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Programme
delittbature com.,...
Uaivenit6 McGill, MODb'6a1
juillet
1992
M6moirc
cieMaItrUe
lOIIIIlÏS • la Pacal~des
6tadeI...,meures
et de la ndIcrcIIe . . . de l'obteatioa da cliplO. de Ma1Irise k lettres(
c
SOI~I~J.. l I~EI ABSTRACT
L8 sujet de ce mémoire s'intéresse à la production poétique
f~minine en Chine moderne, à son contexte, ses antéc~dents
imHl(~d i at:3 dans l' histoire littéraire et aux motifs idéologiques et
~?Oc i cétl1X qu i ont déterminé son évolution. Sa composition est
t rip,Htit(ê!: dans J'introduction, Je m'efforce de définir mes
1 imit al-ion;:> intellectuelles et personnelles devant l'exercice et en conclusion, le texte poétique fera lui-même état de la condition f:uture de la poésie des femmes. Les mouvements centraux commencent par une réflexion sur ce qui dans le champ philosophique détermine
1(='::) t ennes de mon analyse, ensuite l'étude du contexte et des
c1Mécédents modernes qui mènent en 1977 à une néo-modernité. Des
üX(~JIlp J es de cri tique du texte poétique féminin à sa réception
UF'I on t cj tés pour met tre en apparence le paradoxe dl antagonisme
dl1t i -pat t i orcal dans l'avdIlc-garde des femmes contre la fusion il
l' inst iLution littéraire. L'hypothèse de ce mémoire s'adresse à ce }),ll-":1<.ioxe en resj Luant le problème au niveau de l'identification
ri' Ulle valorisat ion faussée de l'avant-garde féminine au sein de
l'avant-garde, phénomène qui se remarque dès les débuts de la llIonetnité poétique en Chine.
WOlllen' s poet ic wri t ing in modern China, i ts context and
po~;i lion in lit erary history as well as its ideological and social
(~l)ll:llltl1tion are at the root of this thesis' subject. Having stated
1
,
an introduction, examples of contempor":lly W0111el1 , s poet ic t ext wi 11
' .. " serve to bl"Oaden its conclllsion. My analysis begirls witll (1
reflection on its own terminology in philosophical ciebate, folh'l\'Jod
by a study of the modernist background thc1t ft"om 1977 lec1cis tl) w)kll
is termed as neo-modernlty in literature. A paradox in the wnn1{-'I1'~~
avant-garde of antipatriarchal antagoni sm c1gainst the 1 it el ,u y
institution will be illustrated by examples of Ct"lt ical texl 011 women's poetic production. My point is to addt-ess this pd!-,lciox with
the identification of false values placed from the very beYlnninqH of poetic modernity on women's poetry within the avant-qêl1de.
NB: Etant donné l'inaccessibilité de traductions frcln(;aises pOlit LI plupart des oeuvres de la poésie féminine en Chine mocl(~rnc~ et
contemporaine, j 1 ai cru bon de puiser dnns le fonds considérah 1 e de traductions en anglais ..les mêmes oeuvres lorsque le texte POAl iq\le est cité. Le signe ((f) qui suit le titre indique une t-rclc]w:t j on
personnelle pour les fins de ce travail.
TABLE DES MATIERES
Introduction 1
La condition de l'écriture: avant-garde, proiet et anti-proi8t lS
'rrajets féminins précoces: ébauche d'une revalorisation -FI
Corps contre corpus: les femmes et l'institution oans
l'aDrès-1977 h~
Conclusion 10J
Appendice 1111
J l r~GL 18qitimé, au début. de tout exercice comparatiste en
il téu-tt1Ju:, de s~ntir de l'appréhension. On a beau se sentir
f(Jtt iEH& p,:-Jr J(~S assises de la discipline dans la théorie
1 j t t ()ra LF::: objectivante et. être animé par le sentiment confiant
' I l l ' <JI) dé l è d~s var iélés cul turell es et idéologiques se trouve une
11\f~·tcJ-rf;Glljt~ qu'jl est possible de définir, fut-ce avec des
métd-[JI (JP(J:~, j J n'en drÔ!meure pas moins qu'une foule de préoccupations
1 (Jq i ::it lqlle:3 v lent ent raver les sentiments d'assurance qui animaient
, J' eXfÔ!rc lee cr i tique à ses déouts. Ces préoccupations se doublent
d'UIH:! problématique d'ordre idéologique èW niveau des choix des
c' rit (:'!f~S et des prior ités, partlcul ièrement lorsque l'exercice en
qtIC:!:,\ j on est souLenu sur un champ avec J equel il est en variance
(JF!Oqt dphique, hisLorique ou philosophique plus ou moins absolue. Il
L.lu! donc leconnaître que l'étude euro-américaine de la littérature
Cllilloi:3e dans une perspective théorique, et c'est sans équivoque
dcln:.i l(~ cadre du comparatjsme traditionnel qu'on a d'abord mené ('C:!! l (' 8t ude, a été et demeure tourmentée par la remise en question
('()11:3L.-ll1le de la validité de son exercice. On pourrait même dire que
J.'l \ entation ultime de considérer les différentiations de temps, de
( ' t I l t l l l e et de lieu comme des obstacles incontournables n'est pas
.lh:i<-,nt e de l' exel.'cice de théorie littéraire le plus inspiré, tant
il est aisé de perdre de vue l'objectif critique dans l'écheveau dt's st l a régies qui t entent désespérément d'opérer avec un lexique
pt d(~s syst èmes li' analyse qu' i l est facile de considérer comme
~31Ispect s .
r
"" 1,
,
l'
L'insistance sur la différence entn~ slljets est cepend\..1nl bU~1l
loin de forclore toute possibilité de débc'lt et de ré(l(Jxioll et \.)ll pourrait même dlre que la cri tique euro '"mér ica ine dl" l cl
littérature chinoise, dans sa plus grande peutie, n'd été quP
ra~ement animée par des doutes su:c la validité de son heurisl ique.
En considérant par exemple le marxj sme/maoisme radical de tant
d'universitaires (Sollers, Kristevd ... ) dans le silldCJp. de 11'11 'tiH
ce n'est pas tant un certain degré de nalveté qui trappc' le JectclIl sinon le confort et la facilité de leur position philosophique.
Le jugement est assez péremptoire et les cdtégorie:3 ((li' il
accuse sont bien vagues: i l importe de reconllaître, pétt' exell1pl{~, que ce qu'on qualifie de sinologie tl.'aditionnell(-:! désj<JI1l~ d(,~!.i
travaux qui pour avoir été menés pour la plupùrt .:tVc\llt l ql,il) :;0111:
issus d'une idéologie d'humanisme libéral qui ct p'~rpp.t:ué Lf~111 existence jusqu'à nos jours, donc difficilemf~l1t cilconsel it!, ell
termes r,.1,storiques. Ce qu'on retient C::Jsent je Il emf=nt'
l'appellation consiste justemE?nt en oeuvres de tlélCllICtilJII, dl'
cr i tique ou de pri-?sentat ion qUl évoquent des nums COIIIDle Cf'IIX dr.
Chavannes, Waley, Etiernble etc ... Issus pour la plupart d'lin
contexte universitaire où l'humanisme libéral ne fi'OPPO:';Q pa!, ('1 11IJI' forte rigueur critique et qui exige de S83 rnernbr!?!; 18::; [JI f:IIVI;!;
d' une formation phi losophique étendue, on va il rn(:l l (1()[TUrH ~nt (~(1~;
travaux pourraient être considérés comme na l [s. C 1 (~:)t d' éJ i 1 II::u r:;
dans ce même contexte et selon ces mêmes mét hodûl oc) 1 (:!:; qu' ()nt ét (~
formés ceux qui or ~ su mener les analyses les plus r j qOII!_ eU:if;;--: ':!t
5 TJ':! 1 J rJ(!nt~:, ~)ur ] a Chine alors qu 1 une idéologie fort différente
rl'.JHlIrJ,;J!., t-ant par fO,ffet de mode que par effet politique, leur
ciJdrn[J cl' de t l vi t (: j ntellect uelle. Pour Simon Leys, la formation
IIllrnéln l !3te libéral e trouve son incarnation la pl-us raffinée dans les
1 rr;'IdUY. de Laszlo Ladany et de la revue China News Analysis et il
r (;;jIIfW; di n:31 leur méthodologie:
What made China News Analysis so infuriatingly
lnclispensable was the very simple and original principle on which it was run (true originailty is usually simple) :
a J J the information selected and examined in China News
Ana lyS1S was drm'TD exclusively from official Chinese
sources (press and radio). This austere rule sometimes deprived Ladany's newsletter of the life and calor that could ha 'le been provided by less orthodox sources, but i t enab] ed him to build his devastating conclusions on unimpeachable grounds. (Leys 1990, 8)
Il pClUt :3ui t en centrcmt sa critique sur les universitaires
euro-,11I1t"1 j Ccl in:> de l'époque maaiste et nous décrit une suffisance qui
Il i ::;(-~ LJ mOI yue:
What inspired his methad was the observation that even
t he 1110~:;t mendacious propaganda must necessarily entertain
sorne SOL t of relation with the truth; ev€:n as it
llk1njpulcltes and distarts the truth, it still needs
l.)llCJindlJy ta feed on it. Therefore, the untwisting of Cl f (iel .:-11 lies , if skilfully ef fected, should yield a
G
certaln amount of st raight L:1Ct-s. . .. '1'110 ~1ncl1 l't,1 will")
wishes to gather infcnnat ion d
process ... needs to have a flllènt CUllunètnd \..)1 the ~'llil1t-~:il'
langU?ge. To the man-in-the-stteet, such.:1 pn:>r('>qlll~-;it(-'>
may appear like elemental'y COllunon SPl1::,L', b\11 l1llCt' }'n\1
leave the street leve 1, and en t e l tilt' 1 u l t i C'I- :.:;phl.'l I~:, <) 1
academe, conunon sense is not so COllUlhJl1 ,Hl}' 1 ('IHJt-'I, lIlld II
rernains an interesting faet that, dur illq t Ile [v!dU i :;1 ("1 li,
a majority of leading "Chlna expelts" helldly kllt'I.\' dll)'
Chinese. (I hasten to acte! that tl1is l' " .'
phenornenon of the pasti nowaclays, fotlllllcllply, yllllll!}
scholars are rnuch bet ter educat ecl.) (Lf-'yn 1 ql)(), H)
Pour prendre position de fa(~on aet uelJ f~ ddll!-; ('(' <'Ildlll[J, Il 1 dllt
donc reconnaître chez ses antécédents Ullf.) aS!3\11,-tllCf-_' Id(~·()luql'(lI(· <tllf-'
validait la mainmise sur l'institution lntellf~('1 urd If> pl illC'I(Jdl(· (·1
qui se caractérise autant par ce qu'elle Cl1uL:3it d'i(JIIUI(~1 (Ill dl'
dénigre:r au cours de son activité critiq1le qll!~ pel! CI-' :31J1. qllfll 1·111'
se concentre et ce qu'elle met en va leul. Unr-· pl i :il' rI(~ P( "; 1 1 il JII
exige aussi évidemment une implication clans ll~ d~·h<.11 <jlll d'JII r~llf'
effectuée malgré les scrupules sur- la va l i cl j t f-. rI,:; l' C:X"f (' iCI..: t 1; 1 :;
que ceux qu'on a exprimé plus haut. Ma condillull séxul~1 If.', :il)I'ldl",
ethnique et intellectuelle r epr ésent e 11ne sér lI.:; de di [ f I~ r I-~IIC'.':; rJlJ j
s'érige entre le sujet de mon mémCJin:~ I-::,t ml.Ji Ir1r~lIlf~, 11 br l ' d
certaines personnes d'y voir une sÉ:rif..~ de bort I(~rl~:) (IIJ'()IJ flf· (J'Jjt
(
1 ()nque et soutenue m'a fai t hériter. Pour mOl, sans prétendre auxqlJrJ 1 t té:--; 1 ntellectuelles que l ' inst i tution académique
euro-aHl~r J ca) ne d' hUTnarllSme (radical ou libéral) a conféré aux
reptésentants d'une sinologie préoccupée avant tout par sa 11lcjehtp., ]e déslr df! poursuivre la découverte des mécanismes
crmlplexes de la création poétique des femmes dans le contexte de la
('}lJnu (;untin8ntaJe contemporaine est justitiable. La position d'un
lndividu dt:! sexe masculin dans le cadre d'une pensée féministe est
p,n f uj:::; pJ 11:3 J égi time que problématique; nombre d'universitaires
(Jdl:;, par exernpl8, ont pu revendiquer une voix dans le débat
f (~m i III ste, comme le rema rque Joseph A. Boone:
For, ar this historical juncture, many of the men in the élcademy who are f8rninism's most support ive "allies" .su:.§. gay. Sornehovv this tact and its implications have often been forgotten in rnany of the discussions surrounding the
"mal e feminj st" controversy ... too many of the (Jener al i za t ions made about men' s deslre to become a part of feminJsm take for granted the "heterosexual" basis of
tllLlt desire (Boone in Boone & Cadden, 1990)
l'e genre de remarque est loin de justifier une intervention
l ()ll~, t1:: 1I11Ut s ries homos dans l'expression de l'existence féminine et
110' m'absout certainement pas des erreurs d'une hornosocialité qui à
-dit f (~t f"nt e~:; époques a pri V8 aux fenunes l'accès aux insti tutions et
.lUX c1t'tivités socio-économiques. Elle ne fé.tit rien non plus pour
lt.:'\jitimer ma condition d'euro··américain '.
8
vis-à-vis des séquelles de la condition post -COloIli~lle de L.l Chine, dont Je suis dans une cel"t aine mesure rE'spol1sab le. M~li s e l l e
souligne le fai t que la condi t ion homosexuel 1 e mascul i ne,
particulièremen~ dans son contexte uni veu3i t ai l e (et donc
d'intelligentsia bourgeoise) dispose l ' jndividu à une conndisL:klnC(~
et une préoccupation pour les termes du débat ('?t que sa positioll dans ce débat ne peut pas ne pas en être influencée. Il m'import-e finalement de dissocier la contigulté féministe que me prOClll ('? mon orientation sexuelle d'un fémini sme dérivant du doma ine d(~:.; èr \lck~s
gaies proprement di tes, comme celles que nous fa i t voit- HOOlle dan::>
un bref compte-rendu des activités d'un élément du clidmp
universitaire américain qui a privilégié, depuis sa l {~('eI1t f-' création, l'intervention féministe masculine et dont l' lllE luellce cl
1
'1
servi à dissiper cer"taines des "craintes fémini:3tes" qllL vojt'T1t- en '.ln féminisme masculin un geste d' appropriat ion st rict-f'lIl!mt- 11(~'l (!! n
masculine:
The annual conference of the th! ee-yecll uld Cell! (~I 1 (JI
L~sbian and Gay Stllciies at Yale, whiJe no!- wi t IIIJlIt- Il:;
own discursive struggles, has (Jone far Ln dl:-;pP] ::;Iwll
fears. Indeed, what impressed me rnofjl- aboll'- 1 hl: ('('111 ('1 ':;
inaugural conference, h(o:ld in 19}-j7, "JcJ:-; thf-..! Ç:xt(~IJI t"r) which "gay studies Il es an int ellect ua 1 C:Vént: vld:; dbJ (: 1 (J
begin at a highly sophisticatr::d, thr:(Jlr:! iCdl 1 r :'/(·1
precisely because of the inforrning in f 111(:,ncI:: u: f r~frIj III :';/rI;
f r::rnj n l S t rn~tbod and gay studies [ ... ] in the serVlce of
Cr0r)!:Î..nq ct discipline and an a.genda that claim to be
ne:j ther :'3uperior to nor the same as feminism, but rather
ln ,:;tD ever -present relation ~f contigui ty wi th the Cd iqinaUnq politics of fenlln lsm. ( Boone in Boone &
Cadden 1990, 23)
IJr~ façon pl us spécifique, la formation que j'ai reçue, et qUl
"W·
1 (·nd :5 i hardi de proférer des jugements sur les préjugés qUldlllrnl::nl Je~-, I-ravaux des monstres sacrés de la discipline, m'a au
J[1()in~") proclIré une familiarité opératolre avec les modes de
fl)IWI- ionneIlient de la I j ttérature contemporaine des femmes en Chine
(->1, dan::; lIn mouvement centrifuge, avec les problématiques de
IIH':()] ie littérail.e, de théorie féministe, la langue et l'histoire
1 il 1 I-S rcd n~s cie la Chine qui encadrent le premier thème. C'est au
1l()1l\ cif':' cette 'familiarité que je me permet:.s de formuler la
dl'~Wl IpllOll et les jugements qui auront lieu au cours de ce
llIl'llIu 1 1 (', t (lut-es ~3es i nr-'xact i t udes et ses silences seront en une
~dlqf-' IlIr:;~:;Ul(~ l'effet de.~ limites de ma formation.
r 1 ~>emble en fait plus important, plutôt que de s'éterniser en
jll:;! i j icclt lOllS de correction politique, de se préoccuper de
('('lIt lddkt iuns appalentes dans l'énoncé même du sujet de ce mémoire
1'1 qUI ~",lInJ i ssent avec la mise en présence de deux termes chargés
dt' dl t t (:'l e'lh:en nH~t hùdologiques et phi losophiques considérables. Les
dl'u:", \1\1! i l)l1:~ d' écliture et d' institution semblent fondre des
Ildllt ,'lit:.; ch.-' l'académisme euro-américain sur le IIv if" du sujet,
10 attardons-nous donc à décrire les caractél-isr ique:..' de clWCUllc-? d'entre elles avant de déduire les enjeux de leul- mise l".'n pn~:':H"ncl~.
L'écriture, ici, rapporte Ulle perspl'ct j Vp
d'interprétati'on qui voudrait évoquer, dd!1S lel ccmcisii..'I11 l1ôl;es:~,li 1 e
du titré, une tradition de théorie Jittérait-e féministe dOllt 1.1
caractéristique est sa multiplicité. Les différences dt=> ('ont~~xl(-'s
géographiques et politiques ont mis au monde plUSj<-:~1I1-S féminl~-;nlt~:3
aux priorités et aux préoccupations différentes. Au"de] Ji ct(:~. débdt:.i
entre féminismes pragmatiques, français, intAllect lied s, élmé'l'iccll m.l, radicaux, du Tiers-monde, on peut envisager l'ex; stence ct' un canoll
féministe dont le principe moteur est sans équivoque le refu:3 cl'IIII
ordre symbOlique, c'est-à-dire la plupart des inst i tut ions !1UlllÙ i llC'~:;
et sociales, fondé par le patriarcat et la (lminatjon rna:JCUllIl8. Cc'
refus a engendré, dans le contexte histol.ico-intellecL1l81 dl! Id
sémiotique dértidéene, le concept d'une écriture féminine-> Cjlll
récuse l'existence d'un signifiant transcendùnt f d' UIle p.t (~:jf'![}('e
absolue du sens dans la personne de l'auteur. Il ne s'agit IXI:3 j(.j
de la tendance générale et exclusive des pensées LérninisLu:3, I()in
de là. Maj s il me semble que le refus au nivf:~au du di scuun'f
littéraire ou autre, de toute neutral i t é prét endIJe qu i (;;,"
impliquée par le postulat d'un sujet-monade, est un conc(~pL CC'llt'jdl
pour tout féminisme et que la pratique criti que qUJ, t;n d(~;(:(J1J Lc-;
cherche à retrouver dans le discours el le LexU; l f éconr)fftÎ e
libidinale qui est à l'origine du maint ien ou du refus de Cf:! :jujr;t'
qui soutient l'ordre symbolique.
"
"
~:
y
LI':! deuxi ème terme est à rapporter à l'ensemble des travaux de
;,()C loloqie des faj ts littéraires, établis comme discipline plus ou
rn(".Jln;~ coh8rente vers le milieu des années '70 en Europe
cont inental(~ surtout et qui ont été menés selon «une seule
d j rf::cL j on d'analyse, mais assez centrale pour qu'elle recoupe
l ' r-;n::lernbl e des aspects de l'activité littéraire. [ . . . ] (L) a notion
cl' i n~.,l-i tution s'est imposée comme singulièrement apte à définir
cette ligne directrice.» (Dubois 1978, 9) L'étude du fait
Lj tléraire se doit donc d'être aussi historique que morphologique,
eL m~ peut laisser pour compte le rapport entre la sphère
li~t~raire et d'autres, politiques, religieuses, fami l iales,
économiques ... Le premier effet de cette relativisation critique de l'institution de la littérature est de déterminer les discours universalisants qui sous-tendent l'activité littéraire; «il n'y a
..
p.Jf-5 l.Q Li t téra ture mais des pratiques spécidles, singulières,
opér,=lI1t à la fois sur le langage et sur l'imaginaire et dont
l'unHé ne se réalise qu'à certains niveaux de fonctionnement et
ri' J.nsertion dans la structure sociale.» (Dubois 1978, 11) La notion
ci' j nst i tut ion dans l'analyse l i t téraire permet non seulement de
ciét erm1 ner les composantes de l' acti vi té littéraire, les .Qf'atigues dont parle Dubois ou dans l'usage bourdieusien, les champs:::, mais
cHiSS i les mouvements entre ces composantes de la marge vers le
CF~nt re, du laIe vers le sacré, de l'avant-garde vers
l' inst Ltutjonnel.
On saisit d'emblée l'utilité d'une telle perspective d'analyse
...."
1~ lorsque le centre d'intérêt est la lit térature des fenmles, et partioulièrement des femmes en Chine dont la condi t ion
SOC10--historique a é!=-.é généralement l'oppression et le si lence. Les quelques exceptions à cette condition ont justement été celles qui ont pu fonctionner dans les sphères insti tutionnelles, dont aucune en Chine n'a été plus sacralisée que la littérature. On verra que la façon dont la ferrune chinoise contemporaine est amenée à (ou se déplace vers?) l'institution littéraire suit sensiblement le même modèle qu'à des époques antérieures. Le premier chapitre de ce mémoire s'efforcera d'effectuer l'évaluation des antécédents de l'institution litréraire chinoise en 1977, pour y révéler La position de l'écriture féminine et ses mouvements.
On doit cependant agir avec une certaine circonspect ion en mettant simultanément en fonction ces deux outils de travail. Il existe au sein du féminisme contemporain, issu d'un contexte intellectuel de "New Criticism" anglo-saxon ou d'un téminj slTIe
littéraire français post-lacanien, un certain doute quant à 1 a validité du sociologisme littéraire, et plus précisément de
l'utilisation par un féminisme anti-théorique et ant.i -intellectualiste du milieu des années '70 d' un élargif~semf~nt critique du champ littéraire féminin aux moyens de données sociologiques empiriques, dans l ' expressi on d'une "réal itA féminine" existant entre l'auteure et son texte et qui échappe il
l'analyse objective:
(
"
collection of Vlorks from a limited time period to see how accurately they mirror female employment, educational at ta inment, marital s tatus, bj rthrat~, and the like, i t
is impossible to measure the authenticity of a female protagonlst's inner turmoil. The final test must be the subjective response of the female reader, who is herself familiar with "female reality". Does she recognize aspects of her own experience? (Register in Donovan 1975, 13)
I l est manifestement difficile d'espérer une symétrie même approximative au niveau de l'exécution du ~rojet de ce mémoire si
un fondamental de l'heuristique ae l'analyse
inst itutionnelle est contestée par le même féminisme universitaire et intellectuel ,,?uquel je souscris par l'usage du terme d' écriture. On peut cependant retenir deux notions de cette mise en présence. Tout d' abord, l'analyse institutionnelle qui refuse toute «spécificité donc de légitimité de la littérature en tant qu'ensemble organique» (Dubois 1978, 12) rejoint les injonctions d'une critique contemporaine qui remet en contexte les premiers travaux du sociologisme littéraire féministe:
Though it is impossible not to deplore the wholesale lack of theoretical (or even literary) awareness of these early feminist critics, their enthusiasm and commitrnent to the feminist cause are exemplary. For a generation educated within the ahistorical, aestheticizing discourse
L4 of New Criticism, the feminists' insistence on the political nature of any crit ical discom:se, and t-hei r will ·to take historical and sociolo,gicc1l fdr.tOl'S inlo account must have seemed both fresh and exci t i11<] i to cl
large extent those are precisely the qualities plesenl-day feminist critics still strive to preserve. (MOl 19H5, 49)
En deuxième lieu, ce mémoire s'efforcera de retenir de la mise en présence des deux stratégies en question, la découvert e d' unl~
dynamique de la marginalité et de l'avant-garde et de la spécificité de cette dynamique pour l'écriture des femmes, et particulièrement les fenunes chinoises. Il sera donc jmportant de rappeler le débat philosophique qui a en quelque sorte émergé du problème de la y,alorisation de l'avant-garde dans la pensée 8uro-
.
, américaine, et qui s'articule, grossièrement parlant, ent re 1 e modernisme habermassien et le post-modernisme lyotardi en. Cc:! retour sur les prises de position philosophiques ne pourra pas se faire sans être accompagné d'éléments de théorie ('ri tique Eéminis te aYùnl surgi du même débat et qui nous permettront de déterminer quelles sont, dans l'analyse institutionnelle, les priorités épistémiques d'une analyse portant sur la lit térature des femmes 1 ain::d que demleux évaluer l'écriture féminine dans l'institution li tt:p.rairc-.! chinoise d'après 1977.
(
(
La corldition d(~ l'écriture: avant-garde, projet et antiprojet
C'est précisément tl l'idée de fondation que je me rapporte en f.r.:tlsant usage du term8 de condition, mon but étant de décrire j'insUtution Ijttéraire chinoise et la position qu'y occupe
j'Gcrjture poétique des femmeo, je tiens d'abord à définir sur
quel le base elle doit prendre place et en quelle façon les
f ondemen t s lnstitutionnels rejettent, acceptent, assimi lent,
l'élément extérieur, gardiste ou marginal. La notion d'
avant-qarde, sur tout comme qualificatif de la poésie féminine
contemporaine chinoise, sera l'un des concepts opératoires
pl incipuux de ce texte, il importe donc de situer ce qui est
8ntendl\ par avant -garde et par fonctionnement de l'avant-garde. La valoriscllion de ce terme a été l'une des préoccupations majeures du champ phil osophique euro-américain contemporain dans la mesure du
débat moderni~é/postmodernité incarné dans les~prises de position
respecU ves de Jùrgen Habermas et Jean-François Lyotard. C'est en rpptenant les termes de ce débat et en en retenant les perspectives
heurist iques qu'on découvrira qu'en terme de valeur, tantôt
reconnue comme absolue et tantôt refusée comme telle, l'avant-garde
est le prlr1Clpe de la dynamique, du moins de la dynamique
'-1PI,-k11'ente, de l'institution littéraire.
C'est en questionnant les concepts de modernité et de
pUf3tmodernité que Habermas et Lyota!."d font intervenir la notion
d'~vJnt-garde dans deux argumentations concurrentielles. La
16 question de la postmodernité est en fait corollaire pour Jes deux arguments, «dans les débats autour des rapports entre modernité, avanc-garde et postmodernité, la modernité de~eure l'enjeu opératoire» (Milot 1988, 70), c'est-à-dire que la polémique entre Habermas et Lyotard a son origine dans une déf ini t ion de 1 c1
modernité, une définition dont Habermas se charge et que Lyotdrd accepte en bonne partie tout en renversant sa valeur.
Fondamentalement pour Habermas la modernité se défillit comme le proj et issu cie la philosophie des Lumières. L.e caracU~n':!
essentiel de ce pr0jet est son telos émancipatoire qui s'exprime d:iUs le principe, posé contre les faits, de la communicc1tion rationnelle.! Il s'agit lCl pour Habermas de retenir l'idénl
moderniste de la démocratie, une démocratie du savoir et donc du pouvoir, une démocratie esthétique aussi bien que politique:
La notion de modernité employée par Habermas dépasse le cadre strict de la modernité esthétique: sa référence à la philosophie des Lumières et aux ccttégories kantiennes des sphères différenciées induisent tout autant la modernisation sociale que la modernité CUl tllrell(~ au i3eml large du terme. Sa philosophie esthétique s'intègre ~ un projet de société, e: c'est pour se porter à la détense d'une certaine modernité politique (la sodété 1 ibéralr;::)
qu'il s'implique dans l'illustration des acqu i s cl' une certaine tradition culturelle (distincte des "abus] (::j
(
(
Ces faux dépassements sont liés à des conceptions profondément '-.JIIt i -dr-;rnocrCtt iqU(~3 telles que celles proposées par les théories de sy:"tèrnes d' un B~J 1 ou d'un Luhman1
qui imputent aux intellectuels
rnodr::rnlstes, et, c'est ici qu'on commence à ,cerner de près la
condl!"JOn de l'avant-garde, le poids de l'échec apparent de la
mod(::!l nj té dèlns le capitallsme. Ces théories, selon l'argumentation
dé HCtbermas, sont l'aboutissement socio-politique inavoué des thp.orles esthftiques d'une manifestation de l'avant-garde et ]' incitent plus à mettre en perspective les apories de celle-ci que de reieter celle-ci au nom de sa prétendue inefficacité. Habermas ne dUllte pas qu'il «existe aussi des raisons de douter et de désespérer du projet de la modernité» (Habermas 1981, 954). Il considère que les entreprises de dépassement menées par certains courùnts de la modernité culturelle (on norrune encore une fois l ' c1vdnt -garde) ont évolué de leurs champs différenciés pour devenir Id prérogative de lettrés et de littérateurs coupés du grand public el de la réalité quotidienne perdant ainsi leur "effet libérateur". Pour Habermas, il importe de reconnaître dans l'évolution faussée de l'avant-garde vers le néo-conservatisme, une origine due à «la déception engendrée par l'échec des faux dépassements de l'art et ch::. J cl philosophie ainsi que des apories auj ourd 'hui manifestes de Jd modernité culturelle.» (Habermas 1981, 966). Bien que Habermas, (-:11 ciénonçant ces "programmes de dépassement philosophique", situe
8(:: .... S enieux du côté d'un "anti-modernisme" (lire "postmodernisme"?)
18 définition de l'avant-garde au champ littéraire en tant- que tel. 11
est cependant aisé de trouver dans la sphère des ét udes d' (ll1al y~:;e
discursive des comptes rendus du phénomène de 11 dév iation de~~
avant-gardes e_n.histoire littéraire; à témoin 1 a monument al P. ét ude
de Marc Angenot 1889: Un état du discours social o~, plus
précisément dans le trente-cinquième chapi t re, i l est- d H :
Les doctrines et les pratiques du
"symbolisme", ou plutôt les démarches et 1 F~l, aU i t udeo
diverses d'un Mallarmé, d'un René Ghi l, 1 ••• ) reviennent
à établir une étanchéité parfaite du Lj vre, couf'é du f Illx
intertextuel de la doxa journalistique;
o
1so1erradicalement le texte littéraire; à luj 111teHli l e, plll
une rhétorique de l'auto-représentation, toute
perméabilité aux idéologèmes des publ icistes; () t-édul le l ' ef.f~.t poétique à son aséité, à une autosu[[ i :Jclnc:e
thématique, à une autarcie stylistjque dont les t0q((':'!:J
artificielles seront la contrepart i.e riqoufot!:)(':! nu
brassage vulgaire de thèmes et d'images dll dJ seOIIn-, de
presse. (Angenot 1989, 785)
On pourrait donc schémat iser la démarche de Hanerml):J de J cl
façon suivante:
1. le modernisme est le projet émancipatoir e conçu .-) 1 a :311 i t (-J
de la pensée philosophique de l'époque des Lumières;
2. ce projet a comme but fondamental une dérnocratü3.;J! ion d(~
~. 1 f:: pro] et moderniste reste inachevé parce qu'il Y a eu dans
J a ;,U':J 0L8 moderniste une implication ou un égarement vers la
:3péc 1 ctll sat ion, soi t l ' ins t i tutionnétlisation anti -démocratique des
chdmD~ du SDvoit: la technocratie culturelle; •
4. dans le cadre de cette modernité culturelle
euro-am(;r j ca lne, l'ù.qent primaire de cet égarement a été l'avant-garde
qlli, tout en se définissant dans la sémantique de son discours
cont re l ' j nst i t utionnalisation des pratiques littéraires et
d rL i !3t i gues, est en fui t devenu complice de la technocratie
cul t urelle et exclut a priori un débat rationnel et
d~moclutiquement ouvert (c'est-à-dire une corrununication
émancipatoire) visant à établir un consensus sur la valeur
1] tt ércure:
On comprend mieux dès lors ce qu'Habermas reproche aux .avant-gardes historiques, dans leur rapport au projet de la modernité: au nom de la critique
postulée contre l'institutionnalisation des
pratiques littéraires et artistiques, elles ont
approfondi le fossé entre la spécialisation
esthétique (tant au ni veau de la production qu'à celui de la réception) et l'expérience du profane
dnns son histoire individuelle et collective.
(Milot 1988, 71)
'). dalls la mesure où le postmodernisme se constitue comme
l'~8somption à outrance de la logique avant-gardiste du refus pour
•
(
20 le refus, de la di f férence, ou «le simple fa i t de pt'OPC\t"h-"!t ",'lut n_'
chose", qui diffère aussi radicalement que possible de ce que l'on
faisait avant» (Bouveresse in Milot 1988, 75), il S0 COnddll1IH) ~)
répéter indéfiniment un faux dépassement, un' ételnel retoul .Hl
statu quo de l'exploitation de l'être humain peU' l'êtl'e htll1klin que
le projet moderniste s'étai t au contraire char9é de comb,ll t r e.
Dans la réflexion qu'il oppose à Habermas, Lyotdtd rec:oltl1.:1it
que le concept de model-nité a ses racines dans la ph il OGopl1i C'
émancipatoire de l'époque des Lumières. Cependant pour Lyotard là
modernité n'est pas un "projet" mais plutôt un "réeLt", et le
principe de la communication rationnelle posé par Habermas n' (:;!Rt que le métarécit par lequel le récit moderniste se léqjtimùit:
La règle du consensus entre le destinat etll et le
destinataire d'un énoncé à valeur de vét-jté Betel tenue"pour acceptable si elle s'inscrit clans lù perspecti ve d'une unanimi té possible des espt i. t.i
raisonnables: c'était le récit des Lumières o~ le
héros du savoir travaille à une bonne fin éthico-politique, la paix universelle. (Lyotard 1979, 7)
Or, devant ce qu'il considère la légi t imat ion du savol r pa t un métarécit, Lyotard ne peut que rester "incrédule". C'est iJJOtr-3 qu'il tente d'ouvrir la possibili té de déployer Ilne estllét i_(jtH,;! (k:
la philosophie contre la philosophie esthét ique de lliJber rn<J~), 1 (=: débat se transformant quelque peu pour s'intéresser: à 1 a nol j on dl"
(
{
[Jll J 1 ();,,'JrA"J l (~11r:!. JI nous faut cependant noter que le problème
f t;(j,j,JUI(:nLa J QUf2! Lyotard décèle dans le grand récit émancipatoire
(~;,t unr-: contradiction entre son contenu sémantique et ses
ptO(;r'!dlJl8:, dLsc·urslv8s. Il s'agit du même procédé critique que
Ildhr:rma;j IJlllj:38 pour traiter de l'avant-garde qui est ici retourné
Cfm t t f-- lfahr-'T mOf" lui -même. Le réel t moderniste se di t émancipatoire
fIId J;; fAl i sepl ' .L 1 dOl t présupposer un Idéal universel sur lequel
iondr=:r. la communication rationnelle, il est nécessairement
1 (JI dl n,ant cL donc «viol ente l ' hétérogénéi té des j eux de langage»
(Lyr)t-.:ud 1979, 8). Enfin, totalisant équivaut pour Lyotard à
totalItaire, et il soutient qu'il faut échapper à la logique
jrnplicit81l1ent totalitaire du métarécit émancipatoire. Pour cela
Lyorëlld fnopo:3e la logique avant-gardiste comme refus
plourdrn~tique de tout consensus contraignanc:
l.yotar-'d se refuse à tout code de communication, à toute
t echerche de consensus susceptible de «fournir de ] a
Léalité», à toute tentative de réconciliation entre les
jeux de langage de l'avant-garde et les illusions d'unité
totalisante et d'«expérience communicable» d'un certain
pn1j et de la moderni té. Lyotard insiste sur les rapports
(?ntre ce type d'illusion transcendante (qu'il assigne à
Hegel) et la «terreur» qui, aux XIXe et XXe siècles, en est résultée, dont le nazisme et le stalinisme. (Milot
1'~88, 72)
) ,
discours émancipatoi 1'e délégi t imé, Lyot ard en \' ien t ..-1 di t"E' qUè (dl~ ""'" postmodernisme n'est pas le modell1isme à Sd fin, 111,11S " l'l't-,ll
naissant, et cet état est constant [ ...
1.
Une ('t"UV 1 P IH:' Pt'llt"
devenir moderne que si elle est d'abord pORt-modellw.» (I,YI)L1ld
1986, 30)
L' implication principale d'un tel disCOll! S l''St CJtIt", L; 1 1,1
perspecti ve postmoderne es t auss i fréquemment jouée, 011 CI t 1 ive ,', 1111
avant-gardisme pour l'avant -gardisme qui en a f fi nndllt J'.'l pl' i 0 1 l dl' la différence et de l'hétérogénéité, légitimise tout- el 1 H'll pt
finit par se dévaloriser lui-même ou point qu'on peut pCirlel dp :ld
mise hors jeu ou bien de "fin de l'époque des avant-eJ.Jtdes"'. (·'e:.;l
sur ce dernier volet, que semble s'être clt'têté le dèb,1t
phi losophique et c' es t certainement dans la reconve rs ion nô:, i Ilvn L t (~
du récit émancipatoire et du récit du sublime en Ulle e::;l-hôt j tllW
banale d'étertlél bricolage/recyclage qu'on reconnaît- let valcJllJ
culturelle euro-américaine dominant le champ philo!jopltJ (JIll} dfJT r'::;
Habermas et Lyotard.
Valeur littéraire: conjonctures et modes
Il serait utile de remarquer qu'à cause de ::;011 :;1 al IiI insti tutionnel, le débat phi losophique qui vienL d' ët lf-? (~V()qlj(~ (~:::it
générateur de débats corollaires qui reproduisent (; diff8t(:nl:;
niveaux l'intervention valorisante de l'efficace insLituliunn0J le, du moins en apparence:
(
'.1fJ[.J.:J r Çt l ssç-.:nt fonct ionnellement comme de vastes modes
rJ' (JI (jan 1 sa t lon qui assurent la conservation des individus
rl'une collectl'/lté donnée, les intègrent au système de rJI oduct ion, répondent à leurs "besoins" . Chaque lfl::,tj tulion couvre un secteur spécifique d'activités et
d(~ pl<..ttll{ueS, secteur qu'elle organise sur un mode
p,a t J cul ier. (Dubois 1978, 32-33)
r.' J lit (~I '/<':!nt Ion phi losophlque féministe ne peut donc manquer d'être
iltf()lllll"P~ rhl! J(:;:3 termes de ce débat, et qui plus est, elle en
J I_~t i (:IICI1 d J e:3 pl ior i tés et les valorisations puisqu'elle les
1 ('[JI Ur/II i t !~!Ir un champ spéci f ique". De même que le débat entre
lI<lbl~Il!l(1:3 f::t Lyotard a été en grande partie l'effet d'une
contre-[J(}!_;it ion prise par ce dernier vis-à-vis du projet émancipatoire, (' ',-~:;t cHl nj veau de la réaction et de la contestation polémique que
l'UII Vetla se former une position de féminfsme d'avant-garde,
<!f"rJ,lfl(,'dllt les traditions d'humanisme libéral de l'institution
i Il t !-' 1 1 f~C t ueJ le ma:3cul ine et aussi de la pensée féministe qui y a
'l'he heqemony of liberal-humanist literary discourse in BI i t di n long made gender marginal or a non-issue.
Liberalisffi, concerned as it is with unique individuals, is opposed to discourses and political movements which C\1t e<]Oll::e people and pri vilege social neterminations Sllch as gender, race and class over individuality. The
'.
24 writers and cri tics from the birth of liberalism onwclrds.
Much early feminist political struqgJe focused on
extending to women the basic rights dnd apparent full subjecti vit y already possessed by men. (Weedon 1987, l4")) Le doute lyotardien sur le méta-récit libéral trouve donc un écho
dans cet énoncé assez représentatif de 1.:1 pensée féminlst e
poststructuraliste. Mais peut-on étendre à la pluralité des
discours féministes, sans distinction idéologique OH même
géo-culturelle, la position radicale qu'assume ChrIs Weedon clans son trait anti-humaniste? Weedon elle-même reconnaît une préoccupdLion
commune au champ féministe qui provient d'une conscience
contestataire:
The discursive field of feminist criticisrn is united in its shared political aim of understandinq and contesting patriarchal relations. What i t meé:lnS ~o understand éllld to contest patriarchy varies from one Eerninist dj scour.:;p to
another ... The political and theoretical differ~nccs
between liberal, radical and socialist ferni nisms ... hdve shaped specifie areas of femü'ist analysis, iHnonq thern
cultural and literary criticism. (Weedon 19H8, 146)
La possibilité d'une heuristique universelle et transhistorjqu~ du
discours féministe peut apparaître en contre-jour de tels propos et constitue certainement une perspective intéressante pour l'ét"uC](:!
des phénomènes culturels non-euroaméricains tels la poési0
(
{
fjUf': C' I::::St en fonction de la conscience bourgeoise de la liberté que
cadre une conj ecture socio-économique qu'a lieu le procès
d'autonomisation oG naît la contestation féministe. C'est à partir
du moment oG les normes hégémoniques sont définies par une
siludLion d'autonomie, gui n'est pas obligatoirement circonscrite par le temps ou le lieu, que s'articule la position antagoniste du cljr3coUTs féministe. Les propos suivants de Theodor Adorno, bien que
polémi ques, sont susceptibles de nous éclairer sur le
[onctionnement de l'antagonisme récurrent, choisi dans ce cas-ci clan:3 le champ de l'esthétique, et même sur sa valorisation:
L'art n'est social ni à cause du mode de sa production dans laquelle se concentre la dialectique des forces
productives et des rapports de production, ni par
l'origine sociale de son contenu thématique. Il le
devient beaucoup plus par la positio~ antagoniste qu'il
adopte vis-à-vis de la société, et il n'occupe cette position qu'en tant qu'art autonome. En se cristallisant comme chose spécifique en soi au lieu de s'opposer aux nOlmes sociales existantes et de se qualifier comme
"socialement utile", il critique la société par le simple fùit qu'il existe, ce que désapprouvent les puritains de toute obédience. (Adorno 1974, 299)
8n reliant l'antagonisme artistique à une réaction au
phénomène de l'embourgeoisement, ainsi que par leur prise de
26 évoqué, les propos d'Adorno nous amènent à conclure que la valeur appliquée aux positionnements dans le champ art i st ique, et donc littéraire ou littéraire féminin, est déterminée par la logi.que des positionnements plus ou moins synchroniques dans l ' insti tut ion philosophique. Soulignons cependant que cette logique n'est repérable qu'a posteriori car le fonctionnement de ce qu'on peut recommencer à qualifier d'avant-garde est indissocjable de l'acte de refus dont la forme et la direction éventuelles dépendent d'une grille topique et seront hautement liés aux «dispositions de l'habitus et l'adhésion à la valeur littéraire» (Milot 1989, ]19) à l'oeuvre chez les agents de l'institution littéraire.
L'illustration de la grille topique propre à l'écriture poétique contemporaine des ferrunes chinoises devra donc être informée par la conjecture historique qui produit l'effet de mode ou d'habitus' à
';'
l'oeuvre dans les revalorisations d'une avant-garde llt:téraire chinoise.
Des marges vers le centre: la prise de posit ion moderniste en Chine.
C'est au début des années trente que s'est formée en Chine la Ligue des écrivains de gauche (Zuoyi zuojia lianmengl qU] a
rassemblé, sous la direction de membres du Part i cornrnurd ~3te
chinois, la plupart des jeunes écrivains progressistes de Shanqhaj . L'un de leurs dirigeants Qu Qiubai écrivait en 1932:
The tasks of the people's literary revolution are the following: to do away with May Fourth style semi-classical language and to do away with the dead
>
vernacular language of traditional fiction. This is the only correct path. Revolutionary popular literature and art should make use of the vernacular language spoken by Chinese today (the simplest, most genuine vernacular language), it should create reading material for the vast masses, reach out to aIl the districts where the poor Jive, constantly criticize aIl reactionary popular li terature and art, fiercely advance the struggle in opposition to reactionary rnerchant-gentry consciousness, develop worker-peasant-soldier correspondence movernents and foster working-class writers. (Qu in Berninghauser 1976, 46)
Le mouvement du Quatre mai auquel Qu fait référence a été, à la suite des manifestations politiques des étudiants de l'Université Yenching de pékin le 4 mai 1919 devant la Porte de la Paix céleste, l'ùmorce du modernisme dans les champs philosophiques, politiques et littéraires chinois. Au moment où Qu écrit, i l est évident que le projet du Quatre mai ne satisfait plus, qu'on l'identifie à une conscience aristo-mercantile et qu'on propose un modèle pll.."lgressiste d'ordre ndical pour valoriser l'activité d'un groupe d' écri vains. Un groupe. qui n'a rien d'intrinsèquement différent avec la génération du Quatre mai qui expérimenta avec les
J8
techniques d'écriture romantiques, individudl istes,
impressionnistes rapportées de lectures et de contacts récll isés
lors de voya g.e s, d'études en Europe et aux Etats-Unis .. lors des quelques vingt années précédentes et dans lequel le jeune Guo Moruo a côtoyé des poètes de la très impressionniste ecole de la Nouvelle lune tels que Dai Wangshu, Li Jinfa, Xu Zhimo etc ... Je voudrais
cependant me tenir à l'illustration de ces premières ex~ériences
poétiques modernistes par la présentation d' oeuvres de femml')S créatives et critiques, pour l'instant je ne ferai que brièvement
reproduire le trajet d'un écrivain qUl me semble cadrer
parfaitement avec le programme avant-gardiste que proposait Qu
Qiubai.
L'oeuvre de Guo Moruoe , à partir du moment où le jeune poète
de la généra~ign universitaire du Quatre mai participe èI un
regroupement littéraire définissable, se const itue, dans J a
formulation adornienne évoquée plus haut, comme produ i t ri' une structure socio-économique et d'une conscience bourgeoj se de ] i)
liberté. Bien qU'on doive faire une distinction assez claire entre l'usage polémiste et référentiel du terme de b01lrgeoisie chez Adorno ou tout autre penseur marxiste euro-américain, et la classe sociale et intellectuelle qui s'est constituée dans l'aprÈ::3-Quatre mai dans les centres urbains uni versi taires de Chine où évoluai t le jeune Guo Moruo, il est indéniable que l'ordre social en Chine au début des années vingt a été suffisamment transformé, et selon des calques très clairement euro-américains, pour que la clas:::le de
Lettr~s nDntis de laquelle Guo Moruo est issu ne soit plus reconnue identique à ses antécédents historiques: le début des années vingt ma l'Clue la première maturité de la bourgeoisie chinoise. L ' activité autonome de Guo Moruo se constituera dès lors dans des prises de pos it i on et: des stratégies inconnues ou inhabituelles dans la
t rael i U on chinoise mais facilement repérables dans les traj ets
antagonistes de la modernité euro-américaine. Sa défense passionnée
du romantisme esthétique dans la clique littéraire shanghaienne di te Société de création (Chuangzao she) marque d'autant plus clairement l'amorce d'une autonornisation que les activités de cette !30ciété servaient principalement à assurer sa position parmi d'autres groupes littéraires en lice pour obtenir l'attention d'un public toujours grandissant de jeunes chinois éduqués. La valorisation ~e$. développements du Quatre mai par la Chuangzao she ., comme on le voit dans ce texte (1928) de Cheng Fangwu, un proche colJaborateur de Guo Moruo dans la Société, s'exprime non seulement en termes antagonistes, voire vitupérateurs, mais dans un vocabulaire qui révèle clairement ses identifications idéologiques avec un marxisme politique chinois naissant (fondation à Shanghai cm 1921 du PCC):
This ki.nd of campaign for enlightened, democratic thinking necessarily demanded a new medium of expression
(the Vernacular Literature Movement.)
However, the leisure class intelligentsia of the time ~?cked bath a thorough knowledge of the age as weIl
.,.
1
";
30
as a thorough understanding of its thought. Moreover, the majority were literary pf-~ople, so their achievements VJere limited to superficial enlightenment,. and their greatest efforts were primarily in the area of the new literature. Consequently, the New Cul ture movement more or less became identical with the New Literature Movement clnd it was overshadowed by the literary movement almost to the point of disappearing without a tl"ace. In fact, in terms of visible achievement, only a few slight and indistinct rays of light of the literaturE.' remain. (Cheng in Berninghauser 1976, 34)
On note les jugements portés, d'abord sur le movement du baihua yundong (llmouvement du vernaculaire littéraire") qui ct prôné
dans la foulée, du. Quatre mai l 'usage du vernacul,aire archalsant des romans classiques et de l'opéra de pékin comme langue littérclire, puis sur le Mouvement de la culture nouvelle (xinwenhua yundonq), l'organisation menée par le réformateur littéraj re Hu Shi qui coalisait les énergies artistiques libérées lors du Quatre mai. Le développement de ces deux mouvements a été synchronique avec l'avènement à l'institution politique du nationalisme républicain. Dans la mesure où le modèle américain de démocratie libérale qui informait l'autocratie effective du gouvernement républicain chinois peut accepter un code of f iciel d'express ion lit tÉ.!r aire 1
c'est dans les mouvements auxquels s'attaque Cheng Fanqwu qu'on l(~ retrouve. La "cristallisation ll dont parle Adorno d'une staH~
(
(
j décI lr)qique autonomp. s'opposant aux normes sociales, politiques et
I;:r;onornlques existantes apparaît quant à elle, dans les propos
~uivant3 de Guo'Moruo tenus en 1926:
'l'hus the demands of our nation or people in the final analysis are completely one with the demands of the proletariat under the capitalistic state system. We demand liberation from economic oppression, we demand the right to live as human beings, we demand equal distribution, and therefore, dnd therefore we must unequivocùlly dispose of individalism and liberalism and we must also adopt an attitude of alI-out resistance counter-revolutionary Romantic literature.
Yonth! Youth! These are the circumstances we live in, ·these are the times we live in, ~and if you are not writers -well enough- but if you are determined to become wrlters, then you must hurry to pull taut your nerves and grasp the spirit of the times. (Guo in Berninghauser 1976, 34)
En 1951, Guo Moruo était norruné au poste de Ministre de la Culture cie 1.:1 RPC, poste qu'il occupa jusqu'à sa mort en 1978. Il Y aurait
c(~rtes beaucoup à tirer des opérations symétriques entre les champs
Ij ttéraires et politiques dans l'oeuvre de Guo Moruo aprèB
J 'c.lvènement au pouvoir du PCC et l'institutionnalisation d'une pratique littéraire
pél'lodes de \(a.t:iance
autrefois avant-garde, surtout dans les et d'instabilité polit~que (Cent fleurs,
32 Révolution culturelle, etc.). Mais, en se résumant <l\lX q\lelques étapes qu'on vient de rapporter de son trajet, deux conclusions s'imposent què l'on tirera aussi (non pas par ef fet de simple cOJ.ncidence mais bien parce qu'à l'aide d' un.e pensée fE:.~mi n iL~t e 011
perçoit aussi, dans l'écriture f\..n1inine, l' ef fE:.""'t
"cristallisation" d'un antagonisme entre champs) de la lecture de la poésie féminine, moderniste ainsi que contemporaine.
En premier lieu, on remarque le fonctionnement symétrique
entre les champs: politiques, littéraires et philosophiques. Ld
tirade de Guo Moruo précède d'environ vingt ans les Causede:3 de Yan'an sur l'art et la littérature de Mao Tsé-toung; i l appardJt que celles-ci n'ont pas émergé du seul génie de Mao mais ont été
copieusement informées par les transformat.' ons sur les champs
littéraires et' pnilosophiques dans le creuset shanghaïen des années vingt. C'est au niveau de la conjecture historique et socialp. que se retrouve la valorisation de la position de l ' avant-gard,~. JI faut se garder de considérer comme normatifs -j' ident Hie ici 1e:3
~auseries telles qu'on a pu les lire au temps du maoïsme de mode
euro-américain- les textes qui sont en fait les lignes de partage des eaux entre deux dynamiques historiques et eux-mêmes produits, au même titre que le produit littéraire, de celles-ci. La poésie, et à plus forte raison la poésie des femmes qui s'écrit au premler plan de débats socio-politiques anti-patriarchaux plus ou mOJn:3
manifestes, devra être jugée non au niveau de ces text(~s
,
; ~ ~{
~l'
{
33 qUl les produit. Rappelons-nous des propos de Toril Moi cités enintroduction qui insistaient sur la nature politique de tout
di:3cours critique et le besoin pour lecteur et critique du texte
f émi n j n de prendre en compte un ensemble de facteurs historiques et
SOC:lOI1X.
C'e:ot. en considérant 1 d'aut.re part, tout ce qui dans la
vélJorbat.ion des agissement.s de Guo Moruo en tant qu'agent dans J'institut.ion littéraire ne se rat.tache pas aux prises de position int.entionnelles (mani festes, tract.s, évolutions de carrière, poèmes pl.lmphlétaires . . . ), mais qui se retrouve avant t.out dans un quot.idien matériel de subsistance et de survivance, qu'on voit.
int.ervenir la notion d'habit.us dans le procès
d'institutionnalisation. pierre Bourdieu nous rappelle que
The habitus entertains with the socIal world which has produced i t a real ontological compl icity, the source of c:ogni tion without consciousness, intentionality without
intention, and a practical mastery of the world's
regularities which allows one to anticipate the future without even needing to posit it as such. (Bourdieu 1990,
11-12)
Les agissements de l'avant-garde sont hautement liés aux
dispositions de l' habitus; Guo Moruo règle ses déplacements de
l'avdnt-garde à l'institution par une scénographie qui est presque
inconsciente dans la mesure où «consciousness and reflexivity are both cause and 'symptom of the failure of immediate adaptation to
34 the situation which defines the virtuoso.» (Bourdieu 1~90, 11) Dal1s
le cas spécifique de l'écriture féminine poétique, moderne f'l
contemporaine, l'intervention de la not ion ct' habi t us permet de formuler un début de réponse aux valorisations péjorat ives qui sont
ordinairement conférés à la littérature féminine et que l 'l)!1
retrouvera régulièrement dans les exemples de crit iC]ue C]U i
'1'1 d j f.:t::> férnin ins précoces: ébauches d' une revalorisation
Le trajet de Bing Xin est sans doute l'un des plus similaires, au rd veau topiqU,e, à celui de Guo Moruo mais sa, condition de femme f éJ j t 1 nter'venir une catégorie entièrement différente de
v~Jürisations à la lecture de sa poésie. Son envergure particulière
cornrn(~ agent dans l ' institution littéraire est déterminée par une
actjvité à la mesure de sa propre longévité. Le poème Dédicace ('l'ici), traduit en appendice, a été publié dans l'importante revue poédque Shikan (1987, nQ6), Il est, comme l'indique son titre, une
d~dicace, écrite à l'occasion de l'ouverture d'une sonothèque des
poètes chillols. Ce poème a été inclus dans l'édition pour 1987 de l'anthologie annuelle que publie Shikan. Etant donné sa portée djddctique, et plus précisément le format de la dédicace
CeJ l J j graphique" ' .. l'oeuvre se distingue déjà des oeuvres, plus
,'"
expérimentales ou directement créatives et moins conditionnées par les besoins d'une insti tution poétique, d'autres poètes dans la même anthologie. La distinction s'accentue par le fait que toute composition récente de Bing Xin est une chose infréquente, vu son 9 1 ùnd âge. Il peut même sembler étonnant qu'un personnage en association si directe avec le mouvement du Quatre mai ait non seulement sa place dans une revue annuelle contemporaine mais aussi (lems certaines anthologies contemporaines hl. On s'imagine une
Sl1t pt ise analogue en envisageant la réception de la production
poétique d'un Saint-Denys Garneau ou même d'une Emily Dickinson
'f 3b
toujours en vie.
Par ailleurs, le poème cesse d' êt re sul'pl'en .... lnt 1 et rèpond
pleinement aux attentes de son public dans la meSUt-e où 1.'1 forme
qu'adopte Dédi.cace ne rompt pas avec
tes
h,'Ib i t udeG dutercet/quatrain libre que Bing Xin a pl ises dès ses premiers
recueils, à témoin ces vers du recuei l Chullshld «(l~d llX
printanières») écrits en 1922, traduits pdr Kai-yu Hl:HI:
(24) Ah, jewel-like little isles,
How can you show your rugged strength When countless of your summits
Are submerged in water? ...
(33) Blossoms in the corner of the wall! As you appreciate your solitary beauty, The universe becomes rather small.
(43) ~pring has no words But her quiet latent power Has already
Made the world tender for me. (Bing Xin ln Hsu 1970, 7.2-23 )
On peut commencer à se représenter la différence fonddrrw!nt..=tle Il
leur réception, dans la tourmente de l'après-Quatre rnc:d., cil~ C(~:j
poèmes qui ont dû produire sur le consomma teur moyen de x Ln:3hi ("nouvelle poésie"), un effet sensiblement différent des appels aux armes de Guo Moruo. La remarque de Kai-yu Hsu sur l'influence de la poésie de Bing xin sur une jeunesse chinoise li'llée pour la
{
.
[Jt (jrni ~r~ toi s à elle-même hors du modèle confucéen de la famille
f-~;;t r(~I/f:.latrice: «f'inq Hsin's words gave thern comfort and reassured
t-.h(~m of the warmth in man's life that is lasting» (Hsu 1970,20).
c(·~:) quelq1lf::s mots, bien innocemment sans doute, ,se rattachent à une
'Id J od ::>a t ion de l'exercice poétique féminin qui est centrale à la
PI ub 1 (~rna tique de ce mémoi t'e.
Entre la sollicitude du conseil dispensé à la jeune génération
dtlns Dédicace, et les apostrophes intimistes des images de
Chlln:;}1Uj, on peut identifier d'un côté une pratique discursive, un
mode:. ri' explession poétique qui ne se dissocie pas de certaines des
Ccl ll~CJor ies es thétiques (surtout au niveau des représentations
lmpn::ssionnistes, privj légiant l'image et la nuance) manifestement
i n:..;cri t (-?s dans le code de l'avant-garde et l'effet de
dévpJ oppements dans les champs politico-historiques. Mais i l est :3ans dout e ut i.l~, pour nous d'envi sager qu'à cette pratique permise
pel r l'élément conj ectural de la grille topique suggérée plus haut
t ?~pond aussi un effet d'habitus dans la production de la poésie par
l e:3 femmes qui introduit dans la critique de cette production, et hiell entendu dans la réflexion menée par les auteures elle-mêmes
LWl" leUl .. s oeuvres, la valorisatlon d'une féminité d'écriture. Cette
fénü Ilit é doit bien entendu être dissociée de ce que la théorie littéraire féministe peut invoquer, soit dans le cadre d'un débat c1vec l'ordre patriarcal, soit en constitution autonome, comme étant le Texte féminin, les "feuilles de la Sybillell de Gilbert et Gubar,
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,
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1
38 (A) n attempt at reconstructing the Sybil' s leaves, If2cwes
which haunt us wi th the possibi li ty thc1t if we C,-111 p i (~Ct:"" together theü' fragments the parts Wl 11 fo1'111 a who 1 e l'hd t '
telJ:s ~'the stOl'y of the career of a single wom':l1l cll'l i st , a "mother of us all" as Gertrude Stein wou 1 ct put i t, ,1
woman whom patriarchal poetics dismembered rll1d wholl1 we have tried to remernber (Gilbert & Gubar 1979, 101)
La spécificité féminine qui est invoquée dans 1~ pr~tiqu0
littéraire des femmes tout élU long de l'h-Îstoire littéraire
chinoisel l sous différentes formes est, par contraste, un lc1ppel
au Texte masculin, défini par son contraire. EJ le s'impose à la pratique littéraire de la femme, devient la condi t j on de non accès
au champ littéraire et, comme on le verra pl us loin, ne ::.;' ef: F-ùce
que dans des conditions susceptibles de modifier l'habitus à plus grande échelle .~Ce rappel au contraire n'est pulle part plus en évidence qu'au niveau de la réception critique, non seulf3mont c(:'!L J f:.'
qui provient des sphères institutionnalisées sur les rnùnJe~j
desquelles se trouve l'écriture féminine, mais aussi des élérnnnt:-.;
de l'avant-garde qui sanctionnent l'existence du r1Ow:;-qroup8
féminin en leur milieu, ainsi que de voix plus distantes, celles de la critique universitaire non-chinoise. Je m' intéresserai ~j()W; peu à la façon dont les premiers groupements <Jvan t -qard i i3 tc::!:'; (J ,)
Nouvelle lune, les Neuf feuilles, etc ... ) ont conditiunnG
l'activité poétique de femmes en leur milieu, il me 8emb] e ut il E'
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jnslance d'une lecture valorisante de la sensibilité fémininefaussée par le patriarcat.
Rey Chow souligne avec perspicacité que ces valorisations ne proviennent pa~'~xclusivement des branches institutionnelles de la critique littéraire chinoise habituées à manifester peu d'intérêt pour la production littéraire féminine, mais aussi de critiques venant de milieux plus progressistes (auro-américains, entre autres) où l'écriture des femmes est l'objet d'une attention plus soutenue. Elle retrouve particulièrement dans les études menées dùns le cadre d'une lecture "objectivell sur le texte romanesque de
l3ing xin par Yi-tsi Feuerwerker, une série de valorisations qui sont les conclusions "rationnelles" d'un discours esthétique patriarcal qui ne tolère aucunement le sentimentalisme ou mieux le "narcissisme émotionnel", et qui par cette intolérance cantonne la production lit·té-raire d'auteures comme Bing Xin:. au niveau du demi-succès:
Too much of their Experience, overwhelming and inextricable from the historic upheavals around them entered their writing in a half-processed state. They lacked the balance, the mature detachment, the finality, that make for great works of literature. (Feuerwerker in Wolf & Witke 1975, 31)
Rey Chow identifie dans la position de Feuerwerker les exigences
plu losophiques d'un patriarcat qui lmpose une esthétique
40 rapporter à toute "obj ecti vi té" :
If a consideration of women writel s cannat be di vorced from their relat ion to patriarchy, which funct ions precisely by reducing women to the "private", the "emotional", the "imbalanced" and sa forth, why should these condi t ions not be the ones to which women wr i Lers
obsessively return? And if they do, why should this be used to devalue their accomplishments in what amounts to a teleological method of j udging, which presupposes in an a priori manner what is "great" literature? The task involved in reading the women writers of this period in China, it seems to me 1 lS not one of explaining
"sociologically" how they fail by the standards of "great" literature by the limits -personal and thereEore soci:ar- that are accentuated in the"ir w:r:itings. (Chow 1991, 158-159)
C'est dans la réflexion menée par les poètes elles-mêmes sur leurs oeuvres et la pratique poétique en général qu'on voit l'effet du "retour obsessif" , que j'identifie à l'habitus, aux condjtiorw de la créativité féminine. L'une des principales carùctéristiques de cet effet est un reniement plus ou moins manifeste, de la part de la femme de lettres, de son entière participation à un mouvernp.nt littéraire ou tout du moins l'expression de la part de ccll8-cj de réserves profondes quant à la valeur de sa posiUon littérajré. Kai -yu Hsu relève certaines réactions de Bing Xin face à ses dM)ut s