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L'écologie industrielle dans les filières cotonnières

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Academic year: 2021

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Durabilité écologique de la filière

L’écologie industrielle dans les filières cotonnières

Reynald Evangelista

Service Développement durable,

Dagris (Développement des agro-industries du Sud),

13, rue de Monceau, 75008 Paris

<evangelista.r@dagris.fr>

Résumé

L’écologie industrielle permet, par une approche méthodologique, d’établir un bilan aussi exhaustif que possible, des flux de matières et d’énergie nécessaires au « métabolisme » des différentes activités économiques. L’étude et l’analyse de ces données conduisent à évaluer plus exactement les actions en cours. Elles permettent de rechercher en interne, mais aussi en externe, les effets de complémentarité et de synergie. Enfin, elles conduisent à définir la stratégie susceptible de valoriser au mieux les ressources, en optimisant les impacts économiques tout en cernant, au plus près, les conséquences écologiques. En prenant quelques exemples dans la filière cotonnière, l’auteur montre l’intérêt de ce concept dans le cadre de productions durables.

Mots clés:coton ; écologie ; développement industriel ; développement durable ; pollution ; déchet industriel.

Thèmes:productions végétales ; transformation, commercialisation.

Abstract

Industrial ecology in the cotton sector

The methodological approach underlying industrial ecology allows an exhaustive apprai-sal of the flow of materials and energy necessary for the “metabolism” of various economic activities. Study and analysis of these data enable more accurate assessment of activities now underway. They make it possible to look, both in-house and elsewhere, at the effects of complementarity and synergy. Finally, they help to define the strategy that will best enhance resources, by optimizing its economic impact while identifying more clearly its ecological consequences. Using examples from cotton activity, the author demonstrates the value of the concept of industrial ecology in developing sustainable production.

Key words:cotton; ecology; industrial development; sustainable development; pollution; industrial wastes.

Subjects:vegetal productions; processing, marketing.

Un outil

au service

du développement

Les courants de pensées, qui prévalent depuis les années 1970, ont tendance à opposer les termes « écologie » et « indus-trie ». Pourtant ceux-ci ne sont pas néces-sairement antinomiques. L’écologie défi-nit les rapports des êtres entre eux et avec leur milieu. L’industrie, dans son sens

premier, regroupe l’ensemble des activi-tés humaines et des opérations qui concourent à la production et à la circula-tion de richesses.

Les environnementalistes se sont jusqu’à présent surtout préoccupés de pollutions et des effets néfastes des activités humai-nes sur l’environnement. Ils ont égale-ment étudié et décrit les mécanismes équilibrés des écosystèmes, sans y inté-grer les systèmes industriels, comme si les activités humaines étaient « hors nature ». Pourquoi, a contrario, ne pas rapprocher les sciences naturelles des sciences de

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l’ingénieur et, à l’instar des écosystèmes, mettre en place des procédés industriels et des économies qui intègrent l’environ-nement et cherchent à respecter ou à recréer les équilibres naturels dans une logique de développement durable ? « L’écologie industrielle est une stratégie pour la mise en œuvre du développe-ment durable. » [1] (encadré 1, figure 1).

Impact des politiques

productivistes

Les politiques productivistes, qui ont vu le jour avec l’ère industrielle à la fin du

XIXesiècle, ont connu leur pleine expan-sion, dans le monde occidental, à l’issue de la seconde guerre mondiale. Les années de privation, l’explosion démo-graphique annoncée et les risques de pénuries et famines, qui pouvaient en découler, ont conduit les politiques à accélérer et à optimiser les processus de production sans prendre en compte les notions de durabilité et d’impacts envi-ronnementaux des activités humaines. L’intensification de l’agriculture et le pro-ductivisme agricole des pays occiden-taux, qui se sont instaurés dès la fin des années 1950, sont une illustration de ces stratégies mono-objectifs. Le producti-visme a certes démontré la capacité que nous avions à produire, mais il a contri-bué à accroître la fracture sociale mon-diale, les déséquilibres entre pays

déve-loppés et pays pauvres et à faire sortir le monde agricole de l’environnement natu-rel avec lequel, depuis des siècles, il vivait en harmonie.

L’approche End of pipe

et ses limites

En quelques décennies, les hommes ont pris conscience des limites et de l’inci-dence environnementale de leurs politi-ques industrielles. Mais, avec une appro-che toujours monolithique, ils ont considéré que l’impact des activités humaines se limitait à des problèmes de pollution de l’environnement. La solution qui s’imposait alors était de traiter les pollutions par différents dispositifs tech-niques intervenant en fin de processus industriels. Cette approche End of pipe [3] est généralement peu satisfaisante car elle consiste à déplacer le problème. Si la plupart des industries rejetaient, il n’y a pas si longtemps, leurs effluents directe-ment dans les rivières, aujourd’hui, par souci d’écologie, mais surtout pour répondre à des exigences administratives et légales, des stations d’épuration ont été mises en place et les eaux rejetées ne présentent plus de risques majeurs pour la nature. Mais qu’en est-il des boues et des déchets provenant de ces stations ? Leur stockage et plus encore, leur épan-dage sur les terres agricoles sont sources

de contamination des sols et des nappes phréatiques, notamment par des métaux lourds. De nouvelles activités vont donc voir le jour pour repousser le problème un peu plus loin et permettre le traitement des boues d’épuration sans nécessairement résoudre le devenir des métaux lourds qu’elles contiennent. L’approche End of

pipe est cloisonnée [3]. Elle oriente vers

toujours plus de spécialisation des procé-dures de production et empêche de consi-dérer les problèmes dans leur globalité. Elle est incrémentale et procède par amé-lioration graduelle. Cet autre exemple, cité également par Erkman, est éloquent. Les moteurs à explosion consommateurs de produits pétroliers, donc d’énergies fossiles, sont émetteurs de CO2et de gaz

soufrés qui contribuent à la dégradation de l’atmosphère et de la couche d’ozone. Les constructeurs se sont donc évertués à rendre leurs moteurs moins polluants pour renforcer la position d’une vieille technologie sur le marché. Au début de la motorisation et de l’ère automobile, d’autres sources d’énergie avaient été appréhendées, et utilisées avec plus ou moins de succès, pour actionner les moteurs (gazogènes, moteurs à alcool...). Les avantages, alors essentiellement éco-nomiques, des carburants issus du pétrole ont poussé à la spécialisation des moteurs à essence et Diesel, en réduisant pratiquement à néant les investigations et les progrès techniques des moteurs liés à d’autres sources d’énergie (biocarburants, moteurs électriques, moteurs à hydro-gène...). À titre d’exemple, dans le domaine des productions industrielles d’origine agricole, la plupart des usines d’égrenage construites en Afrique dans les années 1950 fonctionnaient avec des machines à vapeur utilisant la graine de coton, alors résidu de fabrication, comme combustible. La production d’huile à par-tir de la graine de coton, mais surtout les performances techniques et économi-ques des génératrices mues par des moteurs Diesel ont fait disparaître, pen-dant un temps, les machines à vapeur utilisées dans les processus industriels cotonniers. Aujourd’hui, le coût de l’éner-gie aidant, les huileries s’équipent de turbines fonctionnant à la vapeur pro-duite par la combustion des déchets d’huilerie et notamment des coques de coton.

Aujourd’hui, le marché du traitement des pollutions industrielles représente une activité économique énorme dans les

Économie Social

Viable

Viable VivableVivable

Environnement Durable Durable Équitable

Figure 1.Schéma synoptique du développement durable.

Figure 1. Synoptic diagram of sustainable

development.

Encadré 1

La notion de développement durable

Cette notion est, de nos jours, sou-vent mise à contribution, avec un sens parfois dévoyé et dans des contextes peu adaptés. Le concept de développement durable est apparu pour la première fois dans un rapport de la Commission des nations unies « Notre avenir à tous » [2]. « Il s’agit d’un dévelop-pement qui permet de satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire leurs propres besoins ». Le développement durable se situe à l’intersection des dimensions environnementale, économique et sociale des activités humaines (figure 1).

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pays développés. Selon plusieurs estima-tions, le marché des équipements et des services de dépollution avoisinerait 600 milliards de dollars par an.

En contrepartie, les normes environne-mentales de plus en plus poussées mises en place dans les pays développés consti-tuent une barrière et une avance techno-logique qui entravent considérablement les évolutions et les progrès possibles dans les pays du Sud.

Principes

de

l’écologie industrielle

Dans la nature, et notamment dans les écosystèmes forestiers, les déchets de cer-taines espèces sont recyclés et servent de ressources permettant à d’autres espèces de se développer. Pourquoi ne pas s’ins-pirer de ce principe pour organiser les systèmes industriels qui, à l’instar des écosystèmes, peuvent être considérés comme un ensemble de flux et de stocks de matières, d’énergie et d’informations ? « Dans le système industriel traditionnel, chaque opération de transformation, indépendamment des autres, consomme des matières premières, fournit des pro-duits que l’on vend et des déchets que l’on stocke ; on doit remplacer cette méthode par un modèle plus intégré : un écosystème industriel [...]. Un écosystème industriel pourrait fonctionner comme un écosystème biologique : les végétaux synthétisent des substances qui alimen-tent des animaux herbivores, lesquels sont mangés par les animaux carnivores dont les déchets et les cadavres servent de nourriture à d’autres organismes. On ne parviendra naturellement jamais à éta-blir un écosystème industriel parfait, mais les industriels et les consommateurs devront changer leurs habitudes s’ils veu-lent conserver ou améliorer leur niveau de vie, sans souffrir de la dégradation de l’environnement. » [3]

L’écologie industrielle nécessite une vision intégrée et globale des composan-tes d’un système industriel et des interac-tions avec l’environnement. L’identifica-tion, la quantification et la comptabilisation des flux de matières, d’énergie et d’informations constituent le domaine d’étude et l’approche méthodo-logique de l’écologie industrielle, alors que la gestion usuelle des entreprises

repose sur une gestion économique immatérielle prenant essentiellement en compte les flux financiers.

Une approche

territoriale

L’écologie industrielle peut, par essence, difficilement fonctionner en vase clos. Comme dans la nature, il va être néces-saire de faire collaborer des organismes et acteurs économiques différents n’ayant jusqu’à présent pas établi de liens entre eux.

L’établissement de relations entre des acteurs économiques, sans lien a priori, constitue une difficulté, et non des moin-dres, de l’écologie industrielle. Un dialo-gue et une stratégie de communication et de transparence des informations sont indispensables pour permettre les échan-ges dans un esprit d’intérêts partagés et bien compris. Par analogie à l’écologie

générale et aux métabolismes biologi-ques, il est nécessaire de connaître le « métabolisme » de chacune des entités du système industriel. « L’étude du

métabo-lisme industriel consiste donc à décrire et

à analyser la nature des flux et des stocks de matière, d’énergie et d’information tra-versant le système considéré, depuis l’extraction des ressources jusqu’au retour – inévitable - dans les cycles de la biosphère (encadré 2, figure 2) ».

Valoriser les déchets

« Les déchets produits par l’un peuvent constituer les matières premières de l’autre. » Si cette idée peut paraître triviale, voire dévalorisante, elle présente néan-moins un attrait et une certaine cohé-rence économiques. Les entreprises cher-chent généralement à se débarrasser coûte que coûte de leurs déchets en y mettant parfois le prix. Rares sont celles qui considèrent leurs rebuts comme des

Symbiose industrielle de Kalundborg www.apreis.org/img/eco-indu/kalund.jpg Acide sulfurique LAC TISSO Fertilisation Aanaesvaerket Centrale électrique au charbon (1 500 Mw) Statoil Raffinerie de pétrôle Serres Plaques Gyproc Pisciculture Ciment ; Routes Produits pharmaceutiques VILLE 20 000 habitants Soufre Vapeur Eau résiduelle Eau de refroidissement Eau Eau Eau Eau chaude Chaleur Chaleur Chaleur Cendres Gaz Gypse Gaz Sédiments (boues)

Figure 2.Le complexe industriel de Kalundborg.

Figure 2. The Kalundborg industrial complex.

Encadré 2

La « Symbiose de Kalundborg », au Danemark, est un phénomène spon-tané devenu célèbre : quatre grandes usines, reliées par des pipelines, ont entrepris d’échanger leurs déchets ou leurs sous-produits - de la vapeur, de l’eau, du gaz, du gypse, de la chaleur, des boues, des cendres. Les usines ont ainsi économisé des centaines de milliers de tonnes de matières premières, réutilisé plus de 200 000 tonnes de déchets, et économisé à ce jour plus de 120 millions de dollars. Ce modèle d’utilisation intelligente des ressources est devenu un cas d’école et reçoit de nombreux de visiteurs.

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richesses gaspillées. Pourtant, une appro-che territoriale et un dialogue entre industries voisines peuvent donner nais-sance à des solutions intéressantes. La plupart des cimenteries africaines, notam-ment celles qui sont présentes dans les zones cotonnières, fonctionnent au fioul lourd. L’énergie représente généralement plus de la moitié des coûts de production du ciment. Environ 80 % de l’électricité consommée en Afrique de l’Ouest pro-vient de centrales thermiques fonction-nant au gazole. À titre d’exemple, les rési-dus de l’inrési-dustrie cotonnière, surplus de coques de coton, les déchets d’huilerie ou d’égrenage, voire les vieux cotonniers, pourraient très bien être utilisés comme combustibles dans des brûleurs ou des générateurs de vapeur pour produire l’énergie nécessaire au fonctionnement d’autres industries.

Boucler

les cycles de matière

Les résidus ne vont plus à la décharge, mais deviennent des ressources pour une autre activité ou à l’intérieur même de l’activité. Par une valorisation systémati-que, les déchets deviennent des copro-duits.

La réponse apportée par quelques indus-triels, avec une approche souvent média-tique, est le recyclage qui est censé per-mettre le bouclage des flux de matières. Le recyclage peut contribuer à la réduc-tion de ces flux, mais il est souvent utilisé pour déculpabiliser le consommateur voire l’inciter à consommer plus. Par ailleurs, le recyclage, sous ses formes actuelles, est une activité souvent consommatrice d’énergie et polluante. Elle procède aujourd’hui encore bien trop souvent de la démarche End of pipe qui consiste davantage à déplacer un pro-blème sans pour autant le résoudre tota-lement.

Le tri et la séparation de différents métaux mélangés à des plastiques et à des déchets organiques et minéraux sont dif-ficiles à opérer et coûtent très cher. Pour rendre le recyclage efficace et économi-quement viable, il faudrait que le tri puisse être automatisé, donc que les com-posants puissent être marqués lors de la conception du produit et facilement démontables.

Limiter les dissipations

Au-delà des polluants émis lors du cessus de fabrication, de nombreux pro-duits tels que les matériaux d’emballage, les lubrifiants, les peintures, les solvants, les médicaments... mais aussi les engrais, les insecticides et les herbicides, ont une fonction dissipative. La plupart de ces produits contiennent, à des teneurs varia-bles, des métaux lourds toxiques tels que cuivre, plomb, mercure, cadmium, arse-nic ; tous sont des facteurs de pollution de la biosphère. À l’heure actuelle, des solutions et des technologies permettent en théorie d’éviter les contaminations de la biosphère, mais elles sont difficiles à vulgariser car elles nécessiteraient de mettre en œuvre de modes de production isolés de l’écosystème industriel. En agri-culture, les cultures hydroponiques sous serre, en milieux parfaitement contrôlés, permettent de prévenir toutes pertes d’engrais et de pesticides dans les eaux, le sol (ou substrat) et l’atmosphère. Compte tenu de la difficulté et du coût de mise en œuvre de ces systèmes fonction-nant en vase clos, de la méconnaissance de l’impact des émissions dissipatives, la principale stratégie devrait résider dans une approche préventive fondée sur la conception de nouveaux produits et sur une utilisation raisonnée. À titre d’exem-ple, la protection phytosanitaire, en prati-que dans les zones de production coton-nière, est largement perfectible pour limiter les effets dissipatifs. Davantage de contrôles et d’exigences sur les formula-tions, notamment sur les solvants utilisés, permettraient de limiter les risques de pol-lutions incontrôlées. L’abandon progressif des applications calendaires, souvent pré-ventives, en faveur d’interventions répon-dant à de réelles agressions parasitaires est une solution qui s’impose, mais qui néces-site des efforts importants de formation et d’information des agriculteurs.

Dématérialiser

les produits

et les services

L’accroissement d’une population mon-diale aspirant à un niveau de vie élevé

impose la minimisation des impacts envi-ronnementaux et la préservation des res-sources naturelles. Ce postulat conduit à aller vers des solutions permettant d’obte-nir, à satisfaction égale, des services et des biens à partir de moins de matières. De nombreux exemples montrent que certaines industries sont sur la bonne voie. L’histoire d’un siècle d’automobile en est une illustration. Au fil du temps, les voitures, à niveaux de performances et de sécurité supérieures sont, grâce à de nou-veaux matériaux et de nouvelles concep-tions technologiques, plus légères et moins consommatrices d’énergie. L’exemple de dématérialisation le plus frappant est certainement celui du monde de l’informatique où le « matériel » (hard) cède, chaque jour un peu plus, le pas à l’immatériel (soft) et où des matériaux performants, la miniaturisation et les nanotechnologies rendent la quantité de matière utilisée inversement proportion-nelle aux services rendus. Néanmoins, et

a contrario, les quantités d’énergies et de

matières premières nécessaires à la fabri-cation des composants électroniques sont certainement encore perfectibles. Sur un autre plan et pour l’instant, l’infor-matisation peut être considérée comme un échec quant à la réduction des quanti-tés de papier utilisées. Celles-ci n’ont cessé de croître alors que les ordinateurs et l’informatique étaient censés « reléguer le papier au rang de curiosité historique ». Reprenant l’exemple précédemment cité des pratiques de luttes antiparasitaires, l’abandon des traitements calendaires au profit d’interventions sur seuil de détec-tion irait également dans le sens d’une dématérialisation.

Gérer

les flux de carbone

Le carbone, sous forme d’hydrocarbures d’origine fossile, constitue la première source énergétique qui irrigue toutes les économies dites développées. Le char-bon, le gaz et le pétrole représentent 70 % des matériaux que nous extrayons de la terre. Le rythme d’extraction des hydro-carbures ne cesse au fil du temps de s’accélérer. La consommation de carbone est liée à l’évolution démographique et à la croissance économique. La consomma-tion des pays en développement et

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sur-tout celle des pays émergents accroissent considérablement la demande en hydro-carbures. Sans être alarmiste sur les stocks mondiaux disponibles, la raréfac-tion de ces produits est, à terme, inélucta-ble et ils seront certainement de plus en plus chers à extraire. Par ailleurs, la libé-ration du carbone fossile a un impact négatif sur l’environnement : pollutions atmosphériques, effet de serre, marées noires... Si le carbone captif constitue une richesse, libéré il devient une nuisance. Les énergies renouvelables, notamment les biocarburants, devraient connaître un essor considérable dans les années à venir. Néanmoins, elles ne pourront se substituer en totalité aux hydrocarbures. En Europe, la mise en culture des terres agricoles autres que celles dédiées aux productions alimentaires, permettrait, si elles étaient vouées à la production de biocarburants, de satisfaire moins de 10 % de nos besoins énergétiques. Le dévelop-pement d’une agriculture visant une pro-duction de glucides ou de lipides pour la fabrication d’éthanol ou de diester peut constituer une opportunité économique pour les pays disposant d’une surface agricole utile suffisante. Dans ce contexte, le développement des cultures oléagi-neuses en Afrique subsaharienne pourrait contribuer à limiter la facture énergétique des pays concernés et constituer une nouvelle culture de rente et un revenu complémentaire pour les producteurs de coton.

À l’inverse des effets de la consommation de carburants fossiles, les techniques de semis sous couvert végétal constituent en agriculture un excellent mode de gestion du carbone. La limitation des façons cul-turales réduit considérablement les consommations de carburants, donc les émanations de CO2. La présence d’une biomasse permanente contribue à capter le carbone atmosphérique pour le stocker durablement dans le sol.

Écologie industrielle

et zones cotonnières

africaines

Les sociétés cotonnières se sont inscrites, avant l’heure, dans une logique de déve-loppement durable en déployant des acti-vités économiques qui, dès l’origine, ont pris en compte les aspects sociaux et les contraintes environnementales. Néan-moins, elles sont restées dans une logique

End of pipe sans appliquer réellement les

principes de l’écologie industrielle, sans notamment intégrer les autres acteurs économiques et sans vraiment s’assurer que « la boucle était bouclée ».

Les pratiques en cours, que ce soit au niveau de la production agricole ou de la transformation industrielle sont large-ment perfectibles. Les tiges de cotonniers, les résidus d’égrenage, les coques et autres déchets d’huilerie pourraient plus largement servir de combustible pour produire de la vapeur et alimenter des centrales électriques. Par adjonction de ferments, ces déchets pourraient égale-ment être utilisés pour la fabrication d’amendements organiques. Leur incor-poration aux terres agricoles permettrait de corriger les insuffisances des épanda-ges d’engrais minéraux qui compensent à peine les exportations d’éléments nutritifs nécessaires à la culture de coton et qui contribuent à déstructurer et à acidifier les sols. De même, dans la conception des unités de trituration et de raffinage de l’huile de coton, le soin a été pris de traiter les eaux usées avant de les rejeter dans la nature, mais sans vraiment pren-dre en compte le devenir des boues d’épuration qui, elles aussi, pourraient être incorporées aux amendements. La société Dagris (Développement des agro-industries du Sud), dans son plan d’affaires, fait du développement durable un axe prioritaire de sa stratégie. Dans les nouveaux projets et les activités qu’elle

développe, elle souhaite dorénavant faire appel à la méthodologie et aux outils de l’écologie industrielle pour promouvoir son développement et celui de ses parte-naires, les producteurs de coton africains.

En forme de conclusion

La biosphère et les écosystèmes n’ont cessé d’évoluer et de connaître des pha-ses de mutation et d’adaptation. Le déve-loppement industriel récent, à l’échelle de la planète, ne constitue qu’un épiphé-nomène et une agression passagère de l’environnement naturel à l’échelle des temps géologiques.

« Le système industriel qui n’est qu’un très récent sous-système de la biosphère poursuit son évolution et s’apprête à fran-chir une étape cruciale : le contrôle des interactions entre les flux de matière induits par l’homme et les grands cycles biogéochimiques, en particulier en valori-sant les déchets au sein de réseaux tro-phiques artificiels. Ainsi, un jour peut-être, l’écologie industrielle apparaîtra-t-elle comme une des nombreuses inventions de la vie sur la terre, comme une étape qui aura rendu le système industriel compatible avec la biosphère, tout en satisfaisant les besoins d’une population humaine en augmentation avec des aspirations économiques croissantes. » [4].■

Références

1. Erkman S. Séminaire Dagris, Séville, mai 2004.

2. Bruntland G, ed. Our common Future. The World Commission on Environment and Deve-lopment. Oxford : Oxford University Press, 1987.

3. Erkman S. Vers une écologie industrielle. Paris : Ed. Charles Léopold Mayer, 1998. 4. Frosch RA, Gallopoulos NE. Des stratégies industrielles viables. Pour la Science 2005 ; 145 : 106-15.

Figure

Figure 1 . Schéma synoptique du développement durable.
Figure 2 . Le complexe industriel de Kalundborg.

Références

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