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L’ordre unanimiste de la guerre et le tableau des combattants dans les homes de bonne volonté.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

A Thesis Presented to

the Faculty of Graduate Studies and Research McGill University

In Partial Fultiltœnt

of the Requirement s for the Degree of Master of Arts

by

George C. Spentzos August

1953

(2)

TABLES DES MATlliRES

Introduction

à

l'Unanimisme ••••••••••••••••••••••• p. 2

Jules

Romains

et

la guerre •••••••••••••••••••••••

p.

11

L'Ordre unanimiste de la guerre:

Chapitre 1: L'Avant-guerre •••••••••••••••••••••

p.

17

Chapitre II:

La Guerre •••••••••••••••••••••••••

p.

33

Le

Tableau

des

comœ.ttants:

Chapitre III: Le Front ••••••••••••••••••••••••• p.

57

Chapitre

IV: L'Arrière •••••••••••••••••••••••• p. 100

Cane lusion. • . . . • . . • • . • . . • • • • • • • • . • • • • • • • • • • •• p. l i

(3)

INTRODUCTION A L'UNANIMISME

L'Unanimisme, ainsi. que Romains commençait

à

le concevoir lors de la fameuse soirée d'Octobre 1903, est une nouvelle vision du monde hunaân, Vision puremmt poétique

à

ses débuts, elle est devenue,

grâce

à

des expériences scientifiques de son poète, une vision, ou plutôt une prophétie scientifique. Etymologiquement parlant, le mot.

UbAldraisœ suggère une union d'Âmes. Or, il taut préciser ici ce qu'est une âme pour Romains. Puis, tâcher d'eJq>liquer ce qu'est l'UnanimiSlœ. Toute l'oeuvre, littéraire et scientifique, de Jules Romains est bien révélatrice

à

cet égard.

En p.rticulier, le ti tre symbolique de sa trilogie Psyché. ou le diEU des corps. (1) On en pourrait traduire le titre "L'Ame ou le corps divinisé". Et la traduction serait tidèle. Car Rœœins ne peut pas concevoir l'âme en dehors du cœps, Pour lui, l'âme doit être char-nelle: une "chose", qu'on puisse voir, toucher et sentir, et non pas une abstraction métaphysique. Les dieux CIl'il lui faut, ne sont pas ceux du

ciel traditi onnel, mais ceux qui sont issus de la chair de l'homme, de son évolution, de ses aptitudes biologiques, et des rapports sensuels, des plus élémentaires aux plus complexes qui lient les hoome s les uns

aux autres. Il le dit aussi clairement que possible dans La Vie

Unam.ma :

(1) Lucienne, lCf.22 (H.R.F.), Le Dieu des Corps, 1928 (N.R.F.l)) Quand le Navire, 1929 (N.R.F.)

(4)

-

3-liNon, pas des dieux perdus au ciel, des causes blêmes;

Il faut des dieux charnels, vivants, qui soient nous-mêmes; Dont nous pm Bsions tâter la. substance; des dieux .

Qui souffrent par nos· corps et qui voient par nos yeux, Des animaux divins dont nous soyons les membres;

Qui tiennent tout, nos corps, notre espace, nos chambres, Enclos dans leur réelle et palp:l.ble unité,

nfaudra bien qu'un jour on soit l'humanité." (2)

C'est l'hoDlne élevé

à

l'état de dieu, non JBr grâce indivi-duelle ou interveœion diune, mis par sa participation totale

à

ce

p

que Romains apelle l'humanité. Or ce mot ne suggère faS simpleJDent

....,...".

le fruit d'une réforme socia.le. L'humanité des rhéteurs politiquas n'est pas l'humanité de Romains. Au mot "humanité", Ranains rattache tout ce qui lui est le plus cher: la réforme, la refonte biologlqœ de la eIOCiété h'Ulll&ine, après s'être découvert toos les liens organiques, qui la font vivre conme un grand ensemble, un tout sain et fort qui puisse se recon-naître aiséœnt et dire d'une voix tonnante: tlJe suis un dieu". Dieu du nombre social, créé par l'évolution biologlque des hODllles: tel est le dieu que nous pralBt l'Unanimisme de Romains. Dieu du contact corporel

pariait, si l'on considère l tévolution du corps huuain d'organe de touche r

qu'il est principalement aujourd'hui

à

organe de toucher et de vue égale-ment qu'il sera dans l'avenir. Or, à ce point, il faut se rappeler des

expérien::8s scientifiques de Jules Rana:iœ sur la vision extra-rétinienne. Dans son livre La Vision extra-rétinienne et le Sens œroptique (3) Romains soutient la théorie que l 'homae a dans la peau des cellules encore mal

dévelo~es, mais tenda.nt, par leur évolution biilogique,

à

supplanter

(2) La Vie Unanime, 1908, (N.R.F.), p. 24.

(5)

les yeux, et

à

faire du corps humain un organe de vue autant qu'un organe de toucher. Or, ce déplacEment de la vue humaine, des yeux

à

l'ensemble du corps est si gnif'icatif' • Romains n'ignore pas que l'oeil est le sens le plus persomel de l'home. Il n'y a JBs deux I*ires d'19UX au monde qui voiEilt une chose de la même ftçon, ou qui voient. le tout de cette chose. C~est que l'oeil est un organe aristocratiqœ qui perçoit

à

sa façon, c'est

à

dire plr morceaux. Le tout échappe

à

l'oeil. Or c'est le tout qui impo:bte

à

Romains: c'est vue dlen88mb~

qui l'intéresse, elle qui facilitera l'accès

à

la vie d'ensemble. Son unanimisme est ainsi fait: d'abord perception d lune

tot.alité (que ce soit un couple, une féllllille, une ville ou une nation); puis, intégration absolue dans cette totalité. Or, la vue huzœ.ine, telle qulelle est, se présente coDllle un oœtacle drieux aux. créations

œan1-mistes. Si elle se diminue, cependant,

à

force de s'étendre plrtout sur le corps humain (et c'est la théorie de Rana1ns), alors la vue se con-tondra ,.vee le toucher, qui est le plus solide meneur de sensations. Ainsi le toœher, ce sens prolétaire, obtiendra des aptitudes visuelles

l..(

/ et ~tipliera ses chances de contact positif' et complet avec d'àUtres col1's. C'est que la vue, sens aristocratique, aura été affaiblie par sa dispersion sur tout le corps, et sera pour ainsi dire prolétarisée sous le rigiœ unifor1D8 et simpliste du toucher. Pour Romains, ceci est une conquête. Car le toucher, débarrassé des caprices et des partialités d'une vue concentrée sur un point du corp s hwœ.in, aura œintenant plue de libe rU pour se cont ondre dans une grande union corporelle, Clest

à

dire pour mieU?C prticiper au "total". Ce "total", ou "unanime", ou

(6)

5

-"died', Romains ne l'oublie jamais. Toutes ses expériences et tous ses écrita y mènent.. Or, pour baigne r dans le tot.al, les yeux au corps ne suffiraient JB.s sans le pouvoir miraculeUlC de l'amour. C'est par amour qu'on participe au total. C'est

à

travers l'amour qu'on atteint le dieu. Cependant, il faut préciser. L'amour de Romains n'est JB.5 une "cause blême". L'amour, pour lui, est essentiellement un contact cor-porel. Sans ce contact, l'amour est incomplet. Et conme les yeux, diminu.§s par leur dispersion sur le corps, sont devenus esclaves dD. toucher, ainsi l'amour, pœr faciliter l'accès

à

un comnunisme de corps, se rattache

à

l'épiderme, et devient fonction suprême du toucher. Psyché ou le dieu de corps ainsi que beaucoup d'autres paesagee dans l'oeuvre de RaDains en sont 1& preuve. Erœ n'est plus un dieu secret, couvert

d'idé'al. et de brume. C'est un dieu v.l..vant, charnel, émanation puissante de l'acte érotique. Or, porter l'amour au simple niveau du sexe n'est pas, selon Romains, l'abaisser. C'est lui assigner un rôle capital dans les divers contacts entre êtres humains. Or, ce sont ces contacts qui intéres sent l' unanimi SIlle, non pas l'amour En soi. ~ p3ut idéaliser l'amour tant que l'on

veut,

on peut le JB.rer de mille épithètes splen-dides, mais au toni ce n'est qu'une Slprême excitatiœ de l'épidenne, toujours selon Romains. Cette force qui naft'du contact de deux corps, Romains est le dernier

à

en dédaigner l'importance. Il l'élève même au niveau du divin,

à

une puissance supra-naturelle qui aurait le pouvoir de rapprocher, dans l'espace, les corps des amants séIBréS. Ceux de Pierre et de L1~ienne, pr exemple. C'est que 1& présence physique est capitale

(7)

pour Romains. Sans elle, la ue unanime est impossible. Car l'amour, partie intégrale de l'âme humaine, n'est pas différente de celle-ci •

. ..

Elle est composée de la même matière. Ctest

à

dire, toujours selon la conception Romainsienne, du corps divinisé. Non PaS un corps qui aurait rejeté sa substance matérielle, pour se revêtir d'une forme aérienne , pleine d'idéal et de mystère, mais un corps en pleine santé, cbnt toutes les parties auraient évolué

à

leur extrême degré biologique, et qui

seraient susceptibles de contacts concrets avec d'autres corps, aussi éyo1ués qu'eux, pour fonœr un tout solide et inébranlable, ce que

Romains appelle 1 'humanité. On est ici au coe ur de son unanimisme. Or, qu'est-ce, au juste, que l'unanimisme? C'est la poésie des groupes hu-mains. Non pas une poésie que l'esthète reconna!trait sienne, mis une

recherche conjointe de l'esprit et du corps, une perception intuitive des rapports qui existent ou qui peuvent exister entre les groupes humains d'une part, et des rapports qui existent ou qui peuvent exister entre les groupes et le s indi vidus de l'autre. Pour Romains

"l'aventure de l'humanité est essentiellement une aventure de groupes, et aussi une aventure d'individus aux prises avec des groupes, ou encore aux prises les uns avec les autres dans des conditions qui mettent constamment en jeu leur aptitude

à

former des liens multiples, de véritables enchevêtrements biologiques et aussi leur aptitude

à

se défendre·contre les forces de dépression, spirituelle et matérielle, que les

groupes ou collectivités de divers ordres exercent

à

l'égard de l'individu".

(4)

Essentiellement, l'unanimisme est une recherche. "La recherche patiente et minutieuse du lien organique,

à

tous ses degris depuis le

(8)

7

-plus faible, des groupes". CS) Une recherche qui se fait dans des groupes vivants, conscients de leur existence, et non pas dans des foules h~t~roclites, compos~es de DBtière amorphe et passive. Cette recherche peut suivre deux chemins. D'une part, elle tend

à

conB1-d~rer ls groupe COIJIIœ une

âJœ

massive, comne un être colossal qui englobe

une masse d'êtres plus petits, une vaste aggl_ration d'Gmes qui parti-cipent

à

1&

_me

émotion, l'Unanime, d'où ressortent tout.es les pensées

.

.

et tous les sentiments digœs d'enrichir,

à

l'infini, les âmes indi-viduelles dont cet UlJlnime se compose. De l'autre, elle tEild

à

dia-tinguer dans ce . _ Unanime, une variété d'âDBs concentriques dont elle va essayer de préciser 1& nature et les contours, une quantité d'Unanimes pour ainsi dire inférieurs, faisant JBrtie intégrale de l'Unanime plus grand, nais jouissant, en même temps, d'W1e vie consciente

à

eux, indé-pendante de la grande vie conmune

à

laquelle ils participent spontaDéJll9nt. eCette double recherche est un tâtonnetœnt vers un mode soi-disant supé-rieur de vie, dans le détail et dans l'ensemble. Un effort de d~plSse­ Ent de la vie nécessairemert. limitée de l'individu

à

1& vie pleine du

groupe le plus vaste, en passant par une gradation intermédiaire d'Una-nimes complets mais susceptibles enmre de nouvelles incorporations, de participations infinies. C'est une tentative de progression de la e

œ-sei ence isolée, quelle que soi t sa forme ou sa valeur, vers une conscien ce plus large, plus élevée, plus cosmique. Cette tentative peut se faire soit conscieJlUllEl1t, soit inconsciemment. Pourtant, c'est la tentative con-scient.e seule qui intéresse vraiDlnIt l'Unanimisme. Et cette tentative, il la veut spontanée. Car il nia que faire d'un rassembleuent d'âmes

(9)

fabriqué du dehors, mode dictature. Un tel rassEmblement sent 11esclavage spiri tuel et corporel en masse, la captivité d'âme s amorphes, le faux-unanime. Chose beaucoup plus répugnante et bim

plus dangereuse, en somrœ, que l'iso1sœnt égoiste de l'âme indivi-duelle. L'Unanimisme s'intêresse

à

la vie qui s'épanouit du dedans,

à

ses possibilités de croissances spontanées, de développements con-tinuels et conscients, vers une vie qui se penche toujours au dehors, qui gagne toujours plus d'espace au delà d' elle-même, et dont ]a

per-fection est d'autant plus réelle, d'autant plus unanime que les vies moins grandes qui la composent sont consciemment, libremert. généreuse-ment rassemblés. Or, cette croissance de corps et de conscience de la vie individuelle qui s'intègre dans la vie d'un groupe, qœ1 effet pro-duit-elle sur la vie humaine? D'abord, un effet de bien-être et de sécurité. Participer

à

la vie d'un groupe, c'est baigner dans une vie plus large que la sienne après s'être libéré de deux grands défauts de

1& vie individuelle: l'égo'isme et la solitude. Un individu n'est pu une personœ complète, s'il ne peut se dép.sser, comprendre d'autres indi-vidus, différents de lui, et savoir vivre en comnun avec eux. L'unani-misme est chose souhaitable

à

cet égard, car il fournit

à

l'individu

solitaire l'occasion de dépasser sa solitude et de vivre EI1 cODlJ1union

intense avec d'autres ioUvidus. Dans cette 50rte de vie conmune,

l'individu deviert. franc, courageux, optimiste. Il devient aussi

capable de grandes actions, cbnt la plus grande est l'oubli, le sacrifice de soi pour autrui. Sacrifice volontaire, et qrl. est come la consé-quence naturelle d'une

âme

libérée de sa gangue individuelle. Or, cette

(10)

9

-gangue individuelle, entièrement détruite par l'unanimisme, doit-on se réjouir de sa destruction? L'individu que la vie commune libère et complète, en est-il un individu meilleur, plus probe, plus avisé? Il y a eu progrès sans doute, mai s ce progrès fut presque entièrement d'ordre corporel, cb9.leur qui _ne d'une large camaraderie de corps humains. S'il ya eu un vrai' pr9grès spirituel, il ne s'est PLS

produit dans ce pu1luleJœrtde corps exaltés, mais en dehors, dans la

solitude "peupl"" de quelqœ s âmes choisies. Et c'est le grand dé-faut de l'unanimiSllle qui, tout en détruisant 1 'individu, porteur de solitude mai s aussi de haute spiritualité, crée une fonne de vie physiqueœrt. supérieure mis spirituellemert. insuffisante.

C'est que la grande vie spir.i.tuelle dépasse la. masse, si biologiqueœnt liée lui soit-elle. Car la masse ne devient masse que par un rénoncement des indi.vidus qui la composent, à leur faculté pré-cieuse de libre examen. Autrement, impossible. Or c'est ce manque de liberté et de profondeur d'esprit qui caractérise l'unanimisœ, défaut capital et qui peut facilement jeter lfhumanité à la pire des servitudes. Celle d'une uniformité glaciale de corps et de pensée. De là

à

l'acte

t;(.

irréfléchi et catastrophique il n'y qu'un Jas. Romains, un peu tard et

1\'

de façon un peu contrite, se rend compte de ce danger qu'il nODlllla "la maladie des multi tudes". Il avoue, dans son discours de Réception à

l'Académie Française, que "notre tort était de ne pu avoir aperçu en

A , . , '

meme temps et avec la meme force, qu'il y a une mladie des multitudes. Elles y sont effroyablement sujettes ••••Et plus le groupe acquiert

(11)

furieux et générateurs de catastrophes.n (6)

Tout compte fait, l'unanimisme de Romains est poétique

son essence, mystique et scientifique en sa conception. Puisant sa source dans l' exa1.tation

cm.

melle de la vie collective, il est un élan biologique, intensément généreux et créateur, aux possibilités multiples de rassembler des corps et des conscience" des plus rudi-mentaires aux plus complexes, et d'en faire surgir des amalgames de vies qui ont dépaasé leur solitude pour baigner dans une grande vie commune qui libère le corps mais qui asservit l'esprit hUJEin.

Dans les chapitres qui suivent nous tâcherons de montrer cOIDJœnt, p1rtant du point de vue unanimiste, Jules Romains s'élève, J8r une savante gradation,

à

une vision cosmique du cataclysme public qœ

rut

la guerre de

'14.

Et aussi oonment il domine l'kénement, en démontre les multiples rouages, suppute et pénètre les mobiles et l'existence d'une multitude combattante, ses complicités innombrables et sans nom, celles qui font durer ce supplice sans fin.

(12)

-11-JULES ROMAINS ET LA GUERRE

Jules Romins est Itun des écrivains contemporains qui ont le plus béii 1& guerre; par principe et par tempérament. Et qui a su le mieux exprimer, dans son oeuvre littéraire, ce que la guerre lui cause de peine et d'horreur.

Romains a profondément:. ressenti'l '~norJllité de la guerre, cette fureur de destruction totale qui habite parfois la conscience des hommes et qui n'en déloge, so~ent, qu'après s'y être pleineaent, bestialement assouvie.

Déjà, Romains a été le témoin, trop humainement sensible, de deux. guerres mondiales, deux conflits sanglants qui ont anéanti beaucoup de millions 'd ' homme s . De ces mêmes millions, anonymes héros et victiMs du monde des HODmes de Bonne Volonté. Le morxie du début de ce siècle. La haine violente que Romains reS8E1lt contre la guerre prElld racine dans la nature de l' homme qu' est Romins, dans son t empéramEilt viril et géné-reux, croyant aux possibilités d'ascension spirituelle de l'haume,

à

son émanciIBtion graduelle de ce qu'il a en lui d'irrationnel et desauva.ge.

Des trac-es de sa première aversion pour la. guerre se trouvent dans la VIE UNANIME et les Quais de la Villette, où l'auteur laisse voir,

tprement, am dégoût. de la Caserne, unanime grossier et brÙial. Dans l'Armée dans la ville, aussi, Rosins fait clairement allusion aux ravages que peut ca.user une force SEmblable. Mais ctest le conflit lui-ae, c'est la gœrre, qui lui répugne le plus. Dans un beau pa.ssage de la Vie Unani_,

(13)

intitulê "Pendant une Guerre", Romains nous lai. sse facilement comprendre, combien lui est douloureuse même l'idée de 1& guerre. Et son Europe, grand poème du début. de 1916, est plein de cris de douleur devant la destruction des villes de l'Europe, ms aussi plein de confiance pour l'avenir.

Immédiatement après la tin de 1& première guerre IIOndiale, Romains jure, de toute sa force, intellectœlle et morale, contre la guerre. Dès lors, il fera tout en son pouvoir pour qu'une autre guerre

n'~clate pas. "Le spectacle de la précédente guerre mondiale m'avait laissé plein 6,'horreur ," nous conf'ie-t-il dan s ses Sept Myst~res du Destin de ltEurop!'. "Une vérité dont j'étais convaincu, c'était qu'il fallait éviter

à

tout prix le renouvellement de ces atrocités. Beaucoup de gEl'ls le pensaient com.e moi. Mais penser quelque chose, sans plus, celi.

n'engage

à

rie n. Moi, je m'étais tait le serment suivant, solennellement, biEm qù'il n'y eût. pLa de témoinss 'je jure que je ferai toujours ce qui

déperxlra de moi pour empêcher une nouvelle guerre.'" (1) Mais que peut la volonté, la bonne volonté d'Wl hoDlDJ!t, deTallt un événement colossal, suscité par des millions de besoins matériels et psychologl..ques? Si cette volonté se contente, naturellement, de ge'tes idéalistes, et un

peu théâtraux, de protestations publiques, de furieux défis de la plume, publiés aujourd'hui, oubliés demain, de déclamations prophétiques pour faire connartre un peu plus leur pro~ète, d'imprécations de toutes

(1) Sept Mptères du Destin de l'Europe, (N.Y., Editions de 1& Maison Françai se) p. 8.

(14)

13

-sortes, qui, si justes et si sincères qu'elles soient, ne témoignent, à vrai dire, que du soulagemertd'Wle conscience éveillée, qui aurait tort de ne pas élever la vaix sous des condi.ti. ons tellement critiques pour l'avenir de l'hwrenité? RoJœins n'est paa dupe de l'insuffisance d'un tel effort. Ainsi, pense-t-il, plutôt qœ de faire appel aux masses humaines, divisées par de préjugés et d'intérêts divers, il serait pré-férable, car beaucoup plus efficace, de s'éi.dresser aux dirigeants actuels des destinées humaines, aux personnes privilégiées, possédant des postes-clefs <bnt dépend la solution de grands problèmes sociaux, et tlcher, à des moments critiques pour le sa-t de l'hUIlllnité, d'exercer sur elles tout son fonds de ressources individœlles, toute sa mesure de bonne volonté, jusqu'à infiuer personnellement sur leurs décisions. Romains appelle cela: "L'action sur les points vitaux." C'est le refus, complet et courageux, de 1& fatalité. Et aussi, la seule façon de mettre frein

à

une catastrophe collective par 1& voie de l'individu. Car il ne faut pas se laisser emporter par les événement s. Il faut agir. Et agir

li

où l'action portera le plus de fruits positifs et immédiats. C'était l'article No. 1 de la croisade de Ranains contre 1& guerre. Ce sera aussi l'article No. 1 de certains parsonnages des Houmes de Bonne Volont' placés dans des situations analogœs. Comment, Jar eXEmple, en écrivant ceci, ne pas penser

à

Laulerque, intellectuel fort lucide, qui s'élève toujours contre les interprétations fatalistes de l'histoire, solide

en

croyant qu'il est en l'acte et ae-l'influence individuels bien placés?

ai .. ...

(15)

guerre. Jules Romains s'est constamment servi de cette arme, et auprès de telles personnalités de l'entre-deux-guerres, que Dala.dier, Gamelin, Léopold III. Ale croire, il aurait pu sauver la paix en

1939,

si. ses interventions secrètes avaient été favorisées un peu plus par le hasard. Mais tout anti-fataliste convaincu qu'il est, il a beaucoup trop de lucidi té pour ne }:as admettre llimpuis~efréquente de la raison devant les capr.i.ces du hasard. D'ailleurs, il avait, déjà depuis long-temps, constatê que ni action individuelle, si puissante qu'elle soit,

S .

ni volonté colle cti ve, ne sont collective, ne sont su!fisantes pour

f\.

fair e disp1ra!tre le besoin de guerre entre les home s. Et que twte interprétation scientifique ou poétique de 1fbistoire ne touchera le fOM du problème, tant qu'elle ignorera, consciemment ou inconsciemment, ce qui se paese d 1hal1ucinant dans des millions d'âmes hwnaines et qui prend les formes diverses d1hyst'rie raciale ou religieuse, de folle ambition patriotique, de soif de domination dans divers domaines, de sentiments de supériorité, d'infériorité ou autres, causés }:6r des sou-venirs, de légendes, de préjugés politiques, religieux, économiques ou culturels dans tout ce qu'ils ont de plus restreint., de plus provincial, de plus compromettant pour la solidarité humaine.

"CODIIlent soutenir, d'une }:art, nous dit Romains dans un de ses articles, intitulé Pour que l'Europe soit, que les événements sont comuits par les grands h0lllIœ8 et pt,r ces grlilZldes idées claires, dont les philosophes de

l'histoire se plaisent

à

dérouler les conséquences logiques? CODlDlent, d1autre }:art, tout rammer

à

un jeu de forces

brutes,

à

la poussée combinée des rait s économique s, selon le système de Marx? Rien ne fait moins penser que 1&

(16)

15

-catastrophe actuelle

à

un enchaînemert. dialectique; et il est impossi. b1e de ne pas apercevoir les songes, les cauche-mars, les hallucinations qui traversent l'âme des p'uples comme un défilé de nuées, comme une chevauchée des Walkyries."

(2)

Pour contrôler la guerre, il faut être

à

même de contrÔler l'opinion publique et encor-e, chose beaucoup plus difficile, C8llX qui ont des intérêts spécieux

à

mener cette opinion d'une part et d'autre. Ro_ins, homme de bonne volonté, refuse de se décourager. Il a confiance

à

l'effort conjoint des honmes de bonne volonté ,où qu'ils se trouvent, et

à

leur victoire éventuelle sur les forces de l'aveuglement et du crime. L'essentiel est de rester fidèle

à

eon serment. A eon désir d'.pêcher la guerre

à

tout prix. La guerre, événement horrible et dégradant, n'est point fatal, point inévitable. La croisade des hODlJl8s de bonne volonté vaincra

à

la fin. En attendant, on peut retarder la guerre, si l'on veut,

à

cordition qu'on la haisse profondément et qu'on se trouve en position d'influencer di.rectenent certaines personnes haut-placées, dont dépendent les questions de Guerre et de Paix.

Jules Romains a fait sœi devoir conme écrivain célèbre et comne hODlne de bonne volonté. A d'autres de faire le leur.

(17)
(18)

17

-CHAPITRE l

L'AVANT GUERRE

Tout grand 4§vénement a son point de départ, son point culmi-nant et son dénouement. Trois périodes qui peuvent s'4§tendre dans des lieux divers, se suivre au cours d'ann4§es entières, et fOl"Dler une unit~, un ensemble dans 1 'histoire

et

le tempe. Tel graM 4§vénement fut la guerre de

'14.

Or, 1914 n'indique que la date officielle où la guerre franco-allemande fut. ouvertement déclarée. La date réelle est beaucwp plus aœienne, quoique difficile

à.

priciser, et on doit la chercher dans 1& période éloignée où certains peuples d'Europe mus par certains be-80ins économiques, religieux et politiques, commenc~rent

à

se regarder de travers,

à

s'entre-hair et

à

se 'VOir peu

à

peu conme des ennemis naturels. La guerre de '14 fut le résultat d'une telle antipathie entre certains nations européennes, chacune d'elles apportant

à.

1& bataille toute sa part de fermentation ethnique, ses ambitions, ses préjugés, ses

souvenirs et ses plaintes.

Ne taisant pas oeuvre d'historien pur, Jules Romains ne se soude point du début réel de la. gœrre de

114.

Il choisi t le

6

Octobre 1908, départ temporel de son roman, comme la date critique où faillit éclater une guerre mondiale, date que les manchettes des journaux ap-pellent "historigue"

à

cause de graves événements politiques qui se déroulent à travers l'Europe. La Bulgarie vient de proclamer son indé-P9ndance. L'Autriche piIorle d'annexer la Bosnie-Herzégovine. On est ce

(19)

natin du 6 October 1908 "sur le bord de l'Histoire". "Notre déveine, dit Jules Romains, voudra sûrement que nous allions tôt ou tard nous y fourrer en plein milieu." (1)

Pour domer une vue d'ensem1e.des réactions diverses du peuple parisien devant les menaces d'une catastrophe imminente, Jules Romains nous pranène, ce jour-là, un psu partout dans la capita~

fran-çaise, en nous faisant visi ter des milieux différents, où, IBrmi les préoccupations nomales et propres

à

chacun, vient s'ajouter, par torce, une autre, point normale celle-ci., et qui tait, en très peu de temps, beaucoup de progrès dans la conscience de certains groupes, particu-lièremelii ceux des intellectuels. C'est la préoccupation, le souci de la guerre. Exemple touchant d'une âme consciente de la gravité des événements du. jour est, sans doute, l'instituteur C1anricard qui décide de parler

à

ses élèves des dangers d'une guerre générale. (2) Clan-ricard a une si vive conscience de ces dangers qu'il réussit partaite-ment

à

communiquer son émotion

à

la "cinqœntaine de petites têtes ébouriffées" qui l'entendent parler. Les petits, sous l'influence des paroles de leur maître, ont une soudaine perception de la guerre qui aplBrait dans leur esprit comme quelque chose d'épouvantablement noir.

Le

mê.

jour, Jerphanion, étudiant typique de 1& jeunesse de l'époque et tuture grande conscience dans les HOlJIII.es de Bonne Volonté,

(1) Les Hommes de Bonne Volonté, (F1&DIIlarion) vol. l, p.

28.

(20)

19

-éprouve le souci de guerre avec une intensité tout

à

fait particu-_ lière. (3) Lisant le journal, dans son train de Paris, les nouvelles

de la crise Balkanique attirent spécialement son attention. Le jour-nal respire la guerre. Il donne des tableaux comparatif8 des armées des adversaires. Il fait allusion

à

un cas d'espionnage. Il parle dlune panf.que

à

la Bourse suee! tée par la cri se des Bal.lœna, et aussi dtun nalvel incident franco-allemand survenu au Maroc.

Sous 1 'influence enn~use des ces nouvelles, Jerphanion évoque 1. temps de son enfance et de sa jeunesse, profondément hanté ~r des souvenirs et des menaces de guerre. · "Depuis son enfance, Jerphanion vit sous la malédiction de la guerre ••••Voilà dix ans, d'ailleurs, que non contente de s'annoncer par des signes, la gœrre s test mise

à

rôder aut our d'Europe." (4) C'Elst ici la. première al lus ion de Romai ns

à

la guerre comme une menace de grande durée, Siétendant de long en large sur un continent entier, l'Europe. Le lecteur est invité, par là,

à

prendre conscience d'une grande poésence dangereuse qui pèse, en commun, sur un vaste territoire composé de plusieurs nations, grandes et petites.

Cette gœrre qui ne menace seuleœnt deux ou trois nations d'Europe, mais l'Europe entière, certaines persomes bien informées, conme Jerphanion, Clanricard, et surtout le député Gurau, l'anticipent avec plus ou moins d'anêJ)isse. Ces personnes sont

à

mêmedè savoir que si el18 éclate jamais, cette gœrre ne sera pas une lutte privée entre

(3)

Ibid., vol. l, pp.

157-166.

(4)

Ibid., vol. 1., pp.

164-166.

(21)

deux ou trois nations, mais elle sera générale, "européenne", CODlJle

dit Gurau. En eftet, ce député, P"ofondément conscient des nouvelles du jour, pense qua la situation est de Ittout ce qu' il 1t a de plus grave" .t qu'"U n'est nullement impossible, malgré les apparences bonasses de la si.tuation, qle dans trois semaines i l y ait une guerre européenne, France comprise." Selon eon jugement, l'organisation poll-ticp.e et sociale de l'Europe est telle "qu'il suftit qu'un chef de bandits monténégrins tasse un coup de tête pour que nous trébuchions tOlU!! dans . une catastrophe insondable."

(S)

·

Or, tous les hommes n'éprouvent pas le même genre d'émotion devant l'événesœnt. Tous les milieux ne gardent pas la même position devant les meœces de guerre. I l y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Les consef ences sont, divisées. Les volontés sont tantôt bonnes, tantôt mauvaises, tantôt dressées contre l'événement, tantôt pen,chées vers lui. Le spectre de la guerre,

rôdant

depuis bien des années par-dessus l'Europe, réussit, ce 6 Octobre 1908,

à

travers des événements de prmière importance,

li.

secouer to,*, le monde,

à

préoccuper les esprits et les coeurs,

à

pénétrer les consciences,

à

les rassembler, voire les liguer pour ou contre elle,

à.

créer autour d'elle des noyaux.

de bonœ ou de mauvai se volonté. Tant qu'elle dure, la cri Be Ta pré-occuper tout le monde. A diftérents degrés d'intensité, bien

.ûr.

L'alerte 1& plue vive, comme nous venons de l'indiquer, est suscitée

iBm

les intellectuels et les hODllles politiques.

(22)

-

21-Après le touchant épisode de sa classe, Clanricard va visiter Sampeyre, son ancien professeur, pour discuter avec lui les grandes nou-velles du jour. (6) Les deux hOJlDles sont profondément troublés et

tâchent de Dl9ttre au point leurs impressions et inquiétudes. lis dis-cutent des dêveloppeaents possibles de la question Balkanique, s1 étroite-ment:. liée au sort politique et social de toute l'Europe. La discussion

soul3ve dans liane de Sampeyre un cas de conscience. Il se demame s'il fait réellement ce qu'il peut "contre le péril du moJX1e".

Comment empêcher la gœrre? La question est dans plusieurs poitrines ce jour-là. Laulerqœ, du groupe de ceux qui se réunissent. cl1&qœ mercredi soir chez Sampeyre, emploie toute sa vivacité et toute son ingénuosité naturelles pour offrir sa solution au problème de la guerre. (7) Il soutient qu'il est plus facile dtempêcher le conf'lit que

de le localiser, une foi. déclenché. Car, il ya bien des appétits nationaux, d'un côté et de l'autre, qui favorisent la généralisation du conf'lit. Empêcher une guerre c'est, pour- beaucoup, faire l'impossible. Point, pour Laulerque. Il n'est p.s fataliste, lui. Il ne croit pas qœ la gœrre soit inévitable. Il ne croit pas non plus aux organizationl socialistes. "Nous sentons que le péril est très gran:1 et très prochain", (8) dit Clanricard. Il faut de l'action positive et immédl.ate. Mais qui aura lB pouvoir de produire cette action? Laulerque, porte-p.role

(6) Ibid., vol. l, pp. 101-114. (7) Ibid., vol. II, pp.

221-224.

(23)

de Jules Romains, propose l'id~ d'une société secrète qui aurait pour but sacré l'élimination de certains individus clefs, responsables de la

«-guerre. L'idée a du rœanesque, par&in presque au "canular".

Toute-1\

fois, c'est l'expression d'une coœcience fatiguée de la passivité

humaine devant la guerre. D'une conscience désireuse d'action immédiate, quoique un peu improvisée, contre le mal. Maie, tout compte fait, où est l'organisation hUJIIB.ine qui, faisant abstraction de 80n hmanité, aurait le génie et la. force de pratiquer 1& justice absolue?

Contre l'empêchement de la gœrre se dirige aussi la con-science du député Gurau. Gurau, idéaliste, symbole d' honnêteté et de clairvoyange politique, a un fort grand souci des menaces de guerre. Cela fait pl.rtie de sob .étier, d'ailleurs. Mais le métier, pour lui, n'est pas une fin. C'est un moyen. Le' moyen le plus indiqué, entre tous,

à

ce mODlEllt de crise, pour empêche r une guerre. Gurau y pens e avec ferveur. Au fur et

à

mesure que les jours paseent, et que les événement.

se déroulent, tantôt s'approchant, tantôt s'éloignant de la guerre, Gurau ne travaille que pour ce but: atteindre 1& situation politique 1.&

cL

...--' plus haute possible, pour être

à

même de sauver la p.ix. Quant le jour-naliste balte Maycosen lui fait part, dans une conversation confiden-tielle, de ses vues sur l'actualité politique, en lui disant que les causes de conflit 119 sont J5s devenues telles qu'il soit difficile. de les éliminer pacifiquement,

et

q.t'il faut pour cela l'action d'un homme placé haut et désintéressé, il est bien certain que Gurau interpréta ces paroles, en lui-mêne, CODUlle un appel

à

sa destinée politique et

(24)

hunani 23 hunani

-t&i.re. Ainsi, lorsque Maycosen lui fait remarquer qu'une nouvelle guerre serait longue et terrible, pire enoore que la guerre Russo-Japonaise, dont les horreurs et 1&durée sont comus de tout le monde, Gurau se jure d'avoir le plus tôt possible les "Affaires" pour Empêcher

"ça".

(9)

Cependant, 1& conscience qui domine toutes les autres con-sciEilces, J&r le ton et l'ampleur de sa voix, et qUi est 00111118 la

con-science de l'époque, c'est Jean Jaurès, le grand homme politique. C'est autour de lui que, dans les premiers volumes des Hommes de Bonne Volonté, une grande partie du peuple franÇais, aussi bien que des persorm&1ités de l'enTergure de Gurau, se rassEmblent

à

l'intention d'une croisade cootre la guerre •. Ainsi, dès la crise d'Octobre

19œ,

Gura.u va chercher conss1.l auprès de Jaurès. (10) Jaurès représente pour lui ce qu'il y a de plus sage et de plus humanitaire en politique,

à

ce moment.. L'entretien des deux honmes tourne autour de 1& guerre. La gœrre, c'est 1& hant.i.se capitale de leur époque. Le grand problème de leur temps. Jaurès et Gurau, bonnes volontés de grande envergure, tâchEllt de trouver un moyen d'empêcher la guerre. Jaurès, en .pLrt1culier , SEmble découragé devant les menaces de guerre qui se précisent de plus en plus. Toutefois, il déclare devant le public que la gue.rre est impossible et absurde. Il

justifie sa position par son désir de faire naître une obsession contre

la guerre. Il prend le J5rti de 1& raison contre celui des forces aveugles. "La. raison seule empêche le monde d'être emporté p:t.r 1& fa.talité. Je compte sur elle," dit-il

à

Gurau". (n) Poo.rtant, ce

(9) Ibid., vol. IX, pp. 236-239.

(10) Ibid., vol. III, pp. 284-300.

(25)

qui élève Jaurès au niveau du prophète, de l'hODlDe politique

"mage"

de son époque, c'est son discours devant le peuple de Paris, au meeting de

1& Rue Foyatier, où il supplie le peuple de ne p:l.s se ré signer mais de

"bamer ses forces contre les .puissances du mal. OUi, surtout, pas de résignation." (12)

où en des paroles très puissantes, il parle en vrai héros unanimiste, soucieux de la totalité du continent européen, et donne un tableau d ranati que de la situation, finissant son diSCOlW_

avec une phrase émouvante en faveur de la paix: "Les houmes d1Europe,

prononce-t-il, mrchent sous le fardeau de la paix armée, et ils ne savent pas si ce qulils portEl'lt sur leurs épaules, e lest la guerre ou le cadavre de la guerre. Qulils signifient

à

tous les gouvernements que leur preaière demande, avant le biEn-être, presque avant le pain quoti-diEn, clest 1& paix. La paix hwœine et désarmée." (1.3)

Or, la question de la guerre soulève une autre grande question de l'époque, la révoluti on. Jaurès penee que si la révoluti. on est iné-vitable, la guerre ne 1.lest pas. Car, "dans le cas de la révolution, 1& raison travaille avec les forces aveugles. Dans le cas de la guerre, 1& raillOn traveille contre les forces aveugles." (14) Ce que Jaurès craint, au fond de son âme, c'est une révolution qui sortirait de la guerre. Clest une réwlution qui aurait sa base dans l'injustice, qu'il redoute le plus.

Les grands problème s de la guerre et de la rêvoluti on

préoc-(12) Ibid. , vol.

IV,

ch. 2.3, p. 262. (1.3) Ibid., vol.

IV,

ch. 2,3, p.

261..

(14) Ibid. , vol. III, ch. 22, p. 299.

(26)

25

-cupent aussi. le monde ouvrier qui, au meeting du ContrÔle Socia.l, pose des question au révoluti onnaire allemam. Robert Michels. (15) Celui-ci tient 1& gœrre pour inévita.ble p&rce qu'il croit que, pour diverses raisons, les organisations réTOlutionnaires des pays d'Europe et surtout celles de llAlleDBgne, n'ont pas vraiment le moyen ni même le dc§s1r drempScher une guerre. Certaines d'elles vont mêae jusqu'à souhaiter 1& guerre afin de précipiter les chances d'une révolution.

Aussi. est-il certain qu'il y a des forces qui, conscieument ou inconsciemment, travaillent pour l'avènement de la guerre. A côtES de 1.& croisade pour la. p.ix des Jaurès, des Gurau, des Laulerque et de tant d'autres honmes de bonne volonté, il ya 1& croisade pour 1& guerre ç.e certains ilXiiv:kbs et de certains groupe s dont les intérêts et les actions coiœident avec le conflit. Il y a les organisations socialistes de divers pays qui seraient heureuses de voir la guerre précipiter llavène-ment de 1& révolution. Il y a les financiers et di.vers fournisseurs de munitions qui, de tout temps, envisagent la gœrre comme 1& plus grande

source dl enr.i chis semed; • Le pétrolier Champcenaia, p:i.r exsnple, symbole de tout ce que 1& financ e a de plus égoïste et rapace, accepterait volon-tie ra la gœrre qui couperait court

à

la révoluti on. La guerre ne

sauvegarderait pas saulement ses intérêts, nais, ce qui est mieux, elle' les augJœnterait. (16) Autre eXElllple de rapacité financière no1JS est' foumi par- Jules Romains avec l'industriel belge Z61picher. Exemple }».tEl'lt celui-ci. Il ap15rlÛt dans les Homes de Bonne Volonté dès 1910

(15) Ibid., vol. IV, pp. 1~-190. (16) Ibid., vol. Ill, pp. 182-183.

(27)

et son pouvoir gramit très rapidemEnt. Non satisfait du rythJœ de son ascen'iSlon financière, ZUlpicher fait tout pour influencer les divers goUY'ernements européens

à

se procurer des canons et des mitrailleuses. Il a même l'intention dl~crire des articles dans les journaux pour créer

un état de panique, afin que les gouvernements doublent et triplent leurs comnandes de munitions. (17)

Un épisode caractéristique de sa grande influence se place lors de la crise d'Agadir, quand l'Allemagne, pour protéger ses intérêts dans cette région, fait savoir

à

la France l'envoi devant cette ville d1un bâtiment de gœrre. Après avoir lu ces nouvelles dans les joumaux, cer-taines personnes d'Anvers et même de Bruxelles, téléphonent

à

Z61.picher pour lui demander s'il ~n88 que la guerre est pour la fin de la semaine.

(la)

Il est hors de doute que des gens conme Ztllpicher, le métallur-glste, et Champcenais, le pétrolier, possèdent un très grand pouvoir, entièremert. mis au servi ce de la gœ rre. Quoique leurs intérêts parti-culiers ne soient pas identiques, les deux houmes font alliance économique et dressent des plans pour tirer le parti le plus profitable d'un conflit qu'ils font de leur mieux pour préparer.

Il ya aussi, pl.rmi les responsables de la guerre, tous ceux qui, malgré eux, se portent vers d'autres centres d'attractions, vers le travail, le divertissement, la vie quotidienne.

ct

est le peuple, en général,

(17) Ibid., vol.

n,

pp. 250-251. (la) Ibid., vol. X, p. 236.

(28)

Zl

-oubliant par ra ture et ne aoupçomant guère ce qui se passe de vraiment important dans le monde, le peuple symbolisé dans Les HODDl1es de Bome Volonté par le peuple de Parls qui, au seuil de la guerre, va passer eon dimanche popu1a.ire au Moulin de Saumois. ilLe peuple" nous dit Romains "vient témoigner qu'il a le droit de vivre en son quotidien, malgré tant de grandes vaines choses qui se passent, ou se préplorent." (19)

ces

C'est

à

ces iOO1vidus et/groupes humains que le franc-maçon Karl penaaât , quand il disa.i.t

à

Laulerque: "li faut tout craindre en

ce moment. Beaucoup de gens prétendent qu.tils n'ont rien contre elle

(l

ft

'pRj,,)-Mais ils n'ont rien non plus pour elle ••••Ils ne l'aiment pas. Ils

ont touj ours une passi on plus fo rte que la paix.Il (4»

VraiJaert., ce qui est terrible, c'est que la paix n'est pas un but. Tandis que, pour bea œcup, soit directement, soit indirectement, la guerre est un but fort souhaité. Parmi ces derniers, il II' faut pas

manquer de noter ces groupes huma.ins qui sous le joug dtune puissance étrangère, ne désirent la guerre que pour devenir libres et pouvoir vivre hum&ineJœnt. Ce sont ceux dont Margaret-Desideria }rend le parti auprès de Laulerque, les peuples 8Ubjugués par l'Empire d'Autricœ:

"Il ne peut '7 avoir la paix en Europe, n'est-ce pLs, tant qu'il '7 aura tous ces peuples oppriJl6s: les Slaves, du Sud, les Tchèque s, le~ Slovaque s, le s Roumains, combien d'autres, tous par le meme Empire, n'est-ce pas, qui est lIincarnation de l'Antéchrist. Et c'est tÂs beau de dire qu'on veut empêcher la guerre. Mais quam vous découvrez que tout cela, c'est pour empêcher qœ les peuples se révoltent, et pour que les gens de Vieme

(19) rsia.; vol. 10, ch. 11, p. 117. (20) Ibid., vol. II, ch.

23,

p. lS5.

(29)

et de Budapest continuent

à

bien vivre et

à

régner COJJDle des anciens sultans turcs entour~sde leurs vizirs, alors, n'est-ce pas ••• " (21.)

Or, i l est certain que lBs intérêts mènent les ho_s, soit vers Je bien, soit vers le mal. Les int~rêts humains, aussi variés que ceux qui les possèdent, suivent des chemins différents, tantôt marchant

en lignes parallèles, tantôt, s'entre-eroisant, toujours se mêlant d'une façon extrêmemert. cœpliqu.§e, se rapprochant et ee repoussant conti-nuellement, pour aboutir toujours

à un

noeud,

à

une impasse,

à un

conflit.

La guerre de

'14,

Jules Romains le montre .plenent, va être bientôt. 1& eonséqœnce d'une telle impasse, d'ulle tel conflit entre les divers intérêts et aspirations de divers groupes ethniques, politiques, économiques et autres. La conséquence cruelle de ?-.!~rsit~ entre unanims de divers ordres et qualités, ceux, d'une part, qui, avec une

grande conscience

à

leur centre, CODlD& Jaurès, tâchent dfEmpêcher

un

conflit brutal entre les houmes; ceux, de llwtre part, qui, entourant des eonecteaeee ultra-révolutionnaires conme celle de Lénine, travaillent pour la guerre, tout en espérillt qufelle aboutira

à

la révoluU on

désirée; ceux, encore, qui, représentant le monde du gain matériel, se liguent autour d'honmes dynamiqœs, tels que Zillpicher et Champceœis, font tout pour llécla.temert. d'une guerre qui. fera leur fortune; enfin, tous ces groupement s d 'houmes, organisés ou non, tous ces UDiI'limes ou pre.que-unanimes multiples, chacun avec ses besoins et ses aspirations

(30)

-29-propres, les organisations ouvrières, le peuple ano~~ les nations subjuguées, etc., qui pèsent de leur poids dans ]a balanee de 1& guerre et de la paix, et qui font iœl1ner la l:alaœe vers 1& guerre plutôt que pour la paix. Tout ce monde, multiple et malade, que le journaliste anglais Stephen Bartlett tâche d'expliquer dans ses car-nets de wyage qui, }:Br leur ton souvent prophétique et leur esprit de "au-dessus de ]a mêlée", tiennent" dans les années de l'avant-guerre!

'14

des Hommes de Borme Volonté, une place d'honneur, noua faisant

sou-vent penser aux choeurs des tragédies grecques. "Tous ces gens, dit Bartlett,

parlant

des européens de l'avant-guerre

1914,

ont l'air de s'attendre

à

des bouleverse.ris considérables ....}:Bs un ne semble croire que l'état des ehosee actœl peut durer." (22)

.,

Et plus loin, parlant de la graDie stupidité de l'Europe qui "ne se contente J8S de faaenter la révolte des peuples intérieurs. Elle ne rêve que de se déchirer elle-même, Jar ses propres mains. Au lieu d'employer sa prudence, son génie, ses ressources

à

défendre son hégémonie menacée, elle prépare fiévreusement une terr.l ble guerre intestine." (23)

L'état des choses étant tel, dans l'Europe de l'avant-guerre

'14,

un petit coup de feu manquait, au bon endroit, pour répandre le feu et la folie partout dans le vieux. continfl'lt. Ce coup fut tiré contre l'Archiduc François-Ferdinand, héritier présomptif' du trône

(22) Ibid., vol. VII, ch. 19, p. 175. (23) Ibid., vol. X, ch. l, p. 17.

(31)

de llAutrlclll, par un étudiant bosniaqœ

à

Sarajevo. L'épisode, Cl soi,

ntétait pas d'iJIlportance suffisante pour caUser l'éclatement d'une guerre générale. Il aurait pu avoir une suite et un dénouement locals. Mais, justement, ce "local", politiquem.n. parlant, n'enstait pas. Le local Autrlche-Serbie n'était qu'un local géographique. En politique, (et l'épisode de l'assassinat de l'Archiduc autr.ichien était de nature poli-tique) les liens qui unissaient la Serbie

à

la Ru8sie, l'Autriche

à

l'Al1ellB.gne, 1& Russie

à

la France-, etc , , étaient tels qu'unl cira. politique de nat~e locale aurait, automatiquement, des conséquences universelles. Tel, l'assassinat de l'archiduc Joseph d'Autriche.

L'événement est reçu selon le coeur et les aspirations de chacun. Les individus et les groupes d'Europe, s'étant déjà unis par des affiliations secrètes, tEl'ldent à se délimiter,

à

t'onner des unanimes d'attaque ou de résistance, des t'ronts nationaux, politiques, économiques, etc, , en état d'alarme, prêts

à

se mobiliser, sitôt le signal. donné, et

à

8e jeter Les uns sur les autres, plongeant ainsi l'Europe, leur CO_mle habitation, dans la pire des catastrophes.

Le signa,l fut domé lorsque l'Autriche, offensée par le œurtre de son archidœ, déclare la guerre

à

la Serbie.

Aussitôt, et canme prévu,

à

cause des multiples ramifications politiques qui unissaient divers pays d'Europe contre divers autres,

à

cause deserments de fidélité raciale et politique qui divisaient l'Europe en deux camps adverses,

à.

cause des intérêts multiples qui. unissaient certains pays tandis qulile divisaient certains autres, l'Europe était

(32)

31

-.

l

debout, prête

à

se faire la. gœrre. L'Europe, vielle mère de la

cin-. .A

lisation, était dans le danger d'être déYorée par ses entants, d'être détruite, elle, la. créatrice de tant de bien, I8r ses entants ignorants et ingrats. Jules Romains ressent très profondément ce drame de la mère Europe, lui qui l'a tant connue, aimée etdéfendue. Il finit son tableau de l' avant-gœ rre

'14,

avec un petit passage unanimiste, une

vu.

d'ensEmble de l'Europe au seuil de la. catastrophe, quelques lignes lourdes d'_tion et de gran:leur, où l'amour pour l'Europe trouve des paroles épiques

à

J1"ononcer contre la sottise des européens. Rien ne mériterait plus une citation que ce petit passage, frémissant d'amour et d'indigna-tion prophétique. Romains, situé géographiquement en France, faisant front

à

l'Europe éternelle: liA l'Est, soudé

à

ce pays qui en était le front, le balcon sur la Jœr, il Y avait le continent; l'Europe m&igre et osseuse, riche et tourmentée, solidaire et divisée, une ma.ia non unie. Il 7 avait en eff et des Rois, des Empereur s et des Peuples. Ni. le s Rois, ni le s lYnpereurs, ni les Peuples ne savaient au juste pourquoi ils tenaient tant à faire la guerre, ni ce qu'ils 7 cherchaient. Ni les uns, ni les autres n'avaient présent.s

à

VesJrit le miracle de ce continent, ni le miracle plus fragile encore qu'était sa chance dans le monde. Cette Europe, la leur, devenue ère ou tutrice de tous les peuples, source des pensées et des iDV'entlons, détentrice des plus hauts secrets, leur était moins précieuse qu'un drapeau, qu'un chant. national, qu'un dialecte, qu'un tracé de frontière, qu'un nom de bi.taille

à

inscrire sur un socle, qu'un

(33)

giseJll8'lt de phosphates, qu'une statistique de tonnage can]».ré, que le plaisir d'humilier le voisin.n (24)

(34)

33

-CHAPITRE II

LA GtERRE

La grande date, l'événeJEnt capital pour lequel Jules RoJEins,

à

travers les quatorze premiers volwœs des Hemmes de Bonne Volonté, n'a fait que préparer le terrain, est, enfin, survenu. Les nations d'Europe, toutes selon leurs humeurs, lassées d'une longue période de paix,

en-nuyées de mille ennuis politiques et économiques, viennent chercher dans la €perre soit une source de délivrance morale et matérielle, soit une récréation bruyante, un jeu, soit l'occa.sion de faire une bonne aftaire par l'accaparement des ressources étrangères, en somme une fin

à

leurs misères nationales.

Les premières grandes na.tions

à

se jeter l'une sur l'autre sont, "comme par tradition", dit elules RoDBins, l'Allemagne et la France. Du tond de leurs provinces, les deux lBtions envoient leurs hoomes, des millions d'honmes, à se battre jusqu'à la mort, et pour des raisons mul-tiples, soit, dans le cas de l'AlleJl8gne, pour l'homeur de 1& patrie et l'agrandisseDUllt de son prestige, moral. et matériel, soit, dans le cas de la France, pour des principes humanitaires et aussi pt.r volonté de défense, voire de vengeance.

(35)

est que cette guerre a réussi

à

soulever des asses d'hoJJlI18s, des millions de gens préoccupés jusqu'ici en des lieux divers et

à

des besognes différentes, et

à

les réunir tous ensemble dans un lieu commun, le front de bataille, et

à

les charger d'une besogne commune, la poursuite de la gœrre.

La guerre de

'14

fait ainsi son entrée dans l'histoire. Or

cette guerre ne ressEmble point, ou rien que très peu, aux guerres d'autrefois, et tout particulièrement

à

celles qui se sont déroulées depuis les Invasions des Barbares. Depuis le Moyen Age, il Y a eu des guerres, conme toujours, mais su un plan très restreint: c'étaient des affaires, sanglantes sans doute, D&.is lindtées

à

des délégations

nationales, pour employer le mot d'André Rousseaux,

à

des spécialités des armes, plus ou moins étendues, dont la raison d'être était

juste-mu

la. défense de 1& patrie en cas de guerre.

Or, la guerre de

'14

est beaucoup plus que cela.. Elle est, dans ce XXè lJi,ècle, le }renier, en date et en conséquence, de grands phénomènes sociaux. Et aussi, grâce

à

cet iœnense amas d 'homnes et de choses qu'elle met en mouvement,

à

ce vaste remue-ménage de toute une humanité liée et divisée plr des idéaux et des inté~tsmultiples,

l

ces millions d'hoJlDles de partout engagés dans une entreprise colossale qui réclame, pour consonmation, les efforts et les sacrifices communs des peuples entiers, cette guerre de

'14

est du terrain particulièrement propice

à

la littérature unanimiste. Jules Romains en tire le profit le plus vaste, dans les grands livres que sont Prélude

à

Verdun et Verdun de la ~rie des HOIIlDles de Bonne Volonté.

(36)

35

-Des milliers de livres, j:armi lesquels de très bons, ayant pour thème la guerre de 114, ont Jaru jusqu'ici. Aucun d'eux n'a, sinon at-teint la grandeur littéraire des livres de Romains, du moins traité la guerre comme un événeœnt collectif, Jar excellence, où la personne hu-maine est abolie, ainsi que Rouains le fait dans ses Verduns. Nul auteur de ces livres-~, ni Barbusse dans sen ~, ni Dorgelès dans ses Croix de Bois, pour ne citer que les meilleurs, n'a essayé, consciemment ou non, de transcemer l'horizon visuel de son individu pour atteindre un grand tableau. Et Le Feu et Les Croix de Bois, aussi bien que tous les autres livres sur la gœrre,

à

l'exception de ceux de Romains, se placent. au point de vue de leur auteur, trop souvent celui du simple soldat. Le lieu où se passe leur action n'est autre qu'un petit secteur du front ou un fragment insignifiant, quoique assez caractéristique, de l'arrière. Le teaps est celui de l'événeJœnt local présenté sous forme de journal ou autre, de jour en jour. Romains, justement, réussit dans Pl'éluie

à

Verdun

à

élargir ses dimensions et

à

les enrichir d'une quatrième: l'Unanimisme. Le lieu conventionnel des rOll8ns de guerre, devi ent pour lui l'ensemble des lieux qui ont rapport

à

1& guerre. Ainsi que nous allons le voir plua bas, l'esp.ce dans lequel se déroule la guerre n'est plus seulement. celui du champ de bataille, si étroit ou si étendu sait-il. C'est le total de tous les lieux qui sont directelDBnt ou irrlirectement affectés Jar l'événe-ment, et q..ti égalent' .un grand morceau de la planète. D'autre

part,

le tEmps de Romains n'est plus seulement. celui de l'Almanach quotidien, Jl&i.s l'infinie et mystérieuse dimensim qui entoure la terre, la terrible ~

(37)

des Temps aux yeux de laquelle nul honune ne sait cOllllœnt Jarait notre "planète en combustion". Enfin le héros individœl est ici submerg~ par

le héros collectif. Car les protagonistes de cette guerre ne sont pu des hommes, mis des millions d'homes. Les héros de cetee guerre ne sont pas des individus, mais des entités collectives. L'étElldue et 1&

nature de cette guerre effaçaient le rôle de l'individu en donnant

prior.l.té et presque absolue considération à la masse humaine, masse assez bien disciplinée, d'ailleurs, et assez bien organisée. Les grands acteurs de cette ~erre ne sonl:. ni un chef llilitaire g~nial, ni un soldatl: de courage exceptionnel, mais les deux armées ennellies qui se confrontent, ces llil-lions d'hoJllIœs aux Irises, ces colossales anonymit~scombattantes, d'un

côt~ et de l'autre.

Ainsi considérée, la guerre, pour ]a. première fois dans

lIhis-toire de la littérature, se place dans ses proportions naturelles, voire supra-naturelles. Toute vision lyrique de la guerre s'écroule tout.

à

coup deTant la réalité d'W1e gœrre faite Jar des "millions d'hommes", formidables héros collectifs dont les JrOpriétés, jusqu'ici inconnues, ou

mal connue s, coomencent

à

se révéler, l'me après l'autre, et

à

étonner, YOire désespérer les combattants et leurs chefs. Il n'y aval t plus place pour un premier coup décisif', pour mettre un point final rapide

à

la guerre. Les millions d'hODlJœs ennEmis s'étalaient,

à

perte de vue, en largeur et en profondeur, tenant lieu de murs énormes, solideœnt bâtis et impénétrables. Toute tentatiw d'enfoncement du milieu du front en-nemi, ou d'enveloppement de ses flancs, était hors question. Ces

(38)

mil 37 mil

-lions d'homes, souples malgré leur nombre, infatigables et invincibles

à

cause de leur nombre, font preuve de grandeur, équiv&1.ente

à

celle des domans!ons des Etats. Le "million d' hommesn qui constitue une force par lui-mse, un état de choses nouveau et indépendant, dont le ro"'!e est tel qu'il efface presque celui des chefs. Le "million d'hOlllIles", nouveau dieu,

dort. 1& guerre de

t14

découvrait la nature. Jules Romains dkrit ainsi la nature de cette découverte faite p.r les h0DlJ188 d'Europe, dans ce pusage unanimiste:

"Ils découvraient Lea propriétés physiques, antérieures et comme indifférEntes a toute stratégie, du

.'million d'hommes'.

sa

fluidité, son aptitude

à

rép.rer sur place les trous qu'on lui tait;

à

envelopper, engluer, amortir la pointe qui le pénètre;

à

ployer sous le coup,

à

s'incurver sans se ranpre;

à

s'allonger par coulure a travers tout un territoire pour y tendre une front.ière provisoire et vivante~ le 'Jli.Uion d'homnes' se trouvant juste appartenir au meme ordn de grandeur que les

di_n-sions des Etats; la facilité qu'il a de s'accrocher au terrain, de s'y coller aux moindres saillies, d'y creuser pres'lUl

instantané.

nt

avec son million de plires de bras une éraflure continue où il se loge comne une gale, et le lo~ de laquelle il se met

à

produire vers l'avant une espece de frémissement de teu, de vibration mortelle; comme

si quelque chose d'exaspéré, de brûlant, d'intouchable devenait l'une des lignes naturelles du 801. Tout le

rôle

du chet n'étant plus alors que d'acheminer aux mieux, jusqu'aux derniers étirements de cette multitude, des all.lIBI1ts, des munitions, des ordres d'une simplicité

élémentaire, et des hOllJD8s neufs pour remplacer, aux en-droits qui s'indiquent tout seuls, les honmes détntits.Il (1)

Tels étaient les héros de la guerre 114. De tels ''millions d'haumes", puissants et inépuisables, les deux armées adversaires étaient

(39)

composées. De telle DBtière monstrueuse la guerre de

'14

était faite.

Ainsi conçue, cette guerre, présentait aux hODllœs le spectacle d'une lutte formidable mais figée, entre deux colosses, deux adversaires col1ecti.f's composés de millions de combattants, de millions d'êtres hUBBins, formant deux touts solides et puissants. D'un côté du front et de l'autre, deux lourdes et fourmillantes collectivités, ressemblant aux

eu.rs

corpe de deux lutte&&> énormes qui se cherchent et qui s'~tent, se rap-Irochentici et

là,

s'attrapent avec férocité, avançant un ~tit

peu,

ou reculent, selon le cas, faisant preuve d'activité acharnée, pleine de sueur et de sang. Curieuse lutte, cepeDiant, puisqu'elle ne se fait pas

pleinemEnt, de sorte qu'elle suggère le contact entre deux chairs nues, mais elle se produit plutôt, comne une approche entre "deux surfaces in-humaines, bardées de pointes, suant le feu et la corrosion. Corps

à

corpe paradoxal, où le plus difficile était d'arriver

à

se toucher." (2) Espèces de monstres inmenses dont les IBrties seules ressentent la morsure des chocs, l'impression directe d'épap.ouissement ou de vide. Les touts subsistent, formidables et impassibles. Derrière leur CODDnune ligne d'approche, leur point de rencontre spasmodiquement occupé, il y avaient les vastes corps de deux adversaires, presque inactifs, donnant une im-pression d'immobilité, tenant lieu de solides murs de défense, étalés, en

largeur et en profondeur, sur un large terri taire. Deux murs énormes séparés "par la largeur d'une ruelle". (3)

(2) Ibid., voaa. XV, p.

14.

(40)

39

-Ouvrons ici une courte IBrenthèse pour rémarquer la phraséo-logie unanimiste de Romains, puisque c'est grâce

1

elle que nous par-venons,

à

travers des expressions concrètes, pour la plupart,

à

com-prendre pleinement le caractère fou et massif de cette guerre. L'exemple des deux murs énormes séplrés par la largeur d'une ruelle, et celui, plus haut, des corps immenses de deux lutteurs, pour représenter l~s deux amées ennemies en plein combat, nous donnent l'occasion c1f,i ' embr a s s er

visuellement l'ilunensité concrète et pllplble de cette multitude. Ce talent descriptif de Romains, abondant tout au long de son récit de la guerre, est une des ressources capitales de son imagination unanimiste et contribue largemert.

à

notre compréhension énergique de l'événement.

Comment percer le mur ennemi? Puis atteindre derrière le trou n'importe quoi de vital et obliger ainsi toute la muraille d'hoDlll8s en-nemie

à

recule r?

Les deux adversaires pensent

à

ce nouveau plan d'attaque, imposé

par l' événelllEllt. Serai t-il efficace? Raccourcirait-il la guerre par une DI&.lloeuvre géniale, un coup décisif qui ouvrirait une brèche dans le mur ennmi, et penDettrait au mur d'en face d',.. pénétrer, et d'occuper certaines positi ons-clefs qui obligeraient le front ennEmi

à

se désorganiser, tant soit peu,

à

se diviser en petits fronts, beaucoup plus vulnérables, beau-coup plus faciles

à

battre en rase campagne? Ce plan, si ba.rdiment médité

pal' les deux adver88ires, était d'autant plus cher, d'autant plus

signi-ficatif aux Français, sur le sol desquels les deux murs énormes étaient bâtis et consolidés. "Tout, mais pas ce murt qui. avait l'insolence d'être

(41)

construit sur Totre sol; qui. faisait avancer tellement la frontière vers l'intérieur; qui entemait derrière lui plusieurs de vos provinces. Tous les risques de la guerre ordi œ.ir e; mais pas ce mur," (4) semblait se dire l'ensemble des Français. Derrière ce mur, ils se sentaient coœne dans une prison, ou ce qrl. est pire, dans un sépulcre, quoique encore vivants. Ils développaient, peu

à

peu, une conscience de captifs. Ainsi veillaien t-ils la nuit pour préparer des plans minutieux

à

se jeter, soudainement, sur un point, prétendu faible, du mur ennellÎ., avec l 'intenti. on de le crever.

Aussi, d'ici lors, la tactique de ]a guerre consisterait

à

briser soudainement,

à

faire une brèche rapide sur un morceau du mur ennœd. Ensuite occuper la brèche et jeter par elle "le plus du monde quton peut, et se répandre au delà pour provoquer et hâter la désorga-nisa ti on de l'ennemi." (5)

~ Comnandemem. Français essaye cette nouvelle tactique

à

cer-tains endroits du front. Jules Romùns nous donne une vue d'e:nsenble, une vision unanimiste d'une de ces entreprises typiques, dans une moiti' de page où le tintamarre des obus, le feu partout, la fwaée, la bagarre assourdissante de mille instruments de guerre vomissant la destruction totale sur un endreit détenniné du front:l le mouvement collectif des hommes escaladant le s tranchées, ba10nnettes au canon, reconstitue devant nos yeux le spectacle de la bataille, tel qu'il aurait pu s'at' f'rir a.ux

(4)

Ibid., vol. XV, p. 19.

(42)

-41-)'eUX d'un observateur neutre dominant la plaine où l'attaque française

avait lieu. En voici la description de Rosins:

"Sur une peti te largeur de tranchées allellSlldes, il (le c<DJll8lldement français) EIlvo1& en vingt-quatre heures, cen t mille obus. Pendant ce temps, il fai sait creuser les parallèle8 de départ tout près de 1& position ennemie. Dans les dernières minutes, alors que les troupes d'assaut se prépl.raient

à

escalader les gradins de franchissement, il déclencha un 818tème qu'il venait d'inventer: le feu roulant, le tambourineaeatde feu, qui était l'acciù'ra-tion soudaine du tir de toutes les batteries d'artillerie sur les tranchées

à

conq~rir. Le tambourinement de feu était fait pour donner aux derniers occupants des tran-chées,

à

ceux qui avaient survécu

à

1& pluie des cent mIle obus, l'impression que cette fois le ciel croulait SUI" eux,

que l'horizon to'*' entier explosait dans leur direction, qu'une nain de terre et de fer aux milliers de doigts sor-tant de 1& planète s'abattait sur eux pour les broyer d'un coup, et que tout espoir d'échapper

à

ce brosque changement de vitesse de la mort était pur enf'antillage. Certitude qu'achevait de créer l'explosion bien véritable d'un cer-t&in nombre de mines doot l'entonnoir remplaçait en un clin d'oeil boyau, tranchée et J8rapet, non sans vomir du débris d 'home alentour. Là-dessus, les troupes d'assaut firent. leur bond. D'abord les tirailleurs; puis, couvertes par eux, les fonœ.tions plus épaisses, le s unes cœme les autres n'aY'ant qu'une faible distance

à

parcourir." (6)

L'assaut terminé, flle morceau de mur croula bien, mais encore iœomplètement.fI Enfin, "dans l'ensemble, l'ennsni avait évacué 1& zone

bouleverséefi et les Françai s l'oc cupèrent assez facilement. Or, peu &pns, les nouveaux occupante reçurent, à leur tour, "un arrosage d'obus" venant de l'artillerie ennemie. En mse tempe, ils reçurent des contre-attaques de l'infanterie allemande. L'artillerie françai88, censée

sou-tenir les siens, hésite

à

tirer de peur d'atteindre son infanterie. Quant

(43)

aux réserves franÇai ses, elles partent de trop loin pour arriver

à

temps. Aussi, les Français durent. évacuer le terrain

à

letn' tour. Ils réus-sirent, pourtant,

à

conserver difficilement quelques tranchées enneJlÎ.es. C'était

tout leur gain. Bien maigre, biEll insuffisant

à

côt~ des. pertes subies, des efforts dépensés. L'objectif de l'attaque n'était atteint que pour être perdu un moment après. La tentative calculée avec tant de soin et d'espoir fut futile quant. au résultat, trop coûteuse quant au lE.térie1, hwœ.in et im&ni.tJI8. Le mur d' honme s ermemi, faisant preuve de ses terribles Jropriétês physiques, se reconsti. tua facilement un peu en arrière des tranchées perdues. Aussi, malgré certains repliements, le

é ' là'

mur tient bon. On l' rafle, mais on ne le creve pas. Il est "non moins solide, non moins exaspérant. Une bosse était remplacée par un creux. Tel fut le salaire de ce grand effort." (7)

La vanité de tant d lettort, l'usure pour rien de tant de vies précieuses, étonnent et inquiètent profondéaent les Français. Derrière le mur ennemi, pri80nniers mr leur propre sol, les Français ont unani.E-ment, "par bouffées", COJlllœ dit J. RoiIains, "llimfl"ession d'être des

enterrés vivants. Des gens qui font quelque chose d'aœsi affolé et dlaussi. absurde que de se jeter sur un gros mur de moellons pour le déchirer avec les ongles." (8)

Dans de telles conditions, aussi nouvelles qu'étranges, la guerre de '14, au lieu de l'ttltreprise courte et décisive quton avait espéré, au début se révélait, peu

à

peu, comme une entreprise décidée

à

durer

indé-(7) Ibid., vol. XV, pp. 25-26. (8) Ibid., vol. XV, p.

19.

(44)

-

43-!iniJilent.

Or, après les incontestables éche ca de premiers coups déci-aifs, les hommes se demandent combien de t8.llpS cette guerre va durer. Les adversaires étaient convaincus d'une chose: qu'il fallait tenir bon. Mais pour combien de temps? La nanre de cette guerre, le mode de lutte

Ll

qu'elle imposait aux gerriers était tel qœ tout dépendait de la possi-1\

bi1ité de tenir un peu plus que l'adversaire, de durer un peu plus que lui, mêne un quart d'heure de plus. Dès lors, ce critique quart d'heure

sera la Jlesure et le cauchemar de cette guerre. "Celui qui gagnera la guerre, c'est celui qui tiEildra un quart d'heure de plus", dit Romains. Aussi, obligés de faire une guerre de tenaci té et confrontés par un besoin de durer, les deux adversaires s'organisent avec méthode en vue .

d'une gœrre de longue haleine. Tout au long du front, les tranchées se consolident et se dédoublent. Les canons et les mitrailleuses sont placés dans des casemates en béton. Les observatoires d'artillerie ac-caparent des places stratégiques. Entre le front et l'arrière des liaisons téléphoniques se créent. et se stabilisent. Les 'tOitures de ravitaillement et les chevaux circulent si. bien sur les mênes rout.es qu'ils les apprennellt pt.r coeur. Les bureaux tiennent

à

jour 1e8 cadastres en ce qui concerne la position et les mouvements des hommes et des choses. On se prépare pour la guerre du "demier quart d'heure".

C'est ici que l'un des deux aspects du Temps, l'infinie, s'intro-duit dans l'événeaErlt et de 11 au récit (où nous aurons l'occasion de

l'attester dans la seconde partie de ce mémoire); 1& durée de détail, qui avance

à

peine, de "quart-d'heure" en "quart-d'heure", imposant ainsi SOft

(45)

I7thme

lourd et lent aux soldats,

à

leurs devoirs, leurs habitmes, leurs états d'âme. C'est le Temps, devenu dimension unanilliste, de plus en plus proche, de plus en plus pllpable et COlDllune au "lIillion d 'holll!les" ,

au front. Or, le conmandement françai s, seeoué iBr ses ~checs locaux, mMite la façon 1& plus efficace de sortir de cette imPosse qu'eJst 1& nature de cette guerre. Il aboutit

à

cette conclusion: plus de canons pour tuer plus d'hoDllles. De plus, aIlener les réserves, d'avance, beaucoup plus près du front d'assaut. Repérer les emplacements de l'artillerie ennemie en multipliant les photographies aériennes. Placer des observa-teurs d'artillerie dans les traŒh~s pour permettre aux canons de tirer

...

meme en pleiœ bataille.

Pour satisfaire

à

ses nouveaux besoins, le CODlll&nà8Dl8nt lance un

appel

à

l'intérieur et dElBande les moyens, un million de moyens (des

canons, des obus, des mitrailleuses, des torpilles, des grenades, des avions, du fil de fer, de 1& t81e, des sacs

à

terre, des nadriers, des rondins,

des bottes, des cal.ottes~ qui précipiteront et assureront 1& Victoire. Ces commandes vont naturellement occuper une grande partie du monde fran-ça1s,

à

l'arrière du front. Le gouvernement et les hommes politiques seront les prsiers

à

s'en préoccuper; le monde journalistique en don-nera des détails et Jœttra le public au courant des développeaents

pos-sibles de cette affaire; le monde des fournisseurs sera bien content de s'occuper de ses co_ndes, et pour le plus longtempe possible, enfin, le monde ouvrier sera, lB r nécéssi té, mêlé

à

l raffaire. Ainsi, la guerre avec ses difficultés et ses exigences, pénètre peu

à

peu dans 1& France.

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