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Les interventions en prévention des troubles musculosquelettiques par les équipes de santé au travail : une étude exploratoire

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Academic year: 2021

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LES INTERVENTIONS EN PREVENTION DES TROUBLES

MUSCULOSQUELETTIQUES PAR LES ÉQUIPES DE

SANTÉ AU TRAVAIL :

une étude exploratoire

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en relations industrielles

pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT DES RELATIONS INDUSTRIELLES FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2011

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« accro de toi je suis la seringue de poche

de l'amour junkie

accro de toi je vis pour retenir l'écume de l'amour junkie »

Comme je ne suis pas poète, je te remercie simplement de faire moi un homme heureux. Je t'aime.

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Les troubles musculosquelettiques (TMS) représentent plus du tiers de toutes les lésions indemnisées au Québec par la CSST depuis plusieurs années. Dans le cadre de l'article 59 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, les entreprises visées par règlement doivent avoir un programme de santé spécifique à un établissement. Depuis 2008, le risque TMS jusque là non pris en compte est évalué au même titre que les autres facteurs de risque.

Cette recherche qualitative vise à répondre à la question suivante : « quelles sont les pratiques d'intervention en prévention des TMS déployées par les équipes de santé au travail ? »

Les résultats indiquent qu'une grande partie des pratiques d'interventions en prévention des TMS par les ÉSAT sont relationnelles. Celles-ci doivent en effet bâtir une relation de confiance avec l'établissement, lui démontrer son utilité et les convaincre d'agir en prévention des TMS.

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Je tiens d'abord à remercier ma tendre épouse : Marie-Claude. Sans toi, jamais je ne serais retourné sur les bancs d'école, et encore moins débuté prochainement un doctorat. Je tiens aussi à remercier mes trois beaux enfants : Renaud, Éliott et Anna-Rose. C'est vous qui faites en sorte que tout ce travail en vaut la peine.

Merci également à ma directrice, Marie Bellemare, pour ses conseils, ses encouragements, sa disponibilité et ses critiques toujours à propos.

Plusieurs autres personnes m'ont aidé durant les deux ans et demi qu'ont duré ma maîtrise. Geneviève Baril-Gingras, en premier lieu, tout comme Fernande Lamonde, Manon Truchon, Sylvie Montreuil, René Lessard et les autres qui m'ont ponctuellement apporté leur soutien.

En plus des professeurs en relations industrielles, je souhaite aussi remercier le personnel administratif du département qui m'a permis de passer à travers les dédales administratifs de l'Université Laval. Merci donc à Diane Nadeau, Marie-Claude Hamel, Mireille Collaud-Wichlacz, Sophie-Anne Landry et Patrice Paquette.

De plus, de nombreux collègues de travail m'ont facilité la tâche par leurs conseils et discussions. Merci donc à Thouraya Khallel, Marie-Josée Godin, Jean-Philippe Paradis, Isabelle Feillou, Guillaume Caron, Marie-Josée Bisson, Audrey Pichette et les autres.

Merci aussi à la GàP pour toutes ses soirées à refaire le monde et, surtout, pour tous les campings, nuits et journées à simplement oublier grâce aux super kiks du chef.

Enfin, un merci tout spécial à Dieu, Créateur du ciel et de la terre. Merci de faire partie de ce que je suis, d'être présent au plus intime de moi-même et de me couvrir de tant de bontés.

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Résumé iii Avant-propos v Table des matières vii Liste des figures xi Liste des tableaux xiii INTRODUCTION 1 Chapitre 1. PROBLÉMATIQUE 3

1.1. Les TMS reliés au travail 3 1.1.1. Qu' est-ce qu' un trouble musculosquelettique relié

au travail ? 3 1.1.2. Ampleur du phénomène 4

1.1.3. Facteurs de risque connus 8 1.2. Les Équipes de santé au travail du réseau public de santé face

aux TMS 14 1.2.1. Cadre légal encadrant les ÉSAT 15

1.2.2. Offre de service des ÉSAT 18 1.2.3. La littérature sur les interventions des ÉSAT

en prévention des TMS 19

1.2.4. En conclusion 20 1.3.Deux modèles d'intervention en prévention 21

1.3.1. Le modèle de Denis étal. (2005) 21 1.3.2. Le modèle de l'INRS en France 23

1.4.Question de recherche 24 Chapitre 2. MODÈLE THÉORIQUE ET CADRE MÉTHODOLOGIQUE 27

2.1. Modèle théorique : le modèle de l'intervention externe de

Baril-Gingras, Bellemare et Brun (2004) 27 2.1.1. Régime de santé et sécurité : contenu et mise en œuvre 30

2.1.2. Intervenants et leurs organisations 30 2.1.3. Le contexte de l'établissement 32

2.1.4. Objet de l'intervention 35

2.1.5. L'intervention 35 2.1.6. Conclusion sur le modèle 39

2.2. Cadre méthodologique 39 2.3.Fiabilité et validité des données .42

2.4. Objectifs de recherche .43 Chapitre 3. MÉTHODOLOGIE 45

3.1. Recrutement des participants 45

3.2. Corpus de données 47 3.2.1. Recueil des données existantes 47

(8)

3.2.2. Entretiens semi-directifs 48 3.2.3. Entrevues « traces de l'activité ». 49

3.2.4. Observations 49 3.2.5. Analyse des données 50

3.2.6. Validations des résultats 51 3.2.7. Aperçu des données recueillies 52

Chapitre 4. RÉSULTATS 55 4.1. Le contexte d'une intervention en prévention des

TMS : l'élaboration du programme de santé spécifique

à un établissement 55 4.2. Avant la visite de l'établissement 56

4.2.1. Bilan lésionnel 57 4.2.2. L'ancien programme de santé spécifique

à l'établissement 59 4.2.3. Prendre contact avec l'établissement 59

4.2.4. Se rendre sur les lieux 63 4.3. La visite de l'établissement 65

4.3.1. La rencontre formelle 66 4.3.2. La visite des locaux 70 4.4. À la suite de la visite de l'établissement 72

4.4.1. Le programme de santé spécifique à un établissement 73

4.4.2. Séances d'informations 75 4.4.3. Suivi et soutien à la prise en charge 76

4.4.3.1. Le suivi 77 4.4.3.2. Le soutien à la prise en charge 78

4.5. Conclusion sur les résultats 81

Chapitre 5. DISCUSSION 83 5.1. Les pratiques d'intervention en prévention des TMS des

ÉSAT en regard du modèle de Baril-Gingras,

Bellemare et Brun (2004) 84 5.1.1. Objet de l'intervention 85

5.1.2. Intervention 85 5.1.3. Le régime de santé et sécurité : contenu et

mise en œuvre 90 5.1.4. Les intervenants et leurs organisations 95

5.1.5. Contexte de l'établissement 98 5.2. Synthèse de la discussion et principes d'intervention 102

5.3. Portée et limites de l'étude 105 5.3.1. La portée de l'étude 105 5.3.2. Les limites de l'étude 107 5.3.3. Retour sur les limites 110

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5.4. Conclusion sur la discussion 111

CONCLUSION 113 BIBLIOGRAPHIE 115

ANNEXE A : Groupes prioritaires 125 ANNEXE B : Offre de services dans les établissements

des groupes I, II et III 127 ANNEXE C : Guide d'entretiens semi-directifs 129

ANNEXE D : Livre de codes 133 ANNEXE E : Questionnaire « connaissances préalables » 135

ANNEXE F : Outil « perception du milieu » 143 ANNEXE G : Grille « repérage des postes ou fonctions à risque » 147

ANNEXE H : Exemple de PSSE 155 ANNEXE I : Maladies à déclarations obligatoires 167

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Figure 1 : Modèle de troubles musculosquelertiques

(Bellemare é t a l , 2002 : 3) 10 Figure 2 : Modèle du diagnostic ergonomique pour la prévention des TMS

(Bellemare é t a l , 2002 : 6) 13 Figure 3 : Modèle d'intervention en prévention des TMS

(Denis et a l , 2005 : 3) 22 Figure 4 : Modèle de l'intervention externe en prévention (Baril-Gingras,

Bellemare et Brun, 2004) 29 Figure 5 : Modèle de l'intervention externe en prévention adapté aux

pratiques d'intervention en prévention des TMS par les ÉSAT

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Tableau 1 : Résumé des données recueillies 54 Tableau 2 : Exemples de principes d'intervention 104

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Les troubles musculosquelertiques (TMS) représentent une des pathologies les plus importantes dans le monde du travail en occident. Seulement au Québec, ils sont responsables du tiers de toutes les lésions indemnisées, de tous les jours perdus et de toutes les sommes déboursées par la CSST. Il n'est donc pas étonnant que les équipes de santé au travail (ÉSAT) œuvrant dans le cadre de l'article 58 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) aient décidé d'en faire un de leur cheval de bataille. Ce mémoire de maîtrise s'intéresse donc aux pratiques d'interventions en prévention des TMS déployées par les équipes de santé au travail.

Ce mémoire est divisé en cinq chapitres différents. Dans le premier, notre problématique est exposée. Il est d'abord question des TMS reliés au travail. Plus spécifiquement, nous traitons de ce qu'est exactement un TMS, l'ampleur de ce phénomène et les facteurs de risque connus. Par la suite, les ÉSAT sont explicitées plus en profondeur, soit le cadre légal dans lequel elles évoluent de même que leur offre de service. La littérature à propos des interventions en prévention des TMS par les ÉSAT suit. Puis, deux modèles connus d'intervention en prévention sont exposés. Le chapitre est complété par notre question de recherche.

Le deuxième chapitre est constitué de notre modèle théorique et de notre cadre méthodologique. Le modèle de l'intervention externe de Baril-Gingras, Bellemare et Brun (2004) est analysé en profondeur dans un premier temps puisqu'il constitue notre modèle théorique et qu'il nous sert à analyser et à présenter nos données. Dans un second temps, le cadre méthodologique qui est le nôtre est détaillé. Nous discutons ensuite de la fiabilité et de la validité de nos données pour terminer ce chapitre avec nos objectifs de recherche.

Puis, le troisième chapitre décrit notre méthodologie. D'abord, comment nous avons recruté nos participants. Ensuite, quel est le corpus des données avec lequel nous avons travaillé.

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contexte d'une intervention en prévention des TMS, soit l'élaboration d'un programme de santé spécifique à un établissement. Cette élaboration se fait en trois étapes : avant la visite de l'établissement, la visite comme telle et les suites de cette visite. Une conclusion clôt ce chapitre.

Le cinquième chapitre présente notre discussion. Nous y faisons d'abord ressortir les éléments les plus significatifs de nos résultats en dégageant des principes d'intervention. Chacune des cases du modèle est alors reprise : l'objet de l'intervention, l'intervention à proprement parler, le régime de santé et sécurité au travail, les intervenants et leurs organisations et, enfin, le contexte de l'établissement. Par la suite, la portée et les limites de notre étude sont exposées.

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Ce premier chapitre présente notre objet de recherche, soit notre problématique, de même que les pratiques d'interventions en prévention des troubles musculosquelertiques (TMS) par les équipes de santé au travail (ÉSAT). Pour ce faire, nous allons d'abord définir plus en détail ce que sont les TMS reliés au travail et les différentes formes qu'ils peuvent prendre. Par la suite, nous allons nous concentrer sur l'ampleur du phénomène, en particulier au Québec. Les facteurs de risques reconnus dans la littérature par les spécialistes de la question seront ensuite détaillés. Puis, nous verrons comment le réseau de la Santé publique s'est mobilisé autour de cette question, notamment à travers le mandat confié aux ÉSAT. Enfin, notre question de recherche sera posée, à savoir « quelles sont les pratiques d'intervention en prévention des troubles musculosquelettiques déployées par les équipes de santé au travail » ?

1.1. Les TMS reliés au travail

La première partie de la problématique portera sur la présentation de la pertinence sociale de notre sujet. Il faut d'abord comprendre ce qu'est un TMS, son ampleur dans le monde du travail québécois et les facteurs de risques avant de penser à faire de la prévention.

1.1.1. Qu 'est-ce qu 'un trouble musculosquelettique relié au travail ?

Anciennement connu sous le vocable « LATR - lésions attribuables au travail répétitif », les TMS reliés au travail sont plus généralement définis aujourd'hui comme des « atteintes causées par une sollicitation excessive des tissus musculo-squelettiques, c'est-à-dire des

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Plus spécifiquement, les tendons, les muscles, les ligaments ainsi que les nerfs, en particulier ceux situés dans les membres supérieurs, sont soumis « à une hypersollicitation d'origine professionnelle et plurifactorielle » (Caroly et al, 2009 : 1) et sont incapables de récupérer suffisamment (Amell et Kumar, 2002 : 255; Aptel et St-Vincent, 2008 : 6; Baillargeon et Patry, 2003 : 17; Simoneau, St-Vincent et Chicoine, 1996 : 3). Ce sont donc principalement les tissus mous se trouvant à la périphérie des articulations qui sont affectés (Aptel, Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002 : 1181; Franchi, 1997 : 8; INRS, 2008).

Lorsqu'il est question des TMS du membre supérieur, ce sont alors les épaules, les coudes, les poignets et les mains qui sont particulièrement en cause (Franchi, 1997 : 8).

De plus, pour plusieurs spécialistes, l'expression « troubles musculosquelertiques » est plus une expression parapluie regroupant plusieurs pathologies (Aptel, Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002: 1181-1182). Parmi les plus connues faisant partie des TMS, nous retrouvons, notamment : les tendinites, les syndromes du tunnel carpien, les tenosynovites, le syndrome de Reyanud, les bursites ainsi que les hernies discales (Amell et Kumar, 2002 : 255; Baillargeon et Patry, 2003 : 18; Comeau, 2009 : 5).

1.1.2. Ampleur du phénomène

Les TMS reliés au travail constituent un problème majeur dans l'ensemble du monde dit industrialisé (Aptel, Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002 : 1183; Durand et a l , 2007 : 1), notamment en Europe, aux États-Unis, au Canada et, bien évidemment, au Québec (Lippel et Caron, 2004 : 235). À un point tel, en fait, que Y Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré la décennie 2000-2010 comme étant « The Bone and Joint Decade »

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celles impliquant un contact entre une personne et un objet ou encore une source d'énergie, dans les années 90 et des lésions en général d'ailleurs, les TMS sont plutôt en explosion depuis une vingtaine d'années (Aptel, Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002 : 1182; Pérusse, 2004:210-211).

Union européenne

Ainsi, dans Y Union européenne, on constate que les indemnisations sont à la hausse depuis quelques années (Douillet et Aptel, 2000: 4; Lapointe, 2008). En France, plus spécifiquement, les TMS représentaient, en 1991, 26 % des maladies professionnelles reconnues et 53 % en 1994 (Franchi, 1997 : 4). Ils sont aujourd'hui responsables des deux tiers des maladies professionnelles reconnues et « sont considérés comme la cause principale de demande de soin, de handicap et d'absentéisme au travail » en plus d'engendrer des coûts variant entre 13 et 20 milliards d'euros2 par année (Aptel,

Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002 : 1181-1182).

États-Unis

Aux États-Unis, uniquement au niveau des maux de dos qui ne sont pourtant qu'un type de TMS, il se dépense entre 40 à 50 milliards de dollars par année (Mainville, 2004 : 8; Soucy, 2004 : 2). En somme, ce type de pathologie a été responsable en 2005 de 30 % des absences au travail (Perreault et a l , 2008; Premji, Messing et Lippel, 2008 : 174) alors que la durée médiane de ces absences était de neuf jours (Perreault et al., 2008).

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Au Canada, déjà en 1999, dans la seule province de l'Alberta, 35 440 incidents reliés aux TMS avaient été rapportés et avaient nécessité une absence du travail (Amell et Kumar, 2001 : 255). En Ontario, entre 1996 et 2004, les TMS ont représenté 42 % des demandes de prestations pour interruption de travail et des coûts associés, en plus d'être responsables de 50 % des jours de travail perdus (Conseil de la santé et de la sécurité au travail de l'Ontario, 2007 : 1). Somme toute, les TMS viennent au second rang, au Canada, de toutes les pathologies liées au travail en termes de coûts (Lapointe, 2008 : 1).

Québec

Au Québec, entre 1998 et 2007, il y a eu en moyenne 46 400 lésions musculosquelettiques acceptées par la CSST par année selon les dernières statistiques disponibles, avec une pointe en 2000 alors qu'il y en a eu 51 940 (Michel et a l , 2010 : 9), pour un montant atteignant les 500 millions de dollars annuellement (Aptel et St-Vincent, 2008 : 8; Comeau, 2009 : 5; Lapointe, 2008 : 1). En termes de pourcentage, en 1986, 30 % des lésions indemnisées par la CSST étaient des TMS (Lapointe, 2008 : 1). Entre 2000 et 2002, la CSST a indemnisé 113 000 lésions professionnelles en moyenne par année dont 38 % étaient des TMS, ce qui correspondait à 40 % des jours indemnisés et 36 % des sommes déboursées (Aptel et St-Vincent, 2008 : 8 ; Premji, Messing et Lippel, 2008 : 174). En 2004, les chiffres sont restés stables puisqu'encore une fois, 38 % des lésions totales étaient également des TMS (Perreault et al, 2008 : 1). De plus, la gravité des TMS semble en croissance ces dernières années puisque le nombre moyen de jours indemnisés pour une lésion est passé de 48.1 à 53.5 entre 2000 et 2003 (Durand et al, 2007 : 1). Ce type de pathologie représente donc la cause principale d'incapacité au travail dans la population québécoise (Delisle et a l , 2008 : 1; Stock et a l , 2005 : 1) et, ce, autant pour les absences de courte durée que de longue durée (Perreault et a l , 2008 : 1).

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que d'autres. Ainsi, le commerce, les services médicaux et sociaux et les autres services commerciaux et personnels sont davantage concernés par la problématique que les autres secteurs. Ces trois types d'activités économiques font partie des groupes prioritaires quatre, cinq et six. Rappelons que les entreprises au Québec sont classées en six groupes distincts, auxquels on a attribué une priorité croissante, en vertu de l'annexe A du règlement 20.1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) . Au total, 25 % des travailleurs québécois et 20 % des entreprises font partie des trois premiers groupes tandis que le reste appartient au trois derniers. De plus, seulement 15 % des femmes font partie des trois premiers groupes (Plante et Bhérer, 2006 : 19). En ce qui concerne la proportion des TMS par rapport aux groupes prioritaires, 32 % de toutes les lésions acceptées dans les groupes I à III sont des troubles musculosquelertiques alors que ces derniers représentent 39 % des lésions des secteurs IV à VI. Enfin, au total, 42 % de tous les TMS se retrouvent dans les trois premiers secteurs tandis que 58 % se produisent dans les trois derniers. (Michel et a l , 2010 : 10-13; Plante, Bhérer et Vézina, 2010 : 5)

Mentionnons également au passage que les données disponibles sont considérées généralement comme étant bien en deçà de la réalité (Bourgeois et a l , 2000 : 46 ; Premji, Messing et Lippel, 2008 : 174; Stock et a l , 2005: 1; Stock et a l , 2003). Duguay, Massicotte et Prud'homme expliquent cette sous-déclaration principalement de deux façons. Premièrement, le calcul des dénominateurs inclut plusieurs travailleurs autonomes alors que ceux-ci ne sont généralement pas couverts par la CSST. Deuxièmement, la CSST ne comptabilise que les lésions déclarées et non les lésions survenues au travail. En somme, les données disponibles sous-estiment donc la réalité (Duguay, Massicotte et Prud'homme, 2008 : 10-11) et, ce, de façon encore plus fragrante dans les petites entreprises (Bourgeois et a l , 2000 : 46). Une autre explication à cette sous-déclaration tient au fait que les employeurs recourent de plus en plus à l'assignation temporaire qui fait en sorte que les lésions n'apparaitront pas dans les statistiques de la CSST (Baril-Gingras et a l , 2010d : 2).

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Comme on le constate, non seulement les TMS engendrent des coûts économiques importants pour la société québécoise, mais ils apportent également leur lot de conséquences humaines. En effet, même s'il s'agit d'un sujet peu étudié par la littérature scientifique comparativement aux coûts plus directs ou économiques (Schulte, 2005), les personnes souffrant d'un TMS, en particulier celles qui sont affectées par une incapacité permanente, voient leur vie radicalement changer à la suite de leur pathologie. Ainsi, les victimes d'un TMS éprouvent de la souffrance physique et mentale (Aptel et St-Vincent, 2008; Bultmann et a l , 2007; Dembe, 2001; Schulte, 2005; Truchon et a l , 2007), voient leur qualité de vie considérablement réduite (Dembe, 2001; Durand et a l , 2008; Truchon et a l , 2007) et se retrouvent avec des difficultés pour accomplir les tâches domestiques quotidiennes (Dembe, 2001; Keogh et al, 2000; Mainville, 2004; Schulte, 2005). De plus, ces travailleurs ont souvent de la difficulté à faire reconnaître le lien entre leur lésion et le travail, et donc à se faire indemniser par la CSST et éventuellement à réintégrer le marché du travail (Aptel et St-Vincent, 2008; Baril et a l , 1994; Durand et a l , 2008; Nachemson, 1999; Schulte, 2005). Enfin, au-delà de ces conséquences centrées sur l'individu, c'est l'ensemble du réseau social qui est affecté (Amell et Kumar, 2002; Berthelette et Baril, 2002; Denis et al, 2005; Keogh et al, 2000; Schulte, 2005; Truchon et a l , 2007).

1.1.3. Facteurs de risque connus

D'emblée, nous croyons à propos de définir ce qu'est un facteur de risque. Ainsi, nous pouvons affirmer que « les facteurs de risque sont des conditions présentes dans le milieu de travail pouvant être impliquées dans l'apparition d'un problème de santé. » (Baillargeon et Patry, 2003 : 39) Ceux-ci peuvent être directement responsables de l'apparition d'une pathologie, en être le déclencheur ou simplement créer des conditions propices à sa survenue (Simoneau, St-Vincent et Chicoine, 1996 : 14).

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l'apparition des problèmes musculosquelettiques est présupposé d'emblée. En effet, le lien entre le travail et les TMS est connu depuis fort longtemps. En fait, déjà au 18eme siècle, un

médecin italien, Bernardini Ramazzini, avait mis en relation certaines pathologies musculosquelettiques avec des activités de travail chez des commis et des écrivains, comme le fait de rester constamment assis, de répéter les mêmes mouvements avec la main de même que l'attention et la minutie de l'esprit exigée (Aptel, Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002 : 1182; Sluiter, Rest et Frings-Dresen, 2001 : 3). Nous ne croyons donc pas à propos ici de devoir refaire cette démonstration.

Tel qu'indiqué à la figure 1, un trouble musculosquelettique peut apparaître à la suite de l'exposition à un ou à plusieurs facteurs de risque en fonction de certains déterminants. En effet, les TMS sont considérés comme étant multifactoriels, c'est-à-dire qu'ils peuvent avoir pour origine de nombreux facteurs de risques. Plus encore, ces facteurs s'influencent les uns les autres (Baillargeon et Patry, 2002 : 39) et leur combinaison fait souvent augmenter de façon importante les risques (Bourgeois et al, 2000 : 29). Enfin, ils sont difficiles à saisir du fait que leur origine est souvent inconnue (Lapointe, 2008 : 2; Simoneau, St-Vincent et Chicoine, 1996 : 3; Soucy, 2004 : 3) et qu'il faut généralement s'en remettre à des symptômes auto-rapportés (Lapointe, 2008 : 4).

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Figure 1 - Modèle de troubles musculosquelettiques

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(Tiré de : Bellemare et a l , 2002 : 3)

Facteurs de risque

On peut ainsi classer les divers facteurs de risque en plusieurs catégories. Le nombre de ces catégories varie, en fait, selon les sources utilisées. Dans le cadre de ce mémoire, nous allons en développer sommairement quatre, soit les facteurs biomécaniques, les facteurs physiques, les facteurs environnementaux (ceux-ci sont parfois amalgamés aux facteurs physiques) et les facteurs psychosociaux. Encore une fois, la littérature concernant ces

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facteurs de risques est abondante et nous jugeons qu'il n'est pas pertinent de trop s'y attarder.

Les facteurs biomécaniques sont sans doute les plus reconnus par la littérature. Il s'agit des postures contraignantes, des efforts et de la force exercée, du travail musculaire statique. Ces facteurs de risques seront d'ailleurs plus ou moins dommageables selon l'intensité, la fréquence et la durée de l'exposition (Simoneau, St-Vincent et Chicoine, 1996).

Au niveau physique, il faut considérer en particulier les pressions subies par les tissus mous et les vibrations (Baillargeon et Patry, 2002 : 47). Pour les premiers risques, c'est la pression prolongée exercée par un objet dur qui est en cause, notamment les outils. Pour le second type de risque physique, on parle en particulier du syndrome de Reyanud provoqué par des vibrations intenses. Il ne faut toutefois pas oublier non plus les coups et les impacts (Baillargeon et Patry, 2002 : 47).

En ce qui concerne les facteurs environnementaux, il est surtout question des ambiances froides (Baillargeon et Patry, 2002 : 47).

On ne peut passer sous silence non plus les facteurs psychosociaux. Plus les recherches progressent, plus les indices pointent vers le rôle déterminant de ce type de risques (Bernard et a l , 1997 : 7-1). Les modèles les plus connus sont bien évidemment le modèle de Karasek qui met en cause la latitude décisionnelle, la demande psychologique et le soutien social ainsi que le modèle d'efforts-reconnaissance de Siegrist (Aublet-Cuvelier, 2006; Cail et Aptel, 2006 : 236-238; Lapointe, 2008 : 11-15).

D'ailleurs, il est intéressant de noter que les facteurs psychosociaux ont été reconnus par la Commission des lésions professionnelles dans un jugement portant sur l'entreprise Métro-Richelieu Inc. en 2009 par la juge Marie Beaudoin. En effet, cette dernière s'est basée pour cela sur le témoignage d'une ergonome et inspectrice à la CSST : Madame Guylaine Poulin. Ce témoignage a été approuvé « sans hésitation » (CLP, 2009 : 187) autant par l'ergonome

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expert de l'employeur que par l'ergonome expert du syndicat. En somme, les préparateurs de Métro sont soumis à une forte demande psychologique et ont peu de latitude décisionnelle du fait du système de commandes vocales Vocollect. Ils n'ont également que peu de reconnaissance du fait que l'employeur ne remarque leur travail que lorsqu'ils ne remplissent pas les quotas exigés. Cette reconnaissance des facteurs psychosociaux par la CLP (et non plus seulement par la communauté scientifique) pourrait donc devenir un levier pour les préventionnistes.

Déterminants

L'ensemble de ces facteurs de risque résultent de la présence de certains déterminants techniques, organisationnels et humains. On parle donc ici notamment des outils, des processus de production, des horaires de travail, des cycles de travail, des compétences et de la formation des travailleurs (Bellemare et a l , 2002 : 3). Également, les nouvelles formes d'organisation du travail, tel que le juste-à-temps et le flux tendu, sont souvent pointées du doigt de plus en plus fréquemment comme étant à la source de ces déterminants (Aublet-Cuvelier, 2006; Bourgeois et a l , 2000: 29; Cail et Aptel, 2006: 254). Ces déterminants sont autant de cibles d'intervention à viser pour diminuer les facteurs de risque.

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Figure 2 - Modèle du diagnostic ergonomique pour la prévention des TMS

V

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O b j e t de a c f c i m t i M HCTCURSDCMSQUt Postens P«pe<«K>e-diiee V i n t b e l P i e ; c ■; n è c i a q a u M l h c h * i p e <ko»c»»

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Bien sûr, certains facteurs individuels vont également jouer dans l'apparition des TMS. Tous, en effet, ne sont pas égaux devant cette pathologie. Certains déterminants tels que l'âge, le sexe ou l'état de santé peuvent avoir une influence dans le développement de la maladie (Franchi, 1997 : 12). Ainsi, les femmes sont généralement considérées comme

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étant plus à risque que les hommes en matière de prévalence des TMS. En fait, si les études en arrivent à corréler le genre et la pathologie, la relation causale n'est par contre pas établie. Ainsi, le fait de travailler avec des outils non-adaptés à leur morphologie, le type de fonction qu'elles occupent, le fait d'avoir une double tâche, donc moins de temps de récupération, semblent plus en cause que le fait d'être une femme en tant que tel (Aptel, Aublet-Cuvelier et Cnockaert, 2002 : 1184-85; Malchaire et al, 2001 : 86; Roquelaure et a l , 2009 : 1432). En fait, une fois les facteurs professionnels pris en compte, le genre apparaît moins important que les autres types de facteurs (Baillargeon et Patry, 2002 : 50-51).

De l'inconfort à la maladie

Les TMS vont ainsi se développer graduellement. Des inconforts vont apparaître dans un premier temps mais ceux-ci vont disparaître à la fin de l'activité de travail. Puis, les malaises vont perdurer de plus en plus longtemps, même une fois le travail terminé. La douleur peut alors aller jusqu'à perturber le sommeil de la personne atteinte, voire être permanente. Si rien n'est fait, la situation risque de se terminer par un arrêt de travail (Simoneau, St-Vincent et Chicoine, 1996 : 3).

1.2. Les équipes de santé au travail du réseau public de santé face

aux TMS

Au Québec, les entreprises et les organismes publics sont préoccupés par les TMS (Bellemare et a l , 2001 : 471), notamment le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à travers les équipes de santé au travail (ÉSAT), la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), l'Institut de Recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du

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travail (IRSST), Y Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et encore plusieurs Associations sectorielles paritaires (ASP) (Aptel et St-Vincent, 2008 : 8; Comeau, 2009 : 5). Pour bien comprendre comment cette préoccupation se traduit sur le terrain pour les ÉSAT, nous allons d'abord traiter du cadre légal dans lequel évolue ces équipes de santé au travail. Par la suite, nous expliciterons leur offre de service aux entreprises. Puis, nous ferons le tour de la littérature concernant les interventions en prévention des TMS par ces mêmes équipes de santé au travail. Enfin, une brève conclusion clôturera cette sous-section.

1.2.1. Cadre légal encadrant les ÉSAT

Les ÉSAT évoluent dans le cadre de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Nous allons donc parler ici de cette Loi et des obligations des employeurs s'y rattachant, des effectifs sur le terrain œuvrant dans le cadre de cette Loi et, enfin, de l'inclusion des TMS parmi les facteurs de risque à considérer par les équipes de santé.

La LSST

Les ÉSAT interviennent dans les établissements notamment pour les aider à se prendre en charge au niveau des TMS en vertu de l'article 58 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). De fait, les employeurs faisant partie d'une catégorie visée par règlement ont l'obligation d'élaborer un programme de prévention et de le mettre en application. Comme nous le disions plus tôt, les entreprises ont été séparées en six groupes prioritaires et seulement les trois premiers sont pour l'instant visés par ce règlement. Le programme de prévention doit comprendre, notamment, un programme de santé spécifique à un établissement (PSSE), selon l'article 59. Il doit également être élaboré par un médecin responsable et être soumis pour approbation au comité de santé et sécurité (CSS) de

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l'établissement s'il y en a un (LSST: 112). Le contenu du programme de santé est explicité à l'article 113 de la LSST. On y retrouve, entre autres : les mesures d'identification des risques, les activités d'information et de formation sur ces risques et les activités de prévention assumées par l'employeur (LSST : 113 ; Stock et a l , 2005 : 11). En plus de ces PSSE, les ÉSAT encadrent également l'organisation des premiers secours et des premiers soins (PSPS) dans les établissements, de même que le programme « Pour une maternité sans danger (PMSD) ».

Les effectifs sur le terrain

Concrètement, ce sont donc environ 700 intervenants qui œuvrent au sein du réseau de la santé publique en santé au travail, incluant des médecins, des infirmières et infirmières-cliniciennes, des techniciens en hygiène du travail, des hygiénistes du travail, des agents administratifs, des ergonomes, des agents de recherche et plusieurs autres corps de métier (CSST, 2010; Girard, 2008). À l'exception des médecins, les intervenants sont subventionnés par la CSST à travers des contrats de service octroyés au MSSS qui précisent le cadre d'intervention du réseau en vertu d'une entente conclue entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et de la CSST (Massé et Gilbert, 2003 : 67). Par contre, si le MSSS coordonne le programme de santé au travail à l'échelle du Québec, il n'exerce pas une relation hiérarchique. Les médecins, pour leur part, sont payés à la vacation par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Celle-ci est remboursée par la suite toujours par la CSST (CSST, 2009 : 12-13). Régionalement, la coordination est assurée par les directeurs de santé publique au sein des Agences de la santé et des services sociaux qui sont au nombre de 18. Localement, ce sont les ÉSAT qui élaborent et mettent en application les PSSE, de même d'ailleurs que le programme « Pour une maternité sans danger ». Ils ont aussi des obligations en vertu du « Règlement sur les examens de santé pulmonaire des travailleurs des mines ». (CSST, 2010; Girard, 2008)

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II est à noter que les budgets et les effectifs en santé au travail sont sensiblement les mêmes depuis 1985. De plus, le nombre de médecins du travail est passé d'une centaine, selon ce qui était prévu lors de l'implantation de la LSST, à environ 65 équivalent temps complet en 2010, ce qui équivaut à un médecin pour 11 000 travailleurs dans les groupes prioritaires I à III (Plante et Bhérer, 2006 : 16). Durant cette même année 2010, il y avait également à peu près 80 postes de professionnels en santé au travail qui sont vacants faute de budget pour les combler (Plante, Bhérer et Vézina, 2010 : 6).

L 'inclusion des TMS parmi les facteurs de risque à considérer

En 2005, un rapport a donné les principales orientations à prendre par le réseau de la santé publique en matière de prévention des TMS (Stock et a l , 2005). Il y était recommandé de prendre en compte les facteurs de risque de façon plus systématique que ce qui était fait jusqu'alors (Girard, 2008). En fait, les auteurs de ce rapport estimaient que « la

problématique des TMS devrait être intégrée dans la programmation des PSSE et devrait être considérée de la même façon que les autres agresseurs et les autres risques à la santé. » (Stock et a l , 2005 : 11) Une démarche de prévention en quatre étapes y était également élaborée et devait être mise en œuvre par les ÉSAT dans un délai raisonnable (Stock et a l , 2005 : 15).

À la suite de ces recommandations, la Table de concertation nationale en santé au travail (TCNSAT) a pris la décision d'effectivement considérer les TMS au même titre que les autres facteurs de risque. Cette décision a ensuite été entérinée par les directeurs de Santé publique.

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1.2.2. Offre de service des ÉSAT

Concrètement, les ÉSAT proposent aux établissements des groupes prioritaires un, deux et trois une offre de services en quatre étapes (voir ANNEXE B). Elle est composée de l'évaluation sommaire, de séances d'information, du soutien à la prise en charge des risques ainsi que du suivi des résultats (Comeau, 2009). Plus spécifiquement, lors de la première de ces étapes, les ÉSAT doivent recenser les lésions ayant touché l'établissement dans les dernières années, évaluer la perception du milieu sur les postes particulièrement à risques de développer des TMS et documenter l'ensemble des risques pour la santé présents dans l'entreprise. Par la suite, lors des séances d'information, les équipes présentent les résultats de cette évaluation sommaire au comité de santé et sécurité et à l'employeur, en plus d'informer les travailleurs sur les facteurs de risques identifiés et les moyens de prévention. La troisième étape consiste à soutenir le milieu de travail dans la prise en charge du risque, que ce soit au moyen d'interventions ergonomiques plus poussées dans le cas des TMS ou encore par le suivi du plan d'action de l'établissement. Enfin, dans le quatrième volet de l'offre de services, les ÉSAT doivent s'assurer que les actions ont effectivement été menées et que les facteurs de risque sont jugulés. Pour l'instant, en ce qui a trait aux TMS, les équipes sont tenues de réaliser les deux premières étapes soit l'évaluation des risques et les séances d'information (Stock et a l , 2005).

Suite à la décision de la TCNSAT et des directeurs de Santé publique d'évaluer dorénavant plus systématiquement les risques de TMS, alors qu'auparavant les TMS n'étaient pas ciblé de façon particulière, certains intervenants en santé au travail du réseau public ont commencé à être formés à la prévention des troubles musculosquelettiques à partir de 2007 par des ergonomes et autres spécialistes de la question (Gilbert, 2008). Ceux-ci devaient ensuite retourner dans leur région pour former les différentes ÉSAT (Comeau, 2009 : 5). Ce sont donc d'abord des « formateurs » qui ont été formés avant que l'ensemble des membres des ÉSAT ne le soient également. Ces formations, d'une durée de 2 jours portaient, et portent toujours aujourd'hui, sur l'ampleur de la problématique des TMS, sur les facteurs de risques et, principalement, sur l'évaluation des risques à partir d'outils comme le « Quick exposure check » (QEC) ou les « check-list » du Washington Industrial Safety and

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Health Act, plus connu sous l'appellation « WISHA », ou encore sur d'autres grilles d'évaluation créées et adoptées par les membres du réseau, comme l'outil « perception du milieu » par exemple (Comeau, 2009).

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1.2.3. La littérature sur les interventions des ESAT en prévention des TMS

Jusqu'à maintenant, les interventions en prévention des TMS par les équipes de santé au travail ont été peu étudiées dans la littérature. Une évaluation qualitative de l'appropriation par les ÉSAT de la Capitale-Nationale de l'évaluation sommaire et des séances d'information a été effectuée dix mois après le lancement des nouvelles directives sur les TMS (Comeau, 2009). Cette recherche a été menée principalement au moyen d'entrevues de groupes. En plus des membres des équipes, quatre gestionnaires faisant partie de la structure régionale de la santé au travail ont également été rencontrés en entretien individuel. L'étude tend à démontrer que la plupart des intervenants sont bien engagés dans l'appropriation de cette offre de service et des outils qui l'accompagnent même si peu d'interventions, en particulier au niveau des séances d'information, avaient alors été réalisées. De plus, les membres des ÉSAT semblent ambivalents sur la gravité de la situation dans leurs entreprises. Certains considèrent que le bilan lésionnel est somme toute moins alarmant que ce que les études suggèrent alors que d'autres considèrent qu'il y a effectivement un problème et qu'il faut intervenir. La perception des gestionnaires allaient plus dans ce dernier sens. En ce qui a trait au partage des tâches, les équipes n'avaient pas systématisé la façon de fonctionner concernant les TMS. Selon les équipes et selon les étapes à réaliser, des acteurs différents sont impliqués. Concernant les outils proposés lors des formations, les professionnels semblent satisfaits de leur utilisation. Enfin, presque tous, dans l'étude de Comeau, apparaissent considérer l'outil de perception du milieu comme un maillon essentiel de la démarche d'intervention : si le milieu considère que le risque de TMS est faible, il devient difficile d'intervenir en prévention. Au contraire, si les représentants des travailleurs et de l'employeur de l'établissement pensent qu'il y a un problème, c'est une condition gagnante pour la prise en charge du milieu.

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Par ailleurs, un article récent de Del Vecchio et Jean (2010) porte sur une démarche en prévention des TMS par une équipe de santé au travail en collaboration avec un ergonome. Il ne s'agit plus alors de l'appropriation de l'offre de service mais plutôt d'une démarche de soutien à la prise en charge d'un milieu de travail. En effet, une demande de service avait été effectuée par un établissement du secteur forestier auprès du Service de santé au travail d'un Centre de santé et de services sociaux de Charlevoix à la suite de malaises musculosquelettiques ressentis par plusieurs travailleurs. L'intervention a été réalisée en trois temps. Au départ, l'équipe de santé, appuyée par un ergonome, en collaboration avec le CSS de l'établissement a reformulé la demande, c'est-à-dire qu'elle a précisé la problématique. En second lieu, une collecte de données a été effectuée afin de connaître les causes réelles des malaises. Enfin, une rencontre de type résolution de problème entre un membre de l'ÉSAT, l'ergonome et le CSS a eu lieu. Ainsi, après avoir fait un retour sur ce qu'est un TMS de même que les facteurs de risque identifiés dans la littérature, et des causes spécifiques des TMS dans l'établissement, ils ont tenté collectivement de trouver des solutions avec une démarche de type brainstorming. Les solutions proposées ont par la suite été évaluées selon certains critères : la faisabilité, l'efficacité et le coût. Un échéancier d'implantation avec des responsables désignés a été établi pour les cinq solutions les mieux cotées.

1.2.4. En conclusion

En somme, les interventions en prévention des TMS par les ÉSAT sont encore récentes et peu de documentation est actuellement disponible à ce sujet. Les équipes de santé au travail ont commencé à être formées à partir de 2007 et offrent aux établissements de réaliser une évaluation sommaire, des séances d'information et le suivi et le soutien à la prise en charge puisqu'ultimement, selon la LSST, c'est l'employeur qui est responsable de la santé et de la sécurité de ses travailleurs.

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1.3. Deux modèles d'intervention en prévention

Ce relatif manque de connaissances sur les pratiques d'intervention en prévention des TMS fait écho à ce que d'autres auteurs affirment sur les écrits traitant des interventions en prévention des TMS. Ainsi, le contenu des interventions en prévention des TMS semble être un sujet encore mal connu. Si plusieurs études portent sur l'efficacité ou non des interventions, il manque encore de données qualitatives qui permettraient de bien comprendre le déroulement concret de celles-ci. En particulier, deux sujets ont été identifiés comme étant peu développés : la démarche d'intervention à proprement parler et les facteurs qui en influencent le déroulement (Baril-Gingras et a l , 2010a : 3; Denis et a l , 2005 : 2), même s'il est bien connu par ailleurs que le contexte d'un établissement a une grande influence sur le déroulement même des interventions et sur leur succès (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2006 : 10).

1.3.1. Le modèle de Denis et al. (2005)

En 2005, Denis et al a réalisé une recension des écrits sur les interventions en prévention des TMS. Lui et son équipe ont ainsi permis de mettre au jour un modèle d'intervention en prévention mis en œuvre par les préventionnistes depuis quelques années. Ce modèle comporte trois étapes : l'analyse préliminaire, le diagnostic et la recherche de solutions. Il est représenté schématiquement à la figure 3.

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Figure 3 Modèle d'intervention en prévention des TMS Problème de TMS

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Analy*« p rcKjnunairrs de la situation

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Diagnostic Description

du travail Évaluation du risque

Recherche des déterminants & R e c h e r c h e de solution et implantation (Tiré de Denis et a l , 2005 : 3)

La première étape consiste donc à identifier les problèmes de TMS dans le milieu de travail et à en évaluer l'ampleur, ainsi qu'à orienter éventuellement le recueil des données lors de l'étape suivante. La seconde étape de l'intervention est celle du diagnostic de la situation. On recherche donc les causes et les déterminants des problèmes précédemment identifiés en passant par l'étude de l'activité de travail. C'est réellement l'étape centrale de l'intervention. La troisième étape consiste, pour sa part, à identifier des solutions possibles, à en sélectionner certaines et à les implanter afin de réduire ou de supprimer le risque. (Denis e/fl/., 2005 : 8)

Si l'étude de Denis et al nous permet d'avoir un modèle théorique d'une intervention en prévention des TMS, elle nous indique aussi que la réalité rapportée par les études scientifiques est parfois différente de ce modèle. Ainsi, il semble que la démarche complète

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en trois étapes soit très peu utilisée dans les entreprises et que celles-ci préfèrent plutôt des démarches écourtées et ciblées. Certaines étapes sont donc occultées, en particulier celle du diagnostic dans le modèle traditionnel (Denis et a l , 2005 : 43). Un autre résultat intéressant de cette étude est le fait que la démarche complète est plus souvent déployée dans les secteurs industriels et d'assemblage que dans les autres secteurs. De même, les postes ont tendance à être fixes et à tâches cycliques. La démarche écourtée, pour sa part, se retrouve plus dans les postes à tâches variées et, ce, autant dans des environnements fixes que variables (Denis et a l , 2005 : 25).

1.3.2. Le modèle de l TNRS en F r a n c e

Par ailleurs, d'autres modèles de prévention des TMS, plus prescriptifs, existent également. En France, YInstitut national de recherche scientifique (INRS) a identifié deux phases majeures que devrait comporter un tel programme : le dépistage et l'intervention. Dans la première, il faut d'abord prendre acte du problème, savoir qu'il existe. Il est important ensuite d'identifier les facteurs de risque qui sont en cause. Cela peut se faire par des questionnaires qui seront remplis par les travailleurs afin d'identifier des activités de travail plus à risque que d'autres d'engendrer des TMS. La seconde phase, soit l'intervention à proprement parler, est plus complexe et nécessite la coopération entre tous les acteurs d'une organisation pour être efficace. Trois sous-étapes sont incluses dans celle-ci : mobiliser, investiguer et maîtriser. La mobilisation signifie mettre en marche l'ensemble des acteurs de l'entreprise vers un but commun. Les séances d'information peuvent permettre justement de mobiliser les acteurs autour du problème. L'investigation, pour sa part,

cherche à analyser en profondeur autant les activités de travail identifiées précédemment dans ses moindres détails que l'organisation du travail dans son ensemble. Dans cette phase, une analyse ergonomique de l'activité de travail réelle pourrait permettre de mieux comprendre les mécanismes à l'œuvre, autant au niveau des conditions personnelles et organisationnelles de réalisation du travail qu'au niveau des impacts sur les opérateurs et l'organisation. Durant la phase de maîtrise, enfin, les intervenants mettent en action les

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solutions et en assurent le suivi (Aptel, Cail et Aublet-Cuvelier, 2005; Catilina et Roure-Mariotti, 2002).

1.4. Question de recherche

Nous avons vu que les TMS constituent un problème majeur dans le monde du travail d'aujourd'hui. En effet, les TMS arrivent en tête de liste des maladies professionnelles et constituent plus du tiers de toutes les lésions professionnelles indemnisées, de tous les jours indemnisés et de toutes les sommes déboursées par la CSST au Québec. La situation est d'ailleurs semblable dans la plupart des pays occidentaux. De plus, ce sont des maladies qui affectent profondément les personnes atteintes ainsi que leur entourage. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient été ciblés par la plupart des organismes voués à la santé et à la sécurité des travailleurs, et notamment par les Directions de santé publique au Québec.

Si plusieurs modèles de prévention existent pour tenter d'enrayer ce phénomène, il manque par ailleurs de connaissances sur ce qui se passe effectivement sur le plancher des vaches. Est-ce que la réalité est toujours conforme aux modèles de prévention? Nous avons déjà une idée que non à travers l'étude de Denis et al. en 2005. À un niveau plus pratique, les interventions en prévention des TMS des équipes de santé au travail correspondent-t-elles aux différents modèles d'intervention ?

Nous pensons que l'ampleur du phénomène des TMS combiné à ce manque de connaissances de la pratique justifie d'étudier le travail réel des ÉSAT. Plus spécifiquement, nous allons nous poser la question suivante : « quelles sont les pratiques d'intervention en prévention des troubles musculosquelettiques déployées par les équipes de santé au travail ? » Nous chercherons en particulier à comprendre comment ces pratiques d'intervention se mettent en œuvre en tenant compte des obstacles et des facteurs facilitant.

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Pour étudier plus avant cette question, nous verrons dans le prochain chapitre l'approche théorique qui sera la nôtre ainsi que le modèle d'analyse qui sera utilisé afin d'aller extraire toute l'information pertinente de nos données.

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MÉTHODOLOGIQUE

Dans le chapitre précédent, nous avons vu que les interventions en prévention des TMS sont un sujet encore peu exploré malgré l'importance de ce phénomène autant au Québec que dans le reste du monde industrialisé. Dans cette seconde partie, nous allons nous concentrer sur notre modèle théorique ainsi que sur le cadre méthodologique qui, ensemble, nous permettront de répondre à notre question de recherche. Ainsi, nous expliquerons en premier lieu le modèle théorique qui fut le nôtre tout au long de cette recherche, soit le modèle de l'intervention externe de Baril-Gingras, Bellemare et Brun (2004). Ce modèle descriptif nous permettra de définir plus en profondeur ce que nous entendons par une intervention en prévention, concept central à notre étude. Ensuite, nous définirons plus exactement le cadre méthodologique que nous avons adopté. Puis, les mesures prises pour assurer la fiabilité et la validité de nos données seront également expliquées. Enfin, nos objectifs de recherches spécifiques clôtureront ce chapitre.

2.1. Modèle théorique : le modèle de l'intervention externe de

Baril-Gingras, Bellemare et Brun (2004)

Dans le cadre de notre question de recherche, à savoir « quelles sont les pratiques d'intervention en prévention des troubles musculosquelettiques déployées par les équipes de santé au travail ? », le concept d'intervention en prévention occupe une position centrale et mérite d'être mieux défini avant d'aller plus avant.

En effet, une intervention en prévention est un concept clé dans le domaine de la santé et sécurité en général et aussi en ergonomie. Pour les fins de notre mémoire, ce concept désignera « les différentes actions menées, les acteurs, ou le cas échéant, les groupes

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impliqués de même que les obstacles et les facteurs facilitants rencontrés ». (St-Vincent et a l , 2009 : 3) Tout comme dans l'étude de Baril-Gingras, Bellemare et Brun, nous ne nous intéressons donc pas tant aux résultats de l'intervention mais plutôt à son processus même, à sa « trajectoire s'inscrivant dans un contexte ou une trame ». (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004 : 14)

Ces trois auteurs ont justement développé un modèle en 2004 expliquant les différentes dimensions et composantes d'une intervention externe en prévention, que ce soit pour les TMS ou pour d'autres problèmes de santé au travail (voir figure 4). Ce modèle, donc, permet de mettre au jour les facteurs facilitants ou empêchants en lien avec les interventions externes en prévention de la santé et la sécurité au travail (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2006). De fait, le modèle propose que les interventions externes sont modulées, déterminées en quelque sorte, par le régime de santé et sécurité au travail (SST); par les caractéristiques structurelles, le degré de développement des activités de prévention ainsi que les relations et dispositions des acteurs où se déroule l'intervention; par les orientations et les ressources à la disposition de l'organisation et des intervenants; enfin, par l'objet même de cette intervention dans sa dimension technique et socio-organisationnelle. De plus, le déroulement de l'intervention va aussi avoir des conséquences sur le résultat final de celle-ci à travers le dispositif de participation, les objectifs poursuivis, les activités menées de même que les propositions de changements avancées. (Gingras et a l , 2009; Gingras, Bellemare et Brun, 2006; Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004).

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Figure 4 Modèle de l'intervention externe en prévention

RÉGIME DE SANTRÉ ET SÉCURITÉ : CONTENU ET MISE EN OEUVRE

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INTERVENANTSET LEURS CRGAN1SAT ION S

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(Tiré de : Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004)

Chacun des éléments de ce modèle seront repris et explicités plus spécifiquement ci-dessous.

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2.1.1. Régime de santé et sécurité : contenu et mise en œuvre

Au niveau du régime de SST, la loi et les règlements en vigueur, de même que leurs applications concrètes, vont influencer le déroulement d'une intervention en prévention. Ce sont donc des facteurs externes à l'intervention qui prescrivent le cadre de l'action de l'intervenant. En lien avec le contenu, il est question plus spécifiquement des lois sur la santé et la sécurité ainsi que les règlements s'y rattachant. Le contenu concerne également l'organisation de la prévention, les activités de prévention à accomplir pour un établissement de même que l'indemnisation en cas de lésions professionnelles. Par rapport à la mise en œuvre, il s'agit surtout de l'action concrète des intervenants sur le terrain au quotidien, notamment les inspecteurs de la CSST et les équipes de santé au travail (Baril-Gingras et a l , 2010a), de même que «les incitatifs financiers créés par le mode particulier de tarification par la CSST auquel l'établissement est soumis». (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004)

2.1.2. Les intervenants et leurs organisations

En ce qui concerne les intervenants à proprement parler et leurs organisations, ceux-ci ont également des caractéristiques qui leurs sont propres et qui influenceront la façon dont va se dérouler l'intervention. Autant pour les intervenants que pour les organisations, il faut distinguer entre les orientations et les ressources.

L'intervenant

En ce qui a trait aux intervenants, ceux-ci sont des « opérateurs » selon le terme usuel en ergonomie. Notons que ce terme d' « opérateur » n'est pas péjoratif pour nous et qu'il peut

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aussi bien faire référence à un professionnel qu'à un technicien. Les caractéristiques personnelles de celui-ci vont avoir un effet sur la façon de réaliser l'activité : l'intervention. En effet, un travailleur ne fait pas que suivre les directives et les prescriptions mais il adapte celles-ci en fonction de ses buts intériorisés. Selon ce qu'il est intrinsèquement, donc, l'activité pourra être radicalement différente de son collègue de travail œuvrant pourtant dans le même contexte (Guérin et a l , 2006 : 39-42).

L'opérateur a certaines orientations qui sont liées à son mandat spécifique. Il peut être légal, comme dans le cas des équipes de santé au travail, ou encore contractuel, un préventionniste privé engagé pour régler une problématique en santé au travail par exemple. Les orientations peuvent aussi provenir de la discipline particulière de l'intervenant, de son expérience personnelle ou encore de la place spécifique qu'il occupe dans son équipe de travail. Les orientations comprennent aussi les valeurs personnelles qui animent et motivent les opérateurs. (Baril-Gingras et al, 2010c : 37-39)

Ces derniers ont également accès à certaines ressources. Il s'agit alors principalement de leurs expériences antérieures et de leur formation qui, les deux ensemble, participent à la compétence des préventionnistes. Une autre dimension des ressources des intervenants concerne leur crédibilité. Chacun des opérateurs a une certaine réputation auprès des autres membres de son organisation mais aussi auprès des acteurs des différents établissements dans lesquels ils interviennent. Cette crédibilité va leur permettre d'intervenir plus ou moins efficacement en entreprise. (Baril-Gingras et a l , 2010c : 44)

L'organisation

Pour ce qui touche l'organisation, le modèle fait référence aux moyens mis à la disposition des opérateurs, à savoir le travail prescrit, l'organisation du travail, et plus largement les formations offertes, le temps de travail et les expertises disponibles pour les travailleurs.

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Les prescriptions de même que l'organisation du travail choisie découlent des orientations de l'organisation. Le contenu des tâches, les consignes de travail tout comme les normes quantitatives et qualitatives seront déterminés à partir de son mandat légal et du cadre dans lequel elle évolue. (Guérin et a l , 2006 : 32-34; Lamonde et Montreuil, 1995 : 699; Noulin, 1992 : 32-33; Rabardel et a l , 2007 : 33-38)

Pour réaliser ce mandat, l'organisation va également mettre à la disposition des opérateurs certaines ressources. De fait, les intervenants auront accès à des formations, à certains dispositifs matériels, par exemple des outils, des ordinateurs et certains logiciels, de même qu'à un certain environnement de travail, notamment des espaces de travail, des lieux de réunions et autres locaux. (Guérin et a l , 2006 : 32-34; Lamonde et Montreuil, 1995 : 699; Noulin, 1992 : 32-33; Rabardel étal, 2007 : 33-38)

Enfin, l'organisation a également certaines orientations qui vont influencer l'activité des intervenants. Celles-ci vont concerner la façon même d'intervenir en établissement et les conditions dans lesquelles les services seront offerts et également dans quel cadre les propositions de changements devront être effectuées. Par exemple, un organisme pourra favoriser plus particulièrement les solutions qui visent la prise en charge des milieux de travail, l'autonomie de ceux-ci ou encore les possibilités de transfert des connaissances. (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004 : 68-70)

2.1.3. Le contexte de l'établissement

En ce qui concerne le contexte de l'établissement, le modèle fait référence aux relations entre les acteurs, à leurs dispositions et capacités à agir, de même qu'aux caractéristiques structurelles de l'établissement. En effet, non seulement l'intervenant et son organisation ont une influence sur l'activité déployée, comme nous l'avons vu, mais le contexte

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particulier de l'établissement dans lequel se déroule l'intervention va aussi avoir un rôle à jouer dans son déroulement.

Les capacités et les dispositions des acteurs

En lien avec les capacités et les dispositions des acteurs à agir, le modèle emprunte ces concepts à Dawson et a l , en 1988, qui révèle que l'efficacité des interventions est « liée aux dispositions (willingness) et à la capacité (capacity) des entreprises à agir en prévention. » (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2006 : 11) Cette capacité à agir est elle-même influencée par des facteurs structurels et par des facteurs « liés aux régulations de la SST dans les rapports entre les acteurs. » (Ibid.) Les capacités peuvent être techniques ou politiques. Pour les premières, il s'agit de voir si les acteurs ont les ressources matérielles suffisantes pour agir de même que l'information suffisante. Concernant les secondes, le modèle fait plutôt référence à l'autonomie décisionnelle effective des acteurs et leur capacité à influencer les autres acteurs avec qui ils interagissent (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004 : 14-15). En ce qui a trait aux dispositions des acteurs, le modèle fait ici référence à la motivation des acteurs et à leurs antécédents. Ce sont les fameux facteurs prédisposant du modèle PRECEDE-PROCEED de Green et Kreuter élaboré en 1991. Les acteurs ne font pas que réagir à une intervention en prévention mais la jaugent en fonction des enjeux et des rapports sociaux au travail soulevés par cette intervention. (Baril-Gingras et a l , 2010b; Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2007 : 7; Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004: 19)

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Les caractéristiques structurelles

Les caractéristiques structurelles de l'établissement, pour leur part, font référence à la taille de l'entreprise et de l'établissement, au niveau des salaires, aux qualifications de la main-d'œuvre, à sa composition et à la stabilité ou non des emplois.

Les relations entre les acteurs

Enfin, pour ce qui touche les relations entre les acteurs, les auteurs du modèle soutiennent que les actions de prévention en santé et sécurité au travail sont soumises au processus de la régulation conjointe et qu'elles sont négociées entre les acteurs. Ainsi, ils reprennent à leur compte la théorie de Reynaud sur la dynamique des organisations. Il y a donc la régulation de contrôle qui correspond aux normes imposées de l'extérieur, par l'autorité (le travail prescrit). Il y a également la régulation autonome qui provient de l'intérieur de la personne ou d'un groupe de pairs en fonction des marges de manœuvre. L'ensemble des deux constitue la régulation conjointe pour Reynaud, ou la régulation effective dans le modèle de l'intervention externe. Il s'agit du compromis qui est fait par les acteurs entre les règles prescrites et la réalité du terrain. (Gingras, Bellemare et Brun, 2006 : 13; Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004 : 12-13) Toujours dans le modèle de la régulation sociale de Reynaud, cette régulation conjointe sera alors chaude, lorsque la confrontation est quasi permanente, ou froide, lorsque le compromis est institutionnalisé, selon le degré de consensus atteint entre les acteurs et les stratégies choisies. Si ces stratégies sont essentiellement individuelles, l'efficacité des interventions risque d'être limitée. Au contraire, si les stratégies sont plus collectives et tournées vers la prise en charge des risques et leur élimination à la source, les interventions ont alors plus de chance de produire un changement. Enfin, il faut également tenir compte des relations des acteurs autour de l'objet même de l'intervention. (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2006)

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2.1.4. Objet de l'intervention

L'objet de l'intervention fait référence, dans le modèle, au problème à résoudre. Dans le cadre de notre étude, le problème particulier est celui de la présence des TMS dans les entreprises québécoises. Il faut d'abord le définir techniquement. Quelles sont les causes immédiates des lésions musculosquelettiques identifiées dans un établissement ? Pour répondre à cette question, les intervenants devraient s'appuyer sur leurs connaissances du terrain et sur des outils reconnus. Généralement, les réponses vont tourner autour des facteurs de risques identifiés lors de la section 1, à savoir la répétition du geste, l'ampleur des mouvements, la force exercée, les postures adoptées, etc. (Baril-Gingras et a l , 2010c : 29-32)

Il faut ensuite définir le problème au niveau social et organisationnel. On cherche alors les causes plus fondamentales des TMS dans un établissement. On passe alors plus du côté des déterminants, notamment l'organisation du travail, les cadences, les outils mal entretenus, etc. L'intervenant doit aussi tenir compte des enjeux qui entourent la santé et sécurité dans un établissement. (Baril-Gingras et a l , 2010c : 29-32)

2.1.5. L'intervention

Une dernière dimension du modèle qui nous servira de guide est celle de l'intervention à proprement parler, soit la façon dont celle-ci est menée. Il s'agit donc de comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain lors d'une intervention. Nous en revenons ici à ce que nous évoquions lors de la problématique, à savoir que la plupart des études passent sous silence la façon dont les interventions en prévention se déroulent pour se concentrer sur les changements induits (Baril-Gingras et a l , 2009 : 3; Denis et a l , 2005 : 2). Le modèle développé par Baril-Gingras, Bellemare et Brun cherche, pour sa part, à comprendre la dynamique interne à l'intervention et ses modalités (Baril-Gingras et a l , 2009 : 15).

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Ces auteurs divisent cette dimension en quatre composantes : le dispositif de participation, les objectifs, les propositions de changement ainsi que les activités.

Dispositif de participation

En ce qui concerne le dispositif de l'intervention, il est question ici de la structure mise en place pour organiser les relations entre un intervenant et un établissement dans lequel prend place l'intervention. Cette structure peut être formelle ou encore informelle selon le cas. De plus, l'identité des acteurs qui accueillent les intervenants est aussi importante. De fait, le déroulement de l'intervention sera différent si les interlocuteurs des intervenants ont un pouvoir décisionnel ou non. (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2007 : 7)

Les objectifs de l'intervention

Le modèle de Baril-Gingras, Bellemare et Brun aborde également les objectifs de l'intervention et les propositions de changement dans la bulle « Intervention ». En fin de compte, qu'est-ce qui est proposé par l'équipe de santé ou par les acteurs de l'établissement pour changer les choses dans l'entreprise ? On cherche ici à comprendre comment ces propositions de changement sont formulées. (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2007 : 7-8)

Les propositions de changement

Le contenu de ces propositions de changement sera influencé par plusieurs catégories de facteurs. D'abord, la proposition cherche à transformer quoi exactement dans

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l'établissement? Selon l'objet sur lequel porte la proposition, le consensus sera plus facile à obtenir dans l'entreprise. C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit de donner de la formation aux travailleurs (Baril;-Gingras, Bellemare et Brun, 2004 : 125). Également, les enjeux soulevés par les propositions seront différents selon les contextes et selon la perception de la capacité à agir des acteurs. (Baril-Gingras, Bellemare et Brun, 2004 : 125-140)

Les activités

Enfin, au niveau des activités, le modèle fait référence au concept de l'activité réelle, concept particulièrement important en ergonomie. Il est possible de le définir, à l'image de Lamonde et Montreuil en 1995, comme étant « des stratégies cognitives, physiologiques, perceptives, sociales et psychiques mises en œuvre par eux [les opérateurs] pour réaliser, au mieux, le travail attendu, avec les moyens qui sont mis à leur disposition et avec lesquels ce travail doit être exécuté ». (Lamonde et Montreuil, 1995 : 698) Il faut donc se demander quels sont les comportements adoptés lors d'une l'intervention ? Qu'est-ce qui est communiqué entre les acteurs de l'établissement et l'équipe, et comment cette communication s'opère-t-elle ? Quels sont les raisonnements et les stratégies à l'œuvre ?

Selon cette définition, les opérateurs (dans notre cas, les membres des ÉSAT), confrontés à une situation singulière, vont s'écarter de la tâche prescrite et des prescriptions pour développer leurs propres manières de faire. Ces dernières vont dépendre de leurs propres objectifs, de leurs modes opératoires et de la représentation qu'ils se font de la tâche à réaliser (Lamonde et Montreuil, 1995 : 696; Rabardel et a l , 2007 : 27). Ce concept peut être à son tour décomposé en plusieurs composantes. Nous en avons retenu quatre.

La première composante est celle des comportements des opérateurs. Pour réaliser la tâche attendue et selon leurs propres objectifs, les travailleurs vont se dégager des marges de

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manœuvre et des façons de faire qui leurs sont propres (Darses et De Montmollin, 2006 : 48-52; Rabardel et a l , 2007 : 25-29).

La seconde composante est celle des communications. Pour réaliser un travail, les opérateurs communiquent entre eux de façon explicite ou implicite. Explicite lorsqu'ils s'échangent des paroles, des gestes significatifs; implicite quand c'est le simple fait de se savoir à telle position, à telle étape du processus qui est significatif. Ils s'échangent ainsi de l'information essentielle à la réalisation de l'activité (Guérin et al, 2006 : 101). Il faut dire également que cette communication peut être verbale ou non (Rabardel et al, 2007 : 27; Darses et De Montmollin, 2006 : 47-52).

La troisième composante est celle des mécanismes cognitifs. Les opérateurs posent des gestes, adoptent des postures, communiquent entre eux en fonction de certains buts qui sont intériorisés. Pour bien comprendre une activité, il ne s'agit donc pas simplement de l'observer mais aussi d'en comprendre la logique. Ainsi, certains indicateurs propres à cette dimension devront aussi être considérés : évaluation, raisonnement, représentations, résolution de problèmes. (Darses et De Montmollin, 2006 : 47-52; Rabardel et al, 2007 : 25-29)

Finalement, la dernière composante de l'activité réelle est constituée de l'affectivité. Si cette dernière a longtemps été perçue comme un polluant dans le travail, il n'en reste pas moins qu'elle joue un rôle actif dans la réalisation d'une activité de travail, en particulier lors de la prestation d'un service. (Darses et De Montmollin, 2006 : 47-52; Rabardel et al., 2007 : 27;).

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Figure 1 : Modèle de troubles musculosquelertiques
Figure 1 - Modèle de troubles musculosquelettiques  tr  f Kftctitnwt  ^ S L  V. phjvJopttbotogiqMi v'  FACTEURS DE RISQUE  Eflbn  lafcMoa-da  Vkraioca  ffOn
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Figure 3 Modèle d'intervention en prévention des TMS  Problème de TMS  Analy*« p rcKjnunairrs o  de la situation  J&gt;  Diagnostic  Description  du travail  Évaluation  du risque  Recherche des  déterminants  &amp;  R e c h e r c h e de solution  et impla
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