ARTheque - STEF - ENS Cachan | Biodiversité et biotechnologies dans la formation du citoyen, scolarité obligatoire et formation professionnelle

ATELIER "BIODIVERSITÉ"

Denise ADLER (l), Olivier MERCIER (2), Raùl GAGLIARDI (3)

(1)Université de Genève, (2) Institut Suisse de Pédagogie pour la Fonnation Professionnelle,(3)Université de Pavie

MOTS-CLÉS: BIODIVERSlTÉ - ÉDUCATION POUR L'ENVIRONNEMENT-PENSÉE COMPLEXE

RÉSUMÉ: Depuis que le sommet de Rio a mis en évidence la pene de biodiversité et la menace que celte détérioration fait peser sur l'humanité, la nécessité d'intégrer la ce thème dans l'éducation est clairement établie. Des travaux préparatoires et des initiatives de terrains ont déjà été entrepris. Cet atelier constitue une mise en commun régionale des réflexions et pratiques éducatives, afin d'envisager les perspectives de développement de celte iliématique dans l'enseignement formel et non formel.

SUMMARY : Since the Earth's Summit of Rio, has enlightened the lost of Biodiversity and the threaili that il represent for mankind. the the need of integrate this issue into the educational programs has been weil documented. This workshop aims to collect and discuss thoughts and practices. in order to implement this issue into environmental education.

1. BRÈVE PRÉSENTA nON THÉMATIQUE ET PÉDAGOGIQUE 1.1 Les savoirs de référence

Tout d'abord, une définition:8iodiversiré(ou diversité biologique) est un tenne utilisé pour décrire la variété des gènes, espèces et écosystèmes qui caractérisent la biosphère terrestre. C'est un néologisme, aussi préfère-t-on souvent parler simplement de diversité biologique.

Cette ressource, plutôt négligée dans notre civilisation d'objets et de profits, assure des fonctions essentielles: régulation du climat et du cycle du carbone, sécurité et potentialité d'adaptation, potentiel évolutif, etc. Celte menace sur l'environnement est particulièrement inquiétante, car l'accélération des disparitions d'espèces signifie que des possibilités futures sont supprimées (Mann ion, 1996). L'irréversibilité du phénomène rend toute perte définitive, sans aucune possibilité de restitution ultérieure. L'intérêt du sujet tient dans les multiples possibilités d'étude de la variété et de la variabilité. La difficulté est en partie liéeàla nouveauté, mais aussi dans sa relative immatérialité: ce n'est pas un objet mais une qualité d'un ensemble.

Actuellement, qui peut imaginer l'ampleur et la gravité de ce problème? En effet, sont menacés: 10% des espèces végétales des régions tempérées, Il % des 9000 espèces d'oiseaux du monde. Pendant les 20 ou 30 prochaines années, la biosphère risque de perdre plus d'un million d'espèces.. On estime que le taux d'extinction atteint 100 espèces / jour (1000 fois le taux estimé "nonnal").. En raison de la destruction des forêts tropicales, 130000 espèces qui n'existent pas ailleurs sont menacées. La disparition concerneàla foisledommaine connu et l'inconnu: l'estimations du nombre d'espèces inconnues est d'environJOmillions. L'évantail des estimation constitue une gamme variant entre 5à100 millions (Barbault, 1991).

1.2 Approches pédagogiques de la biodiversité Afin d'aborder de sujet vivant de façon approprée, on peut:

- observer la variétéàl'intérieur d'une espèce et entre les espèces dans le préau ou en promenade - identilier les plantes, les animaux, les écosystèmes

- dénombrer les différentes espèces dans un milieu limité - définir la biodiversité, l'espèce, l'écosystème

- valoriser par l'utilisation non destructive: 25%des médicaments disponibles proviennent des plantes tropicales

Bien sûr, il s'agira de ménager et protéger la forêt tropicale... Beaucoup de personnes en sont persuadées, même s'il est souvent difficile d'envisager les implications pratiques. Mais il est aussi indispensable de protéger toute la panoplie des écosystèmes, des plus arides aux plus humides, les proches comme les lointains.

La routine de l'enseignement ne se soucie pas du domaine juridique. Pourtant, ilest essentiel de connaître la législation en vigueur, au niveau international, où le texte est très clair (Convention sur la biodiversité 1992/93), et aussi au niveau local.

L'éducation pour l'environnement n'ayant pas pour but de susciter des angoisses stériles, les premiers contacts avec la réalité de ce problèmes seront complétés par une étude aprofondie visant la mise en pratique de solutions au niveau local, en constituant peuàpeu un savoir interactif au fil des analyses, discussions, compréhension, et comme aboutissement, des recherches de solUlions, négociées puis mises en application.

2. PRÉSENTATION DE TROIS ENQUÊTES MÉTHODE ET RÉSULTATS

2.1 Conceptions d'étudiants de premier cycle en sciences de l'éducation

Afin d'apprécier si les étudiants étaient conscients de la menace constituée par la pene de biodiversité. le questionnaire commence par des questions générales, ou par des questions qui concernent la biodiversité, mais sans en donner le terme sur la première page. Au verso. dès la question 6. les deux mentions de "diversité" sont placées parmi d'autres questions. Le questionnaire a été proposé lors d'un cours "biologie et éducation" qui traitait de biologie humaine. avant d'aborder le sujet, et les étudiants n'étaient pas informés de la suite des thèmes. Les deux premières questions étaient les suivantes:

1. Actuellement, selon vous, qu'est-ce qui est menacé dans l'environnement, en général dans le monde? Indiquez plusieurs exemples en commencant par les plus importants.

2. Pourquoi. dans un endroit. les organismes ne peuvent pas être tous pareils?

Aucun étudiant n'a cité la biodiversitéà la question l, et peu de réponses faisaient référence aux disparitions d'espèces. La réponse la plus fréquente était la pollution. Par contre. à la question 2. les différences génétiques ont été citées quatorze fois. Il est étonnant que les connaissances génétiques qui apparaissentàla question 2 n'aient pas pu être mobilisées aussi pour la question 1. On peut poser l'hypothèse que la fonnulation des questions a incitéà mobiliser des savoirs d'origines différentes: médiatiques pour la question 1 et scolaires pour la question 2. De plus. il est probable que ces savoirs ne sont pas aniculés, de sorte que les bases cognitives ne semblent pas liéesà une pragmatique, d'où probablement un défaut d'utilisation.

2.2 Conceptions d'apprentis

Le questionnaire sur J'environnement a été construit avec 5 questions ouvertes. Dans cet anicle. nous analyserons uniquement les questions 1 et 3. Leur énoncé est le suivant:

1. Selon toi, quels sont les principaux problèmes d'environnement, dans le monde? Cites-en 3 par ordre d'imponance, en commençant par le plus grave.

3.Les plantes sauvages d'espèces différentes ont des fleurs qui ont des formes, des couleurs et des parfums variés. Pour quelles raisons?

Ces questionnaires ont été remplis par écrit par des apprentis de 16à20 ans, dans le cadre d'une leçon de culture génémle sous la responsabilité du maitre de culture générale.

Les apprentis choisis ne sont pas représentatifs de tous les apprentis de Suisse romande. Les professions concernées sont des forestiers, des horticulteurs. des cuisiniers, des peintres en

automobile, des laborants et des électronicien. Ces apprentis sont de niveau scolaire plutôt faibles pour les professions vertes (forestiers, horticulteurs) jusqu'à des niveaux plutôt élevés (laborants, électtoniciens).

Question 1

Les réponses ont été classifiées en 7 catégories:

1. Biodiversité regroupant: espèces animales, végétales qui disparaissent, desttuction de la biodiversité.

2. Destruction de la forêt regroupant destruction forêt amazonienne, déforestation forêts ttopicales, surexploitation des forêts.

3. Pollution en général comptant les réponses ou seul le mot pollution est indiqué.

4. Pollution atmosphérique regroupant les réponses pluie acide, effet de serre. trou d'ozone. 5. Pollution due aux activités humaines: agriculture intensive, trafic aérien, automobile, pétrole,

ttansport de péttole, énergie nucléaire, armes chimiques, les usines. 6. Déchets, regroupant les déchets et les déchets dans les forêts.

7. Autres, regroupant essentiellement des causes reliées aux comportement humain: violence, racisme, surpopulation, égoïsme, etc.

Question 2

Les réponses ont été classifiées en 7 catégories aussi:

1. Biodiversité, expliquée par le fait que la diversité est importante pour l'écosystème.

2. Différence génétique, regroupant les réponses les croisements d'espèces, différentes variétés, gènes, chaque plante a un but précis, est unique.

3. Adaptation à l'environnement: pays différents, terres différentes, climats, altitude, chaleur, température, pollution.

4. Equilibre de l'écosystème: pour la fécondation, pour attirer les bons insectes, pour chaque sorte d'insectes, pour les oiseaux, pour que les abeilles puissent butiner.

5. Choix naturel: la nature a choisi, la nature n'est pas bête, pour différencier, pour se défendre, pour les reconnaître.

6. Critères esthétiques: Dieu pour faire joli, pour faire beau, parce que c'est joli. 7. Auttes : regroupant essentiellement des raisons médicales.

Analyse de la question 1

Les réponses ont été résumées sur la première figure, en fonction des classes définies ci-dessus et de l'ordre d'importance des réponses. En ce qui concerne la première réponse, on constate que la pollution est en tête des préoccupations, que la destruction de la forêt vient en deuxième réponse et les déchets pour la troisième réponse. La destruction de la biodiversité, thème qui nous intéressait particulièrement n'est cité de façon significative que 7 fois en troisième réponse.

Pour quelles raisons les fleurs ont-elles des formes, des couleurs et des parfums variés?

20 . - - - . - - - . - - - , 18 I - - - l r - - - r - - I 1 6 1 - - - 1 14 12 1 0 1 -6 0 E

_"

_.'"

.

_{" "}

_"

"

.

.

_e

l!

_"

Principaux problèmes d'environnement dans le monde

50

r = =

Analyse de la question 2

Les réponses ont été résumées sur la deuxième figure, en fonction des classes définies ci-dessus et en regroupant les apprentis en trois groupes, le premier groupe pour les apprentis des professions vertes (horticulteurs, fleuristes, bûcherons), le deuxième groupe les apprentis de professions artisanales (cuisiniers, restaurations, peintres) et les professions industrielles (laborants, électroniciens). On constate d'abord que le nombre le plus élevé de réponses est pour les choix naturels (la nature a choisi, etc.) sans référence à des explications scientifiques et ceci pour les trois groupes d'apprentis. D'autre pan, les réponses les plus fréquentes dépendent des groupes: équilibre de l'écosystème et différence génétique pour les professions vertes; adaptation à l'environnement et choix naturel pour les professions artisanales et équilibre de l'écosystème et choix naturel pour les professions industriels. De cette première analyse, on peut déjà en déduire qu'il faudra un enseignement différencié selon les professions d'une pan et d'autre pan qu'il faudra tenir compte des croyances des apprentis dans ce domaine.

2.3 Conceptions d'étudiants de troisième cycle en didactique des sciences

Nous avons analysé les conceptions et les obstacles à l'apprentissage de 30 licenciés en biologie et èn sciences naturelles, qui participaient à un cours de didactique de sciences organisé dans le Dépanement de biologie de la Faculté des sciences de l'Université de Pavie. Entre autres questions, les participants ont répondu par écrit à la question suivante: pourquoi les fleurs de espèces différente ont des formes, couleurs et parfums différents? (Perché fiori di specie diverse hanno forme, colori e profumi differenti ?). Les réponses sont les suivantes: onze participants répondent que la cause est la pollinisation, sept indiquent que c'est l'expression du programme génétique, cinq disent qu'il s'agit de l'adaptation aux facteurs environnementaux et trois indiquent qu'il s'agit d'espèces différentes. Seulement deux disent que les causes sont l'expression du programme génétique et l'adaptation à l'environnement et trois répondent qu'il s'agit des trois facteurs, le programme génétique, l'adaptation à l'environnement et la pollinisation.

Nous avons discuté avec les participants et nous leur avons demandé s'ils ne connaissaient pas les trois phénomènes responsables des couleurs, parfums et formes des fleurs : l'expression du programme génétique, l'adaptation à l'environnement et la spéciation par reproduction par la pollinisation. Ils ont répondu qu'ils connaissaient bien les trois phénomènes, mais qu'ils pensaient que "chaque problème a seulement une seule solution, donc ils ne pouvaient pas donner les trois réponses simultanément". Cette réponse nous indique que la formation de biologistes et des experts en sciel)ces naturelles dans la Faculté de sciences de l'Université de Pavie, n'a pas été suffisante pour convaincre les étudiants qu'un problème peut avoir multiples réponses, en particulier s'il est en relation avec les systèmes biologiques.

Le questionnaire a aussi demandé de répondre à la question suivante: qu'adviendrait-il dans une region si on éliminait tous les herbivores? (Che cosa succederebbe in una regione se scomparissero tutti gli erbivori ?). La majorité des réponses indiquent une seule conséquence de la disparition des herbivores: six panicipants répondent que se produit une rupture de la chaîne alimentaire, quatre qu'il ya des changements dans l'équilibre naturel ou biologique, deux qu'il y a des changements dans les

écosystèmes, deux que disparaissent les carnivores. un qu'il manquerait le lait. un que tous les organismes disparaissent et un que l'herbe sera plus haute.

Toutes les autres réponses indiquent seulement deux conséquences: cinq disent qu'il y aura une augmentation des végétaux et une réduction des carnivores, trois indiquent qu'il y a une rupture de la chaîne alimentaire et que les carnivores disparaissent, trois disent qu'il y a rupture de la chaîne trophique et changement d'équilibre. et un signale que les carnivores disparaissent et qu'il y a rupture de l'équilibre. Aucune réponse ne mentionne les micro-organismes. les transformations possibles des systèmes abiotiques ou les autres phénomènes possibles.

Ces résultats suggèrent que les problèmes que nous avons trouvé dans les réponses des apprentis et des étudiants en sciences de l'éducation sont aussi présents chez les licenciés en biologie et en sciences naturelles de l'Université de Pavie.

3. ÉCHANGES DES PARTICIPANTS À L'ATELIER 3.1 Questions

Dès la présentation de la thématique. des participants se sont intéressésàl'étude scientifique de la biodiversité. comment les recherches sont-elles menées, et comment sont-elles mises en discussion. L'évaluation du nombre d'espèces inconnues a exercé une fascination particulière, tandis que l'évocation de l'accélération des disparitions suscitait l'effroi.

3.2 Réponses

Les recherches sont menées de façon sectorielles par des sociétés savantes et des laboratoires de recherche spécialisés dans l'étude d'une catégorie d'êtres vivants. Les méthodes diffèrent selon les domaines étudiés, il n'y a donc pas de méthode universelle. Les critères d'identification des espèces et les techniques de dénombrement sont spécifiques. Les spécialistes en taxonomie et en systématique ont trouvé dans cette problématique un nouveau champ d'application de leurs travaux. D'autres études sont menèes par des associations de conservation de l'environnement. Il faut signaler aussi le développement des outils informatiques de gestion et stockage des données: bases de données et fichiers informatisés. Les herbiers anciens et autres collections constituent toujours une somme de références.

3.3 Échanges pédagogiques

Plusieurs participants ont suggéré des approches possibles de ce thème avec des élèves. Des méthodes diverses peuvent être choisies en fonction des besoins du public et des ressources locales. Une des possibilités est l'association avec un naturaliste de terrain, connaissant les espèces par leurs noms et capable de partager sa familiarité avec un milieu. Mais une approche trop savante peut décourager les néophytes, aussi certains préfèrent une méthode d'identification plus accessible, basée sur les formes, les ramifications. etc. sans qu'il soit question de nomenclature latine. L'intérêt des variétés agricoles traditionnelles est mis en évidence, ainsi que les péripéties des menaces de

supplantations par des hybrides américains suivies du regain d'intérêt en leur faveur. Le rendement modéré est compensé par une valorisation plus élevée dans l'estime du consommateur. Dans une région agricole, les élèves peuvent effectuer eux-même des investigations. Un exercice de dénombrement de types différents avec comparaison entre une monoculture et un champs cultivé de façon traditionnelle peut donner des résultats paniculièrement démonstratifs. Le programme"Àla découverte de la biodiversité" a été présenté par son auteur. Il a l'originalité d'être mis en œuvre par des enseignants en recherche d'emploi, après qu'ils aient reçu une formation adhoc.

Plutôt que conclure, l'équipe qui a préparé cet atelier invite tous les panicipantsàrester en contact et à continuer d'échanger et mettre en commun des réflexions, des pratiques et des recherches.

BIBLIOGRAPHIE

BARBAULT R.,Des baleines des bactéries et des hommes,Paris: Odile Jacob, 1991.

BLANDIN P., La disparition des espèces - La biodiversité, in Giordan A. et Denis-Lempereur J.,

Douze questions d'actualité sur l'Environnement.,Nice: Z'Éditions, 1996.

Convention sur la biodiversité,Eanh's summit, 1992/93, Rio de Janeiro.

CUCHE F., GIGON P.,À la découverte de la biodiversité. Programme éducatif,Fondation suisse d'Éducation pour l'Environnement.

DI CASTRI F., YOUNES T. (ed.), Biodiversity, Science et Developmenr, I.U.B.S., Cab International, Wallingford (UK), 1996.

ELCOME D. (ed.), Education and Communication for Biodiversity. Based on two Workshops : Valsain (Spain), ocrober1995& Gland, Switzerland,June 1996, Gland: LU.C.N., 1996.

LU.C.N.,Commission on Education and Communication: Statemenr of Agenda21,Chapter36 ta

the Commission on Sustainable Developmenr,Gland: LU.C.N., 1996.

MANNION AM., University of Reading, conférence Agropolis, Montpellier 1996

PALMER J., GOLDSTEIN W.&CURNOW A., ed. : Planning education to care for the eanhGland : LU.C.N., 1995.

Report lUCN-UNESCO Meeting: National Stratégies for Environnmental and Development Education - Europe, Gland: LU.C.N., 1994.

Royal Society for the Protection of Birds,Biodiversity Challenge - An agenda for conservation in the

UX., 2e ed., The Lodge (U.K.), 1994.

Global Biodiversiry Strategy : Guidelines for Action ro save, Study and Use Earth's Biotic Wealth Sustainabi/ity and Equitably,W.R.L, LU.C.N., V.N.E.P., Washington D.C.