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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les contradictions d'une politique d'élévation du niveau scolaire

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Academic year: 2021

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LES CONTRADICTIONS D'UNE POLITIQUE

D'ELEVATION DU NIVEAU SCOLAIRE

LUCIE TANGUY

INTRODUCTION

Durant la décennie 1980 l'éducation est apparue comme une activité essentielle au moyen de laquelle un certain nombre de questions posées aux sociétés industrielles, par l'internationalisation des marchés et l'accélération des changements techniques, pouvaient recevoir des éléments de réponses. En France comme dans la majorité des autres sociétés industrielles, la formation des compétences et plus généralement la recherche de solutions aux problèmes de l'emploi ont été inscrites au coeur du système éducatif sous diverses manières mais en premier lieu par une politique énoncée en termes d'élévation du niveau de scolarisation. Le mot d'ordre promu au milieu des années 1980 "faire accéder 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat" en est une illustration éloquente.

Cette politique et ses modalités de mise en œuvre ont, très rapidement, généré des changements aussi importants qu'inattendus de telle sorte que la légitimité des formations professionnelles conduisant à des emplois d'ouvriers et d'employés s'est trouvée mise en cause. Plus généralement la question a été posée de savoir s'il était encore légitime de former des ouvriers dans la décennie à venir ou s'il convient de considérer que le technicien va devenir le personnage central de l'industrie manufacturière. Par ailleurs, si l'on admet que l'ouvrier qualifié gardera une place décisive dans l'organisation du travail en cours de développement, la question est posée de savoir s'il doit être doté d'une formation professionnelle ou d'une formation technique. En d'autres termes, ceux-là plus spécifiques à la France, le baccalauréat professionnel (institué en 1985) représente-t-il la certification de la qualification ouvrière ou les diplômes du BEP (Brevet d'études professionnelles) et du CAP (certificat d'aptitudes

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professionnelles), plus anciennement institués, demeurent-ils des certifications légitimes ? Telles étaient en substance les questions auxquelles j'ai tenté d'apporter l'éclairage nécessaire afin que des réponses sociales puissent être élaborées en relative connaissance de cause. A vrai dire les questions ainsi énoncées résultent d'une reformulation de celle qui m'était posée par le Secrétariat d'état à l'enseignement technique, laquelle me demandait de démontrer que les modes de formation, dits de niveau V, ceux conduisant aux certifications professionnelles (de type BEP et CAP) gardaient une légitimité relativement aux impératifs économiques et aux impératifs sociaux et culturels.1 Plus précisément, la lettre de mission qui m'était adressée me demandait de porter un diagnostic sur l'évolution de l'appareil scolaire relativement aux attentes économiques en types de compétences et me demandait également d'aider à définir une thérapie sociale en l'occurrence de proposer des modalités particulières d'accès à une qualification pour les publics d'élèves dits "en difficultés scolaires". Au lieu de réaliser, à la lettre, l'expertise qui m'était demandée j'ai procédé à une problématisation et à une analyse des questions formulées par un représentant de l'État. Tout d'abord parce qu'analyse et problématisation sont des attributs de l'activité scientifique mais aussi parce que les instances étatiques et la société civile ont davantage besoin de cette capacité d'identification des problèmes que de recettes d'action. Pour être en position de porter ce diagnostic j'ai mené une analyse qui porte d'une part sur l'évolution des réalités scolaires, des contradictions qu'elles génèrent et sur les devenirs possibles qu'elles contiennent et d'autre part sur l'évolution des formes d'organisation du travail dans les principales branches d'activités industrielles et des attentes en compétences qui s'y manifestent. Cette analyse, je le souligne, est le produit d'un travail collectif puisque j'étais assistée, pour accomplir cette tâche d'un groupe de travail permanent2 et que j'ai de surcroît bénéficié de l'aide de plusieurs chercheurs pour la mener à bien3 .

Je rappellerai, ici, les principaux faits ainsi mis en évidence et les propositions auxquelles ces analyses ont conduit tout au moins ceux qui me paraissent revêtir une signification relativement générale qui dépasse le contexte singulier de la France.

1 Cette communication est extraite du rapport de mission qui a été rendu public sous le titre "Quelle formation pour les ouvriers et les employés en France?" Paris, la Documentation française, 1992, 142 pages. Elle a été publiée par l'Université libre de Bruxelles dans les actes du colloque tenu en Mars 1992 sur "L'enseignement en Europe : analyse, bilans et perspectives".

2 qui comprenait le Directeur du Centre d'Étude et de Recherche sur les Qualifications, le chef du département "Travail et formation" de ce centre, une inspectrice d'enseignement général, un inspecteur de l'Éducation nationale (dans le secteur industriel), un représentant des syndicats de salariés et un représentant des entreprises.

3 de la Direction de l'évaluation et de la prospective du Ministère de l'Éducation nationale (pour tout ce qui concerne l'évolution des réalités scolaires), du CEREQ (pour tout ce qui concerne l'évolution du travail), des collègues du CNRS qui ont analysé la reconnaissance des diplômes dans les grilles de classification ou qui ont étudié les procédures de définition des diplômes professionnels (chapitre 3 de l'ouvrage cité).

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1 . ELEVATION DU NIVEAU DE SCOLARISATION ET POLARISATION ES HIERARCHIES SOCIALES

On ne saurait examiner la question particulière de la formation des ouvriers indépendamment d'un ensemble de transformations qui se sont opérées dans l'appareil scolaire en France au cours de la décennie 1980. Parmi celles-ci nous rappellerons que les préoccupations de l'emploi ont dirigé un certain nombre d'interventions politiques dont tous les protagonistes concernés s'accordent à reconnaître les effets : la volonté de valoriser l'enseignement professionnel, par la création du baccalauréat professionnel en 1985, lequel constitue une voie de poursuite d'études pour la moitié des élèves en BEP, lequel représente aussi un cursus de formation en alternance qui est majoritairement considéré comme une réussite. S'y ajoutent une rénovation des diplômes, à partir de l'idée de référentiels qui a permis une rationalisation de l'offre en formation professionnelle ainsi qu'un rapprochement décisif entre l'éducation et l'économie, et plus particulièrement entre l'école et les entreprises, rapprochement entamé dans les années 1970 et qui s'est fortement élargi durant les années 1980.

La transformation majeure reste sans nul doute ce qu'on peut appeler la seconde explosion scolaire dont la croissance du taux d'accès au niveau du baccalauréat est l'indicateur le plus éloquent, lequel passe de 33 % en 1980 à 36,6 % en 1985 et à 55 % en 1990, soit une augmentation de 19 points en 5 ans. Ces transformations qui obéissent pour une part à des évolutions structurelles mais qui ont été accélérées voir largement induites par une politique étatique se traduisent par une extension de la scolarisation jamais observée depuis le début des années 1960, moment où s'effectuait la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. Mais dans le même temps, ce mouvement de transformations que l'on pourrait qualifier de positives s'est accompagné d'un mouvement contraire dont nous soulignerons deux aspects : l'échec scolaire et les risques d'exclusion qui lui sont associés et une désaffection accrue de l'enseignement professionnel.

En même temps que le taux d'accès au niveau bac progressait avec une rapidité jamais observée, la proportion de sorties de l'école sans qualification restait sensiblement constante puisque de 15,4 % qu'elle était en 1980 elle est encore de 13,1 % en 1990 soit environ 98 000 jeunes auxquels on peut ajouter bien qu'ils ne soient pas exactement dans la même position les 105 000 jeunes qui achèvent une formation professionnelle sans obtenir de diplômes. Échec scolaire beaucoup plus grave aujourd'hui qu'il y a 15 ans, parce que les critères d'employabilité se sont élevés et parce que le mouvement de translation générale vers le haut a eu pour effet inévitable de faire apparaître les jeunes qui n'y participent pas comme ne disposant pas du niveau minimum scolaire nécessaire pour accéder à un emploi. L'enseignement professionnel, quant à lui, est l'objet d'une désaffection accrue qui se manifeste par une régression des flux d'entrée en LP : en 1980, 325.573 élèves étaient orientés vers

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l'enseignement professionnel, en 1985 ils étaient encore 324.875 et en 1990 ils ne sont plus que 263.674 élèves, la plupart issus de la classe de 3ème. L'apprentissage en entreprise, deuxième mode de formation des ouvriers et des employés en France, enregistre, lui aussi, une régression des flux d'entrée, régression qui s'accompagne d'une diminution rapide des formations conduisant aux emplois d'ouvriers et d'employés et une augmentation de celles conduisant aux emplois de techniciens.

En pratique la manière dont le mouvement de transformation de l'enseignement professionnel, a été conduit sur le mode de l'invalidation des formations CAP qui étaient encore en 1985 la forme dominante dans le secteur industriel et la rapidité avec laquelle ces transformations ont été faites, ont bousculé les bases institutionnelles de la formation professionnelle en France et les représentations qui lui étaient attachées. La crédibilité des diplômes professionnels s'en est trouvée affectée et la voie à la polémique sur l'inflation des diplômes a été ouverte.

D'une certaine manière les changements ainsi reconstitués apparaissent être le produit de réponses apportées à une question mal posée : en termes de niveau et non de contenus de formation. De fait, la politique dite de modernisation du système éducatif, et singulièrement celle des ses filières techniques et professionnelles, a d'abord été pensée en termes de niveau avant de l'être en termes de contenus de formation. Aux critiques acerbes faites par le monde professionnel à l'appareil éducatif qui offrait des formations jugées inadaptées, aux accusations excessives provenant de diverses composantes du corps social selon lesquelles le fonctionnement éducatif était un des principaux facteurs génératifs du chômage, les autorités politiques et l'administration de l'Éducation nationale ont répondu par un projet d'élévation générale du niveau de scolarisation. La nature de cette réponse est profondément enracinée dans la culture nationale française qui accorde une prévalence à l'enseignement général et qui, sur cette base, hiérarchise les diverses formes d'enseignement. Ce mode de pensée en termes de niveaux et les politiques qui s'en inspirent contenaient en eux la dévalorisation des modes de formation des compétences ouvrières et employées, classées au niveau V, dans la mesure où elles organisaient un mouvement de translation générale vers le niveau IV, celui mesuré par le baccalauréat.

Pour clore, je dirai que les transformations accomplies dans l'appareil éducatif au cours de cette décennie, qui sont d'une amplitude inégalée jusqu'alors, se traduisent par une tendance à polariser la distribution de scolarisation et des sorties autour d'un pôle de réussite et d'un pôle d'échec relativement à la norme sociale fixée, le baccalauréat ce qui ne signifie pas que les populations ainsi distribuées soient homogènes. Les lycées professionnels eux-mêmes tendent à se situer autour du premier pôle avec la filière BEP-baccalauréat professionnel et, ce faisant, à rompre avec une fonction antérieurement accomplie de remédiation à l'échec scolaire par l'acquisition d'un métier. Loin d'être produits par la seule demande des familles ou des entreprises, ces phénomènes sont

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largement construits par la politique scolaire au moyen de l'offre qu'elle organise et des normes qu'elle élabore et de son pouvoir de légitimation. Au terme d'une chaîne de médiations entre la sphère des activités techniques et économiques et la sphère culturelle, l'enseignement professionnel, et a fortiori l'apprentissage et les autres modes de formation des ouvriers et des employés, se trouvent ainsi dévalorisés aujourd'hui encore plus qu'hier. Toutefois, il importe de rappeler que le statut minoré de cet enseignement trouve son origine dans les conditions de travail, de salaire, de carrières et de reconnaissance sociale qui sont faites aux ouvriers et aux employés en France. C'est dire qu'une valorisation effective de l'enseignement professionnel passe par un changement des réalités du travail industriel.

2 . HETEROGENEITE DU SYSTEME PRODUCTIF ET DIVERSITE DES COMPETENCES

Cette politique, dont on mesure aujourd'hui les effets pervers, a été définie dans un relatif accord social pour répondre à une anticipation des changements dans l'emploi, anticipation qui, on l'a dit, tend à postuler que le technicien devient le personnage central de l'industrie et que la place de l'ouvrier s'amoindrit corrélativement au développement de l'automatisation notamment. Qu'en est-il dans les faits ?

En 1989, la population ouvrière comptait 6.225.000 personnes actives, soit 27,2 % de la population active : 60 % d'entre eux sont qualifiés, mais seulement 40 % de ces ouvriers qualifiés sont diplômés ; s'y ajoutent 1 035.000 chômeurs en majorité non qualifiés. Loin de disparaître, la catégorie des ouvriers spécialisés tend à se renouveler en intégrant des diplômés CAP et BEP. C'est dire que le problème premier pour les entreprises aujourd'hui est de qualifier la population ouvrière qui ne l'est pas et qui représente 40 % du total de celle-ci. Par ailleurs, analysant les formes de pénétration de l'informatisation et leurs effets sur l'organisation du travail, M. Campinos (CEREQ) montre qu'ils sont moins radicaux et plus diversifiés qu'il n'est souvent dit. Elle fait également apparaître que dans les activités industrielles et tertiaires où les notions de métiers demeurent fondamentales, le recrutement de diplômés d'un CAP ou d'un BEP reste privilégié. Enfin, un ensemble d'activités nouvelles, comme le nettoyage industriel des locaux, ou traditionnel comme le commerce, affirment aujourd'hui des besoins en formations institutionnalisées.

Plus généralement, cette analyse fait ressortir la diversité des compétences requises dans l'accomplissement de l'acte de travail. Si l'on caractérise la notion de compétence à partir de deux types de critères : - les situations de travail, les fonctions accomplies dans une organisation

hiérarchisée du travail d'une part ;

- les types de connaissance exigées et leurs mode d'acquisition d'autre part, on peut distinguer trois types de compétences.

• Les compétences professionnelles qui sont exigées dans des situations caractérisées par un grand nombre de variables, et par des

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relations relativement aléatoires entre ces variables. Ces compétences recouvrent la possession de savoirs techniques formalisés, (comme la connaissance du dessin industriel, d'un fonctionnement technique de machine, etc... ) et des savoirs d'expérience.

• Les compétences techniques sont mises en œuvre dans des situations de travail dont les paramètres sont organisés en relations relativement stables et prévisibles. Ces compétences se définissent à partir de savoirs technologiques et scientifiques lesquels s'acquièrent très largement par un enseignement formalisé.

• Les compétences polyfonctionnelles se définissent par la capacité à intervenir de manière diverse dans des fonctions différentes telles que la fabrication, le contrôle, la maintenance (l'exemple type étant la compétence à réguler les systèmes séquentiels ou insuffisamment continus).

Ces trois types de compétences sont toutes nécessaires à l'acte de travail. Elles n'entrent pas dans des rapports de hiérarchie mais dans des rapports de complémentarité puisque c'est leur utilité sociale à un moment donné qui est à leur fondement. Elles se répartissent d'une manière inégale selon la nature des activités économiques qui se caractérisent par des choix d'organisation du travail et des technologies. Elles sont donc pour une large part le produit de politiques.

Enfin, les catégories de compétences ainsi distinguées pour les besoins de l'analyse ne sont pas mises en œuvre dans une situation de travail de manière isolée. Elles le sont sous la forme d'une combinaison de ces différentes catégories selon des proportions variables qui peuvent être caractérisées comme autant de profils à partir du caractère dominant de cette combinaison. Trois grands types de profils de compétences peuvent donc être distingués. Le profil polyfonctionnel, lié au développement de l'automatisation dont la figure symbolique est le conducteur de machines automatisées, est défini par le regroupement autour d'un même emploi de plusieurs fonctions antérieurement séparées. Le profil technique induit, lui aussi, par le développement de l'automatisation est construit à partir des emplois d'ouvriers qualifiés existants. Il représente plus particulièrement, les ouvriers qualifiés chargés de l'entretien et de la maintenance des matériels et, d'une manière moindre, les ouvriers qualifiés de la fabrication. Le profil professionnel est, lui, l'héritier de l'ouvrier de métier. Il se manifeste plus fortement dans les activités à caractère variable. Un très grand nombre d'emplois entre dans cette catégorie puisqu'elle recouvre à la fois une grande partie des activités d'ouvriers de type industriel mais aussi l'ensemble des ouvriers de type artisanal.

Au-delà des limites inhérentes à toute typologie, celle-ci a le mérite de faire éclater la représentations standardisée qui réduit le fondement de la compétence à sa dimension technique. Elle souligne la diversité des activités économiques qui elle-même appelle une certaine diversité des

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compétences requises dans l'acte de travail. Chacun des profils décrits peuvent donner lieu à un continuum d'emplois ouvriers, techniciens et maîtrise. C'est dire que chacun de ces profils est susceptible d'être organisé en filière professionnelle où une progression serait possible au besoin par le recours à la formation continue.

Ce type d'analyse, centrée sur la mise en évidence de la diversité des compétences nécessaires à l'accomplissement du travail, fait apparaître les oppositions de logique mise en œuvre dans le système productif et dans le système éducatif. Il incite à penser les relations entre les changements techniques et organisationnels du travail et la formation en d'autres termes que ceux privilégiés aujourd'hui lesquels se définissent essentiellement à partir de la notion de niveau.

POUR CONCLURE

Je rappellerai que cette étude a été réalisée à la demande d'un organe de l'État en vue de désigner les lieux où porter l'action publique. Le chercheur se trouve alors en position normative, de donner des conseils. Il importe donc qu'il énonce les points de vue, les valeurs à partir desquels il interprète la réalité et à partir desquels il émet des recommandations aux instances étatiques. Toutes les recommandations sur lesquelles ce rapport conclut découlent de la nécessité, pour la société française, de concilier deux impératifs qui peuvent paraître contradictoires : les impératifs économiques qui amènent à porter les préoccupations de l'emploi et de la production au coeur de l'éducation sans oublier l'impératif démocratique qui a toujours été celui de l'école et n'a rien perdu de son acuité. Or, on l'a vu, l'élévation générale du niveau scolaire s'accompagne de la persistance de l'échec scolaire qui ne peut être toléré par une société démocratique, d'autant qu'à la différence d'hier cet échec génère aujourd'hui l'exclusion sociale. Si les phénomènes d'exclusion naissent et se développent dans la sphère économique, l'école garde un rôle primordial dans l'évitement de cette exclusion qui débouche sur une société duale.

Parmi ces recommandations certaines ont une portée relativement générale qui autorise à les rappeler ici.

1. En premier lieu il nous paraît nécessaire de dissocier la formation professionnelle de la remédiation à l'échec scolaire. Les réponses à l'échec scolaire doivent être apportées sur le terrain où il se manifeste : l'acquisition des connaissances fondamentales nécessaires aujourd'hui et qui se font à l'école maternelle, primaire et au collège. La formation professionnelle ne peut aujourd'hui encore moins qu'hier, permettre aux jeunes d'effectuer ces apprentissages fondamentaux que sont la maîtrise de la langue, des connaissances élémentaires en mathématiques, histoire et géographie, lesquelles sont indispensables à tout individu pour appréhender l'univers dans lequel il se situe et pour agir sur lui. L'échec à ces apprentissages peut même constituer un obstacle infranchissable pour réussir des études professionnelles. Par ailleurs, attribuer à la formation professionnelle pour fonction, explicite ou implicite, de remédier à l'échec

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scolaire revient à pérenniser cette conception d'un ordre unidimensionnel des savoirs inscrite dans les systèmes scolaires.

2. Il nous faut aussi souligner les effets pernicieux d'une politique dont les objectifs s'énoncent en termes de niveaux. Une telle politique classe et polarise sans pouvoir répondre aux demandes faites qui, nous l'avons vu, sont diverses. Il paraît préférable de partir du constat d'une double série de diversités, celles des attentes en compétences professionnelles d'une part et celle des publics d'élèves d'autre part, (diversité sociale et culturelle) pour définir des formations en termes concrets de profils d'ouvriers, d'employés et de techniciens ou autres catégories sociales à former. Une telle façon de penser la demande sociale en compétences professionnelles et d'y répondre en termes de contenus de formation et non pas seulement en termes de niveaux, tend à substituer une logique de la diversité à celle de la hiérarchie.

3. Cette façon de penser en termes de niveaux repose sur une théorie de la connaissance et une théorie des rapports entre connaissance et action fortement discutées. Ces théories reposent sur l'idée qu'il existe un ordre unidimensionnel des savoirs selon laquelle les savoirs techniques seraient une application des savoirs scientifiques et les savoirs professionnels une application des savoirs techniques soit une conception qui nie l'existence de registres spécifiques de savoirs et qui empêche l'incorporation de l'enseignement technologique dans la culture scolaire. Une telle conception s'oppose à la reconnaissance de différentes formes d'excellences et contient une négation de la rationalité de l'action dans le travail.

4. Il faut, de plus, souligner le caractère antidémocratique d'une politique pensée et administrée en termes de niveaux qui tend à se présenter comme la forme la plus apte à améliorer les performances économiques. Elle repose sur une mise en équation qui est fortement contestée parce qu'elle conforte les modèles d'organisation hiérarchiques du travail aujourd'hui mis en cause parce qu'il n'est pas établi qu'une politique d'élévation du niveau de formation initiale étroitement ajustée à la hiérarchie des emplois soit plus apte à remplir les objectifs économiques qu'une politique articulant une formation initiale et continue. De plus, la première tend à enfermer le destin des individus dans leurs cursus scolaires alors que la seconde autorise des possibilités de formation dans la vie du travail.

Quelles que soient les réponses politiques apportées pour agir sur les mouvements en cours, toutes doivent prendre la mesure de l'enjeu que représente désormais la formation dans le développement économique d'un pays mais aussi dans la production de la hiérarchie sociale et dans l'affirmation des individus en tant que producteurs responsables et citoyens actifs.

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