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Ressources en eaux souterraines: caractérisation pour une gestion durable en liaison avec l’aménagement du territoire

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Academic year: 2021

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(1)Ressources en eaux souterraines: caractérisation pour une gestion durable en liaison avec l’aménagement du territoire Prof. A. Dassargues 1 & 2 1. Hydrogéologie & Géologie de l'Environnement, Département GEOMAC, Université de Liège, Alain.Dassargues@ulg.ac.be http://www.hggeomac.ulg.ac.be 2 Hydrogeologie & Ingenieursgeologie, GeoInstituut, K.U.Leuven, Introduction Les eaux souterraines forment la partie cachée du cycle de l’eau. Elles tiennent une place essentielle dans ce cycle. Cependant, leurs caractéristiques restent incertaines et ne sont connues le plus souvent qu’en quelques points où des mesures ont été réalisées. Elles jouent un rôle très important pour l’homme et les écosystèmes. Elles contribuent à l’alimentation des sources et des cours d’eau, et cette contribution est particulièrement importante pendant l’été quand les composantes de surface deviennent négligeables. D’autre part, l’homme est de plus en plus demandeur d’une eau propre, d’une eau de boisson saine, mais aussi plus généralement d’eaux de surface et souterraines de bonne qualité, car elles font partie du patrimoine et doivent être préservées. La gestion des eaux souterraines doit intégrer aussi bien les aspects quantitatifs que qualitatifs. Les eaux souterraines peuvent séjourner très longtemps dans le sous-sol, de sorte que l’impact d’une pollution chimique ou d’une surexploitation peut mettre beaucoup de temps à se manifester et donc être légué aux générations futures. La gestion saine et la préservation des eaux souterraines constituent donc des facteurs de développement durable. Par contre, la surexploitation et la pollution des eaux souterraines engendrent souvent des déséquilibres écologiques pratiquement irréversibles. En Région Wallonne, plus de 80 % des prélèvements en eau potable ont pour origine les eaux souterraines. La mise en oeuvre des objectifs de bon état, fixés par la directive-cadre Eau (2000/60/CE) adoptée par le Parlement européen en décembre 2000, doit permettre l’établissement de plans de gestion de la ressource en eau visant à l’horizon 2015 : (1) une protection cohérente de toutes les eaux en Région wallonne et en Europe, aussi bien pour les eaux de surface que pour les eaux souterraines; (2) un bon état tant qualitatif que quantitatif pour les eaux souterraines. Elle demande non seulement d’atteindre le bon état des eaux souterraines en 2015 mais aussi de détecter et d’inverser toute tendance à la hausse, significative et durable de la concentration des polluants. On ignore trop souvent que les eaux souterraines des aquifères sont étroitement liées aux cours d'eau dont elles assurent les débits d’« étiages », donc la pérennité des écosystèmes aquatiques associés. Gérer les eaux souterraines vise tous ces objectifs: (1) de production, pour satisfaire les demandes en eau ; (2) de faisabilité d'occupation du sol et du sous-sol (aménagement du territoire) ; (3) de préservation de leurs qualités et de conservation des écosystèmes subordonnés. Cela implique une parfaite liaison entre connaissance (caractérisation des systèmes aquifères) et action (mesures de gestion et de protection). Caractériser la quantité d’eaux souterraines Le problème de la disponibilité durable d’eau douce est d’une importance capitale à l’échelle du globe. Précédemment, il était fait référence à la disponibilité pour l’exploitation (availability) – un concept défini uniquement par rapport aux besoins de l’homme impliquant l’éventuel épuisement progressif de la ressource. Actuellement, il est plutôt question de.

(2) durabilité ou d’exploitation durable (sustainability). Ce dernier concept, abondamment expliqué et commenté dans la littérature scientifique environnementale, implique que la consommation des eaux n’entraîne pas d’épuisement voire de disparition de la ressource : les besoins en eau de l’environnement naturel et des activités humaines doivent être équilibrés par les nouveaux apports. Cette « durabilité » (sustainability) des ressources en eaux douces doit pouvoir être quantifiée et cartographiée à toutes les échelles spatiales et cela sur base des processus physiques en jeu, qu’ils soient biologiques, géologiques, hydrologiques et atmosphériques. Plus simplement, les précipitations devraient être considérées comme la quantité d’eau disponible pour l’utilisation globale, non seulement humaine mais aussi par tous les écosystèmes. Les premières mesures de caractérisation quantitative des ressources en eau souterraine passent par l’établissement d’un bilan hydrologique. Les composantes de ce bilan en eau doivent donc être quantifiées à de multiples échelles spatiales et temporelles. Les points cruciaux sont donc les mesures et les calculs de l’infiltration (recharge) et des débits aux exutoires de bassins et sous-bassins (discharge). Sur une période de temps déterminée, pour pouvoir quantifier les éléments du bilan sur un bassin hydrologique (figure 1), on écrit : P + Qin = Q + EvT + Qout +/-∆Res avec Q le débit mesuré dans le cours d’eau à l’exutoire du bassin ; ∆Res les variations de réserves d’eau stockée dans le bassin; Qin la composante d’entrée d’eau souterraine dans le bassin; Qout la composante de sortie d’eau souterraine hors du bassin. Ce bilan est le plus souvent exprimé annuellement en « lame d’eau » (mm) répartie sur l’ensemble du bassin considéré. Bien qu’il s’agisse d’un terme général, les variations de réserves (∆Res) correspondent essentiellement à des variations de réserves d’eaux souterraines en fonction du temps (en l’absence d’infrastructure importante de retenue d’eau en surface). Les termes Qin et Qout sont trop souvent oubliés ou négligés par les hydrologues qui considèrent que les bassins hydrographiques correspondent aux bassins hydrogéologiques : ce n’est que rarement le cas. Les conditions géologiques combinées aux conditions topographiques peuvent influencer grandement ces flux. Par exemple, des études récentes ont pu déterminer que le bassin du Geer (Hesbaye), dont l’aquifère crayeux présente une continuité vers le Nord dans le Limbourg, « perd » par écoulement souterrain vers le Nord, l’équivalent de 60 à 80 mm d’eau par an : soit quasi 10 % du bilan global. Ces flux peuvent en outre être influencés par les activités humaines : des pompages intensifiés au nord de la Hesbaye ont récemment augmenté ce pourcentage qui n’était que de 3 à 5 % il y a quelques années (Dassargues et al., 1988 ; Dassargues et al., 1991)..

(3) Figure 1 : Termes du bilan exprimés par rapport à un bassin hydrologique. Les impacts des changements climatiques sur les réserves en eaux font actuellement l’objet d’évaluations. Celles-ci sont le plus souvent concentrées sur la composante superficielle de ces réserves et les quelques études menées dans le cadre des eaux souterraines, montrent des résultats variables selon les régions et les bassins étudiés. L'enjeu est pourtant d'importance puisque les eaux souterraines pèsent souvent lourd dans les politiques de distribution. Dans certaines zones, elles constituent même la seule et unique source d'eau potable. De plus, chaque type d'aquifère a des spécificités qui lui sont propres, à combiner avec le climat local. La variabilité possible des comportements met en évidence l'intérêt d'étudier, dans nos régions, les différents grands types d'aquifères face aux changements climatiques.. Figure 2 : Bloc-diagramme schématique de la nappe aquifère de Hesbaye montrant la continuité des craies au Nord du Geer (d’après Hallet, 2001)..

(4) Principalement en raison d’une augmentation attendue de l’évapotranspiration, et donc d’une diminution de la recharge vers la nappe, une baisse des niveaux piézométriques semble se dégager des différentes prévisions. Pour la Hesbaye (bassin du Geer), un modèle mathématique simulant les conditions hydrogéologiques en milieu crayeux (en liaison avec un modèle intégré du cycle de l’eau) a été développé (Brouyère et al., 2004). Il a notamment permis de tester plusieurs scénarios climatiques et d’analyser leur impact sur les eaux souterraines. Les conclusions vont également dans le sens d’une diminution des réserves et soulignent les risques de déficit en eau dans l’avenir. La problématique d'estimation de la recharge, déterminante dans l'examen des mouvements piézométriques, peut être abordée selon divers degrés de complexité : de simples relations linéaires, fonctions des précipitations et de la température, jusqu'à l'application de modèles simulant explicitement les processus dans la zone agronomique et la zone partiellement saturée du sous-sol, intégrant un certain nombre de paramètres inhérents au type de sol et au climat. D’autre part, la façon de représenter le bassin étudié, dans un modèle mathématique, est déterminante. Les mécanismes réels de fonctionnement d'un système hydrogéologique sont complexes et des hypothèses trop simplificatrices conduisent inévitablement à des imprécisions importantes, ce qui confèrerait une certaine incohérence à l'étude des impacts par rapport aux variations climatiques. Or, nombre d'études considèrent l'aquifère comme un simple réservoir dont les interactions avec les eaux de surface sont assimilées à des fonctions de transfert de type "black box", calibrées pour certaines plages de données. L'utilisation de ce type de modèle avec des données climatiques du futur, non comprises dans ces intervalles, offre peu de fiabilité. L'estimation de la recharge, du sol vers la nappe, est au centre du problème. Les méthodes d’estimation de l’infiltration traditionnellement utilisées reposent sur des approches bilantaires à forte connotation hydrologique, voire agronomique, à la surface du sol (précipitation – ruissellement – évapotranspiration – stock d'eau dans le sol …). Ces méthodes de calcul représentent assez bien le bilan global des composantes de surface, excepté peut-être pour l’évapotranspiration, mais elles ont la fâcheuse tendance à englober dans la composante souterraine (infiltration et recharge) l’ensemble des erreurs affectant chacun des termes du bilan, ceci avec pour objectif que le bilan global boucle au mieux. Les estimations de recharge des eaux souterraines calculées de la sorte sont donc peu précises, tant dans leur amplitude que dans leur distribution spatiale et temporelle. Les hydrogéologues développent des méthodes plus précises de quantification de la recharge basées sur des approches plus physiques. Ces méthodes peuvent consister à simuler de façon physiquement « significative » les processus d’écoulement dans la zone partiellement saturée ou à tout le moins en intégrant la recharge dans les valeurs à calibrer des modèles hydrogéologiques en utilisant les variations piézométriques mesurées comme références. L'enjeu est particulièrement important dans les milieux fissurés (craies, calcaires…) dont les aquifères constituent les sources principales d'approvisionnement en eau. La caractérisation des aquifères d’un point de vue quantitatif, doit fournir des données (les plus complètes possibles) relatives aux paramètres d’écoulement et cela à une échelle cohérente par rapport aux objectifs de l’étude (définition d’un « Elément de Volume Représentatif ») : la conductivité hydraulique K en m/s (ou la transmissivité en m2/s si l’intégration sur l’épaisseur saturée est réalisée) et le coefficient d’emmagasinement S. Ces valeurs peuvent notamment être estimées localement par des essais de pompages menés.

(5) soigneusement en régime permanent et en régime transitoire, avec des mesures simultanées dans des piézomètres situés à proximité. Des mesures indirectes par diagraphies, par suivi de l’évolution des caractéristiques physico-chimiques des eaux à l’aide de sondes d’acquisition automatique, et par des essais de traçage, permettent également après interprétation détaillée d’obtenir des estimations de ces paramètres. En résumé, et de façon générale, les modèles numériques physiquement significatifs, visant à simuler les écoulements souterrains d’un point de vue quantitatif dans la zone saturée des nappes aquifères demandent les données suivantes : - géométrie, géologie des différentes formations géologiques concernées par la zone afin de permettre une discrétisation spatiale adéquate du modèle ; - valeurs des paramètres de l’écoulement en milieu souterrain saturé : conductivités hydrauliques et coefficients d’emmagasinement (à ajuster durant la calibration ou résolution du modèle inverse) ; - valeurs de toutes les « sollicitations » appliquées au système et de leur variations temporelles : les débits ou flux pompés ou drainés, et les flux entrants (recharge, réinjections, etc.) éventuellement à ajuster par calibration (cfr ci-dessus) ; - valeurs « historiques » des hauteurs piézométriques et leur variations dans le temps en un maximum de points : données indispensables pour calibrer et valider le modèle. Caractérisation de la qualité des eaux souterraines Concernant les aspects qualitatifs des eaux souterraines, plusieurs aspects importants peuvent être abordés : - la caractérisation des eaux souterraines par rapport à un « bon » état chimique ; - la caractérisation des valeurs locales des paramètres hydrodynamiques et hydrodispersifs du milieu souterrain pour permettre des calculs et modélisations du transport de solutés ; - la détermination de façon rigoureuse et physiquement ‘significative’ de zones de préventions et la cartographie de la vulnérabilité des eaux souterraines. En ce qui concerne les critères d'évaluation du bon état chimique, conformément aux prescrits de la directive-cadre Eau, tout système d’évaluation de la qualité des eaux souterraines utilisé doit permettre de (Rentier et al., 2005) : • vérifier le respect des normes européennes existantes (nitrates et pesticides) ; • vérifier le respect des normes de potabilité sans traitement excessif de la ressource ; • vérifier les objectifs de qualité des écosystèmes de surface dépendants ; • mesurer les déviations par rapport à l’état naturel ou au bruit de fond ambiant. En outre, le système doit viser l’objectif ci-dessus le plus strict en vue de mesures de correction éventuelles et de réaliser une synthèse de la surveillance des eaux souterraines sous forme d’une conclusion (bon état ou état médiocre) pour chaque masse d’eau souterraine définie au sein d’un district hydrographique. Le système adopté par la Région wallonne (Delloye & Rentier, 2005), baptisé SEQESO, repose sur le SEQ-Eaux souterraines développé par les Agences de l’Eau françaises. A partir de l’examen des usages et autres fonctions de l’eau souterraine, en particulier le concept d’état patrimonial d’une eau, une échelle d’appréciation générale de la qualité a été mise au point. L’utilisation d’indices adimensionnels permet de traiter tous les paramètres sur le même pied en les regroupant sous forme d’altérations et, moyennant certaines règles d’agrégation, de qualifier l’état général de la masse d’eau à partir des données d’un réseau de stations de surveillance suffisamment représentatif (Rentier et al., 2006). Le diagnostic obtenu est étroitement lié aux objectifs fixés pour les eaux souterraines par la directive-cadre Eau..

(6) Les différentes sortes de polluants peuvent avoir des comportements hydrodynamiques variés dans les couches du sous-sol et les aquifères. Le polluant peut être totalement ou partiellement dissous dans l’eau souterraine. Dans ce dernier cas, le polluant peut former une phase plus légère (LNAPL) ou une phase plus lourde (DNAPL) que l’eau (figure 3) (NAPL = « Non Aquaous Phase Liquid » ; LNAPL = Lighter NAPL than water ; DNAPL = Denser NAPL than water). La répartition spatiale dans le sous-sol des « pools’ de polluants DNAPL ou des lentilles flottantes de polluants LNAPL, est d’autant plus complexe que le milieu est hétérogène (i.e. caractérisé par des variations spatiales de propriétés à toutes les échelles considérées). Comme ces zones de produit « pur » sont en contact avec l’eau souterraine en mouvement, une partie du produit peut continuer à se dissoudre dans l’eau souterraine. Ces « pools » ou « lentilles flottantes » de produit non aqueux sont donc considérés comme des « sources » permanentes de contamination pour la nappe aquifère, tant qu’elles n’ont pas disparu. La zone contaminée par le polluant dissous dans l’eau souterraine est régie par les processus de transport de « solutés » : advection, dispersion mécanique, diffusion, adsorption/désorption, dégradation, effet d’eau immobile. Le transport de « solutés » dans les eaux souterraines constitue le vecteur principal de répartition spatiale de contaminants dissous dans les nappes aquifères. Les paramètres de transport (propriétés hydrodispersives) du milieu souterrain peuvent être déterminés à une échelle cohérente par rapport aux objectifs de l’étude (définition d’un « Elément de Volume Représentatif ») : la porosité effective de transport ne, les dispersivités longitudinales et transversales (ainsi que de manière plus rare, les éventuels coefficients de partitionnement, constantes de dégradation et coefficient d’effet d’eau immobile), peuvent être estimées localement par des essais de traçages menés soigneusement avec injection de différents traceurs au comportement connu comme « idéal » (Brouyère et al., 2005). L’interprétation des « courbes de restitution » mesurées en un captage, puits de pompage, et/ou piézomètre permet l’estimation de ces paramètres. Surface du sol. Surface du sol. Zone partiellement saturée. Zone partiellement saturée Surface libre de l’aquifère. air - eau produit NAPL air - eau gaz de produit NAPL. eau - NAPL dissous. Eau. air - eau produit NAPL. Surface libre de l’aquifère. air - eau gaz du produit NAPL. eau + NAPL. eau - NAPL dissous. Eau. Direction de l’écoulement. Direction d’écoulement Zone saturée. Couche peu perméable. Zone saturée. Couche peu perméable. Figure 3 : Schémas simplifiés montrant l’évolution de contaminations par des produits LNAPL (à gauche) et DNAPL (à droite). Dans la réalité, la situation est immanquablement plus complexe à cause de l’hétérogénéité du sous-sol. Les modèles numériques physiquement significatifs, visant à simuler le transport de contaminants en milieu souterrain dans la zone saturée des nappes aquifères demandent les données suivantes (additionnelles par rapport au modèle d’écoulement qui est pré-requis) : - valeurs des paramètres de transport en milieu souterrain saturé : porosité effective, dispersivités (à ajuster durant la calibration ou résolution du modèle inverse) et.

(7) -. éventuellement coefficient de partitionnement, constante de dégradation, coefficient d’effet d’eau immobile ; valeurs de toutes les ‘sollicitations’ appliquées au système relatives aux contaminations et à leurs variations temporelles : les flux injectés et leur concentration en polluant ; valeurs ‘historiques’ des concentrations et leur variations dans le temps en un maximum de points : données indispensables pour calibrer et valider le modèle.. Par leur localisation dans le sous-sol, les eaux souterraines bénéficient d’une protection naturelle généralement efficace. Néanmoins, si une contamination se produit, il est difficile d’intervenir en vue de ramener la qualité de cette eau en conformité avec les normes de potabilité ou d’utilisation. Il est donc important d’essayer de prévenir tout risque de pollution de cette ressource. Il est tout aussi important d’évaluer l’impact potentiel d’une contamination qui n’aurait pu être empêchée, afin de pouvoir proposer des mesures de gestion adéquates. Une protection optimale des eaux souterraines comporte donc deux volets. Le volet préventif vise à minimiser le risque de contamination ou, à tout le moins, se donner le temps nécessaire pour intervenir. Dans beaucoup de pays, et notamment en Région wallonne, les moyens associés à cet aspect passent par la définition des zones de prévention. Ces dernières sont basées sur un critère de temps de transfert d’un polluant au sein de la zone saturée. Il faut remarquer qu’il s’agit d’une vision à relativement « court terme », s’intéressant uniquement à la protection des points de prélèvement (captages), pas à la ressource en eau souterraine dans son ensemble. De plus, par le fait qu’elles reposent sur un critère de temps de transfert, les zones de prévention ne sont pas adaptées au cas des pollutions diffuses pour lesquelles cette notion n’est pas clairement définie. Par ailleurs, on néglige dans l’estimation des temps de transfert l’impact possible de la zone partiellement saturée. Des études récentes ont pourtant montré que les temps de transfert dans cette zone pouvaient être non négligeables (Brouyère et al., 2003). La méthodologie suivie en Région wallonne pour la détermination rigoureuse des zones de prévention sur base des temps de transfert est remarquablement rigoureuse par rapport à ce qui est pratiqué dans les pays voisins. Cette méthodologie implique habituellement une étude détaillée comportant les étapes suivantes (Dassargues, 1994 ; Derouane & Dassargues, 1994 ; Derouane & Dassargues, 1998) : - géologie, géomorphologie, hydrologie de base ; - prospection géophysique pour détecter et cartographier l’hétérogénéité de la zone ; - forage de piézomètres et puits d'observation ; - pompages d'essai dans chaque forage et suivi piézométrique dans les autres ; - essais de traçage multi-traceur en conditions de pompage ; - premières interprétations analytiques de l’essai ; - construction d’un modèle écoulement-transport le modèle considérant l'hétérogénéité investigée ; - calibration du modèle d'écoulement (par rapport aux niveaux piézométriques mesurés) ; - calibration du modèle de transport de soluté (sur les courbes de restitution mesurées) ; - simulations et calculs des temps de transfert (dispersion comprise) pour différentes injections autour du point de captage ; - sur base des résultats des simulations, tracé des lignes isochrones correspondant respectivement à des temps d’arrivée au captage de 1 et 50 jours. On comprend aisément que les périmètres ainsi tracés n’ont rien à voir avec des zones concentriques (distances fixes) autour du captage considéré..

(8) A côté du volet préventif, il est intéressant et complémentaire d’identifier un volet protection naturelle (figure 4) (Popescu et al., 2004). Elle trouve son intérêt si la contamination ne peut être empêchée, par exemple, si elle est observée tardivement ou si les mesures de remédiation ne sont pas adaptées. Au cours de sa migration dans le milieu souterrain, généralement dans la zone non saturée d’abord, dans la zone saturée ensuite, le contaminant est soumis à une série de mécanismes et processus physiques, chimiques et biologiques qui conduisent à une atténuation naturelle plus ou moins importante. Selon les conditions hydrodynamiques, hydrodispersives et biochimiques qui y prévalent, le milieu souterrain possède donc un pouvoir « auto-épurateur » plus ou moins efficace, qu’il est très intéressant d’évaluer en parallèle à toute action préventive. Une des notions introduites suite à l’idée de protection naturelle qui peut être offerte par le milieu est celle de vulnérabilité des eaux souterraines. Le but étant de classer des zones géographiques en fonction de leur façon de réagir vis-à-vis d’une contamination potentielle.. Protection des eaux souterraines. Anthropique Prévention. Naturelle Réaction du m ilieu – Atténuation. Zones de prévention. Vulnérabilité. Figure 4 : La détermination des zones de prévention autour des captages et la cartographie de la vulnérabilité des eaux souterraines sont des activités contribuant de manière complémentaire à la protection des eaux souterraines (Popescu et al., 2004) Dans ce but, de nombreuses techniques ont été développées, en vue d’évaluer et de cartographier les propriétés du milieu souterrain, via la prise en considération d’un nombre plus ou moins important de facteurs susceptibles de diminuer ou aggraver le risque de contamination de l’eau souterraine (Gogu & Dassargues, 2000). Les plus utilisées sont les méthodes d’indexation et de pondération des facteurs. Différentes méthodes (DRASTIC, EPIK, SINTACS, GOD, ISIS, etc.) ont été appliquées en test sur le bassin du Néblon (Gogu et al., 2003). Ces méthodes sont relativement simples à appliquer. Cependant, elles souffrent d’un empirisme important, rendant toute comparaison impossible et fournissant des résultats (indices et classes de vulnérabilité) difficiles, voire impossibles à interpréter physiquement et à valider. Les résultats obtenus avec ces méthodes sont donc peu fiables et sans réelle utilité pratique. Le point de départ de ces problèmes est le manque de clarté de la définition du concept de vulnérabilité, et principalement l’absence de critères auxquels on peut se référer en vue d’évaluer la vulnérabilité du milieu souterrain. Il faut faire la distinction entre trois notions : la vulnérabilité intrinsèque, la vulnérabilité spécifique et le risque (figure 5). La vulnérabilité intrinsèque doit refléter la capacité du milieu à réduire naturellement toute contamination, indépendamment du type et de la quantité de contaminant, de ses propriétés, de la fonction d’entrée (pollution) et du risque d’occurrence (aléa). Son évaluation ne peut reposer que sur les caractéristiques géologiques, géographiques,.

(9) hydrologiques et hydrogéologiques du bassin étudié (Daly et al., 2002). La vulnérabilité spécifique ajoute à l’analyse précédente la prise en compte des interactions chimiques, physiques ou microbiologiques possibles entre le milieu souterrain et le contaminant (dégradation, sorption-désorption, …). De façon générale, le risque tient compte des scénarios possibles de pollution dans le bassin (distribution spatiale et temporelle du polluant: pollution ponctuelle ou diffuse, instantanée ou continue), de la probabilité d’occurrence des événements polluants et de l’ampleur des conséquences de cette pollution (Popescu et al., 2004).. Figure 5 : Le risque pour les eaux souterraines par rapport à une contamination éventuelle par un produit déterminé résulte de la combinaison entre la vulnérabilité spécifique (dépendant de la vulnérabilité intrinsèque du milieu et des propriétés spécifiques de ce contaminant) et la probabilité d’occurrence de cette contamination (aléa). Une nouvelle technique, reposant sur des critères objectifs et simples et sur des principes physiques gouvernant la mobilité de l’eau et des contaminants dans le sous-sol a été élaborée récemment par le groupe d’Hydrogéologie et Géologie de l’Environnement de l’Université de Liège pour compte de la Région wallonne (Popescu et al., 2004). Elle est basée sur des critères physiques, objectifs et quantifiables en vue d’évaluer le degré plus ou moins grand de vulnérabilité. Les critères sélectionnés reposent sur 3 questions très pratiques relatives au risque de pollution des eaux souterraines : (1) si une pollution risque de se produire, combien de temps mettra-elle pour arriver au récepteur ? (2) si elle l’atteint, quel sera le niveau potentiel de contamination et (3) combien de temps cette contamination sera-t-elle susceptible de durer ? Répondre à ces trois questions revient à définir trois critères : le temps de transfert, le niveau de concentration et la durée de la pollution (figure 6) (Brouyère et al., 2001)..

(10) Figure 6 : Les trois critères proposés (Brouyère et al., 2001) pour rendre la cartographie de la vulnérabilité intrinsèque des eaux souterraines moins empirique que précédemment. En pratique, la zone à cartographier est discrétisée dans le plan (x,y) en utilisant un maillage identique au MNT adopté pour la discrétisation de surface. Verticalement, la géologie est représentée par une série de couches depuis la surface jusqu’au sommet de la nappe aquifère : sol, sous-sol, formations non saturées. Chaque colonne est donc constituée d’autant de compartiments qu’il y a de lithologies successives suivant la verticale. Pour chacune des lithologies, une estimation des propriétés hydrodynamiques et hydrodispersives nécessaires au calcul 1D du transport de soluté en zone partiellement saturée doit être faite. On procède de la sorte pour les différents compartiments d’une même colonne et on calcule le transport à travers l’ensemble des compartiments (utilisation d’un SIG couplé à un base de données hydrogéologiques, Gogu et al., 2001), en vue d’obtenir l’évolution calculée de la concentration au sommet de la nappe pour un « pulse » (injection instantanée) de polluant pénétrant dans le milieu souterrain depuis la surface du sol (figure 7).. Figure 7 : Schéma de calcul de la réponse (restitution de contaminant à la zone saturée) pour un ‘pulse’ d’injection à la surface, suite aux processus de transport dans la zone non saturée des différentes couches distinguées. Les informations tirées de la courbe d’évolution de concentration fournissent le temps de transfert, la durée et la concentration maximale. Ces critères peuvent ensuite être combinés et pondérés de façon totalement conventionnelle et locale (décision des spécialistes locaux) pour obtenir une carte « unique ». La méthode étant physiquement basée, elle demande la caractérisation des paramètres d’écoulement et de transport à une échelle relativement détaillée. Elle produit des résultats clairs, directement exploitables en pratique, contrairement aux autres méthodes qui ont été testées. Conclusion Les eaux souterraines forment un milieu encore mal connu, mais unique. Pour gérer les eaux souterraines de manière prévoyante et durable, il faut en améliorer leur suivi et leur connaissance afin de connaître les processus déterminant leur qualité et leur régime. Il s’agit donc bien d’améliorer la connaissance, regrouper l’information disponible, lutter efficacement contre les pollutions ponctuelles et diffuses, développer la planification de la gestion de l’eau sur les nappes les plus fragiles ou encore réorienter des prélèvements non prioritaires vers d’autres ressources que les nappes. Longtemps limitée à l'art d'implanter les forages et les captages, et à la prospection des productivités locales, la science des eaux souterraines a.

(11) beaucoup progressé. L'hydrogéologie moderne, par l'analyse, la compréhension et la modélisation des comportements et des sensibilités extrêmement variés des systèmes aquifères, permet de préciser et de guider non plus seulement leur exploitation mais aussi leur gestion et leur protection. Immanquablement les besoins en données relatifs à l’état quantitatif et qualitatif des nappes aquifères sont énormes. Il faut acquérir, affiner et synthétiser les connaissances géologiques et hydrogéologiques des aquifères pour pouvoir les gérer de façon optimum. Ces données constituent les bases et les informations nécessaires à la mise en conformité des actions régionales relatives à la gestion des ressources en eau souterraine, et à organiser les réseaux de surveillance de la quantité et de la qualité de ces eaux. Pour plus de détails sur l’état des nappes aquifères en Région wallonne, le lecteur consultera l’excellent site web de la DGRNE : http://environnement.wallonie.be/de/eso/atlas/ Bibliographie Brouyère, S., Carabin, G. and Dassargues, A., 2004, Climate change impacts on groundwater reserves: modelled deficits in a chalky aquifer, Geer basin, Belgium, Hydrogeology Journal, DOI 10.1007/s10040-003-0293-1, 12(2), pp.123-134. Brouyère, S., Carabin, G. and Dassargues, A., 2005, Influence of injection conditions on results and interpretation of field tracer experiments, Ground Water, 43(3), pp.389-400 Brouyère, S., Dassargues, A, and Hallet, V., 2003, Migration of contaminants through the unsaturated zone overlying the Hesbaye chalky aquifer in Belgium: a field investigation, Journal of Contaminant Hydrology, 72, pp.135-164. Brouyère S., Jeannin P.Y., Dassargues A., Goldscheider N., Popescu I.C., Sauter M., Vadillo I., Zwahlen F., 2001, Evaluation and validation of vulnerability concepts using a physically based approach, Proc. of the 7th Conf. on Limestone Hydrology and Fissured Media, J. Mudry & F. Zwahlen (Eds.), Sciences et Techniques de l’Environnement, Université de Franche-Comté, Mémoire n°13, pp. 67-72 Daly D., Dassargues A., Drew D., Dunne S., Goldscheider N., Neale S., Popescu C.I., Zwahlen F., 2002, Main concepts of the ‘European Approach’ for (karst) groundwater vulnerability assessment and mapping, Hydrogeology Journal, 10, pp.340-345. Dassargues, A., 1994, Applied methodology to delineate protection zones around pumping wells, Journal of Environmental Hydrology, IAEH, vol.2, n°2, pp.3-10. Dassargues, A., Lambert, J.M., Monjoie, A., Pierlot, A., 1991, Etude régionale par éléments finis d'une nappe libre située dans les craies du Crétacé en Belgique, Revue des Sciences de l'Eau, 4, pp. 39-63, Paris. Dassargues, A., Radu, J.P., Charlier, R., 1988, Finite elements modelling of a large water table aquifer in transient conditions, Advances in Water Resources, Vol. 11, n° 2, pp. 58-66. Delloye, F. & Rentier, C., 2005, Système d’évaluation de la qualité des eaux souterraines en Région wallonne, Tribune de l’Eau, n°631/5-632/6, pp. 3-10. Derouane, J. & Dassargues, A., 1994, Modélisation mathématique appliquée à la délimitation des zones de protection: cas du site de captage de Vivegnis (plaine alluviale de la Meuse, Belgique), Bulletin du Centre d'Hydrogéologie de l'Université de Neuchâtel, N°13, pp. 53-68. Derouane, J. & Dassargues, A., 1998, Delineation of groundwater protection zones based on tracer tests and transport modelling in alluvial sediments, Environmental Geology, 36 (1-2), pp. 27-36. Gogu R., Carabin G., Hallet V., Péters V. Dassargues A., 2001, GIS based hydrogeological databases and groundwater modelling, Hydrogeology Journal, 9, pp.555-569. Gogu R., Dassargues A., 2000, Current trends and future challenges in groundwater vulnerability assessment using overlay and index methods, Environmental Geology 39 (6): 549-559 Gogu, R., Hallet, V. & Dassargues, A., 2003, Comparison between aquifer vulnerability assessment techniques. Application to the Néblon river basin (Belgium), Environmental Geology, 44(8), pp. 881-892. Hallet V., 1999, Etude de la contamination de la nappe de Hesbaye par les nitrates: hydrogéologie, hydrochimie et modélisation mathématique des processus d’écoulement et de transport, ULg. Popescu, I.C., Dachy, M., Brouyère, S. et Dassargues, A., 2004, Tests d’une méthode de cartographie de la vulnérabilité intrinsèque applicable aux nappes aquifères de la Région Wallonne. Application à l’aquifère calcaire du Néblon., Rapport final convention RW-DGRNE. Rentier, C., Delloye, F. et Dassargues, A., 2005, Réseau de surveillance des masses d’eaux souterraines en Région wallonne, Tribune de l’Eau, n°631/5-632/6, pp. 11-21..

(12) Rentier, C., Delloye, F., Brouyère, S. and Dassargues, A., 2006, A framework for an optimised groundwater monitoring network and aggregated indicators, accepted in Environmental Geology..

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Figure

Figure 1 : Termes du bilan exprimés par rapport à un bassin hydrologique.
Figure 3 : Schémas simplifiés montrant l’évolution de contaminations par des produits  LNAPL (à gauche) et DNAPL (à droite)
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