pose à

l'homme.

Sur le plan de la solution proposée, Pascal en est

ré-duit à conseiller au 1ibertinqu'i1 sait joueur, d'utiliser, pour

le jeu tragique ~e l'existence, la mame méthode qu'il

emploie-rait à coup sOr au jeu de hasard. Ce qui ne fait que confirmer

avec évidence que, sur le plan des conditions de l'engagement, Pascal présente l'homme dans.la même situation que Sartre.

Celui-ci, d'ailleurs, aurait beau jeu de lui faire admettre que ce même raisonnement, pourtant si logique, qui lui fait choi.ir

croix plut~t que pile, n'est valable que pour lui-m@me, et non

pour le libertin.

Là auasi les déa sont pipés. Il entre nêcessairement

.

.

dans ce raisonnement des élément. de valeur qui font que le

problame se pose tout d.1fféreament., suivant l'option

incons-ciente que l'on a pris., non pas en vertu du raisonnement. maia

de ce que l'on e.t spi-mAma.

le8 jeux 'sont faits.nll

"Quand je d'lib~re, dit Sartr~,

I l n'~t pas interdi~ de penae~ que Pascal, avec la

lucidit6 qui carace6ria. Bon intuition fondamentale sur 1 ••

...,

.

~

.

• ,~ • ~." • • u • A··L·· ... ~.t:~ ~~~.>

.

, , .. ,~l l''; " l " .~ . ~"\~ , ' }

(34)

26

conditions concrètes de l'existence humaine, aurait admis les concepts de sartre sur la liberté et le choix.

Le choix de nos fins selon ce dernier est "libre". Il

se fait "sans point d'apPui.,,12 Il ne se fonde sur aucune

rai-son pour la bonne rairai-son que "toute rairai-son vient au monde par la liberté." 13

Reste encore qu'il faut choisir, qu'il faut parier,

c'est-à-dire, s'engager. Le problème demeure eri son entier

de savoir vers quelle direction engager tout son être.

Pro-blème d'importance, pui8que~ selon les existentialistes, de

l'option choisie sur le plan des fins dépend la création de

l'essence de l'homme. Comment, en définitive, se fait le choix

suprême, l'acte de volonté qui 80nne à

l"

attelage humain s'a

direction fondamentale?

C'est- sur ce pOint si tmportant que nous pourrons

affir-mer, en toute v6rité, des positions contradictoires. Non pas

seulement, parce que, pour se justifier, le "moi" se donne à

lui-m~e les raisons prêcisea qui correspondent à son choix

inconscient. Mai, surtout, -parce

que

le moi-sujet, qui est

conscience, .st .ssentiellement ambigu, autrement dit

dialec-tique. ',' , .. , .. \> "

.'

, '.-,', " , , '

(35)

~

,I! l

..J

27

IL-est vrai de dire que concràtement la tiberté qui préside au choix est déterminée par la situation, et que les

raisons émergent comme un épiphénomène. Mais il est aussi

vrai de dire que l'~tre humain, par sa raison critique, peut

l"

dominer sa situation et prendre un choix qUi le décode

complè'-tement par rapport à celle-ci. Et l'une et l'autre de ces

vérit~

se trouvent conjointement dans toute conscience humaine

et sont vécues à titre d'expérience.

Pascal ne pQuvait avoir de ce èara.c_t~re dialectique de

,la conscience une notion claire et complète: il en eut,

cependant,

l'intuit~~.

A la suite des pyrrhonniens, il

remarque, à juste titre, que, telle qu'elle paraIt véçue au

niveau des hommes~ la vérité est toute ~elative. Elle dépend

moins du raisonnement que de la créance. Or, celle-ci est gouvernée principalement par la volonté et par la coutume.

La vérité se présente donc e8sentiellement comme

sub-jective.

ce

n'est pae trahir paacal que

ae

rA8umer ainsi sa

pensée: nous parait vrai ca qua notre volon~ a choisi, ce vera

qupi elle s'est tournée:

,.

1

Il

Y

a une

diff'rance

universelle

et

esaen-tielle

entre 1..

llct10mt de

la

volonté

et,

tout.. 1.. aut~.. La volont' eet un des

principaux

organes

4. la

ar4ance, -non

qu'elle foz:ae la cr'ance. maia parce que

le8 choa..

aoot

vrai.. OU faus ..

,

selon

la face par oil on 1 •• 't~.rde. (P. 99)

..

.

..

, j'~

,,1": ' " ~!'" ~.f ."1_~ .. f~~~

(36)

), " .: ~1 i. -~ 1. ' :i;.'

.~

'\ 28

Mais cette volonté qui oriente la créance est-elle du

m~ins elle-m~me orientée par ce sens de la justice que tous les

~ hommes paraissent posséder comme une sorte d'instinct naturel?

,

C'est précisément à propos de "cette belle justice" que Pascal

s,e fait le plus ironique: ses traits sarcastiques évoquent par

avance ceux de celui qui se dira son pire ennemi, Voltaire. Mon ami, vous êtes de ce côté de la montagne:

il est donc juste que votre ainé ait tout. (P. 291)

-Pourquoi me tuez-vous? -Eh quoi! ne demeurez-vous pas de l'autre côté de l'eau? Mon ami, si vous demeuriez de ce cOté, ie serais un

assassin et cela serait injuste de vous tuer

de la sorte; mais puisque vous demeurez de

l'autre côté, je suis un brave, et cela est

j us te . (P. 293).

Ne devrait~il pas ~tre universellement admis qu'il est

suprêmement injuste de tuer un homme? Cette vérité ne

devrait-elle pas être si profondément ancrée dans le coeur de tout humain qu'elle éc1air3t suffisamment la conscience et présidat

\

.

~

à l'établissement des coutumes? Mais il n'en est pas ainsi.

,,1

Si l'on veut décrire objlctivament ce qui se passe dans la

réalité, on est pbligé d~ reconna1tre avec Pascal que ce n'est

"

pas la vérité qui fonde la coutume, mais que c'est la coutume

qui fonde la vérité.

Certainement s'il la connai •• ait, [la

justice], il n'aurait pas 'tâbli cette

maxime, la plus g6n'ral. de toutes celles

(37)

.,

, ' r~~

.

~~~.~; ~

..

29

qui sont parmi les hommes, que chacun suive

les moeurs de son pays. (P. 294)

Et Pasca.'l, de façon très lucide, précise jusqu'où va,

dans la réalit~ humaine, cette suprématie de la coutume qui,

seule, fait la justice et la vertu.

Le larcin, l'inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place parmi les

actions vertueusesl •.• Il y a sans doute des

lois naturelles; mais cette belle raison

corrompue a tout corrompu. Rien suivant la

seule raison n'est juste en soi; tout branle

avec le temps. LaUcoutume fait toute l'équité,

par cette seule raison qu'elle est reçue, . c'est le fondement mystique de son autorité.

(P. 294)

Arrivés à ce point de notre enquête, nous éprouvons la

nécessité de résumer les vues de Pascal concernant l'expérience, cette matière première de la connaissance.

-'

Conduit par son instinct logique et son sens de

l'ob-servation, il est entrainé de proche en proche en une spirale

descendante, lui, particulièrement assoiffé de certitude en cette recherche de la compr6hension de l'homme et de l'univers, vers l'âb1me sans fond de l'incapacité radicale de conna1tre.

Son "moi", seul livre authentique o~ s'inscrit son

,

destin, ne lui parait-il p_s comme tiss' d'e~rience8 multi-o

pIes, changeante., riwlatt'ices d' mle situation concr~te

p1J.

ce

mime "moi" 8e sent profond'ment engagé, mais par le fa'it mime

(38)

"

"

t

30

incapable de dominer cette situation, parce que orienté

pro-fondément par les courants tout-puissants de la coutume. Il

. "

semble qu'il faudrait à l'homme, conscient de ces données de

l'expérience, pour opérer un ~tablissement et pouvoir

maîtri-

,-ser la totalité de sa situation, un instrument très puissant, un outil de lumière particulièrement adapté.

(

l

1

1.2 Nature de l'outil de la connaissance:

la Raison et le COeur

Ainsi se pose le problème des instruments de la

connais-sance. Pascal nous amène à mesurer la valeur de ces deux

puissances de perception du réel qu'il nomme: la raison et le

coeur. Nous sommes donc conduits A êtudier quelles réalités il

o

met sous chacun de ces termes et quel rOle il leur attribue

dans la conqu~te de la vérité.

Ce faisant, nous constateronl que la perception pasca-lienne des puissances coqniti1Jes du "moi" procède non d'une

,1

.

.

'

analyse théorique et a priori, à partir d'une prétendue nature

'-~

humaine, mais d'une PEiae de co~science existentielle de ces

mimes

pui ••

ances dans

l.ur

acte de connaissance et dans

les

effets i.mm6Uats de cet acte. Le

signe

toujours priaent et

toujours

.Ur

de cette

pria.

de conscience personnelle est la

part d'affeCtivité (le cri du coeur) ~i accompagne

"

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