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L'avenir professionnel de la médiation

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: halshs-02071669

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02071669

Submitted on 18 Mar 2019

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L’avenir professionnel de la médiation

Patrick Schmoll

To cite this version:

Patrick Schmoll. L’avenir professionnel de la médiation. Le Journal des psychologues, Martin Media. 1990, 80, pp.40-42. �halshs-02071669�

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Journal des Psychologues, septembre 1990, n° 80, pp. 40-42.

L'avenir professionnel de la médiation

Patrick Schmoll

Le principe de la médiation est au fondement de l'Institution juridique et judiciaire. Il pose en effet la possibilité pour chacun, dans ses différends avec tout autre, de recourir à un troisième pour conci-lier ou arbitrer.

On se rend bien compte que, formulé ainsi, ce principe est inhérent à la manière même dont se structurent les relations humaines (et, par extension, les relations entre acteurs sociaux). Les prati-ques de médiation existent et ont existé de tous temps, bien avant qu'elles s'institutionnalisent dans le droit : le palabre, le recours au sorcier ou au sage du village comme tiers, sont des exemples qui viennent immédiatement à l'esprit.

Notons dès à présent que ce tiers est généralement rétribué sous la forme d'un don par les parties pour son intervention, puisque celle-ci est demandée. Cette contrepartie, qui marque la reconnais-sance à la fois de la compétence et de l'extériorité du tiers par les parties, contribue certainement à l'efficacité ultérieure de la médiation.

La médiation : origine et fin du judiciaire

L'apparition et le développement, dans nos sociétés, de l'institution juridique et judiciaire résultent de la confiscation historique, progressive, de la position du tiers par l'État.

L'institution introduit donc une confusion entre l'instance de médiation et l'instance de pouvoir. Étant à la fois juge et partie (de manière évidente, par exemple, en droit administratif), elle est un tiers à la fois imposé et contestable.

Cette confiscation précipite la dissolution des relations triangulaires qui structurent le corps social. Dissolution qui fait retour à l'État, puisque les individus, isolés dans leurs conflits duels ne savent plus s'adresser pour les solutionner qu'aux institutions d'État : sanitaires, sociales et, bien sûr, judi-ciaires.

On se rend bien compte que l'inflation des dossiers, d'où résulte l'embolie actuelle du système judi-ciaire, tient à l'amoncellement d'histoires dont la portée est souvent la même que celle des histoires des village d'autrefois, qui trouvaient leur solution dans l'avis du doyen ou les mauvais sorts du sor-cier. La modernité voulant que ceux-ci se retrouvent aujourd'hui en maisons de vieux ou en asile, ces histoires s'enlisent ou sont montées en épingle par la logique propre à la procédure, d'affronte-ment duel.

L'institution tente de prévenir (étouffement en suscitant des procédures de médiation. Les conseils de prud'hommes en matière professionnelle en sont un bon exemple, mais qui permet aussi de me-surer l'usure de la pratique du fait même de son institutionnalisation : au début de leur existence, neuf affaires sur dix débouchaient sur une conciliation sans qu'il y ait donc besoin d'un procès ; au-jourd'hui, cette proportion n'atteint pas un sur dix.

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Un nouveau champ professionnel ?

La multiplication, ces dernières années, des pratiques et instances de médiation en marge de l'insti-tution, avec son appui ou malgré elle, doit être interprétée comme l'indice au moins d'une difficulté de cette dernière à réaliser son objet. Elle dessine donc la perspective d'un nouveau champ profes-sionnel, qui se construit sur les limites du judiciaire, dont ces difficultés sont l'expression. Encore le devenir de ce champ dépend-il d'une reconnaissance par l'État.

Les psychologues sont bien entendu présents sur ce champ, leur formation et, surtout, leur mode d'approche des relations humaines et sociales, leur donnant en principe une compétence particulière en matière de médiation.

Ces pratiques n'avaient jusqu'à présent pour tout statut légal que l'article 21 du Code de procédure civile ("Il entre dans les missions du juge de concilier les parties"). Elles se sont développées sur des bases pragmatiques, à l'occasion de conflits importants, professionnels ou de patrimoines, dans la solution desquels l'intervention d'un médiateur se présentait comme manifestement moins oné-reuse qu'un procès.

Le législateur souhaite aujourd'hui donner un cadre légal général à ces pratiques en permettant au juge de recourir à un médiateur extérieur au système judiciaire. Mais le texte en cours de discussion pose que ces médiateurs, rémunérés par les parties, ne devront pas être des professionnels de la mé-diation, ni même exercer de médiation à titre d'activité professionnelle accessoire.

Le législateur donne donc l'impression de vouloir obtenir le beurre et l'argent du beurre, indice que les institutions d'État sont encore loin de poser des limites dans leur développement. En effet, on souhaite d'un côté faire des économies en allégeant les procédures et en faisant payer cet allégement par les parties ; de l'autre, on souhaite empêcher que, sur cette expulsion de la difficulté hors du champ judiciaire, se construisent des instances extérieures de médiation organisées professionnel-lement, qui nécessairement échapperaient en partie au contrôle de l'institution.

Une médiation à deux vitesses ?

Le risque est donc grand de voir se perpétuer la situation présente qui distingue une médiation pour riches et une médiation pour pauvres : ceux qui auraient les moyens de payer (entreprises et particu-liers aisés) pourraient faire appel à un médiateur toutes les fois où la formule se présenterait comme plus avantageuse en définitive qu'un procès.

Tous les autres continueraient à recourir aux associations d'aide aux victimes et associations d'in-formation et de défense de tous ordres, inévitablement soutenues par un esprit de gratuité et de bé-névolat.

Dans ce cadre, le médiateur se paie en partie (et chichement) sur les subventions qui permettent à l'association de survivre et, pour le reste, sur la satisfaction de lutter pour une juste cause, ou plus banalement (le bénévole étant fréquemment un étudiant ou un diplômé au chômage) sur l'espoir d'un emploi futur et la possibilité, en attendant, de se constituer un début d'expérience profession-nelle.

Prendre la médiation comme objet d'un idéal ou d'une formation menace le médiateur d'une perte de la distance qui est nécessaire à son fonctionnement, dans son propre esprit et dans l'esprit de ceux

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qui font appel à lui. Surtout si, pour justifier les subventions dont bénéficie l'association, le média-teur est sommé d'être efficace sans avoir ni les outils juridiques, ni la formation, ni les moyens fi-nanciers.

La médiation "pauvre" prolonge donc d'une certaine manière le fonctionnement de l'institution dans la notion d'une justice gratuite, où l'arbitrage ou la conciliation se rémunèrent d'un accroissement de pouvoir.

Le professionnalisme : une question d'argent ?

Le professionnalisme, comme forme de l'échange dans nos sociétés modernes, est le seul cadre dans lequel peut aujourd'hui se penser la médiation (une compétence et une extériorité contre une rému-nération). Le devenir des pratiques de médiation est donc très clairement une question d'argent. En cela, le problème se pose dans le champ des médiations de manière tout à fait comparable à celui, tout aussi actuel, de la rémunération des psychologues experts en justice.

Ce n'est en effet pas seulement une question d'argent au sens économique : si c'était le cas, l'argu-ment qu'une médiation bien payée coûte dans certains cas moins cher qu'un procès, suffirait à impo-ser une formule professionnelle reconnue.

Le problème est au-delà : la professionnalisation des pratiques de médiation interroge la notion d'une justice gratuite, cherchant à réparer davantage qu'à sanctionner, et aux termes de laquelle les sujets du droit sont donc de moins en moins invités à payer de leur poche ou de leur personne. Elle interroge un contexte idéologique diffus dans l'ensemble de la société et que les psychologues re-trouvent dans d'autres institutions d'État, celles de la santé en particulier, qui attribue à l'État le pou-voir fantastique de gommer les différences, de réparer les failles, de surmonter les limites d'une ré-alité humaine qui reste pourtant fondamentalement une réré-alité d'insuffisance et de désir.

Il nous restera, comme praticiens de la médiation, à discuter du choix de travailler, selon les cas, avec ou dans l'institution, ou dans la précarité pour maintenir notre extériorité. Le professionnalisme implique une clarté sur qui paie le professionnel pour faire quoi, et sur le prix qu'il paie, lui, en tra-vaillant dans et aux franges de l'institution. Mais, de toutes façons, nous aurons à faire entendre que notre travail a aussi un effet parce qu'il est payé.

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