Au fil du bois
Avant-propos
Claire Alix (UMR 8096 - Archéologie des Amériques et University of Alaska Fairbanks)
et Hélène Guiot (UMR ArScAn - Ethnologie préhistorique)
Le 24 mai dernier, à Nanterre, dans la salle des colloques du b â tim ent K d e l'Université d e Paris X, archéologues, ébénistes, menuisiers, sculpteurs, ingénieurs du bois..., ont d é b a ttu des critères d e sélection des bois d'oeuvre. C ette deuxièm e journée du groupe d e travail « Le bois dans tous ses états » a permis d 'é tablir un dialogu e entre les archéologues, qui cherchent à com prendre et analyser l'usage des bois, e t les acteurs des métiers du bois qui possèdent une profonde connaissance d e c e tte matière.
Le thème de la sélection des bois d’œuvre
À partir d e vestiges exhumés, les archéologues ch e rch e n t à reconstituer les choix opérés par les populations qu'ils étudient. Ils a c c è d e n t ainsi à une com préhension plus large des modes de vie, incluant les systèmes techniques, économ iques e t idéels.
Le bois a des propriétés intangibles e t variées que les hommes connaissent, exploitent e t valorisent, sans doute depuis toujours. La perception des qualités des bois varie selon les contextes e t les cultures. Les classifications ne s'ap puient pas sur des critères universels e t différentes taxinomies sont observées. La taxinom ie botanique o ccid e n ta le fo n d é e sur la systématique des espèces naturelles est pourtant devenue celle qui perm et de tenir un langag e com m un dans la co m m u n a u té scientifique. Elle est toutefois dénuée de to u t co n te n u te ch n iq u e . Les classifications dites traditionnelles, populaires ou locales, intè g re n t la connaissance des propriétés de la m atière e t des qualités des bois en fonction des usages pour lesquels iis sont les plus adaptés, mais aussi des valeurs ajoutées, celles qu'exprim ent le discours e t des actes que notre logique o ccid e n ta le a parfois du mal à assimiler, Un des objectifs des archéologues e t des ethnologues, lors d e l'étude des productions en bois, est de tenter d e faire la part entre la définition des critères d e classification e t la façon do n t ces critères sont appliqués lors de l'usage du bois. C 'est pourquoi une première é ta p e d o it s'a tta ch e r à caractériser les catégories d e critères d e sélection des bois d'œ uvre , selon le contexte culturel et le projet à façonner, ainsi que les m odalités d'intervention d e ces catégories lors des étapes de la chaîne opératoire.
Le thèm e d e la sélection des bois et, au-delà, celui des systèmes d e référence se révèlent incontournables. Afin d e les explorer, il nous paraissait im portant d e faire a p p e l aux acteurs des métiers du bois afin qu'ils nous exposent leur point de vue en nous faisant p a rta g e r leurs connaissances e t leurs pratiques. Si archéologues et professionnels du bois discutent ponctuellem ent, nous souhaitions regrouper c e tte discussion, établir des contacts, ouvrir un dialogue, susciter une réflexion com m une, a ve c à long term e l'o b je ctif d'é tablir une liste d e critères ordonnés et, éventuellem ent, d e définir une grille d e lecture com m une m algré les différents contextes.
Le 24 mai dernier, le dialogue a eu lieu, fructueux e t enrichissant, organisé autour de deux axes : - Caractéristiques des bois d e construction, ch a rp e n te e t fustes.
- Caractéristiques des bois employés en menuiserie (p e tit e t grand mobilier) e t d 'u n cas particulier, la sélection des bois d'arcs.
Claire Alix e t Hélène G uiot
Il ressort des interventions et des discussions d e la journée qu e les premiers critères considérés sont souvent économ iques : disponibilité (distance, approvisionnement, transport) e t coût, a v a n t m êm e d e discuter des qualités propres du matériau, c e qui pe u t expliquer les réutilisations. Bien évidem m ent, le projet lui-même pondère c e tte sélection : la fonction, a v e c notam m ent la nécessité ou non pour l'o b je t (ou la construction) de respecter des impératifs m écaniques et techniques (voir le cas des fustes ou des charnières), tient une p la c e essentielle. D'autres critères, com plém entaires, interviennent ég a le m e n t : l'esthétique a toujours sa p la c e e t p ro cè d e d 'u n choix individuel lié à une p rofonde connaissance d e la matière, ou à des impératifs culturels, voire à des phénomènes de m ode. Enfin, les critères économ ique, techniqu e e t esthétique s'avèrent parfois fortem ent intriqués, com m e dans le cas des arcs. L'artisan favorise alors l'un d 'e u x selon le contexte (écologique, culturel, historique) dans lequel l'a rc est fabriqué.
Les discussions o n t ainsi mis en é vidence to u t l'intérêt que nous devons porter au d é ve lo p p e m e n t de bases d e données sur les propriétés des bois afin d e caractériser les associations q u 'o n t é ta b lit les hommes entre propriétés e t travail du bois.
C e tte ta b le ronde n'est pour nous qu'u n e seconde é ta p e dans la te ntative d e mieux com prendre et interpréter, dans le dom aine archéologique, les m odalités d e l'exploitation e t du travail du bois. Une autre Table Ronde viendra sans d o u te dans quelque temps, sur le m êm e thèm e ? Pourquoi p a s... Certains exemples ethnographiques m ontrent que la disponibilité d 'u n m atériau n'est pas toujours le premier des critères de sélection ; nous pourrions d o n c nous interroger sur c e qui rend un bois a ttra ctif e t esthétique (sa rareté par exemple).
Aujourd'hui, il nous a p paraît im portant d e poursuivre le dialogue e t d e multiplier les discussions entre disciplines afin de fendre vers une meilleure com préhension des com portem ents humains vis-à-vis du bois, de ce qui unit l'ho m m e à c e m atériau premier.
Remerciements
C e tte ta b le ronde a été possible grâce au parrainage et au soutien d e la Maison d e l'A rchéologie et d e l'Ethnologie René Ginouvès, de l'UMR ArScAn 7041 e t des thèmes transversaux 1 e t 3, e t des Universités Paris l-Panthéon-Sorbonne e t Paris X.
Nous remercions vivem ent l'UMR ArScAn 7041 e t l'École D octorale de l'Université d e Paris I qui ont financé c e tte journée. Nos remerciements vont to u t spécialem ent vers Patrice Brun, C laudine Karlin, Sander Van der Leeuw, Stéphanie Thiébault et to u t le personnel administratif d e l'UMS/UMR pour leur aide précieuse dans c e tte entreprise. Nous remercions é gale m e n t l'université de Paris X-Nanterre e t son personnel pour le prêt de la salle des colloques e t l'éq uipem ent audiovisuel. Nos remerciements vont enfin à fous les participants sans lesquels c e tte journée n'a u ra it pas été c e qu'elle fut.