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Entre valorisation et défense de la profession Les
différentes finalités du concours Europan
Caroline Paul
To cite this version:
Caroline Paul. Entre valorisation et défense de la profession Les différentes finalités du concours
Europan. Lieux Communs Les Cahiers du LAUA, LAUA (Langages, Actions Urbaines, Altérités
-Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes), 2002, Lire et dire l’architecture, pp.151-154.
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Ca r o l i n e p a u l
Entre valorisation et défense de la profession
Les différentes finalités du concours Europan
C
et article est l'occasion d'un retour synthétique sur un travail mené en deux étapes successives, la première initiée par le diplôme soutenu à l'École d'architec ture de Nantes, la seconde suivie en DEA à Paris-Bellevilie. A l'origine, mon envie é tait de comprendre le processus du concours Europan, ses modalités autant que ses résultats. De ces premiers constats sont nées des interrogations plus vastes, sur les intentions du concours et ses finalités sur un milieu professionnel. Au-delà de la consultation ponctuelle proposée à chaque session, au-delà de la question de l'accès à la commande, quelles sont les finalités du concours dans le champ architectural ? I l s'ensuit une analyse d'Europan dans son rapport à la profession.Le d is p o s it if Eu r o p a n
Le concours d'Europan est un concours d'idées nouvelles d'architecture et d'urba nisme, suivi de réalisations. In itié par la France comme successeur du PAN, il est
organisé simultanément dans plusieurs pays européens, suivant des modalités com munes1. La particularité de ce concours est qu'il associe les quatre collèges d'acteurs de la construction : maîtres d'ouvrage, archi tectes, chercheurs, élus, dans un débat autour des questions du logement et de l'urbain. I l propose une réflexion aux archi tectes sur des sites réels, suivant un thème choisi dans l'actualité des débats : déve loppement durable ou écologie, mutations urbaines, citadinité, relation habitat-travail, dialectique centre-périphérie... Concours ouvert, Europan rassemble un grand nombre de projets susceptibles d'intéresser la maî trise d'ouvrage. I l offre aussi une consulta tion à grande échelle aux villes partenaires, de plusieurs dizaines de projets par site, constituant autant de pistes de réflexion sur les terrains proposés. Pour les chercheurs ou les critiques, il représente une sorte d'état des lieux de la pensée et de la production, mettant en lumière les tendances, les pra tiques nouvelles et les diversités euro péennes, dans les formalisations des projets
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comme dans les idées. I l est aussi un lieu de diffusion auprès des architectes des débats récents sur la ville ou sur l'habitat. Pour ces derniers, Europan constitue une tribune valorisante qui leur offre la possibilité de faire connaître leurs idées, de les confronter au niveau européen, et de les soumettre à des jurys internationaux composés de personnalités reconnues. Les projets sélec tionnés sont exposés, publiés, offrant une m édiatisation im portante aux équipes. Enfin, au-delà de la dimension du débat et de l'échange, Europan cherche à associer idées et actions, en tentant à l'issue du concours de faire réaliser les projets dont les idées on été remarquées. I l offre alors une opportunité aux architectes d'accéder à une commande réelle, et parfois de se confronter à un exercice à l'étranger. En treize ans, Europan s'est imposé peu à peu auprès des architectes européens comme une référence en terme de concours d'idées2. Par sa renommé et sa régularité, i l devient une « institution ». En France, où il bénéficie d'une renommée importante, où il est l'em blème des politiques incitatrices d'innova tion, Europan devient un élément structu rant du champ architectural \ par la consécration qu'il offre aux équipes primées. Distinction reconnue, Europan permet la médiatisation des équipes et favorise leur insertion professionnelle. Comme le PAN l’é tait avant lui, en France, i l représente un « vivier » dans lequel les maîtres d'ouvrage viendront parfois puiser pour d'autres concours, d'autres projets. Europan est ainsi l'une des premières distinctions qui partici pent de la construction d'une renommée dans le champ de l'architecture.
En t r e v a l o r is a t io n et d é fe n s e de l a p r o f e s s io n
Plate-forme d'échanges, Europan constitue
un dispositif de valorisation culturelle et de développement économique dans le champ architectural. Par la comparaison des pro jets et la rencontre des acteurs, i l vise à enrichir des pratiques nationales. En déve loppant des échanges européens, i l cherche à anticiper sur les transformations futures du métier, en incitant à une mobilité des architectes, devançant ainsi la législation sur les concours. Par la distinction de jeunes équipes, i l s'inscrit dans une volonté de renouvellement du milieu professionnel. Accompagnant les transformations d'une profession, Europan cherche à promouvoir et développer de nouvelles compétences. La pluridisciplinarité des équipes est recher chée, dans une logique de diversification des savoirs. Cette orientation vers ces ten dances « émergentes » dans chacun des collèges d'acteurs est revendiquée, de même qu'une orientation du concours vers des types de démarches, des positions4 : avec le développement de projets urbains, de nou velles compétences des architectes sont mises en avant, celles de médiateur, de manager de projet urbain, de l'écoute et de la communication aux partenaires. Par la consultation à l'échelle urbaine et architec turale, Europan offre aux architectes un lieu d'expression sur les transformations de la ville, dans la logique de démontrer des savoir-faire spécifiques à la profession. Par ces ambitions incitatives, Europan cherche à dynamiser un milieu, valorisant ces pra tiques nouvelles auprès des différents acteurs de la commande, notamment auprès de la maîtrise d'ouvrage et des élus, afin de (re)connaître les compétences de chacun, et de (ré)concilier les différents acteurs du processus autour du projet.
Alors qu'en France le concours est porté par l'État, à l'étranger les secrétariats en charge de l'organisation des sessions ont des
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formes variées : soutenus ta ntôt par les ordres professionnels, ta n tô t par des organi sations de maîtrise d'ouvrage, ou par l'État. C'est le contexte propre au pays qui va défi nir les liens du concours à la profession : Europan est porté stratégiquement par les structures les plus à même de soutenir son action. Car c'est bien le fonctionnement en réseau qui permet cette adaptation aux différents contextes européens et la dyna mique du groupe Europan. Les manifestations européennes - les lancements des sessions, forums des jurys, cérémonies de clôture - relayées par des rendez-vous nationaux, sont autant de lieux de rencontres des d if férentes instances de la profession. Cette dynamique d'échanges informels est organi sée pour favoriser les contacts, les relations, les frictions culturelles autant qu'écono miques.
La diversité des organisations révèle néan moins des attentes différentes et des inter prétations m ultiples des objectifs du concours. Elle entraîne parfois des querelles entre les partisans d'une inscription plus contextuelle du concours, qui faciliterait le passage à la réalisation des projets, et les défenseurs d'une formule lancée sur un thème plus générique, indépendant d'un contexte. L'organisation française, in itia tri ce et encore aujourd'hui « garant scienti fique » du concours, est a tte n tive à ces « dérives » du système. Par sa critique, la France révèle son insatisfaction sur l'évolu tion d'un dispositif qui s'éloigne de ses intentions initiales. Dans cette situation de remise en question, les enjeux du concours sont énoncés, les objectifs explicites autant que les effets induits escomptés5.
Si ses thèmes évoluent au f il des sessions, la procédure, les modalités du concours et ses objectifs sont constants. Le concours repose sur cette idée que l'architecture est
le moyen de mettre en espace les transfor mations de la société, relevant de posi tions que Marion Ségaud d é fin it comme doctrinales :
« L’idée de nouvelles configurations d'es pace comme locomotives du progrès social est récurrente dans la doctrine architecturale et alimente le débat entre une archi tecture progressiste, scientifique, et philan thropique, et une architecture plus ancrée dans l'histoire, plus « humaniste » » .6 La procédure de concours, par nature, par l'acte de jugement qu'il met en oeuvre, tend à rassembler les opinions autour d'un consensus. Si les avis de ses membres diver gent, le jury fa it corps à l'issu de la séance, ne relevant alors qu'une position unique. Dans la commande publique, le jugement, représentation de la volonté « citoyenne », légitime le choix opéré, et bien souvent invalide sa critique \ Concours d'initiative publique en France, concours de promotion d'une jeune architecture, Europan occupe à ce titre un statut particulier. Organisé par le Plan construction, urbanisme et architecture (PUCA) et soutenu par la Direction de l'ar chitecture et du patrimoine (DAPA), i l est l'expression du rassemblement de ces deux entités et de leurs finalités : soutenir la recherche d'innovation en architecture et valoriser ces actions. Revenant sur la pério de de création du concours PAN, en 1974, à la suite de celle du Plan Construction en 1972, on comprend les valeurs dont i l devient le symbole, celles d'une époque et d'une génération 8. In itié par le Plan Construction de Paul Delouvrier et Robert Lion, le concours PAN portait déjà des ambi tions de renouvellement d'un corps profes sionnel, en France, et par là même la reva lorisation d'une profession alors en crise. Si les modalités du concours ont changé, ces ambitions ont perduré. Engagé, partisan
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d'une certaine pensée sur l'architecture9, le concours est un o u til de valorisation profes sionnelle, dans une certaine idéologie du rôle de l'architecte. Par son discours sur les nouvelles compétences de l'architecte, en adaptation à un contexte de commande en évolution, les actions d'Europan s'orientent vers la défense d'un statut professionnel, d'une lég itim ité de l'architecte, par la démonstration de son rôle social10.
Caroline Paul,
Architecte diplômée de l'Ecole d'architecture de Nantes (2000), doctorante à l'université de Paris V III
( 1 ) La session 6 rassemble d ix-n e u f pays d'Europe, au delà du seul cadre de l'U nion européenne. Pays organisateurs : Allemagne, Belgique, Croatie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Ita lie , Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suisse. Pays parrainés : Autriche, Bulgarie, Estonie, Chypre, Hongrie, Roumanie, Slovénie.
( 2 ) Si en France le concours bénéficie de la renommée du PAN, sa réussite à l'étranger, dans des contextes où la procédure de concours est parfois peu employée, é ta it plus in certaine. (Sur la ré p a rtitio n de l'e m ploi des concours en Europe, vo ir : J u lie tte Garnier, « Les concours en Europe », M oniteur-
Architecture,n °40 , a v ril 93.) Aujourd’hui, le concours recueille un nombre im p o rta n t de projets, notam m ent en Allemagne, Espagne, France, Pays-Bas, Ita lie . (Pour la session 6, 2150 pro je ts o n t été rendus en Europe.)
( 3 ) Véronique Biau, « Marques e t in stances de la consécration en architecture », Les cahiers de la recherche architecturale e t
urbaine,n“ 2 /3 , Paris, Éd. du Patrim oine, nov. 1999, p. 15-26. ( 4 ) Entretien avec Dider Rebois, Président d'Europan Europe, ju ille t 2001.
(5 ) Pour une th é o rie du m oment critiq u e comme révélateur d'enjeux, vo ir Luc B oltanski, Laurent Thevenot, De la ju s tific a
tion, les économies de la grandeur, Paris, Éd. Gallimard, 1991.
(6 ) Marion Ségaud, « Logement e t architecture », Le logement :
l ’é ta t des savoirs,Paris, La Découverte, 1998, p. 295.
(7 ) Voir M.Nicolas e t R.Quincerot, « Le ju g e m e n t consensuel »,
Architecture, une anthologie,Tome 3, La commande en a rch i tecture, sous la dir.de J.P. Epron, p. 103.
( 8 ) Pour une h istoire des p o litiq u e s e t des in s titu tio n s d'ar chitecture, vo ir Eric Lengereau, L’é ta t e t l ’architecture, 1958-
1981, Une p o litiq u e publique ?, Paris, Editions Picard, 2001.
Pour une histoire du m ouvem ent de mai 68 dans le champ a rc h ite c tu ra l vo ir Jean-Louis Violeau, Moment critique, Mai 68-
m ai 81, In-extenso, Ecole d'architecture de Paris-Villem in, 1998.
( 9 ) Dans la lignée du PAN, v o ir Christian Moley, « L'apport du PAN », Urbanismen °1 7 5 , 1979.
(1 0 ) Voir Florent Champy, Les architectes e t la commande