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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'enseignement de la Géologie dans le secondaire : quelle approche expérimentale de 1902 à 2001

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Texte intégral

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L’ENSEIGNEMENT DE LA GÉOLOGIE DANS LE SECONDAIRE :

QUELLE APPROCHE EXPÉRIMENTALE DE 1902 À 2001 ?

Pierre SAVATON

IUFM de Basse-Normandie, Département de Géologie de l’Université de Caen

MOTS-CLÉS : GÉOLOGIE - SCIENCE EXPÉRIMENTALE - EXPÉRIMENTATION – MÉTHODE EXPÉRIMENTALE - HISTOIRE DE L’ÉDUCATION

RÉSUMÉ : L’enseignement de la géologie dans le Secondaire n’est pas un enseignement expérimental. Il a seulement fait appel à des modélisations analogiques pour illustrer ou expliquer des phénomènes et s’est appuyé sur des résultats scientifiques expérimentaux.

SUMMARY : The teaching of geology in secondary schools is not experimental. Analogical modelisations are used to illustrate or to explain phenomena and scientific experimental results are only used as a base of demonstrations.

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1. INTRODUCTION

En France, l’enseignement de la géologie est lié à celui de la biologie pour des raisons historiques de constitution des disciplines. Ce n’est pas le cas dans les pays anglo-saxons ou en Russie, où cet enseignement est lié à celui de la géographie. Le discours de l’institution, comme de ses enseignants, justifie ce rapprochement pour des raisons méthodologiques et épistémologiques. Ces sciences de la nature sont, comme la physique et la chimie, désignées couramment comme sciences expérimentales, expression à nouveau au goût du jour dans les textes officiels et manuels scolaires. Notre réflexion porte sur la nature expérimentale de la géologie enseignée dans le Secondaire et au-delà sur la nature même de cette science.

2. QU’ENTENDRE PAR « ENSEIGNEMENT EXPÉRIMENTAL » ?

Le sens donné au terme expérimental varie suffisamment pour nécessiter une réflexion préalable. Une science dite expérimentale s’appuie sur l’expérimentation comme condition de test de l’hypothèse. L’expérimentation constitue le processus qui conduit à partir de l'émission de l'hypothèse à la réalisation d'une expérience et à l'analyse de ces résultats (Develay, 1989). Elle participe alors du processus de production de savoir nouveau et du processus de validation/invalidation de ce savoir. L’expérience, dans le sens de l’addition d’observations analysées et critiquées, sans passage par l’élaboration et la réalisation d’une manipulation, s’en distingue alors. Faut-il alors créer un autre terme pour désigner ce recours à l’observation scientifique de la nature comme test de l’hypothèse ? On pourrait parler d’une science soumise à la validation du terrain. Il conviendrait de s’entendre sur cette distinction, qui permettrait, dans les sciences de la vie et de la terre, de distinguer l’approche naturaliste de l’approche du laboratoire.

Parallèlement nous en sommes venus à parler d’enseignement expérimental mais sans bien préciser s’il s’agissait d’un enseignement expérimental, parce que nouveau et non généralisé au sein de l’institution, ou de l’enseignement d’une science expérimentale ou de l’enseignement d’une science expérimentale à travers une démarche expérimentale. La distinction est de taille.

On connaît les classes, les écoles, collèges et lycées expérimentaux. Ils expérimentent dans le sens où ils se distinguent du système d’enseignement généralisé par l’institution, soit par le contenu des programmes, la constitution des disciplines, les méthodes pédagogiques, les rapports de l’élève au savoir, au maître, à l’institution... On pourrait dire que le terme expérimental prend alors le sens de novateur, voire tout simplement de différent. Notons également que le résultat de ces expérimentations n’étant pas connu d’avance, elles apportent bien une connaissance nouvelle qu’on ne peut toutefois guère qualifier de scientifique. Cet « expérimental » là disparaît dès lors qu’il est généralisé.

L’expression « enseignement expérimental », dans le sens commun des didacticiens, désigne un enseignement qui fait de l’expérimentation une méthode, une démarche de construction du savoir (Develay, 1989). C’est la démarche de type : hypothèse-problème-conjecture, test de l’hypothèse par l’expérimentation, analyse, validation/invalidation, conclusion. Reste là aussi à s’accorder sur le statut

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de l’expérimentation et de l’expérience (Koulaidis & Tsatsaroni, 1999).

Enfin on peut s’interroger sur le raccourci qui consiste à assimiler enseignement d’une science expérimentale et enseignement expérimental, au sens précédent. L’enseignement d’une science expérimentale peut être historique, expositionnel, démonstratif ; il peut s’appuyer sur des faits d’expériences, sur des résultats d’expérimentations à l’origine de la construction de modèles, sur la confrontation de théories... L’assimilation n’exprime pas une condition obligée, mais un choix épistémologique ou pédagogique, voire idéologique.

Il semble donc nécessaire de garder à l’esprit que s’il n’y a pas « une » mais « des » démarches scientifiques, il n’y a pas non plus « une » mais « des » démarches d’enseignement des sciences, même lorsqu’il s’agit d’une science dite expérimentale. Le choix est celui de l’apprentissage recherché. Regardons dès lors quel enseignement de la géologie s’est pratiqué en France dans le Secondaire depuis la réforme historique de 1902.

3. L’ENSEIGNEMENT DE LA GÉOLOGIE S’EST PRATIQUÉ EN FRANCE DE 1902 À 2001

La géologie est enseignée dans le Secondaire depuis la réforme de 1865 de Victor Duruy (Savaton, 1998). Elle s’installe en 1880 en classe de 4e et y reste presque sans interruption jusqu’à aujourd’hui. Elle s’implante durablement en lycée à partir de 1966 avec son introduction en classe de 1e D. Des notions de géologie figurent aujourd’hui dans les classes de 2e, 1e S et Terminale S.

La réforme de 1902 veut mettre un terme à l’enseignement magistral qui laisse l’élève étranger à ce qu’on lui enseigne, tout en chargeant sa mémoire de détails peu utiles. À l’enseignement de la nomenclature succède un enseignement des sciences naturelles basé sur l’observation et relié à l’expérience commune. Il faut « développer l’esprit d’observation » c’est-à-dire « initier les élèves à la méthode expérimentale » (arrêté du 3 mai 1902). Le savoir naît de l’observation bien conduite. Les manuels de l’époque ne parlent pas de sciences expérimentales ou d’expérimentations mais proposent des expériences pour identifier ou caractériser des minéraux ou des roches. Il s’agit de caractérisations physiques ou chimiques qui ne se distinguent guère de la leçon de choses : effervescence par action de l’acide sur un calcaire, transformation du calcaire en chaux par chauffage, dissolution du sel dans l’eau. L’étude descriptive des phénomènes actuels (volcanisme, tremblements de terre, glaciers, érosion des côtes marines...) s’appuie sur des observations scientifiques et cite quelques « expériences » : des pierres ou des piquets alignés sur un glacier perpendiculairement à sa plus grande pente mettent en évidence un écoulement lent de la glace en dessinant une courbe au bout de quelques temps (expériences de Agassiz, Desor et Hugs de Solemne).

La réforme de 1925 est suivie dans les livres scolaires par l’illustration « d’expériences » de déformation par compression d’une pile de tissus, de feuilles ou de livres. Ces expériences font référence implicitement ou explicitement à la géologie expérimentale qui s’est développée depuis le

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milieu du XIXe siècle (Daubrée, 1867). La réforme de 1938 ne modifie ni les programmes (monographies) ni la méthode, explicative et appuyée sur l’observation. Les textes rappellent qu’à l’occasion de l’étude des phénomènes géologiques actuels « des expériences faciles seront réalisées devant les élèves et par eux-mêmes » : infiltration d’eau dans le sable (pour illustrer la porosité), décantation d’une eau argileuse, alternance d’expériences de gel et de regel sur diverses roches.

Le manuel de chez Hachette (Cours Obré) pour la classe de 4e propose à partir de 1947 des « exercices d’observation et de réflexion ». On y trouve les propositions d’expériences suivantes : « Chauffer fortement et refroidir brusquement des fragments de craie, de grès, de granite. Observer les effets de ces brusques variations de températures » ; « Comprimer latéralement entre deux butoirs mobiles une pile de feuilles de papier ou de cahiers posés sur une table. Observer le plissement qui se forme ». Les expériences évoquées dans les manuels scolaires restent celles de 1902.

La réforme de 1959 insiste sur la nécessité de manipuler et sur l’importance de l’excursion sur le terrain, mais ne précise rien en ce qui concerne l’expérimentation. Les travaux expérimentaux créés en Premier cycle en 1960, pas plus que le baccalauréat de sciences expérimentales de 1945 ne font de place à la géologie. La filière sciences expérimentales disparaît en 1966 avec la création de la classe de 1e D. Le programme de géologie y est le plus ambitieux et le plus complet qu’y ait été enseigné : l’expérimentation en est absente. En classe de 4e les mêmes « expériences » sont toujours proposées en 1973 : « l’expérience » de formation expérimentale de plis cherche désormais à reproduire aussi bien les plis que les fractures liées à la compression. L’ouvrage de 4e de 1973 de chez Hatier introduit un document sur le métamorphisme expérimental.

Le terme d’expérimentation apparaît dans la loi du 11 juillet 1975 à propos de l’enseignement des sciences expérimentales. On y affirme à nouveau la nécessité d’une formation à l’esprit scientifique, qui « s’accomplira surtout grâce à l’initiation à l’attitude expérimentale. Elle développera les qualités d’observation, d’analyse et de synthèse, permettant ainsi l’éducation d’un raisonnement logique. Les qualités d’imagination, l’esprit de création seront cultivés, particulièrement par l’apprentissage de l’expérimentation ». Concrètement, le texte ne dit rien de la nature de ces expérimentations en géologie et pour cause si on se réfère à un texte du B.O. du 9 juin 1977 : « La démarche du géologue trouve son originalité dans le fait que la vérification des hypothèses passe en classe de 4e non par l’expérimentation mais par la sommation d’observations nouvelles exploitées selon une rigoureuse logique ». Ce que le manuel de 4e de chez Hachette de 1979 reprend par : « En géologie, on ne peut, le plus souvent, reconstituer des conditions et réaliser des « expériences ». Ce sont des accumulations d’observations complémentaires faites avec des moyens d’approche différents, qui permettent progressivement de conforter l’hypothèse émise ». L’enseignement de la géologie tel qu’il est proposé par les programmes et les auteurs des ouvrages scolaires s’appuie sur l’observation, la manipulation, la résolution d’exercices, le raisonnement sur documents mais pas sur l’expérimentation.

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comme théorie explicative. Les programmes développent les aspects historiques et synthétiques ; des résultats expérimentaux obtenus dans le domaine du magmatisme (fusion et cristallisation expérimentales) et du métamorphisme (domaine de stabilité pression-température des minéraux) servent de support à des exercices de raisonnement et de synthèse. De nouveaux modèles analogiques explicatifs font leur entrée dans l’enseignement : le plus classique est la modélisation des mouvements de convection mantellique, toujours en vogue dans le programme de 2001 de la classe de 1e S.

L’ajout en 1993 dans cette classe d’une option « sciences expérimentales » se traduit en géologie par l’étude des ressources géologiques, c’est à dire par un enseignement fondamentalement descriptif. L’expression « disciplines expérimentales » (désigne la physique-chimie et les sciences de la vie et de la terre), passée sous silence dans les programmes depuis près de 20 ans, revient avec les nouveaux programmes de 2e de la rentrée 2000 et de 1e S de 2001. On y parle en SVT d’expériences analogiques et on y modélise les courants de convection mantellique, la formation de failles et/ou de plis en contexte compressif ou distensif, la réflexion et la réfraction des ondes à la limite manteau-noyau. « La logique pédagogique que sous-tendent ces nouvelles approches est que le développement des sciences se fait par un va-et-vient entre l’observation et l’expérience d’un côté, la conceptualisation et la modélisation de l’autre ». « Les cours et travaux pratiques s’inscrivent dans une démarche explicative et critique qui comprend des observations, des expérimentations, des analyses de documents et des synthèses ». La manipulation de ces modèles est considérée comme une expérimentation : la démarche d’enseignement est explicative.

4. CONCLUSION : ET SI LA GÉOLOGIE N’ÉTAIT PAS

UNE SCIENCE EXPÉRIMENTALE AU SENS CLASSIQUE ?

Au bilan sur près d’un siècle d’enseignement de la géologie, on est obligé de constater, malgré les discours, que l’enseignement de la géologie s’est appuyé essentiellement sur l’étude de documents après une période où l’observation directe était privilégiée. L’enseignement de la géologie ne s’est jamais fondé sur l’expérimentation, au sens défini précédemment, pour construire les savoirs à enseigner. Des modélisations analogiques ont été utilisées pour illustrer ou expliquer des phénomènes mais jamais comme test d’hypothèses. Si des données géologiques, obtenues de manière expérimentale par les scientifiques, ont servi de base à des exercices de réflexion, cela est insuffisant pour qualifier d’expérimentale la démarche d’enseignement de la géologie dans le Secondaire.

Pourquoi dès lors tant de discours pour faire de cet enseignement ce qu’il n’est pas ? Le problème n’est-il pas ailleurs ? La géologie s’appuie toujours sur l’observation. L’instrumentation de l’observation n’a pas supprimé l’observation, bien au contraire. L’expérimentation physique ou chimique en laboratoire, la modélisation mathématique de phénomènes ne suppriment pas l’observation in situ, la validation par l’observation du terrain. En cherchant à justifier l’unité d’une discipline scolaire (les sciences de la vie et de la terre) ou la généralisation d’une méthode d’enseignement des sciences (la méthode dite expérimentale) on a ignoré semble-t-il les spécificités

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épistémologiques des sciences que l’on souhaitait enseigner. La justification du discours est à chercher ailleurs.

BIBLIOGRAPHIE

DAUBRÉE A., Rapport sur les progrès de la géologie expérimentale, Paris : Imprimerie impériale, 1867.

DEVELAY M., Sur la méthode expérimentale, Aster, 1989, 18, 3-15.

KOULAIDIS V., TSATSARONI A., Un cadre pour reconsidérer l'enseignement des sciences, distinguer expérimentation et expérience, Aster, 1999, 28, 167-190.

SAVATON P., La carte géologique dans l’enseignement secondaire. Bilan historique et didactique,

Références

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