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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Races et racisme : quoi dire ?

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Academic year: 2021

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RACES ET RACISME QUOI DIRE ?

Ninian HUBERT VAN BLYENBURGH André LANGANEY

Laboratoire de génétique et biométrie Laboratoire de didactique et

épistémologie des sciences Université de Genève

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Les vingt dernières années ont vu se développer des connaissances considérables en biologie, et particulière-rement en génétique des populations humaines. La connais-sance et la compréhension du fonctionnement des systèmes immunitaires et de leur transmission permet d'établir la part considérable de la diversité individuelle des humains dans leur variété et le caractère superficiel et trompeur des différences de formes et de couleurs de l'enveloppe du corps. En outre, de telles études permettent de reconstruire, avec plus ou moins de précision, l'histoire rp-cente du peuplement humain. Les résultats obtenus montrent déjà, sans doute possible, gue les théories classiques sur les races et leurs origines sont fausses.

Ces données scientifiques ne sont, à l'heure actuelle, pratiquement. pas enseignées. La connaissance de ces sujets dans le public, universitaire ou autre, est donc "un savoir sauvage" construit à partir d'informations non contrôlées. La tradition orale, les préjugés, le discours politique, les médiùs, la bande dessinée, la publicité véhiculent, plus ou moins délibérément, des notions qui sont utilisées pour constituer peu

A

peu un "pseudo-savoir" en biologie humaine. Pour connaître l'état de ces connaissances dans le public et pour comprendre comment ces connaissances se construisent, nous avons réalisé une enquête dans différents milieux scolaires et extra scolaires. Comme il était impensable d'interroger un échantillon représentatif des différentes couches de la population, nous avons préféré nous assurer la collaboration d'écoles, d'associations professionnelles et de clubs sportifs pour distribuer le questionnaire. Chaque groupe forme un ensemble relativement homogène par l'8ge moyen, la formation et l'origine socio-professionnelle. A

l'heure actuelle, six groupes ont été interrogés:

1. Cycle d'orientation 2. Ecole de Commerce 3. Collège de Genève 4. CEPIA 5. Etudiants en géographie 6. Logopédistes (ARLD) nombre 72 48 56 112 19 167 Tn age moyen 15,5 17,5 19,2 19,5 22 33,3 CEPIA Centre d'enseignement pour l'industrie et l'artisanat.

ARLD : Association Suisse Romande des Logopédistes Diplômés. L'enquête va être complétée par les réponses des

d'une association sportive et par les élèves en terminale d'un lycée haitien.

membres classe

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Nous avons apporté un soin particulier à la rédaction du questionnaire. Celui-ci, étant destiné à des personnes três inégalement scolarisées, devait être simple et n'exiger aucun savoir spécialisé. Cependant, nous n'avons pas pu éviter l'utilisation de certains termes comme "hérédité, intelligence ou race". Ces concepts, bien que quotidiennement employés, sont souvent mals compris et peuvent prêter à confusion. Nous sommes conscients que la forme définitive du questionnaire, en particulier la syntaxe de certaines questions, n'est pas totalement satisfaisante. Bien des défauts se sont révélés à l'usage et quelques modifications s'imposeraient si l'enquête était à refaire. Dans l'ensemble, le questionnaire a été favorablement accueilli et jugé intéressant. Quelques personnes ont spontanément exprimé leur ignorance des sujets abordés et ont manifesté le désir d'avoir les "bonnes réponses". Les réactions les plus négatives ont été observées parmi des

~l~ves du cycle d'orientation qui ont parfois jugé des questions stupides et sans intérêt. La raison de cet état de fait est peut-être à chercher dans le désarroi provoqué par certaines questions qui peuvent se situer totalement en dehors des préoccupations quotidiennes des jeunes de cet âge. Enfin, qnelques sujets ont qualifié le questionnaire de "raciste", ce qui montre que ce type d'enquête n'est pas sans 6veiller des réactions émotives.

Les questions que nous avons posées abordent trois domaines de la biologie humaine: la génétique, et plus

particulière-m~nt l'héritabilité de certains caractères, l'origine et l'évolution de l'homme et enfin la variabilité physique de l'espêce humaine.

Nous allons prendre quelques questions dans chacune de ces catégories et exposer brièvement quelques points saillants qui ressortent de l'analyse des réponses que nous avons obtenues.

Tout d'abord, nous avons voulu évaluer la connaissance qu'a le public des rêgles qui prévalent lors d'une transfusion sanguine ou une greffe d'organe. Les réponses que nous avons obtenues sont généralement correctes (plus de 95%1: une majorité d'individus savent que la possibilité de trans-fusion ou de greffe d'organe dépend d'une compatibilité qui n'est pas nécessairement liée à la relation familiale ou nationale entre donneur et receveur. La banalisation des transfusions et la publicité faite autour des greffes d'organe a sans doute contribué à faire passer ces informations dans le public.

Un préjugé, qui semble être largement répandu, veut que les petites populations endogames produisent urmation. grand nombres d'individus tarés que les grandes populations. Les connaissances de la génétique des population ont permis de démontrer que cette idée est érronnée et que le pourcentage

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de malformations génétiques est sensiblement le même dans les petites et les grandes populations. Les r~sultats que nous avons obtenus à la question qui pose ce problème sont surprenants. En effet, le nombre de fausses réponses est le plus élevé dans les groupes fortement scolarisés (étudiants en géographie 80%, logopédistes près de 50%, collégiens 35%) alors que le nombre de fausses réponses est inférieur à 20% dans les autres catégories. Ainsi, il semblerait que ce

pr~jugé n'existe que dans le milieux qui ont plus facilement accès à l'information.

La dernière question que nous allons analyser dans cette catégorie concerne l'héritabilité de l'intelligence. L'utilisation que nous faisons du terme "intelligence" dans le questionnaire, est tout à fait critiquable. Il n'existe pas de bonne définition de ce mot et il est difficile, voir impossible, d'avoir une mesure objective de l'intelligence. Cependant, il est quotidiennement utilisé pour qualifier les capacités intellectuelles d'une personne. La variation des réponses entre les différentes catégories nous a surpris: ce sont les apprentis qui attribuent la détermination de l'intelligence le plus souvent à des facteurs environnementaux (60%). Quelques 80% des membres de l'ARLD estiment que l'intelligence est déterminée à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux. Une personne a même donné des proportions précises quand à la part de l'hérédité et du milieu dans la détermination de l'intelligence (20% et 80%). Cette réponse s'inspire, sans doute, des publications (dont l'origine et la valeur scientifique sont tout à fait douteuses) qui donnaient les mêmes valeurs mais inversées. Les sujets qui attribuent l'intelligence à des facteurs héréditaires uniquement sont les plus nombreux parmi les élèves du Cycle d'orientation (19%).

La deuxième catégorie de questions, qui concerne l'évolution et l'origine de l'homme met en évidence l'ignorance du public considéré dans ce domaine. Bien que les connaissances scientifiques ne soient pas complètes, il est possible, à la lumi~re de différentes disciplines de la biologie et de la paléontologie, d'avoir une image relativement précise de l'origine de l'espèce humaine. Cependant, ces connaissances sont récentes et sans doute difficiles à enseigner. De ce fait, peu de manuels d'histoire ou de biologie se sont donné la peine d'exposer simplement les connaissances actuelles dans ce domaine. La chronologie des événements paléontologiques est, on pouvait s'y attendre, très mal connue du public. L'époque de l'apparition de l'homme moderne est indifféremment située entre quelques centaines et quelques millions d'années.

Les reconstitutions qui sont faites de nos ancêtres semblent, par contre, avoir eu beaucoup de succès. La très grande majorité des personnes interrogées pensent qu'ils étaient bruns, poilus, voir même sales selon les élèves du

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cycle d'orientation. Moins de 12% des personnes interrogées ont remarqué qu'il est impossible de répondre à cette question. Nous pouvons peut-~tre nous consoler en constatant que nous n'avons pas observé de "paléocentrisme": nos ancêtres n'avaient pas la peau blanche aux yeux des néophytes !

L'évolution du monde vivant est, dans l'ensemble, bien acceptée par le public. Nous n'avons eu qu'une réponse de type créationiste. Cependant, si l'évolution n'est pas rejetée, l'homme lui-m~me est quelques fois dissocié de cette histoire. Les personnes qui considèrent le chimpanzé comme un parent ~iologique de l'homme sont moins nombreuses que celles qUi acceptent le concept d'évolution. Considèrent-elles qu'il y a une discontinuité entre le règne animal et l'espèce humaine? Les dernières découvertes de la cytogénétique montrent pourtant que nous partageons plus de 99% de notre matériel chromosomique et génétique avec le chimpanzé.

Par la dernière catégorie de questions, nous abordons la variabilité morphologique de l'homme. La perception des différences humaines est encore très fortement marquée par un cadre de référence qui date de la fin du XIXeme siècle et par les préjugés idéologiques résultant de la colonisation. Une très grande majorité des personnes interrogées admettent une subdivision de l'espèce humaine en trois races principales: les Jaunes, les Blancs et les Noirs. Les Indiens d'Amérique, ou "Peaux rouges", sont souvent considérés comme la quatrième race. Quelques personnes remarquent que cette classification est peut-~tre trop simpliste, mais très peu (moins de 1%) affirment qu'elle est impossible. Enfin, nous constatons que le terme "race", outre le fait que son utilisation irrite certains, est régulièrement utilisé en lieu et en place des concepts d'ethnie ou de nationalité.

En conclusion, nous constatons qu'à quelques exeptions près, tout reste à faire dans le domaine de l'enseignement de la biologie humaine. Les connaissances du public ne correspondent pas du tout à l'état actuel de la science. L'absence d'éducation dans ce domaine est justifié par le fait que la différence et la variabilité des hommes serait un sujet politiques, marqués par l'idéologie. En parler violerait un tabou, un peu comme pour la sexualité il n'y pas si longtemps. Pourtant, des connaissance objectives existent et elles pourraient avantageusement éclairer un débat qui tourne souvent à l'empoignade. A cette égard, il est malgré tout rassurant de constater qu'il existe une demande d'information dans ce domaine. Nous pouvons donc nous demander pourquoi cet enseignement ne fait pas partie des programmes scolaires. La connaissance du système des groupes sanguins Rhésus ou de la théorie des greffes d'organe est-elle politique? La révolution française a-t-elle été un événement plus important que l'apparition de

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l'espèce humaine ? La connaissance scientifique est-elle plus dangereuse que l'ignorance ? Ou bien lLaisseront nous le soin de l'éducation dans ce domaine à l'idéologie ambiante et aux politiciens.

Références.

GIORDAN A.- L'élève et/ou les connaissances scientifiques. Berne, Peter Lang, 1983.

HUBERT VAN BLYENBURGH N.- Evaluation d'un "savoir sauvage". Paris, Feuilles d'épistémologie appliquée et de didactique des sciences, 7, 1985, pp.13-20.

LANGANEY A.- Diversité et histoire humaine. Paris, Population, 6, 1978, pp. 985-1006.

MUCCHIELLI R.- Le questionnaire dans l'enqu~te psycho-sociale. Bruxelles, ESF, 1982.

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