L'ORDINATEUR GRAPHIQUE, UN OUTIL DIDACTIQUE
POUR LA MODELISATION EXPERIMENTALE
EN CLASSE DE PHYSIQUE DES LYCEES?
Daniel BEAUFILS Jean-Claude LE TOUZE INRP, Montrouge
MOTS-CLES : PHYSIQUE - ORDINATEUR MODELE - SIMULATIaN - GRAPHIQUE.
RESUME: L'ordinateur, support de fonctionnalités de traceur de courbes et de simulation numérique, peut constituer une aideàl'introduction (en classe de physique des lycées) d'une démarche de modlisation fondée sur l'existence de résultats expérimentaux et explicitant deux niveaux d'analyse et de formalisation: l'analyse descriptive ("modèle" de représentation) et l'analyse interprétative (modèle de connaissance). Un logiciel a été réalisé dans ce sens pour l'étude de la chute libre et est en cours l'expérimentation.
SUMMARY : Computer can be used to display graphically mathematical function and to process numerical simulation. Then it should be helpful (for physics teaching at secondary school) in the introduction of a modelling approach. The modelisation we propose starts from experimental data collecting and considers two levels in the analysis and the formalization : a descriptive analysis (representative "model") and an interpretative analysis (theoretical model). A software which enables the free fal! experimental study was developped in this way and is now experimented by teachers.
1. INTRODUCTION
L'introduction de l'ordinateur en Sciences Physiques est marquée par un engouement pOUl l'instrument de mesure (ordinateur outil de laboratoire), et par une utilisation systématique, dans les logiciels correspondants, du graphisme et du numérique (lissages, dérivations, résolutions d'équations, ete). Cette évolution amène de nombreuses questions; par exemple:
-l'ordinateur utilisé comme "simple" outil de laboratoire apporte-t-il vraiment quelque chose sur le plan de la relation théorie/expérience ?
- des fonctionnalités numériques, pour quoi faire?
- si l'ordinateur se charge des mesures, des représentations graphiques et des estimations numériques de paramètres, quelles activités reste-t-il aux élèves (1) ?
Nous proposons ici un type de réponse qui passe par la conception d'activités de modélisation fondées sur l'analyse quantitative des données expérimentales.
2. UNE AIDE A LA MODELISATION?
2.1. L'analogie avec la "modélisation expérimentale"
Dans notre recherche, nous nous somme inspirés de méthodes de "modélisation expérimentale" utilisée dans l'analyse des systèmes, et pour lesquelles l'ordinateur est devenu l'outil indispensable. Deux niveaux de modèle y sont distingués : le modèle de représentation qui viseàune description semi-empirique du comportement du système, et le modèle de connaissance qui viseàl'interprétation théorique du comportement ainsi étudié (2).
Ces deux niveaux nous semblent devoir être explicités dans une démarche de modélisation qui s'appuie sur l'acquisition de données expérimentales et qui, donc, s'intéresse explicitement au quantitatif et à la formalisation. De plus, sur le plan pédagogique, ils peuvent s'inscrire dans le schéma "Travaux Pratiques (TP)1cours", classique en France, et constituer une façon d'articuler les deux types de séance. L'objectif du TP est alors d'aboutiràla description quantitative (relation mathématique entre observables) des résultats expérimentaux obtenus; celui du cours est la construction d'un modèle physico-mathématique plus explicatif.
Dans ce cadre, l'ordinateur peut apporter une aide sous la forme de deux fonctionnalités qui doivent alors venir compléter l'acquisition des données: le traceur de courbes et la simulation numérique.
2.2. L'ordinateur traceur de courbes et outil de simulation numérique
Bien que relativement classique, le traceur de courbes n'est que rarement intégréàun logiciel d'acquisition de données. L'intérêt du traceur de courbes se trouve sur le plan de l'analyse empirique: il est ainsi possible de déterminer une expression mathématique représentative d'un ensemble de points expérimentaux. Il permet de concrétiser et de rendre accessibles des expressions mathématiques non élémentaires et permet, a contrario des déterminations automatiques (régressions polynômiales par exemple), le contrôle du processus d'optimisation du "modèle" mathématique.
fonctionnalité nouvelle. La méthode correspondante consisteàconstruire un modèle théorique qui, intégré aux équations générales (équation différentielle du mouvement par exemple), va pouvoir être mis en fonctionnement" (simulation (3», et dont les résultats vont être directement confrontés aux données expérimentales. De ce point de vue, la simulation n'est plus présentée comme une alternative à l'expérience, mais bien comme une méthode d'analyse de données. L'intérêt se situe également ici, sur le plan de la concrétisation : le modèle est manipulé, les équations fondamentales sont opérationnalisées (utilisées dans un but de mise au point d'un modèle), et les résultats sont représentés graphiquement dans l'espace défini par l'expérience.
3.L'EXEMPLE DEVELOPPE: ETUDE EXPERIMENTALE DE LA CHUTE LmRE
Un logiciel d'acquisition et d'analyse de données a été réalisé dans ce sensàl'Institut National de Recherche Pédagogique et est en cours d'expérimentation pédagogique. Il concerne l'étude de la chute libre, point central du programme de mécanique des classes de Première et Terminale scientifiques (deux dernières années du cycle secondaire français, élèves de &6-18 ans).
3. 1. Le dispositif expérimental
Le dispositif schématisé ci-dessous (fig. 1), permet grace à des capteurs photo-électriques connectés à une interface, de mesureràla fois la date de passage (t) et la vitesse (v) d'une bille on fonction de dénivellations (h) choisies par l'expérimentateur. Chaque acquisition se traduit par l'affichage des points expérimentaux dans les espaces correspondants (fig. 2).
D
ooooooouo 0 0 0 0 0 0 0 ' 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0( ,1
Figures 1 et 21..
hEn fonction de l'approche choisie (étude cinématique ou énergétique)ilest possible de modifieràtout moment l'espace de représentation, en sélectionnant dans le menu les grandeursàporter en abscisse et en ordonnée (fig. 3 et 4). Les deux fonctionnalités présentées au paragraphe précédent étant accessibles par le menu "Modèle".
y
u
v
t.emps (s) racine carrée de t. t. au carr~ ordonnée (m) module de z (ml déylivellat.ioYl (m) vi t.esse (m/s) norme de V (m/sl V al..l carré h z h v Figures 3 et 4 1 espaces ..., espaces ( i(211 t Z h v WIO Ec EIO ErnAvec la commande Fonction, l'utilisateur peut choisir le type de fonction, puis entrer les valeurs des paramètres. L'ordinateur superpose aux points expérimentaux la représentation de la fonction mathématique ainsi définie (fig. 5 et 6). Certains paramètres peuvent être alors ajustés pour une meilleure adéquation, contrôlée graphiquement ou grâceà un estimateur numérique également accessible.
init. . •cQui •. gr.ph. t.r.it.. mod~l
i' h 1:!?~ct~O"(lOYl h
5
Fig. 5 et 6
Lacommande Simulation permet d'accéder au second niveau de l'analyse: elle permet d'entrer la loi d'accélération (fig. 8) déduite de la relation fondamentale de la dynamique et de l'hypothèse d'une loi de force permettant de rendre compte du comportement décrit précédemment. La validation des conditions initiales entraîne ensuite la résolution numérique de l'équation différentielle, le calcul des grandeurs en cours d'analyse et le tracé (en superposition) des points théoriques (fig. 8).
init. aCQUi5. graph. t r a i t . model
" h I-I'onct ionsimulation1
d2 z/dt2 = -1'Ct.z .vl o/'lt,z,vl - -9.6 ~
0.a.V
t...
,
Fig. 7 et 8 Ec8
4. CONCLUSION ET REMARQUES FONDAMENTALES 4.1 Une aide didactique ?
Cetypede réalisation informatique nous semble constituer une aideàl'explicitation des notions de modèle et de modélisation (aide pour l'enseignant), et à la manipulation etàla construction de modèles (aide pour l'enseignant et pour l'élève). Il s'agit bien d'une aide et non pas d'un "logiciel d'enseignement" car, d'une part, les fonctionnalités sont extérieuresàl'objet d'étude (constitué ici du phénomène et du dispositif expérimental), et d'autre part, la conduite de la classe et les objectifs de chaque séance sontàla charge de l'enseignant. Cette aide est didactique dans le sens où elle est adaptéeà une démarche didactique etàun contenu (ceci se traduisant par un logiciel dédiéàl'étude de la chute libre: grandeurs prédéfinies, fonction maÛlématique en nombre restreint, etc.).
4.2. Deux remarques fondamentales
4.2.1. La place centrale du graphisme :Le graphique apparaît comme une composante essentielle. Il est non seulement le mode de représentation adaptéàl'analyse des données (procédures de comparaison, sélection des représentations), mais il constitue de façon fondamentale l'espace de la confrontation théorie/expérience: les données expérimentales étant entrées dans l'ordinateur, elles sont automatiquement mises au même "format" de représentation que les calculs Ûléoriques, et peuvent ainsi y être directement confrontés.Il faut noter ici que l'utilisation du graphisme repose sur deux hypoÛlèses :
- les compétences minimales des élèves ont été acquises antérieurement de façon plus classique;
-l'utilisation même de ces représentations et de ces procédures graphiques constitue l'une des façons de conduire leur apprentissage.
4.2.2. Changement du rapport aux données et aux modèles :Les possibilités calculatoires et graphiques introduisent une modificationàla fois du rapport aux données expérimentales et du rapport aux modèles.
En ce qui concerne les données, on remarque que l'on peut avoir accès directementàdes grandeurs dérivées (l'énergie cinétique) et que l'observation du comportement du système, ainsi que son analyse première se font directement sur les signifiants graphiques. En particulier, le premier niveau de représentation mathématique ne constitue pas, au sens strict, un modèle. Même s'il y a interpolation ou extrapolation à partir de l'ensemble discret des points expérimentaux, il ne s'agit que d'un description-organisation des données.
De par sa fonction d'interprétation des faits expérimentaux, et par le fait même que l'expression mathématique est issue d'une construction partant d'un champ théorique (auquel elle emprunte non seulement des équations générales, mais également des grandeurs et des paramètres différents des observables), le second niveau relève du modèle. Dans la démarche, la construction des modèles se fait dans leurs relations avec l'empirique (validation et limites) et leur formulation mathématique les rend manipulables sur le plan quantitatif quelle que soit leur complexité.
S. BIBLIOGRAPHIE
(1)BEAUFILS (D.), SALAME (N.). - "Quelles contributions de l'ordinateuràl'évolution des activités expérimentales en classe de science ?",ASTER, Ed INRP, 9,àparaître.
(2) TRIGEASSOU (l-C.), 1988.-Lamodélisation expérimentale, Tec. Doc. Ed., Paris.
(3) BEAUFILS (D.), DUREY (A), JOURNEAUX (R.), 1987. - "La simulation sur ordinateur dans l'enseignement des sciences physiques. Quelques aspects didactiques", inActes des9~mesJournées sur l'Education Scientifique, Chamonix. UF de Didactique dse Disciplines, Université Paris VII, 7, 507-514.
BEAUFILS (D.), 1987 - "Conception de manipulations de physique avec ordinateur, approt d'un expérimentation", in Actes des 10~mes Journées sur l'Education Scientifique, Chamonix. UFde Didactique des Disciplines, Université Paris VII, 379-386.
BEAUFILS (D.), 1987. -"Lependule pesant",InExpériences de mécanique assistées par ordinateur, Acres de l'atelier informatique des Journées de l'Union des Physiciens, Reims.
DUREY (A), 1987.-Vers des activités didactiques de mise au point demod~les de physique avec des micro-ordinateurs. Exemples: trajectoires,frappés et rebonds de balles en rotation, Thèse, Université
Paris VII.
WINTHER (J.), DUREY(A). -"Mise au point d'outils informatiques pour la modélisation de données expérimentales en électricité dans le second cycle des lycées", dans ces mêmes actes.