• Aucun résultat trouvé

Régulation de la démographie médicale et carrières des médecins français : les inégalités entre générations

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Régulation de la démographie médicale et carrières des médecins français : les inégalités entre générations"

Copied!
21
0
0

Texte intégral

(1)

Proposition de communication pour le Congrès de l’AFSE, Paris, 20-21 septembre 2007 Version préliminaire

Régulation de la démographie médicale et carrières des médecins français : les inégalités entre générations.

Brigitte Dormont et Anne-Laure Samson

1 Introduction

Cet article étudie comment la régulation de la démographie médicale a pu influencer les carrières des médecins généralistes du secteur 1.

On estime pour cela des fonctions de « gains » qui expliquent les honoraires des médecins généralistes et identifient différents effets : celui de la date, correspondant à un choc temporel affectant tous les médecins de façon identique une année donnée ; celui de l’ancienneté, qui correspond à l’évolution dans le temps de l’activité du médecin depuis son installation ; enfin, celui de la cohorte. Ce dernier effet correspond aux différences d’honoraires qui affectent les différentes générations de médecins, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en contrôlant par les caractéristiques observables du médecin, sa localisation, son avancée dans la carrière, etc.

Les effets cohorte que nous obtenons révèlent un impact marqué de la démographie médicale sur les honoraires des médecins. En magnitude, les inégalités intergénérationnelles sont considérables : leur ampleur est comparable aux effets temporels des revalorisations des tarifs conventionnels intervenus sur les vingt-deux années que couvre la période 1983 – 2004.

L’analyse économétrique, menée au premier ordre (les différences entre générations sont examinées au niveau de l’espérance des honoraires) est ensuite complétée par une analyse en terme de dominance stochastique des distributions d’honoraires entre les générations. Cette méthode a l’avantage de tenir compte de l’ensemble de la distribution, et notamment de la variance interindividuelle due à l’hétérogénéité non observée.

2 La régulation de l’offre en médecine générale en France : organisation, état des lieux et enjeux

L’organisation de la régulation de l’offre en médecine ambulatoire porte, en France, sur deux volets : la régulation quantitative du nombre de médecins installés et la définition du système

(2)

de paiement. Le système de la médecine libérale, avec un paiement à l’acte et des tarifs fixés dans le secteur 1 domine très largement le paysage national. Par ailleurs, la régulation quantitative du nombre de médecins est assurée depuis le début des années soixante-dix par le numerus clausus instauré à la fin de la première année des études médicales et, plus récemment, par des incitations financières au départ en retraite anticipée (le MICA, mécanisme d’incitation à la cessation d’activité, est crée en 1988 pour réduire l’offre de soins ambulatoires ; il est abandonné en 2003). La politique concernant la localisation des médecins est extrêmement timorée, voire inexistante.

Si l’on cherche à dresser un rapide état des lieux de la médecine ambulatoire en France, on ne repère pas de disfonctionnement majeur, mais des problèmes récurrents dont les conséquences pourraient s’aggraver à terme.

Tout d’abord, parmi les pays de l’OCDE, la France est un des pays où la densité médicale est la plus élevée, et en particulier la densité de médecins généralistes (Bourgeuil et al., 2006). Pourtant, certains s’inquiètent d’une pénurie potentielle de médecins dans les années à venir. Ce risque semble pour le moment très limité : une analyse au niveau cantonal suggère que la proportion de la population qui pourrait être concernée par des difficultés d’accès aux soins se situerait entre 0,6 % et 4,1 % (ONDPS, 2005). Cette forte densité médicale s’accompagne toutefois d’une très inégale répartition géographique des médecins, conduisant à des inégalités dans l’accès aux soins et à l’apparition de « zones déficitaires ». Depuis 2005, les pouvoirs publics prennent des mesures afin de mieux répartir les médecins sur le territoire national (aides financières à l’installation dans les zones déficitaires, financement du troisième cycle d’étudiants en médecine s’engageant à exercer au moins cinq années en zone déficitaire).

Par ailleurs, il semble que l’introduction des épreuves classantes nationales ait conduit à une diminution de la proportion d’étudiants en médecine voulant s’engager dans la filière de médecine générale (Billaut, 2006). En 2005, 40% des postes proposés en médecine générale n’ont pas été pourvus et cette discipline ne représentait que 37% de l’ensemble des affectations (contre 44% en 2003).

En outre, on constate une diminution de la proportion d’étudiants en médecine voulant s’installer en libéral et un attrait pour l’exercice mixte, à la fois libéral et salarié (Bourgeuil, 2007).

Enfin, on observe des comportements de demande induite chez les médecins généralistes du secteur 1. Ces comportements sont plus marqués dans les départements où la densité est élevée, supérieure à 110 pour 100 000 habitants (Delattre et Dormont, 2003, 2005b).

(3)

Les objectifs de la régulation de l’offre de soins en médecine ambulatoire s’articulent donc autour de trois problématiques.

Il s’agit d’abord de garantir à tous les citoyens l’accès à des soins répondant aux besoins et une équité dans cet accès aux soins.

Atteindre cet objectif nécessite des médecins en nombre suffisant. Il convient donc de maintenir (voire restaurer) l’attractivité de la profession médicale pour les futurs étudiants, en particulier celle de la médecine générale en libéral, en assurant notamment des niveaux de revenus suffisants.

Enfin, compte tenu du système de paiement à l’acte, il faut également limiter les incitations à des comportements de demande induite générés par un niveau (local ou national) trop élevé de densité.

3 Démographie médicale et carrières des généralistes : analyse descriptive

Les graphiques 1 et 2 sont construits à partir de notre échantillon, lequel est représentatif de la population étudiée (cf. encadré 1).

Le graphique 1 représente, non la pyramide des âges des médecins, mais la « pyramide des cohortes », chaque cohorte étant définie par la date d’installation en libéral. On constate que sa forme est assez accidentée. Elle ne correspond pas du tout à l’idéal théorique qui résulterait de l’application d’un niveau de densité optimal (et constant) à une population en croissance. Les annotations du graphique 1 et le graphique 2 permettent d’interpréter la forme de cette pyramide.

Tout d’abord, le faible nombre de médecins figurant dans les cohortes antérieures à 1970 est dû aux départs en retraites : 95 à 100% des médecins de ces cohortes sont partis à la retraite sur la période 1983-2004.

Ensuite, la montée vertigineuse des effectifs des cohortes correspondant aux années 1970 est due aux générations nombreuses du baby-boom, associées à l’absence de numerus clausus. Mis en place en 1972, celui-ci a un impact sur le nombre d’installation de médecins 8 ans, puis 10 plus tard. Le graphique 2 montre bien comment les effectifs des nouveaux installés suivent l’évolution du numerus clausus.

(4)

Graphique 1 : Nombre total de médecins et pourcentage de médecins qui quittent la base de données entre 1983 et 2004, par date d’installation en libéral

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004

Note de lecture : Il s’agit de médecins installés à une année donnée et présents au moins 1 fois dans la base entre 1983 et 2004 ; Nombre total de médecins : 7 216

Graphique 2 : Nombre de nouvelles installations et valeur du numerus clausus 8 ou 10 ans avant la date d’installation en libéral considérée

0 50 100 150 200 250 300 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 N om br e de m éd ec in s da ns la b as e -1000 1000 3000 5000 7000 9000 11000 N um er us C la us us n at io na l

Nombre de médecins NC 8 ans avant NC 10 ans avant

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004

Note : Le numerus clausus est effectif à partir de 1972. A cette époque, les études médicales durent 7 ans. A chaque date d’installation, on associe donc la valeur du NC observée 8 ans avant (on compte 1 an, en moyenne, entre la fin des études et l’installation en libéral).

Tous les médecins installés à partir de 1988 sont concernés par la réforme des études médicales de 1982 qui porte à 9 ans le nombre d’années d ‘études nécessaires pour être médecin généraliste (soit un début des études en 1978 + 10 ans d’études). A partir de 1988, on regarde donc la valeur du numerus clausus 10 ans auparavant.

0 50 100 150 200 250 300 1945 1949 1953 1957 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 cohorte N om br e de m éd ec in s pa r co ho rt e (h is to gr am m e) 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 % d e dé pa rt s en tr e 19 83 e t 2 00 4 pa r co ho rt e (c ou rb e bl eu e) 77 85 99 72 65

(5)

Encadré 1 : Données

Nous utilisons pour cette étude un panel représentatif des médecins libéraux français omnipraticiens du secteur 1. Le terme omnipraticiens englobe les généralistes et les médecins possédant un MEP (mode d’exercice particulier) comme l’acupuncture, l’homéopathie ou la médecine physique.

Après nettoyage de la base de données d’origine et sélection des observations correspondant au champ retenu, l’échantillon comporte 91 634 observations relatives à 7 216 médecins sur la période 1983-2004. Tous les médecins ne sont pas observés sur toute la période : l’échantillon est représentatif des entrées et sorties d’activité intervenues chaque année.

Base de données originelle

Le panel d’omnipraticiens libéraux utilisé, fourni par la CNAMTS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), reprend les données issues des statistiques (en date de remboursement) du Snir (Système national inter régimes). En particulier, on y trouve le montant des honoraires des omnipraticiens (honoraires totaux annuels, dépassements présentés au remboursement et frais de déplacement), les caractéristiques de leur activité (activité annuelle décomposée, en distinguant notamment les consultations et les visites, année de thèse et d’installation en libéral, région et département d’exercice, secteur conventionnel, mode d’exercice, présence ou non d’un mode d’exercice particulier,…) ainsi que quelques caractéristiques socio-démographiques (identifiant, année de naissance, sexe).

Couvrant la période 1979-2004, c’est un panel représentatif de la population des omnipraticiens en exercice à une année donnée, puisque tous ceux nés au mois de mai y sont présents ; il est non cylindré car des médecins partant à la retraite sortent chaque année de l’échantillon, lequel est complété, par les observations relatives aux nouveaux installés.

Champ retenu

Pour les omnipraticiens venant de s’installer ou cessant leur activité dans l’année, nous éliminons les observations relatives à la première ou dernière année de la carrière, lesquelles sont des années d’activité incomplètes. Du champ de l’étude sont aussi exclus les médecins non conventionnés, les plus de 65 ans et les praticiens hospitaliers à temps plein. Par ailleurs, pour des raisons de fiabilité de l’information, les omnipraticiens exerçant dans les Dom ont été exclus de l’analyse et seules les années 1983 à 2004 sont conservées. Enfin, nous limitons le champ de l’étude aux médecins du secteur 1. Les omnipraticiens du secteur 2 pourront faire l’objet d’une étude ultérieure. Outre le fait que leurs comportements obéissent vraisemblablement à des logiques économiques très différentes que celles de leurs collègues du secteur 1, ces médecins présentent de fortes hétérogénéités non observées qui rendent nécessaire un traitement séparé.

(6)

Le tableau 1 donne quelques éléments sur la distribution des honoraires des médecins de l’échantillon. Le resserrement des dispersions observé entre 1983 et 2004 est dû à une plus forte croissance des honoraires du bas de la distribution, situés en dessous du premier décile, voire du premier quartile (cf. Samson (2006) pour plus de détails).

Le graphique 3 représente les honoraires moyens, en euros constants, par cohorte et ancienneté. On observe une allure générale en U renversé, caractéristique des effets de l’ancienneté. Mais ce graphique est difficilement interprétable car les cohortes sont observées en différents points du temps. De ce fait, les revalorisations tarifaires affectent leurs positionnements respectifs.

Une approche plus pertinente consiste à représenter les honoraires moyens par cohorte et ancienneté, nets de l’effet de date (Koubi, 2003a). Soit honoict les honoraires du médecin i

appartenant à la cohorte c et observé en t, le graphique 4 représente les valeurs de hono.ct –

hono..t , où hono.ct désigne la moyenne des honoraires par cohorte et année et où hono..t

désigne la moyenne des honoraires par année. Afin d’améliorer sa lisibilité, nous n’avons considéré que les cohortes correspondant aux années 1965, 1972, 1977, 1985 et 1999, lesquelles sont signalées explicitement sur la pyramide des cohortes (graphique 1). On constate que, à ancienneté donnée, la situation financière des médecins atteint un point culminant pour la cohorte 1972, qu’elle se dégrade ensuite pour la cohorte 1977, qu’elle se dégrade encore pour la cohorte 1985 et plus encore pour la cohorte 1993.

Ces résultats suggèrent une inégalité entre les générations de médecins. Toutefois les différences observées entre générations semblent d’un ordre de grandeur plus limité que les différences dues à la variation de l’ancienneté. L’analyse économétrique qui suit va permettre de confirmer ces résultats et d’estimer plus précisément les effets de l’ancienneté, de la cohorte et de la date, afin d’évaluer l’importance respective des différents effets.

Tableau 1 : Évolution de la distribution des honoraires (base 100 en 2004)

1983 2004 Évolution 1983-2004 1er décile 37 318 59 434 + 59% 1er quartile 58 532 84 344 + 44% Médiane 88 976 114 023 + 28% Moyenne 92 165 118 663 + 39% 3ème quartile 120 468 149 443 + 24% 9ème décile 149 053 183 482 + 23% Q3/Q1 2,06 1,77 - 0,29 D9/D1 3,99 3,08 -0,91 D5/D1 2,38 1,91 -0,47 D9/D5 1,67 1,61 -0,06

(7)

Graphique 3 : Honoraires moyens, en euros constants (base 100 en 2004), par cohorte et ancienneté 50000 60000 70000 80000 90000 100000 110000 120000 130000 140000 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 1981 1979 1977 1975 1973 1971 1969 1965 1961 1957 1953 1949 1945

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004

Graphique 4 : Honoraires moyens nets de l’effet de date, par cohorte et ancienneté

-28000 -23000 -18000 -13000 -8000 -3000 2000 7000 12000 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 1999 1993 1985 1977 1972 1965 1953

(8)

4 Étude économétrique des carrières des médecins : analyse au premier ordre

4.1. Estimation

On estime des fonctions de gains pour les médecins de l’échantillon. Très utilisé pour l’étude des carrières salariales (Mincer, 1974), ce type de spécification revêt ici un sens différent. En effet, dans l’analyse des salaires, on cherche surtout à évaluer le rendement du capital humain initial et l’effet de l’expérience est interprété comme celui du capital humain accumulé au cours de l’activité professionnelle. Ici, nous considérons un échantillon de médecins en principe homogènes du point de vue du capital humain initial et l’effet de l’ancienneté est autant, sinon plus, lié à la constitution de la clientèle qu’à l’expérience accumulée avec l’activité1.

Une autre différence importante entre les carrières des médecins et celles des salariés réside dans le fait que les médecins ont vraisemblablement plus de marges de manœuvre dans la détermination de leur charge (ou durée) de travail que les salariés. Ces derniers, lorsqu’ils ont un emploi, sont souvent contraints sur leur durée du travail, avec un choix assez restreint entre temps plein ou mi-temps (lorsqu’un choix existe).

Soit yict le logarithme des honoraires du médecin i appartenant à la cohorte c et observé en

t. On considère la spécification suivante :

ict c t e ic ict ict a X b Z d y = + ' + ' +

α

+

δ

+

γ

+

ε

(1) E e T t C c N i=1,... , =1... , =1.... et =1.... où : - ' ict

X Variables explicatives qui varient dans le temps : densité médicale des

omnipraticiens dans le département d’exercice du médecin i. - '

ic

Z Variables explicatives constantes dans la dimension temporelle : sexe, durée entre

année de thèse et année d’installation en libéral, type d’activité en libéral (à temps complet ou non), présence ou non d’un mode d’exercice particulier, région d’exercice, type d’aire urbaine

1 Pour un salarié en effet, l’effet positif de l’expérience sur le salaire découle de l’amélioration de sa

productivité horaire. Ici, dans le contexte du secteur 1 où les tarifs sont fixes, la rémunération de la consultation est égale pour tous les médecins, quelle que soit leur ancienneté. Une éventuelle amélioration de la productivité du médecin due à son expérience ne pourrait donc se traduire que par une amélioration de la qualité des soins qu’il prodigue, ou (en faisant appel à une interprétation plus pessimiste), dans un raccourcissement de la durée de la consultation lui permettant de recevoir plus de patients par jour et d’améliorer ainsi son revenu.

(9)

-

α

e, e=1....40 : effet fixe (paramètre) spécifique à l’ancienneté, définie par le nombre

d’années écoulées depuis l’installation en libéral.

-

δ

t, t=1983....2004 : effet fixe (paramètre) spécifique à l’année t.

-

γ

c, c=1945...2003 : effet fixe (paramètre) spécifique à la cohorte, définie par l’année

de l’installation en libéral.

Dans l’équation retenue, nous ne formalisons pas l’effet de l’ancienneté en spécifiant une forme polynomiale. Afin d’exploiter au mieux le grand nombre d’observations disponibles, nous avons choisi de conserver la forme la plus souple possible en spécifiant par des effets fixes les effets temporels, d’ancienneté et de cohorte.

En toute généralité, une telle spécification n’est cependant pas identifiable sans l’ajout de contraintes sur les effets. Nous avons adopté les contraintes suivantes :

= e e 0

α

,

=0 t t

δ

et

= c c 0

γ

(2)

= c c c*

γ

0 (3)

La contrainte (2) est sans contenu. Elle revient à définir une modalité de référence pour chacun des trois effets, lesquels sont alors interprétables comme des contrastes à la constante.

La contrainte (3) est liée à l’existence d’une colinéarité entre les variables de date, de cohorte et d’ancienneté. En effet, on a pour tout médecin i : t =c+e. La contrainte (3) que

nous avons retenue impose l’absence de tendance sur l’effet cohorte (comme dans Lollivier, Payen (1990)). Le choix d’une telle contrainte, au lieu d’une contrainte similaire imposée sur l’effet temporel, a fait l’objet de notre part d’une étude approfondie qui le justifie. Le lecteur intéressé est invité à consulter Dormont et Samson (2007).

Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 2, à l’exception des estimations des effets fixes, présentés dans les graphiques 6 à 8. Notons que l’équation (1) comporte d’autres effets fixes correspondant aux régions, pour lesquelles il n’y a pas de problème d’identification, une fois qu’une région de référence a été définie (l’Île de France).

Compte tenu du champ retenu (les médecins du secteur 1), les honoraires sont très directement liés au niveau de l’activité. Les résultats obtenus montrent que les femmes médecins ont, toutes choses égales par ailleurs, des honoraires inférieurs de 36 % à ceux de leurs homologues masculins. On trouve aussi que les MEP ont des honoraires inférieurs de 8 % à ceux des autres médecins. Enfin, le niveau de la densité joue négativement sur les

(10)

honoraires (l’activité) du médecin : une augmentation de la densité de 10 (passage de 100 à 110 médecins pour 100 000 habitants par exemple) conduit à une diminution de l’activité de 2,5 %. Cet impact est non négligeable, d’autant plus qu’il s’agit-là d’un effet différentiel2, par rapport à la constante régionale, qui incorpore aussi un effet négatif de la densité.

Tableau 2 : Estimation de la fonction de gain pour les omnipraticiens du secteur 1 Variable expliquée : logarithme des honoraires

Analysis of Variance

Sum of Mean

Source DF Squares Square F Value Pr > F Model 164 6821.16896 41.59249 203.21 <.0001 Error 91430 18714 0.20468

Corrected Total 91594 25535

Root MSE 0.45242 R-Square 0.2671 Dependent Mean 11.40703 Adj R-Sq 0.2658 Coeff Var 3.96613

Parameter Estimates Parameter Standard

Variable DF Estimate Error t Value Pr > |t| Intercept 1 11.62316 0.01664 698.64 <.0001 break 1 -0.02291 0.00065830 -34.81 <.0001 sx 1 -0.35845 0.00408 -87.81 <.0001 zone2 1 0.09481 0.00476 19.91 <.0001 zone3 1 0.11801 0.00770 15.33 <.0001 zone4 1 0.15180 0.00413 36.77 <.0001 dens 1 -0.00255 0.00014597 -17.44 <.0001 meps 1 -0.08432 0.00665 -12.68 <.0001 lib2 1 -0.05251 0.00413 -12.72 <.0001 lib3 1 0.00109 0.00227 0.48 0.6312 Rhone_Alpes 1 -0.11998 0.00688 -17.45 <.0001 Picardie 1 0.19408 0.01012 19.17 <.0001 Auvergne 1 -0.02512 0.01086 -2.31 0.0207 Paca 1 -0.07013 0.00845 -8.30 <.0001 Champ_Ardennes 1 0.11618 0.01125 10.33 <.0001 Midi_Pyrénées 1 0.04298 0.00857 5.02 <.0001 Lang_Roussillon 1 0.01577 0.00951 1.66 0.0971 Basse_Normandie 1 0.07826 0.01103 7.09 <.0001 Poitou_Charentes1 0.06256 0.00946 6.61 <.0001 Centre 1 0.02793 0.00903 3.09 0.0020 Limousin 1 0.00816 0.01200 0.68 0.4965 Corse 1 -0.20628 0.02197 -9.39 <.0001 Bourgogne 1 0.02896 0.01007 2.88 0.0040 Bretagne 1 -0.03729 0.00807 -4.62 <.0001 Aquitaine 1 0.05643 0.00793 7.11 <.0001 France_Comté 1 -0.02539 0.01168 -2.17 0.0297 Haute_Normandie 1 0.16023 0.00930 17.23 <.0001 Pays_de_la_loire1 0.03966 0.00781 5.08 <.0001 Lorraine 1 0.09744 0.00869 11.22 <.0001 Nord 1 0.21240 0.00684 31.07 <.0001 Alsace 1 0.00542 0.00929 0.58 0.5596

L’effet de la densité qui transite par l’effet spécifique régional est analysé grâce au graphique 5. Les points représentés ont pour ordonnée l’effet fixe régional estimé (qui s’interprète comme un écart relatif par rapport à la situation de référence, l’Ile de France) et pour

2 En se référant à la terminologie de l’économétrie des données de panel, on dirait qu’il s’agit d’un

(11)

abscisse la densité moyenne de la région concernée. On observe une relation clairement négative entre densité et activité (honoraires), surtout pour les régions de densité inférieure à 97. De façon intéressante, le « malus » associé au fait d’être dans une région à densité très élevée (comme en PACA, où il s’élève à – 7%) est nettement inférieur au « bonus » lié au fait d’être dans une région à faible densité (comme en Picardie, où il s’élève à + 19 %).

Graphique 5 : Densité moyenne par région et coefficient associé (référence : Ile de France)

Fra.Comté Aquitaine Poit. Charentes IDF Alsace Auvergne Limousin Midi Pyr. Picardie Ch.ardennes Hte.Norm Lorraine Basse Norm Centre Pays Loire Bourgogne Nord Bretagne Rhone-Alpes Corse P.A.C.A Lang.Rouss -0,25 -0,2 -0,15 -0,1 -0,05 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 87 ,8 88 ,8 89 ,2 89 ,4 89 ,5 89 ,8 91 ,5 93 ,1 96 ,3 96 ,4 96 ,5 97 ,2 98 ,4 98 ,8 10 2 10 5 11 5 11 5 11 5 11 8 12 9 13 1

densité moyenne par région

co

ef

fic

ie

nt

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004 et estimation des auteurs

4.2. Analyse des effets spécifiques estimés : le rôle de la date, de l’ancienneté et de la cohorte sur les honoraires

Les graphiques 6, 7 et 8 représentent les effets fixes estimés.

Le graphique 6 représente l’effet de l’ancienneté sur les honoraires (l’activité) du médecin, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en contrôlant par la localisation régionale, la densité, le sexe du médecin, son mode d’exercice, l’année et la cohorte.

On obtient une forme en U renversé : la phase de constitution de clientèle en début de carrière est associée à une progression spectaculaire des honoraires. Puis, à partir de 12

(12)

Par rapport aux formes connues d’effet de l’expérience sur les salaires, le profil ici obtenu se distingue sur plusieurs points :

- La montée plus forte en début de carrière. Entre la première année et l’année de référence (correspondant à 7 ans d’ancienneté), il y a un décalage de 39 %.

- L’absence de phase en plateau

- La diminution rapide après le maximum (+ 3,5 %) obtenu avec 12 ans d’ancienneté. A 25 d’ancienneté le décalage est de – 8,5 % par rapport à la référence (7 ans), à 35 ans d’ancienneté il est de – 22,5 % et à 40 ans d’ancienneté de – 32,5 %.

Tout se passe donc comme si les médecins, compte tenu de la latitude dont ils disposent grâce à l’exercice d’une profession libérale, modulaient plus leur activité au cours de leur vie professionnelle que les salariés. En particulier, ils amorceraient très tôt, dès la 13ème année d’ancienneté dans la profession, une phase de décroissance continue de leur activité. Par comparaison, les profils de carrière obtenus pour les salariés sont beaucoup plus plats (Koubi, 2003b). Il convient toutefois de confirmer les différences ici relevées, par une étude spécifique sur les salariés avec des méthodes identiques aux nôtres. L’intérêt de la spécificité du profil des médecins, si elle est confirmée, réside dans l’expression des préférences qu’elle révèle, alors que les salariés ont peu de latitude dans les choix d’allocation de leur temps de travail au cours de leur carrière. Certes, il est possible que le médecin moyen travaille, au total, autant ou plus que le salarié moyen. Mais il apparaît clairement qu’il préfère concentrer son effort sur les 15 premières années de son existence professionnelle, pour alléger ensuite progressivement sa charge de travail. Ce début de carrière peut aussi être associé à un effort d’investissement matériel et dans la constitution d’une réputation.

Le graphique 7 représente l’effet de l’année sur les honoraires du médecin, toutes choses égales par ailleurs. L’année de référence est ici la première année de la période, 1983. Le graphique montre une croissance forte et régulière des effets fixes, signalant une progression du pouvoir d’achat des honoraires des omnipraticiens du secteur 1 au cours de la période (ce sont les honoraires déflatés de l’indice de prix qui ont été utilisés pour l’estimation de l’équation (1)). L’ effet fixe de 0,365 pour l’année 2004 correspond sur les 21 années écoulées à un taux de croissance annuel moyen de 1,5 % qu’il faut attribuer en grade partie aux revalorisations tarifaires. A titre de comparaison, le salaire réel brut moyen aura progressé, sur la même période, de 0,6 % par an3.

3 Cette comparaison est cependant d’une pertinence limitée : il faudrait considérer les salaires super

(13)

Le graphique 8 représente l’effet de la cohorte sur les honoraires des médecins, toutes choses égales par ailleurs. La plage de variation de l’effet est d’une ampleur considérable, 30 points, d’un ordre de grandeur comparable à ce que l’on trouve pour les autres effets (40 points, par exemple, pour l’effet temporel commenté ci-dessus).

Graphique 6 : Estimation des effets spécifiques ancienneté

-0,45 -0,4 -0,35 -0,3 -0,25 -0,2 -0,15 -0,1 -0,05 0 0,05 0,1 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004 Référence : 7 ans d’ancienneté

Graphique 7 : Estimation des effets spécifiques année

-0,1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004 Référence : année 1983

faudrait estimer pour les salariés les effets temporels purgés des effets de composition de la population concernée, ainsi que des effets de cohorte et d’ancienneté. Ce sera l’objet d’un travail

(14)

Graphique 8 : Estimation des effets spécifiques cohorte -0,2 -0,15 -0,1 -0,05 0 0,05 0,1 0,15 0,2 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Source : Panel d’omnipraticiens libéraux du SNIR (CNAMTS), 1983-2004

L’effet cohorte connaît des fluctuations très amples4 jusqu’à la cohorte 1975, avant de diminuer fortement, puis de se redresser à la fin des années quatre-vingt. Le fond est atteint pour les cohortes 1980 à 1987. En se reportant à la pyramide représentée dans le graphique 1, on constate que ces cohortes figurent parmi les plus représentées dans la population des médecins, subissant les impacts conjoints du baby-boom et d’un numerus clausus encore élevé (graphique 2). La diminution du numerus clausus a ensuite permis de redresser la situation financière des médecins qui se sont installés dans les années quatre-vingt dix. La situation de la démographie médicale qui prévaut lors de l’installation du médecin affecte-t-elle ses honoraires ? Les résultats ici obtenus permettent de répondre par l’affirmative, du moins en ce qui concerne l’espérance du niveau des honoraires : la cohorte des médecins installés en 1985 a, toutes choses égales par ailleurs, des honoraires inférieurs de 16 % à ceux de la cohorte 1972.

La cohorte constitue-t-elle un destin irrémédiable ? Autrement dit, les différences d’honoraires sont elles systématiques et permanentes ? L’hétérogénéité non expliquée par le modèle (1) est assez importante : le R² est seulement de 26 %. De fait, des différences interindividuelles entre praticiens sont possibles, qui permettraient à certains, plus dynamiques, de bien s’en sortir malgré l’appartenance à une cohorte défavorable. Par ailleurs, des effets de rattrapage sont envisageables, avec une hétérogénéité de l’effet de

4 L’ampleur des fluctuations avant 1975 est un résultat curieux qui mérite d’être confirmé. Soulignons

dès à présent qu’il n’est sans doute pas dû aux faibles effectifs des cohortes concernées. En effet, il est maintenu avec un calcul plus robuste : les mêmes effets sont obtenus en calculant la médiane, par cohorte, des résidus de la régression (1) sans les variables de cohorte.

(15)

l’ancienneté entre les cohortes, qui permettrait aux médecins installés dans un contexte difficile de rattraper leur handicap au fil du temps.

Pour répondre à ces questions, nous adoptons une approche en termes de dominance stochastique qui prend en compte l’ensemble de la distribution des honoraires. Dans ce cadre, l’hétérogénéité non observée des médecins généralistes est intégrée à l’analyse et non négligée en tant que perturbation comme précédemment, ce qui permet d’interroger le caractère systématique des inégalités intergénérationnelles.

5 Analyse des distributions d’honoraires

Nous examinons ici si le classement des cohortes obtenu par notre analyse au premier ordre perdure lorsqu’on considère les distributions d’honoraires.

5.1. Méthode Définitions

Soit F et G les distributions d’honoraires de deux cohortes. Les fonctions de répartition sont notées F(x)etG(x), avec x≥0 le montant des honoraires.

Définition 1 : FDS1 G⇔∀x∈R+, F(x)≤G(x) (avec une inégalité stricte pour au moins).

Une distribution F domine stochastiquement à l’ordre 1 (DS1) une distribution G si, quel que soit le montant des honoraires x≥0, la probabilité d’avoir un niveau d’honoraires au moins

égal à

x

est supérieure avec F qu’avec G.

Graphiquement, cela signifie que la fonction de répartition F(x) se situe toujours

au-dessous de G(x).

Comme le dit Pistolesi (2006), en situation de choix en univers risqué, la distribution dominante est préférée à la distribution dominée par tout individu dont l’utilité est fonction croissante de son revenu (ou de ses honoraires).

Quand les fonctions de répartition se croisent, il n’est plus possible de classer les distributions avec le critère de DS1. On a recours au critère de dominance stochastique à l’ordre 2 (DS2). Définition 2 :

+

x x DS

G

x

F

t

dt

G

t

dt

F

0 0 2

R

,

(

)

(

)

Graphiquement, on compare l’aire comprise sous les deux fonctions de répartition, entre 0 et x.

(16)

Ici, la distribution dominante est préférée à la distribution dominée par tout individu ayant une fonction d’utilité croissante et concave en x.

Remarque 1 : FDS1 GFDS2 G. De manière générale, la dominance à l’ordre s implique la dominance à l’ordre s+1 (Fleurbaey, (1996)).

Remarque 2 : A l’aide d’un changement de variable, il est possible de montrer que pour tester la dominance stochastique à l’ordre 2, la comparaison des aires comprises sous les fonctions de répartition est équivalente à la comparaison des courbes de Lorenz généralisées (Shorrocks (1983)).

Les fonctions de répartition (graphiques 9 et 10) donnent une idée du positionnement des cohortes les unes par rapport aux autres. Nous avons sélectionné les cohortes que nous avions distinguées dans la pyramide des cohortes (graphique 1). Au sens de la DS1, la cohorte 1972 semble dominer la cohorte 1977, qui domine la cohorte 1993 et la cohorte 1985 est la plus mal placée. Le positionnement de la cohorte 1965 est en revanche beaucoup plus fluctuant.

Cette analyse graphique n’est pas suffisante pour obtenir des conclusions robustes. Des tests de dominance doivent être mis en œuvre pour valider ces premières impressions.

Tests de dominance stochastique

Pour tester la dominance stochastique, nous adoptons la méthodologie suivie par Lefranc, Pistolesi et Trannoy (2004) et Pistolesi (2006).

La dominance stochastique d’ordre s entre deux distributions peut s’exprimer au moyen de l’indicateur de « montant de pauvreté » à l’ordre s, pour un seuil de revenu z et défini ainsi :

)

(

)

(

)

(

,

1

,

R

0 1

x

dF

x

z

z

D

s

z

z s s F

− +

=

(4)

Il existe une signification économique à ce « montant de pauvreté ». A l’ordre 1, il représente la proportion d’individus situés en dessous du seuil de revenu z. A l’ordre 2, c’est le montant total qu’il faudrait donner pour que tous les individus en dessous du seuil de revenu z puissent y accéder (voir par exemple Fleurbaey (1996)).

Il existe une relation entre « montant de pauvreté » et dominance stochastique. En utilisant (4), la relation de dominance stochastique à l’ordre s peut s’écrire :

)

(

)

(

,

R

,

1

z

F

G

D

z

D

z

s

DS Fs Gs s

+

(17)

Par exemple, la distribution F domine stochastiquement à l’ordre 2 la distribution G si le montant à donner aux individus pour qu’ils atteignent le seuil de pauvreté est toujours plus élevé dans G que dans F.

Le test de dominance stochastique à l’ordre s consiste à tester l’inégalité DFs(z)≥DGs(z)

pour un ensemble de « seuils » z.

Pour cela, on met en œuvre un test de Wald :

Test : k

R :

0 W = DGDF+

H contre HA:W =DGDF ∉Rk+

A la différence des tests de Wald classiques, ce test repose sur le test de k contraintes d’inégalité. La statistique de test en présence d’une telle contrainte est donnée par Kodde et Palm (1986) : W W S k R W − = + ∈ ˆ min , où

W

=

W

'

Σ

−1

W

Sous H0,

(

,

,

)

Pr(

)

0 2

c

j

k

k

w

S

k j j

Σ

=

χ

) , , (k k− j Σ

w est la probabilité que kj des k éléments de W soient strictement positifs.

Kodde et Palm donnent les bornes inférieures et supérieures des valeurs critiques de la loi suivie par cette statistique.

5.2. Classement des cohortes en terme de dominance stochastique

Graphique 9 : Distributions des honoraires en fonction de la cohorte d’installation, honoraires en euros constants de 2004 0 .2 .4 .6 .8 1 0 50000 100000 150000 200000 250000 honoraires 1993 1985 1977 1972 1965

(18)

Tableau 3 : Tests de dominance stochastique entre les cohortes (honoraires en euros constants de 2004) 1965 1972 1977 1985 1993 1965 - <1 <1 <1 <1 1972 - - >1 >1 >1 1977 - - - >1 >1 1985 - - - - <1

<1 : la cohorte inscrite en ligne est dominée à l’ordre 1 par la cohorte inscrite en colonne >1 : la cohorte inscrite en ligne domine à l’ordre 1 la cohorte inscrite en colonne

Ces tests conduisent à la même hiérarchie que précédemment : la cohorte 1972 domine stochastiquement à l’ordre 1 toutes les autres cohortes et la cohorte 1985 est dominée à l’ordre 1 par toutes les autres cohortes (sauf 1965).

Néanmoins, le classement est effectué à partir des honoraires bruts. Nous prenons donc en compte l’hétérogénéité non observée mais les distributions d’honoraires sont ici comparées pour des niveaux d’ancienneté et des dates d’observations différentes.

Nous améliorons donc l’analyse en exploitant les estimations de la section précédente afin de combiner l’approche en terme de dominance stochastique avec des microsimulations. Pour résumer, nous simulons les honoraires qu’auraient perçus les médecins de notre échantillon s’ils avaient eu, hormis leur cohorte, des caractéristiques observables semblables : la même ancienneté, le même sexe et la même date d’observation5.

Graphique 10 : Distributions des honoraires en fonction de la cohorte d’installation (même ancienneté, même sexe et même date d’observation pour toutes les cohortes)

0 .2 .4 .6 .8 1 0 50000 100000 150000 200000 250000 honoraires 1993 1985 1977 1972 1965

5 Une telle analyse en terme de microsimulation a été initiée par Bourguignon et al. (2002) et utilisée

(19)

Tableau 4 : Tests de dominance stochastique entre les cohortes (même ancienneté, même sexe et même date d’observation pour toutes les cohortes)

1965 1972 1977 1985 1993

1965 - <1 <1 <1 <1

1972 - - >1 >1 >1

1977 - - - >1 >1

1985 - - - - <1

<1 : la cohorte inscrite en ligne est dominée à l’ordre 1 par la cohorte inscrite en colonne >1 : la cohorte inscrite en ligne domine à l’ordre 1 la cohorte inscrite en colonne

Les médecins sont ici homogènes du point de vue de leurs caractéristiques observables (hommes de 10 ans d’ancienneté, exerçant en 1995)6, mais ils diffèrent du point de vue de leur cohorte d’appartenance et de leurs caractéristiques inobservées. Le classement initial des cohortes n’est pas modifié.

Appartenir à une « mauvaise » cohorte semble donc déterminant pour l’ensemble de la carrière d’un médecin généraliste ; les écarts liés aux différences individuelles ne permettent pas de compenser les différences considérables repérées, en moyenne pour les cohortes.

6 Conclusion : résultats obtenus et prolongements

Nos résultats mettent en évidence l’importance de l’effet de la cohorte et son lien avec la régulation de la démographie médicale. Les effets fixes cohorte négatifs observés pour les cohortes de médecins les plus nombreuses nous amènent naturellement à nous interroger sur l’opportunité du relèvement actuel du numerus clausus.

Nous n’avons présenté que les résultats relatifs aux honoraires des médecins. Néanmoins, grâce à un travail minutieux réalisé à partir des déclarations des bénéfices non commerciaux (BNC, répertoriées dans les statistiques fiscales de la Direction Générale des Impôts) et du panel de médecins de la CNAMTS, nous avons reconstitué, pour la première fois au niveau individuel, les revenus des médecins. Les résultats sur les différences intergénérationnelles de revenus sont similaires à celles obtenues sur les honoraires, ce qui nous permet de nous baser uniquement sur les honoraires pour les étudier. En revanche, les revenus seront essentiels pour comparer la situation financière des médecins à celle d’autres professions. En, particulier, il est impératif de compléter le jugement sur le revenu relatif des générations par une évaluation comparative des revenus de catégories de salariés de niveau d’étude équivalent. Les études disponibles sur les salariés révèlent, par exemple, qu’eux aussi sont affectés par un effet cohorte lié au baby-boom (Koubi, 2003b).

6 Ces variables sont celles qui influencent le plus la variance des honoraires. Toutefois, inclure les

(20)

Par ailleurs, l’étude met également en évidence l’importance considérable de l’effet de l’ancienneté sur les honoraires (une plage de variations de 40 points). Ce résultat montre que les indicateurs publiés sur les honoraires et les revenus des médecins doivent être repensés, afin d’acquérir une meilleure robustesse par rapport aux caractéristiques de leur distribution.

Enfin, si l’approche économétrique mobilisée dans cet article est menée au premier ordre, l’analyse en terme de dominance stochastique de distributions d’honoraires la complète en tenant compte des distributions complètes, et notamment de la variance interindividuelle due à l’hétérogénéité non observée. Une manière de poursuivre l’étude serait d’effectuer une analyse au second ordre, où la variance des perturbations est décomposée en différents effets liés à la cohorte, aux effets temporels, à l’ancienneté, etc. (Baker et Solon (2003)).

7 Bibliographie

- Baker M. et Solon G. (2003). « Earnings Dynamics and Inequality among Canadian Men, 1976-1992 : Evidence from Longitudinal Income Tax Records », Journal of Labor Economics, vol. 21, n°2, pp. 289-321.

- Billaut, A. (2006). « Les affectations en troisième cycle des études médicales en 2005, suite aux épreuves classantes nationales », Études et Résultats n°474, DREES.

- Bourgueil, Y. et al. (2006). « Améliorer la répartition géographique des professionnels de santé : les enseignements de la littérature », Questions d’Économie de la Santé, IRDES, n°116.

- Bourgueil, Y. (2007). « La démographie médicale : constats, enjeux et perspectives », Regards, n°31, pp. 34-46.

- Bourguignon, F., Ferreira, F. H. G. et Leite, P. G. (2002). « Beyond Oaxaca-Blinder : Accounting for Differences in Household Income Distribution Across Countries ». Working paper Delta n°2002-04.

- Davidson, R. et Duclos, J-Y. (2000). « Statistical Inference for Stochastic Dominance and for the Measurement of Poverty and Inequality », Econometrica, vol. 68, n°6, pp. 1435-1464.

- Delattre E. et Dormont B. (2003). « Fixed Fees and Physician-Induced Demand : a Panel Data Study on French Physicians ». Health Economics, vol. 12, pp. 741-754.

- Delattre E. et Dormont B. (2005a). « Le secteur libéral de la médecine ambulatoire en France. Comportements d’offre de soins et choix de localisation », Rapport pour la CNAMTS.

(21)

- Delattre E. et Dormont B. (2005b). « La régulation de la médecine ambulatoire en France : quel effet sur le comportement des médecins libéraux ? » Solidarité Santé, n°1, pp. 135-161, DREES.

- Dormont et Milcent (2006). « Innovation diffusion under budget constraints. Microeconometric evidence on heart attack in France », Annales d'Économie et de Statistique, n° 79/80.

- Dormont B. et Samson A.-L. (2007). « Choix de contraintes pour l’identification des effets fixes année, cohorte et ancienneté », miméo.

- Fleurbaey, M. (1996). « Théories économiques de la justice », Economica.

- Kodde, D. et Palm, F. (1986). « Wald Criteria for Jointly Testing Equality and Inequality restrictions », Econometrica, vol. 54, n°5, pp. 1243-1248.

- Koubi, M. (2003a). « Les trajectoires professionnelles : une analyse par cohorte », Économie et Statistiques, n°369-370, juillet.

- Koubi, M. (2003b). « Les carrières salariales par cohorte de 1967 à 2000 », Économie et Statistiques, n°369-370, juillet.

- Lefranc, A., Pistolesi, N. et Trannoy, A. (2004). « Le revenu selon l’origine sociale », Économie et Statistiques, n°371, décembre.

- Lollivier, S. et Payen, F. (1990). « L’hétérogénéité des carrières individuelles mesurées sur données de panel », Économie et Prévision, n°92-93, pp.87-95.

- Mincer, J. (1974). « Schooling, Experience and Earnings », New York : National Bureau of Economic research.

- ONDPS (2005). « Rapport annuel », www.sante.gouv.fr/ondps

- Pistolesi, N. (2006). « L’égalité des chances en France et aux États-Unis : le rôle de l’effort, des circonstances et de la responsabilité », Thèse pour le doctorat en science économique, Université de Cergy Pontoise.

- Samson A.-L. (2006). « La dispersion des honoraires des omnipraticiens », Études et Résultats n°482, DREES.

Figure

Graphique 1 : Nombre total de médecins et pourcentage de médecins qui quittent la base de  données entre 1983 et 2004, par date d’installation en libéral
Tableau 1 : Évolution de la distribution des honoraires (base 100 en 2004)
Graphique 3 : Honoraires moyens, en euros constants (base 100 en 2004), par cohorte et  ancienneté   5000060000700008000090000 100000110000120000130000140000 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 198
Tableau 2 : Estimation de la fonction de gain pour les omnipraticiens du secteur 1  Variable expliquée : logarithme des honoraires
+7

Références

Documents relatifs

En somme, nous souhaitions recueillir le point de vue des médecins généralistes sur ces questions, afin d’adapter les moyens mis en place par le service de

La nécessité d’une offre de soins variée et adaptée à la demande des patientes était un facteur favorisant la collaboration avec les sages-femmes d’après les

• connaître sur quels acteurs du réseau de soin les médecins généralistes s' appuyaient pour la prise en charge des usagers de cannabis.. • mesurer le désir des médecins

Les thèses dans la filière de médecine générale : étude descriptive des thèses des futurs médecins généralistes soutenues à Bordeaux entre 2007 et 2014.. Médecine humaine

L’objectif de cette étude était de recueillir l’opinion des médecins généralistes de l’agglomération havraise, partenaires essentiels de l’hôpital,

Les médecins généralistes sont quand même très débordés, il pourrait y avoir un glissement de tâches, nous laisser plus d’autonomie au niveau infirmier

Bien que différents auteurs aient mentionné qu'il existait un lien entre un développement anormal des fonctions executives et celui de certaines conditions neuropsychiatriques et

Cette méthode apparait particulièrement adaptée pour répartir la charge de l’impôt sur le revenu entre les différents individus d’un même foyer fiscal : en effet, le montant