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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L’enseignement technique et la réforme de l’enseignement.

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Academic year: 2021

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L ' E N S E I G N E M E N T

T E C H N I Q U E

ET LA RÉFORME DE L'ENSEIGNEMENT

par M. LE R O L L A N D , directeur de l'Enseignement Technique

notre époque, tourmentée, sillonnée des fulgurants éclairs de la découverte scientifique, Jf I nous sommes, de toute évidence, au seuil d'une ère nouvelle et l'humanité, angoissée. y J cherche son salut, à la fois dans la crainte et dans l'espoir, en allant vers la seule voie M qui puisse la conduire au bonheur véritable : celle de l'adaptation nécessaire de l'ordre économique et social au progrès technique.

Nous devons élever notre pensée à la hauteur de ce grand problème humain, et ne pas craindre d'affirmer aujourd'hui qine l'exigence la plus impérieuse du moment est celle de la formation d'hommes énergiques, d'une volonté tenace et ardente, et possédant les ressources intellectuelles propres à leur faire immédiatement comprendre la valeur des nouvelles conquêtes de la Science pour les adapher à nos besoins*; d'hommes capables de maîtriser le formidable outillage moderne pour ne pas se laisser écraser par lui. Et cela, dans tous les domaines et à tous les degrés de la production.

Par là même, nous affirmons — en ce monde moderne où la machine est reine et qui retentit du brjiit des usines et des chantiers — la vivante réalité d'un humanisme technique qui doit désormais s'associer, de façon intime et profonde, à l'humanisme classique auquel nous devons tant de bienfaits.

Comme le dit H. Wallon :

« Nous sommes à un état de civilisation où les possibilités offertes par la technique sont un moyen de culture pour l'individu. »

Sur ce plan d'ordre général, le rôle de l'Enseignement Technique dans l'évolution humaine est immense.

Né dans la dernière moitié du XIX" siècle, sous l'impulsion des progrès si intenses et rapides des sciences, il peut déjà montrer beaucoup de réalisations dont il est fier, dans tous les domaines de son activité : Orientation professionnelle, culture technique et culture générale,

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toutes deux alliées pour la formation des ouvriers qualifiés, des contremaîtres, des ingénieurs et allant jusqu'aux plus hauts sommets ; mais ces réalisations sont loin de correspondre au développement qu'il doit logiquement avoir. Vivant, parce qu'il est au contact à la fois des hommes et des choses il va, à coup sùr, poursuivre son essor d'un élan sans cesse accru, dans une pleine conscience de son rôle, pour la libération de l'homme et pour le progrès social.

Mais c'est également sur le plan national qu'un grand devoir s'impose à l'Enseignement Technique.

Si la France veut rester libre et indépendante au milieu des pays à grand développement technique, elle doit manifester une puissance industrielle à la mesure de ses richesses nationales. Elle doit accroître sa production, et c'est pour elle une question vitale. Des ruines accumulées dans notre pays encore meurtri et défiguré s'élève un grand cri, un grand appel : « Travailler !

Produire ! »

Mais de quoi est faite, dans les domaines industriel, commercial et agricole, cette puis-sance technique indispensable à notre renaissance ?

Elle est faite, certes, de machines, d'outillage, de matière d'œuvre, mais elle exige surtout des hommes, des professionnels de haute qualité, habiles, cultivés, maîtres de leur art, conscients de leur valeur et fiers de leur rôle social.

Les machines, en effet, ne sont pas par elles-mêmes créatrices de richesse. Elles ne sont rien sans les hommes qui les comprennent et les animent.

La complexité du matériel moderne, le perfectionnement des méthodes techniques et leur niveau actuellement si élevé dans l'industrie et le commerce, les conditions nouvelles de l'acti-vité économique avec la division du travail et la spécialisation de plus en plus poussée, ré-clament de nouvelles formes de préparation au métier, à la profession.

La pratique lente et limitée de l'atelier ou du comptoir ne suffit plus. Le métier ne peut plus s'apprendre comme autrefois, par la routine et l'empirisme, au hasard de la fantaisie ou de la bonne volonté des patrons et ouvriers, au hasard des rencontres sur les routes du « Tour de France ». Il faut aujourd'hui l'éclairer d'idées générales et le travail professionnel, s'il doit toujours s'appuyer fortement, solidement, sur le métier, devient inséparable de l'acquisition de connaissances théoriques, importantes et essentielles.

Le métier fait maintenant appel à ta curiosité intellectuelle sous toutes ses formes : littéraire, scientifique, sociale, morale... ; il s'adresse à l'homme tout entier, autant à son cerveau qu'à ses mains : il exige l'habileté, mais plus encore, peut-être, la culture.

Ces connaissances générales qui doivent nécessairement, en raison même des conditions de la vie économique moderne, accompagner la formation professionnelle, ne peuvent être acquises par l'enfant à l'atelier ou dans l'entreprise. Il faut le secours de l'école, car c'est à l'école seulement que se trouvent les éducateurs avertis et compétents qui peuvent la lui dis-penser.

Tel est le grand devoir national de l'Enseignement Technique.

On en saisit toute l'importance morale. Pour en mesurer l'étendue, il suffit de se rappeler que la masse des hommes et des femmes occupés à des tâches de production et d'échange atteint les neuf dixièmes de la population adulte.

Enfin, pour en comprendre l'urgence, il faut se dire que jamais peut-être les besoins de notre pays en main-d'œuvre qualifiée et en cadres de techniciens, n'ont été plus impérieux qu'en ce moment où une immense tâche de rec mstruction s'impose à nous et où nous devoir' à tout prix rattraper le retard dont nous' souffrons dans plusieurs domaines de la technique.

Dans certaines professions — le bâtiment, par exemple — sévit une véritable crise de main-d'œuvre qui pourrait compromettre gravement le redressement et l'avenir du pays, si on n'y portait pas immédiatement remède.

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La tâche est belle et considérable. Elle ne pourra être menée à bien que lorsque des me-sures sociales auront été prises pour permettre aux enfants de se soumettre à Vobligation scolaire jusqu'à 17 ou 18 ans.

Actuellement, sur les 600.000 enfants qui atteignent en même temps 14 ans — garçons et filles — 150.000 environ quittent l'école primaire sans recevoir de formation professionnelle. En raison de circonstances sociales, hélas ! trop évidentes, le problème d'un gain immédiat se pose en effet, pressant, inévitable, pour l'enfant déshérité de la fortune, mais non fatalement de l'in-telligence. C'est alors le contact brutal avec les dures réalités de la vie, avec la tyrannie du métier, et l'enfant devient une machine de production, soumise aux lois impitoyables du marché du travail !

Ce passage brusque de l'état d'écolier à l'état de manœuvre est d'autant plus grave qu'il se produit précisément à une époque critique de la vie de l'enfant, une époque où se transforme sa personnalité physique et morale, au moment de l'adolescence, qui est la saison la plus mysté-rieuse de la vie et dont Paul Claudel dit qu'elle est « l'heure intermédiaire entre son printemps et son été ».

Nous sommes là devant un des grands problèmes sociaux des temps modernes et il faudra bien le résoudre dans le seul sens conforme à la fois au respect de la dignité humaine et à l'intérêt de la

société-C'est qu'en effet, si les réalités économiques modernes imposent cette alliance indisso-luble entre la pratique de la profession et la formation intellectuelle générale, l'union de ces deux éléments qui se soutiennent et se fécondent mutuellement dans nos Ecoles Techniques, c'est-à-dire l'union de l'action et de la pensée, est une des conditions essentielles de la vie humaine et de la vie sociale de notre époque.

Le progrès réel ne réside pas dans le seul accroissement du bien-être matériel ; il n'y a de progrès véritable que .celui qui met en valeur la personnalité humaine et qui tend à l'épa-nouissement de toutes les facultés de l'homme. Et il est bien clair que ce but se confond avec celui de l'utilisation rationnelle et totale de toutes les forces de la société, de toutes les richesses spirituelles et matérielles du pays.

Reconnaissons cependant qu'on méconnaît trop souvent des vérités si évidentes. On sacrifie encore trop souvent la dignité humaine à la production, en centrant cette dernière sur le profit, sur l'intérêt particulier, alors qu'elle ne devrait avoir qu'un seul but, une seule raison d'être : l'homme lui-même.

L'école doit sauvegarder, par la culture, l'éminente dignité de l'homme et du travailleur , elle doit, en l'instruisant, le protéger contre les contraintes du métier ainsi que contre la misère et l'esclavage. Elle doit lui donner le sentiment profond de l'étroite solidarité qui le lie aux autres hommes, ainsi que le sens exact de. son rôle dans le système général de la production. Elle doit enfin satisfaire ce désir, cette volonté qu'a chaque individu, par un magnifique instinct, de s'élever le plus haut possible dans le domaine de la connaissance et des idées.

Je dis bien l'Ecole, et non spécialement l'Ecole Technique, car toutes les écoles doivent être unies dans le même but, dans le même idéal : développer au maximum, chez chaque enfant, toutes ses possibilités intellectuelles et manuelles en tenant compte, à chaque moment de sa vie, de ses goûts et de ses aptitudes ; opposer enfin les seuls droits du mérite, du travail et de l'intelligence aux prétentions de l'argent et de la naissance. Il n'y a qu'une jeunesse ; il ne doit y avoir qu'une école, et une liaison intime, profonde doit être réalisée entre tous les ordres d'enseignement. Lorsque ce grand principe d'union entre les écoles sera appliqué — et un mou-vement continu a lieu en ce moment dans ce sens — nous verrons se dissiper d'antiques préjugés et tomber de vieilles barrières, ces barrières qui, en séparant les enfants en plusieurs groupes et en assignant à chacun de ces groupes son évolution et sa destination, ont trop souvent empêché l'ascension des plus doués vers l'élite, ces barrières funestes, qui s'opposaient à des mouvements

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en tous sens, condition essentielle d'une véritable justice scolaire — et qui, en compartimentant les enfants, séparaient en même temps les esprits et les cœurs.

D'ailleurs, dans cette union des enseignements, la liaison ne se fera pas seulement par l'éducation intellectuelle, dont nous venons de dire qu'elle était inséparable de la formation pro-fessionnelle, mais encore par des éléments culturels nouveaux qu'apporte plus spécialement l'Enseignement Technique.

Nul ne conteste plus au jourd'hui l'influence bienfaisante des travaux manuels sur l'élar-gissement et l'enrichissement de l'intelligence.

Aucune discipline n'est plus propre à former le jugement, à donner aux enfants le

sen-timent du réel, à développer chez eux l'esprit d'observation, l'amour du travail bien fait, le goût et le. sens artistique.

Pour les enfants, quel merveilleux moyen d'expression, dans ces réalisations manuelles, dont la création se fait toujours dans l'émotion et dans la joie!

Pour les maîtres, quelle admirable occasion de profiter d'une certaine liberté d'invention et d'exécution laissée à leurs élèves, pour déceler, chez eux, les plus subtiles qualités d'initiative et de sensibilité !

Faut-il priver les élèves et les maîtres de si riches possibilités ? Qui le soutiendrait au-jourd'hui ?

Et ainsi s'affirme, par l'existence de liens mutuels essentiels, la profonde unité de l'ensei-gnement. Il n'y a pas deux systèmes scolaires divergents dès la base : l'un menant à la culture, l'autre au métier ; il n'y en a qu'un, car tout est intimement lié dans l'homme et on ne peut, sans le mutiler, séparer ses gestes de sa pensée !

Tels sont les principes les plus généraux qui doivent être ci la base de tout effort de réno-vation de notre système scolaire et singulièrement dans le domaine de l'éducation professionnelle.

En quoi doit consister cet effort ? Pour le voir clairement, commençons par nous rendre compte de ce qui est réalisé dans ce domaine.

Si l'Enseignement Technique est le plus jeune de nos enseignements, il est à coup sûr le plus complexe et en même temps le plus mal connu. Pour le connaître, penchons-nous d'abord sur son passé et, sans abuser cles rappels historiques, évoquons rapidement les grandes étapes de sa vie, afin d'en dégager sa structure actuelle et ses caractères essentiels.

Bien avant de recevoir une consécration légale, l'Enseignement Technique était né en France sous la forme d'écoles dues à des initiatives privées, parfois très intéressantes.

En 1788, le duc de La Rochefoucault-Liancourt créait la première Ecole d'Arts et Métiers (celle de Châlons), puis le Conservatoire National des Arts et Métiers était fondé à Paris Ce furent ensuite l'Ecole des Arts et Métiers d'Angers, celle d'Aix-en-Provence, l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, l'Ecole d'Horlogerie de Besançon...

Ces initiatives restaient isolées et elles avaient, de plus, l'inconvénient de ne préparer que les cadres de l'armée économique et non ses troupes, c'est-à-dire les ouvriers et employés de l'industrie et du commerce. A ce moment, en effet, on n'imaginait pas du tout que ces derniers pouvaient avoir le moindre besoin de culture et ils recevaient non une formation mais un simple «dressage» à l'atelier ou au comptoir, «sur le tas».

Ce n'est qu'à la fin du xix" siècle et sous la pression de l'opinion publique, que l'Etat commence à intervenir pour la formation des « ouvriers qualifiés».

En 1892, les Ecoles Pratiques de commerce et d'industrie, d'abord appelées Ecoles Ma-nuelles d'apprentissage, sont créées et placées sous l'autorité du Ministre du Commerce. Elles ont la mission très précise d'assurer l'apprentissage de leurs élèves; cette mission est, d'ailleurs celle qu'elles remplissent encore aujourd'hui, alors qu'elles ont pris le nom de Collèqes Techniques.

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A cet ensemble, il faut une charte d'organisation. C'est la loi « Astier » du 25 juillet 1919 qui la lui apporte, en donnant comme objet à l'Enseignement Technique « sans préjudice d'un complément de culture générale, l'étude théorique et pratique des Sciences, des Arts ou Métiers, en vue de l'industrie et du commerce».

Un passage de l'exposé des motifs de cette loi vaut d'être cité : « Il est temps, devant les besoins nouveaux de l'industrie, que l'Etat se substitue aux particuliers dans la tâche de veiller à l'éducation professionnelle des enfants d'ouvriers. Le commerce et l'industrie sont les princi-pales sources de la richesse d'un pays. Une initiative qui tend à satisfaire nos besoins et à favoriser leur développement, doit Être considérée comme relevant de l'Etat. La moitié des frais provoqués par la réforme devrait être à la charge de l'Etat. Il gagnerait ainsi le droit de faire prévaloir l'intérêt particulier, souvent envisagé de façon trop étroite par les patrons et les ouvriers. »

C'est la première fois qu'est ainsi affirmée avec force la nécessité d'une étroite collaboration entre la profession et l'Etat. En fait, dans son essence profonde, l'Enseignement Technique, c'est cette collaboration elle-même !

Mais nous voyons aussi, d'après le texte que j'ai tenu à citer, que l'Enseignement Tech-nique était réservé aux enfants d'ouvriers et qu'on lui conférait ainsi le caractère d'un enseigne-ment de classe.

Nous sommes bien obligés de constater qu'aujourd'hui encore il conserve ce caractère. En 1921, changement important : l'Enseignement Technique est rattaché au Ministère de l'Education Nationale, c'est-à-dire qu'il prend place au sein de la grande famille universitaire française... Et ainsi se trouve affirmée cette grande idée que l'union de toutes les écoles est la condition première de cette unité morale et sociale qui est l'âme même d'une vraie démocratie. Cette vérité parait bien claire et évidente. Puis-je rappeler cependant qu'à l'heure actuelle encore tout l'enseignement agricole, ainsi que beaucoup d'écoles — et non des moindres échappent complètement à la gestion et au contrôle de l'Education Nationale ? Et pourtant, n'est-ce pas ce département qui, ayant seul la compétence nécessaire pour la formation des maîtres, l'élaboration des programmes et l'étude des principes pédagogiques, devrait seul avoir la totale responsabilité de la formation de la jeunesse ?

Voici donc l'Enseignement Technique rattaché à l'Université et c'est, de suite, une magni-fique floraison cl'œuvres de toutes sortes qui naissent et grandissent autour des premières écoles, en se nourrissant de l'aliment puissant qu'est, pour elles, la nouvelle «taxe d'apprentissage». Ou bien l'Etat intervient seul, et ce sont cle nouvelles Ecoles d'Arts et Métiers, et pour les filles comme pour les garçons, nos belles Ecoles Nationales Professionnelles, puis les Centres d'apprentissage, plantes encore fragiles, mais si vivaces et renfermant tant d'espoirs !

Ou bien il collabore avec les professions en créant les Ecoles de Métiers : Ecoles de me-nuiserie, de tannerie, de photographie, de papeterie, de céramique, du bâtiment...

Ou bien il s'entend avec les collectivités : Chambres de commerce ou de métiers, munici-palités, départements...

Et l'on voit naître l'Ecole des Hautes Etudes commerciales et toutes les Ecoles Supérieures de commerce, les Ateliers Ecoles, tous les «cours professionnels » qui complètent et éclairent l'apprentissage à l'usine, puis ces Ecoles Professionnelles de la Ville de Paris, qui font honneur à notre capitale et dont le seul nom : Boulle, Estienne, Dorian, Diderot, est évocateur de la « qualité » française. Et aussi tant de Collèges Techniques nouveaux ou de sections profession-nelles de Collèges Modernes, presque partout incorporées intimement à l'activité économique locale : sections de textile à Roubaix, de draperie à Vienne et à Elbeuf, de lunetterie à Morez. de coutellerie à Thiers, de cordonnerie à Romans et à Nîmes, de ganterie à Grenoble, du bois à Mouchard...

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Le cadre restreint de cet exposé ne me permet malheureusement pas de décrire plus lon-guement ce bel ensemble d'institutions si variées et en même temps si souples et si vivantes.

Une population de 450S000 enfants environ fréquente nos Cours et Ecoles Techniques : 100.000 dans les Ecoles publiques, 50:000 dans les Ecoles privées — dont un nombre relative-ment faible d'Etablisserelative-ments confessionnels — 100.000 dans les Centres d'apprentissage et 200.000 dans les Cours professionnels «obligatoires ». Cela correspond à un recrutement annuel moyen de 150.000 élèves, soit le double environ du recrutement des lycées et collèges classiques et modernes.

Mais il faut dire que les Cours professionnels, qui reçoivent théoriquement presque la moitié de nos élèves, ne sont pas suivis d'une façon régulière et qu'ils ne donnent pas une formation générale complète. C'est l'un des objectifs de la Réforme cle l'Enseignement de les transformer en écoles d'apprentissage qui seront, d'ailleurs, en liaison intime avec les entreprises ; mais cette mesure ne pourra être évidemment réalisée qu'avec l'institution corrélative du « présalaire » a tous les apprentis.

J'ai dû me borner à ce tableau rapide de notre Enseignement Technique actuel, mais il était nécessaire de le présenter, car cet enseignement n'est pas connu, en raison même de sa structure complexe et si spéciale.

Je dois dire tout de suite, maintenant, qu'en dépit de sa richesse et de la variété de ses couleurs, cet ensemble ne nous satisfait pas ; il est très loin, en effet, de correspondre aux pressants et importants besoins du pays !

Jugez-en. Chaque année, 35.000 enfants environ subissent avec succès le certificat d'apti-tude professionnelle, sanction de l'apprentissage, et sont ainsi reconnus aptes à devenir des ouvriers qualifiés. Or, l'industrie nous crie avec angoisse : « Il nous en faut 110.000 !»

Nous devons donc tripler le nombre de nos Centres d'apprentissage. C'est d'ailleurs un devoir humain : nous avons dû à la rentrée d'octobre refuser l'entrée de nos Centres à 100.000

enfants, faute de locaux et faute de ressources !

Du côté de nos Ecoles Techniques, Collèges et Ecoles Nationales qui préparent aux cadres de l'industrie et du commerce, c'est la même insuffisance dans nombre d'établissements. Et, de plus, nous manquons de maîtres techniques, car en raison des salaires payés dans l'industrie, parfois triples des rémunérations que nous pouvons offrir à nos professeurs, le recrutement ne se fait plus... Bien plus, des départs ont eu lieu, de plus en plus nombreux, et c'est une situation

bien alarmante, car nous sommes menacés d'une terrible hémorragie...

D'autre part, le matériel de nos Ecoles est très insuffisant et il est beaucoup trop vieux... Nos élèves, même ceux des Ecoles Nationales d'Arts et Métiers, qui fournissent à l'industrie des ingénieurs de qualité, travaillent sur des machines qui ont en moyenne vingt-cinq ans d'âge ! Il devient urgent de moderniser notre outillage.

Enfin les services de l'Orientation Professionnelle sont loin d'être assez développés. Ils doivent d'ailleurs étendre leur action à l'orientation « scolaire » et travailler en liaison étroite avec un service de documentation scolaire et professionnel presque tout entier à créer.

Voilà pour les insuffisances, les lacunes de notre Enseignement Technique. Est-il au moins harmonieusement distribué dans notre pays ? Pas du tout ! Et son développement s'est fait beaucoup trop au hasard de la fantaisie des hommes et des circonstances.

Pourquoi de petites villes comme Voiron, Vierzon, Vizille, Egletons sont-elles dotées de magnifiques Ecoles Nationales Professionnelles, alors que Lille, Marseille, Toulouse, Bordeaux n'en ont pas ?

Et pourquoi sommes-nous devant cet étrange paradoxe que sur nos six Ecoles Nationales d'Arts et Métiers, quatre sont nées et continuent de vivre dans des villes : Angers, Châlons, Cluny, Aix-en-Provence, qui n'ont aucune activité industrielle ?

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Pourquoi 9... Peut-on répondre autrement qu'en accusant l'intérêt particulier et l'influence politique d'avoir trop souvent méconnu et dominé l'intérêt générât/

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souffre aujourd'hui.

Instituteurs, professeurs de hjcée, et collèges ont, sons dout^entenju l'^UuLnZnt les activités manuelles et le commerce.

Ft c'est ainsi par exemple, que les instituteurs conduisent automatiquement leurs

meil-fait incomplète.

Il existe bien des sections techniques annexées à certains collèges ou hjcees et aussi des confiante et cordiale.

Te « technique » est trop souvent réservé aux mauvais élèves et il faut bien dire que nossecond degré. p r o f e s s e u r s souffrent parfois d'un «complexe d'infériorité » au milieu de leurs collègues du ' , .

Nous devons nous attacher résolument à renverser les dernières barrières a vaincre les « union »... Il faut absolument que l'union se fasse !

Comme elle s'est faite dans une admirable harmonie et avec une même volonté de

com-p r é h e n s i o n mutuelle à laquelle je veux rendre hommage, entre n o s j ^ e u r s techniques et

ceux des lycées et collèges, dans tes «sixièmes et cinquièmes nouvelles ».

le succès de ces classes qui sont la première création dans te sens de la Reforme a

c'est à coup sûr le chemin de l'avenir !

Avec l'enseignement supérieur - le troisième degré, selon la terminologie de la Reforme - aucune liaison systématique n'a encore été établie jusqu'ici. Cet enseignement a ses Ecoles d'ingénieurs et l'Enseignement Technique a les siennes.

Mais la volonté de collaboration entre Us deux directions est totale et un decretqm a reçu l'approbation de nos Conseils d'Enseignement respectifs, va organiser la liaison nécessaire

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Ayons donc un grand espoir : l'interpénétration des divers enseignements, qui est une nécessité à la fois humaine et française est en marche... et notre Enseignement Technique va de plus en plus imprégner les autres ordres d'enseignement, fraternellement uni à eux et dans une pleine conscience du rôle qu'il a à jouer sur le plan général de la formation humaine.

Trop longtemps, nos Ecoles Techniques ont semblé redouter la fréquentation des larges avenues ouvertes aux démarches désintéressées de l'esprit, aux spéculations élevées de la pensée; peut-être parce que les maîtres, timides et modestes, croyaient sincèrement que leurs élèves, issus des classes les plus pauvres de la société, n'étaient pas faits pour cette lumière et qu'ils en supporteraient mal l'éclat.

Il faut dire aussi qu'elles étaient victimes de la funeste prévention d'une certaine bour-geoisie à l'égard du métier, victimes de cette opinion absurde qui tendait à faire considérer les tâches manuelles comme avilissantes, dégradantes et en tout cas incompatibles avec la véritable culture.

Mais notre temps réagit contre un tel état d'esprit, et en affirmant la nécessite d'une indissoluble union entre l'action et la pensée, il rejoint la grande idée des encyclopédistes, celle de Rousseau et aussi les meilleures traditions des XVII" et X V I I I8 siècles.

Et cependant, depuis leur naissance, un bouillonnement intérieur agite nos Ecoles Tech-niques, un désir constant et ardent de s'élever toujours vers un niveau supérieur les anime !

C'est ainsi que nos Ecoles d'Arts et Métiers, fondées spécialement pour la formation des ouvriers qualifiés, devaient successivement devenir des Ecoles de cadres moyens, puis des Ecoles d'ingénieurs. Et, en ce moment même, nous décidons la création dans ces Ecoles, d'une quatrième année, pour permettre à nos élèves-ingénieurs de. prendre un contact plus intime avec les Facultés et de s'initier à la recherche scientifique.

De même, nos Collèges Techniques, qui devaient, à l'origine, former des apprentis, pré-parent maintenant presque directement aux cadres de maîtrise, en demandant d'ailleurs de plus en plus la création de « quatrièmes années » spécialisées, et ce sont nos Centres d'apprentissage qui ont hérité de leur mission première.

D'où viennent donc ce dynamisme, cette extraordinaire vitalité, cette force de croissance, qui comme une sève puissante, puisée dans les couches les plus profondes du peuple, pousse irrésistiblement nos écoles vers les plus lumineux sommets ?

Ils ne peuvent qu'être le témoignage le plus certain de la volonté d'une élite intellectuelle présente dans ces écoles.

C'est pour reconnaître cette élite et lui permettre de s'affirmer, qu'en plein accord avec la Commission de la Réforme nous avons créé le «baccalauréat technique».

Ici encore, le succès a dépassé nos espoirs, nos candidats s'éteint montrés au niveau de leurs camarades pour les épreuves de culture générale et ayant manifesté nettement leurs qua-lités d'initiative et de jugement dans cette épreuve d'intelligence qu'est la nouvelle composition de « technologie graphique ».

Aujourd'hui, tous nos élèves des Ecoles Nationales Professionnelles et beaucoup de ceux des Collèges Techniques ont la noble ambition et l'ardent désir de prouver leurs qualités intel-lectuelles en se présentant au baccalauréat technique. Quelle belle occasion pour eux de chercher à rejoindre des camarades jusqu'ici favorisés ? Et en même temps, quel réconfort moral, quelle émulation ne vont-ils pas puiser dans cette institution nouvelle, dont nous tenons d'ailleurs essentiellement à maintenir la qualité et, par suite, le prestige ?

Extrait de la Revue "Europe", 3 3 , rue Saint-André-des-Arts (numéro de Février 1 9 4 7 ) .

(A suivre.)

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