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Effet du prix des cigarettes et de l’exposition à la publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

Effet du prix des cigarettes et de l’exposition à la publicité en faveur du

tabac sur le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud

Par Geneviève Plamondon

Département d’administration de la santé

École de Santé publique

Mémoire présenté à l’École de Santé publique

En vue de l’obtention du grade de Maître ès Sciences (M.Sc.)

En Administration des services de santé

Option Analyse et évaluation du système de santé

Décembre 2013

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Résumé

L’épidémie de tabagisme est responsable de la mort de millions de personnes et malgré cela, la consommation mondiale de produits du tabac ne cesse d’augmenter. La majorité des fumeurs vivent aujourd’hui dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et les maladies non-transmissibles liées au tabac représentent un important fardeau pour ces systèmes de santé. L’Amérique du Sud n’y échappe pas et un fait très préoccupant est certainement la prévalence élevée chez les adolescents de cette région.

La présente étude visait à évaluer l’effet du prix des cigarettes et de l’exposition à la publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud, et ce à partir des données du Global Youth Tobacco Survey. Les niveaux d’exposition à la publicité et les prix auto-déclarés ont été utilisés pour modéliser ces relations, et les comportements tabagiques étudiés étaient l’expérimentation, la participation et la consommation. L’échantillon total comprenait 134 073 répondants provenant de 12 pays.

Les résultats de l’étude ont montré que l’exposition à la publicité en faveur du tabac avait un effet positif sur le tabagisme des adolescents, mais contrairement au consensus établi dans la littérature, la relation négative entre le prix des cigarettes et le tabagisme n’a pas été observée de façon convaincante. Des lacunes inhérentes à la base de données utilisée pourraient expliquer ces résultats inattendus, et certains éléments méthodologiques du sondage sont remis en question.

Mots clés : Amérique du Sud; pays à revenu faible et intermédiaire; adolescents; tabagisme; cigarette; prix; taxes; publicité

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Abstract

The tobacco epidemic is responsible for the death of millions of people, and despite this fact the consumption of tobacco products is increasing globally. The majority of smokers now live in low-and middle-income countries, and non-communicable diseases linked to tobacco represent an important burden for these health systems. Such is the case for South American countries, and high smoking prevalence among teenagers of this region is also worrying.

This study, based on Global Youth Tobacco Survey data, has examined the impact of cigarette prices and exposure to tobacco advertising on smoking among South American adolescents. Self-reported prices and levels of exposure to advertising have been used to model the relationships, and the smoking behaviors studied were experimentation, participation and consumption. The total survey sample included 134, 073 respondents from 12 countries.

The results showed that exposure to tobacco advertising had a positive impact on smoking among adolescents. Although there is a clear consensus in the literature about the negative relationship between cigarette prices and smoking, it could not be demonstrated strongly in this study. Problems inherent to the database may explain these unexpected results and some methodological aspects are questioned.

Key words: South America; low-and middle-income countries; adolescents; youth; smoking; cigarette; price; taxes; advertising

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations ... viii

Remerciements ... ix

1 Introduction ... 1

1.1 Lutte antitabac ... 2

2 Contexte ... 6

2.1 Définitions relatives au tabagisme ... 6

2.2 Prix et taxes sur la cigarette ... 6

2.2 Publicité en faveur du tabac ... 9

3 Revue de littérature ... 11

3.1 Prix et taxes sur la cigarette ... 11

3.2 Publicité en faveur du tabac ... 21

4. Modèle théorique, objectifs et hypothèses ... 29

4.1 Modèle théorique ... 29

4.2 Objectifs et hypothèses de recherche ... 31

5 Méthodes ... 33

5.1 Stratégie et devis de recherche retenus ... 33

5.2 Validité du devis de recherche ... 33

5.3 Population à l’étude et source de données ... 36

5.4 Définition des variables ... 37

5.5 Analyse des données ... 44

6 Résultats ... 52

6.1 Prix des cigarettes ... 52

6.2 Exposition à la publicité en faveur du tabac... 54

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v

7 Discussion ... 58

7.1 Principaux résultats ... 58

7.2 Forces et faiblesses de l’étude ... 67

7.3 Implications politiques et de recherche ... 69

Tableaux ... 71

Références ... 97

Annexes ... i

Annexe I: Intervalles de prix du GYTS ... i

Annexe II : Valeurs du CCI ... iv

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Liste des tableaux

Tableau I: Présence d’interdictions de parrainage et de publicité en faveur du tabac : état en

2008, 2010 et 2012 ... 10

Tableau II: Définition des variables ... 71

Tableau III : Caractéristiques de l’échantillon total ... 72

Tableau IV : Caractéristiques de l’échantillon d’Argentine ... 73

Tableau V : Caractéristiques de l’échantillon de Bolivie ... 74

Tableau VI : Caractéristiques de l’échantillon du Chili ... 75

Tableau VII : Caractéristiques de l’échantillon du Pérou ... 76

Tableau VIII : Caractéristiques de l’échantillon du Brésil ... 78

Tableau IX : Caractéristiques de l’échantillon de l’Uruguay ... 80

Tableau X : Caractéristiques de l’échantillon du Suriname ... 81

Tableau XI : Caractéristiques de l’échantillon de Colombie ... 82

Tableau XII : Caractéristiques de l’échantillon du Guyana ... 83

Tableau XIII : Caractéristiques de l’échantillon de l’Équateur ... 84

Tableau XIV : Caractéristiques de l’échantillon du Paraguay ... 85

Tableau XV : Caractéristiques de l’échantillon du Venezuela ... 86

Tableau XVI : Résultats des modèles 1a, 1b et 1c- variable de prix sans unité, échantillon total 87 Tableau XVII : Résultats des modèles 1d, 1e et 1f- variable de prix sans unité pour les échantillons avec un CCI > 0,50 ... 89

Tableau XVIII : Résultats des modèles 2a, 2b et 2c- variable de prix exprimée en PPA de 2009, échantillon total ... 91

Tableau XIX : Résultats des modèles 2d, 2e et 2f- variable de prix exprimée en PPA de 2009 pour les échantillons avec un CCI > 0,50 ... 93

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Liste des figures

Figure 1 : Taxes et prix moyens pour un paquet de la marque de cigarettes la plus vendue, par groupe de revenu, 2008 ... 7 Figure 2 : Part totale de taxes pour un paquet de la marque de cigarettes la plus vendue, par groupe de revenu, 2008 ... 7 Figure 3 : Part totale de taxes pour un paquet de cigarette pour 12 pays d’Amérique du Sud, pour 2008, 2010 et 2012 ... 8 Figure 4: Comparaison du la part totale de taxes moyenne pour les pays d’Amérique du Sud inclus dans l’étude et pour 8 pays à revenu élevé, pour 2008, 2010 et 2012. ... 9 Figure 5 : Courbe de demande individuelle pour la cigarette ... 29 Figure 6 : Effet de la publicité en faveur du tabac sur la courbe de demande pour la cigarette .. 30 Figure 7 : Modèle théorique ... 31

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Liste des abréviations

CCI: Coefficient de corrélation intra-classe CDC : Centers for Disease Control and Prevention EIU : Economist Intelligence Unit

GYTS : Global Youth Tobacco Survey MSB : Mean square between1 MSW : Mean square within2

OMS : Organisation mondiale de la Santé

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques PPA : Parité des pouvoirs d’achats

UPE : Unité primaire d’échantillonnage

1 Mesure de variance entre les groupes. 2

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Remerciements

J’aimerais tout d’abord remercier mon directeur de recherche Emmanuel Guindon qui m’a initié à l’économie de la santé et qui a su, par sa patience et sa disponibilité, me guider tout au long de ce projet de recherche. J’ai tiré profit de ses compétences et connaissances, et je le remercie également pour son support financier.

Je remercie les professeurs du Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal, en particulier Régis Blais pour sa disponibilité et ses précieux conseils.

Je tiens à remercier mes parents et amis pour leur soutien au cours des deux dernières années et particulièrement lors des derniers mois.

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1 Introduction

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le tabagisme serait une menace de santé publique évitable d’une ampleur sans précédent, tuant chaque année 5,4 millions d’êtres humains. Le tabac est la seule substance légale qui tue un nombre important de ses consommateurs (la moitié) lorsqu’utilisée de la façon prévue par les manufacturiers, en plus d’être un facteur de risque de six des huit plus importantes causes de décès au monde. On estime qu’au cours du 20e siècle, 100 millions de personnes sont décédées à cause du tabac, et on prévoit que ce nombre pourrait grimper à 1 milliard au cours du 21e siècle. Les ravages du tabac sont présents chez les fumeurs, mais également chez les non-fumeurs de par la fumée secondaire(Organisation mondiale de la Santé, 2008).

Le tabac est consommé depuis des centaines d’années, mais ce n’est qu’au 19e siècle que les cigarettes devinrent un produit de grande consommation (Jha & Chaloupka, 1999). À ce moment, les scientifiques commencèrent à soupçonner l’existence d’effets nocifs associés au tabagisme, et les recherches condamnant la substance se multiplièrent au cours du 20e siècle. La présence d’un long délai entre la consommation de tabac et l’apparition des problèmes de santé associés fit en sorte que l’épidémie liée au tabagisme était bien enclenchée lorsque les recherches à grande échelle furent publiées.

Depuis trente ans, la consommation de tabac a fortement diminué dans les pays à revenu élevé, mais la consommation mondiale ne cesse d’augmenter, et 80% des fumeurs se trouvent aujourd’hui dans les pays à revenus faibles et intermédiaires (Organisation mondiale de la Santé, 2008). Le tabac y étant été introduit plus tardivement, sa popularité est plus récente et les effets nuisibles pour la santé y sont moins bien connus.

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Un autre fait très préoccupant de cette épidémie est la forte prévalence parmi les adolescents et l’âge de plus en plus jeune auquel ceux-ci expérimentent leur première cigarette. Les données probantes montrent que la plupart des adultes ont développé leur dépendance au tabac avant d’atteindre l’âge de la majorité (U.S. Department of Health and Human Services, 2012), et que les adolescents qui fument de façon régulière ont plus de chances de développer ultérieurement les maladies associées au tabagisme, tel que le cancer du poumon (U.S. Department of Health and Human Services, 1994).

L’Amérique du Sud, région à l’étude dans cette présente recherche, n’échappe pas à l’épidémie; le fardeau associé aux maladies non-transmissibles est en augmentation, et la prévalence de l’important facteur de risque qu’est le tabagisme est préoccupant. Des données de l’OMS indiquent qu’entre 15 et 35% des adultes se qualifient de fumeurs actifs, et ces proportions grimpent à 21 et 39% pour les hommes seulement (Organisation mondiale de la Santé, 2011). Chez les jeunes, la prévalence moyenne est de 16% pour tous les pays d’Amérique du Sud, mais elle atteint 27 et 40% chez les jeunes filles d’Argentine et du Chili respectivement (Pan American Health Organization-World Health Organization and Centers for Disease Control and Prevention). Ces taux de tabagisme sont particulièrement alarmants chez les jeunes, et compte tenu que l’initiation à la cigarette se fait souvent à cet âge, la prévention du tabagisme chez les adolescents d’Amérique du Sud est un sujet qui mérite une attention particulière et qui a le potentiel de freiner l’épidémie dans cette région du monde.

1.1 Lutte antitabac

En 2003, la Cinquante-Sixième Assemblée mondiale de la Santé a adopté la Convention Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, une stratégie visant à réglementer des substances

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engendrant la dépendance, ce qui constituait la première étape de la lutte mondiale contre le tabagisme (Organisation mondiale de la Santé, 2003). Les pays d’Amérique du Sud ont tous ratifié la Convention, à l’exception de l’Argentine qui l’a seulement signée, signifiant que le pays s’efforcerait de la ratifier et démontrerait sa volonté politique de ne pas compromettre les objectifs énoncés. Basé sur cette Convention, l’OMS a ensuite lancé en 2008 le programme MPOWER (acronyme anglais) composé de six politiques basées sur les données probantes pour endiguer l’épidémie de tabagisme. Ce programme recommande de surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention (Monitor), de protéger la population contre la fumée du tabac (Protect), d’offrir de l’aide à ceux qui veulent renoncer au tabac (Offer), de mettre en garde contre les dangers du tabagisme (Warn), de faire respecter l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage (Enforce) et finalement d’augmenter les taxes sur le tabac (Raise).

Il a été démontré que la dernière mesure, l’augmentation des taxes, est la méthode la plus efficace pour diminuer le tabagisme, notamment chez les jeunes et les moins nantis (Chaloupka & Warner, 2000; International Agency for Research on Cancer, 2011), et bien qu’elle soit amplement utilisée dans les pays à revenu élevé, les pays à revenu faible et intermédiaire en font usage de façon beaucoup moins marquée (Organisation mondiale de la Santé, 2010). Les preuves scientifiques à l’appui de cette mesure sont en fait moins nombreuses dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et quasi-inexistantes dans ceux d’Amérique du Sud. De fait, dans le cadre d’une revue systématique à laquelle j’ai participé, aucune étude utilisant des données de sondage au niveau individuel ou familial pour examiner la relation entre le prix ou les taxes et le tabagisme n’a été recensée en Amérique du Sud3. La littérature est également très limitée

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quant à l’effet de ces mesures chez les adolescents d’Amérique du Sud, aucune recherche ne s’étant concentrée exclusivement sur cette région du monde.

Les interdictions de la publicité en faveur du tabac constituent un autre maillon important de la lutte que les instances de santé publique livrent au tabagisme. Les compagnies de tabac dépensent des sommes considérables pour promouvoir leurs produits et tendent ainsi à rendre la consommation du tabac plus socialement acceptable et à entraver les efforts visant à éduquer les gens sur les méfaits associés (Organisation mondiale de la Santé, 2009). Les interdictions globales de publicité en faveur du tabac seraient efficaces pour diminuer la consommation de tabac, mais de récentes données indiquent que seulement 10% de la population mondiale vit dans des pays où de telles interdictions sont en place et respectées. Des douze pays inclus dans cette présente étude, cinq ont toujours en 2013 une absence totale d’interdiction, ou une interdiction ne couvrant pas la télévision, la radio et la presse nationale (Organisation mondiale de la Santé, 2013). Les données probantes ne sont toutefois pas unanimes quant à l’effet des interdictions de publicité sur le tabagisme, qu’elles soient partielles ou totales, et peu d’études ont pris en compte la situation sud-américaine.

La présente recherche visait à évaluer l’effet des prix de la cigarette et de l’exposition à la publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud, de façon à comprendre comment ces mesures peuvent être utilisées pour influencer le comportement des jeunes. Les pays à l’étude étaient l’Argentine, la Bolivie, le Chili, le Pérou, le Brésil, l’Uruguay, le Suriname, la Colombie, le Guyana, l’Équateur, le Paraguay et le Venezuela. L’étude est basée sur les données du Global Youth Tobacco Survey (GYTS), un sondage effectué dans 140 pays, et les résultats obtenus seront utiles aux preneurs de décisions des pays concernés, mais aussi à ceux d’autres pays comparables au plan socio-économique. Ils contribueront également à

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l’avancement des connaissances dans ce domaine précis pauvre en données probantes de qualité.

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2 Contexte

2.1 Définitions relatives au tabagisme

Le tabagisme est un terme global qui regroupe les différents comportements tabagiques. L’initiation à fumer représente la transition entre ne jamais avoir fumé et devenir fumeur; l’expérimentation est le fait d’avoir essayé la cigarette au moins une fois dans sa vie (même une seule inhalation); la participation est le fait d’être un fumeur à un moment donné; la consommation est la quantité de cigarettes fumées et la cessation représente le passage de fumeur à non-fumeur. Il est toutefois à noter que la mesure de la participation diffère chez les adultes et chez les jeunes : alors qu’un adolescent est considéré comme un fumeur s’il a fumé au cours du dernier mois, ce qualificatif est attribué aux adultes qui consomment quotidiennement des cigarettes.

2.2 Prix et taxes sur la cigarette

Les prix et les taxes des cigarettes varient grandement d’un pays à l’autre, mais une tendance claire montre toutefois que mondialement, plus le niveau de richesse d’un pays diminue, plus bas sont les prix et les taxes (International Agency for Research on Cancer, 2011). La figure 1 de la page 7 présente les prix et les montants de taxes moyens pour un paquet de cigarettes de la marque la plus vendue, selon les groupes de pays (basés sur la classification de 2008 de la Banque Mondiale (BM)), et la figure 2 présente la part totale de taxes4 dans le prix d’un paquet de cigarettes (pourcentage).

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Figure 1 : Taxes et prix moyens pour un paquet de la marque de cigarettes la plus vendue, par groupe de revenu, 2008

Source: Adapté de IARC Handbooks of Cancer Prevention. (International Agency for Research on Cancer, 2011)

Figure 2 : Part totale de taxes pour un paquet de la marque de cigarettes la plus vendue, par groupe de revenu, 2008

Source: Adapté de IARC Handbooks of Cancer Prevention. (International Agency for Research on Cancer, 2011)

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Au sein des pays d’Amérique du Sud inclus dans mon étude, les niveaux de taxes varient également, allant par exemple de 81,2% au Chili en 2012, à 30,2% au Guyana pour la même année. La figure 3 présente l’évolution des taxes entre 2008 et 2013, le pourcentage correspondant à la part totale de taxe dans le prix d’un paquet de cigarette.

Figure 3 : Part totale de taxes pour un paquet de cigarette pour 12 pays d’Amérique du Sud, pour 2008, 2010 et 2012

Source : les données proviennent du rapport de 2013 de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabac (Organisation mondiale de la Santé, 2013)

Bien que les taxes en vigueur dans certains pays d’Amérique du Sud soient plus élevées que dans certains pays à revenus élevés, il est à noter que le niveau de taxe moyen pour le groupe de pays demeure moins élevé. La figure 4 de la page 9 présente la part totale de taxes moyenne pour les pays d’Amérique du Sud inclus dans mon étude, et la compare à celle de 8

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pays à revenu élevé, soit l’Australie, l’Allemagne, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Suède.

Figure 4: Comparaison du la part totale de taxes moyenne pour les pays d’Amérique du Sud inclus dans l’étude et pour 8 pays à revenu élevé, pour 2008, 2010 et 2012.

Source : les données proviennent du rapport de 2013 de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabac (Organisation mondiale de la Santé, 2013)

2.2 Publicité en faveur du tabac

Les interdictions de publicité en faveur du tabac et de parrainage sont relativement récentes dans les pays d’Amérique du Sud. J’ai évalué dans mon étude l’impact de l’exposition à la publicité du tabac pour trois types de médias, soit la télévision, les panneaux d’affichage et les événements publics, et seules 32 des 96 vagues de sondage utilisées ont été menées alors que de telles interdictions étaient en vigueur. En effet, la majorité des pays ont instauré des lois interdisant la publicité après 2008, année de la dernière vague de sondage inclue dans l’échantillon. Quatre pays avaient toutefois des interdictions en vigueur préalablement à 2008. Le Brésil et le Chili avaient des interdictions pour les trois médias depuis 2000 et 2006 respectivement, alors que le Pérou et le Venezuela ont tous deux mis en place des interdictions

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de publicité à la télévision en 2006 (Pan American Health Organization, 2011). Pour les trois médias inclus évalués, le tableau I de la page 10 montre la présence ou non d’interdictions de publicité pour 2008, 2010 et 2012, et on remarque que plusieurs pays ont modifié leurs politiques au cours de ces années.

Tableau I: Présence d’interdictions de parrainage et de publicité en faveur du tabac : état en 2008, 2010 et 2012

Télévision Panneaux d’affichage Événements

2008 2010 2012 2008 2010 2012 2008 2010 2012 Argentine Non Non Oui Non Non Oui Non Non Oui

Bolivie Non Non Oui Non Non Oui ND Oui Oui

Chili Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Pérou Oui Oui Oui Non Non Non Non Non Non

Brésil Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Uruguay Non Oui Oui Non Oui Oui Non Oui Oui Suriname Non Non Non Non Non Non Non Non Non Colombie Non Oui Oui Non Oui Oui Non Oui Oui

Guyana Non Non Non Non Non Non Non Non Non

Équateur Non Non Oui Non Non Oui Non Non Oui Paraguay Non Non Non Non Non Non Non Non Non Venezuela Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Non Non

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3 Revue

de

littérature

3.1 Prix et taxes sur la cigarette

3.1.1 Théorie soutenant l’utilisation des taxes

L’utilisation des taxes sur les produits du tabac est une mesure qui a été largement étudiée, et les auteurs s’entendent sur l’efficacité de l’augmentation du prix pour diminuer la consommation de cigarettes (Chaloupka & Warner, 2000; International Agency for Research on Cancer, 2011). L’augmentation des prix agit comme outil de dissuasion sur les personnes, poussant les fumeurs à cesser de fumer ou à diminuer leur consommation de cigarettes, incitant ceux qui ont déjà cessé à ne pas recommencer et encourageant les non-fumeurs à ne pas commencer (International Agency for Research on Cancer, 2011). Suivant les lois économiques, plusieurs chercheurs s’entendaient d’abord pour dire qu’étant donné la plus petite part de revenu disponible, les populations des pays à revenu faible et intermédiaire devaient réagir plus fortement aux augmentations de prix (Jha & Chaloupka, 1999), mais de récentes revues internationales concluent toutefois que les données probantes sont limitées pour suggérer que la demande pour les produits du tabac dans les pays à revenu faible et intermédiaire répond davantage aux variations de prix que celle des pays à revenus élevés (Chaloupka, Straif, & Leon, 2011; International Agency for Research on Cancer, 2011). Les enfants et les adolescents réagissent pour leur part de façon plus importante que les adultes aux variations de prix (International Agency for Research on Cancer, 2011), et différentes raisons ont été suggérées pour expliquer cela. Lewit et collaborateurs ont été les premiers à proposer que ce soit entre autres le fait que les jeunes ont une plus petite part de revenu disponible à dépenser sur les produits du tabac que les adultes (Lewit, Coate, & Grossman, 1981) [dans (Ross & Chaloupka,

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2004)]. En accord avec la théorie économique, d’autres auteurs ont également appuyé cette idée en expliquant que plus la proportion du revenu dépensée sur un bien est importante, plus grande sera la réactivité à une augmentation de prix (Grossman & Chaloupka, 1997). La littérature suggère également que les jeunes ont un taux de préférence temporelle plus grand que les adultes et qu’ils ont ainsi tendance à valoriser le présent davantage que le futur. Conséquemment, ils seraient plus enclins à réagir aux effets à court-terme (par exemple un changement de prix) qu’aux conséquences à long terme (Grossman & Chaloupka, 1997; International Agency for Research on Cancer, 2011; Nikaj, 2012). Finalement, face au tabagisme, les adolescents seraient beaucoup plus sensibles à la pression des pairs (Goldade et al., 2012; Khalbous & Bouslama, 2012), ce qui aurait comme effet de multiplier l’impact des prix sur leur consommation (Grossman & Chaloupka, 1997). De fait, une augmentation de prix réduirait directement la consommation des adolescents, mais aussi indirectement par l’impact sur la consommation des pairs et des parents (Powell, Tauras, & Ross, 2005).

3.1.2 Dépendance au tabac

La nature addictive du tabac a amené le questionnement de la théorie économique présentée, puisqu’on s’interrogeait à savoir si la dépendance à la nicotine des fumeurs les poussait à agir de façon irrationnelle et à fumer peu importe le prix d’achat (Elster, 1979; Schelling, 1984; Winston, 1980) [dans(Chaloupka & Warner, 2000)]. Les nombreuses études économiques effectuées dans les dernières décennies montrent cependant que la cigarette suit bel et bien les lois économiques classiques et que les variations de prix peuvent être utilisées pour estimer le comportement des consommateurs (Chaloupka & Warner, 2000).

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13 3.1.3 Types de taxes sur les produits du tabac

Différents types de taxes peuvent être perçues par les gouvernements afin d’augmenter le prix des produits du tabac; certaines taxes sont appliquées directement sur les feuilles de tabac, alors que la vaste majorité sont plutôt perçues sur les produits du tabac. Dans cette dernière catégorie, on retrouve les taxes d’accises, les taxes sur la valeur ajoutée, les taxes générales de ventes et les droits sur les produits (par exemple les frais d’importation). Les taxes d’accises seraient les plus efficaces pour influencer la consommation tabagique puisqu’elles s’appliquent seulement aux produits du tabac et augmentent le prix de ces produits relativement aux autres biens et services (Chaloupka, Yurekli, & Fong, 2012), et ces augmentations dans les taxes d’accise seraient, de façon générale, entièrement transférées aux consommateurs (Chaloupka, Hu, Warner, Jacobs, & Yurekli, 2000), bien que les données probantes proviennent majoritairement des États-Unis. Les taxes d’accises spécifiques représentent un montant perçu sur une quantité (par exemple un montant par cigarette), alors que les taxes d’accises ad valorem sont basées sur un pourcentage de la valeur (par exemple un pourcentage du prix d’un paquet). Selon l’OMS, 90% des pays imposeraient une taxe d’accise sur les produits du tabac, environ le même nombre imposerait une taxe sur la valeur ajoutée, et la quasi-totalité des pays prélèveraient une taxe sur les produits du tabac importés (Organisation mondiale de la Santé, 2010). Dans certains pays à revenu élevé, les taxes sur le tabac représentent jusqu’à 75% du prix, alors que ce pourcentage est beaucoup plus faible dans les pays à faible revenu, la moyenne estimée pour ce groupe étant de 39% (Organisation mondiale de la Santé, 2010).

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3.1.4 Élasticité-prix de la demande pour la cigarette

Tel que mentionné précédemment, il existe un consensus quant à l’efficacité des taxes comme outil de dissuasion contre la consommation de cigarettes, et les recherches s’accumulent depuis quelques décennies. Les études empiriques utilisent le concept d’élasticité-prix de la demande, est défini comme une mesure permettant de calculer les effets d’une variation de prix sur la quantité demandée d’un bien ou d’un service, et s’exprime mathématiquement par le pourcentage de changement dans la quantité demandée sur le pourcentage de variation du prix (Ding, 2005). Plus élasticité-prix de la demande est élevée (en valeur absolue), plus les consommateurs sont sensibles aux variations de prix, et le signe positif ou négatif indique le sens de la relation entre la variation de la demande et celle du prix. Dans le contexte du tabagisme, l’élasticité-prix peut d’une part être fractionnée et calculée en regard de l’initiation à fumer, de l’expérimentation, de la participation, de la consommation et de la cessation, et d’autre part être calculée de façon globale (élasticité totale). Le calcul de l’élasticité-prix pour chacun de ces comportements permet d’obtenir une valeur spécifique, alors que le calcul de l’élasticité-totale fournit une estimation globale de la relation entre le prix et le tabagisme, sans égard aux différentes phases. Dans la présente étude, je me suis intéressée spécifiquement à l’élasticité-prix de la demande pour l’expérimentation, la participation et à la consommation.

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3.1.5 Effet du prix des cigarettes sur le tabagisme de la population générale

Les études conventionnelles sur la demande de cigarettes convergent et estiment que l’élasticité-prix totale de la demande se situe à proximité de -0,4 pour les pays à revenu élevé (Chaloupka & Warner, 2000; International Agency for Research on Cancer, 2011), indiquant que pour une augmentation de 10% du prix, il y aurait une réduction de 4% de la consommation de cigarettes. Une méta-analyse a obtenu des résultats similaires, mais précise que certaines caractéristiques des études influencent les estimations d’élasticité-prix de la demande pour la cigarette. Parmi celles-ci, notons l’inclusion de la demande d’alcool conjointement au tabac, le type de modélisation statistique utilisé, l’unité d’analyse choisie et les caractéristiques des personnes (Gallet & List, 2003). Les études effectuées dans les pays à revenu faible et intermédiaire sont moins nombreuses et présentent davantage de différences méthodologiques, ce qui explique une plus grande variation dans les résultats. Les estimations pour ces pays varient autour de -0,6 à -1,0 (Jha & Chaloupka, 1999) et de -0,2 à -0,8 (International Agency for Research on Cancer, 2011). Des études ont été réalisées par pays et ont obtenu des valeurs négatives pour l’élasticité-prix de la demande; -0,48 à -1,17 au Pakistan (Mushtaq, Mushtaq, & Beebe, 2011); -0,80 à -0,98 en Jamaïque (Van Walbeek, Lewis-Fuller, Lalta, & Barnett, 2005); -0,63 à -0,94 au Panama (Herrera Ballesteros, 2012); -0,06 à -0,45 au Mexique (Jimenez-Ruiz, Saenz de Miera, Reynales-Shigematsu, Waters, & Hernandez-Avila, 2008). Des études ont aussi été réalisées dans les pays d’Amérique du Sud et obtiennent des résultats similaires : -0,27 à -0,40 en Argentine (Gonzales-Rozada, 2006); -0,78 à -0,99 en Bolivie (Alcaraz, 2006), -0,21 à -0,45 au Chili (Debrott Sanchez, 2006); -0,25 à -1,44 au Brésil (Iglesias & Nicolau, 2006). Ces résultats ont toutefois été obtenus avec des données provenant de la population totale (regroupant des personnes de tous les groupes d’âge), et peuvent donc difficilement être utilisés pour juger de la sensibilité au prix spécifique des adolescents.

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3.1.6 Effet du prix sur le tabagisme des adolescents

Les études s’intéressant à l’impact des prix sur le tabagisme chez les jeunes ont principalement été effectuées dans les pays à revenu élevé (en grande partie aux États-Unis), ce qui nous force à user de prudence dans l’application de ces résultats pour les adolescents des pays à revenu faible et intermédiaire. Même si certaines études n’ont pas démontré de relation significative entre les prix et le tabagisme chez les jeunes (Chaloupka, 1990; DeCicca, Kenkel, & Mathios, 2000; Wasserman, Manning, Newhouse, & Winkler, 1991), la littérature suggère que l’élasticité-prix de la demande est de deux à trois fois plus élevée chez les adolescents que chez les adultes (Bader, Boisclair, & Ferrence, 2011; Chaloupka et al., 2012). Une majorité d’études suggère que l’impact du prix serait significatif tant sur la participation et que sur la demande conditionnelle (Bader et al., 2011; Chaloupka & Wechsler, 1997; Chaloupka et al., 2011; Emery, White, & Pierce, 2001). Plusieurs études ont en effet démontré une relation négative entre les prix et la participation, avec des valeurs d’élasticité de -0,51 à -0,59 (Chaloupka & Wechsler, 1997), de -0,49 à -0,87 (Lewit, Hyland, Kerrebrock, & Cummings, 1997), de -0,45 à -1,65 (Chaloupka & Pacula, 1999), de -0,83 à -1,56 (Emery et al., 2001), de -0,10 (Sen & Wirjanto, 2010) et de -0,17 à -2,19 (Sen, Ariizumi, & Driambe, 2010). Les estimations de l’élasticité-prix quant à la demande conditionnelle pour la cigarette prennent des valeurs de -0,43 à -0,79 (Chaloupka & Wechsler, 1997), de -0,6 (Grossman & Chaloupka, 1997) et de -0,68 à -0,87 (Emery et al., 2001).

Les données probantes sont toutefois beaucoup moins solides quant à l’effet du prix sur l’expérimentation à fumer chez les adolescents. Emery et collaborateurs (Emery et al., 2001) ont trouvé une élasticité négative et significative chez les d’adolescents quant à la participation et la demande conditionnelle, mais non significative pour ce qui est de l’expérimentation. Ils

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expliquent ce résultat par le fait que lorsque les jeunes sont à ce stade, ils n’achètent généralement pas leurs cigarettes et que ce sont plutôt leurs amis qui leur en offrent, hypothèse qu’ils avaient déjà émise en 1999 (Emery, Gilpin, White, & Pierce, 1999). Ainsi, le prix aurait peu d’influence sur leurs choix. Parallèlement, une récente revue systématique s’intéressant à l’impact des prix sur l’initiation à fumer concluait que les données probantes ne sont pas assez solides pour conclure à un impact négatif des prix ou des taxes (Guindon, 2013). Peu d’études se sont intéressées à la transition entre ne jamais avoir fumé et commencer à fumer, et d’importantes limites méthodologiques ont été soulevées dans plusieurs d’entre elles, limitant la robustesse des conclusions qui peuvent en être tirées.

3.1.7 Effet du prix sur le tabagisme des adolescents de pays à revenu faible et intermédiaire

Beaucoup moins d’études ont évalué l’impact des prix sur le tabagisme des adolescents des pays à revenu faible et intermédiaire, et un plus petit nombre encore s’est attardé à la situation sud-américaine. Les résultats démontrent tout de même que les adolescents des pays moins nantis réagissent aussi de façon négative à l’augmentation du prix des cigarettes, et ce de façon plus importante que la population générale (International Agency for Research on Cancer, 2011). La majorité des études évaluant l’effet du prix sur les adolescents âgés de moins de 16 ans ont également été effectuées avec les données du GYTS, dont celle de Ross (Ross, 2004a), qui a étudié l’impact des prix sur le tabagisme en Russie en utilisant une méthodologie similaire à celle que j’ai utilisée. Les résultats obtenus pour l’élasticité-prix varient de -0,47 à -0,51 pour la participation, de -0,32 à -0,69 (non-significatifs) pour la consommation et de -1,15 à -1,16 pour l’élasticité totale. Cette relation négative entre le prix et le tabagisme chez les jeunes des pays à

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revenu faible et intermédiaire a également été observée dans d’autres pays, avec des valeurs pour la participation de -0,29 (non-significatif) à -0,51 en Ukraine (Ross, 2004b), de -0,41 en Inde (Joseph, 2010) et de -1,17 à -1,29 en Turquie (Önder, 2012). Pour ce qui est de la demande conditionnelle, les résultats ne sont toutefois pas aussi consistants. L’élasticité-prix calculée est négative et prend des valeurs de -1,43 à -1,83 en Ukraine (Ross, 2004b), elle est négative mais non significative en Inde (Joseph, 2010) et elle est positive en Turquie.(Önder, 2012). Malgré ces variations, les résultats sont tous dans le sens attendu en regard de l’élasticité totale, avec des valeurs de -0,46 en Inde (Joseph, 2010), de -0,58 à -0,91 en Turquie (Önder, 2012) et de -1,72 à 2,34 en Ukraine (Ross, 2004b).

3.1.8 Effet du prix sur le tabagisme des adolescents de pays d’Amérique du Sud À ma connaissance, aucune étude ne s’est concentrée exclusivement sur des pays d’Amérique du Sud, mais certains auteurs ont combiné les données du GYTS de plusieurs pays, dont celles de nations sud-américaines. Kostova et collaborateurs (Kostova, Ross, Blecher, & Markowitz, 2011) ont évalué l’impact des prix sur la participation et la demande conditionnelle d’adolescents de 17 pays, dont quatre d’Amérique du Sud (le Brésil, le Chili, le Pérou et le Venezuela). Ils ont utilisé pour ce faire des données de prix provenant de l’Economist Intelligence Unit’s (EIU) World Cost of Living Survey pour une marque locale de cigarette ainsi qu’une marque importée. Différentes caractéristiques individuelles et environnementales ont été inclues, soit l’âge, le genre, le tabagisme parental, la disponibilité d’argent de poche, le sentiment face au tabagisme, l’exposition à la publicité du tabac et l’exposition aux messages médiatiques anti-tabac. Pour vérifier leurs hypothèses, les auteurs ont utilisé une double modélisation estimant l’élasticité-prix de la demande pour la participation et la consommation.

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Chacune des modélisations a été effectuée à deux reprises, soit en incluant ou non les variables environnementales. Pour les modèles de base, l’élasticité-prix de la participation est de -1,10 et de -1,62 pour les marques locales et importées respectivement, alors que les résultats pour les modèles incluant les caractéristiques environnementales sont de -0,74 (marque locale) et de -1,09 (marque importée). Pour la demande conditionnelle, les résultats sont de -1,28 (marque locale) et de -1,55 (marque importée) pour les modèles de base, et de -1,37 (marque locale) et de -1,71 (marque importée) lorsque les caractéristiques environnementales sont inclues. Comme analyse de sensibilité, les auteurs ont inclus dans leur échantillon trois pays à revenu élevé, soit la Pologne, les Émirats Arabes Unis et le Koweït, et ont calculé l’élasticité-prix totale de la demande pour la cigarette. Ils obtiennent des résultats de -1,8 pour le groupe total de pays, et de -2,1 pour le groupe de pays à revenu faible et intermédiaire. Ils concluent ainsi que les pays à revenu faible et intermédiaire répondent davantage aux augmentations de prix, et que cette mesure serait un outil plus efficace pour ce groupe de pays. J’exprime une réserve quant à cette déclaration d’une part parce que les auteurs ne mentionnent pas si la différence obtenue est significative, et d’autre part parce que les pays à revenu élevé inclus dans l’étude ne sont pas nécessairement représentatifs de tous les pays à revenu élevé, et qu’il serait risqué d’émettre de telles conclusions en se basant sur l’inclusion de seulement trois pays à revenu élevé. En utilisant une méthodologie similaire, deux des quatre auteurs de cette étude ont fait en 2012 une autre recherche avec les données du GYTS, mais cette fois en incluant 19 pays à revenu faible et intermédiaire. Ils appuient les résultats de leur étude précédente en observant une relation négative et significative entre le prix et le tabagisme, celle-ci étant particulièrement marquée quant à la demande conditionnelle pour la cigarette (Kostova & Blecher, 2012).

Nikaj a suivi une méthode semblable pour évaluer l’impact du prix des cigarettes sur le tabagisme de 38 pays ayant participé au GYTS (29 pays à revenu faible et intermédiaire, et 9

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pays à revenu élevé), parmi lesquels on dénombre six pays d’Amérique du Sud (l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur et le Pérou) (Nikaj, 2012). Pour ce faire, elle a également utilisé les données de prix l’EIU World Cost of Living Survey et a pris en pris en compte des variables individuelles (âge, genre, disponibilité d’argent de poche) et environnementales (sentiment face au tabagisme, exposition à la publicité du tabac, exposition aux messages médiatiques anti-tabac, accès aux cigarettes). L’élasticité-prix a été calculée pour la participation ainsi que pour la demande conditionnelle, et chaque modèle a été fait d’une part en incluant tous les pays, et d’autre part en incluant que les pays à revenu faible et intermédiaire. Les résultats pour les pays à revenu faible et intermédiaire sont de 0,58 pour la participation et de -1,62 pour la demande conditionnelle, alors qu’ils sont de -0,57 et -0,94 lorsque tous les pays sont inclus. L’auteure conclue ainsi que la réactivité des jeunes des pays à revenu faible et modéré est similaire à ceux des pays à revenu élevé quant à la participation, mais qu’elle est plus importante pour la demande conditionnelle. Tout comme je l’ai fait pour les résultats de Kostova et collaborateurs (Kostova et al., 2011), j’émets une réserve quant à cette conclusion. Il est en effet légitime de penser que les adolescents des neuf pays à revenu élevé inclus dans l’étude (République Tchèque, Hongrie, Koweït, Pologne, Qatar, Arabie Saoudite, Slovaquie, Corée du Sud et Émirats Arabes Unis) ont des attitudes et préférences qui peuvent différer de ceux des adolescents de d’autres pays à revenu élevé, et qu’ils ne sont donc pas nécessairement représentatifs de ce groupe de pays. Il serait alors risqué d’utiliser ces résultats pour conclure sur les différences de réactivité entre les adolescents de pays à revenu élevé et ceux de pays à revenu faible et intermédiaire.

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21 3.2 Publicité en faveur du tabac

3.2.1 Théorie soutenant l’utilisation des interdictions de publicité en faveur du tabac

L’article 13 de la Convention Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac stipule clairement que les pays devraient «instaurer une interdiction globale de publicité en faveur du tabac et toute promotion et de tout parrainage du tabac»(Organisation mondiale de la Santé, 2003). L’impact de la publicité sur le tabagisme se ferait par quatre mécanismes directs, soit en incitant les enfants et les adolescents à expérimenter ou commencer à fumer, en diminuant la volonté des fumeurs à vouloir cesser de fumer, en devenant un signal ou un stimulus encourageant les fumeur à augmenter leur consommation et en amenant certains anciens fumeurs à fumer en renforçant leur attirance face à la cigarette. La publicité aurait également un effet indirect en contribuant entre autres à rendre le tabagisme socialement acceptable ((Warner, 1986) [dans (Chaloupka & Warner, 2000)].

3.2.2 Effet des dépenses en frais de publicité en faveur du tabac sur le tabagisme Plusieurs auteurs ont voulu évaluer l’impact de la publicité des compagnies de tabac sur le tabagisme, mais les données probantes demeurent mixtes sur l’existence d’un effet positif. Certaines études ont utilisé des données agrégées de dépenses relatives à la publicité et de consommation de tabac pour évaluer cette relation, et tel que relaté par certains auteurs (Blecher, 2008; Jha & Chaloupka, 1999; Saffer & Chaloupka, 2000), une majorité d’entre elles ont conclu que la publicité n’avait aucun effet sur le tabagisme ou qu’un très faible effet. Il est toutefois possible de s’interroger quant à la méthodologie utilisée pour obtenir ces résultats. D’abord, l’utilisation de données agrégées pour les données de publicité combine les dépenses

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pour tous les types de médias et ne représente pas nécessairement la quantité ou la fréquence d’exposition de la population aux messages médiatiques. De plus, ces études ont souvent été effectuées sur de nombreuses années, et sans faire de distinction entre les sous-groupes de la population. Il en résulte une faible variation dans les données, permettant plus difficilement de percevoir les changements dans la consommation réelle, particulièrement s’ils sont modestes. Ces difficultés pourraient expliquer la variabilité importante des résultats de ces études, et ainsi le manque de consensus quant à l’effet de la publicité sur le tabagisme.

3.2.3 Effet des interdictions de publicité en faveur du tabac sur le tabagisme de la population générale

Les difficultés entourant l’utilisation de données de publicité en faveur du tabac ont éventuellement amené les chercheurs à étudier les effets de la publicité de façon indirecte, en évaluant plutôt l’impact des interdictions de publicité sur le tabagisme. Menée dans vingt-deux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’étude de Saffer et Chaloupka a évalué l’impact de l’interdiction de publicité pour sept types de médias (télévision, radio, panneaux d’affichage, médias imprimés, cinéma, point de vente et commandites) sur la consommation de cigarette (Saffer & Chaloupka, 2000). Les auteurs ont créé des variables représentant une interdiction faible (interdiction dans 2 médias ou moins), modérée (3 ou 4 médias) et complète (5 médias et plus), qu’ils ont modélisées en combinaison avec d’autres variables telles que le prix et le revenu. Les résultats montrent que les pays avec des interdictions complètes ont des niveaux de consommation de tabac significativement moins élevés, mais que cet effet protecteur sur le tabagisme n’est pas observé dans les pays avec des interdictions partielles. L’hypothèse évoquée pour expliquer cette différence est la possibilité de

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substitution de média, et les auteurs concluent que si des interdictions complètes étaient mises en place dans tous les pays, une réduction de 7,4% de la consommation de tabac en résulterait. Une étude de 2008 a repris une méthodologie similaire en incluant des pays à revenu faible et intermédiaire (Blecher, 2008), et parvient aux mêmes conclusions que Saffer et Chaloupka, en ce sens que les interdictions complètes sont celles influencent réellement la consommation de tabac. Les résultats de cette étude montrent également qu’en plus des interdictions complètes, les interdictions partielles ont un effet positif significatif dans les pays à revenu faible et intermédiaire. L’auteur conclue que la mise en place d’interdictions totales de publicité amènerait une réduction de 6,7% de la consommation de tabac pour l’échantillon complet de pays, alors que cette réduction atteindrait 23,5% pour les pays à revenu faible et intermédiaire. Les deux études présentées utilisent toutefois des données nationales de consommation de cigarette (per capita), ce qui a comme désavantage de ne pas faire de distinction entre les marques de cigarettes, les régions ou les caractéristiques des personnes. De plus, étant donné que ces études évaluent la législation en matière de publicité, en opposition avec l’exposition réelle de la population aux messages médiatiques, il est possible que des interdictions soient officielles, sans être respectées, ce qui dans un tel cas mènerait à des conclusions erronées.

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3.2.4 Effet de l’exposition à la publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des adolescents

Une récente revue systématique de la collaboration Cochrane a évalué les résultats de dix-neuf études longitudinales s’étant intéressées à la relation entre la publicité des compagnies de tabac et la probabilité des adolescents de commencer à fumer (Lovato, Watts, & Stead, 2011). À travers ces études, trois méthodes étaient utilisées pour évaluer la publicité et la promotion, soit la réceptivité, l’exposition et la perception de la publicité. Dix-huit études montrent que le marketing des compagnies de tabac influence les adolescents à expérimenter la cigarette ou à commencer à fumer, et les auteurs concluent que les données probantes sont suffisantes pour affirmer l’existence d’une relation positive et significative. Bien que les études utilisant des données transversales et agrégées aient été exclues, la revue de ces études montre qu’elles supportent également les conclusions, rapportant des corrélations positives entre l’exposition à la publicité en faveur du tabac et les probabilités d’être un fumeur. Le rapport de 2012 du Surgeon General des États-Unis appuie les résultats de la revue Cochrane, et affirme que les preuves sont suffisantes pour conclure à l’existence d’une relation causale entre la publicité et la promotion des compagnies de tabac, et l’initiation et la progression du tabagisme chez les jeunes (U.S. Department of Health and Human Services, 2012). L’OMS va plus loin et affirme dans son rapport de 2013 sur l’épidémie mondiale de tabagisme que l’expérimentation aux produits du tabac d’un tiers des jeunes résulte de l’exposition à la publicité, la promotion et le parrainage (Emery, Choi, & Pierce, 1999) [dans (Organisation mondiale de la Santé, 2013)].

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3.2.5 Effet de l’exposition à la publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des adolescents de pays à revenu faible et intermédiaire

Quelques auteurs ont examiné l’effet de l’exposition à la publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des jeunes de pays à revenu faible et intermédiaire. Kostova et collaborateurs se sont intéressés à cette relation pour 17 pays, dont quatre d’Amérique du Sud (Kostova et al., 2011) : les taux d’exposition à la publicité sur les panneaux d’affichage ainsi que dans les journaux et magazines a été extraite du sondage GYTS, et les réponses individuelles des participants ont été agrégées au niveau des sites. Les résultats montrent que l’exposition à la publicité en faveur du tabac a un impact positif et significatif sur la participation, mais non significatif sur la consommation. Nikaj a évalué les mêmes médias pour un groupe de 38 pays, et a pour sa part obtenu des résultats indiquant que l’exposition à la publicité dans les médias imprimés a un impact positif uniquement sur la demande conditionnelle (Nikaj, 2012).

Une étude faite en Turquie a évalué l’exposition à la publicité à la télévision, à la radio, sur les panneaux d’affichage, dans les journaux et magazines, au cinéma et lors d’événements publics, et les analyses suggèrent que l’exposition a un impact positif sur la participation seulement (Önder, 2012). Des résultats en Russie ont montré que l’exposition à la publicité du tabac dans la presse avait un impact positif et significatif sur la participation tabagique des adolescents, mais que la relation n’était pas significative pour la publicité sur les panneaux d’affichage et lors d’événements (Ross, 2004a). Finalement, des données de l’Ukraine indiquent que l’exposition à la publicité sur les panneaux d’affichage a un effet positif et significatif sur la participation et la demande conditionnelle (Ross, 2004b).

Effectuée dans dix-neuf pays à revenu faible et intermédiaire, une étude de 2012 a aussi évalué l’effet de la publicité sur le tabagisme des adolescents, mais en utilisant une

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méthodologie légèrement différente (Kostova & Blecher, 2012). Les modèles empiriques de participation et de consommation ont été testés de trois façons distinctes, soit en définissant la variable de publicité différemment. L’exposition à la publicité sur les panneaux d’affichage et dans les journaux et magazines a été considérée de façon individuelle dans la première approche, en utilisant directement les réponses des participants au sondage. Pour contrôler l’endogénéité5 liée à cette variable, une deuxième approche utilisait plutôt un taux d’exposition au niveau du site, qui était obtenu en agrégeant les réponses des non-fumeurs. Les auteurs expliquent le choix d’utiliser seulement les données des non-fumeurs par le fait que les réponses des fumeurs sont celles qui créent l’endogénéité, ceux-ci étant plus à l’affut de la publicité en faveur du tabac, biaisant ainsi leur niveau d’exposition. Cependant, il est légitime de penser qu’en ne considérant que les non-fumeurs, la variable est également endogène (de façon inverse), les non-fumeurs, particulièrement ceux qui ont un sentiment négatif face au tabagisme, risquent de ne pas porter attention à la publicité en faveur du tabac et d’ainsi rapporter des taux d’exposition plus faibles. La troisième approche a évalué la publicité de façon indirecte en utilisant l’interdiction de publicité comme variable, et sera discutée dans la section suivante. Les résultats montrent, dans la première approche, que l’exposition individuelle a un effet positif et significatif sur la participation tabagique, mais cette relation devient non-significative lorsqu’une variable est utilisée pour contrôler l’endogénéité. Ceci soutient l’hypothèse selon laquelle l’exposition individuelle est endogène et fortement influencée par le statut de fumeur des répondants. L’approche utilisant les données agrégées montre pour sa part un effet dans le sens attendu, mais non-significatif. Pour les modèles de consommation, les résultats montrent qu’aucune des variables de publicité n’a d’impact, et plusieurs des signes des

5 Une variable est endogène lorsqu’elle est à la fois explicative et expliquée au sein du modèle. Dans le cas

actuel, l’exposition à la publicité est une variable endogène parce qu’elle a un effet sur le statut tabagique des jeunes, mais le statut tabagique a également un effet sur la quantité de publicité perçue.

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coefficients ne sont pas dans le sens attendu. Les auteurs concluent donc qu’il n’est pas possible d’établir que l’exposition à la publicité a un impact significatif sur le tabagisme des adolescents des pays étudiés.

3.2.6 Effet des interdictions de publicité en faveur du tabac sur le tabagisme des adolescents de pays à revenu faible et intermédiaire

La troisième approche de l’étude qui vient d’être présentée évalue la publicité de façon indirecte en utilisant les interdictions de publicité, et en classifiant les pays selon le niveau d’interdiction (Kostova & Blecher, 2012). Les auteurs ont suivi la même méthodologie que Saffer et Chaloupka (Saffer & Chaloupka, 2000), classant les pays comme ayant une interdiction complète si la publicité en faveur du tabac était interdite dans au moins cinq médias sur sept (télévision, radio, médias imprimés, panneaux d’affichage, cinéma, point de vente et commandites). Les résultats ne sont toutefois pas en accord avec ceux de Saffer et Chaloupka, montrant que la présence d’une interdiction totale de publicité n’a pas d’impact négatif sur le tabagisme, tant pour la participation que pour la consommation.

Un autre auteur s’est penché sur l’effet des interdictions de publicité en faveur du tabac et a utilisé les données du GYTS pour quarante-deux pays à revenu faible et intermédiaire (Nelson, 2003). De ce nombre, six avaient en place une interdiction totale de publicité, seize avaient des interdictions partielles et vingt n’en avaient aucune. Afin d’en vérifier l’impact sur l’expérimentation et la participation, l’auteur a utilisé un ensemble de variables dichotomiques caractérisant les restrictions de publicité pour chaque pays. Une première série d’indicateurs servait à décrire l’ampleur des interdictions et permettait d’attribuer un score de 0 à 4, et un autre indicateur prenait la valeur de 1 si le pays avait au moins une interdiction complète de

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publicité dans un des médias principaux. Des variables économiques, démographiques, politiques et sociales étaient également inclues dans les modèles. Les résultats montrent que les interdictions de publicité en faveur du tabac n’ont pas d’impact sur le tabagisme des adolescents, que ce soit sur l’expérimentation ou la participation, mais sans être significative, la relation entre les interdictions de publicité et l’expérimentation était toutefois négative pour toutes les variations du modèle. Une lacune de cette étude, et également de celle de Kostova et Blecher, est sans doute le fait que la variable d’interdiction de publicité est peu informative et ne permet pas une grande variabilité dans les données. En effet, puisqu’il s’agit d’une variable déterminée au niveau national, tous les individus d’un pays se voient attribuer la même valeur, ce qui restreint de façon importante la taille de l’échantillon pour les analyses statistiques. On compare ainsi l’effet de l’interdiction de publicité pour des échantillons de 42 pays dans l’étude de Nelson, et de 19 pour celle de Kostova et Blecher, ce qui réduit considérablement le nombre de degrés de liberté ainsi que la robustesse des résultats qui en découlent. De plus, bien que des interdictions de publicité soient en place dans certains pays et pour certains médias, la définition des variables ne permet de savoir si elles sont appliquées et respectées. Ainsi, tel que mentionné précédemment, il serait possible d’imaginer que des pays puissent avoir une interdiction totale de publicité, mais que les résultats ne démontrent aucun effet de celle-ci sur le tabagisme du fait que les moyens nécessaires n’ont pas été mis en œuvre pour qu’elle soit respectée. Il me semble également pertinent de mentionner que l’auteur de la dernière étude présentée pourrait avoir des conflits d’intérêts, puisqu’ayant été engagé comme consultant par une firme d’avocats représentant une compagnie de tabac pour réaliser ses travaux.

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4.

Modèle théorique, objectifs et hypothèses

4.1 Modèle théorique

Le modèle théorique de l’étude repose sur l’analyse du comportement individuel en lien avec la demande pour les biens et services. La courbe de demande d’un bien, ici la cigarette, est une représentation graphique de la relation entre la quantité demandée et le prix, la quantité variant en fonction des préférences des consommateurs (leur fonction d’utilité) et des contraintes auxquelles ceux-ci font face lorsqu’ils doivent faire un choix (revenu, prix des biens complémentaires et de substitution) (Hurley, 2010). Les lois économiques suggèrent que la consommation d’un bien augmente l’utilité, mais à un taux décroissant, ce qui implique que lorsque le prix d’un bien augmente, le montant maximal qu’un consommateur est prêt à payer pour ce bien diminue. La figure 5 présente cette relation.

Figure 5 : Courbe de demande individuelle pour la cigarette

Quantité de cigarettes Prix d’un paquet

de cigarettes D1 : Courbe de demande Q2 Q1 P2 P1

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Tel que mentionné précédemment, l’effet de la publicité en faveur du tabac se fait en incitant les jeunes à expérimenter ou commencer à fumer, en diminuant la volonté des fumeurs à vouloir cesser de fumer, en encourageant les fumeurs à augmenter leur consommation et en renforçant l’attirance de certains anciens fumeurs face à la cigarette (les poussant ainsi à recommencer à fumer) (Warner, 1986) [dans (Chaloupka & Warner, 2000)]. C’est donc dire que pour une situation donnée où le prix des cigarettes est constant, l’exposition à la publicité en faveur du tabac amène une augmentation de la consommation de cigarettes. Ainsi, la courbe de demande serait déplacée vers l’extérieur, comme le montre la figure 6.

Figure 6 : Effet de la publicité en faveur du tabac sur la courbe de demande pour la cigarette

Quantité de cigarettes Prix d’un paquet

de cigarettes D1 P Q1 D2 Q2

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C’est en utilisant comme point de départ la courbe de demande pour la cigarette et ses modifications liées au prix et à l’exposition à la publicité que j’ai étudié l’effet de ces deux éléments sur le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud, tout en considérant d’autres caractéristiques pouvant influencer le comportement des jeunes. La figure 7 présente le modèle théorique de l’étude.

4.2 Objectifs et hypothèses de recherche

Le premier objectif de l’étude était d’évaluer l’effet du prix de la cigarette sur le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud, plus spécifiquement pour l’expérimentation, la participation et la consommation. L’hypothèse était que le prix influence peu ou n’influence pas l’expérimentation tabagique, mais qu’il a un effet négatif sur la participation et la consommation.

Le deuxième objectif était d’évaluer la relation entre l’exposition à la publicité en faveur du tabac et le tabagisme des adolescents d’Amérique du Sud, toujours pour l’expérimentation,

Variables indépendantes Variables dépendantes

Prix des cigarettes Tabagisme (expérimentation, participation, consommation)

Caractéristiques personnelles et environnementales

Exposition à la publicité Tabagisme (expérimentation, en faveur du tabac participation, consommation)

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la participation et la consommation, et l’hypothèse était que l’exposition à la publicité influence positivement les trois comportements.

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5 Méthodes

5.1 Stratégie et devis de recherche retenus

Afin d’évaluer l’effet du prix et de l’exposition à la publicité sur le tabagisme des adolescents, j’ai effectué une recherche de type expérimental avec une approche invoquée. L’expérimentation est dite invoquée, en opposition à provoquée, lorsque les variations des variables indépendantes ne sont pas suscitées de façon active et intentionnelle par le chercheur (Contandriopoulos, Champagne, Potvin, Denis, & Boyle, 2005). Un devis corrélationnel a permis d’investiguer les relations entre les variables indépendantes et dépendantes, ceci à l’aide de méthodes statistiques rigoureuses.

5.2 Validité du devis de recherche

Selon Shaddish, Cook et Campbell, la validité des recherches expérimentales peut être examinée sous quatre angles : la validité de la conclusion statistique, la validité interne, la validité de construit et la validité externe (Shadish, Cook, & Campbell, 2002). Je discuterai de chacune d’entre elles, en mettant en évidence les techniques que j’ai utilisées dans mon étude afin d’en maximiser la validité.

La validité de la conclusion statistique repose sur l’exactitude des inférences sur les corrélations (ou covariations) observées entre les variables indépendantes et dépendantes, et implique que les facteurs susceptibles d’entraîner des conclusions erronées soient considérés. Les conclusions inexactes peuvent être de deux types, soit rejeter l’hypothèse nulle alors qu’elle est vraie (erreur de type I) ou accepter l’hypothèse nulle alors qu’elle est fausse (erreur de type II). Dans mon étude, ces erreurs auraient correspondu respectivement à conclure à un effet du

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prix et de l’exposition à la publicité sur le tabagisme alors qu’il n’y en avait pas, ou à conclure qu’il n’y avait pas d’effet du prix et de la publicité alors qu’il y en avait un. Les probabilités que ces erreurs se produisent sont minimisées lorsque la puissance de l’étude est élevée, et j’ai employé deux approches pour accroître la puissance de mon étude. La première est l’utilisation d’un échantillon de grande taille (134 073individus), ce qui a permis de diminuer l’erreur-type dans les calculs et ainsi d’augmenter la précision des résultats. La deuxième approche repose sur le respect des postulats de base des méthodes statistiques employées, et sera discutée dans la section décrivant les dits modèles statistiques.

La validité interne d’une recherche est dépendante du fait que la relation observée entre les variables indépendantes et les variables dépendantes puisse être expliquée par les éléments pris en considération dans l’étude, et non par d’autres facteurs externes. Dans le cas actuel, elle reposait sur l’utilisation de méthodes statistiques en conformité avec les modèles théoriques sur lesquels l’étude était basée, ainsi que sur l’inclusion de plusieurs variables de contrôle pouvant avoir un effet sur les relations à l’étude. Par exemple, l’utilisation d’indicateurs pour les pays et les années a permis de tenir compte d’éléments de contexte qui pouvaient affecter le tabagisme de façon différente pour chacun des échantillons (tels que la situation économique du pays ou le climat politique).

La validité de construit repose sur la possibilité de faire des généralisations sur les construits à l’étude à partir de leur opérationnalisation sous forme de variables. Elle est dépendante du fait que les variables utilisées représentent adéquatement les concepts sous-jacents que l’étude souhaite approfondir. Dans mon étude, un biais possible aurait été que les variables bâties pour représenter les niveaux d’exposition (à la publicité et aux prix), en agrégeant des données individuelles, n’étaient pas assez fiables pour bien représenter

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l’exposition réelle de la population d’une région donnée. Les techniques rigoureuses utilisées pour les construire visaient toutefois à maximiser la représentativité des comportements par les variables, et ainsi faire en sorte que les relations observées étaient bien celles que les modèles visaient à évaluer. Pour vérifier cette validité de construit, j’ai entre autres utilisé des tests statistiques permettant de mesurer la fiabilité de la variable de prix, et ces tests seront présentés ultérieurement.

Finalement, la validité externe représente la possibilité de généraliser les conclusions à d’autres contextes, et repose sur le fait que les résultats ne sont pas dépendants de la situation particulière où l’étude a été menée. Dans mon étude, la principale menace à la validité externe était le biais d’interaction entre l’intervention et la situation expérimentale, «l’intervention»6 étant ici représentée par les variations dans le prix des cigarettes et dans l’exposition à la publicité en faveur du tabac. Ce biais aurait pu se produire si des éléments de contexte spécifiques à l’Amérique du Sud accompagnaient l’intervention, sans toutefois être proprement représentés par des variables distinctes. Par exemple, on pourrait penser que dans un endroit où les prix des cigarettes étaient élevés et où il y avait peu de publicité en faveur du tabac, il existait également une forte pression sociale décourageant les jeunes à fumer, et que celle-ci a eu un impact sur les taux de tabagisme. Ainsi, si on voulait généraliser les résultats de l’étude à d’autres régions du monde où cette pression n’est pas présente, l’inférence serait biaisée en ce sens que les variables du modèle n’expliqueraient pas à elles seules les taux de tabagisme.

6 Le terme intervention est utilisé de façon générique pour tous les types d’études expérimentales et

s’opérationnalise ici par les variables indépendantes principales à l’étude (variation dans le prix et l’exposition à la publicité).

(46)

36 5.3 Population à l’étude et source de données

La population cible était constituée des adolescents âgés de 13 à 15 ans inclusivement, fréquentant un milieu scolaire dans un pays d’Amérique du Sud. Afin de l’étudier, les données du sondage GYTS ont été utilisées, celui-ci ayant été mené conjointement par l’OMS (Initiative pour un monde sans tabac) et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) /Office on Smoking and Health des États-Unis. Il s’agit d’une enquête transversale réalisée dans les écoles de 140 pays des régions d’Afrique, d’Amérique, d’Europe, de la Méditerranée Orientale, d’Asie du Sud-Est et du Pacifique Occidental. En utilisant une méthodologie standard, cette enquête avait comme objectif de surveiller la consommation de tabac chez les jeunes, ainsi que de guider la mise en œuvre et l’évaluation de programmes de prévention et de lutte contre le tabagisme. Le sondage était constitué de 56 questions principales, et chaque pays avait la possibilité d’ajouter des questions spécifiques à leur contexte. Les questions étaient de type fermé et comprenaient entre deux et huit choix de réponse. Les sujets abordés touchaient 1) les connaissances et attitudes des jeunes envers le tabagisme, 2) la prévalence de l’usage de la cigarette et d’autres produits du tabac, 3) le rôle des médias et de la publicité dans l’utilisation par les jeunes des produits du tabac, 4) l’accessibilité aux cigarettes, 5) les programmes scolaires liés au tabagisme 6) l’exposition à la fumée du tabac et 7) la cessation tabagique. Les échantillons ont été construits en utilisant une méthode d’échantillonnage à degrés multiples et les écoles ont été sélectionnées proportionnellement au nombre d’élèves inscrits. Les classes d’étudiants ont été choisies de façon aléatoire parmi les écoles participantes et tous les élèves des classes sélectionnées étaient éligibles à participer. La participation des étudiants était toutefois volontaire et anonyme. Les banques de données provenant du GYTS sont publiques et disponibles en ligne sur le site du CDC. Certaines limites sont associées à l’utilisation de ce sondage, la principale étant que le GYTS n’est généralement pas considéré comme représentatif

Figure

Figure 1 : Taxes et prix moyens pour un paquet de la marque de cigarettes la plus vendue, par  groupe de revenu, 2008
Figure 3 : Part totale de taxes pour un paquet de cigarette pour 12 pays d’Amérique du Sud,  pour 2008, 2010 et 2012
Figure 4: Comparaison du la part totale de taxes moyenne pour les pays d’Amérique du Sud  inclus dans l’étude et pour 8 pays à revenu élevé, pour 2008, 2010 et 2012
Tableau I: Présence d’interdictions de parrainage et de publicité en faveur du tabac : état en  2008, 2010 et 2012
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