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Étude des corrélations entre les évaluations subjectives et objectives de la voix chez des patients présentant une paralysie laryngée bilatérale

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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MÉMOIRE

Pour l’obtention du Certificat de Capacité en Orthophonie

Préparé au sein du Département d’Orthophonie,

UFR Santé, Université de Rouen Normandie

Étude des corrélations entre les évaluations subjectives et

objectives de la voix chez des patients présentant une paralysie

laryngée bilatérale

Présenté et soutenu par

Clémentine MERTZ

Mémoire de recherche

Mémoire dirigé par Jean-Paul MARIE, laboratoire de Chirurgie Expérimentale UPRES – Équipe d’Accueil 3830 – IRIB Groupe de Recherche sur le Handicap Ventilatoire (GRHV)

Mémoire soutenu publiquement le 28 juin 2018 devant le jury composé de

Mr Jean-Paul MARIE PU-PH, service ORL - Chirurgie

cervico-faciale, CHU de Rouen Directeur de mémoire

Mme Isabelle FAIVRE Orthophoniste, Bihorel Présidente du jury

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Remerciements

L’intérêt porté au domaine de la voix et de la respiration m’a été transmis par des professionnels passionnés qui ont facilité la réalisation de ce mémoire et à qui je souhaite témoigner toute ma reconnaissance pour leur aide précieuse.

En premier lieu, j’adresse ma sincère gratitude au directeur de ce mémoire, le professeur

Jean-Paul MARIE, pour avoir permis et soutenu la réalisation de ce travail grâce à sa réflexion

toujours pertinente et sa bienveillance en toutes circonstances.

Je remercie également madame Isabelle FAIVRE et monsieur Adrien MARRONNIER, pour l’honneur qu’ils m’ont fait en acceptant de prendre part à l’évaluation de mon mémoire et me faire bénéficier de leur expérience.

J’adresse ma reconnaissance à madame Caroline THILL et monsieur Thomas VERMEULIN, pour leur aide indispensable concernant la partie statistique de ce mémoire.

Je voudrais aussi exprimer mes remerciements à mes proches qui m’ont apporté le soutien nécessaire tout au long de ces études.

Un grand merci à toute ma promotion pour ces cinq belles années et plus particulièrement à Clémence, Arva et Marine, pour leur amitié exceptionnelle et sans qui tout aurait été plus difficile. Je remercie ma famille et plus particulièrement ma sœur Lorène – ma première supportrice depuis le début – pour sa relecture attentive. Et enfin, Kévin, pour tout, mais plus particulièrement pour sa confiance et son calme olympien lorsque j’en ai manqué.

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TABLE DES MATIÈRES

Remerciements ... 3

Introduction ... 5

Problématique et hypothèse générale ... 6

Rappels théoriques ... 8

I- Définitions et anatomie de la phonation ... 8

1.1 La phonation et la voix ... 8

1.2 La fonction vocale : éléments d’anatomie et physiologie ... 9

1.3 Le contrôle de la voix : les synergies ... 10

1.4 L’innervation laryngée ... 10

II- La voix pathologique ... 11

2.1 Les dysphonies dysfonctionnelles et organiques ... 11

2.2 La paralysie laryngée ... 12

III- L’évaluation de la voix ... 12

3.1 L’évaluation de la voix : subjectivité et objectivité ... 12

3.2 L’évaluation subjective ... 13

3.3 L’évaluation objective : analyse instrumentale ... 15

Matériel et méthode ... 18

I- Population et procédure d’évaluation ... 18

1.1 Population de l’étude... 18

1.2 Les évaluations et les variables étudiées ... 19

II- Méthode et hypothèses opérationnelles ... 20

Analyse statistique ... 22

I- Corrélations préopératoires ... 22

II- Corrélations post-opératoires ... 25

Discussion des résultats ... 29

Conclusion ... 35

Bibliographie ... 36

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Introduction

La voix est une fonction humaine complexe qui se définit d’un point de vue anatomique et fonctionnel et à travers laquelle se jouent les enjeux fondamentaux de la communication orale. En effet, la phonation est une adaptation spécifique à l’espèce humaine qui lui permet de transmettre des informations à travers le canal oral. Le locuteur adapte alors à la situation de communication les paramètres acoustiques de sa voix (hauteur, intensité, timbre). Ces paramètres, propres à chacun et déterminés par l’anatomie et la physiologie de l’appareil vocal, sont modulés selon l’état émotionnel, l’intention, la culture, le sexe, l’âge…

L’impact de la dysphonie peut ainsi être entrevu à travers le modèle « déficience, incapacité et handicap » proposé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1980. La déficience est définie comme « une perte ou une anomalie d’une structure anatomique ou d’une fonction organique » là où l’incapacité désigne « les difficultés que rencontre une personne dans l’exécution de certaines activités ». Le handicap qui en découle se définit selon « les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de la participation [aux activités de la vie quotidienne] », dépendant de facteurs environnementaux et personnels. Si on applique ce modèle au domaine de la voix, une pathologie vocale – par exemple, une paralysie des cordes vocales – peut entraîner une altération des caractéristiques acoustiques de la voix – ici, des capacités pneumo-phoniques. Le handicap qui en découle dépend alors du contexte psycho-social (profession, loisirs, participation à une chorale, structure familiale…) (Jacobson et al., 1997).

Tous ces aspects doivent être pris en compte dans le bilan vocal, qui devient alors un acte complexe et multidimensionnel. Après le diagnostic médical de la pathologie, l’évaluation des fonctions laryngées porte donc tant sur les paramètres acoustiques et aérodynamiques – mesurés objectivement grâce à l’analyse instrumentale – que sur l’évaluation subjective par le thérapeute et le patient. Ces deux aspects de l’évaluation doivent permettre de dresser un « état des lieux » qui caractérisera la voix et orientera les choix thérapeutiques (Giovanni et al., 2013). Les liens entre les évaluations objectives et subjectives restent encore à préciser mais différeraient notamment selon la pathologie. Ce mémoire propose de s’interroger sur les liens entre ces deux aspects du bilan clinique vocal dans le cas de la paralysie bilatérale des cordes vocales en fermeture.

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Problématique et hypothèse générale

Le recueil et l’analyse des données concernant des patients souffrant d’une paralysie bilatérale des cordes vocales et ayant bénéficié d’une réinnervation laryngée ont fait émerger la problématique de la corrélation entre les évaluations subjectives et objectives de la voix. En effet, ces patients et les thérapeutes ont renseigné des évaluations subjectives et des analyses informatiques de la voix ont été réalisées à différents temps (pré et post-opératoires). Lorsque la dyspnée diminue, les patients expriment une baisse du handicap vocal ressenti, même lorsqu’aucune amélioration objective des paramètres vocaux n’est attestée. La dyspnée paraît donc interférer entre l’incapacité vocale et l’auto-évaluation du handicap vocal. Par ailleurs, les relations entre les évaluations subjectives et objectives semblent complexes.

Existe-t-il une corrélation entre le handicap vocal ressenti, les paramètres objectifs (acoustiques et aérodynamiques) et l’analyse perceptive chez des patients présentant une paralysie laryngée bilatérale en fermeture ?

Hsiung, Pai et Wang (2002) se sont intéressés aux corrélations entre le Voice Handicap Index (VHI) et certaines mesures acoustiques (jitter, shimmer, rapport signal/bruit, temps maximal de phonation) chez des patients présentant des plaintes vocales diverses. D’autres auteurs (Wheeler et al., 2006 ; Woisard et al., 2007 ; Cheng et al., 2010) ont poursuivi ce travail en ajoutant d’autres paramètres acoustiques (les profils d’intensité et de fréquence) et aérodynamiques (période d’aphonie et d’essoufflement, pression sous-glottique, débit d’air phonatoire moyen) ainsi que l’indice de sévérité de dysphonie. Ces études, incluant des patients avec des pathologies vocales variées, n’ont pas permis de dégager de corrélation entre les mesures objectives et le VHI. Ces auteurs défendent alors l’idée que l’auto-évaluation et les mesures informatisées apportent respectivement des informations sur le handicap et l’incapacité consécutifs à la déficience vocale et que celles-ci ne sont pas corrélées. Ils suggèrent néanmoins que certaines pathologies pourraient induire un lien entre le handicap et l’altération des paramètres vocaux, notamment dans le cas de paralysie des cordes vocales. D’autres équipes (Schindler et al., 2009 ; Gillespie et al., 2014 ; Dehqan et al., 2017) ont poursuivi les recherches en étudiant les corrélations entre le VHI et les mesures acoustiques et aérodynamiques de la voix en constituant des groupes établis selon les pathologies vocales. Ces auteurs ont notamment inclus un groupe avec une paralysie unilatérale des cordes vocales. Schindler et al. (2009) ont ainsi trouvé des corrélations entre le domaine fonctionnel

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du VHI et le jitter chez ces patients. Gillespie et al. (2014) ont quant à eux identifié une corrélation entre le débit d’air phonatoire moyen et le VHI-10 chez des patients présentant la même dysfonction. Le handicap vocal serait alors lié, dans cette population, à l’impossibilité de contrôle du flux d’air durant la phonation. Dehqan et al. (2017) ont finalement mis en évidence une corrélation entre le subtest physique du VHI, le temps maximal de phonation et les mesures d’instabilité. Ces nouvelles données laissent à penser qu’il existe un lien entre le handicap vocal et un paramètre vocal et/ou aérodynamique particulier, qui différerait selon la déficience vocale.

S’appuyant sur ces dernières études, l’hypothèse faite dans ce mémoire est qu’il existe un lien entre le handicap vocal et un paramètre vocal et/ou aérodynamique chez les patients présentant une paralysie laryngée bilatérale. La détermination de ce paramètre permettrait de le cibler lors des traitements, notamment lors de la rééducation orthophonique, afin de mieux satisfaire le patient en réduisant sa gêne vis-à-vis de sa voix. Cela améliorerait également l’interprétation du VHI et le lien entre les différents aspects de l’évaluation clinique pour guider le choix des outils d’évaluation.

Dans un premier temps, il conviendra de rappeler les données théoriques qui régissent le geste phonatoire et le bilan vocal, en particulier dans le cas des paralysies laryngées. Ensuite, une étude statistique permettra de mesurer le niveau de corrélation entre les évaluations subjectives et objectives de la voix chez des patients qui souffrent d’une paralysie laryngée bilatérale en fermeture et qui ont bénéficié d’une réinnervation laryngée. Finalement, les résultats seront analysés au regard des données de la littérature afin de conclure sur les liens entre tous ces aspects de l’évaluation vocale.

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Rappels théoriques

I-

Définitions et anatomie de la phonation

1.1 La phonation et la voix

Selon le Dictionnaire d’orthophonie, la phonation réfère à l’ « ensemble des phénomènes volontaires (mouvement respiratoire adapté à la parole, vibration des cordes vocales, modulation de la voix dans les résonateurs du conduit vocal) entraînant la production des sons du langage articulé » (Brin-Henry et al., 2011c) c’est-à-dire l’ensemble des phénomènes concourant à la production de la voix.

La voix se définit dans ce cadre comme le « souffle sonorisé par le larynx, amplifié et modulé par les cavités de résonance sus-laryngées, ayant toutes les caractéristiques du son » (Brin-Henry et al., 2011d). Il est important de noter que la voix est un outil de communication qui se décline en de multiples manifestations selon ses usages dans la vie quotidienne. La voix sera ici étudiée en tant que comportement vocal et décrite selon ses paramètres acoustiques : - la hauteur est le paramètre traduisant la fréquence vibratoire de la source sonore et s’exprime en hertz (Hz) ou par la note correspondante. Concernant la voix, la hauteur tonale décrit la fréquence du son fondamental laryngé (fréquence vibratoire des cordes vocales) et on parle de voix grave ou aiguë. Elle est autour de 110/130 Hz pour un homme et de 205/245 Hz chez la femme mais elle varie avec l’âge et s’abaisse chez la femme après la ménopause (Brin-Henry et al., 2011b). La hauteur dépend principalement de la taille du larynx et de la tension des cordes vocales, qui varie au cours de la parole pour participer à l’intonation.

- l’intensité caractérise le volume sonore et se mesure en décibels (dB). On parle alors de voix faible ou forte. L’intensité de la voix est notamment dépendante de la pression d’air sous-glottique et de la coordination pneumo-phonique. Elle varie en permanence durant la parole.

- le timbre correspond subjectivement à la couleur d’un son, à ses caractéristiques propres qui nous permettent de reconnaître une voix. Objectivement, le timbre se définit par sa composition en harmoniques (nombre et intensité relative) qui sont les fréquences multiples du son fondamental. Le timbre dépend notamment de la transformation du son par les cavités de résonance.

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1.2 La fonction vocale : éléments d’anatomie et physiologie

La fonction vocale est assurée par l’appareil vocal qui désigne l’ « ensemble des organes qui permettent l’émission des sons » (Cornut, 2009). On distingue trois parties dans l’appareil vocal : l’appareil respiratoire (soufflerie), le larynx (vibrateur) et les cavités sus-laryngées (résonateurs).

L’appareil respiratoire constitué du « soufflet abdomino-thoracique » assure l’acte respiratoire, résultant d’une compétition entre les forces musculaires actives lors de l’inspiration et les résistances élastiques passives qui s’y opposent lors de l’expiration (retour à la position de repos musculaire). Le diaphragme constitue la force musculaire inspiratoire principale : lorsqu’il se contracte, il tire le plancher de la cage thoracique vers le bas et dilate les dernières côtes, agrandissant le thorax dans tous les plans de l’espace. Lors de la phonation, l’inspiration se raccourcit tandis que l’expiration s’allonge et devient active – Le Huche et Allali (2010) utilisent les termes d’ « élan du geste phonatoire » et de « souffle phonatoire » –, l’appareil respiratoire fournissant ainsi l’énergie nécessaire à la production du son.

Le larynx est formé de cinq cartilages principaux et des membranes et ligaments qui y sont associés. Le cartilage thyroïde (qui protège le larynx et dont la proéminence constitue la pomme d’Adam), le cartilage cricoïde et l’épiglotte forment son armature fibrocartilagineuse. À l’intérieur de cette armature, les deux cartilages aryténoïdes, mobiles, sont responsables des mouvements d’ouverture et de fermeture de la glotte grâce à leur rotation au niveau de leur articulation avec le cricoïde. Les mouvements d’abduction et d’adduction sont produits respectivement par les muscles crico-aryténoïdiens postérieurs et latéraux. Les plis vocaux – constitués d’un ligament vocal (ligament thyro-aryténoïdien inférieur), du muscle vocal (muscle thyro-aryténoïdien) et d’une muqueuse qui recouvre toute la longueur de la corde vocale – s’insèrent sur le cartilage thyroïde en avant et sur l’apophyse vocale des cartilages aryténoïdes en arrière (McFarland, 2016). Le larynx, grâce à sa configuration anatomique et à la mobilité des plis vocaux, assure quatre fonctions (Cornut, 2009) :

1) la respiration, avec l’ouverture glottique lors de l’inspiration ;

2) la protection des voies aériennes inférieures pendant la déglutition, par la fermeture des plis vocaux et la remontée du larynx sous la base de langue conjointe à la bascule arrière de l’épiglotte ;

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3) la phonation, grâce à l’adduction des plis vocaux ;

4) la fonction d’occlusion pour augmenter la pression sous-glottique lors de l’effort physique intense, de la toux ou de la défécation.

Enfin, les cavités de résonance (cavités pharyngo-buccales et fosses nasales) et les mouvements articulatoires sont nécessaires à la production différenciée des sons de la parole. Les mouvements de la mandibule qui modulent le volume de la cavité buccale, le rétrécissement ou l’élargissement du pharynx, l’élévation ou l’abaissement du voile du palais ou encore le positionnement des lèvres et de la langue participent en effet à produire et différencier les phonèmes de la parole (McFarland, 2016).

1.3 Le contrôle de la voix : les synergies

La fonction vocale résulte au total d’une coordination des trois parties de l’appareil vocal qui doivent fonctionner en synergie, dans une dynamique globale du corps (Brin-Henry et al., 2011a) :

- la synergie pneumo-phonique traduit la coordination entre le souffle et le son pour obtenir un équilibre entre le souffle phonatoire et la force de résistance de la glotte ; - la synergie phono-résonantielle permet de faire mieux résonner le son laryngé par

une adaptation des cavités de résonance aux sensations vibratoires ;

- la synergie phono-acoustique est parfois ajoutée aux processus de contrôle de la voix et désigne l’ajustement et le contrôle par l’oreille.

1.4 L’innervation laryngée

La production du son par le larynx est permise par l’innervation laryngée qui est assurée par deux branches du nerf vague (Xe paire crânienne) :

- le nerf laryngé supérieur assure l’innervation sensitive au-dessus des plis vocaux et l’innervation motrice pour le muscle crico-thyroïdien qui participe à la modulation de la tension des plis vocaux ;

- le nerf laryngé inférieur (ou nerf laryngé récurrent) assure l’innervation sensitive en dessous des plis vocaux et l’innervation motrice pour tous les autres muscles intrinsèques du larynx.

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L’anatomie du nerf récurrent le rend vulnérable aux pathologies et aux lésions, notamment au cours d’une opération chirurgicale, du fait de son passage à proximité d’autres structures. On notera que le nerf récurrent gauche a un trajet plus long et complexe qui le rend plus vulnérable encore que son homologue à droite : il nait dans le thorax au niveau de la crosse de l’aorte et remonte ensuite vers le larynx en suivant la trachée alors que le nerf récurrent droit nait à la base du cou au niveau de l’artère sous-clavière. Des deux côtés, les nerfs récurrents longent ensuite la glande thyroïde (McFarland, 2016).

II-

La voix pathologique

2.1 Les dysphonies dysfonctionnelles et organiques

La dysphonie est un trouble de la phonation. Le Huche et Allali (2010) proposent cette définition : « trouble momentané ou durable de la fonction vocale ressenti comme tel par le sujet lui-même ou son entourage ». La dysphonie se caractérise généralement par l’altération d’un ou de plusieurs paramètres acoustiques de la voix (le timbre, la hauteur et l’intensité) mais elle peut également ne pas avoir de traduction acoustique : elle est alors ressentie par le patient. Cette définition de la dysphonie laisse place à une grande part de subjectivité et on parle de trouble lorsque le patient identifie sa voix comme anormale. Afin de déterminer le caractère pathologique de la voix, il faudra donc tenir compte de la qualité de celle-ci mais également de la gêne ressentie par le patient : en effet, un patient peut tout à fait se trouver satisfait d’une voix altérée sur le plan acoustique et, à l’inverse, un autre se trouvera très gêné sans qu’aucune perturbation du son ne soit trouvée.

On distingue généralement :

- les dysphonies dysfonctionnelles, qui sont une altération de la fonction vocale générée et/ou entretenue par un geste vocal inadapté. On observe souvent une perturbation de la synergie pneumo-phonique. La dysfonction peut alors entraîner une lésion laryngée si elle n’est pas prise en charge.

- les dysphonies organiques, correspondant à un trouble de la phonation en présence d’une lésion anatomique ou physiologique du larynx, essentiellement au niveau de la glotte (cancer laryngé, nodules, kystes, polypes sur les cordes vocales…). Les lésions peuvent alors entraîner un dysfonctionnement réactionnel de la fonction vocale.

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2.2 La paralysie laryngée

Une des causes possibles de dysphonie organique est l’immobilité des cordes vocales (ou une restriction de leur mouvement) qui peut être due à (Le Huche et Allali, 2010) :

- un blocage articulaire au niveau de l’articulation crico-aryténoïdienne ou entre les apophyses vocales causé par un traumatisme (par exemple au cours de l’intubation), une tumeur, un mécanisme cicatriciel ou rhumatismal ;

- une myopathie avec une impossibilité de contraction ;

- une paralysie laryngée qui peut être une atteinte des voies nerveuses centrales (avec une atteinte du tronc cérébral ou de la base du crâne) ou périphériques sur le trajet du nerf vague ou de ses branches (atteinte au niveau du larynx, de la carotide interne, de la crosse de l’aorte, de la zone broncho-pulmonaire, de l’œsophage, ou encore de la thyroïde). La thyroïdectomie est en effet la cause la plus fréquente de paralysie bilatérale des cordes vocales (Swibel Rosenthal et al., 2007).

La paralysie laryngée peut être asymptomatique ou se manifester par une dysphonie, une dyspnée laryngée et parfois par un trouble de la déglutition. Les symptômes varient selon que la paralysie est uni- ou bilatérale, en fermeture ou en ouverture.

Lorsque la paralysie des cordes vocales est en ouverture, le patient présente une dysphonie ou une aphonie, un trouble de déglutition avec de nombreuses fausses routes et la perte de la fonction d’occlusion du larynx. La respiration est alors généralement préservée mais on retrouve parfois une mauvaise gestion du souffle.

Lorsque la paralysie récurrentielle est en fermeture, le tableau clinique est souvent dominé par une dyspnée laryngée qui perturbe la coordination pneumo-phonique.

III- L’évaluation de la voix

3.1 L’évaluation de la voix : subjectivité et objectivité

Devant toute plainte vocale, l’évaluation de la voix doit permettre d’établir un état des lieux qui facilitera le diagnostic, la comparaison dans le temps (notamment avant et après traitement) et les choix thérapeutiques. Un protocole d’évaluation fonctionnelle a été proposé par la Société européenne de laryngologie (Dejonckere et al., 2001). Il est repris et

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détaillé dans un article de Giovanni et de Saint-Victor (2013) selon qui le bilan clinique vocal comporte au minimum :

1) un enregistrement de la voix, nécessaire pour les comparaisons ultérieures ;

2) une évaluation perceptive qui consiste à évaluer subjectivement à l’oreille la qualité de la voix (notamment du timbre). Elle peut s’effectuer à l’aide de différentes échelles dans l’objectif d’uniformiser la terminologie et les critères d’évaluation ;

3) une auto-évaluation par le patient de sa voix et de son handicap vocal. En fonction de sa profession, de ses interactions sociales et de l’importance accordée à la communication orale, le patient peut ressentir un handicap plus ou moins important, qui ne paraît pas toujours en lien avec les altérations acoustiques. L’auto-évaluation par le patient aide ainsi à la construction du projet thérapeutique car le thérapeute visera à réduire la gêne réelle du patient ;

4) une évaluation instrumentale des paramètres acoustiques en fonction du matériel disponible. L’évaluation quantitative confère un ancrage objectif au bilan vocal. Ainsi, pour chaque paramètre, il est préférable de multiplier les mesures et d’effectuer une moyenne afin de rendre compte de la variabilité des performances (dans la voix normale et pathologique). L’évaluation instrumentale permet en outre de comparer les paramètres acoustiques à des normes mais également de les comparer avant et après un traitement, et ainsi objectiver les progrès.

Le bilan intègre toujours une analyse de la demande du patient afin de déterminer la plainte, la chronologie des troubles vocaux, les antécédents et le contexte médical. Un examen clinique médical donnera une idée précise du fonctionnement des cordes vocales. Une évaluation des tensions musculaires et respiratoires du patient sera également indispensable à l’élaboration du projet thérapeutique de la rééducation vocale.

L’évaluation de la voix est donc un bilan complexe : tous ces angles d’observation sont nécessaires pour rendre compte des aspects multidimensionnels de ce support de la communication orale.

3.2 L’évaluation subjective

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- celle du praticien : c’est l’analyse perceptive (ou perceptuelle) - celle du patient : c’est l’auto-évaluation par questionnaire.

Pour l’analyse perceptive, le praticien doit juger de la qualité de la voix et de ses caractéristiques perceptives. Il peut pour cela utiliser différentes échelles dont la plus utilisée est l’échelle GRBASI développée par Hirano (1981) et complétée par la suite par Dejonckere (1996) qui évalue six paramètres :

- « G » pour l’impression générale de sévérité de la dysphonie ;

- « R » pour la raucité qui réfère à l’impression d’irrégularité de vibration ;

- « B » pour le souffle qui évalue la présence de fuite d’air altérant la voix, par manque d’accolement glottique phonatoire ;

- « A » pour l’asthénie qui traduit le manque de puissance, la faiblesse de la voix ; - « S » pour le serrage, l’impression d’effort et de tension, notamment lorsqu’il y a un

forçage vocal ;

- « I » (ajouté par Dejonckere) pour mesurer l’instabilité qui correspond aux variations de la qualité de la voix d’un instant à l’autre ;

Pour chaque paramètre, le praticien cote selon quatre degrés de sévérité, allant de 0 (normal / absence) à 3 (présence maximale). Ainsi, plus le score GRBASI est élevé, plus l’altération vocale est jugée importante par le professionnel.

L’évaluation perceptive est indispensable puisque l’oreille est l’outil le plus performant et le plus accessible pour juger de la qualité de la voix et c’est généralement cette analyse qui permettra d’apprécier l’évolution après une thérapie. Elle est cependant insuffisante du fait des biais qu’elle présente. La variabilité importante de cotation inter-évaluateur (jugement de deux évaluateurs sur une même voix) et même intra-évaluateur (jugement d’un même évaluateur à des temps différents) est réduite par l’emploi de jurys d’écoute mais ces derniers sont difficiles à mettre en œuvre en pratique clinique courante. La complémentarité des évaluations instrumentales est alors indispensable, les évaluations dites « objectives » compensant cette importante subjectivité (Ghio et al., 2007).

Le patient évalue parallèlement la qualité de sa voix. Ce questionnement est l’occasion de l’amener à s’interroger sur l’importance respective de l’altération acoustique et des

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conséquences de celle-ci. Différentes échelles peuvent être utilisées : le placement d’un curseur sur une échelle analogique bipolaire allant de 0 (voix normale) à 100 (voix très pathologique), par exemple.

Le Voice Handicap Index (VHI) (Jacobson et al., 1997) est l’auto-questionnaire évaluant quantitativement le handicap vocal le plus répandu. Il distingue l’impact de la dysphonie sur les sphères fonctionnelle (impact dans les activités de la vie quotidienne), émotionnelle (réponse affective) et physique (perception que le patient a des caractéristiques physiques de sa voix). Les trente questions du VHI sont réparties équitablement entre ces trois aspects. Pour chaque item, le patient répond selon la fréquence de survenue de situations négatives vis-à-vis de sa voix : « jamais » (0), « presque jamais » (1), « parfois » (2), « presque toujours » (3), ou « toujours » (4). Plus le score est élevé, plus le handicap vocal est important.

Il existe une version abrégée du Voice Handicap Index, le VHI-10 qui, sans perdre de validité, évalue quantitativement la perception du patient de son handicap vocal mais qui ne distingue pas les impacts dans les domaines fonctionnel, émotionnel et physique. Le VHI-10 serait un outil plus robuste que le VHI pour évaluer le handicap vocal et nécessite moins de temps de passation, ce qui en fait un outil très utilisé en clinique (Rosen et al., 2004).

3.3 L’évaluation objective : analyse instrumentale

L’évaluation objective de la voix qualifie mais surtout quantifie la fonction vocale et ses dysfonctions éventuelles à partir de mesures acoustiques et aérodynamiques. Des mesures électrophysiologiques peuvent également être réalisées.

Différents logiciels de traitement du signal sont disponibles : par exemple les logiciels Vocalab (Anne Menin et Etienne Sicard) et Praat (Paul Boersma et David Weenink) disposent des principales fonctionnalités de mesure des paramètres acoustiques. Le système d’Évaluation Vocale Assistée (EVA®) est un autre dispositif qui intègre une évaluation des paramètres acoustiques et des mesures aérodynamiques (débits d’air et pressions). Ces logiciels effectuent généralement les mesures à partir de la tenue d’un /a/. Ce contexte étant très éloigné de la parole naturelle continue, l’analyse instrumentale doit être interprétée au regard de l’ensemble des évaluations cliniques réalisées.

Le choix des paramètres à mesurer reste sujet à débat entre les chercheurs, mais les plus courants sont (Giovanni et al., 2013) :

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- La hauteur tonale avec la détermination de la fréquence fondamentale F0 (en hertz ou en note de musique). La mesure objective de la fréquence correspond le plus fréquemment à une analyse spectrale, représentant la structure fréquentielle au cours du temps. On peut ainsi également mesurer l’étendue vocale (entre la note la plus grave et la note la plus aiguë) qui donnera des indices sur les possibilités de modulation.

- L’intensité (en décibels) : on la mesure à l’aide d’un sonomètre. Il est possible de mesurer l’intensité de la voix conversationnelle (correspondant à une intensité moyenne usuelle), l’intensité minimale et maximale (intensité de la voix projetée) afin de déterminer les possibilités de modulation de la puissance.

- L’instabilité : les mesures instrumentales rendent compte des irrégularités à court terme du son, présentes dans de nombreuses pathologies vocales. Ainsi, on mesure fréquemment le jitter (écart-type de la période de la fréquence fondamentale, c’est-à-dire la variation de hauteur) et le shimmer (écart-type de l’amplitude, c’est-c’est-à-dire la variation d’intensité).

- Le temps maximal de phonation (TMP) est un indice de qualité de la coordination pneumo-phonique et donne un indice sur la fonctionnalité de la respiration lorsqu’elle est au service de la phonation. Il se mesure sur la tenue du /a/ à intensité et hauteur confortables.

D’autres mesures aérodynamiques peuvent être prises : ces paramètres permettent notamment d’appréhender la coordination pneumo-phonique, la fuite glottique dans le cas d’un mauvais accolement des cordes vocales ou encore la présence d’un forçage vocal. On explore généralement les pressions d’air sous-glottique et intra-orale ainsi que les débits d’air nasal et oral (Teston, 2004). Ces mesures sont importantes dans de nombreux cas, notamment lorsque la dysfonction vocale n’a pas de traduction acoustique (par exemple, dans le cas du forçage vocal, la pression sous-glottique sera majorée, sans nécessairement retentir sur les paramètres acoustiques) ou lorsqu’une dysfonction respiratoire est associée.

Le bilan vocal est donc un acte multidimensionnel et aucune mesure ne suffit pour caractériser une voix. Au total, l’évaluation perceptive évalue plus volontiers l’aspect fonctionnel et l’utilisation de la fonction vocale, tandis que l’évaluation instrumentale traduit les caractéristiques « mécaniques » de la phonation. Par ailleurs, l’évaluation du

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handicap vocal permet de mesurer le retentissement de l’altération vocale sur la qualité de vie du patient dans les activités de la vie quotidienne.

L’objectif de cette étude sera de déterminer s’il existe une corrélation entre le handicap vocal ressenti et les évaluations instrumentale et perceptive, dans le cas d’une paralysie laryngée bilatérale en fermeture.

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Matériel et méthode

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Population et procédure d’évaluation

1.1 Population de l’étude

Les données nécessaires à l’étude des corrélations entre les évaluations subjectives et objectives de la voix sont issues des dossiers médicaux des patients inclus dans le protocole de réinnervation des paralysies laryngées bilatérales en fermeture. Ce protocole est mené à l’hôpital Charles Nicolle du CHU de Rouen (76) par le professeur Jean-Paul MARIE. L’objectif est d’améliorer la fonction respiratoire des patients en préservant le plus possible ou en améliorant la fonction vocale.

Tous les patients répondent aux critères suivants :

CRITÈRES D’INCLUSION CRITÈRES D’EXCLUSION

Paralysie laryngée bilatérale en fermeture

Sans amélioration depuis 6 mois ou plus (ou depuis moins de 6 mois s’il y a une destruction bilatérale des nerfs laryngés inférieurs)

Mobilité arycricoïdienne normale

Être âgé de plus de 16 ans et de moins de 75 ans Information éclairée réalisée

Consentement écrit recueilli

Examens cardio-vasculaire, neurologique et clinique normaux

Sans antécédent respiratoire notable

Pour les femmes en âge de procréer : test de grossesse négatif

Paralysie laryngée datant de plus de 3 ans sans signe de réinnervation syncinésique sur le bilan électromyographique laryngé

Traitement de la paralysie laryngée autre que la trachéotomie, l’injection de toxine botulique dans les muscles laryngés, ou la cordectomie postérieure sans geste sur l’aryténoïde et avec préservation vocale (GRBASI ≤ 3)

Ankylose arycricoïdienne

Être âgé de moins de 16 ans ou de plus de 75 ans Antécédents respiratoires pathologiques ou fonction respiratoire anormale

Antécédent d’irradiation cervicale

Contre-indication anesthésique, diabète, atteinte neurologique autre que la diplégie laryngée, pathologie cardiovasculaire ischémique

(19)

19

Les patients présentent donc tous une dyspnée et/ou une dysphonie avec une cause commune : une paralysie laryngée bilatérale en fermeture. L’étude comporte n = 36 patients, l’âge moyen est de 47 ans et 2 mois au moment de l’opération ; le minimum est de 16 ans et le maximum est de 75 ans. Le sex-ratio est de 31 femmes pour 5 hommes, sans doute du fait de la plus grande fréquence des dysfonctionnements thyroïdiens chez la femme. En effet, la chirurgie de la thyroïde est en cause dans un tiers des cas des paralysies laryngées bilatérales (Swibel Rosenthal et al., 2007).

1.2 Les évaluations et les variables étudiées

Les évaluations effectuées lors du protocole de réinnervation laryngée suivent les recommandations pour la bonne pratique clinique dans le cas des paralysies récurrentielles de l’adulte (Société française d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou, 2002). Concernant la fonction vocale, nous disposons de :

- L’auto-évaluation subjective de la voix et du handicap vocal avec les scores obtenus au VHI et/ou VHI-10 et à l’échelle analogique de la qualité de la voix (cf. annexes 1, 2 et 3) du questionnaire de handicap vocal élaboré et utilisé dans le service ORL-chirurgie cervico-faciale du CHU de Rouen. Le questionnaire VHI a été modifié par l’ajout d’une catégorie « C » (caractéristiques acoustiques) définie par l’unité de la voix et de la déglutition du service ORL du CHU de Toulouse pour évaluer les paramètres acoustiques. Le choix s’est donc porté sur le score obtenu au VHI-10 pour l’auto-évaluation du handicap vocal afin de comparer les résultats avec la littérature mais également pour sa forte validité.

- L’évaluation perceptive de la voix par un professionnel grâce à l’échelle GRBASI. - L’analyse instrumentale de la voix comprend des analyses acoustiques (jitter,

shimmer, intensité de la voix conversationnelle et de la voix projetée, hauteur tonale) et des analyses aérodynamiques (notamment du TMP). Les mesures instrumentales ont été réalisées à l’aide du logiciel EVA© sur la tenue du /a/ aussi long et régulier que possible. Les valeurs sont ensuite comparées à des normes établies dans le laboratoire du service, dans les mêmes conditions de passation, à partir d’une population de référence.

(20)

20

- L’analyse vidéostroboscopique du larynx et l’électromyographie laryngée. Ces examens ne seront pas analysés pour cette étude mais confirment que tous les patients présentent le même diagnostic médical de paralysie laryngée bilatérale.

Le planning des évaluations a été défini afin de suivre l’évolution des fonctions respiratoires et vocales, à distance de l’opération. Ainsi, des tests ont été pratiqués en préopératoire, en post-opératoire entre 1 et 3 mois, entre 6 et 9 mois, à 12 mois et enfin entre 18 et 24 mois post-opératoires. Si nécessaire, des évaluations plus tardives ont été proposées (plus de deux ans et demi après l’opération).

II-

Méthode et hypothèses opérationnelles

L’hypothèse faite dans ce mémoire est qu’il existe un lien entre l’auto-évaluation du handicap vocal et un paramètre de l’analyse perceptive et/ou objective de la voix chez les patients présentant une paralysie laryngée bilatérale en fermeture.

Nous étudierons dans un premier temps les corrélations entre le VHI-10 et les évaluations perceptives et instrumentales en préopératoire. Cette date nous permettra d’analyser le lien entre les évaluations lorsque les patients présentent une dyspnée qui interfère nécessairement avec les évaluations instrumentales et avec le handicap ressenti. Parmi les patients opérés dans le cadre du protocole, nous avons donc sélectionné tous les patients qui ont rempli un questionnaire abrégé de handicap vocal en préopératoire (n = 36). Nous nous intéresserons ensuite aux évaluations post-opératoires tardives (entre 12 et 18 mois après l’opération) afin d’étudier ces mêmes corrélations chez les patients dont la dyspnée est supposée s’être améliorée. Pour sélectionner ces patients, nous avons choisi ceux dont le volume inspiratoire maximum au cours de la première seconde (VIMS) a augmenté.

Nous avons choisi d’effectuer les tests de corrélations entre le VHI-10 et la mesure de la hauteur tonale (F0), de l’intensité de la voix conversationnelle et de la voix projetée (intensité maximale), de l’instabilité (jitter et shimmer), du temps maximal de phonation (TMP) et enfin avec le score perceptif du GRBASI. Ces évaluations sont en effet les plus couramment utilisées dans la littérature. La corrélation entre les deux auto-évaluations de la voix et du handicap (échelle analogique et VHI-10) sera également calculée afin de déterminer le lien entre l’altération vocale telle qu’elle est perçue par le sujet et le handicap ressenti.

(21)

21

Au regard des données de la littérature exposées précédemment sur les patients présentant une paralysie laryngée bilatérale en fermeture et dont le tableau clinique est dominé par la dyspnée laryngée, nous pouvons alors formuler les hypothèses opérationnelles suivantes :

- L’évaluation perceptive et l’auto-évaluation du handicap vocal seront corrélées, les évaluations subjectives du patient et du thérapeute prenant en compte toutes les deux de l’altération d’un point de vue fonctionnel. Le VHI-10 sera donc corrélé à l’échelle GRBASI et à l’échelle analogique d’auto-évaluation de la qualité de la voix.

- La dyspnée inspiratoire oblige le patient à reprendre son souffle très fréquemment et lentement. L’altération pneumo-phonique impacte la possibilité de parler longtemps et/ou fort. Le handicap vocal ressenti sera donc fortement lié aux possibilités respiratoires du patient. Le VHI-10 sera donc corrélé au TMP et à l’intensité maximale en préopératoire.

- Le handicap vocal pourra être lié à d’autres paramètres acoustiques en préopératoire, notamment l’intensité de la voix parlée qui est également dépendante de la synergie pneumo-phonique, mais dans une moindre mesure.

- Les paramètres acoustiques mesurant l’instabilité (jitter et shimmer) seront également liés au VHI-10 puisqu’ils sont de bons indicateurs du niveau de dysphonie.

- Le handicap vocal ressenti sera plus fortement influencé par les qualités vocales de la voix lorsque la dyspnée sera améliorée (en post-opératoire) et donc le VHI-10 sera corrélé avec les évaluations de la hauteur, de l’intensité et du timbre (indices du GRBASI notamment).

(22)

22

Analyse statistique

La corrélation entre le score au VHI-10 et la mesure de chaque paramètre a été calculée avec un test r de Spearman. Nous retiendrons un niveau de significativité inférieur à 5% (p < 0,05). Les coefficients de corrélation r varient entre –1 et 1 : un coefficient positif indique une corrélation positive (lorsqu’une variable évolue dans un sens, l’autre évolue dans la même direction) et un coefficient négatif indique une corrélation négative (les variables évoluent en sens opposé). Nous retiendrons les niveaux de corrélation suivants :

- r compris entre -0,3 et 0,3 = corrélation faible ;

- r compris entre 0,3 et 0,5 (ou entre -0,5 et -0,3) = corrélation passable ; - r compris entre 0,5 et 0,7 (ou entre -0,7 et -0,5) = corrélation moyenne ; - r supérieur à 0,7 (ou inférieur à -0,7) = corrélation forte.

I-

Corrélations préopératoires

On constate une corrélation forte entre le score au VHI-10 et le score à l’échelle GRBASI, avec une très bonne significativité. Ainsi, le handicap vocal semble corrélé à l’altération générale de la voix évaluée subjectivement par le thérapeute. Ce résultat suggère que le handicap vocal est influencé par une combinaison de paramètres perceptifs. Afin d’affiner ce premier résultat, le niveau de corrélation entre chaque indice de l’échelle GRBASI et le VHI-10 a été déterminé (présenté par ordre de niveau de corrélation) :

- Corrélation VHI-10 et somme des indices G-R-B (paramètres qui ont démontré une robustesse suffisante selon Giovanni et de Saint-Victor, 2013) : r = 0,6593 ; p = 0,0001 - Corrélation VHI-10 et indice G (sévérité de la dysphonie) : r = 0,6399 ; p = 0,0001

0 5 10 15 0 10 20 30 40 TOT AL G RBA SI (s u r 12) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction du GRBASI en préopératoire r = 0,7102 ; p = 1,592E-5 ; n = 29 0 50 100 150 0 10 20 30 40 Ech elle an alo giqu e d e la q u alit é d e la v o ix VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de l'échelle analogique d'auto-évaluation en préopératoire

(23)

23

- Corrélation VHI-10 et indice I (instabilité) : r = 0,5446 ; p = 0,0023 - Corrélation VHI-10 et indice B (souffle) : r = 0,5104 ; p = 0,0047 - Corrélation VHI-10 et indice A (asthénie) : r = 0,5003 ; p = 0,0057

- Corrélation VHI-10 et indice R (raucité) : r = 0,3236 ; p = 0,0867 (non significatif : on ne peut pas interpréter les résultats et donc dire s’il y a ou non une corrélation)

- Corrélation VHI-10 et indice S (serrage) : r = 0,0667 ; p = 0,731 (non significatif)

On constate qu’il existe une corrélation moyenne entre le VHI-10 et la combinaison des paramètres G-R-B ainsi qu’avec les indices G, I, B et A de l’échelle GRBASI. Ces résultats vont dans le sens d’un lien complexe et multiple entre le handicap vocal ressenti et les altérations vocales, qui serait bien « capté » par l’évaluation perceptive du professionnel.

Un niveau de corrélation moyen existe entre les deux auto-évaluations proposées au patient (VHI-10 et échelle analogique). La qualité de la voix telle que le patient la perçoit et le handicap vocal ressenti sont donc liés.

Un niveau de corrélation passable est retrouvé entre le VHI-10, l’intensité de la voix

projetée (intensité maximale) et le temps maximal phonatoire qui sont deux évaluations

objectives liées à la capacité respiratoire du patient. En effet, afin de produire un son d’une puissance importante et/ou sur une longue durée, le patient doit avoir une capacité respiratoire suffisante et une bonne coordination pneumo-phonique.

60 70 80 90 100 110 0 10 20 30 40 In ten sit é vo ix p ro jet ée (d B) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de l'intensité de la voix projetée en préopératoire r = -0,4266 ; p = 0,0160 ; n = 35 0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 TMP (s econ d es ) VHI-10 (sur 40) VHI-10 en fonction du TMP en préopératoire r = -0,4156 ; p = 0,0145 ; n = 34

(24)

24

Aucun lien ne peut être conclu avec certitude entre le VHI-10, l’intensité de la voix conversationnelle et la hauteur face à une significativité insuffisante pour ces deux tests.

Concernant la hauteur, on peut s’interroger sur l’effet de la différence entre la hauteur tonale chez l’homme et la femme. De plus, on constate que peu de patientes ont une voix pathologiquement aggravée (normes entre 163,18 et 204,39 Hz, établies au sein du laboratoire auprès de 12 femmes d’âge moyen de 59 ans et 6 mois) : une seule patiente a une hauteur tonale inférieure à 150 Hz, les autres voix sous les 150 Hz étant celles des hommes. C’est également le cas pour l’intensité de la voix conversationnelle qui est dans la norme chez la majorité des patients (la norme se situe entre 59,92 et 77,20 dB pour la population de référence). Or, on constate que seul un patient se situe au niveau de la borne inférieure.

Ainsi, la paralysie laryngée bilatérale en fermeture semble peu affecter la hauteur et l’intensité conversationnelle.

Les corrélations entre le handicap vocal et les mesures d’instabilité ne sont pas interprétables (p > 0,05). Ces résultats pourraient être dus aux valeurs extrêmes du shimmer et du jitter. 0 50 100 150 200 250 300 0 10 20 30 40 H au teu r (Hz ) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de la hauteur tonale en préopératoire r = 0,2301 ; p = 0,183 ; n = 35 50 60 70 80 90 100 110 0 10 20 30 40 In ten sité vo ix con ve rs at ion n elle (d B) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de l'intensité de la voix conversationnelle en préopératoire r = -0,1957 ; p = 0,267 ; n = 34 0 1 2 3 4 5 0 10 20 30 40 Sh im m er (d B) VHI-10 (sur 40) VHI-10 en fonction du shimmer en

préopératoire r = 0,306 ; p = 0,0736 ; n = 35 0 20 40 60 80 100 0 10 20 30 40 Jitt er (Hz ) VHI-10 (sur 40) VHI-10 en fonction du jitter en

préopératoire r = 0,265 ; p = 0,124 ; n = 35

(25)

25

II-

Corrélations post-opératoires

Après sélection des patients ayant amélioré leur fonction respiratoire (VIMS qui a augmenté, sans être systématiquement normalisé) et ayant renseigné un questionnaire de handicap vocal (VHI-10) entre 12 et 18 mois post-opératoires, nous obtenons une population n = 22 patients.

On note une diminution significative de la moyenne au VHI-10 entre les périodes d’évaluation préopératoire ( = 19,3) et post-opératoire ( = 10,7). Le score à l’échelle GRBASI est stable (différence non significative entre les moyennes) entre les deux temps de l’évaluation. Il en est de même pour les mesures du TMP, du jitter et du shimmer. On considère donc que les patients ont a minima une préservation de leur fonction vocale. Les patients expriment donc une diminution du handicap vocal en l’absence d’amélioration significative des résultats aux évaluations perceptives et objectives.

Nous effectuons les mêmes corrélations entre les différentes évaluations et le handicap vocal pour ces patients chez qui nous considérons que la dyspnée a diminué.

Une corrélation forte est de nouveau retrouvée entre le VHI-10 et le score total de l’échelle perceptive GRBASI en post-opératoire, avec une très bonne significativité. Il en est de même pour la corrélation entre le VHI-10 et l’échelle analogique. Afin de voir si les liens entre les qualités acoustiques perceptives et le handicap vocal évoluent une fois que la dyspnée a diminué, nous calculons le niveau de corrélation entre chaque indice de l’échelle GRBASI et le VHI-10 :

- Corrélation VHI-10 et indice G (sévérité de la dysphonie) : r = 0,8626 ; p = 4,107E-6

0 2 4 6 8 10 0 10 20 30 40 TOT AL G RBA SI (s u r 12) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction du GRBASI en post-opératoire r = 0,874; p = 2,175E-6 ; n = 18 0 20 40 60 80 100 0 10 20 30 40 Ech elle an alo giqu e d e la q u alité d e la voix VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de l'échelle analogique d'auto-évaluation en post-opératoire

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26

- Corrélation VHI-10 et somme des indices G-R-B : r = 0,7406 ; p = 0,000440 - Corrélation VHI-10 et indice I (instabilité) : r = 0,629 ; p = 0,00518

- Corrélation VHI-10 et indice S (serrage) : r = 0,6026 ; p = 0,00812 - Corrélation VHI-10 et indice A (asthénie) : r = 0,5574 ; p = 0,0162 - Corrélation VHI-10 et indice R (raucité) : r = 0,474 ; p = 0,0468

- Corrélation VHI-10 et indice B (souffle) : r = 0,32 ; p = 0,195 (non significatif)

On constate quelques changements entre les moments préopératoire et post-opératoire. Les meilleures corrélations sont encore entre le handicap vocal et l’indice de sévérité de la dysphonie et la somme des indices G-R-B. En revanche, contrairement à l’évaluation préopératoire, le handicap vocal est mieux corrélé aux indices I, S, A et R en post-opératoire.

Une corrélation (moyenne) négative est de nouveau retrouvée entre le VHI-10 et l’intensité de la voix projetée. Ainsi, la coordination pneumo-phonique reste une donnée importante, liée au handicap vocal chez les patients présentant une paralysie laryngée bilatérale, même lorsque la dyspnée s’est améliorée (mais pas toujours normalisée).

En revanche, la corrélation avec le TMP ne peut plus être établie (p > 0,05) après la réinnervation. Cela peut être dû à une évolution hétérogène de ce paramètre chez les patients qui ne va pas dans le sens d’une amélioration systématique.

60 70 80 90 100 110 0 10 20 30 40 In ten sité vo ix p ro jeté e (d B) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de l'intensité de la voix projetée en post-opératoire r = -0,5223 ; p = 0,0181 ; n = 20 0 5 10 15 20 25 0 10 20 30 40 TMP (s econ d es ) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction du TMP en post-opératoire

(27)

27

Comme en préopératoire, les corrélations entre le VHI-10 et la hauteur, l’intensité moyenne de la voix conversationnelle, le jitter et le shimmer ne peuvent être établies par manque de significativité des tests (p > 0,05).

Tableau 1. Synthèse des niveaux de corrélations entre le VHI-10, les paramètres acoustiques, l’échelle GRBASI et l’échelle analogique d’auto-évaluation de la voix en préopératoire.

PARAMETRES GRBASI Échelle analogique Intensité voix projetée

TMP Hauteur Jitter Shimmer Intensité voix conversationnelle VHI-10 n 29 32 35 34 35 35 35 34 r 0,7102 0,5712 -0,4266 -0.4156 0,2301 0,265 0,306 -0.1957 p-value 1,592E-5 0,000638 0,0160 0,0145 0,183 0,124 0,0736 0,267 NIVEAU DE

CORRÉLATION FORTE MOYENNE PASSABLE PASSABLE p > 0,05 p > 0,05 p > 0,05 p > 0,05 80 130 180 230 280 330 0 10 20 30 40 H au teu r (Hz ) VHI-10

VHI-10 en fonction de la hauteur en post-opératoire r -0,0212 = ; p = 0,929 ; n = 20 60 65 70 75 80 85 90 0 10 20 30 40 In te n sité v oix con ve rs at ion n ell e (d B) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction de l'intensité de la voix conversationnelle en post-opératoire r = -0,2245 ; p = 0,341 ; n = 20 0 5 10 15 0 10 20 30 40 Jitt er (Hz ) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction du jitter en post-opératoire r = 0,2978 ; p = 0,2485 ; n = 20 0 1 2 3 4 5 0 10 20 30 40 Sh im m er (d B) VHI-10 (sur 40)

VHI-10 en fonction du shimmer en post-opératoire

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28

Tableau 2. Synthèse des niveaux de corrélations entre le VHI-10, les paramètres acoustiques, l’échelle GRBASI et l’échelle analogique d’auto-évaluation de la voix en post-opératoire

PARAMETRES GRBASI Échelle analogique Intensité voix projetée

TMP Hauteur Jitter Shimmer Intensité voix conversationnelle VHI-10 n 18 20 20 20 20 20 20 20 r 0,874 0,6706 -0,5223 -0,1247 -0,0212 0,2978 0,2706 -0,2245 p-value 2,175E-6 0,00121 0,0181 0,6003 0,929 0,202 0,2485 0,341 NIVEAU DE

CORRÉLATION FORTE MOYENNE PASSABLE p > 0,05 p > 0,05 p > 0,05 p > 0,05 p > 0,05

Tableau 3. Synthèse des niveaux de corrélations entre le VHI-10 et les indices de l’échelle GRBASI en préopératoire PARAMETRES GRBASI (total) G+R+B G R B A S I VHI-10 n 29 29 29 29 29 29 29 29 r 0,7102 0,6593 0,6399 0,3236 0,5104 0,5003 0,0667 0,5446 p-value 1,592E-5 0,0001 0,0001 0,0867 0,0047 0,0057 0,731 0,0023 NIVEAU DE

CORRÉLATION FORTE MOYENNE MOYENNE

p >

0,05 MOYENNE MOYENNE p > 0,05 MOYENNE

Tableau 4. Synthèse des niveaux de corrélations entre le VHI-10 et les indices de l’échelle GRBASI en post-opératoire PARAMETRES GRBASI (total) G+R+B G R B A S I VHI-10 n 18 18 18 18 18 18 18 18 r 0,874 0,7406 0,8626 0,4741 0,32 0,5574 0,6026 0,629 p-value 2,175E-6 0,0004 4,107E-6 0,0468 0,1954 0,0162 0,0812 0,0052 NIVEAU DE

CORRÉLATION FORTE FORTE FORTE PASSABLE

p >

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29

Discussion des résultats

L’objectif de l’étude était de déterminer s’il existe un lien entre le VHI-10 et les évaluations perceptives et objectives de la voix chez des patients présentant une paralysie laryngée bilatérale. Les niveaux de corrélation ont été déterminés avant et après la réinnervation laryngée.

Les résultats confirment l’idée que le handicap vocal présente une origine multifactorielle, incluant l’altération acoustique globale (mais pas seulement) évaluée par le thérapeute et perçue par le patient.

La corrélation entre la qualité de la voix évaluée par le patient (échelle analogique) et le handicap ressenti (VHI-10) montre que le lien entre la déficience et le handicap selon le modèle de l’OMS s’applique bien à la paralysie laryngée bilatérale des cordes vocales. La

qualité acoustique de la voix telle qu’elle est perçue par le patient est donc bien liée au handicap vocal ressenti dans le cadre des paralysies laryngées bilatérales en fermeture.

La corrélation entre le handicap vocal et l’échelle GRBASI, la somme G-R-B et l’indice G en pré- et post-opératoire montre des liens complexes entre l’altération vocale et le handicap qu’elle engendre chez le patient. En effet, cette échelle tient compte du niveau global de la dysphonie (score total, somme G-R-B et indice G) mais également d’altérations perceptives spécifiques, liées à la fois au vibrateur laryngé (indices R, S et I notamment) et à la synergie pneumo-phonique (indices B et A).

En préopératoire, la corrélation entre le VHI-10 et les indices B et A de l’échelle GRBASI, ainsi qu’avec l’intensité en voix projetée et le TMP, traduit le lien entre l’altération pneumo-phonique causée par la paralysie laryngée en fermeture et le handicap ressenti. En effet,

l’indice B est lié au défaut d’accolement des cordes vocales lors de la phonation et l’indice A est lié à la puissance vocale qui dépend notamment de la qualité de la coordination pneumo-phonique, deux fonctions altérées dans les paralysies laryngées bilatérales en fermeture. La perturbation du souffle phonatoire (perturbation de l’adduction des plis vocaux pour la phonation qui empêche d’avoir une pression sous-glottique suffisante pour obtenir un son clair, long et/ou puissant) est donc un élément important dans le ressenti du patient.

La corrélation moyenne entre l’indice I et le VHI-10 montre le lien entre la stabilité de la voix et le handicap ressenti. Si un patient ressent une instabilité dans la qualité de sa voix, il

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30

peut se trouver handicapé dès lors qu’il doit s’appuyer sur sa fonction vocale, puisque celle-ci peut lui faire défaut de façon plus ou moins imprévisible.

L’absence de significativité pour les corrélations entre le VHI-10 et la hauteur et l’intensité de la voix conversationnelle empêche de conclure à la présence ou à l’absence de lien entre le handicap et ces paramètres vocaux. Néanmoins, ces deux paramètres étant peu perturbés, on peut supposer que la hauteur et l’intensité conversationnelle ne sont pas des paramètres acoustiques liés au handicap vocal ressenti dans cette population. On peut en effet penser que si les patients n’ont pas de difficulté à produire une voix d’intensité suffisante pour la conversation dans un milieu calme et/ou d’une tonalité satisfaisante, ces paramètres interviendront peu dans le handicap ressenti.

Enfin, aucune corrélation ne peut non plus être conclue entre le VHI-10 et les mesures d’instabilité. Ces dernières supposent qu’il existe une moyenne stable autour de laquelle la variation est mesurée. Or, dans les pathologies vocales, il peut être difficile de déterminer une valeur moyenne fiable, ce qui rend l’interprétation et l’utilisation des mesures du shimmer et du jitter particulièrement délicates (Giovanni et al., 2013). On peut alors supposer que les nombreuses valeurs extrêmes des mesures du jitter et du shimmer perturbent le calcul statistique. De plus, la corrélation entre l’indice I du GRBASI et le VHI-10 montre que l’instabilité de la voix et le handicap vocal sont liés. La différence ici se situe notamment au niveau de la temporalité : l’indice I estime l’instabilité sur une échelle de temps plus large que celle du jitter et du shimmer, qui évaluent l’instabilité du cycle vibratoire.

Lorsque la dyspnée diminue (en post-opératoire), on observe un changement dans les liens entre les altérations acoustiques et le handicap. Au niveau de l’analyse perceptive, les indices I, S, A et R sont corrélés au VHI-10. La corrélation avec l’indice A, tout comme en préopératoire, met en lien le handicap vocal et l’altération de la coordination pneumo-phonique. On peut supposer que, bien qu’améliorée, la compétence respiratoire n’est pas normalisée pour tous les patients et que cela contraint donc toujours la puissance vocale, et par extension participe au handicap vocal ressenti.

Un changement intéressant par rapport aux résultats préopératoires concerne la corrélation avec les indices R (qui traduit l’impression d’irrégularité de la vibration) et S (relatif à l’impression de serrage laryngé). Ces changements laissent supposer que le comportement phonatoire a été modifié par l’opération et que ce changement est bien évalué par le patient

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31

(via le handicap vocal) et le thérapeute (via l’évaluation perceptive). Ainsi, lorsque la dyspnée

diminue, le score au VHI-10 diminue également et le handicap semble plus lié aux indices traduisant le geste vocal dans l’évaluation perceptive. On peut alors conclure que les altérations concernant le vibrateur laryngé prennent davantage leur part dans le handicap vocal ressenti lorsque la coordination pneumo-phonique est améliorée.

Au niveau des analyses objectives, seule l’intensité de la voix projetée reste corrélée de façon significative au VHI-10. Ainsi, la possibilité de projeter sa voix reste une donnée importante et liée au handicap ressenti, même lorsque la dyspnée s’améliore. On soulignera de nouveau le fait que, bien qu’améliorée, la dyspnée n’est pas normalisée pour tous les patients sélectionnés, ce qui constitue un des biais de l’étude.

Au total, le niveau de corrélation entre le handicap vocal et l’analyse perceptive, comparativement au niveau de corrélation avec l’analyse instrumentale, met en évidence le fait que l’évaluation instrumentale ne reflète que partiellement l’usage de la voix. Ainsi, le patient peut avoir des altérations qui sont bien captées par l’évaluation perceptive mais qui ne transparaissent pas toujours dans les mesures acoustiques et aérodynamiques (comme c’est le cas par exemple avec l’instabilité). Le patient peut en effet avoir une voix peu perturbée sur un /a/ tenu mais ne pas pouvoir l’utiliser dans les activités de la vie quotidienne. Les usages et implications en situation de communication de la voix en font alors un outil qui ne peut s’évaluer qu’avec un bilan multidimensionnel.

La comparaison avec les données de la littérature n’est pas évidente. En effet, les études les plus proches de la nôtre sont celles étudiant des groupes de patients présentant une paralysie unilatérale des cordes vocales (Schindler et al., 2009 ; Gillespie et al., 2014 ; Dehqan et al., 2017). Les auteurs ont trouvé des corrélations entre le VHI et les paramètres aérodynamiques (débit d’air phonatoire, TMP) et certaines données acoustiques (jitter, shimmer, rapport signal-bruit) chez ces patients. Il nous manque néanmoins des données sur le niveau de sévérité de la dysphonie et/ou de la dyspnée de ces patients pour conclure à une similarité entre nos études. En effet, le tableau clinique des paralysies laryngées unilatérales est très variable selon la position adoptée par la corde vocale immobile. Généralement, la dysphonie est associée à une paralysie unilatérale en ouverture (avec des troubles de la déglutition) et les troubles dyspnéiques sont moins importants que dans les paralysies

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bilatérales. Les différences entre nos résultats et la littérature peuvent être interprétées au regard des pathologies étudiées. Ces résultats vont bien dans le sens d’un lien

pathologie-dépendant entre les évaluations subjectives et objectives de la voix. Dans le cadre des paralysies laryngées bilatérales en fermeture, le handicap vocal ressenti est lié à l’analyse perceptive et aux évaluations objectives du TMP et de l’intensité maximale.

Différents biais ont été identifiés dans ce mémoire. Tout d’abord, il convient de s’interroger sur la population sélectionnée. De par la rareté de l’atteinte bilatérale des cordes vocales, le petit nombre de sujets limite la portée statistique des résultats. De plus, l’hétérogénéité clinique de la population conduit à une certaine prudence dans l’interprétation. En effet, bien que tous les patients présentent une paralysie laryngée bilatérale des cordes vocales en fermeture, les tableaux cliniques sont disparates. Certains patients présentent des altérations acoustiques importantes qui sont sur le devant du tableau clinique là où d’autres présentent une dyspnée majeure nécessitant une trachéotomie. Il en est de même après l’opération qui n’a pas normalisé la respiration pour tous les patients, même si la majorité a amélioré leur statut ventilatoire avec une décanulation dans la majorité des cas (Marie et al., 2014). Ainsi, bien que la dyspnée soit moins importante en post-opératoire, la fonction respiratoire et la coordination pneumo-phonique ne sont pas systématiquement normalisées.

Le choix des évaluations a également été le sujet de réflexions. Les outils ont été sélectionnés notamment en fonction des recommandations de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou (2002) concernant l’examen clinique dans le cadre des paralysies laryngées bilatérales.

Concernant l’échelle GRBASI, le jury d’écoute n’a pas pu être mis en place de façon systématique ce qui laisse place à une plus grande subjectivité dans les cotations. De plus, on pourrait s’interroger sur la pertinence des items A, S et I qui sont parfois critiqués dans la littérature pour leur manque de robustesse (Dejonckere et al., 2001). Néanmoins l’évaluation perceptive n’a pas été effectuée sur la base d’enregistrements audio de la voix mais bien lors d’une consultation avec le patient. Ainsi, les biais méthodologiques liés aux enregistrements (distance du microphone qui perturbe l’intensité, prise en compte des manifestations comportementales du forçage vocal…) qui amoindrissent la robustesse de ces indices ne sont pas applicables ici, ce qui nous permet d’utiliser avec fiabilité les indices A, S et I pour l’évaluation perceptive de la voix.

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L’échelle analogique du questionnaire rouennais est conforme aux recommandations de Dejonckere et al. (2001) puisqu’elle propose au patient d’évaluer sa voix sur une échelle de dix centimètres allant de 0 (voix tout à fait normale) à 100 (voix très anormale). Une analyse qualitative et quantitative plus détaillée pourrait également être proposée avec une échelle d’auto-évaluation de la qualité de la voix utilisant divers qualificatifs afin d’amener le patient à se questionner sur les altérations acoustiques de sa voix (Giovanni et al., 2013). Cela permettrait d’étudier les liens entre l’analyse perceptive du patient en différenciant plusieurs critères (comme cela est fait avec l’échelle GRBASI) et son handicap vocal.

Finalement, la méthode statistique diffère aussi selon la littérature. Bien que la majorité des auteurs appliquent la même méthodologie que celle utilisée dans ce mémoire, une autre approche aurait pu être utilisée. Gillespie et al. (2014) ont par exemple choisi un autre procédé qui aurait pu s’appliquer ici : ils ont corrélé les évolutions moyennes du VHI avec celles des mesures acoustiques. Ils ont donc cherché à savoir si le changement de score du VHI-10 (après un laps de temps non défini) était corrélé au changement des mesures informatiques dans le cas de cinq pathologies différentes. Nous aurions pu utiliser cette méthodologie ici mais cela aurait amoindri la puissance des résultats car tous les patients n’ont pas encore renseigné les évaluations post-opératoires et nous aurions donc eu une population moins importante.

Au total, les hypothèses de départ ne sont que partiellement vérifiées. Le handicap vocal est bien corrélé aux évaluations perceptives du patient et du thérapeute. L’altération perceptive est donc bien un élément majeur à évaluer dans le bilan vocal afin de le mettre en lien avec le handicap dans les activités de la vie quotidienne.

Le handicap vocal ressenti est également lié aux possibilités respiratoires du patient lorsqu’une paralysie laryngée bilatérale en fermeture perturbe la fonction respiratoire : les évaluations aérodynamiques et acoustiques en lien avec les capacités pneumo-phoniques (TMP, intensité de la voix projetée) sont bien corrélées au handicap vocal. Ce lien perdure après le traitement, bien que la dyspnée se soit améliorée.

Le lien entre le handicap vocal et les évaluations acoustiques de la hauteur, de l’intensité de la voix parlée et de l’instabilité n’a pas pu être établi ici, ni en préopératoire ni en post-opératoire. De nouvelles investigations seront nécessaires lorsque la cohorte de patients sera plus importante. Une meilleure sélection des patients sera sans doute nécessaire afin d’écarter les valeurs extrêmes du jitter et du shimmer, considérées comme peu fiables

Figure

Tableau 1. Synthèse des niveaux de corrélations entre le VHI-10, les paramètres acoustiques,  l’échelle GRBASI et l’échelle analogique d’auto-évaluation de la voix en préopératoire
Tableau  3.  Synthèse  des  niveaux  de  corrélations  entre  le  VHI-10  et  les  indices  de  l’échelle  GRBASI en préopératoire   PARAMETRES  GRBASI  (total)  G+R+B  G  R  B  A  S  I  VHI-10  n  29  29  29  29  29  29  29  29  r  0,7102  0,6593  0,6399

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