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La révision totale de la Constitution fédérale du 29 mai 1874: entre droit, politique et histoire, les enjeux de l'écriture constitutionnelle

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Texte intégral

(1)

Olivier Bigler

La révision totale de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 :::e entre droit, politique et histoire, les enjeux de l’écriture constitutionnelle

(2)

Olivier Bigler

Licencié en relations internationales

Titulaire d’une maîtrise académique en droit

La révision totale de la

Constitution fédérale du 29 mai

1874

Entre droit, politique et histoire, les enjeux de

l’écriture constitutionnelle

(3)

Thèse de doctorat

de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel soutenue le 25 juin 2013

sous la direction de

Pascal Mahon, professeur ordinaire de droit constitutionnel suisse et comparé

et de

Bernard Voutat, professeur ordinaire, membre du jury de thèse

Christine Guy-Ecabert, professeure extraordinaire, membre du jury de thèse

Tous droits réservés pour tous pays. L’œuvre et ses parties sont protégées par la loi. Toute utilisation en dehors des limites de la loi est strictement interdite.

(4)

Mots-clés :::e

Droit constitutionnel, Écriture constitutionnelle, révision de la Constitution, Politique, Experts, Histoire

Constitutionnal law, Constitution-making, Revision of the Swiss federal Constitution, Politics, Experts, History

Consacrée à l’écriture constitutionnelle et à ses enjeux juridiques, politiques et historiques, cete thèse retrace en particulier le long processus de la révision totale de la Constitution du 29 mai 1874. En vigueur jusqu’au 31 décembre 1999, la Constitution du 29 mai 1874 a bénéfcié d’une durée de vie remarquable, puisqu’elle a connu la fn du XIXe siècle et tous les aléas du XXe. Bien que ses défauts fussent

connus et discutés de longue date, elle s’est avérée extrêmement difcile à réviser totalement, malgré sa procédure de révision totale, souple et simple. Partant de ce paradoxe, cete thèse retrace les grandes questions juridiques, politiques et historiques liés à la révision totale de la Constitution. Elle interroge le rôle prépondérant joué par les experts à cete occasion, dont le rôle est à la croisée de ces questions.

Notre travail est structuré en deux parties :::e la première est consacrée au cadre théorique de l’écriture constitutionnelle et la seconde, au processus de révision totale proprement dit.

Après une introduction méthodologique, la première partie décrit la notion d’écriture constitutionnelle, soit son objet, ses modes ses normes et ses limites. Ensuite, elle retrace le long cheminement historique du cadre juridique de la révision totale de la Constitution du 29 mai 1874.

La seconde partie de notre travail traite de la révision de la Constitution du 29 mai 1874, en parlant des travaux préliminaires, de la phase préparlementaire et des débats parlementaires. L’avancement des travaux d’écriture constitutionnelle est présenté dans son contexte intellectuel, à savoir les débats en doctrine autour de la révision totale.

La conclusion de la thèse commence par décrire l’épilogue des réformes initiées dans le cadre du projet de révision totale (volets A, B et C). Ensuite, elle expose trois résultats de notre recherche. Tout d’abord, le paradoxe qui veut qu’un système juridiquement facile à réviser soit stable politiquement. Ce résultat est surprenant, car il renverse l’idée généralement reçue que le droit stabilise le jeu politique.

Ensuite, les liens matériels entre droit et politique existant dans l’écriture constitutionnelle sont exposés, en particulier la signifcation politique cachée derrière des aspects de technique juridique comme la systématique, la densité normative et le langage constitutionnel.

Finalement, les liens personnels entre droit et politique, à savoir le rôle joué par les experts est questionné. Les recherches entreprises dans le cadre de ce travail ont démontré le rôle de premier plan joué par les experts, et en particulier l’expertise académique.

Cet état de fait autorise deux lectures diamétralement opposées. On peut voir la contribution de l’expertise comme une confscation du débat public, par une entreprise de dépolitisation des travaux de révision totale. Au contraire, l’assistance

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réussite de ces travaux.

Ne pouvant trancher cete question, nous ne pouvons que laisser le débat ouvert, en renvoyer le lecteur à sa propre appréciation. Nous nous réjouissons d’or et déjà de tout commentaire sur ce travail et sur cete problématique en particulier par courriel (olivier.bigler@unine.ch).

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REMERCIEMENTS

Ce travail n’aurait jamais pu s’achever sans l’amitié, le soutien, les remarques et les encouragements de très nombreuses personnes.

Tout d’abord, je remercie très chaleureusement Pascal Mahon pour la confance et la qualité de son travail d’encadrement durant ces années. Merci aussi à Bernard Voutat, dont l’enthousiasme n’a d’égal que sa curiosité scientifque. Je remercie également Christine Guy-Ecabert, pour le soin et la qualité de son travail de juré de thèse. Je remercie également Bernhard Ehrenzeller, Andreas Gross, Arnold Koller, Wolf Linder, Heinrich Koller, Luzius Mader, Georg Müller, René Rhinow et Luzius Wildhaber pour leur participation à la journée d’étude du 25 janvier 2013, consacrée à la révision totale de la Constitution fédérale. Les débats à cete occasion ont substantiellement enrichi la perspective de ce travail. Je renvoie le lecteur intéressé à la deuxième édition de la revue LEGES en 2013, où ces praticiens ont publié une partie de leur expérience.

Marc Renkens et Nicolas Freymond doivent aussi être nommés ici, pour le plaisir que j’ai eu à collaborer avec eux. J’ai eu l’immense privilège de bénéfcier des précieux commentaires de M. le prof. honoraire Jean-François Aubert, ainsi que MM. Jean Perrenoud et Yanick Bussy, que je ne sais comment remercier. Je les remercie pour tout le temps et l’énergie consacrés à la relecture du manuscrit, étant entendu que j’assume l’entière responsabilité des inévitables coquilles ou défauts restants.

Je me dois aussi de nommer ici Emily Meller, David Freymond et Gabriel Bourquin (av.) pour leur indéfectible amitié.

Restent mes collègues et amis de l’université de Neuchâtel, notamment Anouk, Catherine, Etienne, Fanny, Lino, Héloïse, Jérôme, Josiane, Julien, Luc, Micael, Natacha, Olivier, Nicolas, Yann (« la récupération fait partie de l’entraînement. »). Ce travail n’aurait jamais pu arriver à son terme, sans le plaisir des discussions, des échanges, des verres et des pauses :::X

Le secrétariat de la Faculté doit aussi être nommé, pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Pour conclure, mes remerciements vont à Marie-Pierre, pour son soutien, ses conseils et sa patience.

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ous sommes des nains, assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux.

N

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AVANT-PROPOS

Les propos atribués à Bernard de Chartres expliquent bien le fondement de toute démarche scientifque, qui est de s’appuyer sur le travail de ses prédécesseurs, afn de « voir plus loin ». Sans tomber dans une vision passéiste, ils expriment le besoin de réconcilier les certitudes du passé avec les défs à venir. Nous les avons choisi en tête de notre travail, pour illustrer un aspect propre à la manière dont écrit les Constitutions.

Réviser totalement une Constitution, nécessite le même état d’esprit, empreint de modestie, à la foi critique et respectueux.

Les Constitutions s’écrivent parfois en partant d’une page blanche. On connaît quelques Constitution fameuses, écrites à l’occasion d’épisodes tragiques de l’histoire. Dans sa chute, le tyran emporte avec lui les institutions qui le servaient. Il appartient alors à la Nation nouvellement constituée de rédiger une Charte fondamentale entièrement neuve.

Mais les Constitutions se révisent aussi. C’est-à-dire, qu’elles sont appelées à se réinventer, lorsqu’elles ont rendu de bons et loyaux services, dont on ne veut pas se débarrasser, mais que de nouveaux défs imposent au pouvoir constituant de « voir plus loin » que ne le pouvaient ses prédécesseurs.

Cete démarche est périlleuse pour le juriste, en particulier pour la doctrine publiciste. Habituée à étudier le droit positif, la Constitution telle qu’elle est. La doctrine est parfois bien empruntée pour se prononcer sur le droit constitutionnel désirable, la Constitution telle qu’elle devrait être. Dans ce dernier cas de fgure, la doctrine publiciste joue alors le rôle d’expert. Par ce rôle, elle est appelée à se prononcer comme scientifque, sur des questions pour lesquels le droit en vigueur connu ne donne pas forcément de réponse. La limite entre droit et politique, si importante dans la méthodologie juridique peut devenir alors très foue. Le juriste se politise, à moins que ce ne soit le politicien qui se juridicise.

Pour rendre compte de ce phénomène, à l’œuvre durant la révision totale de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, la première partie de la thèse s’ouvre une partie théorique, consacrée à l’écriture constitutionnelle. Afn de poser le cadre méthodologique la première partie aborde un certains nombre de remarques, nécessaires pour distinguer dans un premier temps le droit et la politique, afn de pouvoir en étudier les liens dans un second temps. Cete première partie traite avant tout de propos liminaires à notre étude, dont le lecteur pressé peut s’économiser la lecture, s’il le souhaite, pour se concentrer sur les aspects propres au droit constitutionnel à proprement parler.

Le cadre théorique explore aussi la notion de Constitution et de l’évolution historique débouchant sur la révision totale de la Constitution du 29 mai 1874. Il s’agit d’expliciter l’héritage des doctrines politiques d’une part, et de l’histoire de l’État fédéral d’autre part, sur l’écriture constitutionnelle suisse. Cete partie permet de décrire le cadre conceptuel de la doctrine publiciste.

La révision totale de la Constitution du 29 mai 1874 est ensuite présentée dans la seconde partie, selon les grandes étapes de tout projet législatif :::e travaux préliminaires, phase préparlementaire et débats parlementaires. Toutefois, ces travaux sont accompagnés d’un intense travail de documentation à l’interne, au travers des recherches menées par le Groupe de travail Wahlen et de la commission Furgler. La

(13)

terminée, avec la décision de l’Assemblée fédérale de décréter la révision totale, mais de la limiter à une mise à jour de la Constitution. Une fois ce mandat donné au Conseil fédéral, s’ouvre le travail de rédaction par l’administration et un relatif désintérêt de la doctrine. Finalement, le projet est présenté au parlement, qui en débat pendant une année, afn de terminer les travaux de révision pour les cent-cinquante ans de l’État fédéral, en 1998.

La conclusion de la thèse commence par décrire l’épilogue des réformes initiées dans le cadre du projet de révision totale (volets A, B et C). Ensuite, elle expose trois résultats de notre recherche. Tout d’abord, le paradoxe qui veut qu’un système juridiquement facile à réviser soit stable politiquement. Ce résultat est surprenant, car il renverse l’idée généralement reçue que le droit stabilise le jeu politique.

Ensuite, les liens matériels entre droit et politique existant dans l’écriture constitutionnelle sont exposés, en particulier la signifcation politique cachée derrière des aspects de technique juridique comme la systématique, la densité normative et le langage constitutionnel.

Finalement, les liens personnels entre droit et politique, à savoir le rôle joué par les experts est questionné. Les recherches entreprises dans le cadre de ce travail ont démontré le rôle de premier plan joué par les experts, et en particulier l’expertise académique. Cet état de fait autorise deux lectures diamétralement opposées. On peut voir la contribution de l’expertise comme une confscation du débat public, par une entreprise de dépolitisation des travaux de révision totale. Au contraire, l’assistance fournies par les experts peut aussi être appréciée comme étant indispensable à la réussite de ces travaux. Ne pouvant trancher cete question, nous ne pouvons que laisser le débat ouvert.

(14)

Sommaire

LE CADRE THÉORIQUE DE LA RÉVISION TOTALE

25

I.

INTRODUCTION ET REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES

27

II.

L’ÉCRITURE CONSTITUTIONNELLE

53

III.

L’ÉCRITURE CONSTITUTIONNELLE AU

COMMENCEMENT DE L’ÉTAT FÉDÉRAL

125

LA RÉVISION TOTALE DE LA CONSTITUTION

DU 29 MAI 1874

217

I.

LES TRAVAUX PRÉLIMINAIRES

219

II.

LA PHASE PRÉPARLEMENTAIRE

315

III.

LES DÉBATS PARLEMENTAIRES

357

CONCLUSION

397

I.

ÉPILOGUE ET CONCLUSION

399

BIBLIOGRAPHIE

421

INDEX

487

(15)

TABLE DES MATIÈRES

LE CADRE THÉORIQUE DE LA RÉVISION TOTALE

25

I.

INTRODUCTION ET REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES

27

1. Problématiques et présentation du plan de la thèse ... 28

2. La distinction entre droit et politique ... 29

2.1 Q’est-ce que le droit? ... 30

2.1.1 Défnir et distinguer le droit ...30

2.1.2 Le droit comme postulat méthodologique ...32

2.1.3 Le droit comme un savoir pratique ...34

2.2 Q’est-ce que la ou le politique? ... 37

3. Les liens matériels entre droit et politique ... 39

3.1 Les liens créés par la Constitution ... 39

3.1.1 Les liens historiques ...40

3.1.2 Les liens fonctionnels ...41

3.2 Les liens dans la révision totale de la Constitution de 1874 ... 42

4. Les liens personnels entre droit et politique ... 43

4.1 La doctrine, comme acteur du droit ... 43

a) Définitioin et rôle de la doctriine ...43

b) L’iinfueince de la doctriine sur le processus législatif ...45

4.2 L’expertise, comme acteur politique ... 46

a) Définitioin et cadre juridique de l’expertise ...46

b) Les experts politiques ... 49

c) Les experts juristes ... 50

5. Présentation du plan de la thèse ... 51

5.1.1 Le cadre théorique de la révision totale ...52

5.1.2 La révision totale de la Constitution de 1874 ...52

II.

L’ÉCRITURE CONSTITUTIONNELLE

53

1. L’objet de l’écriture constitutionnelle ... 54

1.1 La notion d’écriture constitutionnelle ... 54

1.2 Les défnitions de la Constitution ... 55

1.2.1 Le constitutionnalisme ...56

1.2.2 L’approche objective ...60

1.2.3 L’approche subjective ...62

1.3 Les fonctions de la Constitution ... 63

1.3.1 La constitution du pouvoir de l’État ...64

1.3.2 La limitation du pouvoir de l’État ...65

1.3.3 La stabilisation du pouvoir de l’État ...66

1.3.4 La légitimation du pouvoir de l’État ...67

(16)

1.3.6 Les autres fonctions de la Constitution ...70

2. Les modes d’écritures constitutionnelles ... 71

2.1 Le mode de la rupture ... 72

2.1.1 Le principe de mutabilité ...72

a) La réfexioin autour du priincipe de mutabilité ...72

b) La recherche d’équilibre eintre stabilité et ouverture ...74

2.1.2 L’étendue de la rupture ...75

a) La révolutioin réticeinte ...76

b) La révolutioin assumée ... 78

c) Le liein eintre rupture et cointiinuité ...80

2.2 Le mode de la légalité ... 80

2.2.1 La révision totale et la révision partielle ...81

2.2.2 Opportunité et procédure de la révision totale ...83

a) L’opportuinité d’uine révisioin totale ...83

b) La procédure de révisioin totale ...84

c) Le degré d’ouverture d’uine révisioin totale ...87

d) La révisioin totale abrogatoire et inoin abrogatoire ...88

2.2.3 La révision totale matérielle ...89

a) Définitioin et éteindue ... 89

b) Les obstacles à la révisioin totale matérielle ...90

2.2.4 La révision totale formelle avec des innovations ponctuelles ...94

2.2.5 La révision totale formelle ...95

2.2.6 La révision partielle ...96

3. Les organes de l’écriture constitutionnelle ... 98

3.1 Le pouvoir constituant ... 98

3.2 Le pouvoir constituant dérivé ... 99

4. Les normes de l’écriture constitutionnelle ... 100

4.1 Les normes essentielles ... 100

4.1.1 Les normes instrumentales ...101

a) Structure de la Coinfédératioin ...101

b) Orgainisatioin de la Coinfédératioin ...105

c) Révisioin de la Coinstitutioin et droit trainsitoire ...106

4.1.2 Les normes matérielles ...107

a) Les inormes programmatiques ...107

b) Les inormes directemeint applicables juridiquemeint ...110

4.2 Les normes accidentelles ... 113

5. Les limites de l’écriture constitutionnelle ... 116

5.1 Les maximes de rédaction ... 116

5.2 Les règles juridiques ... 117

5.2.1 Les limites juridiques générales en matière d’écriture constitutionnelle ...118

a) Le priincipe de mutabilité ...118

b) Les limites hétéroinomes à la révisioin ...119

5.2.2 Les limites spécifques de la révision partielle ...120

a) L’exécutabilité ... 120

b) L’uinité de la forme ... 121

c) L’uinité de la matière ...121

(17)

III.

L’ÉCRITURE CONSTITUTIONNELLE AU

COMMENCEMENT DE L’ÉTAT FÉDÉRAL

125

1. Les premières codifications constitutionnelles fédérales ... 126

1.1 Vers la codifcation du droit constitutionnel ... 126

1.2 Un Pacte fédéral gelé dans une société en ébullition ... 135

2. La Constitution du 12 septembre 1848 ... 141

2.1 Les travaux préparatoires ... 141

2.2 La Diète fédérale et la révision de la Constitution ... 147

2.3 L’héritage politique et juridique de 1848 ... 155

3. La Constitution du 29 mai 1874 ... 157

3.1 Les premiers essais de révision constitutionnelle en 1866 ... 157

3.2 La première tentative de révision totale de 1872 ... 162

3.3 La révision totale de 1874 ... 175

4. Vers la distinction entre révision partielle et révision totale ... 183

5. La révision totale et la première moitié du XXe siècle ... 189

5.1 Les débats parlementaires au sortir de la Première Guerre mondiale ... 189

5.2 Les crises de l’Entre-deux-guerres et les mouvements révisionnistes ... 194

5.3 L’initiative populaire en vue de la révision totale de 1934 ... 201

5.4 La Seconde Guerre mondiale ... 203

6. L’initiative bâloise pour la révision totale de la Constitution ... 206

6.1 L’initiative et son contexte ... 206

6.1.1 Le contexte politique des pleins pouvoirs ...206

6.1.2 L’initiative cantonale bâloise ...208

6.1.3 Les réfexions scientifques contemporaines à l’initiative bâloise ...209

6.2 Le rapport du Conseil fédéral ... 211

6.3 Les débats à l’Assemblée fédérale ... 214

LA RÉVISION TOTALE DE LA CONSTITUTION

DU 29 MAI 1874

217

I.

LES TRAVAUX PRÉLIMINAIRES

219

1. Le dépôt des motions Obrecht et Dürrenmat ... 220

1.1 Le contexte politique et les débats juridiques ... 220

1.2 Les motions Obrecht et Dürrenmat ... 225

2. Le groupe de travail Wahlen (1967-1973) ... 227

2.1 Composition et méthode du groupe de travail Wahlen ... 227

2.2 Le rapport fnal du groupe de travail Wahlen ... 230

2.3 Les réactions concernant les travaux du groupe de travail Wahlen ... 236

2.3.1 Les réactions du public ...236

(18)

3. La Commission Furgler (1974-1977) ... 246

3.1 Les débats scientifques autour de la révision totale ... 246

3.1.1 Les contributions de la doctrine juridique et de la science politique ...246

a) La cointributioin de la doctriine juridique ...246

b) La cointributioin de la scieince politique ...248

3.1.2 Les débats organisés par la Revue de droit suisse ...251

3.2 L’organisation de la commission Furgler ... 256

3.3 Le rapport de la commission ... 259

4. Le projet Furgler ... 260

4.1 Les caractéristiques principales du projet Furgler ... 260

4.2 Commentaires des parties du projet Furgler ... 261

4.2.1 Le préambule ...261

4.2.2 Droits fondamentaux et principes directeurs de l’État ...262

a) Remarques limiinaires ...262

b) Les droits foindameintaux ...262

c) La coinstitutioin écoinomique de 1874 et ses lacuines ...265

d) La coinstitutioin écoinomique prévue par le projet Furgler ...267

4.2.3 Confédération et cantons ...269

a) Le fédéralisme et ses lacuines ...269

b) Le fédéralisme coopératif ...271

4.2.4 Organisation de la Confédération ...273

4.2.5 Révision de la Constitution ...276

4.3 Les débats concernant le projet Furgler ... 277

4.3.1 Les débats en doctrine ...277

a) Le colloque de l’uiniversité de Berine ...277

b) La Revue de droit suisse ...279

c) Uine autre appréciatioin critique ...282

d) Les répoinses aux critiques du projet Furgler ...282

4.3.2 La Neue Zürcher Zeitung ...286

a) La inotioin d’État et de Coinstitutioin ...286

b) La meinace sur le fédéralisme ...289

4.3.3 Publications liées au débat politique ...290

a) Le Vorort ... 290

b) Le projet alterinatif du Parti radical ...290

c) Le Redressemeint inatioinal ...291

d) Le Service suisse d’iinformatioin ...292

4.3.4 Le régime de la propriété prévu par le projet Furgler ...293

4.3.5 Le régime de la liberté économique prévu par le projet Furgler ...295

4.4 La procédure de consultation du projet Furgler ... 297

4.5 Appréciation personnelle ... 299

5. La réponse du Conseil fédéral aux motions Obrecht et Dürrenmat ... 300

5.1 Le rapport du Conseil fédéral du 6 novembre 1985 ... 300

5.1.1 Le contexte politique du rapport ...300

5.1.2 Le rapport et les raisons motivant une révision totale ...301

a) Les défauts formels de la Coinstitutioin de 1874 ...302

b) Les défauts matériels de la Coinstitutioin de 1874 ...304

c) La procédure de révisioin totale ...308

(19)

II.

LA PHASE PRÉPARLEMENTAIRE

315

1. Le mandat de mise à jour ... 316

1.1 L’opinion de la doctrine avant le mandat de mise à jour ... 316

1.2 L’arrêté fédéral simple du 3 juin 1987 ... 319

1.2.1 Les débats parlementaires et l’adoption de l’arrêté fédéral simple ...319

1.2.2 La portée juridique de l’arrêté fédéral ...327

2. La doctrine: entre intérêt et fatigue ... 329

2.1 Le commentaire de la Constitution fédérale de 1874 ... 330

2.2 La Revue de droit suisse ... 331

2.3 Le colloque de l’Institut suisse de droit comparé ... 332

2.4 Les projets privés de Constitution ... 332

2.5 La révision totale dans les mélanges ... 334

3. Un changement de contexte politique ... 335

4. L’avant-projet du 19 juin 1995 ... 337

4.1 La rédaction de l’avant-projet ... 337

4.2 Le contenu matériel du projet 1995 ... 340

4.3 La mise en consultation du projet ... 345

5. Le projet du 20 novembre 1996 ... 346

5.1 La mise à jour (volet A) ... 346

5.2 Les révisions sectorielles (volets B et C) ... 353

III.

LES DÉBATS PARLEMENTAIRES

357

1. La mise à jour (volet A) ... 358

1.1 Les propositions des commissions parlementaires ... 358

1.1.1 Organisation des commissions de révisions parlementaires ...358

1.1.2 La commission de révision du Conseil national ...359

1.1.3 La commission de révision du Conseil des États ...361

1.2 Les débats au Conseil national ... 365

1.2.1 Les délibérations comme premier Conseil (projet A2) ...365

1.2.2 Les délibérations comme second Conseil (projet A1) ...369

1.3 Les débats au Conseil des États ... 374

1.3.1 Les délibérations comme premier Conseil (projet A1) ...375

1.3.2 Les délibérations comme second Conseil (projet A2) ...379

1.4 La procédure de règlement des divergences ... 381

1.4.1 La deuxième lecture du Conseil des États ...381

1.4.2 La deuxième lecture du Conseil national ...383

1.4.3 La troisième lecture par le Conseil des États ...385

1.4.4 La troisième lecture par le Conseil national ...386

1.5 La Conférence de conciliation ... 387

2. La réforme des droits populaires (volet B) ... 388

3. La réforme de la justice (volet C) ... 389

3.1 Les propositions des commissions parlementaires ... 389

(20)

3.3 Les débats au Conseil national ... 391

3.4 La procédure de règlement des divergences ... 393

3.4.1 La deuxième lecture du Conseil des États ...393

3.4.2 La deuxième lecture du Conseil national ...394

3.4.3 La troisième lecture du Conseil des États ...394

3.4.4 La troisième lecture du Conseil national ...395

3.5 La Conférence de conciliation ... 395

CONCLUSION

397

I.

ÉPILOGUE ET CONCLUSION

399

1. Épilogue de la révision totale de la Constitution de 1874 ... 400

1.1 La votation sur le volet A ... 400

1.2 La votation sur le volet C ... 400

1.3 L’initiative printemps ... 401

2. Conclusions de notre travail ... 401

2.1 Le paradoxe du principe de mutabilité ... 401

2.2 Les liens matériels entre droit et politique dans l’écriture constitutionnelle . 402 2.2.1 L’écriture constitutionnelle et la révision totale ...402

2.2.2 La systématique constitutionnelle ...403

a) La systématique iinterine ...403

b) La systématique exterine ...406

2.2.3 La densité normative des dispositions constitutionnelles ...410

2.2.4 Le langage constitutionnel ...413

2.3 Les liens personnels entre droit et politique ... 417

a) Le rôle de premier plain de la doctriine et de l’expertise académique ...417

b) La révisioin totale: démocratie ou techinocratie? ...418

BIBLIOGRAPHIE

421

1. Feuille fédérale ... 422

2. Monographies ... 433

INDEX

487

(21)

TABLE DES ABRÉVIATIONS

al. alinéa(s)

AP Avant-projet

art. article(s)

ATF Recueil ofciel des arrêts du Tribunal fédéral A 1803 Acte fédéral du 19 février 1803

AP 1872 (CE) Avant-projet de la commission du Conseil des États chargé de la révision totale de la Constitution du 12 septembre 1848 du 19 mai 1871

AP 1872 (CN) Avant-projet de la commission du Conseil national chargé de la révision totale de la Constitution du 12 septembre 1848 du 19 avril 1871

AP 1873 (CE) Proposition de la commission du Conseil des États du 28 octobre 1873 AP 1873 (CF) Propositions du Conseil fédéral du 16 juin 1873

AP 1873 (CN) Propositions de la commission du Conseil national du 28 septembre 1873 AP 1934 Buindesverfassuing der Schweizerischein Eidgeinosseinschaf du 29 avril 1934

AP 1935 (lib.) Entwurf zu einer Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossen­ schaf de 1935

AP 1935 (cons.) Avant-projet de Constitution du 16 août 1935

AP 1959 Die Buindesverfassuing, wie sie seiin köininte du 12 février 1959

AP 1970 Avant-projet pour la révision totale de la Constitution fédérale en sep­ tembre 1970

AP 1974 Constitution fédérale de la Confédération suisse (s. d.) AP 1975 Modell eiiner «Kerinverfassuing » du 17 janvier 1975

AP 1979 Projet alternatif du PRD du 22 juin 1979

AP 1984 Projet pour une nouvelle Constitution fédérale du 16 mai 1984 AP 1990 Projet pour une nouvelle Constitution fédérale du 14 juillet 1990 AP 1995 Projet pour une nouvelle Constitution fédérale du 23 mars 1995

AP 1996 Vorschlag für eiine revidierte uind erineute Buindesverfassuing der Schweizeri­ schein Eidgeinosseinschaf, février 1996

BO/AF Bulletin ofciel de l’Assemblée fédérale

BO/CE Bulletin ofciel de l’Assemblée fédérale, délibérations du Conseil des États BO/CN Bulletin ofciel de l’Assemblée fédérale, délibérations du Conseil national

(22)

consid. considérant(s)

CC Code civil du 10 décembre 1907 (RS 210)

ch. chifre(s)

chap. chapitre(s)

CO Code des obligations du 30 mars 1911 (RS 220) CP Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311) Cst. 1798 Constitution de la République helvétique du 12 avril 1798 Cst. 1848 Constitution du 18 septembre 1848

Cst. 1874 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874

Cst. 1999 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101) D 1970 Directives concernant la procédure préliminaire en matière de législation,

du 6 mai 1970

D 1974 Directives touchant l’institution et le mode de travail des commissions extraparlementaires ainsi que la surveillance à exercer sur elles, du 3 juillet 1974

DFJP Département fédéral de justice et police disp. trans. disposition(s) transitoire(s)

EM 1985 Essai de modèle du 30 octobre 1985, élaboré par le Département fédéral de justice et police

FF Feuille fédérale

LBN Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale suisse (RS 951.11) LDP Loi fédérale du 17 décembre 1979 sur les droits politiques (RS 161.1) lit. litera(e)

LOGA Loi du 21 mars 1997 sur l’organisation du gouvernement et de l’adminis­ tration (RS 172.010)

LParl Loi du 13 décembre 2002 sur l’Assemblée fédérale (RS 171.10)

LPE Loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (RS 814.01).

LRC 1872 Loi fédérale du 5 mars 1872, concernant la révision de la Constitution fé­ dérale du 12 septembre 1872

LRC 1874 Loi fédérale du 31 janvier 1874 concernant la révision de la Constitution fédérale

(23)

forme, la publication et l’entrée en vigueur des actes législatifs (Loi sur les rapports entre les conseils) du 23 mars 1962 (RO 1962 811)

LTF Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110)

nCst. 1848 Révision de la Constitution de 1848 proposée dans la Loi fédérale sur la révision de la Constitution fédérale du 19 novembre 1865

nO numéro(s)

nbp note de bas de page

NZZ Neue Zürcher Zeituing

OFJ Ofce fédéral de la justice

OLOGA Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (RS 172.010.1)

p. page

pp. pages

P 1798 Plan d’une Constitution provisoire pour la République Helvétique ou Suisse, janvier 1798

P 1801 Projet de Constitution de Malmaison, du 30 mai 1801

P 1815 Pacte fédéral entre les XXII Cantons de la Suisse, du 7 août 1815

P 1832 Buindesurkuinde der schweizerischein Eidgeinosseinschaf, (Pacte Rossi) du 15

décembre 1832

P 1848 Projet de Constitution fédérale pour la Confédération suisse, du 8 avril 1848

P 1872 Projet de Constitution fédérale de la Confédération suisse du 5 mars 1872 P 1977 Projet de Constitution de la commission d’experts pour la préparation

d’une révision totale de la Constitution fédérale (avant-projet Furgler) P 1995 Projet de mise à jour de la Constitution fédérale du 19 juin 1995 P 1995 (volet B) Projet de réforme des droits populaires du 19 juin 1995 P 1995 (volet C) Projet de réforme de la justice du 19 juin 1995

P 1996 Projet d’arrêté relatif à une mise à jour de la Constitution fédérale du 20 novembre 1996

P 1996 (volet B) Projet de réforme des droits populaires du 20 novembre 1996 P 1996 (volet C) Projet de réforme de la justice du 20 novembre 1996

P 1997 (CE) Projet de la Commission de la révision constitutionnelle du Conseil des États du 27 novembre 1997

(24)

P 1997 (CN) Projet de la Commission de la révision constitutionnelle du Conseil natio­ nal du 21 novembre 1997

RDAF Revue de droit administratif et fscal

RDS Revue de droit suisse

RS Recueil systématique du droit fédéral

RO Recueil ofciel des lois fédérales

s et suivant(e)

s. d. siine datum

ss et suivant(e)s

TF Tribunal fédéral

(25)
(26)
(27)

I. INTRODUCTION ET REMARQUES

MÉTHODOLOGIQUES

Ce chapitre commeince par uine courte préseintatioin de la problématique géinérale de la thèse (1). Einsuite, inous réféchiroins sur la disiincioin eintre droit et politique (2). Cete disiincioin es le poiint de départ de inotre réfexioin, coinsacrée aux lieins qui uinisseint ces deux domaiines disiincs. Ces lieins soint tout d’abord matériels (3): inous verroins que la Coinsitutioin a uine double siginifcatioin juridique et politique. Nous inous iintéresseroins aux lieins personnels eintre droit et politique, et ein particulier à l’expertise juridique (4). Fiinalemeint, inous préseinteroins lapidairemeint le plain de inotre travail (5).

(28)

Introduction et remarques méthodologiques

1.

Problématiques et présentation du plan de la thèse

(1) Une procédure singulière — La Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 connaît une procédure singulière aux articles 192 ss Cst. 1999e la révision totale de la Constitution. Cete procédure s’avère paradoxale, car elle est en même temps révolutionnaire et conservatrice. Révolutionnaire, la révision totale de la Constitution permet de remetre en question l’ensemble de l’ordre constitution­ nel, à la condition d’en respecter les dispositions pertinentes, qui sont très souples. Historiquement conservatrice, la révision totale s’est révélée comme une voie difcile dans laquelle les acteurs politiques hésitent à s’engager. Autrement dit, la révision to­ tale de la Constitution se montre autant facile à initier que difcile à achever. Notre thèse vise à apporter des éléments de réponse à cete curiosité qui veut que, malgré ses normes très ouvertes en matière de révision, l’ordre constitutionnel suisse se ca­ ractérise par une très grande stabilité.

(2) Une procédure souple — La révision totale de la Constitution fédérale est très simple à initiere par le peuple, il suft de déposer 1000000 signatures demandant la révision totale dans un délai de 18 mois (art. 138 Cst. 1999). Une des Chambres de l’Assemblée fédérale peut également proposer une révision totale de la Constitution. Si l’autre Chambre accepte cete proposition, la révision totale est alors décrétée. Dans le cas contraire, le peuple arbitre entre le Conseil national et le Conseil des États à la majorité simple, sans compter les cantons (art. 193 Cst. 1999). La Constitution ne prévoit pas d’organe particulier dédié à l’écriture constitutionnelle, comme une As­ semblée constituante. Au contraire, elle confe cete mission à l’Assemblée fédérale, à la façon du législateur ordinaire (art. 192 Cst. 1999). Elle ne lui fxe aucune limite au ­ tonome et elle lui permet d’aborder toutes les questions constitutionnelles sans ta­ bous (art. 193 Cst. 1999). Comme en matière de révision partielle, la Constitution ne prévoit pas non plus de quorum ou de majorité qualifée, mais elle exige une double majorité du peuple et des cantons (art. 195 Cst. 1999).

(3) Un ordre constitutionnel stable — Les dispositions en matière de révision constitutionnelle de la Constitution de 1999 remontent à la première Constitution de 1848. Depuis, l’ordre constitutionnel suisse s’est avéré extrêmement stable, puisque les Constitutions de 1874 et de 1999 ont été écrites conformément au droit. Les deux régimes des pleins pouvoirs de 1914 et 1939 ont été normalisés par le retour aux insti­ tutions de la Constitution de 1874. La longévité de la Constitution de 1874 est excep­ tionnellee cete Constitution a connu les deux Guerres mondiales et les pires crises économiques, défationniste en 1931 et infationniste en 1974. Elle a vu la révolution russe en 1914 et la chute du Mur de Berlin de 1989. Elle a connu les diligences pos­ tales, le télégraphe, le téléphone, le fax et Internet:::e elle a été le témoin de grands bou­ leversements et de changements sociauxe la grève générale de 1918, le droit de vote des femmes de 1971, la question du nucléaire avec l’accident de Tchernobyl en 1986 ou encore la prise de conscience du Röstigrabein, en réponse au refus du peuple suisse d’adhérer à l’Espace économique européen en 1992.

(4) La révision totale de la Constitution du 29 mai 1874 — Derrière une pro­ cédure juridiquement simple, se cache un véritable casse-tête politique. La révision totale est sensible à toutes les aspirations politiques et le décret d’une révision totale

1

2

3

(29)

1. Problématiques et présentation du plan de la thèse

ouvre une boîte de Pandoree lors de la révision totale de 1999, des intérêts de toutes sortes se sont manifestés, des questions pendantes se sont à nouveau posées et des problèmes non résolus sont revenus sur le devant de la scène politique. Cete procé­ dure est une occasion pour beaucoup de voix habituellement peu écoutées dans les milieux dirigeants de s’exprimere les femmes, les jeunes, les cantons, les communes ou encore les minorités diverses. Dans ce contexte, dégager une solution permetant de rallier une majorité du peuple et des cantons est extrêmement compliqué et pé­ rilleux. Les travaux de révision totale sont caractérisés à la fois par une ampleur quantitative et qualitative exceptionnelle. Du préambule jusqu’aux dispositions tran­ sitoires, tous les articles constitutionnels sont potentiellement concernés. Les pro­ blèmes les plus techniques sont aussi abordés, comme la question du régime des fi­ nances ou de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Les solu­ tions les plus sensibles du droit constitutionnel comme le droit à la vie ou le rôle de l’armée sont alors rediscutés.

(5) Le rôle central des experts — Pour mener à bien une révision totale, le re­ cours à des experts est indispensable. Par son ampleur et sa complexité, la révision to­ tale ne peut être conduite uniquement par l’administration. Notre travail s’intéresse aussi au rôle central des experts, et plus particulièrement celui des experts-juristes. En efet, la révision totale a bénéfcié largement de la coopération d’une partie de la doctrine constitutionnaliste, qui a participé étroitement aux travaux préparatoires, comme experts-juristes. L’infuence des experts-juristes provient d’une part de leurs connaissances scientifques, et d’autre part de leur longévité. En efet, la révision to­ tale s’est échelonnée sur plus de trente ans:::e par conséquent, aucun homme politique ne pouvait avoir une vue d’ensemble, sur les travaux préparlementaires et sur les dé­ bats politiques. Dans ce contexte, le rôle des experts ne s’est pas cantonné à un rôle juridique, celui de dire le droit. Nous allons démontrer que le rôle des experts a eu une dimension politique, en ce sens que l’opinion des experts a orienté les travaux de révision totale.

2.

La distinction entre droit et politique

(6) Plan — L’orientation juridique de la thèse et nos propres connaissances nous conduisent à aborder la défnition du droit de manière plus détaillée que la défnition du politique. Nous étudierons la question des difcultés à défnir le droit, et par conséquent nous nous fonderons sur le droit comme un postulat méthodologique. Nous aborderons le droit comme un savoir pratique et nous évoquerons sa méthode et ses limites. Finalement, nous ne pouvons présenter une défnition scientifque du politique, faute de compétencee nous nous contenterons d’expliciter les diférents sens que le mot politique peut prendre dans ce travail.

5

(30)

Introduction et remarques méthodologiques

2.1

Q’est-ce que le droit?

2.1.1 Définir et distinguer le droit

(7) La difculté à défnir le droit — Pour pouvoir analyser le rapport entre droit et politique, il nous faut donc défnir et surtout circonscrire le droit. La nature précise du droit nourrit de nombreuses controverses1 et la question de savoir ce qu’est

le droit demeure difcile. Abstrait, le droit ne peut être décrit par ses propriétés natu­ relles2. Comme le remarquait HART, personne ne se demande ce qu’est la médecine et

la chimie, mais cete question continue de diviser tous ceux qui s’intéressent au droit3.

Il vaut la peine de citer ici AUBERT4:

«J’ai fait métier d’enseigner la Constitution pendant quarante ans, mais j’ai de la peine à défnir le droit. J’ai siégé dans des assemblées pendant trente ans, mais j’ai du mal à montrer clairement ce que c’est que la politique».

(8) Approcher le droit — N’étant pas au bénéfce des connaissances et de l’ex­ périence d’AUBERT, nous sollicitons la compréhension du lecteur:::e nous ne pourrons

défnir le droit de manière précise et arrêtée5. Plutôt que de défnir le droit, nous

contenterons de présenter notre approche du droit. BOBBIO distingue trois étapes dans

la théorie du droite le mode d’approche, la théorie du droit et l’idéologie du droit6. Le

mode d’approche défnit la manière dont on aborde les questions que l’on se pose et révèle une orientation de la recherche plutôt qu’une autre. L’approche sociologique de MARX sera foncièrement diférente de l’approche juridique de KELSEN. Le philo­

sophe s’intéressera à la question de savoir ce qu’est le droit, alors que le juriste répon­ dra à la question ce qui est droit7. Le mode d’approche infuence bien évidemment la

1 La question de la place du droit naturel est âprement discutée entre les tenants de l’école positiviste et ceux de l’école du droit naturel. Pour les premiers, le droit naturel n’appartient pas au champ juridique. Il est tout au plus, une source d’inspiration historique. Pour ses défenseurs, le droit naturel appartient aux sources formelles du droit, voir GRZEGORCZYK,

MICHAUT, TROPER, Positivisme, p. 19 ss.

2 TROPER, Définitioin, p. 101. On peut essayer de décrire quelque chose d’abstrait, mais on devient

très vite normatif. 3 HART, Coincept, p. 13, no 1.

4 AUBERT, Droit et politique, p. 299, no 1.

5 La revue française Droits a consacré deux volumes en 1989 à plus de cinquante défnitions du droite le droit comme «technique de direction publique des conduites humaines» (AMSELEK),

«interprétation ofcielle de la réalité » (GRZEGORCZYK), «la chose atribuée et due à chacun »

(HERVADA), «tout ce qu’approuve les juges » (D’ORS), «structure vivante, normative et factuelle

à la fois » (PETEV), «limitation de ma liberté à la condition de la liberté d’autrui » (RENAUT),

«façon de penser les rapports sociaux » (ROULAND), «la règle ou la mesure des choses »

(SÉRIAUX) «objets auxquels peut s’intéresser la dogmatique [juridique]» (TROPER), ou encore

«codage de la puissance publique légitime » (WILLKE).

6 BOBBIO, Téorie du droit, p. 24. La théorie constitue un «ensemble d’assertions liées entre elles,

avec lesquelles un certain groupe de phénomènes est décrit, interprété, porté à un niveau plus élevé de généralisation, unifé dans un système cohérent ». L’idéologie relève d’une prise de position en face d’une réalité donnée, fondée sur un système de valeur.

7 CAILLOSSE, Réfexioins, p. 52e POLLET, Coinstructioin, p. 69se SÉRIAUX, Notioin, p. 85.

7

(31)

2. La distinction entre droit et politique

théorie du droit sur laquelle on se base. Nous nous baserons sur l’approche du droit par ses acteurs, autrement dit le «droit des juristes »8.

(9) KELSEN et la nécessité de distinguer droit et politique — Parmi tous les

principes et commandements moraux, religieux ou laïcs, les juristes s’atachent à dis­ tinguer certaines normes, qui ont force de loi, car elles sont de nature juridique. Comme les normes juridiques imposent des conséquences précises à des états de fait, elles restreignent la liberté des sujets de droit. La question de savoir si une norme est une norme juridique ou non a donc une très grande importance. Le juriste ne nie pas l'existence d'autres normes que les normes juridiques9. Il se contente de les distinguer

strictement, comme l’a reconnu KELSEN, dans la préface de la seconde édition de la

Téorie pure du droit10:::e

«Mes adversaires n’admetent pas que ces deux domaines [droit et politique] soient netement séparés l’un de l’autre, car ils ne veulent pas renoncer à l’habitude bien enracinée d’invoquer l’autorité objective de la science du droit pour justifer des prétentions politiques qui ont un caractère essentiellement subjectif, même si en toute bonne foi elles correspondent à l’idéal d’une religion, d’une nation ou d’une classe ».

(10) La politisation du droit et la juridicisation du politique — Cete distinc­ tion théorique entre droit et politique reste un idéal. Lorsque ces deux champs ne sont plus clairement séparés, on parle de «politisation du droit » ou de «juridicisation du politique ». Ces deux termes marquent l’infuence mutuelle entre droit et politique et sont irrémédiablement liés. Du point de vue du débat sur l’écriture consti­ tutionnelle, ils sont appelés pour dénoncer une tendance du constituant dérivé à pri­ vilégier les normes avec une densité normative faible, ce qui peut ébranler leur légiti­ mité11. Depuis les années nonante, ils nourrissent une nouvelle controverse institu­

8 Selon l’expression de DARBELLAY, Droit et valeurs, p. 104, no 9. Il défnit le droit des juristes

comme «l’ensemble des règles obligatoires qui constitue le droit positif en vigueur », DARBELLAY, Droit et valeurs, p. 104, no 9. C’est une défnition que l’on retrouve chez BOBBIO,

Téorie du droit, p. 26. L’adjectif positif vient du latin poinere, qui signife poser, et exprime ce

sur quoi l’on peut poser, compter, qui est assuré constant (dictionnaire LITTRÉ). Pour être un

sujet d’étude, le droit doit reposer sur des bases scientifques vérifables, car, «aucun discours qui se prétend scientifque ne pourra s’ofrir le luxe, s’il veut rester tel, de convaincre au moyen d’assertions invérifables » autrement dit métaphysiques, comme le droit naturel, SÉRIAUX, Notioin, p. 68.

9 Voir iinfra § 16.

10 KELSEN, Téorie, p. 17. Pour KELSEN, la confusion entre le politique et la science est la méthode

typique de formation de l’idéologie, KELSEN, Le gardiein, p. 121. Les réfexions sur le caractère

juridique d’une norme sont intimement liées à la tradition romano-canonique et à la distinction entre les règles de droit et les règles bibliques, ARNAUD, Le droit, p. 11. Voir SCHMITT, pour l’opinion

symétrique de la défense de l’autonomie du politique, SCHMITT, Notioin, p. 110ss. Plus récemment,

D’ORS se réjouit de ce que le droit soit limité et laisse une marge de manœuvre, D’ORS, Droit, p. 52.

11 KLEY, Sakralisieruing, p. 95. Voir MOOR:::e «juridiciser les questions politiques semble souvent à certains

leur enlever leur caractère confictuel, permetre leur solution par référence quasiment déductive à des principes généraux, donc neutres et objectifs. En réalité, le résultat est inversee on politise l’acte constitutionnel même, ce qui revient à en ébranler la légitimité » MOOR, Coinstitutioine, p. 258.

Comparer toutefois avec la «dépolitisation» de la révision totale, dénoncée par le politologue GERMANN, voir iinfra § 497 s.

9

(32)

Introduction et remarques méthodologiques

tionnelle autour du pouvoir «d’avoir le dernier mot » entre diférents organes fédé­ raux12.

(11) ~ la juridicisation du politique — Elle peut désigner deux choses. Tout d’abord, ce terme dénonce le rôle croissant du droit dans la régulation des rapports sociaux13. Avec comme corollaire une prépondérance des acteurs du droit — législa­

teur, juge et doctrine14. Comme nous le verrons, cete croissance du droit a nourri la

transformation de l’État libéral en État-providence et remonte à une critique sociale du constitutionnalisme15. Par ailleurs, la juridicisation du politique désigne également

un intérêt renouvelé de la science politique pour les questions juridiques, que nous ne développerons pas dans ce travail16.

(12) ~ la politisation du droit — Il s’agit d’une autre manière d’envisager la juri­ dicisation du politique, basé sur une connotation péjorative que peut prendre le terme «politique», à savoir la politique comme confit et concurrence pour le pouvoir. On s’inquiète de la politisation du droit, lorsque le droit perd sa normativité, son objecti­ vité ou sa rationalité17. Il s’agit de s’interroger sur l’infuence croissante des acteurs

du droit et de la possibilité pour ceux-ci d’outrepasser leur rôle juridique pour devenir des acteurs politiques. Ce terme s’emploie pour décrédibiliser une norme juridique, qui, bien que juridiquement valable, sert (ou servirait) les intérêts particuliers de ses partisans18. Il s’emploie aussi pour dénoncer le rôle politique que pourraient jouer des

juges constitutionnels19.

2.1.2 Le droit comme postulat méthodologique

(13) Postulat méthodologique: le droit comme droit positif — Les juristes ont l’habitude d’appeler les normes juridiques qu’ils ont identifées comme étant du «droit positif » ou «droit objectif ». Notons que l’essence même du droit est encore largement discutée et contestée, mais il existe un accord sur ce qu’est le droit positif20.

12 KLEY, Sakralisieruing, p. 95.

13 COMMAILLE, DUMOULIN, ROBERT, Juridicisatioin, p. 9.

14 CHEVALLIER, Préseintatioin, p. 6.

15 Voir iinfra § 97 ss.

16 COMMAILLE, DUMOULIN, Postface, p. 211.

17 Parlant des politiques publiques, MORAND constate qu’ «[en] descendant de son piédestal et en

cherchant à pénétrer profondément dans les rapports sociaux pour orienter les comportements, le droit s’est radicalement écarté du modèle déterministe et mécaniste qui le sous-tendait. Il change d’allure, devient plus fexible, plus fou, plus complexe et beaucoup moins prévisible » MORAND, Droit, p. 189.

18 DIETH, Politisiertes Recht, p. 139e RHINOW, Fuinktioinein, p. 183s. OGOREK cite l’aphorisme du renard

libre dans un poulailler libre, qui est une critique du libéralisme sauvage. Comme le renard est libre de dévorer les poules lorsqu’il n’y a pas de surveillance d’un gardien, les puissants sont libres d’écraser les faibles sans intervention de l’État, OGOREK, Leviathain, p. 414s.

19 RYFFEL, Recht, p. 459.

20 On ne peut réduire le droit au seul droit positif. À côté des normes, le juge applique également des principes, qui proviennent de considérations morales ou d’équité, DWORKIN, Les droits, p. 80.

Contrairement aux normes, les principes ne trouvent pas leur validité dans la législation et peuvent même se contredire. Le juge devra alors opérer une pesée d’intérêts pour rédiger son jugement, MORAND, Valeurs, p. 59 ss.

11

12

(33)

2. La distinction entre droit et politique

C’est la raison pour laquelle nous retenons la défnition de KELSEN, comme base de tra­

vail ou postulat méthodologique21:::e

«Le droit apparaît comme un ordre social, comme un système de normes réglant la conduite mutuelle des hommes ».

(14) ~ le droit s’inscrit dans un ordre social — Un individu isolé sur une île ne crée pas de droit, mais agit selon son libre arbitre22. Le droit est un phénomène social

(ubi societas, ibi ius)23. La relation entre le droit et l’État démocratique est très intime,

car l’État démocratique se veut aussi un État de droit, c’est-à-dire qu’il repose sur le priincipe de légalité. Le principe de légalité est décrit à l’article 5 al. 1 Cst. 1999:::e «[le] droit est la base et la limite de l’activité de l’État »24.

(15) ~ le droit est un système — Tout comportement humain est directement qua­ lifé par le droite ce qui est permis n’est pas interdit25. Pour réglementer l’activité hu­

maine, le droit se fonde sur une pluralité de règles. Herbert L. A. HART a démontré

qu’elles sont de deux types26. Les règles primaires concernent directement la vie des

êtres humains. Elles admetent certaines choses et en interdisent d’autres. Les règles secoindaires prescrivent la vie des règles primaires. Elles prévoient les procédures de

21 KELSEN, Téorie, p. 42. Cete défnition provient d’un auteur clairement positiviste. Toutefois,

elle fait l’objet d’un consensus, car aucun juriste jusnaturaliste ne nie l’existence du droit positif et ne sert de cadre de référence à la doctrine juridique, GRZEGORCZYK, MICHAUT, TROPER,

Positivisme, p. 23e JESTAZ, JAMIN, Doctriine, p. 176. Elle est encore reprise et complétée par la

doctrine contemporaine. Comparer avec celle de LE ROY et SCHOENENBERGER: «[le] droit objectif

est l’ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe ofciel, régissant l’organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisée », ARNAUD, Le droit, p. 14e DARBELLAY, Droit et valeurs, p. 104, no 9e FORSTMOSER, VOGT,

Eiinführuing, p. 38, no 55e LE ROY, SCHOENENBERGER, Iintroductioin, p. 6. Pour une défnition basée sur

une théorie jusnaturaliste, voire «[le] droit est l’ensemble des règles qui servent à distinguer le juste de l’injuste — ou plus simplement, c’est la science du juste et de l’injuste », RAMBAUD,

Code, p. 5.

22 Comme le relève DARBELLAY, on ne peut agir injustement ou justement par rapport à soi-même,

DARBELLAY, Droit et valeurs, p. 100, no 4.

23 Pour VOUTAT, le droit est une activité sociale dont la logique consiste à interpréter des normes

en vue de leur application, VOUTAT, Droit, p. 58. WEBER montre que le droit peut légitimer un

ordre social par la possibilité d’une contrainte d’une instance humaine spécialement instituée à cet efet, qui force au respect de l’ordre et châtie la violation, WEBER, Écoinomie, p. 68. Dans ce

sens, BURCKHARDT estime que la concrétisation de l’idée de droit nécessite la création du droit,

l’application du droit et un système de contrainte, BURCKHARDT, Rechtsgemeiinschaf, p. 235.

24 Selon BURDEAU, «la constitution est la règle par laquelle le souverain légitime le Pouvoir en

adhérant à l’idée de droit qu’il représente et détermine en conséquence les conditions de son exercice », BURDEAU, Traité, t. 4, p. 49.

25 KELSEN, Téorie, p. 50. Cete qualifcation est opérée par les acteurs du droite les juges, les

juristes ou les professeurs de droit. Par elle, le droit existe en système indépendant du politique, DIETH, Politisiertes Recht, p. 6.

26 HART, Coincept, p. 105, no 78 s. Dans ce travail, nous utilisons «règle » ou «norme » de manière

indiférente, conformément à l’usage courant, de cet avise AMSELEK, Le droit, p. 7. BOBBIO

distingue la règle de la norme. La première se base sur un lien de causalité, alors que la seconde se fonde sur un sentiment d’obligation, BOBBIO, Téorie du droit, p. 108. KELSEN fait

également une distinction entre normes primaire et secondaire, mais avec un sens diférent de HART. Les normes secondaires étant les exceptions des normes primaires, KELSEN, Téorie, p. 76.

14

(34)

Introduction et remarques méthodologiques

création des règles primaires, leurs applications, leurs amendements et leurs abroga­ tions. On ne peut parler de système juridique qu’en présence de ces deux types de règles. Dans un État démocratique, le système juridique est hiérarchisée chaque norme doit être édictée conformément à la norme supérieure. Les ordonnances tiennent leur validité des lois et les lois de la Constitution27.

(16) ~ le droit est constitué de normes juridiques — Toutes les normes ne re­ lèvent pas du droit. Une norme peut relever des comportements sociaux ou des va­ leurs sociales. Toute norme exprime une valeur, morale pour les normes de la morale ou juridique pour les normes juridiques28. On retrouve ici l’importance du travail des

juristes, qui est de distinguer le droit des autres normes. Une norme peut infuencer les comportements de deux manièrese en interdisant un acte ou en le sollicitant29. La

norme juridique établit un lien entre un état de fait (condition) et une conséquence juridique30. Si la norme est juridiquement valable, la conséquence doit être appliquée,

selon les règles du syllogisme juridique31.

2.1.3 Le droit comme un savoir pratique

(17) Le rapport entre le droit et les autres domaines du savoir — La détermi­ nation du sens juridique d’une norme a une très grande conséquence sur la méthodo­ logie du droit. Dans son application rigoureuse du droit, le juriste ne voit pas la réali­ té comme elle est analysée dans d’autres domaines du savoir. Le juriste procède prin­ cipalement de manière déductive, c’est-à-dire qu’il part du sens juridique de la norme qu’il souhaite appliquer à un cas particulier. D’autres domaines du savoir ont une dé­ marche inversee ils examinent la réalité pour en expliquer les règles32. Le savoir juri­

27 KELSEN se veut d’une extrême cohérence, puisque même la Constitution tient sa validité d’une

norme fondamentale (Gruindinorm) dont la science juridique ne sait rien, sinon qu’elle est juridiquement valable, KELSEN, Téorie, p. 124.

28 KELSEN, Téorie, p. 28.

29 Par exemple, un panneau interdit de marcher sur la pelouse, alors qu’un autre demande de jeter ses déchets dans une poubelle, BOBBIO, Téorie du droit, p. 107.

30 LE ROY, SCHOENENBERGER, Iintroductioin, p. 379. Le lien entre la condition et la conséquence n’est

pas un lien de causalité, décrit par les sciences naturelles. Par exemple, la loi de la gravitation prévoit que les corps s’atirent proportionnellement à leurs masses. En droit, la conséquence n’arrive jamais automatiquement et il faut un acte d’un particulier ou d’une autorité pour imputer la conséquence juridique à sa condition, KELSEN, Téorie, p. 35. Pour KELSEN et HART, le

droit naturel découle uniquement d’une confusion entre les lois naturelles et les lois juridiques, HART, Coincept, p. 225 se KELSEN, Téorie, p. 55. Notons que le débat ne va pas s’arrêter

prochainement. Parfois, des considérations de justice peuvent faire obstacle à l’application d’une règle de droit positif. Cete idée est prévue à l’article 2 CC, qui rappelle que l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi. Le droit positif suisse intègre l’idée que «le droit n’est pas la valeur ultime et qu’il doit être mis au service des exigences de la justice » STEINAUER, Titre, p. 165, no 461.

31 Selon l’adage romain dura lex sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi). Comme l’explique DWORKIN, lorsqu’une norme atache à un état de fait une conséquence juridique précise, la

seule raison qui empêcherait cete conséquence juridique est une exception à la norme. Cete exception appartient à la norme elle-même et on ne peut exposer la norme sans ses exceptions, DWORKIN, Les droits, p. 82.

32 FORSTMOSER, VOGT, Eiinführuing, p. 3, no 9e LE ROY, SCHOENENBERGER, Iintroductioin, p. 7. CAILLOSSE

regrete que la science politique adule le fait, au détriment des normes juridiques, dans son

16

(35)

2. La distinction entre droit et politique

dique apparaît comme un savoir pratique33, qui déforme et qui simplife le réel et qui

procède par présomption34. En efet, toute norme juridique ne s’adresse pas à une si­

tuation déterminée, mais à un nombre indéterminé de cas. Le langage normatif est condamné à schématiser la réalité et à la classifer. En résumé, lors de l’application du droit, le juge est amené à prendre les faits en considération, mais dans un angle déter­ miné par le droit35.

(18) L’application rigoureuse du droit — Afn de bien distinguer les normes ju­ ridiques des autres, les juristes ont pris l’habitude dans l’application du droit de dis­ tinguer les considérations juridiques des autres considérations36. Sont qualifées de

«politiques» toutes considérations extérieures au droit (des juristes) et qui ne trouvent pas leur place dans la méthode juridique traditionnelle d’application et d’in­ terprétation du droit37. Si le mérite revient à KELSEN d’avoir théorisé l’autonomie du

système juridique, le plaidoyer le plus célèbre en faveur de l’application stricte du droit remonte à MONTESQUIEU. Dans l’Esprit des Lois, ce dernier plaide pour que le juge

ne soit que «la bouche de la loi », quand bien même la loi prévoirait une solution trop rigoureuse38, afn de préserver la séparation des pouvoirs et l’application du droit in­

dépendamment de toute considération de nature politique39.

(19) Le syllogisme juridique — L’application rigoureuse du droit est fondée sur le syllogisme juridique, ou judiciaire40. Le syllogisme fonctionne en trois tempse il

commence par l’identifcation d’une question générale, question brute, qu’on peut formuler de la manière suivantee Qelle est la situation juridique? ou Qid juris:::? L’analyse de cete question exigera préalablement d’identifer la ou les normes appli­ cables, dans la majeure du syllogisme41. Ensuite, le juriste doit identifer les faits perti­

nents, à même de répondre à cete question, dans la mineure du syllogisme. De l’ap­

étude des politiques publiques, CAILLOSSE, Réfexioins, p. 61.

33 Ainsi certaines grandes questions de la philosophie du droit sont encore sans réponses défnitivese même des juristes bien expérimentés demeurent empruntés face à certaines questions fondamentales du droit, HART, Coincept, p. 27, no 13. Notons également que la science

du droit est orientée essentiellement vers l’application du droit et que certains domaines du droit, tel que la création du droit (légistique) sont netement moins connus, RICHLI,

Daumeinregelin, p. 114.

34 DARBELLAY, Droit et valeurs, p. 108, no 13. SÉRIAUX fait remarquer que le droit, en raison de sa

méthode déductive, se détache de l’expérience sensible et se place ainsi dans la sphère de la raison, SÉRIAUX, Notioin, p. 69. Pour SEILER, le choix d’un angle de vue particulier n’est pas le fait

du droit, mais est propre à toute démarche scientifque et en conditionne même les progrès, SEILER, Gerichtsbarkeit, p. 505.

35 FORSTMOSER, VOGT, Eiinführuing, p. 198, no 119.

36 Cete application stricte des normes juridiques aboutit à la distinction ferme entre droit et politique et constitue un système autopoïétique. Est qualifé d’autopoïétique, tout système qui possède une dynamique interne sufsamment riche pour se défnir, se renouveler et se reproduire de manière autonome, DIETH, Politisiertes Recht, p. 6.

37 RHINOW, Fuinktioinein, p. 184.

38 MONTESQUIEU, Esprit, p. 301. Cete conception est largement partagée au XIXe sièclee selon le

Conseil fédéral, «il n’appartient point au juge de faire la loi » (FF 1870 II 777, 813). 39 DIETH, Politisiertes Recht, p. 98e OGOREK, Leviathain, p. 412e SEILER, Gerichtsbarkeit, p. 472.

40 NOLL, Rechtssetzuing, p. 257. L'application rigoureuse du droit donne une légitimité solide, dont

peuvent se prévaloir les révolutionnaires, soucieux d'asseoir leur pouvoir, voir la Déclaration d'indépendance américaine, iinfra § 123.

41 TERCIER, ROTEN, Recherche, p. 278 ss, nos 1110 et 1136 ss.

18

(36)

Introduction et remarques méthodologiques

plication du droit au fait (subsomption) découle la conclusion, mécanique du syllo­ gisme42. Ce postulat théorique se complique par l’importance du travail d’interpréta­

tion, nécessaire lorsqu’il existe un décalage entre les faits et le concept désigné par la norme43. Dans l’application quotidienne du droit, il n’existe qu’un petit nombre de

règles qui ne nécessitent pas d’interprétation44:::e c’est la raison pour laquelle la théorie

du droit a intégré la notion d’interprétation, dans le syllogisme juridique45.

(20) La validité des normes — Ce lien n’est toutefois possible que si la norme est juridiquement valable. Une norme est valable lorsqu’elle demande l’obéissance d’un groupe humain, à l’exclusion de toute autre norme46. Une norme juridique ne déter­

mine pas sa propre validité, celle-ci dépend de la validité des normes juridiques supé­ rieures. Une norme est valable juridiquement si elle a été créée d’une manière parti­ culière, conformément à d’autres normes juridiques47. La création du droit est intime­

ment liée à son applicatione le Parlement lorsqu’il adopte une loi, l’adopte en applica­ tion des compétences constitutionnelles48.

(21) La densité normative — La densité normative détermine le degré de détail et de spécialisation d’une réglementation dans un domaine déterminé49. Pour qu’une

norme puisse être appliquée juridiquement, elle doit être justiciable, ou avoir une cer­ taine densité normative, c’est-à-dire prévoir avec un certain degré de précision les conditions d’application (Tatbestaind) et la conséquence juridique (Rechtsfolge) de la norme50. La densité normative s’apprécie diféremment selon la nature formelle de la

norme. Les normes constitutionnelles entrent en principe moins dans les détails que la loi formelle et les ordonnances, qui complètent les lois.

42 Si le syllogisme est correctement posé, les faits pertinents convenablement identifés, l’opération relève de la logique la plus pure et un ordinateur pourrait même être capable de tirer la conclusion, NOLL, Rechtssetzuing, p. 256.

43 NOLL, Rechtssetzuing, p. 254.

44 Lorsque le législateur recourt à des formules mathématiques ou à des expressions simplese «[la] majorité est fxée à 18 ans révolus » (art. 14 CC) «[toutes] les actions se prescrivent par dix ans, lorsque le droit fédéral n’en dispose pas autrement » (art. 127 CO), LE ROY,

SCHOENENBERGER, Iintroductioin, p. 413, note 1206.

45 LE ROY, SCHOENENBERGER, Iintroductioin, p. 409. Notons qu’il ne s’agit pas d’application mécanique

de la norme, même pour KELSEN qui reconnaît que le juge a une certaine forme de pouvoir,

KELSEN, Le gardiein, p. 75. Personne ne soutient sérieusement qu’il existe un ensemble de règles

stockées dans un «entrepôt à concepts » et prêtes à être découvertes et appliquées par les juges, DWORKIN, Les droits, p. 71e NOLL, Gesetzgebuingslehre, p. 15. Sur le lien entre interprétation

et écriture constitutionnelle, voir iinfra § 567. 46 BURCKHARDT, Rechtsgemeiinschaf, p. 166.

47 CHEVALLIER, Droit, p. 21e KELSEN, Téorie, p. 122. Voir la distinction entre norme primaire et

secondaire faite par HART, voir supra § 15.

48 KELSEN, Téorie, p. 137. Voir également DWORKIN: «[un] arrêté de la ville de New Haven sur le

stationnement est valide parce qu’il a été adopté par un conseil municipal, suivant les procédures et dans le cadre des compétences accordées par la loi sur les communes, prises par l’État du Connecticut, conformément aux procédures et selon les compétences établies par la Constitution de l’État du Connecticut, qui avait été elle-même adoptée en accord avec les exigences de la Constitution des États-Unis » DWORKIN, Les droits, p. 78.

49 OFJ, Guide de législatioin, p. 270, no 636. Sur la signifcation politique de la densité normative en

matière d'écriture constitutionnelle, voir iinfra § 877 ss. 50 BURCKHARDT, Rechtsgemeiinschaf, p. 237.

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