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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Vulgarisation scientifique et économique à propos de l'Environnement dans la presse écrite

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Academic year: 2021

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DANS LA PRESSE ECRITE

Yolanda ZIAKA

U.F. Didactique, Université Paris 7

MOTS-CLES: VULGARISATION - ENVIRONNEMENT - PRESSE ECRITE - FRANCE.

RESUME: Vulgariser les sciences dans le domaine de l'environnement se révèle une entreprise périlleuse au milieu de rapports scientifiques contradictoires, de sources d'expertise multiples, d'intérêts économiques opposés. Quelle est la place occupée par la vulgarisation des notions scientifiques concernant les problèmes de l'environnement dans la presse écrite française?

SUMMARY : Popularizing sciences in the environmental field is a risky operation when trying to steer a rniddle course between contradictory scientific reports, multiple sources of expert evaluation and opposed economic Înterests. What is the place occupied by the popularisation of scientific notions concerning environmental problems in the French press?

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1. INTRODUCTION

L'importance de la diffusion publique de la science a été largement reconnue dans le grand nombre des discussions portant sur les problèmes posés par l'éducation sur les sciences et l'alphabétisation scientifique. L'environnement, sujet interdisciplinaire par essence, demande un effort de vulgarisation intégrant l'apport des sciences exactes ainsi que des sciences humaines. Bien que la plupart des adultes s'informent sur l'environnement par l'intermédiaire des médias, la plupart des discussions se concentrent sur l'éducationàl'environnement dans les écoles. Il n'y a eu qu'une analyse très restreinte sur la façon dont l'environnement est présenté par les journalistes.

Le trou dans la couche d'ozone, les nitrates dans l'eau, l'effet de serre, le principe pollueur-payeur: des termes chimiques, physiques et économiques qui n'avaient aucune signification,ily a peu de temps, pour la plupart des gens. Maintenant ils font partie de notre vocabulaire et de notre univers quotidien. Les journalistes de l'environnement, médiateurs entre les scientifiques et le public, doivent présenter d'une manière compréhensible, une information technique compliquée et des interprétations scienti fiques souvent conflictuelles.

En vue de clarifier certaines des caractéristiques de base du journalisme de l'environnement et de la place qu'y occupe la vulgarisation, nous avons procédé à une lecture de l'information sur l'environnement pour un échantillon de la presse française, pour le premier semestre de l'année 1990, àpropos de deux exemples: la controverse autour des lessives sans phosphates et la concentration des nitrates dans l'eau potable. L'échantillon comporte les journaux "le Monde" et "le Parisien" et les revues "Que Choisir?" - revue de l'Union Fédérale des Consommateurs, et "Combat Nature" - revue des associations écologiques et de défense de l'environnement. Nous avons préféré distinguer, dans le titre de cet exposé, la vulgarisation scientifique de la vulgarisation économique. Ceci correspondà une perception classique de la vulgarisation scientifique en référence aux sciences "exactes" (Roqueplo p_, 1974) et de l'économie placée parmi les sciences "humaines".

2. PROBLEMATIQUE

2.1. Vulgarisation et environnement

Peut-on soutenir que le discours sur l'environnement est un discours impartial parce qu'il se réfère aux données scientifiques? En fait, lorsqu'un journaliste de l'environnement nous parle de la dispersion des nitrates dans les nappes souterraines ou de l'effet de serre,ilsemble aller de soi qu'il s'agit d'une connaissance scientifique, donc objective, donc vraie. D'autre part, devant la formule "une étude économique a montré... ", la rentabilité du projet en question semble évidente: la croyance est fort répandue que ces études sont indiscutables (MermetL., 1986). Il n'y a pas besoin de s'interroger sur le pouvoir persuasif, quasi magique, d'une déclaration comme celle-ci: "Dans un

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pays comme le nôtre, l'énergie nucléaire est "une bonne affaire", avantageuse, même avec les prix actuels du pétrole" (Carle R. et DUIT M., 1989). Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs, quand les rapports économiques semblent incompréhensibles au commun des mortels?

Les conséquences socio-politiques du crédit - souvent inconditionnel - que l'on apporte aux sciences sont importantes dans le domaine de l'environnement, dans la mesure où plusieurs discours invoquent leur caractère scientifique pour servir à des intérêts évidents. Ceci prend des proportions importantes dans le domaine de la consommation (publicité pour les produits "verts"), mais se rencontre aussi dans le domaine de la production (nucléaire: énergie "propre"), ou de l'aménagement (rapports économiques justifiant la rentabilité d'un projet).

2.2. Vulgarisation et médias: projet démocratique

En ce qui concerne les objectifs de la vulgarisation, on nous parle souvent de sa contribution au projet d'une société démocratique: "Comme l'alphabétisation littéraire a été la clef de la démocratisation politique, l'alphabétisation scientifique est la clef de la démocratisation technologique. Il n'y a pas de progrès de la liberté qui ne passe par un progrès de la culture" (Levy-Leblond J.-M. In FayardP.,1988). Ainsi, s'il est nécessaire de vulgariser les sciences, c'est pour permettreàl'ensemble de la population d'intervenir dans les choix techniques et scientifiques et dans les orientations économiques. L'information sur les sciences remplit donc une fonction politique puisque, en permettantàchaque citoyen de participerà la prise de décisions, elle contribueàune véritable démocratie.

Dans une optique d'éducation à l'environnement, l'objectif prioritaire serait pour nous le partage des savoirs concernant notre environnement et le partage des pouvoirs qui en résulterait. Faire en sorte que tous les citoyens puissent intervenir dans le choix des politiques qui les concernent directement. L'éducation à l'environnement ne saurait être dissociée du projet d'une société démocratique.

2.3. Public de la vulgarisation

La vulgarisation s'adresse à un public non captif: la décision d'apprendre ou de se cultiver résulte d'un choix personnel (curiosité, volonté de tenirà jour ses connaissances) - en opposition avec l'éducation formelle (Jacobi D. et Schiele B., 1990). Le lecteur peut changer de revue ou de rubrique, le téléspectateur peut changer de chaîne. Il faut donc le séduire en permanence, lui parler de ce qui le touche dans sa vie quotidienne. Caractéristique qui affecte fortement le contenu du produit de vulgarisation: la première préoccupation de ceux qui élaborent ces produits est d'attirer et de retenir leur public, surtout dans le cas des produits commerciaux Uournaux, revues etc). Le journaliste cherche donc l'information spectaculaire.

2.4. Information spectaculaire et incertitude

La relation entre les sciences et les médias est souvent conflictuelle ce qui rend le travail du vulgarisateur particulièrement difficile - surtout dans le domaine de l'environnement. L'incertitude est grande en ce qui concerne les retombées probables des pollutions sur l'homme et les écosystèmes. Le

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journaliste de l'environnement se trouve souvent en manque d'infOlmation spectaculaire et immédiate: "les scientifiques lui opposent un langage compliqué et des interrogations plutôt que des certitudes" (de Rosnay J., 1989). Il semble, en définitive, qu'il soit assez rare de trouver des publications donnant une information qui soit à la fois scientifiquement assurée et suffisamment attrayante pour intéresser le public.

3. EXEMPLES

3.1. La controverse autour des lessives sans phosphates

Rhône-Poulenc, deuxième producteur européen de phosphates, lance, en janvier 1990, une vaste campagne publicitaire (par spots radio et affiches) qui dénonce les effets néfastes des lessives sans phosphates sur l'environnement. Selon le dossier scientifique, envoyé aux journalistes par Rhône-Poulenc, l'impact nocif des phosphates sur l'environnement, notamment comme facteurs d'eutrophisation, n'était pas prouvé et ce sont les substituts aux phosphates qui présentent des risques pour la santé humaine. Le groupe allemand Henkel, producteur des lessives sans phosphates, intente une action en justice contre Rhône-Poulenc et demande l'interdiction de cette campagne. Afin de démontrer les qualités écologiques de sa lessive, Henkel utilise, entre autres, l'argument que plusieurs pays dont l'Allemagne, le Japon et les Etats Unis ont déjà limité ou interdit les phosphates dans les lessives. Le oibunal donne raison à Henkel et oblige Rhône-Poulencà cesser sa campagne.

Entre-temps, le ministère de l'environnement demande à un scientifique d'établir un rapport sur les risques éventuels que représente pour l'environnement l'adjonction des phosphates dans les lessives. Celui-ci devait faire la part des arguments véritablement scientifiques et des arguments purement commerciaux, dans la polémique publicitaire. Selon ce rapport, rendu public fin mai, la suppression des apports en phosphates par les lessives serait un grand pas en avant dans la prévention et donc dans l'assainissement des eauxc:n France qui souffrent de surengraissement très grave. Rhône-Poulenc conteste cette déclaration en s'appuyant sur les affinnations de certains experts des systèmes aquatiques.

La discussion présentée par la partie de la presse que nous avons étudiée, s'articule autour divers sources d'expertise: les scientifiques travaillant pour le compte de Rhône-Poulenc, les accords internationaux (conventions, prise de position par les gouvernements), les scientifiques travaillant pour le ministère de l'environnement (qui joue ici un rôle d'arbitre). Dans la manière dont les médias ont présenté la science dans cet exemple, on peut distinguer des images de la science contradictoires. On trouve, d'une part, l'image d'une science qui jouerait le rôle d'un arbitre objectif et impartial: la croyance que la science peut fournir des réponses définitives sur les risques, que les données scientifiques ne nécessitent aucune interprétation. Pourtant, on voit en même temps que cette image de la science est mise en doute par la façon dont les médias ont présenté les rapports scientifiques contradictoires. Les experts se contredisent. La science sert aux intérêts des industriels - parfois à

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l'encontre de l'intérêt collectif. L'objectivité scientifique est donc mise en question. Ainsi, d'une part, la science apparaît dans la presse comme un guide indispensable pour détenniner une politique, tandis que, d'autre part, elle est décrite comme une institution politiquement colorée par les intérêts enjeu. La juxtaposition de ces deux images prête apparemment à confusion.

3.2. L'excès des nitrates dans l'eau potable

"Que Choisir?" dans son premier numéro de l'année présente les résultats d'une enquête sur la qualité de l'eau de distribution en France. Le bilan de l'enquête montre une forte progression des nitrates . Les régions agricoles sont les premières concernées et là, les normes établies par les Communautés Européennes sont fortement dépassées. Les nitrates représentent un risque pour la santé humaine: ils sont probablement cancérigènesàlong terme et dangereux pour les nourrissons et les femmes enceintes.

En février 1990, le ministre de l'environnement, S.Lalonde, accuse ouvertement les agriculteurs comme responsables de la pollution de l'eau. Selon 1ui, ce sont les méthodes de l'agriculture intensive et l'usage massif d'engrais qui polluent l'eau. Il estime que le monde agricole doit participeràla lutte contre la pollution par les redevances - système mis en place en 1964 par la loi sur l'eau. Ce système repose sur le principe pollueur-payeur qui consiste à faire payer le pollueur pour l'inciteràdépolluer. Les agriculteurs réagissent vivement aux propos de B.Lalonde et le ministre de l'agriculture, HNallet, rappelle que la pollution industrielle et la pollution urbaine sont tout aussi responsables de la pollution des eaux. Entre-temps, le taux des nitrates dans l'eau potable augmente partout en Franceà cause de la sécheresse et dans plusieurs régions la concentration dépasse la norme des SOmg/l.

L'élément qui a le plus préoccupé la presse était la crédibilité et le bien fondé des affirmations des partis impliqués: ministre de l'environnement, ministre de l'agriculture, fédérations des agriculteurs. Le problème a été présenté comme un problème de régulation et de gestion - grave mais limité:il suffirait d'imposer des redevances aux agriculteurs pour le résoudre. Dans la presse les agriculteurs n'étaient pas tenus pour les seuls responsables de la pollution par les nitrates. Ainsi le responsable de la pollution des eaux serait: - la sécheresse qui a facilité le lessivage des sols, - la politique agricole commune à travers les systèmes d'aide à l'agriculture qui ont privilégié l'intensification, - la concurrence internationale en agriculture qui oblige les agriculteurs français

à

opter pour la mécanisation et l'intensification, - le coût politique de toute entreprise visant à faire payer les pollueurs.

Parmi les solutions présentées pour une gestion de la crise figurent: -l'assainissement des eaux (par des stations d'épuration), - l'extension des redevances versées aux agences financières de bassin de manièreàinclure la pollution par les nitrates, - un système pour faire payer le consommateur afin qu'il diminue sa demande pour inciter ainsi les agriculteursà réduire leur pollution, -verser une prime aux agriculteurs chaque fois qu'ils adoptent des pratiques de production moins polluantes.

Dans ce débat le monde agricole apparaît "tour à tour comme complice et comparse, bouc émissaire, accusé et victime" ("le Monde", 4-3-90). Le débat tourne autour de deux questions: qui est le responsable de la pollution? qui doit payer? Les réponses sont contradictoires. Pourtant ce débat

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fait prendre conscience du fait qu'il faut "sortir d'une logique dans laquelle l'environnement est tenu pour gratuit et donc livréà toute sorte de gaspillages" ("le Monde", 10-4-90). Cene logique trouve ses racines dans les prémisses de la science économique qui a longtemps considéré les biens de l'environnement comme des "biens libres" donc gratuits.Lathéorie économique les a ainsi exclus de son champ d'analyse (passetR, 1972).

4. CONCLUSION

Dans le cadre du projet d'une société où le savoir serait effecùvement partagé, où chaque citoyen paniciperaitàla prise de décision, les médias devraient permettre au grand public de se situer, d'avoir une idée claire des problèmes et d'adopter une atùtude responsable. On a vu, au contraire, que la présentation de ces deux exemples par la presse aura probablement contribuéàrenforcer la confusion des lecteurs: des termes scientifiques et méthodes d'analyse présentés sans être expliqués, des rapports contradictoires, des sources d'expertise multiples, des intérêts économiques opposés.

Une analyse plus approfondie de l'information sur l'environnement présentée par les médias pourrait probablement révéler d'autres sources de confusion, des lacunes, des simplifications, ou des déformations. Pourtant, cette présence constante de l'environnement dans les médias remplit une fonction de familiarisation avec des concepts et des images scientifiques, la banalisation de termes spécialisés qui entrent dans la langue courante. Resteà poursuivre la réflexion sur les conditions pédagogiques d'un partage généralisé des savoirs.

BIBLIOGRAPHIE

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MERMET (L)&GRANDJEAN(A), 1987. - L'environnement face aux évaluations "coût-avantage" des projets: un guide pratique. InCahiers du GERMES, I2,décembre, 59-82.

PASSET (R), 1972. -L'Economique et le vivant. Ed. Payot, Paris.

ROQUEPLO (P), 1974. -Lepartage du savoir. Science, culture, vulgarisation. Ed. du Seuil, Paris. DE ROS NAY(1),1989. - Vulgarisation et média. InAnnales des mines, 4, avril, 25-28.

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