• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Introduction aux XXIIIes Journées De quelle approche expérimentale parlons-nous ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Introduction aux XXIIIes Journées De quelle approche expérimentale parlons-nous ?"

Copied!
7
0
0

Texte intégral

(1)

INTRODUCTION DES XXIIIes J.I.E.S.

EXPÉRIENCES DE LA NATURE ET DE LA TECHNIQUE

André GIORDAN L.D.E.S., Université de Genève

Président des J.I.E.S.

DE QUELLE APPPROCHE EXPÉRIMENTALE PARLONS-NOUS ?

De tout temps, pour affronter un milieu de vie difficile où les questions essentielles restent obscures, les Hommes ont aimé s’inventer des histoires. Ces mythes étaient fondateurs pour expliquer, structurer une société ou tenter de vivre ensemble. Dans nombre de cultures, d'autres hommes, parfois les mêmes, ont tenté de tirer parti de leurs “expériences” de vie... pour expliquer, faire ou prévoir.

Depuis l’Antiquité - ou en tout cas depuis le XVIe siècle -, certains ont cherché à systématiser la démarche en “montant” des “expériences” pour interroger la Nature... Ils ont introduit des artifices pour “voir” comment elle allait réagir. A l’origine, il s’agissait même de s’affronter à elle pour la dominer.

Réagirait-elle comme ils l’avaient prévu ?... Si non, puisqu'on a toujours beaucoup appris par l’erreur, qu’est-ce cela voulait dire ? Qu’est ce qu’on pouvait en tirer comme “leçon” ? On est entré ainsi dans une nouvelle approche : l’approche expérimentale qui a permis l’essor des sciences et des techniques par la suite.

C'est une rupture importante dans l'approche du monde ou des phénomènes qui s’est joué là. On ne la célèbre pas assez, comme étape de l’histoire de la pensée... sauf à Chamonix !

On ne regarde plus le monde de la même manière après. Au lieu de s’en remettre à un simple imaginaire, on tente de tester cet imaginaire. Tient-il la route ?... Le chercheur cherche à voir s’il y a adéquation entre ce qu’il pense, ce qu’il prévoit et ce qui est.

Pas de triomphalisme cependant dans cette brève histoire. Les adhérences anciennes restent nombreuses et perdurent longtemps. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas les esprits les plus éclairés qui ont fait les premières expérimentations. Les premières expériences baignent dans la plus pure alchimie ou dans l’art de la guerre. En 1840, on expérimente encore pour “chercher Dieu dans les œuvres de la Nature”, comme le propose Cousin-Despréaux dans son Histoire naturelle, la physique et la chimie présentées à l’esprit et au cœur, (Librairie d’éducation de Périsse, 1840).

(2)

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on expérimente qu’on élabore un savoir pertinent ! Le biologiste français Buffon, lors de sa 26e expérience sur la génération a fini par voir ce qu’il voulait voir, c'est-à-dire des spermatozoïdes chez les femelles, et plus particulièrement dans cet exemple, chez la chienne.

Spermatozoïdes de chienne, dessinés par Buffon

Spallanzani, un prêtre et biologiste “Italien”, passa 20 ans de sa vie à expérimenter sur ce qu’on appelait “les vers spermatiques”, aujourd’hui les spermatozoïdes... Il mit des petits caleçons en taffetas à ces crapauds, les enleva, pris de la semence mâle, la filtra, la chauffa, regarda son action à distance, rajouta de l’urine, etc... Autant d’expériences qui lui auraient permis de repérer leur rôle dans la fécondation. Pourtant il en conclut : “ceux qui croient que les vers spermatiques sont les artisans de la génération, doivent nécessairement supposer qu’elle existe dans la liqueur séminale toutes les fois que l’accouplement est fécond ; d’où il résulte que la liqueur séminale du mâle doit être stérile quand elle sera sans petits vers : mais cela ne s’accorde pas précisément avec les faits.

"Ces Têtards préexiftent-ils à la fécondation, comme ceux de la Grenouille quatique? Pour réfoudre cette queftion, il falloit entreprendre une rigoureufe comparaifon, les œufs prétendus fécondés par le mâle, et ceux qui certainement ne l'avoient pas été, et qui étoient defcendus dans l'utérus avant l'accouplement, j'ai fuivi cette comparaifon avec la circonfpection la plus fcrupuleufe et je puis affurer avoir trouvé la plus exacte reffenblance entre ces deux efpèces d'œufs: ce qui me force encore à reconnoître que, dans cette efpèce de Grenouille, les fœtus préexiftent dans la femelle avant la fécondation."

Extraits des cahiers de laboratoire de Spallazani (1777)

Aujourd’hui encore, il y aurait beaucoup à discuter sur certaines pratiques expérimentales, sur leurs limites insuffisamment pensées, sur les modes qu’elles comportent, sur les questions qu’elles soulèvent tant sur

(3)

les plans épistémologique qu’éthique.

Par manque de culture scientifique, nombre de scientifiques continuent à avoir une vision fruste à son propos. La démarche expérimentale n'est pas une démarche stéréotypée. Il y a un grand nombre de démarches expérimentales, avec des méthodologies différentes, entre celles pratiquées en astrophysique, en physique des particules, en immunologie ou en éthologie.

Leur seul point commun est la rencontre entre une question quelque chose qui intrigue, qui interpelle -une idée qu’on suspend - -une supposition, -une hypothèse - et un test de la réalité - l’expérience au sens strict1.

Hypothèse

Question

Expérience

Systèmes d’interactions

La pertinence de cette démarche est dans l’interaction entre ces moments dans les régulations multiples qui en résultent. La question de départ n’est pas celle qu’on mentionne à l’arrivée de la recherche. Entre temps, elle a été reformulée plusieurs fois.

L’idée n’est jamais un Eurêka à l’Archimède. Elle s’inscrit dans un cadre de références : un corpus de modèles, de concepts et de théories qui lui donnent son sens. Elle est également reformulée en lien avec l’évolution de la question.

Le test n’est jamais unique. Seul en ensemble de tests arrivent à faire bouger les hypothèses... Et ces dernières, même corroborées, doivent être encore acceptées par la communauté des chercheurs. Cela nécessite un certain temps et d’autres mécanismes.

Quand, en 1983, deux médecins australiens Robin Warren et Bary Marshall démontrent que les estomacs des personnes ayant une gastrite sont colonisés par une nouvelles sortes de bactéries, Helicobacter pylori, ce résultat est vivement contesté. La proposition fut considérée comme “absurde”, voire même “outrageuse” pour la Communauté médicale dans son ensemble.

1 Il n’est donc pas question de substituer une démarche QHE (question, hypothèse et expérience) à une démarche OHERIC ! Ces trois paramètres interagissent en permanence l’un sur les deux autres soit directement, soit indirectement par feed-back. Une démarche expérimentale doit être envisagée comme un processus dans le temps où question, hypothèse et expérience interfèrent mutuellement. L’expérience en tant que telle reste toujours un artifice. Elle n’apporte aucune information en soi. Elle ne prend sens que par interaction avec d’autres expériences et surtout en relation avec l’hypothèse qui lui procure son

(4)

Le modèle bactérien de l’ulcère de l’estomac ne fut accepté qu’en 1994, lors d’un U.S. National Institutes of Health Consensus Development Panel, soit douze ans après les premières hypothèses.

Les processus d’élaboration du savoir scientifique sont beaucoup plus complexes qu’on ne le suppose... Sa production n’est pas réductible à une rationalité claire, elle dépend fortement d’éléments contextuels. On n'abandonne pas un modèle scientifique seulement pour des raisons purement scientifiques.

Avec toutes ces limites encore mal éclairées, rien d’étonnant que la démarche expérimentale soit souvent très mal diffusée, et que son appropriation reste des plus limitées.

Dans les musées, on prétend développer une démarche expérimentale par quelques activités presse-bouton. Quand ce n’est pas une seule expérience proposée pour chaque savoir à faire passer. La plupart des expositions scientifiques du Palais de la Découverte de Paris à l’Exploratorium de San Francisco sont souvent envisagées ainsi.

Les documents de vulgarisation, même les meilleurs, ne font pas mieux. Il n’y a pas de questions ou d’hypothèses qui les sous-tendent ou alors, elles restent implicites.

On propose même des activités pour expliciter ce qu’on cherche.

cadre de questionnement et d’interprétation. A la limite, un fait n’existe pas en soi. Il n’est perçu que si on a déjà une grille d’analyse qui permet de l’enregistrer.

(5)

À l'école, mais également à l’université, on limite souvent la démarche expérimentale à quelques manipulations2

. Dans la plupart des travaux pratiques - là où se trouvent concentrés les plus gros dysfonctionnements -, l’expérience est réduite à n’être qu’une simple illustration d’un savoir dogmatique. “(en cours) Regardez ce que je fais”, (en TP) “Faites ce que je vous dis... vous verrez que j’ai raison... L’expérience le montre bien ! ”

Même les méthodes dites “actives” à la mode ne font pas toujours mieux. Par l’action, on souhaite “amener les enfants à observer et manipuler des objets naturels ou techniques de la vie courante” pour reprendre quelques citations. On aimerait que les enfants “cherchent à expliquer des phénomènes simples, accessibles à leur compréhension par le moyen de leurs expériences : ainsi ils se donnent une prise sur un réel concret, maîtrisé par la parole et le raisonnement” (site de l'opération de la main à la pâte).

Malheureusement les problèmes sont partout :

- Nombre de ces démarches actives sont plus frontales que les frontales : on fournit seulement une

suite de consignes.

- Dans la plupart des autres, il n’y a pas de question.

- On limite l’expérimentation à une seule hypothèse, la “bonne”, celle qu’on attend et souvent à

une seule expérience.

De plus, l'élève ne voit que ce qu'il peut voir, il ne peut interpréter que ce que lui permettent ses conceptions. D’où des décalages ou des incompréhensions multiples.

Une expérience n’a de sens que dans son cadre conceptuel. Au laboratoire, hors du temps administratif, la partie strictement expérimentale, c'est moins de 5 % du temps ! Au préalable, le chercheur passe 80% de son temps à faire ce qu’on appelle en jargon de chercheur “faire la littérature”, c’est-à-dire définir l’état du domaine, repérer les éléments constitutifs de son champ de recherche, préciser la validité de la méthodologie envisagée, etc. Les autres 15%, il le dépense à argumenter la cohérence de ses résultats avec les autres éléments qui font consensus et à faire connaître l’intérêt de l’ensemble de son travail.

Dans ce cadre, l’expérience au sens strict n’est que le pion qu’il avance pour débattre ou la butte sur laquelle il s’appuie pour défendre sa position !

(6)

À travers ces difficultés, on voit tous les défis de ces Journées. Nous avons à réfléchir à ce que peut être optimalement cette démarche dans les activités de médiation ou dans les activités éducatives. Il nous faut affiner : la place du questionnement, la production d’hypothèses, la synergie avec le travail de documentation, l’importance des écrits... et surtout leurs interactions.

La recherche des situations qui vont à l’encontre des savoirs acquis peut être une piste à développer pour favoriser la problématisation et l’émergence d’hypothèses. Pour les plus jeunes, il s’agit sans doute d’enrichir au préalable leur vécu, de prendre appui sur leur familier. Les enfants vivent dans un milieu urbain. Leurs connaissances, même empiriques sur la Nature sont souvent très pauvres et les technologies actuelles autant de “boites noires”. Pour les initiés, un passage par des étapes historiques ou par des réflexions épistémologiques (“comment la démarche scientifique se démarque d’une démarche juridique ?”, “qu’est ce qu’une hypothèse ?”...) est également souhaitable.

Vu les difficultés, sans doute ne peut-on pas faire l’économie de mettre les apprenants en situation de recherche “à l’identique”, en reconstituant ces conditions en classe ou en activités de club. Ce pourrait être même une chance pour nos sociétés ou pour l’école. Des sujets qui ne font pas l'objet de "bonnes" recherches universitaires (sur la biodiversité, l’environnement, les économies d’énergie, des optimisations de technologie par exemple) pourraient être l’objet d’études “porteuses” dans les classes, à l’université ou dans les clubs de sciences.

Il s'agit également de s'interroger sur ce que peut apporter une initiation à la démarche expérimentale pour comprendre les problèmes actuels. On ne peut pas dire que la façon dont les populations ont réagi récemment à nombre de questions d’actualité s’approchent d’une démarche expérimentale !

On pourrait mettre en avant certainement :

- l’importance du questionnement pour aller “au delà de l’apparence”, pour dépasser la surface

supposée de la réalité immédiate (est-ce à ce niveau que tout se joue ?”);

- la recherche et le tri des multiples d'informations, pour ne pas en rester à une seule approche ou à

un seul “son de cloche” (“qui me donne ces informations, ces éléments ? Pourquoi ?”, “ne pourrait-on pas voir les choses autrement”) ;

- l’importance d’une argumentation fondée, pour éprouver la validité des arguments échangés

(“est-ce bien sûr que (“est-cela se passe ainsi ?” , “que vaut (“est-ce que je pense ou pense tel expert ?”).

Sans doute faut-il réfléchir, et sur le plan épistémologique et sur le plan didactique, aux limites des pratiques expérimentales habituelles qui décomposent un problème en sous-problèmes ou qui traitent les paramètres séparément. La place de l’analyse systémique, de la pragmatique, de la modélisation et de la simulation doit être repensée, à la lumière des situations complexes qu’il s’agit d’élucider.

Mais pour moi, ce que peut nous enseigner au mieux la démarche expérimentale, c'est un paradoxe. L’approche expérimentale qui a pour but de tester la réalité n’a pas à mettre uniquement en avant les certitudes qu’elle apporte. En premier, elle peut valoriser les doutes qu’elle soulève. Quotidiennement, on a besoin du doute. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Il nous faut accepter ces doutes qui parsèment notre chemin. Il nous faut accepter de ne pas tout savoir, de savoir donner des réponses limitées au contexte. Tout cela, une démarche expérimentale de qualité nous l’apprend bien. Sans doute, nous faut-il

(7)

transformer le vieil adage “dans le doute abstient-toi en “apprendre à douter avec confiance” !…

Objectifs possibles

à travers une démarche expérimentale en classe

Sur le plan éducatif, la démarche expérimentale est très porteuse. Elle permet de développer une multitude de qualités et d’investigations. Il est possible de catégoriser ces divers objectifs en deux groupes : attitudes et démarches.

1. Attitudes

• avoir envie de se poser des questions (curiosité), • avoir confiance en soi,

• être critique (esprit critique), • être créatif (imagination créatrice), • avoir envie de chercher par soi-même, • avoir envie de communiquer,

• avoir envie de travailler en groupe. 2. Démarches

• savoir entreprendre une activité pour répondre à ses propres questions, à celles de ses camarades ou de l’animateur • savoir énoncer sa propre formulation du problème,

• savoir rechercher une relation causale (savoir établir une corrélation ou un système causal), • savoir formuler plusieurs hypothèses,

• savoir faire un corpus documentaire, • savoir repérer une grandeur,

• savoir imaginer un dispositif expérimental, • savoir rechercher des indicateurs,

• savoir envisager les causes d’erreurs, • savoir mettre au point un test, • savoir observer,

• savoir faire des mesures, • savoir enquêter,

• savoir lire des résultats d’une expérience,

• savoir traduire les résultats sous forme d’un graphe, • savoir argumenter,

• savoir discuter les apports de son expérimentation et la comparer avec celles d’autres, • savoir accueillir ou élaborer un modèle,

• savoir mobiliser une hypothèse corroborée (ou un modèle) dans d’autres situations, • savoir reconnaître les limites d’une hypothèse.

NB : Nombre d’objectifs les plus formateurs résultent justement des interactions entre les phases d’une démarche expérimentale :

• savoir fonder une hypothèse par rapport au corpus documentaire, • savoir mettre en relation les résultats obtenus avec l’hypothèse, • savoir discuter les résultats,

• savoir reformuler une hypothèse, éventuellement en émettre d’autres, • savoir reformuler le problème,

• savoir rechercher la cohérence d’une hypothèse au travers le modèle utilisé, etc.

Pour terminer, je voudrais lancer une dernière interrogation. Elle pourrait faire l’objet d’un protocole expérimental durant et après ces journées. Nous sommes là pour expérimenter, faire expérimenter ou pour penser l’expérience. Devant la façon dont se développent les sciences et les technologies, ou plutôt de la façon dont les produits issus du développement des sciences et des techniques sont mis sur le marché, ne devrions-nous pas plutôt nous interroger... si nous ne sommes pas devenus indirectement “objet” d’expériences ?…

Ne teste-t-on pas sur nous l'influence des micro-ondes avec l’introduction des téléphones portables, notre résistance à la listeria par l'apprêt de fromages ou de la dioxine à travers nos goûts pour le poulet ou encore la durée de l'incubation du prion, suite à un repas dans un fast food ?

Références

Documents relatifs

Les virus sont la cause principale des encéphalites aiguës, et plus d’une centaine d’entre eux a été impliquée dans ces pathologies.. Mais si la plupart des infections

• To reduce the risk of transmission within the EU following importation of Ebola virus, the following options are available: epidemic control based on interruption of transmission

Les campagnes nationales ou locales pour la promotion de l'hygiène des mains chez les soignants doivent s’harmoniser avec la campagne mondiale de sensibi- lisation et le

Choisissez la forme de titre la plus adaptée à votre message et au journal choisi :..  Le titre informatif, le plus attractif : il apporte une

La lixiviation est surtout employée dans le cas des minerais du cuivre, car le sulfate de cuivre formé pendant l’oxydation des minerais de sulfure de cuivre est très soluble

Enquêtes de consommation dans la ville de N’Djaména : La consommation de lait dans les domiciles a été approchée en mars-avril 2007 par sondage auprès de 198

Pour les enfants scolarisés, l’ensemble des écoles et des collèges resteront ouverts à partir de lundi matin 16 mars pour accueillir vos enfants : il suffira pour cela de

Pour les 10 patients non classés RHSI, leur réaction était en faveur d’une autre cause (asthme sur terrain asthmatique, détresse respiratoire, arrêt cardiaque avec problème