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Adéquation demande-ressource en eau dans un contexte de changement global. Projet ADEQWAT

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02887344

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02887344

Submitted on 2 Jul 2020

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Adéquation demande-ressource en eau dans un contexte

de changement global. Projet ADEQWAT

Laura Rosenbaum

To cite this version:

Laura Rosenbaum. Adéquation demande-ressource en eau dans un contexte de changement global. Projet ADEQWAT. [Rapport de recherche] PAVE - Laboratoire Professions, Architecture, Ville, En-vironnement; SUEZ le LyRE. 2020. �hal-02887344�

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Adéquation demande – ressource en eau

dans un contexte de changement global

ADEQWAT

Volet DEMANDE, 2018-2020

Post-doctorat : Laura Brown Supervision : Guy Tapie, Julia Barrault

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Remerciements

Nous remercions vivement les équipes des laboratoires PAVE et du LyRE, en particulier Guy Tapie et Julia Barrault, Emmanuelle Oppeneau, Manon Vivière et Cyril Leclerc pour leurs conseils pertinents et soutien constant ; Les pilotes du programme de recherche régional, l'ENSEGID en particulier Alain Dupuy, Alexandre Pryet et Ryma Aissat pour leur pédagogie ; Marc Saltel du BRGM de Bordeaux, partenaire du projet, pour ses critiques constructives ; L’équipe du SMEGREG pour son accueil, les échanges et relectures ; L’ensemble des acteurs régionaux, côté ressource en eau et aménagement du territoire, pour le temps accordé en entretiens et leur participation au séminaire prospectif. Les acteurs internationaux pour leur accueil à Los Angeles et à Hyderabad. Les stagiaires urbaniste et géomaticien, Julien Rousseau et Hugo Senges, pour leur implication dans le projet. La Région Nouvelle-Aquitaine et le LyRE d’avoir financé ce post-doctorat de deux ans dans le cadre du programme pluridisciplinaire ADEQWAT.

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Sommaire

Liste des acronymes ... 6

Table des figures ... 6

Résumé ... 7

0. INTRODUCTION ... 9

1. OBJET ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE ... 13

1. PROBLEMATISATION DE LA DEMANDE EN EAU ... 13

1.1.1. La ressource en eau dans les discours d’acteurs ... 15

1.1.2. L’entrée par l’urbanisme et la planification territoriale ... 17

2. DEMARCHE METHODOLOGIQUE ... 19

1.2.1. Collaboration pluridisciplinaire ... 19

1.2.2. Terrains en Nouvelle-Aquitaine et comparaisons internationales ... 21

1.2.3. Séminaire prospectif : l’avenir de l’eau en région Nouvelle-Aquitaine ... 24

1.2.4. Les projections statistiques, modèle multivarié ... 25

1.2.5. Territorialiser la demande en eau ... 28

Synthèse partie 1 ... 33

2. DES SIGNAUX DE MUTATION EN COURS ... 35

2.1. L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE ... 35

2.1.1. Des enjeux mondiaux ... 35

2.1.2. Des projections régionales ... 36

2.1.3. Des effets sur les métiers et les pratiques professionnelles ... 39

2.2. LA CONDITION METROPOLITAINE, L’ALLIANCE DES TERRITOIRES ... 40

2.2.1. Limiter la consommation foncière et l’extension des réseaux ... 40

2.2.2. Réglementer la ressource à l’échelle intercommunale ... 41

2.2.3. Lutter contre les îlots de chaleur dans les métropoles ... 43

2.3. LA CONDITION LITTORALE, LES FLUX INTERTERRITORIAUX ... 46

2.3.1. Considérer simultanément l’année et la saison ... 46

2.3.2. Adapter et diversifier l’offre touristique ... 48

2.3.3. Gérer les risques littoraux ... 48

2.4. LA REGULATION DE L’EXPLOITATION DE L’EAU ... 50

2.4.1. Privatiser vs municipaliser les services urbains ... 50

2.4.2. Économiser la ressource ... 51

2.4.3. Modifier comportements et pratiques professionnelles ... 54

2.4.4. Gérer sur le long terme ... 55

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3. DES SCENARIOS POUR 2050 ... 59

3.1. SCENARIO 1 -NATURALISER DES VILLES, LE TOURNANT METROPOLITAIN ... 61

3.1.1. Zéro artificialisation nette ... 61

3.1.2. Culture de l’eau urbaine ... 62

3.1.3. Se protéger, stocker ... 63

3.1.4. Un urbanisme campagnard ... 64

3.2. SCENARIO 2 –RESTRUCTURER DES TERRITOIRES, LE TOURNANT LITTORAL ... 67

3.2.1. Massification et montée en gamme des activités touristiques ... 67

3.2.2. Culture de préservation des espaces naturels ... 68

3.2.3. S’auto-organiser avec la société civile ... 69

3.2.4. Un urbanisme du risque ... 69

3.3. SCENARIO 3–LE SMART ET LA QUALITE, LA LOGIQUE TECHNOLOGIQUE ... 71

3.3.1. La montée en puissance des technologies dans le monde de l’eau ... 71

3.3.2. Culture sanitaire et éthique ... 72

3.3.3. La chasse aux particules ... 73

3.3.4. Un urbanisme réparateur ... 74

3.4. SCENARIO 4–CONNEXIONS ET EQUILIBRES, LA LOGIQUE COOPERATIVE ... 75

3.4.1. Bordeaux métropole, l’affirmation d’une capitale régionale ... 76

3.4.2. Urbain vs rural, opposition culturelle ... 77

3.4.3. Coopérer sous pression des changements globaux ... 77

3.4.4. Un urbanisme des grands territoires ... 78

Synthèse des scénarios 2050 ... 80

4. ÉCLAIRAGES INTERNATIONAUX DE LA DEMANDE EN EAU ... 83

4.1. LOS ANGELES, L’URGENCE DU STRESS HYDRIQUE ... 83

4.1.1. Enquête en terres californiennes, notes de terrain ... 88

4.2. HYDERABAD, LA SUREXPLOITATION DES NAPPES ... 92

4.2.1. Enquête en terres Hyderabiennes, notes de terrain ... 96

Synthèse de la comparaison des modèles de gestion de l’eau : Bordeaux métropole, Los Angeles, Hyderabad ... 101

5. CONCLUSION ... 103

6. BIBLIOGRAPHIE ... 109

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Liste des acronymes

AEAG : Agence de l’Eau Adour Garonne ARS : Agence Régionale de Santé

BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières CLE : Commission locale de l’eau

MONA : Modèle hydrodynamique Nord-Aquitain PLU : Plan Local d’Urbanisme

PLUI : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal PLS : Plan Local de Santé

PPRI : Plan de Prévention des Risques Inondation SAGE : Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau SCoT : Schéma de cohérence territoriale

SDAGE : Schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau

SMEGREG : Syndicat mixte d’étude et de gestion de la ressource en eau du département de la Gironde

SRADDET : Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires

Table des figures

Photo couverture : Écoquartier Terres Sud © Photographie Équipe Alain Charrier, retouche auteur

Figure 1 - Deux volets : demande - ressource dans un contexte de changements globaux ... 9

Figure 2- Emprise du MONA ... 21

Figure 3 - Cartographie des terrains d'études ... 24

Figure 4 - Zonage du MONA par SCoT et zones de plus de 50 000 habitants ... 27

Figure 6 - Ajustement du modèle au VLAR sur Bordeaux Métropole ... 28

Figure 7 - Typologie territoriale des syndicats d'eau potable sur le périmètre du MONA ... 29

Figure 8- Hypothèses de prélèvements unitaires dans les nappes profondes de Gironde pour l'usage de l'eau potable (m3/an/habitant) ... 53

Figure 9- Scénarios 2050 ... 59

Figure 10 - Prélèvements total d’eau par types d'usages, d'Ouest en Est des USA – 2010 ... 90

Figure 11 – Mise en œuvre de jardin désertique ... 91

Figure 12 - Campagne Brown is the new Green, Irvine Ranch Water District ... 91

Figure 13 - Rain Water Harvesting Park ... 97

Figure 14 – Tanker de la métropole d’Hyderabad et vue sur la Musi River ... 98

Figure 15 - évolution de la population du SCoT des Lacs médocains, 1975-2008 ... 121

Figure 16 – Scénarios d’évolution de la population du SCoT des Lacs médocains à horizon 2050 ... 122

Figure 17 - évolution des parcs résidentiels dans les Lacs Médocains ... 122

Figure 18 – Évolution des prélèvements en eau dans les Lacs médocains 2008-2016 ... 123

Figure 19 - Projection démographique du SCoT du Pays de l’Isle en Périgord ... 124

Figure 19 - Base de données organisée après récolte auprès des experts ... 142

Figure 20 - Écoquartier Terres Sud, Alain Charrier, Domofrance, Ville de Bègles ... 143

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Résumé

En Nouvelle-Aquitaine jusqu’au milieu des années 1990, l’eau potable était, dans la conscience collective, une ressource inépuisable, dont l’exploitation était maîtrisée par un système d’institutions et d’acteurs spécialisés, optimisée par les progrès techniques, et régénérée par les perspectives de durabilité. Dans un contexte de métropolisation accrue (Godier et al. 2018) et de transition écologique, la disponibilité à long terme de l’eau alimente les débats dans les sphères politiques et techniques qui la gèrent, et parmi le grand public, soumis aux effets d’épisodes caniculaires plus intenses. Des réponses économiques se sont organisées : comme partout en Europe, une baisse de la consommation d’eau est enregistrée en France depuis les années 2000 (Barraqué et al. 2011), phénomène difficile à analyser sur le long terme. Observer l’avenir du développement des territoires de Nouvelle-Aquitaine, soumis aux incertitudes liées au changement climatique et à une forte croissance démographique, permet d’anticiper les futures demandes en eau possibles.

Le programme régional de recherche ADEQWAT a réuni une équipe pluridisciplinaire de scientifiques pour réfléchir à l’adéquation entre la « demande » et la « ressource » en eau. Ce rapport retranscrit le travail post-doctoral de sociologie urbaine mené sur le volet « demande » (2018-2020). Nous nous sommes intéressés à la façon dont les autorités publiques, exploitants, scientifiques, spécialistes de la planification territoriale mettent à l’agenda de leurs réflexions et de leurs pratiques les changements globaux pour gérer la ressource. Une campagne d’entretiens semi-directifs (35) a éclairé des signaux de mutation en cours tels que le milieu les identifie (développement durable, métropolisation, littoralisation, régulation de la ressource). Ces signaux ont été discutés dans le cadre d’un séminaire prospectif réunissant un échantillon des acteurs locaux de l’eau et de l’aménagement (40), afin de formuler des visions 2050 qui engagent vers des mutations plus fondamentales. Guidés par l’hypothèse que la demande en eau est « territorialisée », nous avons orienté les analyses de stagiaires - urbaniste et géomaticien - vers l’étude de documents d’urbanisme (SCoT) urbains, littoraux, ruraux et vers la constitution d’un modèle multivarié de projection statistiques à l’échelle du Modèle hydrodynamique Nord-Aquitain (MONA).

Quatre scénarios sont finalement proposés pour anticiper le développement des territoires en région, et servent de supports de réflexion pour les futures demandes en eau en région : 1/ naturaliser les villes, le tournant métropolitain ; 2/ restructurer les territoires, le tournant littoral ; 3/ smart et qualité, le tournant technologique ; 4/ connexions et équilibres, le tournant coopératif. Enfin, des enquêtes menées à Los Angeles en Californie et à Hyderabad en Inde éclairent la demande en eau dans des contextes plus extrêmes en termes de réchauffement climatique et démographiques. Une telle confrontation montre le potentiel de mutation du système actuel, son inertie parfois, face principalement aux nouveaux défis environnementaux.

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0. Introduction

Les travaux présentés dans ce rapport s'inscrivent dans le cadre du programme de recherche régional ADEQWAT, dont l’objectif est de mieux comprendre l’adéquation entre la demande en eau potable et la disponibilité des ressources en eau souterraines face aux changements globaux, dans une visée prospective à 2050. ADEQWAT s’organise en deux volets : « Demande » et « Ressources » (Figure 1). Le premier interroge la future demande en eau potable des usagers du bassin Adour-Garonne au prisme des sciences humaines et sociales (sociologie, urbanisme, économie, architecture, politique) dans le cadre d’une recherche post-doctorale en sociologie urbaine (Laura Brown, Guy Tapie, Julia Barrault 2018-2020) et le second développe des méthodes d’aide à la décision en sciences de l’ingénieur dans le cadre d’une thèse en hydrogéologie (Ryma Aissat, Alexandre Pryet, Alain Dupuy, Marc Saltel 2017-2020). Le portage partenarial réunit des scientifiques et des industriels (Bordeaux INP, BRGM, PAVE, SUEZ), des collectivités territoriales (Bordeaux Métropole, Agglomération d'Agen), des gestionnaires institutionnels (SMEGREG) et la région Nouvelle-Aquitaine.

Le croisement entre sciences de l’ingénieur et sciences humaines et sociales dans un tel programme est peu courant. Les questions relatives aux eaux souterraines sont jusqu’alors plutôt réservées aux spécialistes issus de formation en hydrogéologie, et qui exercent au sein des Universités, des établissements d’enseignement supérieur, de collectivités territoriales, des établissements publics de l’État et notamment du BRGM (700 chercheurs en France). Si des économistes ont tissé des liens avec ce monde professionnel (Rinaudo J-D. et son équipe au BRGM de Montpellier), peu nombreux sont les chercheurs en sciences humaines et sociales qui se sont immiscés dans de tels programmes de recherche sur la question de l’eau potable. Notons tout de même la figure du sociologue de B. Barraqué, surnommé dans le milieu « le sociologue de l’eau » qui a travaillé à l’échelle européenne et nationale sur la question de la privatisation des réseaux, sur la baisse des consommations et les usages de l’eau. En tant qu’architecte sociologue spécialiste de la fabrique de la ville, nous avons abordé le sujet de la

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demande en eau par le biais de l’urbanisme, de la planification territoriale et des discours d’acteurs et d’experts sur la question de l’eau. Nous avons mené l’enquête en région et principalement sur la métropole de Bordeaux. Revenons dans cette introduction sur l’histoire de l’installation de la ville au bord de l’eau, et sur la prise en compte des enjeux climatiques dans la politique de la ville, qui confère progressivement à la ressource en eau un statut privilégié.

Comme dans la plupart des villes, l’installation de Bordeaux au IIIe s. av. JC est liée à la présence de l’eau et du fleuve. La Garonne était l’un des axes commerciaux de l’étain. Le phénomène des marées agissant, la navigation y était (et est toujours) complexe, et accoster relevait du défi. Cependant, deux cours d’eau, le Peugue et la Devèze, qui structurent les cours majeurs de la ville actuelle étaient accessibles aux bateaux et permettaient d’accoster quelles que soient les conditions de marées. Ainsi, des négociants y trouvèrent refuge et s’installèrent sur les flancs riches en sources et points d’eau du mont Judaïque dont le point culminant est l’actuelle Place Gambetta. De là ils pouvaient voir arriver un éventuel ennemi, tenu à l’écart par des marécages et des zones humides. Les atouts du site séduisirent les Romains qui le développèrent à leur standard en créant des aqueducs qui desservirent la ville en eau courante. Les invasions barbares du Moyen-âge détruisirent ensuite ces ouvrages, qui ne seront pas reconstruits, mais dont on retrouve encore aujourd’hui les vestiges à l’occasion de travaux. Dès lors, et jusqu’à la deuxième guerre mondiale, l’approvisionnement en eau de la ville est une constante préoccupation : la demande en eau croit avec la population alors que l’extension urbaine, et les activités qui l’accompagnent, polluent les ressources. La ville doit aller chercher ses ressources toujours plus loin au-delà de ses murs. En 1850, en été, les services de la ville n’étaient pas en capacité de distribuer plus de 5L d’eau/hab/j1.

À la fin du XIXe s., de grandes infrastructures sont construites et préfigurent le service public moderne : près de Bordeaux, les aqueducs du Taillan et de Budos voient le jour en 1860. Peu avant la 2e guerre mondiale, les techniques de forage développées pour la recherche et l’exploitation pétrolière commencent à être accessibles pour la recherche d’eau. Le constat est fait qu’où que l’on soit en Gironde, et si l’on fore suffisamment profond, une ressource en eau souterraine de bonne qualité est disponible. A cette époque, elle jaillit même naturellement dans la plupart des cas. Dans l’esprit des décideurs, le problème séculaire de l’approvisionnement en eau est résolu et les forages se multiplient dès la guerre terminée. Le directeur de l’école nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable (ENSEGID) décrit les chemins qui ont mené à la production d’eau potable par forage en général et plus spécifiquement en Gironde : « un forage est un forage, il est analysé quoi qu’il arrive : le type de roche est renseigné, ainsi que le type de fluides (eau douce, salée, gaz, pétrole etc.).

1 de Grissac B., « Histoire de l’alimentation en eau de Bordeaux, de son agglomération, et du département de la Gironde », 2005.

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À différents endroits, un aquifère a été trouvé, et on s’est rendu compte que la nappe d’eau douce était généralisée. Les forages se sont concentrés pour chercher cette ressource-là, et c’est depuis que l’on en dispose « à volonté » ».

En 1955, le professeur Henri Schoeller, l’un des pères fondateurs de la science hydrogéologique à l’échelle mondiale, et figure de référence dans la discipline, s’installe à Bordeaux. Il pose tout de suite la question du risque de surexploitation des nappes du fait d’une augmentation continue du nombre de forage et des volumes. Il est suffisamment persuasif pour que le préfet demande au Département de prendre à sa charge un suivi des nappes2 mis en œuvre dès 1958 par le BRGM. Suivis des niveaux piézométriques et études menées par le BRGM et l’Université feront de Bordeaux un pôle de référence en hydrogéologie.

La question posée par le Professeur Schoeller de la durabilité du modèle girondin d’approvisionnement en eau potable reposant sur les nappes profondes se verra apporter une réponse en 1996 à l’occasion de l’élaboration, par le Conseil général et la Communauté urbaine de Bordeaux, d’un schéma directeur départemental d’alimentation en eau potable : certaines nappes sont surexploitées. La question de la ressource en eau devient à nouveau prégnante et il est décidé d’élaborer un SAGE pour ces nappes et de créer le SMEGREG. Du point de vue de certains aménageurs du territoire, la question de l’eau devient une priorité lorsqu’elle constitue un risque de pénurie ou une source de danger pour la population. À Bordeaux, les violents orages de 1982 poussèrent les élus à agir rapidement et à créer le télécontrôle RAMSES3 qui gère aujourd’hui les bassins de rétention d’eau pluviale répartis dans la ville. Enterrée et canalisée pendant tout le XXe s., l’eau du XXIe s. devient plus structurante de la planification de certains territoires, voire contraignante (Vaucelle, 1999). La maîtrise de l’eau peut être motrice dans de nombreux projets d’aménagement autant que la gestion du risque pour éviter catastrophes et procès. La médiatisation de l’incurie supposée des pouvoirs locaux et de l’incapacité prédictive des experts est redoutée par tous.

Plus récemment, la canicule de 2003 rend concret un des aspects du réchauffement climatique. La problématique des îlots de chaleur urbain intéresse dès lors la métropole de Bordeaux, qui engage des études en collaboration avec l’Agglomération d’Agen, en avance sur le sujet car déjà touchée par de fortes chaleurs. La question de la santé environnementale intègre des politiques métropolitaines (contrat local santé issu de la loi Hôpital Patients Santé Territoires, HPST de 2009), soutenues par des acteurs régionaux comme l’Agence régionale pour la Santé (ARS). Aujourd’hui, la gestion de l’eau potable et la prise en compte du cycle de l’eau dans

2 En 2018, le Conseil Général de la Gironde fêtait les 60 ans du réseau de suivi des eaux souterraines de Gironde, assuré par le CG33, le BRGM et l’Agence de l’Eau Adour Garonne. Il s’agit du réseau de suivi le plus ancien de France.

3 RAMSES, Régulation de l’Assainissement par Mesures et Supervision des Équipements et Stations, est mis en service en 1992.

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l’aménagement des villes restent des domaines réservés aux initiés. Une difficulté majeure, régulièrement soulevée par les experts rencontrés au cours de cette enquête, est d’ailleurs l’invisibilité des actions relatives à l’eau. Des travaux de réfection des installations anciennes sont nécessaires, coûteuses… et ne se voient pas. Des projets structurants tels que la création d’un réseau d’eau industrielle sur la presqu’île d’Ambès, destiné à se substituer à des prélèvements dans les nappes profondes, sont peu connues du grand public. Les eaux souterraines profondes, objets du SAGE des nappes profondes de Gironde sont peu médiatisées au-delà des arènes politico-institutionnelles, et ne sont jusqu’ici que rarement placées en priorité des agendas politiques des élus.

Le second défi est celui de la mémoire. L’investissement dans des grands projets comme RAMSES est aussi méconnu, alors qu’il fait référence en Europe et au-delà (de nombreuses délégations internationales viennent visiter le centre de télécontrôle, et le système informatique est vendu à d’autres villes). Ainsi, la ville est équipée pour gérer l’eau pluviale, et les habitants disposent d’une eau potable de qualité, sans nécessairement être conscients des métiers, des coûts, ni des compétences nécessaires à la construction et au maintien des services. Rendre visible les actions et consolider une mémoire collective autour d’elles semble primordial pour rendre appropriable par tous ces problématiques sociétales actuelles, qui seront plus fortement questionnées à l’avenir sous la pression de la démographie et du changement climatique.

Sous ces deux pressions, la perspective d’une raréfaction des ressources engage à mutualiser les biens communs4, et dans le secteur de l’eau à poursuivre des économies impulsées dès les années 2000 sous les recommandations du SAGE nappes profondes de Gironde. Mieux projeter les futures demandes devient une quête de plus haute importance. L’apport de l’approche urbaine par l’analyse de la planification des territoires offre une nouvelle grille de lecture à l’exercice de projection. Pour en rendre compte, le rapport se structure en quatre parties : la première développe la construction de l’objet et la méthodologie de recherche (au croisement entre ressource en eau et planification territoriale) ; la deuxième expose les signaux de mutations en cours (développement durable, condition métropolitaine, condition littorale, régulation de l’exploitation de l’eau) ; la troisième décline quatre scénarios d’évolution des territoires régionaux fondés sur les discours des experts et la littérature ; la dernière éclaire la demande en eau au travers de cas d’études internationaux (Los Angeles, Hyderabad) afin de mettre en perspective nos problématiques locales avec des contextes où la gestion de l’eau est devenue une priorité (sous l’effet de la sécheresse en Californie, de la surexploitation des nappes et de l’explosion démographique en Inde).

4 Ostrom E., La Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Éd. De Boeck, 1990, trad. française 2010.

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1. Objet et méthodologie de recherche

1. Problématisation de la demande en eau

Dans les sciences humaines et sociales, l’eau est un domaine d’étude traditionnellement réservé aux géographes. La ressource est étudiée sous l’angle de sa gouvernance, de ses échelons de gestion (E. Hellier, S. Vaucelle), ainsi que sa géopolitique (F. Galland, F. Lasserre). L’eau est un objet territorialisé, phénomène traduit en France par la mise en place de comités de bassins (agences de l’eau) et plus récemment d’établissements publics territoriaux de bassins (EPTB). Les sociologues s’en emparent sur des questions de politique, d’accès, d’inégalités, de mobilisations, s’intéressent aux usagers, aux pratiques et aux usages de la ressource (B. Barraqué, R. Barbier, F. Poupeau, D. Salles). Le monde de l’eau regroupe de multiples acteurs, compétences, souvent décrites en France comme très segmentées. Des économistes travaillent quant à eux sur les réseaux, l’offre et la demande, ainsi que sur les conflits autour du partage d’une ressource commune (O. Coutard, J-D. Rinaudo, O. Bouba-Olga). L’eau est aussi un objet économique, un bien commun, vital pour la mise en œuvre de toute chaîne de production alimentaire et de nombreux services. Objet transverse à de nombreuses disciplines donc, nous sommes partis du postulat que l’eau était aussi un objet urbain, une ressource fortement liée à des logiques territoriales, elles-mêmes rattachées à des fondements socio-économiques, géographiques et historiques.

Nous proposons d’étudier dans un premier temps comment les dynamiques urbaines récentes (métropolisation) intègrent progressivement l’eau comme enjeu d’aménagement, et comment cela se traduit du point de vue réglementaire, des représentations des acteurs, et de leurs pratiques professionnelles. Nous émettons l’hypothèse que la prise de conscience du changement climatique reconfigure en profondeur les pratiques et les usages de la ressource. Face à une raréfaction de la ressource en eau observée à l’international, et attendue en région, la planification territoriale prend un poids d’envergure pour orchestrer les futurs aménagements, l’occupation des sols, l’accueil de nouvelles population. Les procédures d’urbanisme rassemblent en concertation de multiples acteurs aux intérêts différents, et sous l’impulsion de directives européennes et nationales, de nouveaux documents guident la future gestion de la ressource (compatibilité entre les documents d’urbanisme et de gestion de l’eau, insertions de volets eau dans les plans locaux d’urbanisme). Les nouveaux projets urbains intègrent eux aussi la question de la ressource au travers d’une gestion durable du cycle de l’eau (infiltration à la parcelle, gestions alternatives des eaux brutes).

Dans un deuxième temps, nous analysons les dynamiques littorales, en tant que support d’enjeux touristiques qui s’ils ne sont pas nouveaux, regagnent de l’importance au regard de la

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consommation des ressources en eau, foncières, ou de la production de déchets. Le phénomène littoral et les risques qui lui sont afférés (trait de côte, submersion, érosion) interroge fortement les gestionnaires, les élus, les résidents et fait l’objet de stratégies nationales et d’une gouvernance spécifique (Groupement d’Intérêt Public Littoral). En termes d’aménagement, le littoral Aquitain est particulièrement intéressant car héritier d’une mission interministérielle des années 1970-90 (la MIACA) qui si elle inspire toujours les urbanistes en 2020, a aussi fait preuve de limites face aux flux de populations à accueillir et aux aléas climatiques. Le temps est aujourd’hui à la réinvention des territoires littoraux, qui sous influence métropolitaine, gagnent en attractivité et en population.

Dans ce contexte, notre hypothèse de recherche considère que la demande en eau est étroitement liée aux logiques de développement territoriales. Ces logiques sont de plusieurs ordres sur le périmètre géographique d’étude. Une logique métropolitaine, péri-urbaine, littorale, et rurale. Elles dépendent les unes des autres, comme l’illustre les projets de ressource de substitution5 entre Bordeaux métropole et des territoires péri-urbains : tandis que Bordeaux métropole construit en moyenne 10.000 logements/an depuis 2012 et a marqué les esprits avec l’objectif annoncé de « Bordeaux millionnaire à horizon 20306 », la ressource en eau n’est pas infinie en Gironde, car puisée dans les nappes souterraines, dans des aquifères où elle se renouvelle lentement. Pour atténuer la surexploitation des nappes les plus déficitaires (éocènes), des études de projets de substitution sont à l’étude depuis une vingtaine d’années (Landes du Médoc, et plus récemment Sud Gironde). Bordeaux Métropole est le maître d’ouvrage d’un premier champ captant qui sera livré en 2024, situé à une 50e de km au Nord-Ouest de son périmètre administratif. Le projet vise à forer, exploiter des ressources, et à raccorder le champ captant à la métropole. Cette décision ne va pas sans créer des tensions et des conflits entre les usagers7 (sylviculteurs notamment). Les ressources serviront à 60% à la métropole et 40% aux territoires périphériques. Simultanément, d’autres territoires périphériques (en particulier le Sud Gironde) sont menacés par la préfecture de se voir limiter les permis de construire s’ils ne gèrent pas mieux le prélèvement de leur eau et s’ils continuent de surexploiter les nappes les plus déficitaires (éocène).

5 De Grissac B., Guyard C., Vaucelle S., donnent une définition de substitution : « Par substitution, il faut entendre la satisfaction d’une demande, jusque-là assurée à partir d’une nappe surexploitée, à partir d’une ressource non déficitaire. La substitution de ressource n’est mise en œuvre qu’une fois le besoin existant optimisé grâce à des économies d’eau » dans « Chapitre 4 – Analyse économique du partage de la ressource en eau entre Bordeaux et la Gironde » pp. 87-96, in : Barraqué B. (dir.), 2018, Gestion durable de l’eau urbaine. Observations et échanges France-Brésil, éd. Quae, Versailles, 244 p.

6 Alain Rousset avait lancé ce programme lorsqu’il était Président de la Métropole. Depuis l’arrivée d’Alain Juppé en 2014, l’objectif n’est plus affiché, mais les projets d’urbanisme se construisent, tout autant que les réseaux de mobilités se structurent (LGV, lignes de tramway). Ce dynamisme se traduit bien dans les analyses démographiques, qui dépassent les prévisions INSEE et atteignent pratiquement 1 million d’habitants en 2030. 7 Pour consulter les archives et l’historique du projet des ressources de substitution : https://participation.bordeaux-metropole.fr/participation/developpement-durable/champ-captant-des-landes-du-medoc

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La recherche quantitative de la ressource en eau, selon le modèle de gestion à l’œuvre, ici le prélèvement dans les nappes souterraines, est une quête délicate, objet de tensions politiques et sociales. Examinés sous l’angle économique8 et de la solidarité, ces projets de territoire prennent plus de sens. Le SAGE Nappes Profondes de Gironde a en effet décidé le principe de mise en œuvre d’un mécanisme de solidarité à l’échelle de son territoire. Après avoir imposé des mesures d’économies d’eau et remporté un succès certain en la matière, le SAGE a orienté des projets de substitution dans les zones les moins coûteuses. Au travers une négociation entre l’Agence de l’eau Adour-Garonne, le SAGE et la commission locale de l’eau (CLE), un mécanisme de redevances pour service rendu9 a permis de lisser les coûts de mise en œuvre des ressources de substitution pour l’ensemble des usagers : ceux desservis par les dites ressources, et ceux qui n’en bénéficient pas.

La production, l’adduction et l’assainissement de l’eau nécessitent des ouvrages techniques spécifiques, qui dépassent les périmètres administratifs des communes, et incitent les territoires à dialoguer pour mutualiser une ressource, des équipements, des compétences et tendre vers une économie d’échelle. Des interconnexions10 des réseaux d’eau potable entre communes et syndicats d’eau potable existent depuis longtemps afin de procéder à la vente en gros, au dépannage, à sécuriser une alimentation en eau en cas de pollution ou crise. Depuis ces dernières années cependant, une course aux coopérations entre métropoles et territoires périphériques se joue dans plusieurs domaines (déchets, alimentation, santé, forêt, eau)11. Certains chercheurs mobilisent le concept de l’interterritorialité (M. Vanier) pour exprimer l’interdépendance (N. Elias) des territoires les uns vis-à-vis des autres. L’eau est donc un bonne illustration de ressource qui nécessite une planification territoriale et des aménagements urbains spécifiques à son évolution.

1.1.1. La ressource en eau dans les discours d’acteurs

L’entrée par le jeu d’acteurs, démarche propre aux sociologues (M. Crozier), nous a permis d’entrer dans les arcanes du monde l’eau. Nous avons d’abord interrogé des acteurs clés, dont la vision historique de la gestion de la ressource en Nouvelle-Aquitaine a mis en perspective les évolutions passées et les enjeux d’avenir (notamment l’idée du passage d’une vision infinie de la ressource à une vision plus mesurée). Des interviews de scientifiques hydrogéologues nous ont donné une compréhension physique de la ressource, et acculturé au vocabulaire

8 De Grissac B., Guyard C., Vaucelle S., op. cit.

9 De Grissac B., Guyard C., Vaucelle S., op. cit. : « La législation française permet, dans ce type de situation, la mise en place d’une redevance spécifique (redevance pour service rendu) pour faire participer les usagers ayant rendu l’infrastructure nécessaire et ceux y trouvant un intérêt ».

10 Définition Glossaire Eau & milieux aquatiques : « interconnexion » consiste à mettre en liaison de manière réciproque des unités de distribution distinctes dans le but d'assurer la continuité de l'approvisionnement ainsi que la sécurisation qualitative et quantitative de l'alimentation en eau potable de chacune des unités interconnectées. 11 En 2014 Bordeaux métropole a lancé une politique de coopérations bilatérales avec des territoires régionaux (Angoulême, Mont-de-Marsan, Marmande, Saintes, Libourne).

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inconnu des non-initiés (aquifère, nappe éocène, oligocène, miocène, ressource de substitution, interconnexion, champ captant, pour n’en citer que quelques-uns). Des acteurs issus de l’urbanisme ont exprimé les connexions anciennes et plus récentes entre leur domaine d’activité et la question de l’eau sous toutes ses formes, considérée dans son grand cycle. Des élus à l’échelle métropolitaine, départementale et régionale ont partagé des visions d’avenir portées sur les énergies et le développement durable (métropole et région), et sur la recherche d’une solidarité interterritoriale pour le partages de ressources (département).

Au total, 35 entretiens semi-directifs12 ont été menés en Région Nouvelle-Aquitaine auprès d'acteurs politiques, scientifiques, et techniques au sujet de la gestion de la ressource en eau, et de l'aménagement des territoires (avril – juillet 2018). L'objectif était d’une part de révéler un panorama des paramètres qui permettraient d’expliquer la demande en eau, d’autre part de recueillir des témoignages des évolutions passées dans les domaines, afin de projeter des visions de la future demande en eau à horizon 2050. La campagne a été menée entre des services de Suez Eau France, de la Bordeaux Métropole, du Département de la Gironde (33), du SCoT de la métropole bordelaise (SYSDAU), de la région Nouvelle-Aquitaine, du SCoT Sud Gironde, de l’Agence d’urbanisme (A’Urba), de l’ENSEGID, de Passages, du SMEGREG et du BRGM, soit à la fois des collectivités, des institutions et des universitaires. Une deuxième campagne d’entretien fut menée au sujet du tourisme par un stagiaires étudiant en urbanisme recruté dans le cadre d’ADEQWAT. Nous avons participé à certains entretiens pour le démarrage de ce travail (Cf. Annexe 1). Les questions portaient sur les acteurs sur la fabrique de la ville (nouveaux projets urbains et rénovation du cadre bâti), sur la demande en eau, sa raréfaction, les enjeux partagés entre eau et urbanisme, l’évolution de la consommation d’eau potable, les politiques de l’eau. Enfin des questions ciblaient la prospective 2050 : les acteurs donnaient leur avis sur les transformations probables et plausibles, et certains se lançaient dans des scénarios (Cf. annexe 2).

Les personnes interrogées ont des formations et des parcours professionnels différenciés. Leurs positionnements face à la ressource en eau le sont tout autant. Pour le directeur du pôle eau potable chez l’exploitant de Bordeaux Métropole, l’eau préside aux autres domaines, lui-même se qualifiant être « au cœur de la ressource ». Pour le directeur des stratégies et dynamiques territoriales de Bordeaux Métropole, impliqué de près dans la fabrique de la ville, la ressource est un service, voire un sujet secondaire, et lui-même se positionne « en retrait de la ressource ». Pour le directeur du service Énergies, Écologies et du Développement durable à la métropole, l’eau est à replacer « parmi un ensemble de ressources » : il la perçoit comme l’un des moyens de produire de l’énergie. Pour un urbaniste de l’agence d’urbanisme de la métropole, l’eau est l’une des composantes de la fabrique urbaine, dominée par les autres. Pour un hydrogéologue

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de l’ENSEGID, la ressource est au cœur de ses activités. Il forme les étudiants et les pouvoirs locaux aux enjeux d’avenir relatifs aux ressources naturelles.

Des thèmes saillants émergent des entretiens réalisés : la demande en eau est d’abord relative aux préoccupations du jeu d’acteurs concerné. Entre ceux qui fabriquent la ville de demain, qui élaborent des stratégies politiques et urbaines et qui produisent l’eau, les attentes et projections ne sont pas les mêmes (mais des rapprochements inédits s’opèrent entre secteurs pour collaborer) ; la demande peut se comprendre au travers de ses modes de gestions (des usages, des consommations, des ressources : comment passe-t-on d’un régime où la ressource est « infinie » à un régime d’économie et de gestion fine ?) ; la question des échelles d’actions donne à lire une demande différente selon l’échelle observée (quelle serait la bonne échelle d’action ? Le bassin Adour-Garonne, la Région, le Département, le syndicat de gestion d’eau, la métropole, la ville, le quartier ?) ; enfin, les scénarios de la future demande en eau sont dépendants de variables socio-économiques et urbaines qu’il convient d’incorporer aux projections.

1.1.2. L’entrée par l’urbanisme et la planification territoriale

Pour approfondir les témoignages d’acteurs et les faire discuter de leurs pratiques, nous avons mobilisé une technique d’enquête propre aux architectes-urbanistes : l’étude de documents d’urbanisme et de projets urbains. Choisis pour leur exemplarité, les documents d’urbanisme sélectionnés – les SCoT, Schéma de cohérence territoriale – considèrent trois typologies de territoires : la métropole (SYSDAU), le littoral (SCoT Lacs médocains) et le rural (SCoT Isle en Périgord). Depuis la directive cadre sur l’eau de 2004, les documents de gestion de l’eau (SAGE et SDAGE) doivent être compatibles avec les documents d’urbanisme, dont les SCoT font partie. Documents réglementaires, ils sont approuvés par des élus politiques, des représentants des collectivités territoriales (région, département) et des chambres consulaires après des concertations menées auprès des habitants pendant 3 à 5 ans. En 2020, 95% des communes en France sont couvertes par un SCoT13. La question de la ressource y est encore peu présente. Si l’eau est mentionnée, les éléments sont souvent des reprises de ceux trouvés dans les SAGE. Plus que pour en apprendre sur l’avenir de l’eau, l’étude des SCoT est utile pour comprendre l’avenir des dynamiques territoriales, quels projets territoriaux se dessinent pour les habitants : combien de logements supplémentaires seront construits ? Quels espaces naturels seront préservés ? Quels modes de transports et de mobilités sont prévus ? Quelle sera l’évolution démographique de chaque type de territoire ? Comment le secteur touristique s’y développe ?

13https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/le-scot-un-projet-strategique-partage-pour-le-developpement-de-lamenagement-dun-territoire.

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Afin d’éclairer la pratique contemporaine d’aménagement urbain d’une aire métropolitaine, deux opérations urbaines de Bordeaux métropole ont été analysées pour leur gestion durable de la ressource en eau : Bègles Terres Sud et Euratlantique. Elles illustrent la tendance actuelle des villes à la « naturalisation » et à la valorisation de l’eau comme élément structurant du projet, mais aussi la prise en compte des risques (submersion notamment) qui lui sont afférés. Ces projets se distinguent par leur échelle, leur programmation et leur forme urbaine. L’écoquartier Terres Sud a été conçu par une équipe d’architectes-urbanistes locaux dans une ville écologiste (14ha), tandis que l’opération Euratlantique, projet d’envergure, a été confiée à un opérateur public d’aménagement autour de la gare de Bordeaux St Jean (740ha) (Cf. annexe 13).

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2. Démarche méthodologique

1.2.1. Collaboration pluridisciplinaire

ADEQWAT a réuni un consortium de chercheurs issus de plusieurs disciplines – hydrogéologie, sociologie, architecture. La première condition de travail a été la création d’un espace de dialogue au sein duquel chacun puisse s’entendre et collaborer. Lors de la première réunion de pilotage, une incompréhension mutuelle se faisait ressentir. Les sociologues-architectes démarraient leurs recherches sur le thème de l’eau, et les hydrogéologues étaient peu habitués des analyses qualitatives. La première campagne d’entretiens semi-directifs menée du côté des sociologues a permis de jeter un pont entre les deux cultures. Interrogés à la fois du secteur de l’eau et de celui de l’urbanisme, les acteurs ont fait ressortir un élément d’intérêt pour les deux équipes : plus que la gestion de la ressource en eau, l’aménagement des territoires est planifié sur 20-30 ans dans des documents d’urbanisme (SCoT notamment). C’est donc par l’entrée de l’aménagement territorial et des dynamiques démographiques qui leur sont associées que nous avons interrogé l’avenir de la ressource, du climat, des modes de vie, des futurs usages de l’eau.

Au fil des réunions de travail, les équipes se familiarisent aux méthodes et aux outils des uns et des autres. Les hydrogéologues expliquent le fonctionnement du modèle hydrodynamique MONA14, alors en cours d’amélioration dans le cadre d’une thèse15. Des réunions régulières au LyRE (comité scientifique et réunions entre partenaires Adeqwat) ou à l’ENSEGID donnent l’occasion d’échanger sur les avancements des uns et des autres. Deux comités de pilotage ont également eu lieu à Bordeaux métropole, au démarrage du projet, puis au retour des terrains menés à Los Angeles et à Hyderabad. Les travaux ont également été présentés à plusieurs congrès de recherche spécialisés sur l’eau (SHF, JDHU), dans des instances professionnelles (ASTEE) et institutionnelles (congrès national des SAGE). Un an et demi après le début du programme, l’organisation d’un séminaire de prospective organisé par les sociologues à l’école nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux célèbre un rapprochement certain : 40 personnalités - chercheurs, politiques, praticiens - issus des deux mondes ont échangé leurs points de vue lors d’une matinée dédiée à l’élaboration de plusieurs scénarios - visions 2050 sur l’avenir de l’eau en Nouvelle-Aquitaine. L’ensemble des partenaires a été mis à contribution pour animer les tables-rondes, produire des synthèses, aider à organiser

14 Pour plus de détails sur le modèle hydrodynamique Nord-Aquitain : http://sigesaqi.brgm.fr/Qu-est-ce-que-le-MONA.html

15 Aissat R., « Développement d’outils d’optimisation innovants pour la modélisation d’un système aquifère régional dans un contexte de changement global », thèse d’hydrogéologie en cours, sous la dir. de Pryet A. et Dupuy A., co-encadrement Saltel. M.. En préparation depuis 2016.

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l’événement en mobilisant leurs contacts. Les visions croisées ont été prises en compte pour élaborer des scénarios de la demande en eau à horizon 2050.

Après deux ans de collaboration, prenons du recul sur le partenariat et essayons d’apporter des pistes d’amélioration pour les prochains programmes de recherche alliant sciences de l’ingénieur et sciences humaines et sociales. Le « point noir » reste à nos yeux l’objet de modélisation statistique. Les ingénieurs ont besoin de modéliser la ressource en eau, afin de l’observer dans le temps, et d’anticiper les futurs prélèvements. Ils mobilisent un ensemble de données hydriques et démographiques sur un territoire hydrographique. Les scénarios qu’ils projettent mobilisent un nombre restreint de variables (consommation, démographie, fuites, économies). Les sociologues eux, interrogent des acteurs du domaine de l’eau, de la politique, de l’aménagement du territoire, afin de comprendre les stratégies et les prévisions d’avenir qu’ils mènent. En plus des discours et de leur mise en récits, ils compilent des statistiques sociodémographiques et économiques à l’échelle de plusieurs territoires, ici à l’échelle des SCoT. L’incorporation des données sociologiques aux données physiques s’avère complexe. La question des échelles a été en partie résolue (jonction des forages – syndicats aux communes, aux SCoT et au MONA). Ce qui n’est pas résolu est l’écriture des scénarios. Pour de futures collaborations, il semblerait pertinent qu’ingénieurs et sociologues repartent des scénarios produits côté sciences humaines pour cibler les variables à quantifier, et réajuster les scénarios pour qu’ils fassent sens pour les deux équipes.

Nous avons eu des difficultés à recruter des stagiaires du fait des compétences nécessaires à la compréhension et à la réalisation des taches prévues. Côté urbanisme, nous recherchions un étudiant spécialisé en environnement ; côté statistique, nous recherchions un étudiant spécialisé en sciences humaines et sociales, ce qui a été laborieux, et a entraîné un raccourcissement de la durée du stage initialement prévue à 6 mois, ce stage n’a duré que 3 mois et demi. Bien que la base de travail fournie par l’étudiant géomaticien soit assez solide pour poursuivre, les projections n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Aussi la participation des stagiaires pourrait, dans un prochain projet, être encore plus anticipée en ciblant d’entrée de jeu les établissements et les responsables de Master correspondant pour garantir un recrutement qui réponde aux enjeux de la recherche, et une temporalité qui entre en adéquation avec le calendrier du programme. Les stagiaires ont été présentés aux partenaires de l’ENSEGID, du BRGM, et du SMEGREG et ont été amenés à leur présenter leurs résultats. Pour aller plus loin, il semblerait utile autant d’un point de vue scientifique qu’institutionnel, de co-encadrer des stages entre partenaires de projet.

L’accès aux données enfin est un obstacle souvent de mise dans les projets de recherche. Dans le domaine de l’eau il apparaît d’autant plus sensible. Nous aurions pensé que ce soit la protection de données individuelles qui pose le plus problème. En réalité, les données mobilisées dans ce projet sont agrégées, et respectent l’anonymat des individus. Le plus difficile est le jeu d’acteurs en concurrence au sujet de la future demande en eau. Entre décideurs

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politiques, groupes industriels, collectivités, bureaux d’études, les entrées sont multiples mais pas toujours ouvertes. Dans un prochain projet, il serait tout à fait utile d’organiser des ateliers multi-acteurs pour mettre en commun les données utiles à la projection de la demande en eau. En région Nouvelle-Aquitaine, on pourrait ainsi imaginer un groupe composé du LyRE, de l’ENSEGID, du BRGM, du SMEGREG, de la région (PIGMA) qui collaborerait pour mettre à une échelle commune leurs données, et se mettrait en accord pour fonder une méthodologie de projection. Les bases sont déjà là, fondées par le SMEGREG et le BRGM à l’échelle départementale.

Les équipes manifestent tout l’intérêt, autant scientifique que personnel, qu’elles ont eu à collaborer sur cet objet de recherche. L’exploration devra se poursuivre, sur la base de ces premiers acquis méthodologiques et empiriques.

1.2.2. Terrains en Nouvelle-Aquitaine et comparaisons internationales

La Nouvelle-Aquitaine est le terrain central du programme ADEQWAT, programme rédigé par des équipes de chercheurs de laboratoires bordelais qui collaborent avec des partenaires scientifiques, politiques et industriels en région Nouvelle-Aquitaine (Agen notamment). Les hydrogéologues travaillent à l’échelle du Modèle hydrodynamique Nord Aquitain (MONA)16 développé par le BRGM

dans les années 1990, dont l’emprise spatiale couvre la totalité du département de la Gironde, une grande partie de celui des Landes, l’essentiel de celui de la Dordogne, le nord et l’ouest du Lot-et-Garonne, le nord-ouest du Gers, et le sud de la Charente et de la Charente-Maritime (Figure 2).

BRGM

16 Le modèle hydrodynamique MONA « développé par le BRGM et initié pour apporter des réponses à la problématique de l’effondrement des niveaux de la nappe de l’éocène en Gironde, a connu, depuis le début des années 1990, de nombreuses évolutions. Il répond principalement à des problématiques de nappes profondes à renouvellement lent. Outre l’aide qu’il apporte à la compréhension du fonctionnement des systèmes aquifères, il constitue un auxiliaire de diagnostic, d’évaluation et de gestion des eaux souterraines en appui aux politiques publiques » (extrait site : http://sigesaqi.brgm.fr/Qu-est-ce-que-le-MONA.html).

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Les enquêtes ont principalement été menées à Bordeaux Métropole (cf. 2.2. La condition métropolitaine, l’alliance des territoires). Une enquête courte (3 jours) sur l’Agglomération d’Agen a permis de découvrir le dynamisme de ce site sur la question de l’eau, moteur pour la région. La COP47, clin d’œil à la COP21, y a été organisée en 2018 à l’initiative du Cluster Eau & Climat, au même moment où le Train de Climat passait par le chef lieu du Lot-et-Garonne en Nouvelle Aquitaine, particulèrement touché par le réchauffement climatique. Nous avons profité de ces évènements pour interroger une série d’acteurs (élue régionale en charge de la transition énergétique, cadres de l’Agglomération, un ancien Sénateur, et des industriels du Cluster) et observer des conférences publiques données au sujet de l’adaptation au changement climatique. Agen, ville de 34 000 habitants, est à distance des brises océaniques et montagneuses. Des périodes caniculaires plus fréquentes poussent au recours à la climatisation et à des consommations énergétiques accrues (PLUI Agglomération Agen, Diagnostic climatique). L’eau est au cœur des préoccupations locales, notamment pour les usages agricoles. Comment continuer à cultiver des noisettes et du maïs, cultures grandes utilisatrices d’eau ? Au-delà des systèmes technologiques en place (compte-goutte économes), les pratiques de production, commerciales, et les modes de vie sont fondamentalement questionnés17. Des générations d’agriculteurs sont amenés à changer leur modèle de production. Lors du congrès observé, certains enjoignent les consommateurs à ne plus acheter de noisettes si eux-mêmes n’en produisent plus : cela serait en effet paradoxal pour l’empreinte écologique d’importer des produits cultivés à l’autre bout de la planète. C’est bien là le cycle de production-consommation qui est soumis à des ruptures.

Dans ce contexte tendu, à l’initative d’industriels, de centres de recherche et de décideurs politiques, le Cluster Eau & Climat est né à Agen en 2014. Inspiré par les résultats du programme de recherche ADAPTACLIMA18 qui révélaient, entre autre, des différences de températures de 12°C entre le niveau des jardins et celui des parkings, le Cluster oriente ses actions sur l’eau comme l’une des solutions à l’adaptation au changement climatique. Il travaille sur les sondes de détection de stress hydrique des cultures et sur le déclenchement de l’arrosage automatisé, dosé. Il prône l’application des principes d’une écologie méditerranéenne basée sur l’imbrication entre l’eau et le végétal. Planter des végétaux, les arroser, provoquer l’évapotranspiration et ainsi rafraîchir la ville. Ces logiques et ces techniques entraînent une consommation d’eau, ressource pourtant limitée. C’est donc en partie vers l’eau de pluie que le Cluster se dirige. Le projet SISENAS (Stockage Inter Saisonnier Eau dans les Nappes Alluviales et de Surface19) expérimente la collecte et le stockage d’eaux pluviales sur

17 Observation à Agen de la COP 47, 5-6-7 novembre 2018, table-ronde sur les futures pratiques agricoles entre un scientifique hydrogéologue, un producteur de noisettes, animée par le Cluster Eau & Climat.

18 ADAPTACLIMA : Changements climatiques, quels effets et adaptation pour l’agriculture périgourdine ? Programme financé par les régions et les fonds FEDER, il s’articule autour de coopérations entre les territoires du sud-ouest européen, l’Espagne, le Portugal, la France et Gibraltar.

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une zone d’activités industrielles. Le dispositif, déployé à grande échelle, pourrait améliorer le confort urbain, réduire les besoins énergétiques de climatisation et proposer un « mode d’emploi » sécurisé depuis le choix du lieu de recharge jusqu’au potentiel de récupération estivale.

Si les acteurs interrogés se sont exprimés depuis leurs points de vue et pratiques localisés à Bordeaux ou à Agen, ils ont aussi témoigné au sujet de dynamiques à l’œuvre à l’échelle départementale, régionale voire internationale. Quant aux données statistiques collectées auprès d’eux, elles ont été associées à l’échelle du MONA. À chaque fois que cela était possible, nous sommes partis de données présentées à l’échelle communale pour composer un groupement de communes correspondant à l’emprise du MONA.

En plus de l’enquête régionale, nous avons mobilisé la comparaison internationale, méthode valorisée aussi bien au laboratoire PAVE qu’au Centre Émile Durkheim (UMR 5116 Université de Bordeaux) auquel il est associé. Afin de mettre en perspective les problématiques locales avec d’autres contextes climatiques, politiques, urbains, démographiques et culturels, la question de la demande en eau a été mise en perspective avec des terrains internationaux à Los Angeles (Californie, USA) et à Hyderabad (Telangana, Inde) (Figure 3). Nous avons adopté une démarche similaire sur les deux terrains. Dans un premier temps, nous avons pris contact avec des scientifiques experts de la question de l’eau : E. Porse à Los Angeles, F. Landy à Pondichéry. Ces scientifiques nous ont renvoyé vers la littérature essentielle sur la question de l’eau, ses modes de gestion, ses cultures et représentations associées et les enjeux d’avenir qui la concerne. Dans un deuxième temps nous avons mobilisé des contacts du groupe Suez pour réaliser des entretiens via Skype avant le départ. Le groupe étant présent dans plusieurs villes indiennes, nous avons recueilli les témoignages de plusieurs cadres sur les marchés de l’eau en Inde, les enjeux sociétaux majeurs et les transformations à venir. Pour l’enquête californienne, nous avons profité de la présence d’un de nos proche, alors conseiller scientifique au consulat de France de Los Angeles, pour contacter des associations, gestionnaires, et autorités publiques. Un biologiste français en charge de la qualité de l’eau au service d’eau de la ville nous a aidé à nous immerger dans les problématiques locales, et à visiter une usine de production d’eau potable et un réservoir. Les enquêtes ont duré une semaine, le temps d’interroger une 10e d’acteurs et experts, et de réaliser des visites de terrain (cf. partie 4).

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1.2.3. Séminaire prospectif : l’avenir de l’eau en région Nouvelle-Aquitaine

Pour l’exploitant d’eau potable et les autorités publiques, mieux comprendre la demande peut se traduire par une gestion affinée de la production d’eau potable et par des économies. Un cadre de l’exploitant de Bordeaux Métropole souhaiterait « maîtriser la demande » afin d’optimiser des logiciels de commande, mais témoigne des nouvelles actualités complexe relatives à la demande : « Je ne dis pas qu’aujourd’hui il y a des problèmes, mais le sujet d’accroître la ressource est un sujet d’actualité. Pourquoi ? Parce que croissance démographique, usages, réchauffement, tourisme… et on voit que… le tourisme au sens large, l’œnotourisme, les grandes activités évènementielles (fête du fleuve, fête du vin) concourent à avoir des demandes en eau très différentes de ce qui se passait il y a dix ans. Par exemple les bateaux qui arrivent en ville : une journée il n’y en a pas, le lendemain il y a 3500 personnes qui arrivent en ville. Alors c’est vrai, on dit que c’est bon pour le commerce, il y a du positif, du négatif ».

L’enquête par entretiens terminée, nous avons cherché à stabiliser les visions d’avenir collectées. La forme d’un séminaire collectif a été retenue pour faire débattre un panel d’acteurs issus du monde de l’eau et de l’aménagement territorial le temps d’une demi-journée à l’école d’architecture de Bordeaux. Les experts avaient pour la plupart été interrogé individuellement en entretiens semi-directifs, ou avaient été recommandés par leurs pairs lors des entretiens. Ils

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agissent à différentes échelles : Région, Département, Métropole, Agglomération, Bassin versant, SCoT, syndicat et service d’eau. Ils sont spécialistes de la planification/gouvernance territoriale et urbaine, du tourisme, du climat, et de la gestion de la ressource en eau. Ils sont aussi élus communaux, métropolitains, chercheurs en sciences humaines, hydrogéologues, ingénieurs. Certains représentent les usagers. L'objectif était à partir des histoires de leurs secteurs, de récolter leurs opinions sur des paramètres, tendances, signaux à anticiper pour l’avenir de la gestion de l’eau.

L’équipe multi partenariale de chercheurs – LyRE, ENSEGID, PAVE, BRGM – a accueilli les participants et animé les débats (cf. annexe 5, 6, 7). L’équipe a soumis les participants à un exercice de rétroprojection afin d’encourager celui de projection : « dans votre milieu professionnel, ou sur ces thématiques, qu’est-ce qui a changé en 10, 20, 30 ans ? » et « sur la base du vécu de ces évolutions passées, comment envisagez-vous 2050 ? Changements radicaux, tendanciels ?». Anne Walryck, élue auprès du Maire de Bordeaux et Vice-présidente de Bordeaux, délégation Développement Durable, était invitée en tant que grand témoin, à circuler entre les groupes et à discuter les visions restituées par les chercheurs en fin de séminaire. Trois visions pour 2050 ont simultanément été animées et débattues : l’alliance eau & urbanisme ; L’empire du smart ; La donne qualité. Chaque table était animée par un chercheur en sciences humaines et sociales et un hydrogéologue, partenaires d’ADEQWAT. Des stagiaires et une doctorante ont aussi aidé à l’animation20. Les acteurs ont été invités à échanger sur les échelles d’action et de modes de gouvernance de la ressource sur le territoire régional : un certain nombre d’obstacles évoqués oblige à ajuster leurs projections pour 2050.

1.2.4. Les projections statistiques, modèle multivarié

Scientifiques, gestionnaires, autant qu’élus sont désireux de projeter les futurs besoins des populations. Les projections permettent d’anticiper au mieux les quantités à produire afin de satisfaire la demande par l’offre correspondante. Cela est vrai pour l’eau, mais aussi pour une gamme de services (logement, mobilités, énergies). L’idée de projection a guidé notre enquête de terrain, et à chaque entretien, des données statistiques ont été collectées. Si certains indicateurs peuvent apparaître éloignés de la question de la demande en eau, ils ont été mentionnés par nos interlocuteurs comme pouvant faire varier les usages, les besoins, ou la demande en eau. (Cf. annexe 12). Ils sont organisés en différentes rubriques : dynamiques territoriale et urbanisme, climat et milieux naturels, socio-démographie, équilibres économiques, ressource en eau. Chaque catégorie a fait l’objet de récolte de séries statistiques. Nous sommes passés par des organismes nationaux comme l’INSEE (démographie), SITADEL (logement), régionaux comme la plateforme PIGMA (occupation des sols, équipements), Départementaux comme le SMEGREG, des SCoT (Bordeaux Métropole, Lacs médocains,

20 Julien Rousseau, étudiant M2 urbanisme ; Hugo Senges, étudiant M1 géomatique ; Ryma Aissat 2e année de doctorat en hydrogéologie (ENSEGID-BRGM).

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Périgord), métropolitains comme l’Agence d’urbanisme, et par le délégataire de service d’eau potable Suez. Les données relatives à la « ressource en eau » sont collectées par nos partenaires hydrogéologues du BRGM et de l’ENSEGID. Nous nous sommes concentrés sur les rubriques socio-économiques et urbaines, qui enrichissent la compréhension générale de la future demande en eau.

Nous avons encadré le travail d’un stagiaire pendant 3 mois (mai-août 2019) pour compléter la récolte de données et les traiter. Hugo Senges, stagiaire étudiant en M1 de l’École Nationale Supérieure de Géographie (Paris) a travaillé au LyRE et proposé une modélisation (format Python) pour projeter les données explicatives de la demande en eau à horizon 2050. Ce modèle tente, par la considération de paramètres socio-économiques et urbanistiques, d’expliquer la future demande en eau. Hugo Senges a travaillé d’abord à l’échelle de Bordeaux Métropole (analyses transversales et longitudinales concluantes) puis à l’échelle du MONA (modèle de prévision reste à affiner). Les données implémentées dans la base de donnée se lisent sur 5 échelles distinctes (Figure 19), ce qui génère des difficultés (pour plus de détail se référer au rapport de stage section VI p. 19).

1/ La Commune : échelon de base du découpage territorial français, c’est l’entité la plus aisément manipulable en plus d’être celle pour laquelle les données disponibles sont les plus nombreuses et les plus fiables. On peut dans ce cadre s’appuyer sur les données de l’INSEE issues des divers recensements de la population, qui garantissent grâce à la stabilité́ de cet échelon la possibilité́ de mener des analyses rétrospectives pertinentes.

2/ Le Syndicat : central dans la définition du modèle puisque la variable à expliquer y est donnée, il s’agit d’agrégation stricte de communes. Ils correspondent au périmètre d’action d’un service de distribution et d’assainissement d’eau potable. Relativement stables dans le temps, on note cependant quelques évolutions dans le périmètre de certains d’entre eux dans la zone d’étude depuis une quarantaine d’années. La loi de Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) de 2015 réduit le nombre de structures syndicales.

3/ L’EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale, mieux connu sous la dénomination de Communauté́ de Communes. La loi NOTRe accélère le regroupement des communes en passant d’une taille minimale des EPCI de 5000 à 15 000 habitants. On y trouve un grand nombre d’informations relevant de l’urbanisme, de l’aménagement ou de l’équipement public et de l’activité́ économique. Produites directement par les EPCI et publiées sur des plateformes régionales de partage de données, comme PIGMA en Nouvelle-Aquitaine, ces informations viennent enrichir le modèle de façon conséquente. Toutefois l’absence de correspondance entre cette entité́ et les syndicats entraine une perte de fiabilité́ de celles-ci lorsqu’on les ramène à cette dernière échelle.

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4/ La Zone d’Emploi : définie par l’INSEE, ce périmètre n’a pas de réalité́ administrative. Il n’est qu’une construction statistique qui vise à comprendre comment le marché́ de l’emploi se structure en « Bassins d’activités » qui rattachent les espaces périphériques à un pôle urbain d’activité́. A cette échelle se trouvent des informations sur le marché́ de l’emploi, la nature des activités et l’extension du rayonnement des pôles urbains. Elle n’est pas stable et varie tous les dix ans lorsque la méthode de calcul de l’INSEE change.

5/ La Zone Omphale : La plus artificielle de toutes, elle est le produit d’une commande à l’INSEE visant à produire des projections sur l’évolution de la population. Le périmètre, pour autant qu’il soit une agrégation de communes, ne relève que d’un critère, celui de rassembler en son sein plus de 50 000 habitants en 2015. Le découpage des zone a été produit par Julien Rousseau, stagiaire urbaniste, et a suivi autant que possible les périmètres des SCoT. Si les SCoT ne comprenaient pas 50 000 habitants, ils ont été fusionnés pour atteindre les 50 000 (Figure 4).

Laura Brown, Julia Barrault, Guy Tapie, Julien Rousseau 2019

Des analyses rétrospectives ont été ensuite été menées pour tester le comportement du modèle. Il s’avère que le modèle retranscrit bien la tendance passée de consommation d’eau de Bordeaux Métropole (Figure 5). Globalement, les résultats statistiques sont plus probants en milieu urbain et péri-urbain que sur l’ensemble de la zone MONA. Cela s’explique en partie par la concentration majeure de population dans ces zones, les espaces urbains représentent l’essentiel de la demande en eau.

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Laura Brown, Julia Barrault, Guy Tapie, Hugo Senges 2019

L’usage des données a servi à plusieurs niveaux : d’abord à compléter les données sociodémographiques et urbaines mobilisées dans les projections de la demande en eau. Traditionnellement, les projections mobilisent uniquement la variable démographique comme prise en compte de l’homme sur les territoires. En ajoutant les zones à urbaniser, le nombre de résidences secondaires et la valeur du foncier, la présence de l’homme est plus finement qualifiée. Les indices météorologiques sont aussi pertinents à intégrer, autant sur le long terme (températures moyennes) que sur des pics (journées à + de 30°C) qui peuvent être associés à des pics de consommation d’eau. L’analyse transversale réalisée sur le cas de Bordeaux métropole en 2015 montre que les variables utilisées dans le modèle semblent bien expliquer la consommation d’eau potable de la Métropole. Il ressort enfin que les analyses sont plus justes lorsqu’elles sont menées sur des territoires urbains ou péri-urbains, là où la demande en eau est la plus concentrée.

1.2.5. Territorialiser la demande en eau

Le travail de projection statistique et sur les échelles territoriales nous a guidé dans la démarche de territorialiser la demande en eau. L’échelle des SCoT apparaît la plus pertinente : d’abord parce qu’elle est représentative des dynamiques sociodémographiques, économiques et urbaines des territoires (ils ne se limitent pas aux villes ni aux campagnes mais englobent des bassins de vie en associant préoccupations métropolitaines et péri-urbaines, petites villes et ruralité). Ensuite parce que les projets des SCoT sont approuvés d’un point de vue juridique, ils font autorité pour rédiger les documents réglementaires d’urbanisme, notamment les PLU, et sont aussi au cœur des futurs SRADDET. Également parce que ces périmètres regroupent généralement des masses de population de plus de 50 000 habitants, qui entrent dans les méthodes de projection de l’INSEE avec la méthode Omphale. Enfin parce qu’ils agrègent des communes et des intercommunalités, échelons stables dans le suivi de l’INSEE, les SCoT sont

Figure

Figure 1 - Deux volets : demande - ressource dans un contexte de changements globaux
Figure 2- Emprise du MONA
Figure 3 - Cartographie des terrains d'études
Figure 4 - Zonage du MONA par SCoT et zones de plus de 50 000 habitants
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