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Ravaisson et le problème de la métaphysique

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Academic year: 2021

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THÈSE

En vue de l’obtention du

DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE

Délivré par l'Université Toulouse 2 - Jean Jaurès

Présentée et soutenue par

Guillaume LURSON

Le 12 septembre 2019

Ravaisson et le problème de la métaphysique

Ecole doctorale : ALLPHA - Art, Lettres, Langues, Philosophie, Communication

Spécialité : Philosophie

Unité de recherche :

ERRAPHIS - Équipe de Recherches sur les Rationalités Philosophiques et les

Savoirs

Thèse dirigée par

Pierre MONTEBELLO et Paul Antoine MIQUEL

Jury

Mme Anne Devarieux, Rapporteure M. Arnaud François, Rapporteur Mme Alexandra Roux, Examinatrice M. Pierre Montebello, Directeur de thèse M. Paul Antoine Miquel, Co-directeur de thèse

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1

Université de Toulouse Jean Jaurès

Ecole doctorale de philosophie

Thèse

Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE

L’UNIVERSITÉ TOULOUSE

JEAN JAURÈS en PHILOSOPHIE

Présentée et soutenue publiquement par

Guillaume Lurson

Ravaisson et le problème de la métaphysique

Sous la direction de Messieurs les Professeurs PIERRE MONTEBELLO et

PAUL-ANTOINE MIQUEL

Devant un jury composé de :

Mme Anne DE VARIEUX, Maître de

o f e es à l u i e sit de Cae

Basse-Normandie

M. A aud F‘ANÇOI“, Maît e de o f e es à l u i e sit de Poitie s

M. Paul-

A toi e MIQUEL, P ofesseu à l U i e sit Toulouse Jea Jau s

M. Pie e MONTEBELLO, P ofesseu à l U i e sit Toulouse Jea Jaurès

M e Ale a d a ‘OUX, Maît e de o f e es à l u i e sit de Poitie s

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2

Remerciements

Je remercie vivement Pierre Montebello pour ses encouragements, sa rigueur et sa bienveillance, et e fi pou sa o fia e, ui o t t d isi es ua t à l a outissement de mon projet de recherche. Je e e ie l ole do to ale et le laboratoire ERRAPHIS pour leurs conseils et leur réactivité concernant les aspects matériels et administratifs de ma recherche.

Je remercie tous ceux et celles qui ont contribué à faire avancer ce travail par leurs relectures, leurs discussions, leur regard critique et bienveillant : Thibaut Barrier, Arnaud Baubérot, Frédéric Berland, Roger Bruyeron, Victor Gréhan, Mickaël Perre, Benjamin Sergent, Isabelle Vogtensperger.

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3 « Il est pas essai e ue elui

ui do e poss de e u il donne » Plotin « Quel ue tâ he ue j e t ep e e, si je ai pas l a ou je e suis ie » Saint Paul

« l i d fi i ous pou a te, l i fi i ous assu e »

Ravaisson

« Nul e fl hit l ha itude » Maine de Biran

« Habituons nous, en un mot, à voir toutes choses sub specie durationis »

(5)

4

Introduction

Après Descartes et le siècle des Lumières, il semblait évident de faire de la clarté le paradigme de toute pe s e de l t e1. Qu il s agisse de lutte o t e les id es o s u es ou le fa atis e, la it

était alors conçue sous la forme du savoir en son avènement lumineux. O , est da s le renversement de ce primat, sous tendu par une certaine conception analytique de l e te de e t, u il faut o p e d e la philosophie de ‘a aisso . Pou o aît e l esse e de la pe s e, nous devons, et tel sera le fil conducteur dès le De l’ha itude, débuter dans et par l’o s u it . En rien e t a e à la o aissa e de l t e, elle e est la p e i e de ses a ifestatio s. L o s u it est d a o d le fait de la pe s e elle-même, l opa it da s la uelle elle se meut originairement. Comment en penser alors le déploiement, si le telos de la pensée ne consiste pas en un savoir épiphanique ? L o s u it est-elle pas d a o d le fait d u e sista e du o de ou d u e o aissa e i e a te ? N est-elle pas la trace d u e i du ti le paisseu de l t e, ui en interdit toute tentative d app he sio ?

Mais le o de est e lui-même ni clair, ni obscur : chacune de ses déterminations est le produit d u e a ti it immense qui le précède, a ti it d o d e spi ituel. Pourquoi rendre alors p o l ati ue le appo t du sujet et de l o jet, si, de d oit, ie e s oppose à leu oï ide e ? Pour Ravaisson, l ide tit de la pe s e et de l t e est u postulat qui ne sera jamais discuté, étant la seule o ditio e ue d u e « orientation » au sei de l o s u it 2. Cette fidélité à la pensée, ainsi

que la foi en sa puissance, est e ue l o peut o e , a e ‘a aisso , le « spiritualisme ». Il ne s agit i d u e do t i e, i d u e ole, ais d u e tendance de l esp it et d u e méthode. Lorsque l a e i de la philosophie se a pe s da s u « réalisme ou positivisme spiritualiste3 », il faudra y voir

le œu d u e u io des oles philosophi ues di e ge tes. “i le positi is e d Auguste Co te est largement critiqué en tant que « nouveau matérialisme4», il faut soulig e u il a au u e fatalité

dans cette tendance, puisque cette doctrine peut se trouver « plus ou moins empreinte de

1 Sur cette question, voir Ernst Cassirer, La philosophie des Lumières, trad. P. Quillet, Paris, Fayard, 1966, chap.

I.

2 A la manière dont Kant reconnaissait la nécessité, pour la raison « de s o ie te pa so seul esoi p op e

da s la pe s e, da s l espa e i o e su a le et, pou ous, e pli d u e uit paisse, du sup ase si le. » (Que sig ifie s’o ie te da s la pe s e ?, trad. J.-F. Poirier, F. Proust, Paris, GF, 2006, p. 60).

3

La philosophie en France au XIXe siècle [1868], in De l’ha itude, La philosophie e France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1984, p. 313. Abrégé désormais R, avec le numéro de la page.

(6)

5 spiritualisme5 ». La définition du spiritualisme se trouve formulée à cette occasion, en ta t u il est

i disso ia le d u e app he sio s opti ue de l histoi e de la philosophie :

A bien des signes, il est donc permis de de prévoir comme peu éloignée une époque philosophique dont le caractère général serait la prédominance de ce u o pou ait appeler un réalisme ou positivisme spiritualiste, ayant pour p i ipe g ateu la o s ie e ue l esp it p e d de lui- e d u e e iste e do t il e o aît ue toute aut e d i e et d pe d, et ui est aut e ue so action6.

D où ie t alo s ue la pe s e ait t a eugle à ette o s u e la t ui s est pa due da s tous les courants philosophiques ? Pourquoi reste-t-elle, e out e, a eugle auta t à so pass u à so avenir ? ‘a aisso se ga de d esse tialise l histoi e de la philosophie e o a t la lutte d te elles idées : il la conçoit plutôt comme un ensemble de tendances plus ou moins vivaces. Le spiritualisme, à titre de tendance, obéit à une nécessité : celle, intérieure, de la pensée. Pourquoi devrait-il alors t io phe , s il est ue l u e des ultiples odalit s du pe se ? Il faut d a o d e tifie l i age ue l o se fait de elui- i, e ta t u elle est lou de de p suppos s7. Le spiritualisme consiste non pas à

soumettre la pensée à l e t io it et à te i celle-ci pour constituti e de ot e appo t à l t e, ais à comprendre la nécessité intérieure qui la p esse da s le se s d u e pouss e o e d u e urgence). Il s agit do de d te i e uelle odalit de la pe s e pe ett a d e saisi le principe, soit de se demander à quelles conditions la pensée peut se penser elle-même, et peut se réaliser par le fait de son activité propre. Pour détruire les fausses images de la pensée, il faut commencer par refuser toute objectivation comme toute réification de son essence.

D où ie t ue la essit i t ieu e du pe se ait t e isag e sous la fo e de l o je ti it ? Et si ette de i e est ga e e t et e ou e e t de l e ige e ui o stitue la essit ita le, à quoi la nécessité du penser a-t-elle été historiquement référée ? Il existe trois manières philosophiques de répondre à cette question : 1/ au sujet lui-même 2/ à une transcendance e t ieu e à l esp it / au monde. L ho izo de la philosophie a aisso ie e doit cependant se o p e d e da s l lu idatio d u e triple critique, symétrique aux trois possibilités envisagées ci-dessus. Ces possibilités prennent respectivement la forme de trois métaphysiques négatives, correspondant à chacune des conditions extrinsèques du penser : 1/ une métaphysique du sujet 2/

5 Ibid., p. 289. 6 R, 313. 7

Au se s où l e te d Deleuze lo s u il it que « la pensée conceptuelle philosophique a pour présupposé implicite u e I age de la pe s e, p philosophi ue et atu elle, e p u t e à l l e t pu du se s commun. » (Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 172).

(7)

6

une métaphysique de la finitude 3/ une métaphysique de la substance. Ces trois métaphysiques

peuvent être regroupées sous le terme de « métaphysiques de la séparation » e e u elles o t de o u de pose l t e comme principiellement séparé de la pensée. Par-là même, elles le tiennent pour extérieur et rendent la pensée impuissante à se saisir de ce qui constitue son propre fonds. La critique de la séparation est pas u e ou eaut de la philosophie a aisso ie e, puis u elle désignait déjà, chez Aristote, le p i ipe d u e uptu e a e la philosophie plato i ie e8.

N a oi s, la ep ise pa ‘a aisso de ette uestio do e lieu à l la o atio d u e taph si ue ui e o siste pas da s la p titio de la philosophie du stagi ite, puis u il s agi a, ie plus, de essaisi l « Aristotélisme dans sa profonde unité comme un moment nécessaire de la pensée universelle. » DMA, . Ce o e t, s il est essai e, est pas e ore celui du dévoilement de la nécessité que recherche Ravaisson. Tel est le co stat ui s i augu e d s les premiers travaux de celui-ci : Aristote nous a libérés de la transcendance platonicienne, mais il a e o duit le postulat de la s pa atio sous la fo e d u e diff e e i su o ta le e t e l a te pu et l ta t. Au-delà d A istote, la métaphysique de la séparation, en la triplicité de sa structure, doit

t e diag osti u e o e le s ptô e d u ou li de l u it p e i e de la pe s e et de l t e9.

1/ La métaphysique du sujet se constitue dès que celui-ci est posé comme substrat porteur de ses affe tio s, et ue l ho e est pe s o e ta t i a a t le sujet pa e elle e. Par ce geste, elle pose la subjectivité comme fo dat i e d u sa oi e p e i e pe so e. Cepe da t, et ontre Descartes, la clarté du cogito est pou ‘a aisso u u ode de la pe s e ui e ge au sei de l o s u it . E e se s, sa philosophie efuse l a solutisatio du oi, tout o e la possi ilit de la claire représentation de lui- e et de ses id es. L o e peut do sui e Do i i ue Ja i aud, ui écrivait sur ce point :

Méthodologiquement nécessaire, le cogito est-il ontologiquement fondateur ? ‘a aisso , selo ous, est pas loi de le pe se , uoi u il e l affi e pas formellement. Nous ous t ou o s do e p se e d u e philosophie cartésienne qui ne tire pas toutes les conséquences possibles de son

8

Voir par exemple Métaphysique, deux tomes, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 2000-2003, A, 6, 987b 5-20, ou Métaphysique M, 1076a 8- 1086a 18. Sur la question plus générale de la séparation en tant que chorismos, voir Jean François Pradeau (dir.), Platon et les formes intelligibles, Paris, PUF, 2001.

9 Ce poi t ta t a o d d u e a i e t s diff e te de Heidegge , puis u il e s agi a pas d e e d e la

(8)

7 a t sia is e, pa e ue so efus de l id alis e et so atta he e t à

l a istot lis e lo ue t les i tualit s ue ous a o s i di u es10.

Co t ai e e t à e u affi e Ja i aud, ous avons pas affaire à un cartésianisme manqué, mais bien à un cartésianisme renversé, qui fait de la clarté le mode du penser propre à la conscience, non à l esp it. Le sujet o s ie t e peut se o stitue ue da s et pa l oppositio de soi à soi, et de soi à lo jet. Il est un rapport, non une chose : « la o s ie e a pou fo e i e te l oppositio id ale de son objet (non moi) et de son sujet (moi) dans la volonté11 ». Opposition « idéale », ui a do

ie de el, et ui a so lieu da s la olo t , est-à-dire sous la fo e d u e a ti it fl hie. Mais le « moi » est pas plus saisissa le da s la ep se tatio ue da s la fle io , si o à tit e de forme vide. A ce titre, Ravaisson doit être intégré à une tradition philosophique qui dé-subjective le

oi, et ui e o aît l i possi ilit fo i e d u e o aissa e de soi12.

L a ti a t sianisme de Ravaisson est affirmé dès le travail sur la m taph si ue d A istote, lo s u il ualifie le ogito d « enthymème », e o a t le su gisse e t d u p i ipe d ide tit impersonnel. Ainsi « Il se peut ue e sujet e soit oi, ais je e puis le sa oi , je ai o te u u u moi possible et non un moi réel13 ». Il faudra accorder à Leibniz le mérite de « tirer la philosophie de

cet abîme » (DMA, 205), en reconnaissa t l a ti it p e a te d u e pensée totale14. Cet

e a i e e t du sujet da s l agi o dui a ‘a aisso à oi au sei du sujet u e fo e ui e sous-te d le d a is e. Ai si, le ogito e e s se pose o t e l id e ue le sujet est u e su sta e e

10 Dominique Janicaud, Ravaisson et la métaphysique, Paris, Vrin, 1997, p. 90. Abrégé désormais Janicaud, avec

le numéro de la page.

11

Philosophie contemporaine, à propos des F ag e ts de Philosophie pa M. Ha ilto , t aduits de l’a glais pa

M. Louis Peisse, in Revue des deux mondes, novembre 1840, tome 24, quatrième série, p. 426. Abrégé désormais PC, avec le numéro de la page.

12Co t e u e e tai e i te p tatio heidegg ie e de l histoi e de la philosophie ui fe ait de la su je tit ou

de la su je ti it l esse e du oi. L e a e de la philosophie di ale pa Oli ie Boul ois te d ai si à relativiser la portée de la généalogie u op e Heidegge Être et représentation, Paris, PUF, 1999, chap. IV surtout).

13De la taph si ue d’A istote [1833], in Belay Raymond et Marin Claire (textes réunis par), De la nature à

l’esp it, Etudes su la philosophie f a çaise du XIXe siècle, Paris, ENS Edition, 2001, p. 205. Abrégé désormais

DMA, avec le numéro de la page.

14 Par la notion de « prévenance », ous d sig o s l e e i e de la pe s e totale, soit de l esp it, ui do e

sa s assig e i o do e ha ue pe s e pa ti uli e. “i l essence ne gouverne pas le développement effectif de l e iste e si guli e, il e este pas oi s ue elle-ci obéit à une loi harmonique et universelle (Voir infra, IV, 2). A notre sens, Janicaud a manqué la modalité de cette relation essentielle entre l t e et l ta t : il a là au u e t a e d « idéalisme spéculatif » (Janicaud, 83), ou de « principe de rationalité universelle » (Ibid., p. 87). La modalité de cette relation se rapprocherait, à la rigueur, du principe de raison suffisante leibnizien, ais a e suffisa e t de se es pou ue l o e puisse les ide tifie oi infra, I, 6 ; IV, 2 ; Conclusion). La prévenance désigne la elatio d’e veloppe e t par laquelle chaque étant se trouve lié de manière immanente à la totalité, de manière à ce ue l e iste e i di iduelle este li e da s la positio des fi s u elle se do e, ie u elle se eu e g â e à l appa e e du ie . L o e a ue la p e a e se décline sous la forme de la grâce (infra, III, 2), « La nature et la grâce, le problème de la liberté »), du sacrifice (infra, III, 4) « Conclusion : le p o l e de la ati e et l o tologie sa ifi ielle », ou encore de la générosité (infra, IV, 3), « La générosité ravaissonienne ».

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8 un sens réaliste comme idéaliste : il ne peut se définir ni comme substrat, ni comme forme pure de l ape eptio . Ap s Mai e de Bi a , le ogito a aisso ie se fo de a su u je veux, donc je pense, est-à-di e su u e elatio do t l uili e tasta le est ja ais assu d fi iti e e t15

. Toutefois, Ravaisson engagera une discussion critique à propos de Biran, auquel il reproche de ne pas alle jus u à l a solu, e se li ita t au « effets » de l ha itude16. La thode de l ha itude

montrera notamment ue le sujet, a a t e d t e olo t , est désir :

Pou ue la olo t se d te i e pa l id e a st aite de so o jet, il faut do ue la présence réelle nous en ébranle déjà secrètement. Avant que le bien soit un motif, il est déjà dans l âme, comme par une grâce prévenante, un mobile, mais u o ile ui e diff e pas de l â e e. A a t d agi pa la pe s e il agit pa l t e et da s l t e, et est là jus u'au out e u il y a de tel dans la volonté.17

Si le sujet agit « pa l t e et da s l tre », est pa e u e lui se d ou e u p i ipe a t ieu , u absolu qui le rend possible dans son auto-position subjective. Ainsi, la condition transcendantale de l e ge e du moi est la totalit à pa ti de la uelle il s auto-constitue. Les conséquences de la

métaphysique du sujet ne se réduisent pas au plan spéculatif : elles concernent aussi le domaine de la

p ati ue, et de l a tio o ale. L id e selo la uelle elui-ci se définirait essentiellement par son autonomie conduit à l’ goïs e sur le plan pratique. Faire du sujet une substance séparée et autonome revient en effet à l isole du tout da s le uel il est e elopp , l hu a is e de a t alo s t e te u pou u e o a e ui e t aî e le a atte e t du se s de l t e su u ta t sp ifi ue. Le sujet de la pe s e est pas u e su sta e, ais plus e o e, ‘a aisso se le p o he de la o ti ue d A e o s e a o da t pas e l id e ue e soit l ho e ui pe se18. “ il ig o e la

positio de e p o l e e te es d i telle t at iel et d i telle t age t, il e affi e pas oi s u

Avant toute pensée particulière, on est obligé de supposer une pensée constante, sans commencement comme sans fin, qui est comme une chaîne sur laquelle se déploie la trame des pensées accidentelles.19

15Voi ota e t l Essai sur les fondements de la psychologie sur cette question.

16 Maine de Biran, « Deu i e oi e su l i flue e de l ha itude », in Œuv es o pl tes, Paris, Vrin, 1987,

Tome II, p. 131. Voir PC, 424-425.

17 PC, 425.

18 Le « sujet » baigne ainsi dans un « espace potentiel » au se s où l a al se J.-B. Brenet, dans Je fantasme,

Ave o s et l’espa e pote tiel, Lag asse, Ve die , . “u la uestio de l espa e a-topique originel dans lequel se déploie la pensée, voir infra, IV, 2.

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9 Qui pense alo s e oi, si e est oi ? Comment peut-o affi e ue la pe s e est pas o a te, et ue ha u de es a tes si gulie s de pe s e e peut s e app op ie la puissa e ? Cette elati isatio du oi, ui s op e su le pla o ti ue o e su le plan pratique, semble postulée à tit e d obligation. La pensée « constante », soit l esp it, est pas u ho izo t a s e da t à ha ue pensée particulière : elle est le fonds originaire, pure puissance du penser, qui irrigue de manière immanente tous les éta ts. L «obligation » métaphysique qui préside à cette décision repose sur une double imperfection relative à la métaphysique du sujet. La première consiste en ce que celle-ci disjoint les étants en les enfermant dans la particularité de leurs pensées individuelles – hypothèse monadique. La seconde repose sur la dévaluation des pensées individuelles par leur subordination à un principe transcendant. Ravaisson ne penche-t-il pas vers cette seconde imperfection, en admettant que les pensées « accidentelles » se trament sur la pensée constante ? Il reconnaît epe da t u il s agit là du « fond de vie qui ne nous manque jamais, et saurait jamais venir à nous manquer20. ». De cette vie spirituelle immense, nous ne saurions manquer : la plénitude est première, le ret ait toujou s se o d. D où ie t alo s ue les pe s es i di iduelles se d ta he t de e fonds commun et infini ? Pour résister à la métaphysique du sujet, il faut opérer la généalogie de la restriction du penser, en refusant de prendre comme valant de droit ce qui est un advenu de fait. Cette généalogie doit, par la même occasion, dévoiler la totalité dans laquelle nous nous trouvons et qui rend possible la pensée individuelle.

2/ La métaphysique de la finitude se o stitue d s ue l a s à l a solu ous est, de droit, refusé. Plus e o e, elle p e d pla e da s u dispositif ui d sig e u e tai ta t o e i e e d t e. La stratégie de la métaphysique de la finitude se décline doublement.

D u e pa t, en construisant une philosophie qui tient pour constitutives du appo t à l t e les li ites de la raison, elle fait de l i puissa e de elle-ci la condition de toute pensée. Celle-ci reste alors prisonnière des apo ies au uelles la philosophie ka tie e l a ait notamment menée21, et se trouve

vouée alors à son imminente destruction. Sur ce plan, la métaphysique de la finitude se confond, selon Ravaisson, avec la suppression de la métaphysique elle-même22. En rien modalité propre de l esp it, la fi itude est le fait de l e te de e t, ui est su stitu à une connaissance totale de la réalité. Ravaisson écrit ainsi « Da s le s st e de Ka t, l t e est l i age d e a te de la fo e ide

20 Testament philosophique [1901], Paris, Boivin et Cie, 1933, p. 64. Abrégé désormais T, avec le numéro de la

page.

21

Kant, Critique de la raison pure, dialectique transcendantale, trad. Alexandre J.-L. Delmarre, F. Marty, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1985.

(11)

10 u o appelle le Te ps, et est le e de l i tellige e ue de p e d e e a t pou u e hose. » (PC, . L e te de e t e l t e au lieu de s e saisi , a il cherche avant tout à poser les o ditio s t a s e da tales de l o je ti it . Ainsi, le te ps et l espa e o e fo es pu es de l i tuitio sensible sont le lieu de la vacuité : ils di ise t l u it du el en le fragmentant et en niant la continuité de la nature. Kant inaugure un « nouveau scepticisme23 ». Dans la philosophie

trans e da tale, le sujet est u « u e fo e de plus e se a t d aut es fo es24 ». En

conséquence, il réduit ce que nous pouvons savoir « à des o i aiso s d i agi atio s. La atu e, l â e, Dieu, se sol aie t e u e pu e fa tas ago ie » (RPVC, 342). La philosophie, « s atta ha t au o jets de la pe s e plus u à la pe s e elle-même » (RPVC, 342), en nie directement la puissance : l e tendement apparait alors comme la faculté qui arrête et réifie le dynamisme du penser.

Mais, plus g a e e o e, la taph si ue de la fi itude a t ou efuge da s u ta t u elle tie t pour le lieu de la lai e o aissa e et de l e iste e a he e. En cherchant à échapper à l oppositio du ph o e et de la hose e soi, elle a h postasi l a te d t e e « Dieu ». Ce point se le a oi happ à Do i i ue Ja i aud, ui i te oge pas suffisa e t l a t de la philosophie de ‘a aisso d a e elle d A istote, lo s u il it pa e e ple ue « Le monde physique vibre ainsi pour la Forme parfaite, le Premier Moteur, modèle universel. » (Janicaud, 83). La « Forme parfaite » h postasi e, est la elatio de p e a e ui se t ou e alo s i te dite, e endant i possi le la o u i atio de l t e et de l ta t. Cette structure séparative de la métaphysique o espo d à e u Heidegge a o l o to-théo-logie25. Partant de ce que le fondement de la

connaissance réside dans la limitation intrinsèque de nos facultés26, la métaphysique de la finitude h postasie la possi ilit d u e totalit o ti ue et su sta tielle e u ta t ui o e t e le se s ulti e de l t e. Cette op atio i stalle le sujet o dai da s u e diff e e i su o ta le, et le jette dans la o ti ge e d u e e iste e à ja ais i ad uate. E d faut is-à- is de l t e, il este e dette, ta dis ue l a te sup e d e iste lui happe. La pola isatio th ologi ue de la

taph si ue de la fi itude a ifeste do l he d u e s ie e de l t e e ta t u t e27

, qui a du s i de so o jet pou se o stitue . E pe da t ai si l u it de la taph si ue à tit e de

23 Rapport sur le Concours pour le prix Victor Cousin : « Le s epti is e da s l’a ti uit » [1885], in De l’ha itude,

La philosophie en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1984, p. 342. Abrégé désormais RPVC, avec le numéro de la page.

24 Ibid.

25 Heidegger, « Qu est-ce que la métaphysique ? », in Questions I et II, trad. K. Axelos, J. Beaufret, W. Biemel, L.

Braun, H. Corbin, F. Fédier, G. Granel, M. Haar, D. Janicaud, R. Munier, A. Préau, A. de Wahlens, Paris, Tel Gallimard, 1968, p. 40.

26

Heidegger, Kant et le problème de la métaphysique, trad. A. de Waelhens et W. Biemel, Paris, Tel Gallimard, 1953, p. 86-95.

(12)

11 philosophie p e i e, est l a e i d u e philosophia perennis qui se trouve interdit. Pourtant, Ravaisson est plus hésitant sur ce point, puisque la fin du De l’ha itude se le i stalle l ta t da s la s pa atio , ap s a oi o t ue l ha itude alise, pou ous, la oï ide e o s u e de l t e et de la pensée :

L ha itude est do e fe e da s la gio de la o t a i t et du mouvement. Elle reste au-dessous de l a ti it pu e, de l ape eptio si ple, u it , ide tit di i e de la pe s e et de l t e ; et elle a pou li ite et fi de i e l ide tit i pa faite de l id al et du el, de l t e et de la pe s e, da s la spo tanéité de la nature.28

D s la pu li atio de sa th se, ‘a aisso e a ue do ue l a ti it pu e, soit la forme la plus a outie de l e iste e, ous happe. L effo t philosophi ue du spi itualis e o siste a à sutu e , auta t u il le peut, la dista e ui reconduit la s pa atio . Il e este pas oi s ue la philosophie a aisso ie e au a toujou s à fai e a e la u e e d u e dualit ui e a e l u it de la métaphysique29. L e jeu est pas ta t de la te i pou i d passa le ue de t a ue les différentes a i es de p o de à la ifi atio de l t e e le sta ilisa t da s u ta t sp ifi ue. A e tit e, la do t i e ui affi e le p i at de l esse e su l e iste e est u o sta le à su o te 30

.

L o oit ai si ue la taph si ue de la fi itude se o stitue pa la su o di atio de l t e à l esse e, ue elle- i soit i o ue, ou u elle p e e la fo e d u ta t sp ifi ue. O , il faut e o aît e ue l ta t est li à u e « essence élastique qui se détend et se retend, se disperse et se concentre » T, . Il e s agit pas e effet d affi e le a a t e e tati ue de l e iste e, ou la p i e e d u li e a it e d li à l ga d de la p e a e de l esp it : chaque étant vit dans l ho izo d u e loi ui le soutie t. La dista e u il entretient vis-à- is de l esse e est de l o d e de l ho ostasie, et e e se s, ha ue a i e d t e e p i e l t e de a i e aie et si guli e. “u o do e l t e à l esse e, hosifie l e iste e, so t des op atio s eïdolât i ues ui so t le prop e de l e te de e t. A e tit e, la o ti ue a aisso ie e ou e la possi ilit d u e conversion31 vers la puissance première, sans que celle-là ne puisse s a he e e u e i tuitio lu i euse. Co t e la taph si ue de la fi itude, est l e iste e de l i fi i da s le fi i u il s agit de e o aît e. “i a e Pas al, il s agit de di e ue « l i d fi i ous pou a te », et que « l i fi i ous

28De l’ha itude [1838], in De l’ha itude. Métaphysique et morale, Paris, PUF, 1999, p. 158. Abrégé désormais

H, avec le numéro de la page.

29 Voir infra, Conclusion.

30 Sur cette question, voir par exemple Pierre Aubenque, Faut-il déconstruire la métaphysique ?, Paris, PUF,

2009, p. 11.

31

Au se s de l epistrophè plotinienne, à condition de la tenir pour un mouvement immanent de l esp it e s lui-e, sa s ue la pe s e s e de e et a te. Sur le rapport à Plotin, voir infra, II, 2, « L a iguït du appo t au néoplatonisme et la puissance du premier principe ».

(13)

12 rassure32 », est e aiso de l e jeu thi ue ui est p suppos . La taph si ue de la fi itude est

une philosophie t agi ue, pa e u elle i stalle la dista e o e ode d e iste e. ‘a aisso se d gage ai si d u e a al se de l ta t hu ai tel u il se ait toujou s d jà û pa u se ti e t de d li tio ou d a goisse33

.

La métaphysique de la finitude est donc une philosophie de la diff e e e t e l t e et l ta t, et e e se s, elle e ou e l u it ui e o do e se te e t la st u tu e. D où ie t ue ous a o s o se ti à la diff e e, e ou lia t l u it ui est la o ditio t a s e da tale de la taph sique authentiquement comprise ? Il faut ainsi nous demander pour quelles raisons nous sommes incapables de voir que

sous les désordres et les antagonismes qui agitent cette surface où se passent les ph o es, au fo d, da s l esse tielle et l te elle vérité, tout est grâce, amour et harmonie34.

“i tout est o igi ai e e t li et u i da s le el, et si au u e dista e de d oit e s i stau e e t e l t e et l ta t, alo s il faud a d gage les diff e ts odes de la pe s e ui pe ette t d app he de leu e t ela e e t. L a alogie35, le p esse ti e t, ou l e p ie e esth ti ue se o t

ai si hez ‘a aisso des odes app o h s, ais e p essifs, de la elatio d e eloppe e t ualifia t le rapport de la partie au tout.

En outre, la métaphysique authentiquement comprise devra se délivrer de son assignation au « suprasensible », e ta t u « au-delà » de la physis. La physis est pas plus l e -deçà de l i telligi le ue elui- i est la it du se si le. D où la essai e e ualifi atio des odes de la pensée, ainsi que des étants, qui étaient les détenteurs de cette vérité supra-physique : l id e e peut être une force auto- ot i e s pa e du elle, de e ue Dieu e peut t e te u pou l t e e ta t u t e g a t au-delà du sensible36

. C est ie plutôt la e tifi atio de so o te u u il faut fai e ad e i , e d oila t la puissa e li ale et i fi ie u il o tie t. Dieu, ou l A ou , comme puissance productive de toute chose, traverse de manière immanente les étants en leur

32 La philosophie de Pascal [1888], Paris, éditions du Sandre, 2011, p. 52, Abrégé désormais PP, avec le numéro

de la page.

33L e p ie e de la elativité du moi par rapport au tout ou e pas elle du a t o e ho izo d t e :

su e poi t, ‘a aisso se disti gue d u e e tai e t aditio th ologi ue et hu a iste.

34 R, 320.

35 Laquelle, contre une opinion traditionnellement reçue sur la question, ne reconduit pas nécessairement à la

structure onto-théo-logique de la métaphysique. Voir par exemple Jean François Courtine, Inventio analogiae, Métaphysique et ontothéologie, Paris, Vrin, 2005, p. 29.

36 Sur ce point, une différence radicale se fait avec Nietzsche : si pour celui-ci la mort de Dieu manifeste

l puise e t de la taph si ue t aditio elle, ‘a aisso i t g e a Dieu da s l helle des ta ts ap s l a oir destitué de sa transcendance. Voir aussi Heidegger, « Le mot de Nietzsche « Dieu est mort » », in Chemins qui ne mènent nulle part, trad. W. Brokmeier, Paris, Tel Gallimard, 1962, p. 261.

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13 do a t l t e. La taph si ue de la fi itude fait de Dieu l e e s du o de, e li ita t la puissa e du p e ie , puis u elle he he à l e lo e e u e fo e, ou u a te pa fait, ais immobile et solitaire. Par-là e, elle oile la do atio i fi ie de l t e pa le p e ier principe, et donc la nature véritable de la relation du tout à ses parties.

- La métaphysique de la substance p o de de la ifi atio de l t e pa l e te de e t, ui pose celle- i o e la o ditio t a s e da tale, ais aussi elle, de l o tologie. Depuis Aristote, la uestio de l t e a e effet t a attue su elle de la su sta e, ui e d sig e le p e ie de ses sens37. Mais e faisa t, la di hoto ie du sujet et de l o jet se t ou e e o duite, puis ue selo Ravaisson

la su sta e, est le terme auquel la raison rapporte, sans le percevoir di e te e t, toute a ifestatio elle, est u st ieu , ui e ule da s une profondeu i a essi le à l i tuitio 38

.

La substance, comme condition logique et ontologique du discours catégorial, échappe à l ide tit de l t e et de la pe s e. “i e passage se le ka tie , il faut epe da t i siste su la oie ou e te pa A istote, ue ‘a aisso ti e da s le se s d u e philosophie de l a ti it . La su sta e est pas ta t

hypokaimenon u energeia : il faut penser le réel dans son caractère dynamique de composition

d t e. E adopta t u e pe spe ti e ifia te su la uestio de la su sta e, o a outit à « une idée incomplète, et qui serait à des attributs ce que le corps est à un vêtement dont on peut se dépouiller. » T, . Mais de i e l a st a tio de la su sta e se a he u e e i plus redoutable, qui est le dualisme métaphysique39, et qui disjoint pensée et matière. Il faudra montrer au contraire que matière et esprit ne sont que les deux poi tes e t es d u e u i ue puissa e d t e. Le dualis e est, à e tit e, u e te da e de la pe s e ui d o pose et ato ise la o ti uit du el. ‘a aisso , ie u il he he à o att e le fatalis e spi ozis e, h site a epe da t à adhérer à la théo ie d u e su sta e u i ue :

u il ait plusieu s su sta es se suffisa t à elles- es et est su uoi il faut sui e “pi oza , est e ue l o e sau ait o e oi . U o ps peut t e s pa

37 Métaphysique, Z, 1, 1028a10. 38 DMA, 205.

39

Sur cette question, Ravaisson se rapproche de Nietzsche, qui caractérise la métaphysique comme une pensée dualiste. Voir par exemple Patrick Woltling, La philosophie de l’esp it li e, I t odu tio à Nietzs he, Paris, Champs Flammarion, 2008, p. 68.

(15)

14 d u aut e. L espa e et le te ps so t les o e s de di isio . Mais u est-ce qui

séparerait deux substances ?

Do , o e l a dit “pi oza, u e seule su sta e, e ui e p he pas u elle ne diffère en ses modes40

“i Lei iz est le plus sou e t sui i, il faut a oi s efuse le o adis e ui dispe se l u i ité de la substance. ‘a aisso , ie u il este fid le à l e ige e d u it de la taph si ue, doit epe da t admettre la différence comme singularisation intensive de puissance. Aux accidents, il faut donc préférer les modes, qui ne sauraient se disjoind e de la su sta e u ils e p i e t. Afi de surmonter la métaphysique de la substance, Ravaisson introduit un schème hénologique dans l o tologie u il o stitue, et u ifie le se s de l t e pa la at go ie de l a ti it .

Concernant le premier point, Ravaisson reprend en effet, dans le De l’ha itude, l id e selo la uelle l u it fait la alit de l t e. E e se s, l t e et l U e so t pas seule e t o e ti les41

: « Pour o stitue u e e iste e elle, où l ha itude puisse p e d e a i e, il faut une unité réelle » (H, 108). L approche hénologique évite alors les tensions de la Métaphysique d A istote, a tel e e t e u e gio alisatio de l t e o tologie et la uestio d u e i e e de elui-ci (théologie). L u it de l t e p ala t su son équivocité, Ravaisson peut ainsi constituer une échelle continue des différentes étants sans fractionner le réel. Toutefois, il e t etie t u e e tai e fia e à l ga d du néo-plato is e, ui fait de l U u pu a t ue l o saisi ait pa u e i tuition extatique42

. Destitua t le p i at de la su sta e, il s agi a alo s d ta li la vérité de la puissa e d t e et des modes de développement de celle-ci. Cependant, si ous a o s pas affai e à u e « philosophie de la nature43 », il faudra se demander si e est pas à u e e te sio de elle-ci que Ravaisson va

procéder. Pour sortir de la métaphysique de la substance, et donc du réalisme naturaliste, il faut montrer le perpétuel excès de la nature sur elle-même. Elle ne se réduit pas en effet au mouvement divisant et à la contrariété qui lui sont traditionnellement assignées. Il faut ai si ue l t e « se sorte lui- e du epos et de l i diff e e, ue sa i tualit de ie e vertu, son action énergie » (DMA, 206). Entre la puissance et l a te se t ou e t la force et l effo t, ui assurent la substantialité de l ta t. La at go ie a istot li ie e de l hexis permet en ce sens de concevoir le caractère i te diai e et h pe ph si ue de l ta t da s sa pl itude o tologi ue. Le p og s de l t e est à

40

T, 158.

41 Métaphysique, , 2, 1003b20. Ils e so t pas o e ti les à tit e d u it fo ale de sig ifi atio .

42 Sur ce point, Pierre Aubenque remarque que « ie e disti gue Ploti de l o to-théologie classique, si ce

est u e o eptio oi s stati ue de l t e p e ie et u hommage moins distrait rendu à sa transcendance. » (Faut-il déconstruire la métaphysique ?, op. cit., p. 38). Voir infra, II, 1, « L a iguït du rapport au néoplatonisme et la puissance du premier principe ».

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15 o p e d e alo s da s le se s d u e i te sifi atio de sa p op e a ti it . D s lo s ue le ou e e t poss de u e o sista e o tologi ue ui e se su o do e plus à l a tualit pu e, o peut pe se une « échelle » (DMA, 207) des étants suivant les degrés de cette intensification.

Cette helle e peut se o stitue ue pa la du tio d u e plu alit des se s de l t e. Plus ue la su sta e, est l a ti it ui doit t e te ue pou l ui ale t du pros hen u o uait Aristote en

Métaphysique, , 2. Mais il e s agit pas seule e t d u e is e g a ati ale, ou d u e u it fo ale de signification : il faut penser chaque étant comme modulant une activité unique et universelle, qui e peut s auto-constituer selon des ontologies régionales séparées les unes des autres. Ravaisson lit ainsi la philosophie d A istote da s le se s d u a ti-réalisme : « substance et énergie sont même chose » (PP, 28). E e se s, l u i o it de la at go ie d a ti it pe et d happe au dualis e métaphysique, ou au pluralisme existentiel44. Il e s agit pas ta t de ed fi i les o ditio s d u

dis ou s su l t e ue de fo de l e iste e de ha ue ta t su le pa tage d u e loi o u e. Or, « La loi u i e selle, le a a t e fo da e tal de l t e, est la te da e à pe sister dans sa manière d t e » (H, 107 . Cette affi atio de ‘a aisso est pas elati e à u ta t sp ifi ue : elle dessine les o tou s d u e o tologie g ale ui a de se s ue si elle est f e à u e puissa e antérieure et traversant tous les étants. Ceux-ci doivent alors être compris comme les variations

ualitati es d u e puissa e d a i ue et u i e selle.

Métaphysique du sujet, de la finitude, et de la substance, sont liées e e u elles o e ge t pou constituer la triple structure de la métaphysique de la séparation. En leurs principes, elles assurent la négation de l u it de la métaphysique authentique, en tant que celle-ci doit garantir la coïncidence de l t e et de la pe s e. Toutefois, est i i ue su git la diffi ult p i ipale à la uelle Ravaisson va se o f o te . Ce ue l o o e « métaphysique » est-il le sultat de l i puissa e de la pe s e, ou l à-venir de celle-ci ? La métaphysique semble avoir été recouverte par la Métaphysique d A istote, ui a l gu la s pa atio o e la « croix » de toute philosophie. Co e t s assu e alo s ue es deu p o l es so t i d pe da ts, et ue le se o d a pas d fi iti e e t o lit le premier ? Comment garantir en outre que le problème de la métaphysique puisse être posé hors des termes de la métaphysique de la séparation ? Co e t s assu e , e fi , ue le s pa e o stitue pas l o jet e de toute métaphysique ?

44 Deleuze d gage u e o eptio de l u i o it ui peut s appli ue à la philosophie de

Ravaisson : « l esse tiel de l u i o it est pas ue l èt e se dise e u seul et e se s. C est u il se dise, en un seul et même sens, de toutes ses différences indi idua tes ou odalit s i t i s ues. L èt e est le e pour toutes ces modalités, mais ces modalités ne sont pas toutes les mêmes. » (Différence et répétition, op. cit., p. 53).

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(18)

17

Chapitre I :

La

essit de la

taph si ue et l e ige e

spiritualiste

1) Le contexte historique et politique

Pour comprendre la manière dont la métaphysique se constitue comme problème pour Ravaisson, il faut partir, non d u poi t de ue e te e su so œu e ui a e ait à la d te i atio d u e filiation spiritualiste45, ais d u e t iple o jo tio d e e ts. Il s agit d i s e la fo ulatio de ce problème dans 1/ le contexte intellectuel et politique dans lequel Ravaisson débute son activité philosophi ue / les d ats de l po ue he ha t à d te i e la atu e de l esp it / le t a ail su l Essai su la taph si ue d’A istote e ta t ue li à l e ge e de dispositifs i stitutio els spécifiques. Ces trois aspects seront traités simultanément, étant indissociables.

L e ge e du p o l e de la taph si ue, tel ue ‘a aisso le fo ule, ne saurait se déduire de considérations sur la nature de la pensée elle-même : il faut l e a i e da s le o te te i telle tuel ui e a pe is l esso . Ce o te te est pas ta t la cause ue l occasion de cette formulation, mais il suppose d a o d ue la taph si ue puisse t e e o ue o e do ai e d e te sio l giti e de la philosophie, a a t d t e o stitu e o e problème. La résurgence de la métaphysique au début du XIXe si le est le sultat, o d u e histoi e de la taph si ue, ais d u e histoire

politique et institutionnelle. Li sta ilit politi ue h o i ue depuis la olutio , ai si ue la « purge » op e pa les olutio ai es à l e o t e du o opole de l Eglise is-à-vis des questions d du atio , ont réduit les structures scolaires et universitaires à néant46

. La refondation des st u tu es d e seig e e t de ie t alo s u e p io it pou la ou elle pu li ue e u te de légitimité : il s agit de fo e de ou elles lites et d assu e , da s l u ge e, les o ditio s matérielles du e ou elle du atio . Les d uts philosophi ues de ‘a aisso so t do i disso ia les des fo es de l e seig e e t depuis la olutio f a çaise, et su tout du p ojet de Victor Cousin de créer des structures pérennes pour l u i e sit . A e tit e, l itu e de l Essai sur la

taph si ue d’A istote est le sultat d u sujet do pa l a ad ie des s ie es o ales et

45 Contre Dominique Janicaud notamment, qui confronte dans Ravaisson et la métaphysique la philosophie de

‘a aisso à elle de Be gso . Cette e o st u tio du spi itualis e ous se le o i à l illusio du « mouvement rétrograde du vrai », au sens où Ravaisson est souvent présenté comme le précurseur de Bergson, plutôt que le se o d est p se t o e le su esseu du p e ie . Cette le tu e est d ailleu s le fait de Bergson lui- e, da s l ho age u il lui e d da s « La ie et l œu e de ‘a aisso », in La pensée et le mouvant, Paris, PUF, 1993.

46 André Canivez, Les professeu s de philosophie d’aut efois, Paris, Les belles lettres, 1965, deux tomes, Tome 1,

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18 politiques en 1833, à une époque à laquelle Aristote commence à être relu après avoir longtemps été ignoré47. Il faut donc considérer a e s ieu l esp it ui a i e la ou elle g atio de p ofesseu s

de philosophie dans la lignée de Royer Collard et de Victor Cousin : s ils a ifeste t tous deux d ide tes la u es philosophi ues, ils do e o t à la philosophie l i pulsio « spiritualiste » dont ‘a aisso h ite a et u il s app op ie a tout e p e a t ses dista es a e l le tis e offi iel48. En

effet, qua d ie e ette i pulsio e fe ait pas l o o ie de al uls politi ues il s agit de e pas f oisse les p ogati es de l Eglise, ota e t sous la p iode de la estau atio , l i t t pou le platonisme, le néoplatonisme ou le christianisme va donner des fondations nouvelles à la philosophie. Le personnage de Victor Cousin apparaît sur ce point ambigu : si d u ôt il a pu être taxé de « manipulation49», il e este pas oi s u il o t i ue à u e aste mise à disposition de

moyens matériels (mise en place du doctorat pour donner une légitimité aux nouveaux professeurs, sujets d histoi e de la philosophie do s pa l a ad ie, constitution de bibliothèques dont ‘a aisso s o upe a lo gue e t… ui pe ett o t de do e de solides a uis à la g atio des professeurs de philosophie de la fin du XIXe siècle50.

La régénération de la philosophie voulue par Cousi est pas ta t le sultat d u e p o i it a e e tai s philosophes ue d u effo t pou dote l u i e sit de o e s et de st u tu es ui o t pe ett e le d eloppe e t de l a ti it philosophi ue. De fait, la métaphysique comme horizon de la philosophie ravaissonienne a essit u e lo gue atu atio ai si u u e se le de d isio s de la pa t d i di idus ui taie t dispos s fa o a le e t. O pou ait ai si i te p te la pe s e de Ravaisson comme « réaction » à l e e i e troublé et appauvri de la philosophie du début du XIXe

siècle. C est e e se s u il faut o p e d e so souhait de « labourer le champ abandonné de la métaphysique51 » d s , soit peu de te ps ap s l itu e de l Essai sur la métaphysique

d’A istote et du De l’ha itude. Si le XVIIIe

siècle et la révolution française semblent avoir laissé un vide da s l a ti it philosophi ue, u o sta le d o d e i stitutio el se le aussi e li ite le déploiement. André Canivez a pu ainsi écrire à propos de la philosophie du XIXe siècle

47Il s agit, selo De is Thoua d, d e ta e u e « rupture avec la philosophie post-kantienne et peut être aussi

avec les « Lumières » pou e e i à d autres « Lumières », [et de] ha ilite la s ie e a e l e p ie e, et la philosophie dans son rapport aux positivités » (« Aristote au XIXe siècle, la su e tio d u e philosophie », in Denis THOUARD (éd.), Aristote au XIXe siècle, Lille, Presses universitaires du septentrion, 2004, p. 9.

48C est e ue e a ue Etie e Va he ot « La situation philosophique en France », Revue des deux mondes,

juin 1868, p. 959 : « “ous l e gi ue di e tio et l lo ue te p di atio de Vi to Cousin, le spiritualisme essa d t e u e th se philosophi ue o e les aut es s st es, il essa e d t e u e do t i e, la plus vraie et la plus vitale de toutes ; il devint une cause ».

49 André Canivez, op. cit., T. 1, p. 145

50 Victor Cousin met en effet e œu e u aste ha tie de pu li atio s : Platon, Proclus, mais aussi Pascal et

Des a tes. C est e ui e pli ue les lo gs d eloppe e ts su le oplato is e, ais aussi su la philosophie a ti ue da s l Essai.

51 « Lettres de Ravaisson, Quinet et Schelling », éditées par P.-M. Schuhl in Revue de métaphysique et de

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19 naissant : « Qua d ous pa lo s de philosophie, il e s agit poi t de la e he he diffi ile et solitai e d u e it taph si ue, ais d u e seig e e t o ga is , su eill et sa s esse og , ui risque de tourner en une sorte de gérance administrative des vérités établies52 ». Faut-il dire que Ravaisson échappe à cet objectif de poli e de l a ti it philosophi ue ? “ il est o sid o e « hors de ligne » par Cousin au moment de sa soutenance de thèse53, et félicité pour le De l’ha itude,

force est de reconnaitre que cet hommage est ambigu. Est- e l o igi alit de Ravaisson qui est ici remarquée, ou sa capacité à se conformer aux exigences institutionnelles ? Il importe en effet de reconnaître que celui-ci élabore sa thèse dans des conditions précises, qui en conditionnent le fond

le th e de l ha itude et la fo e54

(la thèse fait une cinquantaine de pages) tout en reconnaissant que de le De l’ha itude ne souscrit pas à la pensée dominante de l po ue, et ota e t à l le tis e ousi ie .

Au o e t où ‘a aisso it l Essai su la taph si ue d’A istote, il e iste pas de o eptio unifiée de la métaphysique, ou une tradition qui lui donnerait un sens précis55. On peut néanmoins relever pendant le XVIIIe si le u li at glo ale e t hostile à la philosophie de l E ole h it e d A istote, ai si u u e iti ue u e te de la « métaphysique ». Mais e uel se s l e te d e? L Encyclopédie traitait de termes qui peuvent être rattachés à la métaphysique, sans que celle-ci soit définie pour elle- e. L usage e est plutôt gatif, et se t à a ue u ha p de e he hes ui d passe t l o d e du o u56

. La métaphysique se trouve alors remplacée par une théorie de la connaissance qui se fonde sur des postulats e pi istes ai si ue su l a ti it a al ti ue de l esp it, da s la lig e de Lo ke. Il s agit de fai e l histoi e g ti ue de l esp it plutôt ue de s appu e su u e taph si ue de l â e57. La le tu e d A istote e F a e, ua d elle a lieu, s o ga ise donc

autou de so e pi is e suppos , ou plutôt de so a tiplato is e, et l atte tio est da a tage po t e su les aspe ts s ie tifi ues de so t a ail. Cela tie t, d u e pa t, au dis ou s des lu i es, ui rejette majoritairement la métaphysique comme scie e, et, d aut e pa t, au fait ue la

52

André Canivez, op. cit., T. 1, p. 146.

53 Voir Patrice Vermeren, « Ravaisson en son temps et en sa thèse », in Les études philosophiques, PUF,

janvier-mars 1993, p. 71.

54

Ibid., p. 66

55La situatio de l e seig e e t de la philosophie e F a e au XVIIIesi le, telle u elle est d ite pa A d

Ca i ez, do e à o p e d e u elle a pas de fil o du teu p is, ais su tout ue la ultu e des p ofesseu s de l po ue appa aît hapsodi ue. Elle e s o ga ise pas du tout autou de uestio s p se t es comme « métaphysiques ».

56 Voir par exemple Véronique Le ru, « Le scepticisme dans l'Encyclopédie de Diderot et de d'Alembert », Revue

de métaphysique et de morale, 2010/1. Dide ot, o e d Ale e t e so t pas fa o a les à so i t g atio dans le système des connaissances humaines. Le second écrit par exemple, dans la lettre à Frédéric du 17 septembre 1764 (in Œuvres complètes, Paris, Hermann, 2003, t. 5, p. 253) : « Un vrai philosophe, ce me se le, e doit t aite de ette s ie e [la taph si ue] ue pou ous d t o pe de e u elle oit ous apprendre ; principalement sur ces grandes questions, qui, comme le dit très bien Votre Majesté, nous importent vraisemblable e t si peu, pa la aiso e u elles ous tou e te t si fo t e pu e pe te ».

(21)

20

Métaphysique semble peu lue durant le XVIIIesi le. La le tu e de ette œu e est o pli u e pa le

fait u elle e o aît au u t a ail de ditio e t e le tout d ut du XVIIIesi le et l ditio de

Brandis, en 182358. Il faudra attendre Victor Cousin pour donner un élan spéculatif nouveau à la philosophie, à t a e s l a ti ulatio h sita te d u e ps hologie et d u e taph si ue59

. La su ge e de l e ige e taph si ue se le do le o lat de l appa itio du « spiritualisme », ui he he a à d passe l h itage des lu i es, le uel it ses de i es heu es sous la fo e de l id ologie60. Ainsi Destutt de Tracy pouvait-il réclamer, pour accompagner le changement de régime

politique une « science des idées » desti e à e pla e l a ie e philosophie :

La s ie e ui ous o upe est i eu e u elle a poi t e o e de o […]. [Elle] ne peut être appelée métaphysique. Ce mot désigne une science qui traite de la nature des êtres, des esprits, des différents o d es d i tellige e, de l o igi e des hoses, de leu ause p e i e. […] Je p f e ais do de eau oup ue l o adoptât le o d id ologie, ou s ie e des id es. Il est t s sage, a il e suppose rien de ce qui est douteux ou inconnu ; il ne rappelle à l esp it au u e id e de cause.61

Le discrédit envers la métaphysique est directement lié au refus de rechercher les causes des phénomènes, ce qui suppose de recourir à des concepts tels que celui de substance, ou à celui de « cause première ». A une déma he o tologi ue, l id ologie oppose u e app o he o ti ue et a al ti ue des ph o es, o da a t toute s ie e ui s a e tu e ait au-delà d u do élémentaire nommé « idée ». C est à e i ue s oppose a le « spiritualisme », et en premier lieu, celui de Vi to Cousi . E effet, il e e di ue u e philosophie ui se p opose d attei d e l a solu, o t e le s epti is e dest u teu du si le pass . Il d esse a ai si e u o stat ala a t de l tat de la philosophie du siècle précédent :

Reconnaissons-le avec franchise et douleur : le XVIIIesi le a appli u l a al se à

toutes choses sans pitié et sans mesure. Il a cité devant son tribunal toutes les

58 La redécouverte de la Métaphysique est li e e g a de pa tie à l ditio de l a ad ie de Be li pa Bekker

et Brandis en 1823. Voir Aristote au XIXe siècle, op. cit., p. 418 pour les questions de chronologie.

59 Ce que décrit Patrice Vermeren, dans Vicor Cousin, Le jeu de la philosophie et de l’Etat, Pa is, L Ha atta ,

1995, p. 25 : « Cousin se réfère finalement à un spiritualisme qui transige entre la méthode expérimentale à la manière de la philosophie du dix-huitième siècle français et la méthode spéculative de la métaphysique allemande. »

60 Courant résolument anti-métaphysique selon Serge Nicolas, dans Histoire de la philosophie en France au XIXe

siècle, Naissance de la psychologie spiritualiste (1789-1830), Pa is, L Ha atta , , p. : « L id ologie tait la véritable science de la pensée, opposée à la métaphysique comme la science astronomique est opposée à l ast ologie ».

61

Dis ou s de Destutt de T a au e es de la lasse des s ie es o ales et politi ues de l I stitut national, cité et analysé par Pierre Macherey dans « Naissa e de l Id ologie », in Etudes de philosophie « Française », Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, pp. 66-67.

(22)

21 doctrines, toutes les sciences ; i la taph si ue de l âge p de t a e ses

systèmes imposants, ni les arts avec leur prestige, ni les gouvernements avec leur ieille auto it , i les eligio s a e leu ajest , ie a t ou g â e de a t lui62.

La tapho e du t i u al est pas sa s o ue la iti ue ka tie e de la taph si ue. “ agit-il cependa t de e o dui e la aiso à ses li ites i t i s ues, ou d e te d e la po t e ? Il y a, dans la première moitié du XIXe siècle, deux types de réponses à ce moment de destruction de la

taph si ue u a o ue la F a e. D u e pa t, le positi is e i itié par Saint Simon et théorisé par Auguste Comte63, et do t l id ologie est pas e e pte. D aut e pa t, le spi itualis e et l le tis e de Victor Cousin : est au sei de e de ie ou e e t ue ‘a aisso s i s i a. Alo s ue le premier fait de la suppression de la métaphysique la condition de la régénération de la philosophie, le se o d fait de sa ha ilitatio la o ditio d u p og s, o seule e t de la philosophie, ais aussi de la société64. Aussi Victor Cousin jugera-t-il que la tâche du XIXe siècle réside tout entière dans le renouveau de la philosophie : « Le XVIIIesi le a t l âge de la iti ue et des dest u tio s, le XIXe

doit être celui des réhabilitations intelligentes65. ». Force est de reconnaître que malgré le

ou e e t d a ipatio des « Lumières », est u e e tai e gati it ui s est e pa e de toute cette époque.

Le d si d u e philosophie se ta gua t d attei d e des it s a solues, ais su tout apa le de donner un nouvel élan aux spéculations françaises, est partagée par plusieurs intellectuels de l po ue. Il a ota e t hez Vi to Cousi , ai si ue hez d aut es pe seu s, u e so te de mythologie qui se constitue, selon laquelle seule la philosophie allemande serait capable de faire sortir la philosophie française du « trou66 » dans laquelle elle se trouve alors. Madame de Staël dira

62 Du vrai, du beau, du bien, Paris, Didier, 1854, p. 9.

63 On retrouvera en effet cette exigence chez Auguste Comte, dans une totale inversion de la démarche

ravaissonienne : est la taph si ue ui est dest u t i e, puis u elle est espo sa le du solipsis e e philosophie et de l i di idualis e e politi ue. Cette e ige e se t ou e d s le Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société, travaux qui doivent avoir pour but de réformer la société sur le plan théorique et sur le plan pratique.

64 Louis Pi to e pli ite, d u poi t de ue so iologi ue, le li at d u e o u e e e t e es deu

mouvements de pensée : « Positivisme et spiritualisme étaient concurrents, même s ils e disposaie t pas de essou es i stitutio elles ui ale tes. Au u d eu e se lait e esu e d a o de les e ige es i te es du ha p philosophi ue a e les e ige es e te es du ha p politi ue. C est u e oie do t i ale dia e, le néo-kantisme à la française, qui apparaissait le mieux placé pour réaliser une telle conciliation : elle permettait de p se e l auto o ie de la dis ipli e tout e ai te a t u uili e opti al e t e s ie e et eligio . » (La vocation et le métier de philosophe : Pour une sociologie de la philosophie dans la science contemporaine, Paris, Seuil, 2007, p. 56). Voir aussi André Stanguennec, La pensée de Kant et la France, éditions Cécile defaut, Paris, 2005.

65

Victor Cousin, Du vrai, du beau, du bien, op. cit., p. 10.

66Le o te te id ologi ue de l po ue est t s ie et a pa Pie e Ma he e , « Les débuts philosophiques

(23)

22 e e se s ue l Alle ag e est « la nation métaphysique par excellence67 ». Les voyages de Cousin,

pa ti à la e o t e des philosophes alle a ds d s la fi de l a e , t oig e t ai si de e désir de régénérer la philosophie. Toutefois, cette « rencontre » a-t-elle eu véritablement lieu ? Les

Souve i s d’Alle ag e sont-ils le it de o e satio s o dai es, ou la p eu e d u e i flue e elle de la taph si ue de Hegel ou de “ helli g su la pe s e f a çaise de l po ue ?

E effet, alo s ue le salut e philosophie se lait p o e i de l Alle ag e, l i flue e de l ole écossaise du XVIIIe siècle est certainement plus déterminante que celle de la métaphysique

allemande. La le tu e de Tho as ‘eid au ait t , e e se s, l a te de aissa e de la philosophie nouvelle du début du XIXe si le. L a e dote de ‘o e Colla d racontée par Taine est à ce sujet révélatrice68, et a ifeste le d si de so ti d u at ialis e et d u se sualis e a solus. En dehors

de toute mythologie, il convient plutôt de comprendre comment ces références sont utilisées au sein d u dispositif st at gi ue d a gu e tatio 69

. La lecture des auteurs écossais (exception faite de Hume, condamné pour son scepticisme pe ett a de edo e u o ept de l esp it i du ti le à la passi it à la uelle Co dilla l a ait o da . Mais ette a al se de « la philosophie écossaise » e doit pas as ue u il s agit d u e « réduction70 » de celle-ci à deux auteurs en particulier :

Thomas Reid et Dugald Stewart, qui forment alors une sorte de « catéchisme » de l e seig e e t philosophi ue. Pou auta t, l e ige e étaphysique semble en rester au niveau du discours, faute d e d gage u o ept igou eu . “i pou Vi to Cousi , ou Mada e de “taël, elle po d à u d si de g atio de la pe s e f a çaise, est ‘a aisso ui e p opose a u e a al se p ise et rigou euse. Mais il i po te d a o d pou e o p e d e la l giti it de p ise le statut de la ps hologie o e thode pe etta t d a de à des it s a solues, ai si ue la a i e do t celle-ci peut fonder une « métaphysique ». Que doit-être la pensée, et que doit être son mode d e e i e pou u o lui adjoig e u tel p di at ? E out e, de uel o ept d « esprit » la métaphysique a-t-elle besoin pour fonder son exigence propre ?

philosophique française – rappelons-nous la formule cruelle de Jouffroy : « La philosophie était dans un trou » –, l Alle ag e do ait la latio d u o de i telle tuel i a t et atif. “ui a t u li h la o pa Mme de Staël, et qui devait prévaloir en France pendant longte ps, au oi s jus u e , ap s uoi il de ait t e e pla pa l i age ie i e se d u e atio aliste, p osaï ue, effi a e, et su tout ilita is e et fo tio a is e, tait u e Alle ag e id aliste et euse, e u e da s de po ti ues u es, ui appa aissait alo s o e ta t ou e au ulte des pu es id es, du se ti e t, de l a t, de la pe s e th o i ue. Pour un Français, dans ces années 1820, cette vision suscitait un effet de radicale étrangeté, qui avait pour corrélat une excitation intellectuelle parti uli e e t i te se. O e peut s e p he de fai e le app o he e t a e les s jou s d tude ue fi e t aussi e Alle ag e, da s des o ditio s il est ai ie différentes, Raymond Aron et Jean-Paul Sartre, dans la période qui a précédé la dernière guerre mondiale. ».

67De l’Alle ag e, Paris, GF, 1968, p. 141. 68 Citée par André Canivez, op.cit., T. 1, p. 150. 69

Voir Jean Pierre Cotten, « La philosophie écossaise en France avant Victor Cousin, Cousin avant sa rencontre avec les écossais », in COTTEN Jean Pierre (textes réunis par), Paris, PENS, 1985, p. 121 et suiv.

(24)

23 2) Le spiritualisme ravaissonien

Psychologie et métaphysique

Ravaisson voit dans « trois psychologues, Condillac, Maine de Biran et Ampère71 », et dans la s th se u op e ‘o e Colla d de eu -ci via « une théorie de la connaissance inspirée surtout de celle des écossais72», le poi t de d pa t de l le tis e. “eule ent, il considère comme insuffisantes les te tati es de Vi to Cousi pou fo de u e philosophie apa le d attei d e l a solu. Ai si, l le tis e est u he à la fois da s sa thode et da s l o je tif affi h de g e la philosophie. Dans le Rapport sur la philosophie en France au XIXe siècle, qui est sûrement le texte le

plus iti ue à l ga d de l le tis e, ‘a aisso it e effet ue « e hoi ue Vi to Cousi s tait d a o d p opos de fai e du plus ai et du eilleu de ha ue philosophie, il ne le fit jamais » (R, . D aut e pa t, « L le tis e, e e te ps, se te ait à l a t, o sa s uel ue s he esse s olasti ue, des hoses de l â e, du œu , ui a pou ta t aussi, et plus e o e peut t e, ses révélations.» (R, 83). Les « choses de l â e et du œu » sont donc le refoulé de la philosophie, alors u elles d sig e t le te ai e de l i estigatio taph si ue. Pou e fai e, la ps hologie doit e o dui e à l o tologie, et e pas se li ite au des iptio s de la ie i t ieure. Si, comme Stewart, la philosophie est enfermée dans « des questions de faits » PC, , et s il s agit de lui « interdire les questions métaphysiques sur la raison des faits et la nature des choses » (PC, 401), alors il faut « bannir de la philosophie l o jet e de toute philosophie dig e de e o » (PC, 402). La philosophie, e e se s, de ie t e pi is e, fle io su l e p ie e, ou e o e tude des phénomènes sans pouvoir saisir aucune cause. Il faut néanmoins, pour éviter cet écueil, destituer le primat de la « raison impersonnelle » su la uelle Cousi souhaitait fo de l e e i e de la philosophie73.

Comment Ravaisson peut-il sauver la métaphysique sans sombrer alors dans un irrationalisme, ou un romantisme naïf ? Il s agit d a o d de oi de quelle manière la métaphysique se trouve confrontée à de nombreuses pensées « critiques », u il s agisse de l e pi is e hu ie , du sensualisme de Condillac ou de la philosophie transcendantale kantienne. La métaphysique doit être restaurée, et la fi itude de l esp it e o duite à u e p ise de la pe s e su elle-même. Ravaisson écrira ainsi, en 1896 :

D jà, peu a a t l appa itio du Positi is e, l auteu du C iti is e a ait he h à démontrer le néant de la métaphysique, et réduit la philosophie théorique à une

71 R, 69. 72

Ibid.

73Et do t il fait l loge da s le Cours de philosophie de 1818. Cette théorie, qui semble « averroïste » en son

(25)

24 a al se des fa ult s de o aît e ui de ait les o ai e d i puissa e pou

d passe l ho izo des o aissa es ph si ues74.

La métaphysique est niée par Kant comme par Auguste Comte, en ce que leurs analyses tendent à o t e u o e peut alle au-delà d u e a e des o ditio s t a s e da tales du o aît e. Cette est i tio de p i ipe les o duit à e pla e l a solu pa le elatif, pa l appli atio du schème de la causalité, ou par la substitution de la notion de loi à celle de cause, en niant la l giti it d u e ause p e i e. La taph si ue se t ou e alo s duite à a t e ta t u elle se t a sfo e e u e ps hologie des fa ult s. E suite, ette gatio s op e par la critique des concepts traditionnels de la métaphysique, soit des « étants » relevant de la métaphysique dite « spéciale » : l â e, le o de, et Dieu75. Enfin, la dest u tio de la taph si ue s a o plit pa la

supp essio de toute o tologie, est-à-dire de tout discou s su l t e et sur ses propriétés générales. Ainsi, Kant pouvait affi e u il est essai e de e pla e le « o o gueilleu d u e ontologie » par « le o odeste d u e si ple a al ti ue de la aiso pu e76

». De même, Auguste Comte fait de la science une recherche de lois expliquant les phénomènes, en lui interdisant de se p o o e su l t e des hoses. La gatio de la taph si ue, si elle s op e pa u e e pli ite limitation de la raison, est également accomplie dans le champ empiriste. Hume, à propos de la connaissance du moi, refusait la simple discussion avec le « métaphysicien77 », « l esse e de l esp it nous étant tout aussi inconnue que celle des corps extérieurs78 », et affirmait ainsi que le scepticisme était la seule disposition spéculative légitime. Tout dis ou s ui po te ait su l au-delà de la ph o alit se t ou e ai si o da à l a su dit . Enfin, dans un geste spéculatif similaire, Co dilla pou ait i e u a e la taph si ue, « les e eu s s a u ule t sa s o e, et l esprit se o te te de otio s agues et de ots ui o t au u se s79

».

Il faut voir dans ces critiques une remise en question des systèmes du siècle précédant celui des lu i es, s st es ui se fo de t su la possi ilit d u e oï ide e de la pe s e et de l t e ue l o pe se à la p eu e o tologi ue de la i ui e des Méditations métaphysiques, la vision en Dieu ale a histe, ou e o e la d fe se de la ause de Dieu pa Lei iz . Qu est l t e pou la pe s e antimétaphysique ? L i o aissa le, re du tel pa u e autoli itatio de l e p ie e et par une réduction du connaître à la phénoménalité. Cette pe s e s e a i e da s u uestio e e t

74 MM, 162.

75 Et dont Descartes faisait mention dans une lettre à Elisabeth du 15 septembre 1645, en évoquant « la bonté

de Dieu, l i o talit de os â es et la g a deu de l u i e s » o e o jets p i il gi s de l e te de e t (voir René Descartes, Œuv es et lett es, Paris, Gallimard, coll. « La pléiade », 1953, p. 1206).

76 Critique de la raison pure, op. cit., p. 977. 77

Traité de la nature humaine, trad. P. Saltel et P. Baranger, I, IV, VI, Paris, GF, 1995, p. 344.

78 Ibid., p. 35.

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