• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | La notion de situation-problème et sa mise en oeuvre en didactique des mathématiques, dans la théorie des situations et la dialectique outil-objet

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | La notion de situation-problème et sa mise en oeuvre en didactique des mathématiques, dans la théorie des situations et la dialectique outil-objet"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

L

A NOTION DE SITUATION

-

PROBLÈME ET SA MISE EN ŒUVRE EN DIDACTIQUE DES MATHÉMATIQUES

,

DANS LA THÉORIE DES

SITUATIONS ET LA DIALECTIQUE OUTIL

-

OBJET

Bernard Parzysz

I. INTRODUCTION

En se référant à la fois aux résultats des recherches en psychologie cognitive, en épistémologie, en histoire des sciences et en sociologie, les didacticiens des mathématiques adhèrent dans leur grande majorité à des conceptions de l’apprentissage relevant peu ou prou de ce qu’il est convenu d’appeler le « socio-constructivisme ». C’est-à-dire qu’ils prennent en compte un apprentissage des mathématiques procédant par une suite de déséquilibres et de rééquilibrations (Bachelard dit qu’une connaissance nouvelle se construit contre une connaissance antérieure, insuffisante ou inadaptée), nécessitant des réaménagements internes des champs conceptuels concernés (pour reprendre la terminologie de Vergnaud). En outre, les aspects sociaux sont considérés comme fondamentaux dans les apprentissages (cf. Vigotsky : « la vraie direction

(2)

du développement ne va pas de l’individuel au social, mais du social à l’individuel »), ce qui donne un rôle central à la communication. Pour Vigotsky, le langage est d’abord social, puis individuel (« égocentrique »), et enfin intériorisé).

Dans ce cadre général, la notion d’obstacle est essentielle. Rappelons brièvement que Bachelard distingue divers types d’obstacles cognitifs, parmi lesquels les obstacles épistémologiques, dûs à la résistance d’un savoir mal adapté. Un tel obstacle se reconnaît au fait que :

 il produit des réponses correctes dans un contexte fréquent,  il produit des réponses fausses hors de ce contexte,

 il résiste aux contradictions et à l’établissement d’une meilleure connaissance après la prise de conscience de son inexactitude,

 il persiste de façon intempestive et opiniâtre.

Par exemple, à propos de la notion de limite, A. Sierpinska [Sierpinska 1985] distingue 5 sortes d’obstacles épistémologiques :

1) Les obstacles liés à l’horror infiniti, consistant à transférer à l’infini les propriétés des nombres réels ; d'où par exemple les « règles d'action » (∞

∞ = 1, 0× ∞ = 0, etc.)

2) Les obstacles liés au concept de fonction : la suite est considérée comme un ensemble de nombres indépendant de l’indexation ; on se donnera alors la possibilité de permuter les termes sans avoir l'impression de modifier la suite.

3) Les obstacles liés à l’intuition géométrique :

[Le segment a pour longueur 1, le demi-cercle a donc pour longueur π/2. Quelle est la limite de la longueur de la ligne courbe lorsqu’on double indéfiniment le nombre de demi-cercles ?]

4) Les obstacles liés à la l o g i q u e : effacement ou permutation des quantifications (ce qui empêchera par exemple de distinguer convergence simple et convergence uniforme) .

(3)

5) Les obstacles liés au symbolisme : comme par exemple la réticence à écrire l’égalité dans lim

x→af(x)= l (la fonction tend vers l, l’égalité

n’est jamais vraie).

2. LE PROBLÈME DANS LA THÉORIE DES SITUATIONS

Dans le cadre défini ci-dessus, un aspect fondamental est celui de la résolution de problèmes, ce qui nécessite d’approfondir la notion de « problème ». Mais qu’est-ce qu’un problème ? Pour Newell et Simon [Newell & Simon 1972], il y a problème lorsque le sujet cherche à obtenir une réponse à une certaine question pour laquelle il n’y a pas de réponse immédiate. On est ainsi amené à considérer trois éléments constituants dans une « situation-problème » : la situation initiale, le but à atteindre, les moyens permis pour atteindre ce but en partant de la situation donnée.

2.1. Chez Guy Brousseau.

Dans le cadre de la théorie des situations didactiques, Brousseau utilise les concepts de la théorie des jeux de Claude Shannon. Ainsi [Brousseau 1998, p. 83] :

« un jeu à k personnes (par exemple) est la structure définie par la donnée de :

a) Un ensemble X de « positions » distinctes dans lesquelles peuvent se trouver les objets et les relations pertinentes.

b) Une application Γ de X→ P(X) qui, à tout état x∈Xfait correspondre l’ensemble Γ(x) des positions permises entre lesquelles le joueur « au trait » peut choisir à partir de l’état x. Γ représente donc les règles.

c) Un état initial I et des états terminaux F (tels que Γ−1(I)= ∅ et

Γ(F) = ∅).

d) Un ensemble J de k joueurs et une application Θ de JxX dans J qui, dans chaque état x de jeu, désigne le successeur au trait Θ(j,x) du

joueur j.

e) Une fonction dite de gain, d’enjeu ou de préférence et qui est une application de A, partie de X contenant F, dans R. »

(4)

⇒ « Une partie est une suite finie d’états

( )

xi

1≤i≤n de X telle que

x1 = I,xn ∈F et ∀i xi+1∈Γ(xi). Les “états permis” sont les positions de X qui peuvent figurer dans une partie (...)

⇒ Une stratégie S est une application de X→ X qui détermine les choix d’un joueur dans tous les états permis S(x)∈Γ(X) (...).

⇒ Une tactique TA sera une application d’une partie A de X dans X et telle que xA T, A( )x ∈Γ( )X . Une stratégie est donc une tactique définie sur X tout entier.

⇒ Un état de “connaissance” d’un joueur, C, sera caractérisé par une application de X dans Γ(X) telle que pour tout x (C(x)∈Γ(x)). Une “connaissance” (non vide) restreint strictement les choix des joueurs. »

Pour que le jeu vaille la peine d’être joué, il faut qu’il comporte un enjeu, c’est-à-dire que le joueur ne soit sûr a priori, ni de gagner, ni de perdre :

« Il est nécessaire qu’il y ait, face au joueur, un partenaire, un milieu, une loi de la nature qui s’oppose dans une certaine mesure à ce qu’il obtienne à tout coup le résultat voulu » [ibid. p. 87].

Autrement, pour que le jeu vaille la peine d'être joué, il ne faut pas être presque sûr qu'on va gagner (ni qu'on va perdre).

En transposant ceci dans le cadre d’une étude systémique de l’enseignement, Brousseau distingue deux types de jeu :

 Les jeux de l’élève avec le milieu a-didactique, spécifiques de la connaissance visée.

 Les jeux du maître en tant qu’organisateur des jeux de l’élève, qui comportent au moins trois termes (le maître, l’élève, son environnement immédiat), et éventuellement quatre (en incluant le milieu culturel). Les deux jeux principaux du maître sont la dévolution et l’institutionnalisation (j’y reviendrai bientôt).

Le milieu est le « système antagoniste du système précédemment enseigné » [ibid. p. 93] ; c’est lui qui fait que le savoir visé va apparaître comme le moyen de produire des stratégies gagnantes, et que ces stratégies ne seront pas liées au système éducatif (effets de contrat didactique). C’est pour cette raison que « seule la résolution de problèmes peut attester que l’élève a acquis, au moins en partie, les connaissances visées » [ibid. p. 94].

(5)

Cette conception est exemplifiée dans les quatre dialectiques plus ou moins imbriquées que distingue Brousseau, au cours desquelles le rapport de l’élève au savoir ainsi que le contrat didactique évoluent.

2.1.1. La dialectique de l’action :

La situation doit posséder les caractéristiques suivantes :

 Elle doit permettre à l’élève de faire sien le problème qui, au départ, est un objet conçu et proposé par le professeur : c’est la dévolution du problème à l’élève. Pour qu’elle puisse se faire convenablement, il faut que l’élève puisse envisager un début de résolution avec les outils dont il dispose. L’élève devient alors, pendant quelque temps, autonome (phase a-didactique).

 Elle doit être telle que le bon outil de résolution est la connaissance visée.

 Elle doit permettre à l’élève d’agir sur elle et de percevoir l’effet de son action (information, contrôle) sans l’intervention du maître.  Elle doit permettre à l’élève de modifier éventuellement son action

(changement de stratégie de résolution). D’où un « dialogue » entre l’élève et la situation, et un apprentissage par adaptation au milieu. L’élève se construit alors un modèle implicite de la situation.

Dans cette dialectique, l’antagoniste de l’élève est la situation proposée : il va y avoir prise d’information par l’élève et rétroaction de la situation. Le contrat est tel que le maître pose un problème qui est à la portée de l’élève et qui vise une connaissance nouvelle.

On a le schéma suivant : SUJET action information rétroaction SITUATION 2.1.2. Dialectique de la formulation :

Le milieu est organisé pour que l’élève soit contraint de formuler son modèle implicite de la situation et de communiquer avec les autres (pairs ou maître). On passe par des reformulations du problème sous des formes plus opératoires (par ex. conjectures). Il y a des échanges d’informations (en langage naïf ou mathématique) qui doivent déboucher sur un modèle

(6)

explicite de la situation et une communication à l’aide de règles communes (anciennes ou nouvelles). Ici, les antagonistes de l’élève sont, non seulement la situation, mais ses interlocuteurs. Le schéma est maintenant ternaire, et non plus binaire :

EMETTEUR RECEPTEUR

message sanction action

information action information

SITUATION (rétroaction)

2.1.3. Dialectique de la validation :

La phase précédente peut permettre d’aboutir à une validation empirique, mais elle demeure insuffisante. Il s’agit maintenant pour l’élève de montrer que le modèle qu’il a créé est valable, c’est-à-dire, en fait, de convaincre l’autre de sa validité (conflit socio-cognitif). Il faut que cette validation soit convaincante, tant sur le fond (validation sémantique) que sur la forme (validation syntaxique).

L’élève et l’« autre » ne sont plus seulement des interlocuteurs, mais des adversaires :

 l’élève essaie de prouver que sa stratégie est gagnante,  l’autre essaie de mettre en défaut cette stratégie.

D’où le schéma suivant :

PROPOSANT théorie OPPOSANT sanction

information

SITUATION

sanction sanction information

2.1.4. Dialectique de l’institutionnalisation :

Une fois validée, il importe que la nouvelle connaissance soit intégrée au « patrimoine » commun (mathématique) de la classe. C’est le professeur qui va ici fixer de façon conventionnelle (voire « rituelle ») et explicite le statut cognitif du savoir.

(7)

L’antagoniste de l’élève est maintenant l’enseignant (et vice-versa), la situation servant de référence. D’où le schéma :

ELEVE information ENSEIGNANT contrôle

SITUATION

référence

Il est important de bien choisir le moment de l’institutionnalisation :

 trop précoce, elle ne fait pas sens pour l’élève, et l’apprentissage visé ne pourra avoir lieu ;

 trop tardive, une connaissance « parasite » peut s’installer (interprétations incorrectes).

Cette phase d’institutionnalisation est indispensable, car pour pouvoir aborder de nouvelles situations ensemble il faut s’être mis d’accord sur ce que l’on pourra utiliser.

Pour pouvoir être opératoire, l’institutionnalisation nécessite une décontextualisation (« on oublie le problème ») et une

dépersonnalisation (« on s’oublie

dans le problème »). On obtient finalement le schéma ci-contre.

COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE SAVOIR SAVANT SAVOIR ENSEIGNE SITUATION PROBLEME CULTURE savoir banalisé dépersonn. décontext. transposition didactique personn. context. dépersonn. décontext.

Exemple : épaisseur d’une feuille de papier (Classe de CM 2) [Brousseau

198 pp. 257-262].

Devant les élèves, sur une table, sont disposés 5 tas d’environ 200 feuilles de papier (même format, même couleur, mais épaisseurs différentes), notés A, B, C, D, E. Dans le fond de la classe, même chose (pour la phase 2).

Matériel : 10 pieds à coulisse (2 par groupe de 5 enfants) et un paravent (partage de la classe en deux).

(8)

Phase 1 (20’ à 25’): recherche d’un code.

Les enfants sont groupés par équipes de 4 ou 5.

Consigne : « Voyez ces feuilles. Dans un même tas, toutes les feuilles ont la même épaisseur, mais d’un tas à l’autre l’épaisseur des feuilles est peut-être différente. Pouvez-vous sentir ces différences ? » (on fait circuler quelques feuilles de différents paquets).

« Comment fait-on dans le commerce pour distinguer les différentes qualités de papier ? » (Réponse : d’après le poids)

« Vous allez essayer, par équipe, d’inventer un autre moyen pour reconnaître et distinguer ces différents types de papier, seulement d’après leur épaisseur. Lorsque vous aurez trouvé un moyen, vous l’essaierez dans un jeu de communication. Vous pouvez utiliser le papier et les pieds à coulisse. »

Les enfants essaient en général de mesurer l’épaisseur d’une seule feuille, mais sans succès (« c’est beaucoup trop fin »). Ils sont déstabilisés, mais la maîtresse, bien sûr, n’intervient pas. Puis ils pensent à prendre plusieurs feuilles, de façon à obtenir une épaisseur suffisante pour être mesurée au pied à coulisse. Il obtiennent alors des informations du type : 60 feuilles 7 mm

Phase 2 (10’ à 15’): jeu de communication.

Consigne : « Pour tester la méthode que vous avez trouvée, vous allez faire un jeu de communication. Vous verrez si ce moyen vous permet de reconnaître le type de feuille désignée. »

Dispositif : Chaque groupe de 5 se sépare en deux : 2 émetteurs et 3 récepteurs. Les émetteurs se placent d’un côté du paravent, les récepteurs de l’autre. Les émetteurs choisissent un type de papier (que les récepteurs ne voient pas) et vont envoyer à leurs récepteurs un message leur permettant de trouver le tas choisi. Quand les récepteurs ont trouvé, ils deviennent émetteurs. Tous les messages sont écrits à la suite sur une même feuille.

Rôle de la maîtresse : faire passer les papiers des émetteurs aux récepteurs, contrôler la réponse des récepteurs et en contrôler la validité.

(9)

Exemple de feuille de messages :

numéro du groupe --> 1

1er jeu : message émis --> E : 10 = 1 mm réponse et validation --> R : D réussi 2e jeu : message émis --> E : 21 = 1 mm réponse et validation --> R : B réussi 3e jeu : message émis --> E : 8 = 2 mm réponse et validation --> R : A réussi

Phase 3 (20’ à 25’): résultat des jeux et des codes.

Les enfants reprennent leurs places (équipes de 5). La maîtresse annonce la comparaison des résultats et dessine un tableau à double entrée (équipe, type de papier), pour y inscrire les messages et les points obtenus par l’équipe. Chaque équipe envoie à tour de rôle un représentant pour expliquer son code et indique le résultat du jeu. Les codes étant très différents, la maîtresse demande aux enfants d’adopter un code commun (par ex. 10 f : 2 mm) :

Type de feuille

Équipe 1 Équipe 2 Équipe 3 Équipe 4 A 19 f : 3 mm 10 f : 2 mm 20 f : 4 mm B 19 f : 3 mm 4 f : 1 mm 15 f : 2 mm C 19 f : 2 mm 30 f : 2 mm 100 f : 8 mm 30 f : 3 mm 15 f : 1 mm 20 f : 2 mm D 19 f : 2 mm 12 f : 1 mm 100 f : 9 mm E 9 f : 4 mm 13 f : 5 mm 7 f : 3 mm Puis les enfants font des remarques sur ce tableau1 :

⇒ pour un même nombre de feuilles, des types différents donnent des épaisseurs différentes

⇒ pour un même type de feuilles, au même nombre de feuilles correspond la même épaisseur

⇒ s’il y a deux fois plus de feuilles, l’épaisseur est deux fois plus grande, etc.

1

(10)

Résultat : à l’issue de cette séquence :

 tous les enfants savent mesurer l’épaisseur d’un tas de feuilles, écrire le couple (nombre, épaisseur) correspondant, rejeter un type de feuilles ne correspondant pas à un couple ;

 la plupart savent mettre en œuvre une stratégie de comparaison, identifier un type de papier correspondant à un couple, signaler des incohérences en utilisant le modèle linéaire ;

 certains savent formuler leur stratégie.

Lors de la séance suivante, la maîtresse (« mémoire de référence de la classe » [ibid. p. 271]) demandera de reprendre l’examen du tableau pour contrôler les réponses et de proposer des corrections. Ensuite, elle demandera de le compléter. La dernière phase sera une nouvelle partie du jeu de communication, dans laquelle tous les enfants réussiront.

2.2. Chez Arsac.

G. Arsac et une équipe de Lyon ont précisé et mis en œuvre une gestion de la classe qui permet en particulier de faire vivre le modèle précédent dans la mise en place, au collège, des règles de la démonstration mathématique [Arsac et al. 1992, pp. 18-21] :

Premier temps : travail individuel.

C’est une phase d’action, qui permet la dévolution individuelle du problème.

Deuxième temps : recherche en groupes de 4 élèves.

Il s’agit d’une phase adidactique de formulation. Les élèves doivent produire une seule réponse par groupe, ce qui favorise l’apparition des conflits, l’émergence d’arguments variés et leur consolidation ou leur disparition. Le groupe doit produire une affiche, ce qui présente plusieurs avantages :

 passer à la formulation écrite des solutions, ce qui donnera des points d’appui au débat ;

 renforcer la cohérence du groupe, grâce à la production d’un « objet » commun ;

 préparer la phase suivante en réduisant le nombre de solutions en présence.

(11)

Troisième temps : débat.

Il correspond à la phase de validation. Le professeur choisit une affiche susceptible de provoquer un débat aussi riche que possible (« généralement nous prenons comme première affiche un texte qui est à la fois clair et faux » [ibid. p. 20]). L’affiche est présentée à la classe, les élèves la lisent et peuvent éventuellement poser des questions relatives à la compréhension (but : éviter les arguments de rejet portant sur ce point). Puis, au niveau des groupes, les élèves doivent se positionner par rapport à l’affiche (sans accord imposé). Un porte-parole de chaque groupe rapporte ensuite la position de chacun des 4 membres. Les arguments sont notés au tableau par le professeur, puis le débat général s’instaure sur la validité des arguments. Ce processus est éventuellement répété avec une autre affiche (mais pas avec toutes, car l’expérience montre que cela n’apporte plus grand-chose au débat).

Quatrième temps : synthèse.

C’est la phase d’institutionnalisation. Dans le cas présent, « le professeur met en évidence certaines règles du débat mathématique et (ou) l’insuffisance de certaines preuves pragmatiques » [ibid. p. 21].

Bien entendu, le succès d’une telle séquence dépend fortement de la pertinence et de la finesse de l’analyse a priori de la situation qui en aura été faite2.

3.3. Chez Régine Douady.

Par rapport à Brousseau, R. Douady a précisé certaines conditions que doit vérifier la situation-problème dans les cas où il n’y a pas remise en cause de connaissances anciennes, mais extension de leur domaine de validité [Douady 1986]. Certaines de ces conditions reprennent celles qui ont déjà été indiquées plus haut :

 Avoir du sens pour tous les élèves, qui doivent pouvoir mobiliser des savoirs explicites pour un début de résolution (l’ancien

explicite), même s’ils ne permettent pas une résolution complète.

2

C’est de ce type de démarche que nous nous sommes inspirés à l’IUFM d’Orléans-Tours dans une recherche qui a pour but d’étudier les articulations entre géométrie spatio-graphique et géométrie proto-axiomatique chez les PE1 en formation initiale (voir Annexe).

(12)

 Ne pas pouvoir être résolu entièrement avec ces outils (à cause d’une stratégie très coûteuse, ou d'un savoir qui ne fonctionne pas dans le contexte où l’on se trouve…), ce qui va conduire l’élève à rechercher d’autres moyens. Il faut bien sûr que le bon outil soit la connaissance visée par l’apprentissage (le nouveau implicite).

 Faire intervenir au moins deux cadres ou deux points de vue différents.

Un cadre « est constitué des objets d’une branche des mathématiques, des relations entre les objets, de leurs formulations éventuellement diverses et des images mentales associées à ces objets et ces relations. Le changement de cadres est un moyen d’obtenir ces formulations différentes d’un problème qui, sans être nécessairement tout à fait équivalentes, permettent un nouvel accès aux difficultés rencontrées et la mise en œuvre d’outils techniques qui ne s’imposaient pas dans la première formulation ».

Exemple : cadre algébrique et cadre géométrique pour les nombres complexes. Ainsi, l’exercice (classique en terminale) consistant à trouver l’ensemble des points M du plan complexe dont l’affixe z vérifie z− 2i

z+ 1 = 1 est très majoritairement résolu par les élèves en posant z= x + iy. La relation algébrique donnée les conduit, après calculs, à l’équation de droite 2x+ 4y − 3 = 0. Cependant, le passage au cadre géométrique amène à interpréter la relation comme signifiant MA = MB, où A est le point d’affixe 2i et B le point d’affixe -1 ; cette nouvelle relation est connue depuis le collège comme caractérisant la médiatrice de [AB]3.

Le changement de cadres va permettre à l’élève d’aborder le problème qui lui est posé sous un autre angle, peut-être plus accessible du fait de ses connaissances ; il ne peut être laissé à la charge de l’élève et sera en général piloté par l’enseignant.

Pour R. Douady, le déroulement-type d’une séquence d’apprentissage est alors le suivant :

3

Remarquons au passage une fonction intéressante des changements de cadre : celle de contrôle. Ici, par exemple, le cadre géométrique peut permettre de contrôler le cadre algébrique.

(13)

 Phase d’action, dans laquelle les élèves mettent en œuvre le

nouveau implicite par extension ou changement du domaine de

validité d’un savoir ancien.

 Institutionnalisation locale : à la suite de la confrontation des productions et de la justification des déclarations, certains éléments sont formulés et identifiés, avec leurs conditions d’emploi (le

nouveau explicite).

 Institutionnalisation : il s’agit ici de faire passer la connaissance du domaine de la classe à celui de l’individu. Parmi les connaissances explicitées, le maître en choisit certaines pour les présenter sous forme de cours, afin d’établir le savoir de référence (décontextualisation du savoir).

 Première phase de réinvestissement, dans laquelle la connaissance nouvelle interviendra comme outil explicite (≈ exercices d’application).

 Deuxième phase de réinvestissement, cette fois dans des situations nouvelles, où la connaissance interviendra comme ancien explicite. Etc.

On voit qu’ici une connaissance donnée intervient d’abord comme outil (implicite) de résolution de problèmes, puis comme objet d’étude, puis comme outil (explicite) de résolution, etc. D’où le nom de dialectique

outil/objet (D.O.O.) donné à ce processus. Exemple : Étude de la courbe x → cos2(x).

Le savoir visé est géométrique (composition de transformations), mais le cadre initial est celui de l’analyse.

En plaçant des points particuliers et en les reliant, les élèves, individuellement, remarquent que la courbe obtenue « a l’allure » de celle du cosinus, qu’ils connaissent. Le professeur leur fait alors tracer cette courbe sur le même graphique.

Le passage au cadre trigonométrique s'opère par une nouvelle consigne de l’enseignant (« Exprimez cos2(x ) en fonction de cos(2x) »). La formule cos2(x) = 1

2cos(2x) + 1

2 est obtenue à partir de la formule de duplication du cosinus après quelques calculs.

(14)

Nouveau changement de cadre, cette fois vers le cadre géométrique : « D’après cette relation, trouvez un moyen d’obtenir la courbe de x → cos2(x) à partir de

celle de x → cos(2x). » (travail en groupes). La « décomposition » de

l'application en 3 applications « élémentaires » permet, lors de la phase de mise en commun, d’énoncer la procédure suivante4 :

1° diviser l’abscisse par 2 2° diviser l’ordonnée par 2 3° ajouter 1/2 à l’ordonnée.

On peut constater sur le graphique que les procédures indiquées sont correctes, et justifier ainsi la conjecture initiale faite sur l’allure de la courbe.

La définition de l’affinité orthogonale (nouveau implicite) est alors donnée par le professeur…

On voit donc ici :

 que les changements de cadres permettent la mise en œuvre d’outils différents,

 qu’une nouvelle transformation (l’affinité) intervient d’abord comme outil de résolution, puis est institutionnalisée (et pourra éventuellement devenir ensuite objet d’étude).

Cet exposé de la notion de « situation-problème » et de sa mise en œuvre en didactique des mathématiques est d'une part très sommaire (il ne se proposait que d'indiquer les grandes lignes et non d'entrer dans les détails, ce qui aurait été impossible en un temps aussi court), et d'autre part très local (il se situe uniquement dans le cadre de ce qu'on appelle à l'étranger « l'école française »). Et même, malgré toutes ces restrictions, j'ai bien conscience qu'il est très incomplet, puisque des apports importants de didacticiens français n'ont pas été pris en compte, entre autres le « débat scientifique » de Marc Legrand et la « théorie anthropologique du didactique » d'Yves Chevallard. J'espère néanmoins avoir pu apporter aux participants de ce séminaire un éclairage venu d'une didactique « autre » — mais sans doute pas si éloignée — sur une question cruciale de l'apprentissage et de l'enseignement des sciences et des techniques.

4

Un élève fait remarquer que les deux premières étapes reviennent à faire l’homothétie de centre O et de rapport 1/2.

(15)

RÉFÉRENCES

ARSAC, G., GERMAIN, G., MANTE, M. (1988). Problème ouvert et

situation-problème. Lyon : IREM.

ARSAC, G. et al. (1992). Initiation au raisonnement déductif au collège. Lyon :Presses Universitaires de Lyon.

BACHELARD, G. (1938). La formation de l’esprit scientifique. Paris : Vrin.

BROUSSEAU, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Textes rassemblés et préparés par N. Balacheff, M. Cooper, R. Sutherland, V. Warfield. Paris : La Pensée Sauvage.

DOUADY, R. (1986). Jeux de cadres et dialectique outil-objet,

Recherches en Didactique des Mathématiques, 7-2, 5-31.

NEWELL, A. & SIMON, H. A. (1972). Human problem solving. New York : Prentice & Hall.

SIERPINSKA, A. (1985). Obstacles épistémologiques relatifs à la notion de limite, Recherches en Didactique des Mathématiques, 6-1, 5-67. VIGOTSKY, L.S. (1978). Mind in society : the development of higher

psychological process. Cambridge, Mass. : Harvard University

(16)

ANNEXE

Public : PE1

Observateur dans la salle

Passation : le 8/11/2000 à Orléans

Groupement par 4 (ou 3), distribution d’une feuille A4 blanche Matériel de géométrie et de calcul

Consigne de tracé :

 Tracer une droite (D) et un point O de (D)

 Tracer le cercle (C1) de centre O et de rayon x. Ce cercle coupe la

droite (D) en 2 points A et B.

 Tracer le cercle (C2) de centre O et de rayon y

 Tracer le cercle (C3) de centre A et de rayon z. Ce cercle coupe le

cercle (C2) en 2 points C et D.

Ne pas donner d’unité et répondre : « Comme vous voulez, c’est à vous de choisir puisque ce n’est pas dit dans l’énoncé ».

Valeurs numériques données pour les longueurs x, y, z :

1 1 1,5 pseudo

2,5 6 6,5 py

2 4 4,5 pseudo

8 15 17 py

N.B. : deux triplets sont pythagoriciens, deux sont pseudo-pythagoriciens. Dans chaque groupe, chaque étudiant a un triplet de valeurs différent. Remarque : si on fait des groupes de trois, donner un pythagoricien et 2 pseudo-pythagoriciens.

Consigne de production : Comment pouvez-vous faire pour savoir si la

droite (CD) est la médiatrice du segment [AB] ou ne l’est pas ?

[N.B. : Le détail et l'analyse de cette séquence, mise en œuvre dans plusieurs groupes de PE1 de l'IUFM Orléans-Tours, ont été présentés lors du colloque de la COPIRELEM à Tours (mai 2001) et sont inclus dans les actes de ce colloque.]

Références

Documents relatifs

Objectif : Évaluer la qualité physico-chimique et microbiologique des eaux de source du village de Mangouin-Yrongouin dans la localité de Biankouman (Côte d’Ivoire).. Méthodologie

[r]

La variable d’ajustement possible pour adapter l’offre de formation à la demande ne réside pas dans l’accroissement des capacités d’accueil des écoles mais dans

22M/15F 22F/15M 22F/15M 22M/15F 22M/15F 22F/ 15M Hydro-Guard Mini Efficacité de filtration bactérienne et virale Résistance au débit filtre seulement Volume compressible

Absence de mutations responsables de la sensibilité à l’Hyperthermie maligne dans le gène RYR1 (Le criblage utilisé détecte 45 % des mutations du gène RYR1 associées

Pour des experts, l’utilisation du protège-dents ne modifie pas la qualité de l’exposition glottique. En revanche, la pose d’un dispositif de protection

Infirmiers(ères) anesthésistes et don de matériel médical Au cours de leur carrière, les infirmiers(ères) anesthésistes diplômé(e)s d’État (IADE) peuvent être amené(e)s

Pourtant, en postopératoire il existe une relation directe entre troponinémie positive et survie à long terme des patients (Figure 2). Plus le pic de la troponinémie postopératoire