L'UNIVERS A
~EUXVOIX
(ËD]T! CH<S L.A ~lOR lA)Pré sen tatiO:l Jacque '(ERY
Profes eUT de Dessin Lycée e Corbeil
SOLEIL
Hubert REEVES - Astrophysicien au CNRS Les enfants d'un C.E.S.
INSECTE
Marie PERE~rnOU, Claude NURIDSANY, biologistes
Les enfants d'un C.E.S.
Premier prix graphique Fiera di Bologna pour la Jeunesse 1981
L'univers à deux voix c'est la possibilité de :aire le seul vrai voyage dont rêvait Marcel PROUST qui consisterait non pas à
parcourir une centaine de pays avec la même paire d'yeux, mais
à voir le même pays avec cent paires d'yeux.
Des enfants et des scientifiques se rencontrent pour partager leur vision du monde.
De cette collaboration naissent des travaux: des textes et des dessins, qui mêlés aux documents scientifiques forment en un contrepoint la matière de ces livres.
L'univers à deux voix c'es~ aussi en espérance, une autre manière de vivre l'école pour que l'enfant s'y construise dans toute la
SOLEIL
Il est né d'une rencontre entre un astrophysicien éluDer,: REE?ES et des enfants de 11 à 14 ans dans un collège de la banlieue parisienne comme tant d'autres.
Rencontre aussi du Dessin, du Français, de la Technologie, qui au-delà des cloisons qui les isolent ont découvert dans leur différence la richesse de leur complémentarité.
c'est par le dessin d'abord que les enfants se sont exprimés. L'enfance entretient avec le soleil des rapports privilégiés et la moindre peinture de "maternelle" est spontanément ensoleillée. I l en est de même à douze ans.
Dans notre expérience les élèves ont raconté d'abord la joie des vacances, la chaleur, le jeu, l'eau •.. mais aussi le soleil qui fait pousser les plantes, qui donne lumière et vie, qui préside aux saisons et pour certains ce fut l'appel plus mystérieux vers l'infini des étoiles. Chacun cherchant "sa" réponse, révèlant "son" soleil.
C'est par la réfexion que l'enfant parvient à se situer. Ainsi découvre-t-il un peu du rapport sensible qui le relie au monde. Mais i l mesure aussi ses limites. Il se heurte aux difficultés de la création, les choses résistent. Parfois aussi, ses désirs appellent d'autres modes d'expression, les dessins ne suffisent plus, les mots prennent le relais, des textes jaillissent, ils invitent au voyage
. . . "Tout au fond, tout en bas c'est un trou noir d'encre. O'au-tres mondes encore. Un petit bonhomme monté sur une image des-cendait l'avenue bordée d'astres blancs, son image caracolait et il se sentait balancé d'avant en arrière délicieusement, une
à une les planètes défilaient, blanches . . . . "
Sans Hubert RE EVE S , l'aventure aurait pu s'arrêter là, et lui, le "Savant" aurait pu à bon compte se contenter de nous inonder de connaissances.
Au contraire, avec patience et cette extraordinaire attention aux autres qu'on lui connait, i l a été à l'écoute de chacun. Ces textes et ces dessins un peu "naifs" l'intéressaient. Le dialogue devenait passionnant.
C'est une envie de connaître et de comprendre qu'il communiquait. Ce soleil familier que l'on croyait si proche, qu'en savions-nous au juste ?
A la vision sensible et poétique Hubert REEVES ajoute celle que nous offrent la science et la technique d'aojourd'hui. Tel un magicien i l entrouv~e pour nous les portes de l'Univers. Je ne m'étendrai pas sur les qualités de pédagogue d'Hubert REEVES, je voudrais seulement dire que les enfants se sont tout de suite sentis concernés, se découvrant partie intégrante de ce gigantes-que puzzle gigantes-que pièce à pièce i l recomposait devant nous. Le projet prenait alors un tour plus sérieux, les élèves voulant creuser plus profond.
Une équipe enthousiaste et créative se remet alors au travail avec plus d'exigence et des désirs plus grands. Des notions théoriques sont abordées par le professeur de physique dans le cadre des cours de te~hnologie. De nouvelles peintures et de nouveaux textes mis en chantier. La Science n'avait pas tué l'imaginaire mais bien au contraire l'avait enrichi. S'il y a deux approches des choses : objective et subjective. Elles ne sont pas antagonistes en chacun de nous mais complémentaires, confondues même, dans l'unité profonde de l'être.
Il ne restait qu'un pas à franchir: construire enseITble un livre dans lequel
La
vision des enfants serait mêlée à celle du scien-tifique. 150 dessins, 60 textes et l'exploration d'un monde trop vaste ... en 64 pages . . . Il a fallu cnoisir. Une équipe plus restreinte (une vingtaine d'élèves en maJorité issus d'une même classe de 4ème) s'est remise au travail. Tous les jeudis soir Hubert REEVES et ces enfants ont élaboré ensemble avec plaisirune ~aquette qu'un éditeur courageux et non conventionnel a Dlen voulu éditer sans retouche. Ainsi se terminait pour nous dans l'enthousiasne une aventure co~~encée èeux ans plus tôt
(1975-1977) sans publicité, en dehors des grands circuits de diffusion, ce petit ouvrage racontant ?our d'autres adolescents le Soleil, de sa naissance à sa mort, a tout de même fait son chemin. Une seconde édition revue et augmentée (128 pages) est parue en 1979 aux Editions La Noria.
Cette expérience, sans doute, n'a pas déclenchée par miracle d'abondantes vocations scientifiques. Les élèves de l'équipe viennent d'atte~ndre ces études supérieures. Chacun a suivi sa voie, mais étonnamment ce groupe s'est pas disloqué et i l nous arrive de nous retrouver encore. Il semble bien que quelque chose d'important se soit passé cette année-là.
Personnellement je crois aux rencontres. Ces garçons et ces filles ont rencontré Hubert REEVES
a
un moment déterminant de leur vie l'adolescence. Ce qu'ils en gardent de plus marquant c'est peut être cette perception neuve qu'ils ont acquisea
son contact. L'école, hélas, est un lieu trop souvent fermé où de telles rencontres sont impossibles. Et pourtant je connais bien des scientifiques, des artistes aussi qui, parce qu'ils prennent l'enfant au sérieux seraient prêtsa
donner de leur temps pour venir partager avec une classe leur passion eta
travers elle leur amour de la vie.INSECTE
Avec une démarche comparable
a
celle que nous venons de décrire cette expérience commence en 1973 par une suite d'échanges entre notre collège et le laboratoire d'entomologie du Muséum: de nombreuses boites d'insectes naturalisés choisis parmi les plus étonnants et les plus beaux spécimens du monde entier sont confiées aux enfants. Ceux-ci, au contact de cet univers étrange de formes et de couleurs créent des dessins pleins d'invention, puis des textes.Des chercheurs de l'équipe du Professeur BALACEOVSKY se succè-dent dans les classes pendant un mois, réponsuccè-dent aux questions et enrichissent de leurs connaissances la vision des élèves (une exposition à Paris au Jardin des Plantes regroupe en 1974 w,e
partie des travaux : "Visions d'enfants du monde des insectes")
En 1978, ce sont deux niologistes Claude NURIDSANY et Marie
PERENNOU qui viennent dans l'école. C'est un voyage qu'ils nous
proposent dans la jungle en miniature d'une prairie toute simple du Midi de la France. La beauté des photos qu'ils nous montrent
et cette simplicité avec laquelle ils nous parlent de leur
tra-vail tout en patience et amour conquièrent les élèves et leur donnent là encore des envies de création. Les merveilleuses
images qu'ils viennent de voir et tout le climat que Marie PERENNOü
et Claude NURIDSfu~Y ont su créer excitent leur invention. Les
dessins et les textes se succèdent, les idées des uns sont reprises par d'autres, enrichies elles ricochent d'élève en élève.
La rencontre avec l'insecte est fascinante, vu de tout près il ne peut que nous émerveiller par la richesse de ses costumes, par la perfection de ses mécanismes, la variété de ses outils et si nous prenons le temps de le regarder vivre .... Tout est si in-vraisemblable chez l'insecte qu'il est aisé de sortir du réel; la nature nous a montré là le chemin de l'invention. Dans ce monde si étrange où trouver la frontière de l'imaginaire?
Les enfants se sont emparés du thème sur lequel leur esprit a
brodé à l'infini. Leurs textes et leurs dessins ne sont pas toujours sereins. Rien d'étonnant: l'insecte n'est-il pas pour beaucoup l'incarnation ~~lfaisante d'esprits
mauvais ... L'insecte
est un fantasme et il y a un peu d'exorcisme dans tous ces
tra-vaux.
On peut être surpris de voir mêlés dans un même recueil un dis-cours scientifique et la vision poétique des enfants. Comme nous l'avons dit plus haut, ici rigueur et ouirisme ne s'opposent pas,
ils se complètent.
Dans la démarche scientifique CO~IDe dans celle de l'art, l'i~por
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~ ~..;:'=:::o(~'I<.:"LCela demande des heures de travall. Pour ~ener à bien cette
expérlence i l a fallu du temps. Claude :n':RIDSANY et ~arie PSRE:nlOG sont venus souvent dans les classes aux ~eures de cours, plus souvent au delà. Il a fallu une ?at~ence de fourmi pour ~~e les dessins aboutissent, l'enfant crée avec lenteur. Il faut savoir attendre, susciter sans brusquer. Enfin il a fallu bien du temps encore avant ~ue les élèves ne conunencent à se mettre à quatre pattes dans l'herbe et voient dans la punaise ou le charançon autre chose que "la salle bite qu'on écrase",
Il serait faux de croire que tout cela s'est fait sans difficul-té. L'école, actuellement, n'est pas le lieu favorable à ce
genre d'expérience. Quelle place fait-on dès le cours préparatolre,
à l'imagination, la création? Très tôt, l'enfant savant se
cadres établis, ignorer les programmes, les horaires officlels. Il a fallu beaucoup de temps, de patience, d'acharnement et d'enthousiasme. Mais ce fut pour nous de la joie, un peu de lumière et de couleur dans le gris des jours scolaires. La pré-sence parmi nous de Claude NURIDSANY, Marie PERE~~OU et Hubert REEVES a été un espoir. Il suffirait de peu - peut-être - pour que l'école soit pour tous les enfants un moment privilégié de la vie.