ARTheque - STEF - ENS Cachan | Apprendre à regarder le ciel en dessinant

APPRENDRE A REGARDER LE CIEL EN

DESSINANT

Une expérience d'Astronomie à l'Ecole

élémentaire

Franco LORENZONI Maison-Laboratoire de Cenci, Alelia, Italie

MOTS-CLES : Yeux, Ciel, Observation, Dessin, Compréhension.

RESUME : Si les enfants connaissent si peu le ciel, l'univers et les relations entre les astres, c'est qu'ils dorment en principe pendant la nuit, mais aussi parce que les adultes n'en savent pas beaucoup plus et leur en apprennent parfois très peu.

L'expérience retracée ici montre comment, à partir du dessin spontané d'un 'enfant qui décrivait ce qu'il avait vu dans le ciel, des stages pédagogiques d'observation astronomique peuvent faire comprendre la notion d'espace et de temps en termes d'heures, jours, saisons à de de très jeunes enfants déjà.

KEY-WORDS : EYES SKY OBSERVING DRAWING UNDERSTANDING SUMMARY : If children don't know much about the sky, uni verse and relations between stars, it may be simply because they're usually asleep during the night but also because adults don't know much more on the subject and therefore do not teach them a lot.

The experience recalled here shows how, inspired by a child's drawing done spontaneously after he had watched the sky, sonune training courses on astronomical observations have been given to very young children who easily leamafew notions about space and time in terms of hours, days, seasons.

APPRENDRE A REGARDER LE CIEL EN DESSINANT 1. INTRODUCTION

L'origine de cette brève narration provient d'une découverte enfantine inédite. C'était il y a 5 ans, dans l'école élémentaire de Giove, petit village d'Ombrie où j'enseigne. Un enfant était arrivé un jour en classe avec une feuille sur laquelle il avait dessiné un groupe d'étoiles. Il me l'avait montrée en me posant beaucoup de questions, auxquelles je ne répondis pas, trop intéressé de savoir pourquoi il avait utilisé la feuille de cette manière. "Pour t'expliquer ce que j'avais vu", m'avait-il répondu. L'idée de dessiner un regard qui interroge m'avait semblé extraordinaire, et pour tenter de trouver en groupe des réponses aux questions posées par Jean-Charles. j'avais

proposéàtous les élèves de répéter l'expérience première.

2. LES "FINESTRELLE ASTRONOMICUE", LES PETITES

FENETRES ASTRONOMIQUES

A partir de ce jour, la classe s'est peuplée de feuilles de toutes dimensions. Elles illustraient des fragments de ciel et des découvertes diverses. Les enfants furent ensuite

invités à prendre comme base matérielle de leurs dessins des petits cartons

rectangulaires allongés qu'ils appelèrent, comme leurs premières feuilles, "les petites fenêtres astronomiques".

Ce que je présente ici sont les développements issus de cette intuition enfantine qui transforma ma pratique éducative.

3. L'OnSERVATION SUR LE TERRAIN

Puisque le ciel se présente comme un espace vide, immense et indéterminé, nous avons besoins de points de référence pour observer ce qui s'y passe. La recherche

commence alors toujours àpartir de l'horizon, soit la ligne circulaire qui nous entoure

immanquablement quand nous sommes dehors, de préférence dans un lieu très dégagé. J'ai expérimenté qu'en classe de 2ème élémentaire, déjà, il est possible de faire reconnaître et tracer aux enfants la ligne d'horizon.

Etendus par terre, nous commençonsàregarder cette ligne, comme si elle était le cadre

d'un grand hublot retourné vers le haut. Nous pouvons dès lors observer le cosmos en sentant la planète terre, notre rotation et notre navigation dans l'espace.

Les enfant'>, après avoir évolué librement et observé l'horizon, se mettent en cercle en tournant le dos au centre. Ensuite, par groupe de deux ils reçoivent un petit carton pour dessiner une fraction de l'horizon en prenant soin de définir deux points de repère

qui serviront ensuite à les faire coïncider avec ceux des cartons des autres, pour

finalement composer le cercle total et irrégulier de l'horizon que les enfants reconnaissent bien visiblement. Les discussions qui suivent cette tâche sont très

animées et intéressantes et permettent à l'enseignant d'entrer en relation avec les différentes idées et représentations de l'espace qu'ont les enfants. En cas de doute quant à la juxtaposition des cartons, les enfants sont toujours arrivés, après confrontations entre diverses hypothèses, en examinant tous les cartonsà la verticale sur le plancher de la classe, à trouver la position exacte de tous les fragments d'horizon dessinés, pour les faire coïncider et constituer un cercle. Cette construction collective a aussi une grande valeur éducative au niveau symbolique, àtravers tout ce qui se joue au sens de l'émotivité, des rapports réciproques et du désir d'être accepté, et ce dans la relation construite par les enfants avec l'espace dans lequel ils vivent, depuis le premier jour d'école. Travailler à deux sur une seule feuille, entre autres, nécessite un échange constant sur l'organisation du dessin afin que les deux lignes d'horizon se rencontrent au centre de la feuille. Ils se familiarisent ainsi avec les proportions.

4. LA PERCEPTION SENSORIELLE DES FAITS SCIENTIFIQUES

J'ai observé que cette recherche collective"àla belle étoile" dans de grands espaces a facilité l'ouverture à la communication entre les enfants.

Les très nombreuses heures consacrées à l'observation directe sont un premier pas pour commencer à sentir la planète sur laquelle nous vivons, temps auquel il faut ajouter une journée entière en classe pour dessiner le contour du ciel.

Lier ces premières activités d'observation aux jeux du mouvement sur les six directions de l'espace et aux moments de créativité corporelle, dans laquelle la danse est associée à une décomposition musicale du temps, permet aux enfants d'élargir les bases pour comprendre le fil conducteur présent tout au long de notre recherche sur le ciel: la relation entre l'espace et le temps.

Si la transdisciplinarité ne se borne qu'à rechercher les ponts de rencontre entre les diverses branches scientifiques, il manquerait la vision des racines que chacun de nous construit avec l'espace et le temps, racines nées de notre activité perceptive et moteur, et de notre sensibilité, au sens le plus large.

L'école, en fait, qui prête tant d'attention àla mémorisation et au raisonnement des enfants, ne se soucie, à mon sens, pas suffisamment de l'éducation de la perception, fondement, pourtant, de toutes nos représentations du monde.

5. L'ESPACE ET LE TEl\lPS

Ils se rencontrent continuellement. Dans la ligne de l'horizon, pour nous orienter, pour fixer un point dans l'espace, nous avons besoin du temps. Le Soleil touche et caresse l'horizon seulement deux fois par jour: à l'aube et au coucher. Ce ne sont pas seulement deux moments de la journée, ce sont aussi des lieux qui organisent l'espace. C'est pourquoi, initialement, je ne parle jamais aux enfant'; d'Est ni d'Ouest, mais je préfère organiser l'espace autour de l'école en donnant aux deux premières directions

les noms d'aube et de couchant, ces directions sont non déterminée mais elles me lient étroitementàl'expérience visuelle possible.

Amplifier et clarifier l'importance de chaque expérience visuelle est la transmission pédagogique qui m'intéresse le plus durant cette phase de recherche fondée sur l'observation directe des phénomènes.

Après l'étude de l'espace, à travers le dessin, nous cherchons des moyens pour observer le temps. Et quand le temps naît-il, si ce n'est au moment où le Soleil se lève et annonce avec l'apparition et le changement des couleurs, l'arrivée du jour?

Il est difficile d'observer l'aube, dans les situations scolaires habituelles. Mais chaque enfant, en ville aussi, peut être invitéàobserver le coucher. Dans certaines écoles à plein temps, en hiver, c'est aussi possible de la faire collectivement pendant les heures scolaires.

Notre recherche sur l'espace et le temps se portera alors sur les heures du coucher du Soleil. Familiarisés maintenant avec l'horizon, les enfants sauront repérer un point d'horizon qu'ils choisiront, le soir venu, près de leur maison.

C'est un rendez-vous que je propose aux enfants d'avoir avec le ciel, fréquent, parfois quotidien, rendez-vous qu'on ne peut manquer, là derrière la maison,n ou derrière cet arbre, pour pouvoir dessiner le couchant et, la position exacte du Soleil à un point précis de l'horizon, la rencontre n'est possible qu'à l'heure dite! Sil laisse passer les minutes, le Soleil

a

déjà disparu, et le message, l'information qu'il cherchait est perdu. Par ailleurs, il y au aussi la question de la lumière, c'est seulement à cette heure précise qu'ils peuvent voir et peindre les extraordinaires couleurs que le ciel du coucher offre à nos yeux.

C'est un parcours esthétique, j'en conviens, que je propose aux enfants pour les amener à la compréhension des événements célestes. Mais pourquoi ne pas donner de l'importance à la possibilité d'une rencontre globale entre les enfants et le ciel, où se méleraient les émotions, l'expression, la logique, l'étude et le raisonnement? D'autant plus que les hommes de nombreuses civilisations, à toutes les époques, ont toujours lié l'étude, le calcul et la connaissance des événements célestes à un richissime imaginaire, creuzet historique et mythologique de grande valeur.

Déjà en 3ème élémentaire, il est possible d'avoir une précision suffisante dans le dessin des petites fenêtres astronomiques regardant le coucher du Soleil, pour s'apercevoir, après une semaine, que le soleil ne se couche plus au même endroit et que s'il s'est déplacé plus au Nord, c'est-à-dire vers la droite, nous sommes en hiver, ou au printemps, plus au Sud, soit vers la gauche, nous sommes en été ou en automne.

Les enfants invités à le faire, s'aperçoivent que l'heure du coucher varie aussi de jour en jour, et ils associeront pour la première fois, dans l'observation, les changements de temps avec les arangements de l'espace.

6. LE CIEL COMME LIVRE DU TEMPS

Travailler ainsi sur le coucher du soleil seulement nous permet déjà de récolter des éléments nécessaires à la compréhension de la durée du jour et de la nuit, et du cycle des saisons. L'heure du coucher du soleil, puis celle du crépuscule, ont la grande

particularité d'être le moment de la journée de l'arrivée de l'obscurité rendant progressivement plus difficile d'observer les choses de la terre, mais ouvrant à nos yeux l'immensité du ciel.

A la lune, visible aussi de jour, commencent às'ajouter, un peu moins d'une demi-heure après le coucher du Soleil, les planètes, et le regard peut s'étendre jusqu'à Jupiter et Saturne, quand elles sont visibles au gré de leur errance dans le système solaire. Par la suite, avec l'arrivée des ténèbres, en ville aussi, les étoiles commencent à se voir, du moins les plus étincelantes, et des signaux et autres informations sous forme de points lumineux, plus ou moins grands, colorés de diverses couleurs, nous parviennent.

II n'est pas possible ici de reproduire les "petites fenêtres astronomiques" faites par les enfants ces dernières années, pour des raisons techniques relatives aux couleurs, mais je vous présente toutefois les trois schémas suivants sur trois observations possibles

proposées en 3, 4 et Sème années élémentaires.

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A. L'observation concerne la constellation d'Orion, très visible la nuit en hiver. Les enfants sont invités à en dessiner la position par rapport à l'horizon, à trois moments successifs pendant la soirée. Ainsi à 8 ans, on peut observer sans peine le mouvement rotatoire des étoiles, ignoré par beaucoup d'adultes, et se poser la question si c'est le ciel ou la terre qui tourne.

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B. L'observation concerne la lune, ses phases et sa position dans le ciel. C'est nécessaire de dessiner une large fenêtre avec une moitié d'horizon, de l'Est à l'Ouest, et observer le ciel tous les jours de lune croissante, durant deux semaines àl'heure du coucher. En maintenant l'heure fixe, on pourra enregistrer la correspondance entre les variations de la forme visible de notre satellite, et la mesure angulaire qui la distance du Soleil. Quand la distance avec le Soleil est de 90°, la mi-lune apparaît, quand elle sera pleine, la distance angulaire sera de 180°. C'est une façon de voir et de dessiner l'arc écliptique de cette saison et pour nous rappeler, entre autres, que la décomposition hebdomadaire du temps est donné par la rotation de la Lune.

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C. L'observation concerne la relation entre deux planètes

Dans ce cas, ce sont Jupiter et Vénus, qui se sont rencontrés durant ces jours-là mais se JXmrrait être d'autres planètes dont on dessinerait les déplacements réciproques, étant donné que chaque année, ilya des relations planétaires observables et différentes, Ce qui est le plus intéressante dans cette observation, réalisée par des enfants de Il ans, c'est que pour comprendre quelle était celle qui se déplaçait le plus vers l'autre, les enfants ont réalisé l'enregistrement en prenant comme référence, pas seulement l'horizon, mais aussi une étoile, celle de Pégase, c'est-à-dire un point de référence fixe à proximité de l'écliptique. "

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7.CONCLUSION

A ces exemples, on pourrait en ajouter bien d'autres. Depuis toujours, pour l'homme, l'observation du ciel a structuré ses rapports avec l'espace et le temps. Pourquoi priver les enfants de la lecture de cet extraordinaire livre ouvert que chaque nuit sans nuage le ciel nous offre?

BIBLIOGRAPHIE

Lanciano, Lorenzoni, Spadaro :Ilciel negli occhi in Il bambino e la scienza (Edizioni

La Nuova Italia)

Bramini, Lanciano, Lorenzoni" SpadaroIl cielo negli occhi in Il bambin e la scienza

(Edizione IBM Italia, Milano)

Franco Lorenzoni, L'origine deI giorno e della notte in Scienza e gioco 5e dizioni

Sansoni).

Autori Vari, Tra cielo e terra: una Astronomia possibile, numero monografica sulla ricerca della Casa-laboratorio di Cenci, della revista Cooperazione Educativ, deI