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Valéry et le roman

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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, 1 .the Facul.ty , in partial

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Va16ry et> 1:e

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by

Rosal.ind GILL

A thesis "

submi ttéd to .

of Graduate Studies an~Re8earch

McGill University, /

ful.fillment of the requirements for the degree of

Master of Arts

,

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Department

of

French

Language and Literat~f~

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. Febr,uary-

l.977' .

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1978

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(3)

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TABLE DES MATI~t~R~E~S~---~ ________ __

---,.-.---==--

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INTRODUCTION

'CHAPITRE PREMIER - LE MOI ET L'ÉXPRESSION LITTÉRAiRE

·

... .

i . la S,incérité

.

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CHAPITIŒ II --L'ILLUSION RÉALISTE,

...

,

i . le PersDnnage

la Description

.

.

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.

...

,CHAPITRE III - DÙ DfsORDRE À L'ORDRE

*

L'ESPRIT ET LA FORME

i . la Sensibilité

.

.

.

. .

.

.. ..

.

. .

. . .

.

i i . la Construction et les rormes

CHAPITRE IV - LANGAGE ET FORME

i.

i~~~~an

est trop, abstrait

'J \~ . . . 'e • ..

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CHAPITRE V :: LtYNITÉ ROMANESQUE

...

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CHAPITRE VI - L'OEUVRE MACHINE ET LE LECTEUR

.

. .

. .

.

.

.

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... .

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i . le Langage utilisé comme moyen et non pa~ comme fin ••

·

..

i i . le Lecteur

...

·

..

/

&

CHAPITRÈ VII - UNE CRITIQUE SALUTAIRE DU ROMAN

...

CHAPITRE VIII - MONSIEUR TEST~~ LE ROMAN D'UN CERVEAU

\

i. ~onsieur Teste, personAage romanesque impossible ii,. Teste, personnage réa<l,.iste ••••.•••••••.••••••••

a-...

·

... .

·

..

13.

17.

21. ~ 25 •. 2?

26,.

30.

J2. J6, •

41:

42. 4~)i.

ii~.Teste et la composition romanesque •••••••••••••••• ~.

64.

iVe Teste, caricature romanesque •••••••••••••••••••••••

68.

v.

Teste et le 1angate ,

.

... .

,

... .

·

,

... .

vi. "Teste, romanI ~istentialiste

.

.

. .

• • • • • • • II! • • • • • . . .

\?HAPITRE IX CONCLUSION

VALÉRY ET LE NOUVEAU ROMAN

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...

, BIBLI OG RAPHIE ~ ••••••••••• ~

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70.

73.

75.

89.

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V

AjLER~

ET LE ROMAN (1 ,

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ri Résumé ! •

..

• i'r

Dans .cettd étude sur Valéry et le roman nous avons essayé

(

-de prés~niier ure vision d' ensemb1e ,de la' cri tique valéryenne dUI

.

.

roman, critiq~e qui se mani~este de ~açon peu réguli~re dans des

«

.

'

notes et det pré:faces ~ .. traver~ . toute l'oeuvre de Valéry. I~ s'agit surt~ut dans qet exposé d'expliquer la position négative

f '

Cf

de Va1éry,,:t'ace au roman en étudiant celle-ci dans 1e context~ de

/

sa conception de l'artiste, son oeuvre et son lecteur. Eni' exami-nant cefqui serait pour Valéry

~a

littérature idéale, nous compre-nons Pfurquoi le roman reste pour Valéry un genre in:férieur.

ç

f

Ensuite, n~us présentons une courte étude de Mon~ieur Teste

t

\

dans laquelle'n~us montrons ~ qu~l point ce recueil de· tex~es peut ' t r e considéré comme roman valéryen.

F,inalemè·nt t noui( constatons la modernité de Valéry don1t:

\

f

les idées sur le roman se retrouvent en partie chez les

nou-(!

veaux romanciers.

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VALÉRY ET LE ROMAN Suml}'ary. j

In thi. study of valéry and the novel we have attempted to resume the rather sporadic critique Valéry made of the genre in short notes ,and; pre:faces througliout his li:fe. Ve have,eXPlained 1118 negative attitude towards the novel by placing i t in the-~

cont,ext of his conception of' the role o:f the .artist, the york of art, and the reader. In discu8sing what would be for Valéry

.

\

an ideal literature we have tried to 'show why Valérr consiners

.

\

-the novel to be an ~n~erior., \rm ~art.

\

In the second main part ~f' the thes1s there 1s a short

\

" stuày of' Monsieur Teste in

Whi~h

we

det~rmine

ta what extent

1

Valéry's ideas on the novel are ref'lected in this collection of' texts.

In the last chapter we

have~nd~rlined

valéry's literary critique by discussing the

the modernism o~

simi\arities

betwee~ his concept of the novel and that of the new novelists •.

(6)

1

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C,I

INTRODUCTION

\

\ \

.'

"Pourquoi je ne fi~e pas' les gens_mais l'esp~ce et pourquoi je n'aime pas lesl romans c.est que je ne

vois pas "Homme" - Jadis je considérais les gens Qans un cadre plus grand - et comme des objets -ét j'ai aimé tout ce qui se faisait percevoir plus que les objets et autre chose qu'une chose." '(1)

Les pensées ,de ,Valéry sur le roman sont éparses, ex-primées au hasard des note~ et des pré~aces. Nous estimons que pour bien discuter des positions de Valéry sur le roman i l faut approfondir et relier ces 'commentaires en les plaçant dans le

\

cadre plus large de la conception valéryenne de l'homme, de, l a ' littérature et de l'artiste, qui se développe \ ~ travers toute

, '

l'oeuvre de

Valé~y.1RalPh

Freedman(2) voit en Valéry un criti-que courageux, voué à une nouvelle science de l'homme et qui,

-e~ coupant tous les liens avec la philosophie et la critique

..

traditionnelles, crée un 8yst~me de pensée à partir d'une luci-dité absolue, système qui exclut toute descrip~on vague au ni-veau du langage (les mots "Dieu", "caractère", et m~me le concept "homme" sont mis

\

de l' homme. Dans

en question) et refuse toute perceptionlfa~ile

l'Introd~ion ~

la.méthode de

Léona~d

,

de

"

Vinci, oeuvre de jeunesse qui était pour lui une sorte de mani-' ~este de la vision intellectuelle du monde qu'il avait èhoisie après sa crise de conscience de

1892,

Valéry dé:fini

t

l"artiste

f

(1) Pa~l Valéry, Cahiers, ~acsimilés,

(1894-1900)(1944-45),

(Paris: Centre National de la Rec~erche SCientifique,1937M61),

XI.

909.

,

'

(2) Ralph Freedman, (introduction), J .K.Simon, l'rench " Criticism from Proust to Valér to Structuralism,(Chicagol Chicago University Press,

1971

,p • •

(7)

1 \

J

4 ." 2

\

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de l ' espri t" qui se réduit sciemment à ·un 're1'us , indéfini d'être

( 1 1

quoi que ce soit". 1) Le" créateur

~aléryert

re-...

fuse toute idé~ préconçu~ et i l travaille avec un détachement scientifique tota,l. Or, la critique~ valéryenne est un exemple

l\

de ce~te approche scientifique et de cette conscience ~ucide.

.

,

Valéry est hanté par le besoin de,'" comprendre, de trouver, co~me

'* • " JI" ,

Gide lui 'dis~it, une reo~~te ~our la littérature.

1

"Il faut que la critique regarde penser l'auteur et le lecteur, regarde écrire l'écrivain et lire le lecteur, oU m8me le critiqua, s ' i l veut pleinement comprendre la littérature." (2)

Dans toute discussion que Valér~ tient sur le roman, il s'agit donc d'une critiqùe psychologique qui tient compte d'une percep-tion prorlnde de l'homme.

Selo~ valér~, po~r

démystifier, ana-lyser la création littéraire d'une ",façon sci~ntifique, i l 'faut se pencher sur le créateur lui-mame. Ce qui intéfesse Valéry

"

" ' )

est le monde de l'esprit,~l'univers intérieu

1

de l'artiste. Il

veut savoir comment la littérature se. produit~

"Ce qui sépar~ ma vision d'une vision aittéraire, ce qui me divise d'avec le littérateur - c'est qu'ils voient oeuvres et que je vois Homme."

(3)

"Je n'aime pas la littérature mais les actes et les exercifes de l'esprit."

(4)

(

(1) Paul

~Y"Note

et digression","Variété", dan.

Oeuvres I,(Paris: Gallim~rd, QI 1957),p.l225. ,

(2) Maurice Bémol, la Méthode critique de Paùl Valéry, (Parisz Nizet,1949),p.38.

(3)

Paul Valéry,"Ego Soriptor", Cahiers I,(Paris: Gallimard, 1937),p.240. "

(4)

'Paul Valéry, Cahiers,facsimilés,(1894-l900)(1944-45), (Paris: çentre Nationa~ de la Recherche ~cientifique,1957-6~) XI,900 •

\

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(8)

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.

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,D'apr~s la per~pective analytique dans laquelle Valér; si tue la cri tiqu.e littéraire, 'il nous semble que la meilleure

1 approche ~ une étude sur Valéry et le roman serait dans un

."

éclaircissement de la conc~ption que Valéry se ~it des rapporta

en'tr~ -l,' arti2!te , son e~pri t et son oeuvre. Notre plan e~t donc

1

1

1,

,

.

d'expliquer la cri tique '\ra,léryenne du ·roman et d'en donner une

t.

~

vue d'ensemble-en la comparant à la littéra\ure idéale de

.,.

V~léry. \ 1 (J 1 -' '\ / , [

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1/

CHAPITRE PREMIER

LE 'MOI ET L'EXPRESSION LITTtRAlRE

"La littérature n'est rien de désirable si elle

n'est un exeroice supérieur de l'animal

intel-lectuel. .

11 faut dono qu'elle comporte l'emploi de toutes

les fonctions mentales de cet animal." (l~

4

L'idée de l'artiste comme homme d'espr~t va nous

ser-vir~de point de départ dans notre exposé sur la critique qje

,

.

-'V~léry fait du romancier. Dans l'Introduction à la méthode de

Léonard de vinci(2), Valéry définit i'esprit comme

~e

thé&tre

d'une "com~die intellectuelle", un 1ieu pl.e,in de mouvement, ,11

d'énergie et de désordre, et qui s'ordonne A_l'a~de de la

oonscience. Eclairé par la conscience, 1'esprit arrive ~ résis-'

ter au désordre ,du hasard et de l' acc~ldent pour jouir de son

pouvoir constructif. Pour Valéry, la conscieJce 'pure est une

r

sorte de "pensée de la pensée" qui permet A l'esprit de

perce-voir et de construire par formes universelles e~ objectives.

.

.

L'ordre cr~é par l'esprit s'exprime de mUltiples façons, que

1

cela soit dans la peinture, là physique, la mathématique, la musique ou l'écriture.

"Je sentais que ce ma!tré de J ses moyens, oe p08sasseur

du dessin,dés images, du calcul, avait trouvé l'at-t i l'at-tude .. cenl'at-trale A parl'at-tïr de laquelle les enl'at-treprises

• «'11~

~ 1 -;_,1

(1) Paul Valéry,"Rh~bs","T~l quelM ,

(Pa~8S Gallimard,

1960),p.633.

~

dans Oeuvres

II,~,

.,'

(2}_paul Va,léry,"Note et digre8sionlt,·Vari~tén, dans

Oeuvres l, (Paris: Gallimard,l957);'p.!201. \

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.

.

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...

de la côrlnai·ssance et les opérations de l ' a r t sont également posslbles." Cl) .

1

1

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Travaillant dans 'une telre lUCidité, l'esprit arrive h un~" unité de la pensée dans laquelle le fonctionnement de l'esprit

" .

est semblab~e, quel que soit le domaine auquel i l 8'app~ique.

La seule cho,se qui, varie est c le produit'. Val,éry concl~t donc que

la tâche de l'artiste, tout comme c~lle du mathématicien, est de

"

,

l'

-se déga~er de son ordre naturel par 1e travail intellectuel.

1

Si Valéry veut

q~-"

l'artiste soit cet animal

inte1l~

/

~

.

lectuel, il y trouve beaucoup d'obstaclès ttans la littérature. Pour lui, la littérature 6tant un exercice Mellec.tuel, le but de l'écrivai.n n'est pas de se ~aconter, de s'exprimer d'une

...

~açon subjeotive et spontanéé. Un des th~mes majeurs de la

théo-rie littéraire. valéryenne est le re(us du moi, le dégodt devant o l'expression des sentiments personnels par la littérature.

1

Dans notr~ définition de 1 'f épri vain et du ,romancier en

"""',

partLculier, nous allons explorer le prOblème du moi et de l'ex-.

,

pression li~téraire. Quoique ce refus ne vise pas spécifiquement

le, roman t il importe de toucher à ce prOblème ici parce que noUe

.'

estimons qu'il faut comprendre le ref'us du moi chez Valéry pour

"'

. ' • t'

pouvoir expiique~, en partie, son mépris,dû roman.

,

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(1)" Paul Valéry, '"Note et digression", "Variété", dans Oeu\l"res I, (Paris, Gallimard,1957)',p.1201.

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6

i. la Sincérité

"Con~ier sa peine au papier.

Dr8le d'idée. Origine de plus d'un livre, et de tous les plus mauvais." (1)

, Une des grandes

object~ons

de valéry à l'eipression de. sentiments par la littérature est que la spontanéité n'e~t pas un acte qui permet ~ l'écrivain Ae pro~iter de son esprit. La

~réation littéraire devrait être une expérience qui stimule l'esprit de l'écrivain et lui donne des moyens d'atteindre le sommet de éon être intellectue'l. Pour Valéry, con~ier des pas-sions et des drames personnels ne peut pas être un acte créateur

J C'

"

valable parce que ce genre de con~ession n'exige ,aucun exercice

intellectuel. L'expression des sentimemts par la littératuJe est une {t>erte de temps qui n'apprend rien ni \ à l'auteur ni au lecteur.

"Je ne lis pas dans le journal ce drame sonore, cet événement qui fait palpiter tout coeur. O~ me condui-raient-ils, sinon rien qu'au seuil même de ces

pro-bl~mes abstraits où je suis déjl tout entier situé."

(2)

II faut que la création soit productive en ce qu'elle pousse l'esprii A construire, A,dépasser la subjectivité pour pro~iter

1

de la puissance de son objectivité intellectuelle. L'acte créa-teur valable pour Valéry est celui qui rend l'aucréa-teur plus

conscient du fonctionnement de s~n propre ,esprit.

Suivant l'idée que la seule littérature valabl~ est celle

' . (1). Paul Valéry,"Mauvaises pensées et au1:res", dans Oeuvres II, (Pariss Gallimard, 1960) ,p.866. 1

(2) Paul Valé~Y."MOnsieur Teste", dans Oeuvres II,(Parisl Gallimard, 1960) ,p. 38;' " " \ 1 1 ,; J,

(12)

a

"

JJIIW" •••

1

7

1

qui est le produit d'un travail intellectue~, on trouve chez

valéry une définition particulière de l'inspiration. Dans la théorie littéraire valéryenne, l'image de l'écrivain

sentimen--1 , / , é

tal, emporte par l'acte de creer, est remplac e par l'image de

,

l'écrivaih çalculateur et lucide. L'état poétique qui stimule

l'écri~ain et le pousse à écrire n'est pas le moment des

pas-sions spontanées, mais plutôt un état de sensibilité où l'écri-vain éprouve le rapport du monde avec lui-même.

'Ralph

Freedman(~)

compare cet état au cogito ergo sum de' Descartes. La création se fait Iorsque l'écrivain est dans un moment de profonde conscience de lui-même et de la réalité. Ce nt est. pas "1 r inspira tian" qui t'ait les oeuvres. Valéry se moOque'

du "problème ridicule" de l'inspiration et de l'image romantique de l'artiste emporté.

1

"Un écrit forcené, chargé d'invectives, comme'ivre

de violence et riche d'épithètes et d'imag~s fou-dro'yantes me donne une envie invincible de sourire.

C~est qu~ je~ne puis m'empêcher de voir l'écrivain

se rasseoir à telle heure à sa table et reprendre le fil de sa fureur.M (2)

Dans le

Syst~~/yaléryen,

l'inspiration n'est qu'un premier

Il

stade facile de l'acte créateur. Cet état d'emportement s'op-pose à la fabrication calculée de l'oeuvre et i l ne représente

~ aucun travail de' l'esprit.

"'"

"L'idée 'd'Inspiration contient c\elles-ci; Cè, qui ne_ coQte'rien-est ce qui a le plus de valeur.

t.\

'1 /

d l ) Ralph

(Fr,/;dm~~-I (i:t~duction),

J .• K.Simon, French

Criticism From Proust to Valér to Structuralism,(Chicago: University of Chicago' press,197l ,p • •

(2) Paul Valéry,"Mauvaises pensées,

ét

autres",dans Oeuvres II, '(paris: Ga11imard,1960),p.80~. $ 1 1 U SI

.

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(13)

Sd'Mm.ft'm 5'S

\

• •• Se glorifier ~e plus de ce dont on est le moins

responsable." (1)

8

Val'ry n'accepte donc pas l'inspiratio~ et la spontan'it',

ces deux états naturels et indisciplin's. Souvent, dans sea ex-pos's sur cette expression peu intellectuelle du moi, il se sert

du roman comme exemple

~égatif.

Selon Walter Ince(2), Val'ry,

l'asc~te positiviste, ne pourrait jama~s accepter un gefire comme

'l! \

le roman où l'exp;ession des idées et des sentiments est "vulgaire".

"L'existence des romans est liée ~ la vulgarité &es

esprits - qui est

l crédulité - apparences - et ertvie

(d'une autre vie) •.• désirer être autre que soi paa

par voie de dressage sév~re et de correctifs mais

par magie sans profondeur."

(3)

Le ro~an serait donc un genre simpliste faisant appel

au besoin de l"crivain de s'évader ou de s'exalter de la façon

la plus facile, qui consiste

à

décrire un flot d'impressions et

de sentiments. Dans Monsieur Teste, Va'léry appelle les grandes

sc~nes des romans "de misérables éclats, des états rudimentaires

où toute,s

l~'s

bêtises se

1~chent"(4).

Le romancier, en,écrivan'tt

d' une façon peu di~ciplinée, • se noi-e au lieu de nager dans les

ciroonstances de

l'ea~~(5).

Il manque au

~omancier

une

dimen-sion intellectuelle et pour cette raison le roman qui se veut

. (1) Paul Valéry,"Littérature","Tel qUeln,dans\oeuvres

II,

(Paris: Gallimard,1960),p.550. i

(2)

Walter Ince,"Valéry and the Novel",Australianl Journal

of French Studies,(mai-aoQt,l97l),p.199.

(,) Paul Valéry,Cahiers,facsimilés,(l894-l900)(1944-45),

(parisl Centre National de la Recherche ~cientifiquefl957-6l),

XX,

515.

(4)

P~ul Val~ry,·Mon8ieur Teste",dans Oeuvres

II,

(Paris: Gallimard,1960),p,?8.

(5)

Ibid.

-1

(14)

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1

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nsinc~r~" ou "vrai" n'est pas profond. Selon Valéry, le

roman-cier qui vise à 's'exprimer dans son oeuvre nie toute une partie du travail de l'esprit. Travaillant dans une lucidité absolue,

,

l'écrivain devrait s'éloigner de son moi naturel, qut est in-forme et changeant, pour exprimer le moi plus pur de l'intellect

~t de la conscience. Ce moi est' indépendant de la subjectivité inconstante" 'de la personnalité, de l'auteur.

"Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, le-, quel est nul, ou informe, et, en général, indistinct."

(1)

Notre vérité intérieure étant multiple et changeante, l'idée que l'on peut être compl~tement sincbre et décrire ses sentiments dans une oeuvre est une conception naive que Valéry refuse. La sincérité dans la littérature étant impossible, l'expression des sentiments dits "naturels" est souvent grossi~re et approximative,

et cette tentative ne fait que dévaloriser~la littérature et

1

aboutit ~ des oeuvres infé~ieures.

Cette superficialité qui caractérise, selon Valéry, les grand~ drames des romans, 'entraine une certaine hypocrisie de' la part du româncier. Si l'expression des vrais sentiments par la littérature est impossible', le romancier qui veut faire croi- . re au lecteur qu'il se raconte sinc~rement dans son oeuvre est

malhonnête.

"Le vouloir @tre sinc~re avec soi est un principe inévitable de falsification." (2)

L'hypocrisie de ~eaucoup de romanciers, selon Valéry, se

mani-(1) Paul Vaiéry, " Stendhal" ,"Variété",dans Oeuvres I,(Parisl Gallimard,1957),p.571. (2) Paul Valéry,Ibid.,p.572. \

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(15)

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10 feste dans le "souci de l'e:f:fet". La tllche de l'auteur ne de-vrait pas @tre de plaire au lecteur, de le eatis:faire, mais plut6t de le surprendre, de l'inqu~'ter. Il ne s'agit-donc pas

, \

d'attirer la sympathie du lecteur en tirant des effets des \

"grande sentiments". Au contraire, Valéry insiste sur le fait que, pour produire une oeuvr~ valable, l'esprit doit s'isoler

compl~tement. Pour construire, créer avec toute sa lucidité,

l'artiste se sépa~e des mortels. En parlant de Mallarmé, une de ses grandes idoles,' Valéry décrit l'indépendance, "l'or~eil" de l'esprit de l'artiste qui "se dépouille des illusions grossi~res

et générale sn (1). L'oeuvré devrait 8tre un re:fue du public.

C'est seulement en se détachant de toute idée ,préconçJ,le que l'on' peut éprouver le pouvoir et la profondeur de son propre esprit.

"Un homme qui renonce au monde se met dans la condition de le comprendre." (2)

1

Le véritable artiste valéryen 'est celui dont l ' espri t puissant "bat sa

p~opre

monnaie,,(J). I l faut que l'artiste éprouve la

'1.

liberté et Vindépendance de son propre système intellectuel. L'auteur qui éc'ri t en pensant à la postérité et à la gloire

n'est pas indépendant de son public et donc i l n'accomplit pas

"-un acte créateur valable. Selon Valéry, les romans de Stendhal sont écrits en partie selon les exigences du moi "inférieur" de

(1) Paul Valéry,"Stéphane Mall~rmé","Variété",dans (Parisl Gallimard,1957),p.622.

(2) Paul Valéry,Ibid.,p.621.

D

Oeuvres l ,

(3) Paul Valéry,'IRhumbs","Tel quel",dans Oeuvres .II,(Parisl Gallimard,1960),p.640.

sS!

(16)

(.'

I l

ç

l'auteur - le moi qui cherche l'approbation d'autru~. Dans sa

1 1

préface liu Luci'bn Leuven d'es oeuvres compl~tes de stendha*t Valéry accuse Stendhal d\tégoiB~e litt~raire". Pour lui, un ro-mancier comme Stendhal crée une oeuvre peur "jouer le spectacle de soi-même", pour donner une certaine image de lui-même au

...

public. Donc ~tendhal essaye de se faire "un peu plus nature que

-!'

nature, un peu plus 80i qu'il ne l'était quelques inst~ avant d'en avoir eu l'idée". Vetta recherche de la glore

fai~

que

l'oeuvre est pleine de formules brusques et br~ves qui ne serVent qu'à dessiner cette image fausse de "l'unique 80i-m~me" que

l'auteur veut donner.

"En somme, la sincérité propre de Stendhal - comme' toutes les sincérités volontaires sans exception, . se confondait avec une comédie de sincérité qu'il

jouai t. " (1 )

On ne peut pas parler du moi chez Valéry sans dire que ce que Valéry décèle dans toute oeuvre, c'est la méthode, l'ordre que l'esprit a créé. Ce moi "pur" est singulier parce qu'il représente u~ seul esprit mais i l est universel parce que cet esprit s'ordonne objectivement et l'universalité est le pro-pre de l'esprit. Les romanciers comme Stendhal, qui est, pour Valéry,"le moins sot des auteurs illustres". ont parfois eette· conception de leur moi "pur", mais ils se laissent tenter par le besoin de parvenir, d'utiliser leu~moi en vue d'un public.

I l manque donc à leur oeuvre une dimension ~ntellectuelle indis-pensable, selon la théorie littéraire de Val~ry.

(1) Paul Va1éry,"Littérature~,"Te1 que1",dans Oeuvres II, (Paris, Gallimard.1960},p.566.

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"L'intelligence doit, Atre présente, soit cachée,

soit manifestée.

Ell~

nage en

tenan~

la poésie

hors de l'eau."

(1)

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On peut conclure, donc. qu'en ce qui concerne le refus

12

du moi

~ans

la littérature, Valéry a qeux grandes ob

j

ectijP8

au romanI la

mani~re

dite "na+urel1e" mais-superficielle/dont

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;tes romans sont écrits, et l'hypocrisi'e des romanciers/qUi

l?ensent "se raconter" vraiment dans leurs

o~uvres.

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1

13

CHAPITRE II \ L'ILLUSION R~ALISTE "Ego. ,

Je n'ai 'jamais pu m'intéresser li. ce qu'on voit eui' le plan Réalité, qui est celui de la vie-roman-' î"

journal, histoire, théâtre

-Je fuis ce monde d'événements particuliers. -Je

n'accom~ode pas sur ce plan

-Le plan commurt est désordre. En réalité ce n'est pas un plan puisque cette vie oblige li. changer d'échelle et de ligne à chaque instant. J,'ai

tou-jours fui ce plan de vérité commune." (1)

La volonté d'être sinc~re et d'exprimer ses sentiments n'est qu'un des obstacles à la littérature intelligente et

va-l

lable. Un autref est la volonté de reprodui~e la réalité non

seule~ent de soi-même mais des événements et des autres. Ce

réali sme est ce li. quoi le roman vise, ,selon va'l!1!ry , et la cri-tique de l'illusion réaliste forme une grande partie de

~u~

ce qu'il a écrlt s~r le roman.

"

Ayant défini le caract~re informe ,et confus du "moi" e l'auteur pour montrer qu'il ne peut pas s'exprimer directemen~

~ans une oeuvre, nous aflons montrer comment, pour Valéry, la

ré~lité extérieure est également inexprimable, en nous

~ttar-1

-dant sur les rapports ~ntre le réel et l'esprit, la vie et

l'art.

t!1

(1) Paul Valéry, Cahiers, facsimi1és,(1894-1900)(1944-Lt..S) (Parisl Centre National de la Recherche Scientifique,1951'-6l),

XIX,

526.

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(19)

14

"La réalité observable n'a jamais rien de visible-" ment nécessa~re ~$ la nécessité ne paratt qu'elle ( " ne

man~feste

que l'élu 'action de la volonté et de

~,

1'espr~t."

(1) J"

,

~

p~ur

Valér;, le réalisme, tout comme la

sincér~t7

dans la

litté-t rature, est hypocr~sie parce que la re~l~t , é n'est pas un absolu

:\"1 ' ...

que l'écrivain peut observer' et reproduire .. Il y a deux choses qui nient l'idée' d' une réalité nécessaire pouvant 8tre repro-duite dans la littérature: la multiplicité du réel et la percep-tion de ce réel par l'esprit de l'écrivain.

Nous avons vu que Valéry insiste sur l'importance de

l'iso-r

lement de l'esprit. Pour créer, il faut que l'esprit se dis-tingue de la réal~té, i l faut qu'il se sépare du monde.

M

"Quand l ' espri t est bien éveillé, il n' a beso~n,

que du présent et de soi-m3me." (2)

Le produit de l'isolement de l'esprit éve~llé (ou qui travaille d'une façon lucide) ne pe~t pas être le réel que l'écrivaiD a

~ervé. ~a

tâche de l'esprit dans l'acte créateur est

d'inter-~

prêter et de transformer le réel d'une façon originale. En écrivant, l'auteur crée un autre réel et cette réalité seconde

$J

n'a r'ien à voir avec le monere extérieur. L'e8pr~t créateur

"construit" sa propr~ réalité. La réalité dans l'art est compl~te­

ment indépendante de la réalité quotidienne, elle est plut6t un non-réel en ce qU'elle n'existe que dans le

cont~

de l'oeuvre elle-même.

(1) Paul Valéry,Cahiers,facsimilés,{1894-1900)(1944-45), (Parisl Centre Na~ional de la Recherche SCientifique,1957-6l),

XII,426,. t

(2) Paul Valéry,"Note et digression","Variété",Oeuvres I, (Parisl Gallimard,1957),p.120J •

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"Le seul réel dane l ' a r t c'est l'art." (1)

C'est pourquoi dans l'art, la réalité ne peut être\ qu'une abstraction du réel. Quoique l'auteur puisse ~tre poussé ~

écrire ~ cause d'un incident matériel, son oeuvre ne peut être une restituti~n de cet incident. L'oeuvre sort de son e~prit.

)

de son un~vers intellectuel. Valéry explique la séparation entre le générateur â'une oeuvre et le produit qui en

ré~ultel

en don-nant ltexemple de la musique.

.~

"Une oeuvre de musique aibsolument pure, une c'omposi-tion,de Sébastien Bach, par exemple, qui n'emprunte rien rien au sentiment, mais qui construit un senti-ment sans mod~le, et dont toute la beauté consiste dans ces combinaisons, dans l'édification d'~

ordre intuitif sé):ulré, est uné acquisition inest,i-mable, une immense valeur tirée du néant." (2)

Il Y a donc une grande différence entre la réalité de l'art, "tirée du neant" et soumise à l'ordre et aux conventions que l'esprit de l'écrivain lui impose, et la réalité quotidienne qui est informe et tellement réelle pour nous qu'elle est impossible 1 à décrire.

"Mais la réalité est ce qu'elle est, c'est-à-dire qu'elle se'refuse ou se dérobe à ~oute expression; on ne sait ni où elle commence ni ob elle finit, et prétendre

If

représenter est aussi vain que 'la ten-tative du p~ntre, qui prAte aux choses et aux vi-sages des traits, cependant que la nature les ignore, n'est ni faite de lJignes ni 'de surf'aces ••• " (3)

o \

(l)Paul Valéry,"La tentation de (Saint) Flaubert",dans Oeuvres I,(Paris: Gallimard,1957),p.613.

(2) Paul V~léry,"stéph~e Mallarmé","Variété",dans Oeuvres l , (Paris: Gallimard, 1957), p.

676.

.

(3) Paul Valéry,"Acem",~Histoires brisées~,dans Oeu~res II, (Paris: Gallimard,1960),p.453~

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(21)

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16 /

~ans Mauvaises pensées et autres, Valéry constate non

seu-1ement que la 'réalité dans sa multiplicité ne peut pas ~tre

restituée dans la littérature, mais aussi que le naturel est

.

ennuyeux et que la reproduction de la réalité ,he no~s apporte

1

\

/

rien. La vérité décrite à l'état brut n'a pas ,de signi~ication

et el'le est plus ~ausse que le ~aux. Le nombre des v~rités

ma-tériel1~s me~ en danger la vérité que nous cherchbns.»pour Valéry, 'ce qui est réel ne vise à rien, ni à l' .interprétation,

1

ni au raisonnement. Il ~aut que l'écrivain dépasse le stade de

la sensation du réel, à partir de laquelle i l doit construire, par le travail intellectuel, une nouvelle réalité.

Selon Valéry, dans les romans dits "réalistes", l'inten-tion du romancier n'est pas l'exerçice de son esprit dans la

/

production, du "non-ré'el" de l'art. Son désir d' unê pro~ondeur

obtenue par la restitution exacte de la réalité rend son art inintelligent et con~us. valéry reproche aux romanciers de ne pas comprendre l'importance de cette trans~ormation, de cet

abtme nécessaire entre la vie et l ' a~t'. Pour cette raison" le roman donne une vue con,fuse et opaque de la réalité, une

percep-1

\

ti'on qui ne se distingue pas de la perception ~, ~ausse que la plupart des gens ont de la vie. La réalité du roman n'est qu'u~e

reproduction trompeuse de la réalité qu~tidienne.

"Le roman voit les choses et les hommes exactement

comm~ le regard ordinaire les voit. Il les grossit, les simplifie ~tc ••• I l ne les transperce, ni ne les transcende." (1)

(1) Paul Va1éry,"Mauvaises pensées et autres",dans

oeuv~es II, (Paris: Gallimard,1960),p.802~ ,

-

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(22)

(

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i. le Personnage romanesque ,

"Super,titions littéraires

J'appelle ainsi toutes croyances qui~ont de commUTh

l'~ubli de la condition verbale de 'la littérature.

Ainsi existence et psycholotie des personnages, ces vivants sans entrailles." (1)

Pour Valéry, la psychologie des p~rsonnages fait partie de l'illusion réaliste des romanciers. Dans une section de Rhumbs

,

intitulée "Confusion", i l s'en prend au romancier qui pense pouvoir créer un personnage littéraire profond.

"Quelle confusion d'idées cachent des locutions comme Roman psychologique, Vérité de ce caract~re, ~nalyse!

etp. ' i

- Pourquoi ne pas parler du syst~me nerveux de la Joconde et du foie de la Vénus de Milo?" (2)

La conception valéryenne de l'homme entre en jeu dans la

cri-'"

tique du personnage romanesque. Selon Valéry, pour créer uni per-sonnage littéraire, i l s'agit de beaucoup plus qu'une descrip-tion linéaire de ses acdescrip-tions'et de ses motivadescrip-tions. L'homme est trop complexe pour être résumé dans un livre. uans sa critique

,

/

de Flaubert(3), i l constate la profondeur et la complexité de l'8tre humain qui vit "de l'instable, ,par l'instable, dans l'instable". Il n'y a rien de plus difficile h concev~ir que

-<

l'irréductible être humain. A cause de sa conception de la ri-chesse inépuisable de llêtre, Valéry a toujours été opposé ~ la

(1) Paul Valéry,"Littérature","Tel quel",dans Oeuvras II, (Paris: Gallimard,l960),p.S69. ~

(2) Paul Valéry,"Rhumbs","Tal quel""Ibid.,p.639.

(j) Paul Valéry,"la Tentation de (Saint) klaubert","Variétéll,

dans Oeuvres I,(Paris: Gallimard,l957),p.619 •

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18

b~ographie, ~ui n'est pour lui qu'une collection d-é faits de l~

l ,

vie de quelqu'un mais qui ne dit rien sur MlJ!,possible de t'être". Dans l'Int:t<oduction à .la méthode de Léonard de Vinci,

~ ~ "

'il 'explique qu'il cherche seulement a comprendre l'esprit de Léonard, et non pas à créer un personna~e, ce qui serait une tâche impossible. -"Tel est

v~ce

d' près

6tud~ u~

Dans son ~ ,

le problème. Il consis'Fe à essayer de conce-qU'un autre a conçu et non à,se figurer quelques documents, un pers,onnage de roman."

(1)

Flaubert, Valéry explique ,qu'en effet, la plupart de,s romanciers qU'il connait sont conscients d~ la

pro-J

fondeur de leur sujet mais qu'ils se trompent 'en pensant que les détails de leurs observations particuli~res et accidentelles,

expri~s dans un langage. ordinaire, puissent faire fonctionner

,

,

'

un héros romanesque qui soit vrai et profond dans son humanit~. Pour f~ire le portrait d'~n homme ~'apr~s une description' de

"

son esprit et de ses actions, i l faudrait penser que l'homme se réduit à un objet définis~able.

Valéry se moque de la superficialité des rpmanciers dans le "Roman du roman", où i l évoque ~ssez sarcastiquement la plain-te du romanciet qu:L dit se laisser mener par les personnages qu'il est en train de peindre. Le romancier veut que ses personmage~

soient nécessaires et complets, alors qu'en'fait ce ne sont que de feintes vies, d'impossibles fantoche~, qui donnent l'illusion du réel mais ne sont que des marionnettes. Du Bos évoque une . promenade aux Champs-Elysée~-avec Valéry pendant laquelle

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(1) Paul ValérY'''In-troduct~on à la méthode de Léonard de Vinci" , "Variété" ,dans Oeuvres l , (Paris: Ga~limard, 1957) ,p.123l.

(24)

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celui~ci s'arrêta pour lui dire:

"Vous concevez cela, vous, Du Bos, que l'on puisse s'intéresser l des personnages qui tout de même n'existent pas puisqu'on sait bien que c'est soi qui les a mis en mouvement." (1)

19

t'

La 'vé~ité du héros romanesque est doncp pour Valéry,

impos-, sibleimpos-, et sa psyéhologie est basée sùr quelqùès observations

.

(

juxtaposées dans des phrases qui n'expri~ent rien du réel d'un être. Dans son essai sur Durtal (2),

e~

parlant des natur'alistes, Val;ry const~t~'~qu' ~ cette. époque, rien n'était 'approfondi dans les romans et que la p'syc~ologie des individus y était réduite

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à ?'arbitraires descriptions de types. Il reproche au romancier d'oublier "la cohdition verbale" de la littérature et d'éluder

-~

la "construction" en se bornant à la transcription de paroles authentiques dans la création de ses personnages. Pour Valéry, les êtres ainsi déterminés demeurent anecdotiques et inconce-vables.

Valéry s'en prend non seulement à l,a sup~rfic'iali té des portraits psychOlogiques, des conceptions naives des romanciers, mais aussi à l'inconsistance qui existe entre la vérité tlu

per-sonnage et l'artii'ice du langage qui le 'fait 'agir dans

Un

1 \

contexte qu'i~ ne pourrait pas imaginer lui-même. Entre les

per-sonnages et leur environnement se produit alors une discordance imprévue:

(1) Michel Raimond,la Crise du roman des lendemains du natu-ralisme aux années 20, (Paris,1 Librairie José Corti,1961) ,p.128.

(~)

Paul Valéry, "Durtal", "Vari.été", dans Oeuvres l, (Parisl' Gallimard,19'7).p.743. ft

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"Ils p1a~aient, en effet, des personnages des p1us

vulgaire~ incapables de s'intéresser aux cou1eurs,

de jou~r des formes des choses, dans 4es mi1ieux dont la description avait exigé un oei1 de peintre, \ une émotivité d'individu sensible à tout ce qui échappe à un homme quelconque." (1)

Valéry affirme que dans cette discordance entre personnages et environnement, les réalistes créaient sans s'en apercevoir un'

autre vrai, une véri,té de leur fabrica~ion, toute fantastique,

1

qui échappait complètement aux exigences de la réalité. Cette

' ... \ 1

inconsistance rend le roman impur. Pour Valéry i l faut que

, "

i'oeuvre ait une vérité constante qui se justifie par l'harmonie de sa propre composition.

Selon l'analyse valéryenne du roman, la vérité du person-,nage est ~aus8e parce qu'elle, n'est pas justifiée par le contexte

'?'

dans lequel l'écrivain le fait agir. Le romancier essaie de mA1er la vérité qu'il crée dans son oeuvre à la vérité quoti~

dienne et le produit de ce mélange est le roman, c'est-à-dire, pour Valéry, un genre inférieur.

On peut donc dire que dans la critique valéryenne, le héros romanesque représente une des gr~ndes frivolités du

roman-cier qu~ oublie que le~ personnages ne sont que dès "vivants

, ' ,

sans entrailles", dont 1~existence schématique dépend du langage et de l'art de l'écrivain. Les romanciers négli~nt de

distin-\,~\ l '

guer

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monde verbal du :onde rée1.

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(1) Paul,Valéry,"la Tentation de (Saint) Flaubert","Variété", dans Oeuvres I, (Parisl Ga11imard,1957) , p . 6 l 4 . . .-,

(26)

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' \ i i 0. la Description

Valéry conna!t d'autres moyens de succomber ~ l'illusion'

. réaliste. Dans son étude sur }t'laubert, se référant surtout au

1

roman tel qu'il le connait (Zola, Flaubert, les naturaliste:~),

i l accuse l'auteur réaliste d'être "sans trop de grâce ni de

profondeurn(l) parce

q~'il

croit

~vec

son temps l la valeur

d'une discriPtion basée sur des, documents historiques, à

l'ob-servation du présent toute crue et l "la vérité de médiocrité

minutieusement reconstituée". Les réalistes, selon Valéry, essaient' Ide déorire le détail des choses comme nous les voyons.

\

I l leur reproche de ne-pas voir la différence radicale entre la

description et la vue. L'objet

VU

comprend un ensemble

inépui-sable d'attributs. Pour décrire cet objet, l'écrivain le

trans-I

fo~me par le choix d'éléments et de conventions qui réduisent

l'infinie multiplicité de son état réel" Les réalistes veulent

un art exempt de ~onvention8 et de l'action de l'esprit qui

transforme le réel. Dans son étude sur'Flaubert, Valéry montre \ ' avec beaucoup de pertinence que la conception réaliste de la vérité littéraire repose sur une confusion entre l'observation

préCise, l la manière des savants, et la constatation brute et

sans choix des choses, selon la vision commune. Il s'en prend spécialement au réalisme érudit.

"Mais les produits forcés de l'érudition sont néces-sairement impurs, puisque le hasard qui donne ou

refuse les t~xte8, la conjecture qui les interpr~te,

la traduction qui les trahit, se m81ent à

l'inten-tion, aux intérêts, aux passions de l'érUdit, sans

(1) p\aul Valéry,"la Tentation de (Saint) Flaubert","Variété", dans'Oeuvres I,(paris: Gallimard;1957),p.6l3.

(27)

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22 parler de celles du chroniqueur, du scribe, de

l'évangéliste ou des copistes. Ce genre de produc-tion est le paradis des intermédiaires." (1)

Les romanciers, visent donc à reproduire les choses dans toute leur "versatilité". Ils e~saient de réunir tous leurs attributs

1

par la description. Valéry estime que la restitution du réel , est inconcevable, et pour lui, c'est l'imposSibil]té

1

de cette tâche qui fait somb~er le romancie~ dans' la futilité et lui

rait perdre "la pensée stratégique". Il finit par s'égarer dans la composition de son oeuvre et celle-ci demeure "une diversité de moments et de morceaux,,(2). Le romancier réaliste est écrasé

l '

par les détails, et i l est "comme enivré par l'accessoire aux dépens 'du principalll

(3J.

A cause de la frustration à l.aquell.e

aboutit la qu3te impossible du "vrai" dans les lettres, les natu-ralistes ont fini par tomber dans l'écriture la plus rausse. Ce "style artiste" auquel le réalisme aboutit, montre qu'en art

la vérité de l'oeuvre ne peut dépendre que des conventions que l'écrivain invente.

"Le réalisme aboutissait curieusement à donner l'impression de l'artifice le plus voulu ••• " J4)

"Le réaliste cherche alors à obtenir le trompe-l'oeil par l'excessif du style. Goncourt, Huysmans

paraissent ••• un langage extraordinaire est appelé

à suggérer des objets ordinaires. I l les métamor-phose. Un chapeau devient un mon8tr~ que le Héros réaliste armé d'épith~tes invincibles chevauche, et fai t bondir du réell dans l'épopée de l'aventure stylistique." (5)

(1) Paul Valéry,"la Tentation de (Sain't) Flaubert","Variété", dans Oeuvres l, (Paris: Gallimard,1957),p.615.

(2) Paul Valéry,Ibid.,p.619.

(3) Paul Valéry,Ibid.,p.618.

(~~ Paul Valéry,Ibid.,p.614.

(5)

Paul Valéry,tlMauvaises pensées et autres",dans Oeuvres II,

(Paris: Gallimard,1960),p.802. \

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(28)

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Valéry nelpeut pas accepter l'hypocrisie du romancier dont l'oeuvre se veut une expression de la vérité, omettant de se

1

1

reconnattre ou de s'avouer entreprise de, littérature, donc com-posée d'artifices. Le trompe-l'oeil n'est pas valable p~rce que

le romancier y use de ses arti~ices sans le dire et veut camou-fIer ses conventions. Poe, au contraire, est exalté pour les avoir dévoilées et exposées en pleine lumi~re; Stendhal, condamné

,à Cause de son souci de l'~f~et, de même que Pascal, jugé cou-pable de l'invention volontaire d'un style qui se veut "vérité" et "inspiration".

Selon Valéry, les classiques avaient compris~vraiment l'impor-tance de leurs conventions. Ils avaient accepté que l'art ait sa Qropre réalité.

Valéry méprise le roman comme ÜIle forme inférieure d'art non seulement parce qU'il ten~ au trompe-l'oeil mais aussi ~àrce qu'il ne fait pas appel aux plus hautes qualités de l'esprit.

"Une oeuvre d'art purement descriptive, n'est en vérité qU'une partie d'oeuvre. C'est-à-dire que si grand soit le talent du descripteur, ,qe talent peut ne mettre en jeu qu'une partie de l'esprit: un esprit incomplet peut suffire 'à faire oeuvre qui vaille et excellente." (1)

Po~r Valéry, la littérature descriptive se meut entre le nom~na-lisme lH; le réalisme et elle ne comporte pas de. travail intel-leptuel, n'étant que le produit de l'observation et de la mémoi-re de l'écrivain. Or, la mémoimémoi-re n'exige pas d'acte créateur. Les romanciers comme Zola croyaient à la création des objets par

)

les mots, ils étaient convain~us de l'efficacité de la prose à

(1) Maurice Bémol,op.cit.,p.13l.

(29)

.

()

24

rendre les choses, mais la vérité de 1eurs'objets reconstitués

est tro~ facile

à

produire, selon la critique va1éryenne. Le

1

romancier qui se contente de/décrire tout simp1eme~t ne fait

1

pas travailler son esprit et ne donne ni ordre ni compositioD à son oeuvre.

"Le roman est possible

à

cause de ce fait que le vrai

ne codte rien et ne se distingue en rien de l'invention

gratuite que fournit la mémoire à 'peine déguisée." (1)

, 1

I l est clair que le réalisme, dans l'évocation des per-I

sonnages'ou dan~ la description, est une iflusion qui montre,

pour valéry, què le roman est le produit d'une ~ai~eté et d'une

1

superficialité fonci~res. Les tentatives des romanciers de

re-l

produire de vrais épisodes de la vie sont inintelligentes et

..

inconcevables dans la perspective valéryenne de l~ littérature •

(l) Paul Valéry, "Ego scriptor" ,dans Cahiers l , (Parisl Gallimard,1973),p.275.

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,'. \', ... ( CHAPITRE III

DU DÉSORDRE A L'ORDRE L'ESPRIT ET LA FORME • ri

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On se demande alors comment, selon Valéry t l,' artiste

doit ~éaliser la transformation du réel immédiat en ce "non-réel" de l'art? Valéry explique cette transformation par les formes et les figures que l'esprit construit. Une des critiques que Va~éry adresse au romancier, c'est qu'en limi,ant son oeuvre

~ une simple restitution de la ré~lité, sa créa,~~n manque de forme et de composition originales. Dans ce chapitre nous ,llons

consta~er l'importance que Valéry donne au r8le de l'esprit et ,des formes dans la création ,'du nouvel ordre de 1 t art. Par la

sui te nous relierons cette défini-tiont du travail de l ' espri t l.

la composition du langage, d'où nous pourrons ensuite aborder d'autres dimensions importantes de la critique ~aléryenne du roman.

i. 1a Sensibilité

«

Dans notre discussion sur le moit nous avons constaté'

o

que dans le syst~me vS:lérien, l'état poétique n'est pas 'simple-ment une période d'inspiration et d'enthousiasme. I l est plut8t un sentiment de connaissance que l'écrivain éprouve. Cette

connaissànce dép~nd de ~'action de là conscience, qui ~ait que le penseur ressent la profondeur de sa sensibilité tout en s'en éloignant. L'état poétique est sensible et intelligible en mArne'

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(31)

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temps. Dans l'Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Valéry décrit lee différentes étapes de l'acte créateur.

D'abord, la s-ensibilité, au mom~:mt de l'inspiration, a horreur

\

du vide. IJ~8 que la conscience se sépare du ré~l et se regarde', elle éprouve un ~sentiment de l'univers" et commence à abstraire,

à

percevoir un ordre intellectuel ~ partir de son expérience sensible.

"l'état ou émotion poétique me semble consister dans une perception -nai ssante ••. " ,( 1)

.D~s que la conscience se lib~re pour commencer son

tra-vail, le penseur est libre de percevoir comme "un 8tre total et

.

, solide"; son es~rit détaché peut transformer le désordre initial

\

de sa sensibilité en un nouvel ordre indépendant. Cette percep-tion par l'abstracpercep-tion permet au penseur d"apprécie_r d'

étrange~

combinaisons~ et de se déta~her de toute idée préconçue. (2)

C'est la natGre de 'cette transformation et de cette

per-\

ception d'un nouvel ordre qui nous occupa ici parce que la cri-tique valéryenne du roman se ram~ne finalement à cette défini-tion des exercices de l'esprit.

1

i1. la Construction et lee Formes

/

Dans' son

introduction~ Mast~s

and Friende, Joseph Frank

exp~ique

que Valéry est tr s lié

~

mouvement symboliste par

,

/

(i)

Paul Valéry,"Prop s sur

l~ poésie","Variété",da~s

Oeuvres l , (Paris: Gallimard,

195.7)

,p.1363.

(2)

Paul

Valéry,"Introducti~n

à la méthode de L60nard Vincf","Variété",dans, Oeuvres I,(ibid.),p.1168.

(32)

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,

réalité indépendante de l'art, mais i l co~state qu'en même

temps, Valéry réagit contre/les symbolistes par sa tentative de

. ,

désoccul ter l'acte préateur. Nou's aVQns mentionné qu'après sa révolution intellectuelle de 1892, Valéry a commericé à chercher le moyen d'élaborer une théorie de l'acte créateur par l'usage de notions pures et distinctes. Il a trouvé sa réponse dans le rapprochement entre la science et llart. La science est basée

sur l'~dée de structures et de formes pures entre lesquelles le

r

scientifique établit des relations. Par sa conception de l'uni-versalité de la pensée, Valéry trouve le ,moyen 'd'inclure l'art dans ce système. Si la seule chose qui varie dans l'esprit est

, '

le produit, on peut parler de l'acte créateur e~ termes

d'inva-riants, de formes et de structures. Donc l'acte créateur, comme tous les exercices de l'esprit, exige la construction de struc-tures formelles par un esprit lucide. Comme Edgar Poe, Valéry a une notion de l'univers plein de formes et de figures qui sont liées par des structures formelles. fans l ' Introduc'tion à la méthode de Léonard de Vinci, i l explique que le monde est

"irrégulièrement semé de dispositions digulières" que nous pou': vons voir dans' la nature, que ce soit dans les taches sur les fourrures, dans les coquillag~s ou dans les traces du vent sur les sables et les eaux. (l)

nLa figure dé ce monde fait partie ,d'une famille de figUres dont nous possé'dons sans le savoir tous les éléments du groupe infi~i. C'est le secret des in-venteurs." (2)

(1) Paul yaléry,"Introduction à la ~éthode de Léonard de Vinci","Variété",dans Oeuvres l, (Paris: Gallimard,1957),p.1172.

(2) Paul Valéry,Ibid.,p.1221.

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tra~ail '~l'

écrivain est donc de, découvrir des formes et leurs relations ~~~'exprimer cet nrdre par le langage. Gérard Genette(l) constate que dans la théorie valéryenne, l'exeroice

28

littéraife se réduit

A

un ~ste jeu combinatoire ~ l'intérieu~

d'un syst~me\préexistant. Selon Valéry, la sensibilité et l'es-prit I!ont pleins de groupements et de f,ormes psychiques. L'ar-tiste, par l'abstraction, construit, déco~vre et invente ces

/

formes.

"Toute f ntaisie pure ~ • .] trouve sa voie dans les disposi,tions cachées deI! diverl!es sensibi'liés qu:h nous corn osent. On n'invente que ce'qui s'invente et veut ~ inventé." (2)

L'oeuvre d'art est donc en quelque sorte un reflet de l'activité de l'esprit et elle doit comprendre en elle-m&me la qualité

déterminée et nécessaire des formes et en même temps la mobilité,

1

la possibilité de relations entre ces formes. Ce qui intéresl!e Valéry par-dessus tout, c'est, comme ,il le dit lu.i!..même, "leI! figures de relations entre les choses et non les chosee". L'intelligence créatrice se définit par le pouvoir de trouver

des formes nomog~nes et mobiles. Toujours dans sa discussion de l'acte créateur dans l'Introduction

A

la méthode de Léonard de Vinci, Valéry consta~e que "le secret, celui de Léonard comme célui de Bonaparte,

G

•• ]

est et ne peut être que dans les rela-tions qu'ils trouv~rent, - qu'ils fur~nt forcés de t,rouve~, -entre les choses dont nous échappe la loi de continuité." (3)

(1) Gérard·Genette,"Vers une poétique",ùans'les Critiques de notre temps et ValérI,(Pariss Garnier,1971),p.183.

(2) Paul, Valéry, "la Tentation de (Saint) Flaubert" ,"Variété", dans Oeuvres I,(Paris: Gallimard,1957),p.6l4. ,

(3) Paul Valéry,"Introduction à la méthode de Léonard de Vinci","Variété",dans Oeuvres I,(Parisl Gallimard,1957),p.1160\

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29

Pour Valéry donc, la trans:formation qui se' fait dans l'act~ créateur est un acte intellectuel et conscient, et le produi t de cet acte est un re:flet du. {ravail structurel d'e l'esprit. ,L'oeuvre est une machine active pleine de possibili-tés. L'outil avec lequel l'écrivain construit cet~ machine, ces :formes, est le langage. Ayant compris l'importance de la forme dans le système valéryen, nous pouvons voir maintenant

-".

comment là conception que Valéry se fait de l'usage artistique du'langage explique, pour une large part, son mépris du

roman.

'.'

.

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(35)

l >. 1, rr " ~ , \ CHAPITRE IV

,

LANGAGE ET FORME 1 1

"La littérature est, et ne peut être autre chose qU'une sorte d'extension et d'application de certaines propriétés du langage." (1)

"

\

Nous avons constaté que valéry refuse d'expliquer la fabrication de l'oeuvre par des concepts vagues et ambigus comme in~piration et émotion. Pour Valéry, l'écrivain est un calculateur qui travaille avec le langage. La littérature est . donc ,"un art du langage". L'oeuvre littéraire est

essentielle-ment une "spéculation lin~i8tique" et la tâche de l'esprit dans l'acte créateur est de changer les fonctions quotidiennes du langage en fonctions singuli~res de l'art. Pour expliquer

l'acte créateur i l faut trouver les affinités, les relations. complexes entre l'esprit et le langage.

Valéry consid~re que les rapports entre le langage et la pensée n'ont jamais été suffisamment pris en considérati6n. Dans l'Analyse de l-esprit dans les cahiers de Valéry, Judith Robinson constate 'que cdans sa conception des relations ent",e le langage et l'esprit, Valéry voit le langage quotidien comme un obstacle l la pensée créatrice. Les gens ont 'tendance à attri-buer au la~gage quotidien une architecture nécessaire alors qu'il n'est qu'un produit du hasard, produit par lequel nous nous laissons dominer.

(l) Paul Valéry,"l'Enseignement de la poétique au Qoll~ge

de France",nVariété",dans Oeuvres I,(Paris: Gallimard,1957),p.1440 •

(36)

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"Les mots, ces unité~ discrètes, sont formés non sur la nature des choses mais sur les besoins instantanés de désignation." (1)

~

Nous avons vu que pour valéry, une des caractéristiques de l'esprit créateur est qu'il travaille d'une façon indépen-dante. Selon lui, la plupart des écrivains n'arrivent ~as à

formuler une idée qui leur soit propre parce que leur esprit accepte l'ordre tout fait du langage quotidien. Le discours or-dinaire met une barrière entre l ' espri t et les choses de sorte " qu'au lieu de percevoir les choses directement, l'esprit ne les perçoit qu'à travers les mots et 1~ structure toute faite du langage quotidien. Celui-ci façonne la pensée de la plupart des écrivains et ;teur donn.e l'illusion d'3tre "clairs". Selon Valéry,

l ' écri vain doit renoncer à cett'e "servitude" au langage de tout

le monde pour pouvoir jouir de son esprit par la construction d'un langage de formes et de figures qui soit le produit de sa

\

propre oréation. L'écrivain iddal n'est pas un inspiré qui s&

r.,

laisse mener par le langage; il en est plut6t le martre. Dans

/

Je disais quelquefois à Stéphane Mallarmé,/Valér~ affirme que la grandeur du poète est dans l'identification de la méditation poétiqu& avec la possession du langage. L'écrivain qui conçoit l'acte créateur comme

la

construction du langage, donne à son exprit la liberté de combiner et de jouer des puissances évoca-trices des mots. L'acte d'écrire, la littérature est donc un

progrès dans l'ordre du langage.

Cet,e définition du langage artistique comme un ordre qui

(1) Pau1 Valéry,Cahiers, facsimilés,(l894-l900)(1944-4S), (Paris: Centre National de la Recherche Scientifique,1957-6~),

XXIII,855. '

-

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