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Relations entre le vagabondage de l'esprit et le fonctionnement cognitif chez les enfants ayant un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H)

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© Sophie Blais-Michaud, 2019

Relations entre le vagabondage de l’esprit et le

fonctionnement cognitif chez les enfants ayant un

trouble du déficit de l’attention avec ou sans

hyperactivité (TDA/H)

Mémoire doctoral

Sophie Blais-Michaud

Doctorat en psychologie (D. Psy.)

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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Relations entre le vagabondage de l’esprit et le

fonctionnement cognitif chez les enfants ayant un

Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans

Hyperactivité (TDAH)

Mémoire doctoral

Sophie Blais-Michaud

Sous la direction de :

Nancie Rouleau, Ph.D

Directrice de recherche

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iii Résumé

Les enfants ayant un Trouble du Déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) présentent plusieurs caractéristiques distinctives, dont le fait d’avoir de moins bonnes performances à certaines tâches cognitives, et de faire davantage de vagabondage de l’esprit que les individus sans TDAH. Le vagabondage de l’esprit a été associé à deux principales fonctions cognitives chez des adultes en bonne santé (contrôle exécutif et vigilance). Toutefois, aucune étude n’a, à notre connaissance, évalué la relation entre le vagabondage de l’esprit et le contrôle exécutif ainsi que la vigilance chez les individus ayant un TDAH.

La présente étude a donc pour objectif d’évaluer la présence d’une relation entre le vagabondage de l'esprit et le contrôle exécutif ainsi qu’entre le vagabondage de l’esprit et la vigilance chez les enfants avec un TDAH. L’objectif secondaire est de comparer la force de cette association pour chacune des deux fonctions cognitives. Pour ce faire, deux méthodes d’investigation sont utilisées : 1) évaluer les relations entre les variables avant intervention; 2) évaluer les relations entre les degrés de changement des variables suite à une intervention de pleine conscience (PC). Les résultats indiquent une absence de relation entre les variables avant l’intervention. Ils indiquent également que l’intervention de PC permet effectivement de moduler le vagabondage de l’esprit. Après l’intervention, aucune relation entre la vigilance et le vagabondage de l’esprit n’est identifiée alors qu’une relation marginalement significative et modérée avec le contrôle exécutif est présente.

Les résultats ont des implications méthodologiques puisqu’il s’agit de la première étude à avoir adapté une tâche de vagabondage de l’esprit en contexte de méditation pour les enfants. Elle a également des implications cliniques puisqu’elle révèle une réduction du vagabondage de l’esprit suite à un programme de PC. Enfin, elle a des implications théoriques. Elle permet notamment d’appuyer le modèle d’échec du contrôle exécutif en relation avec le vagabondage de l’esprit et réfute en partie les arguments avancés par la théorie du découplage.

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Table des matières

Résumé ... iii

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des Annexes ... viii

Introduction ... 1

Présentation clinique du TDAH ... 1

La pleine conscience : Définitions ... 6

La PC : Applications cliniques ... 7

Modèles théoriques des mécanismes d’action de la PC ... 10

Cadres théoriques neuropsychologiques des fonctions cognitives ... 15

Le concept de « vagabondage de l'esprit » ... 16

Objectifs et hypothèses ... 24 Chapitre 1 : Méthodologie ... 25 1.1 Devis ... 25 1.2 Participants ... 25 1.3 Matériel ... 25 1.4 Procédure ... 28

1.5 Programme PEACE-ADHD (Rouleau &Tessier, in prep) ... 28

1.6 Analyses ... 29

Chapitre 2 : Résultats ... 31

2.1 Caractéristiques de l’échantillon ... 31

2.2 Première méthode d’investigation : Association entre les variables cognitives ... 31

2.3 Deuxième méthode d’investigation : Associations entre les degrés de changement des variables cognitives et du vagabondage de l’esprit suite à l’intervention PEACE-ADHD ... 35 Chapitre 3 : Discussion ... 41 3.1 Contributions méthodologiques ... 42 3.2 Contributions cliniques ... 44 3.3 Contributions théoriques ... 45 Conclusion ... 52 Références ... 53

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v Annexes ... 63 Annexe A ... 64 Annexe B ... 65 Annexe C ... 66 Annexe D ... 67 Annexe E ... 68

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Liste des tableaux

Tableau 1 Données descriptives des participants ……….. …..….31 Tableau 2 Données brutes pré-intervention pour les tâches de vagabondage de

l’esprit, de contrôle exécutif et de vigilance……….………....33

Tableau 3 Corrélations de Spearman entre le vagabondage de l’esprit et les variables

cognitives pré-intervention………..34

Tableau 4 Vagabondage de l’esprit avant et après l’intervention de PC………...36 Tableau 5 Corrélations de Spearman entre le Λ vagabondage de l’esprit et les Λ des

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vii

Liste des figures

Figure 1. Coût en contrôle exécutif en fonction du vagabondage de l’esprit ...………….…34 Figure 2. Coût en vigilance en fonction du vagabondage de l’esprit ………..35 Figure 3. Vagabondage de l’esprit avant et après le programme PEACE-ADHD…………36 Figure 4. Relation entre les changements en vagabondage de l’esprit et en contrôle exécutif suite au programme PEACE-ADHD ………...38 Figure 4. Relation entre les changements en vagabondage de l’esprit et en vigilance suite au programme PEACE-ADHD……...39

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Liste des Annexes

Annexe A ... 64

Annexe B ... 65

Annexe C ... 66

Annexe D ... 67

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1 Introduction Présentation clinique du TDAH

Le TDAH est le trouble développemental le plus commun en enfance, avec une prévalence établie à 5 % selon les données du DSM-5 (American Psychiatric Association : APA, 2013). Le diagnostic du TDAH se fait à partir de manifestations comportementales (Canadian Attention Deficit Hyperactivity Disorder Alliance; CADDRA, 2011), lesquelles peuvent être classées en trois catégories : les symptômes d’inattention, d’impulsivité et d’hyperactivité (APA, 2013). Ces symptômes font référence à des comportements d’une fréquence et d’une intensité non attendues pour le niveau de développement de l’enfant. Les symptômes d’inattention regroupent les erreurs d’inattention et les oublis fréquents, le manque d’attention aux détails, la difficulté à maintenir son attention pour une longue période, le non-respect des consignes ou des délais, la difficulté à organiser son travail et ses activités. Les symptômes d’hyperactivité comprennent les déplacements dans des situations où il est attendu de rester en place, l’agitation motrice, la difficulté à participer à des activités calmes, la volubilité excessive de la parole. L'impulsivité s'observe, par exemple, dans la difficulté à attendre la fin d’une question avant de répondre, la difficulté à attendre son tour et l’interruption des autres en situation sociale. L’observation d’un minimum de 6 symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité avant l’âge de 12 ans dans deux ou plusieurs contextes accompagnés d’une altération du fonctionnement peut mener à un diagnostic de TDAH (APA, 2013). La présentation clinique peut être de trois sous-types en fonction de la prédominance des symptômes : inattentive, hyperactive et impulsive ou combinée.

L’étiologie du TDAH est complexe. Plusieurs marqueurs génétiques ont été associés au trouble (Nigg, 2012). D’autres facteurs, comme l’environnement prénatal, ainsi que les facteurs culturels et socio-culturels, peuvent également influencer l’expression des marqueurs génétiques et physiologiques (Lawton, Gerdes, Haack, & Schneider, 2014; Nigg, 2012; Xu et al., 2011). Des altérations du développement cortical, impliquant notamment une épaisseur corticale plus faible de certaines régions préfrontales que la moyenne, ont été observées dans le développement d’individus ayant un TDAH (Shaw, Lerch, Greenstein, & et al., 2006). Il existe donc une grande hétérogénéité dans les facteurs étiologiques pouvant

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être responsables de l’évolution du TDAH chez les patients, bien que plusieurs pistes soient bien appuyées empiriquement (Nigg, 2010; Nigg, Willcutt, Doyle, & Sonuga-Barke, 2005).

Fonctionnement cognitif et TDAH. De par la dénomination du trouble, les déficits

cognitifs sont souvent perçus comme des composantes intrinsèques du TDAH par les parents, les professeurs, et encore aujourd’hui, par plusieurs cliniciens. Toutefois, les données empiriques demeurent mitigées à ce sujet. Certains chercheurs (Nigg et al., 2005) avancent qu’il y a effectivement une plus grande probabilité de présenter des déficits cognitifs lorsque l’enfant a un TDAH comparativement aux enfants sans TDAH, mais qu’environ 50% d’entre eux ne présenteraient aucun déficit cognitif. Les enfants avec un TDAH seraient tout de même plus nombreux que les enfants sans TDAH à présenter deux déficits cognitifs ou plus (Biederman et al., 2004).

Des déficits spécifiques de certaines composantes attentionnelles telles que l’alerte, l’attention soutenue et la vigilance ont été rapportés chez les adultes et les enfants ayant un TDAH (Johnson et al., 2008; Mullane, Corkum, Klein, McLaughlin, & Lawrence, 2011; Shallice et al., 2002). En ce qui concerne l’alerte, certaines études ont démontré des temps de réaction (TR) plus lents et un niveau moins élevé de réponses exactes chez les individus avec TDAH que les contrôles à une tâche où les participants devaient répondre à l’apparition d’un stimulus avec ou sans indice sonore (Johnson et al., 2008; Mullane et al., 2011). D’autres chercheurs, dont notre équipe de recherche, ont toutefois démontré plus récemment que les TR des enfants ayant un TDAH ne seraient pas nécessairement plus lents, mais que leur performance serait plutôt caractérisée par une plus grande variabilité des TR entre les essais (Epstein et al., 2011; Vaughn et al., 2011; Vézina, Sanscartier, Mérette & Rouleau, 2018). Plusieurs études indiquent également que la vigilance et l’attention soutenue seraient touchées chez les individus ayant un TDAH. En effet, ils auraient une performance plus faible que les contrôles à des tâches qui impliquent de maintenir leur attention sur une longue période alors qu’un grand nombre de stimuli sont présentés (Huang-Pollock, Karalunas, Tam, & Moore, 2012; Shallice et al., 2002; Tsal et al., 2005; Vaughn et al., 2011), et également à des tâches de vigilance, soit des tâches longues, monotones et où peu de stimuli sont présentés (Shallice et al., 2002; Tucha et al., 2009). Enfin, notre équipe de recherche a démontré récemment qu’il existait des différences entre les performances des individus vivant avec un TDAH et de contrôles à des tâches de vigilance et d’alerte, mais que l’âge aurait un effet

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d’interaction sur les déficits; ceux-ci seraient donc présents seulement lors de certaines périodes développementales (Vézina, Sanscartier et al., 2018; Vézina, Mérette & Rouleau, 2018). En effet, il semble qu’en ce qui concerne la vigilance, les enfants ayant un TDAH ne se distingueraient pas de leurs pairs sans TDAH à l’enfance, mais qu’une atteinte de leurs performances deviendrait visible à l’adolescence et au début de la vie adulte (Vézina, Sanscartier et al., 2018).

Des déficits exécutifs ont été rapportés dans plusieurs études, particulièrement en ce qui concerne le contrôle exécutif, l’inhibition, la flexibilité et la planification (Castellanos, Sonuga-Barke, Milham, & Tannock, 2006; Shallice et al., 2002; Willcutt, Doyle, Nigg, Faraone, & Pennington, 2005). Certaines études démontrent une performance plus faible des individus ayant un TDAH en contrôle exécutif par rapport aux contrôles à une tâche où les individus devaient répondre à une cible en présence de stimuli incongruents (Johnson et al., 2008; Mullane et al., 2011; Tsal, Shalev, & Mevorach, 2005). Une étude de notre laboratoire (Sanscartier, 2010) a démontré que, comparativement à leurs contrôles, les enfants avec un TDAH ont des résultats significativement moins élevés lors de tâches sollicitant l’initiation, la planification, la flexibilité et l’inhibition. Willcutt et al. (2005) ont réalisé une méta-analyse regroupant 83 études, indiquant que les groupes de participants ayant un TDAH obtiennent une performance significativement plus faible sur l’ensemble des 13 mesures neuropsychologiques utilisées comparativement aux contrôles. Les effets les plus importants étaient sur le plan de l’inhibition (d = 0.61), la mémoire de travail spatiale (d = 0.63), ainsi que certaines mesures de planification (d = 0.58-0.69). Des résultats similaires ont été démontrés par notre équipe de recherche : les patients vivant avec un TDAH étaient atteints sur certaines fonctions cognitives évaluées en comparaison avec les participants contrôles (Vézina, Sanscartier et al., 2018). Toutefois, ces effets semblent dépendre de l’âge des patients. De plus, moins de la moitié des patients de ces études présentaient un déficit à l’une des fonctions évaluées et aucun déficit n’a été retrouvé chez l’ensemble des participants (Nigg et al., 2005; Vézina, Sanscartier et al., 2018; Willcutt et al., 2005).

En somme, les individus ayant un TDAH ont une plus grande probabilité de présenter des déficits cognitifs (Nigg et al., 2005), la nature de ceux-ci varie d’un individu à l’autre, et ils ne sont pas présents chez tous les individus ni à toutes les périodes développementales (Vézina, Sanscartier et al., 2018). Les plus fréquents demeurent les déficits sur le plan de

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l’alerte, de l’attention soutenue, de la vigilance, de l’inhibition, de la flexibilité, de la planification et du contrôle exécutif. Ces déficits pourraient être associés au fonctionnement des patients, notamment au fonctionnement académique; les patients avec un TDAH ayant des déficits exécutifs auraient plus de risques de troubles d’apprentissage et d’échecs scolaires (Biederman et al., 2004). Ces déficits pourraient également entraîner des problèmes d’ordre social (Kofler et al., 2011) et familial (Kofler et al., 2017). Plusieurs interventions ont donc été développées afin d’améliorer le fonctionnement et la qualité de vie de ces patients. Les sections subséquentes présenteront les traitements pharmacologiques et non pharmacologiques du TDAH, dont la thérapie basée sur la pleine conscience. Au-delà de l’objectif de démontrer l’efficacité de ce type d’interventions, il semble important d’identifier les mécanismes qui produisent les bénéfices observés. Les modèles théoriques de la pleine conscience seront donc décrits, avec une attention particulière pour le vagabondage de l’esprit et les fonctions cognitives impliquées. La présente étude a donc des visées principalement théoriques et cherche à établir les relations entre le vagabondage de l’esprit et la cognition dans la population clinique des enfants avec un TDAH.

Traitements pharmacologiques du TDAH. Les traitements pharmacologiques

sont actuellement les interventions de première ligne dans le TDAH (CADDRA, 2011). Ils sont donc les plus utilisés pour la réduction des symptômes associés au TDAH et sont ceux dont l’efficacité a été davantage démontrée empiriquement (Conners, 2002; The MTA Cooperative Group, 1999). On retrouve principalement dans cette catégorie les psychostimulants comme le méthylphénidate, les amphétamines, ainsi que l’atomoxétine. Ces traitements auraient pour effet de potentialiser l’action de certains neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline) qui permettent d’optimiser le fonctionnement des régions pré-frontales du cerveau et de l’insula (Solanto, 1998). En effet, ces zones contribuent à la gestion de l’impulsivité et à l’auto-contrôle tout en favorisant le maintien de l’attention, et sont fréquemment sous-activées chez les patients ayant un TDAH (Rubia et al., 2013). Les effets des interventions pharmacologiques varient toutefois selon la molécule choisie ainsi que le dosage et les caractéristiques de chacun des patients. Les traitements pharmacologiques ont démontré leur efficacité pour améliorer la symptomatologie, mais pourraient aussi améliorer la cognition (Bidwell, McClernon, & Kollins, 2011; Hammerness, Fried, Petty, Meller, & Biederman, 2014; Slama, Fery, Verheulpen, Vanzeveren, & Van Bogaert, 2014). Une revue

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systématique a établi que le méthylphénidate serait supérieur au placebo pour l’amélioration de la mémoire, des TR à diverses tâches, de la variabilité des TR et de l’inhibition (Coghill et al., 2013). Une étude de notre équipe de recherche a également rapporté des bénéfices sur la mémoire épisodique et les fonctions exécutives avec l’usage d’atomoxétine sur une période de 6 mois (Strattera) (Maziade, Rouleau, et al., 2009). Toutefois, malgré l’efficacité reconnue de ces traitements sur la symptomatologie du TDAH, certains enfants présentent des contre-indications à l’utilisation de ce type de médication (Benner-Davis & Heaton, 2007) et un pourcentage d’enfants (environ 10 à 30%) ne répondraient pas au traitement (Sunohara, Voros, Malone, & Taylor, 1997). Il semble donc nécessaire de pouvoir proposer des traitements non pharmacologiques en complément ou comme alternative pour les patients.

Traitements non pharmacologiques du TDAH. Les interventions psychologiques

et cognitives ont reçu d’importants appuis scientifiques pour la réduction des symptômes TDAH, notamment la remédiation cognitive (RC) et la thérapie comportementale (Sonuga-Barke et al., 2013). L’Académie américaine des Pédiatres recommande d’ailleurs à ses membres de conseiller la thérapie comportementale, comprenant l’enseignement de différentes stratégies de gestion des émotions et des comportements ainsi que des psychoéducations, comme traitement de première ligne avec les enfants d’âge préscolaire (American Academy of Pediatrics, 2011). Cette thérapie devrait être combinée à une médication pour les enfants d’âge scolaire et les adolescents, avec des résultats plus probants pour les psychostimulants, puis pour l’atomoxétine (American Academy of Pediatrics, 2011). Toutefois, certaines limites méthodologiques réduisent la portée des résultats quant à l’efficacité de la thérapie cognitive pour la réduction des symptômes. En effet, il semble que des effets significatifs et importants soient démontrés lorsque les répondants sont les parents des participants, mais que ces effets diminuent de façon importante lorsque les répondants sont les enseignants (Cortese et al., 2015; Sonuga-Barke, Brandeis, Holtmann, & Cortese, 2014). Les enseignants étant souvent à l’aveugle de la condition de traitement, les chercheurs expliquent la différence de résultats par l’influence des attentes des parents qui sont fréquemment impliqués directement dans l’administration de l’intervention (Sonuga-Barke et al., 2013). Une autre hypothèse explicative pourrait être que les effets sur les symptômes sont réels, mais qu’ils ne sont visibles qu’à la maison et ne se transfèrent pas dans le milieu académique. Les parents peuvent également être plus indulgents avec leur propre enfant et

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avoir moins de points de comparaison que les enseignants qui observent une classe entière d’élèves. Il en ressort que les données actuellement disponibles ne permettent pas d’émettre des conclusions claires sur les effets réels des traitements non-pharmacologiques sur la symptomatologie et que davantage d’études sont nécessaires (Sonuga-Barke, Brandeis, Holtmann, & Cortese, 2014).

La RC pourrait toutefois être utile comme traitement d’appoint pour les déficits cognitifs dans le TDAH (Cortese et al., 2015). Plusieurs études portant sur les effets de la RC sur les déficits cognitifs chez les enfants ayant un TDAH rapportent des résultats positifs, principalement pour la mémoire de travail, la mémoire à court terme et l’attention soutenue, (Cortese et al., 2015; O’connell, Bellgrove, Dockree, & Robertson, 2006; Rapport, Orban, Kofler, & Friedman, 2013). La généralisation de ces effets à des mesures n’ayant pas fait l’objet d’entraînement telles que le rendement scolaire demeure toutefois à être démontrée (Rutledge, van den Bos, McClure, & Schweitzer, 2012; Rapport, Orban, Kofler, & Friedman, 2013). Une étude de notre laboratoire a également démontré que l’ajout de renforcements permettait d’améliorer et même de normaliser la performance d’enfants ayant un TDAH à une tâche de mémoire de travail (Drouin-Maziade, 2009). Ce résultat concorde avec la possibilité d’un déficit du circuit de récompense chez cette population clinique.

Récemment, une nouvelle approche thérapeutique a été proposée avec les enfants et les adultes avec un TDAH : la thérapie basée sur la pleine conscience (PC). La prochaine section présentera d’abord le concept de pleine conscience, suivi de la description des principales applications cliniques et des programmes s’adressant spécifiquement aux enfants ayant un TDAH.

La pleine conscience : Définitions

Le concept de « pleine conscience » (PC) est issu de la tradition bouddhiste. Il a toutefois été importé et adapté par la communauté scientifique et médicale occidentale au courant des dernières décennies. La PC est ainsi généralement décrite comme une manière de « porter attention d’une façon particulière : volontairement, dans le moment présent et sans jugement » (Traduction libre; Kabat-Zinn, 2003, p. 145). Il ne s’agit donc pas d’empêcher le cerveau d’être distrait, mais plutôt de réaliser qu’une distraction est présente, de rediriger son attention avec une attitude d’ouverture et de retrouver le contact avec

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l’expérience présente ainsi qu’aux éléments importants qui s’y rattachent. Kabat-Zinn (2013) décrit sept attitudes sur lesquelles s’assoient la pratique et le développement de la PC. Celles-ci s’articulent autour d’une pratique où l’individu doit s’efforcer d’être le témoin naïf de son expérience, et ainsi, de ne pas tenter de changer l’état dans lequel il se trouve, ni de lui attribuer une valence, mais simplement de l’accueillir tel qu’il est. L’entraînement à ces attitudes, de pair avec celui de l’attention, permettrait de développer les habiletés de PC et d’adopter un mode de vie axé sur l’ouverture à l’expérience.

En plus des attitudes à favoriser, le concept de PC est utilisé pour désigner un état, un trait ainsi qu’une intervention (Davidson, 2010). La PC peut être définie en termes d’état transitoire durant lequel un individu fait l’expérience de la PC dans une activité, par exemple, la méditation. Le trait réfère plutôt à une qualité plus stable dont le niveau diffère entre les individus selon des influences génétiques et environnementales et est modulé par la pratique de la PC (Davidson, 2010). L’objectif de l’entraînement à la PC est d’ailleurs de favoriser des états de plus en plus nombreux et durables, ce qui permettrait éventuellement une modulation du trait. Finalement, le terme PC réfère également à des interventions ou des programmes d’entraînement et des activités. Les interventions se distinguent des entraînements puisqu’elles visent des améliorations quant à une problématique spécifique alors que les entraînements visent principalement à renforcer le trait de PC chez un individu sans problématique (Davidson, 2010). Enfin, les activités de PC comprennent toutes les activités qui peuvent être réalisées à l’intérieur d’une pratique de PC. Elles peuvent être de nature plus formelle, comme la méditation assise ou le yoga, ou informelle, comme de manger ou de se brosser les dents en PC (Kabat-Zinn, 2013). La prochaine section présentera un bref relevé des principales applications cliniques des approches basées sur la PC afin de situer l’émergence de cette approche.

La PC : Applications cliniques

Le premier programme de PC ayant été développé dans une perspective laïque est le

Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR; Kabat-Zinn, 1990, 2013). Cette intervention

de groupe d’une durée de 8 semaines vise la réduction du stress et de la douleur chronique. Les participants doivent adopter une pratique personnelle quotidienne et participer à diverses activités de type méditatif telles que : le balayage corporel, la PC des sons, et la méditation sur la respiration. Cette intervention a ensuite été adaptée pour la dépression avec le

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programme Mindfulness Based Cognitive Therapy (MBCT; Segal, Williams, & Teasdale, 2002) ainsi que pour d’autres populations cliniques (personnes ayant un problème de dépendance, un trouble de la personnalité, un trouble du comportement) (Baer, 2003) et auprès de clientèles ayant des problèmes de santé physique (diabète, troubles vasculaires, cancer) (Abbott et al., 2014; Noordali, Cumming, & Thompson, 2015; Zhang et al., 2015). Les programmes de PC ont également été utilisés pour l’entraînement de populations non cliniques (étudiants, travailleurs) avec l’objectif d’améliorer le bien-être général et réduire le stress (Baer, 2003; Khoury, Sharma, Rush, & Fournier, 2015). Les interventions basées sur la PC ont démontré des effets positifs sur une grande variété de symptômes cliniques et sur le bien-être psychologique général chez des populations cliniques et non cliniques (Keng, Smoski, & Robins, 2011; O’Driscoll, Byrne, Mc Gillicuddy, Lambert, & Sahm, 2017).

Plus récemment, l’application de la PC chez les enfants et les adolescents a suscité un intérêt grandissant (Burke, 2009). Les études chez les enfants démontrent que les interventions sont faisables et bien tolérées(Burke, 2009). Les enfants s’engageraient dans les activités associées à la PC et y prendraient plaisir(Zelazo & Lyons, 2012; Simard, 2019;

Veillette, Thériault-Couture, Simard, Rouleau, Tessier, & Rouleau, 2017). Une méta-analyse récente a établi que les programmes de PC entraîneraient des bénéfices sur la santé psychologique avec des tailles d’effets allant de 0.29 à 0.89 lorsqu’une intervention de PC est comparée à un groupe contrôle inactif, et de 0.02 à 0.58 lorsque comparée à un groupe contrôle actif (traitements psychologiques usuels, groupes d’activités physiques ou groupes d’éducation à la santé) (Kallapiran, Koo, Kirubakaran, & Hancock, 2015). La prochaine section présentera les principaux résultats d’études portant sur les effets de l’entraînement à la PC sur la cognition d’enfants ayant un TDAH. Elle permettra d’introduire les relations entre la PC et la cognition chez cette population et ainsi de mieux situer les relations possibles avec le vagabondage de l’esprit.

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Applications cliniques chez les enfants ayant un TDAH. Bien que les effets de

cette intervention auprès de cette clientèle demeurent encore peu connus, les premiers résultats indiquent des effets positifs sur la symptomatologie et certains déficits cognitifs (Haydicky, Wiener, Badali, Milligan, & Ducharme, 2012; van de Weijer-Bergsma, Formsma, de Bruin, & Bögels, 2012; van der Oord, Bögels, & Peijnenburg, 2012; D. Zhang et al., 2017).

Au niveau cognitif, il a été démontré que le programme d’intervention MYmind, un programme de PC de 8 semaines, adapté du MBCT et s’adressant aux adolescents ayant un TDAH et à leurs parents, entraînait une amélioration de l’attention soutenue chez ces enfants (Bögels et al., 2008; van de Weijer-Bergsma et al., 2012). Bögels et al. (2008) ont obtenu une amélioration importante de cette fonction cognitive (d = 0.6) après 8 semaines d’entraînement, et huit semaines après la fin de l’intervention (d = 1.1), montrant ainsi que l’amélioration se maintient et se poursuit même au-delà du programme. Zhang et al. (2017) ont décelé des améliorations sur plusieurs indicateurs à une tâche d’attention soutenue, mais certains indices sont restés stables, ce qui nuance les conclusions quant à cette fonction cognitive. De plus, aucune amélioration n’a été détectée sur l’échelle de fonctionnement exécutif (BRIEF; Gioia, Isquith, Guy, & Kenworthy, 2000) tel que rapporté par les parents, alors que des améliorations sur cette échelle suite au programme MYmind avaient été démontrées dans une autre étude (van de Weijer-Bergsma et al., 2012). Il n’est donc pas possible de tirer des conclusions claires au sujet de l’amélioration du fonctionnement exécutif par la PC chez les enfants avec TDAH, particulièrement dans le contexte où aucune mesure directe n’a été utilisée pour l’évaluer. En effet, le BRIEF évalue la perception des parents de certains comportements pouvant être associés à des difficultés exécutives, mais qui peuvent également être la conséquence d’autres problématiques non exécutives. Par exemple, le fait de ne pas initier soi-même ses activités peut être dû à un problème d’initiation, tout autant qu’à de l’anxiété ou à de l’opposition. Ainsi, la performance des enfants à des tâches cognitives directes donnerait des informations beaucoup plus précises. De plus, les améliorations de l’attention soutenue et de l’attention sélective ont reçu certains appuis scientifiques, bien que les différentes études n’obtiennent pas des résultats constants. Une large étude randomisée contrôlée et multi-centrique comparant les effets de la PC et du méthylphénidate chez des enfants et adolescents ayant un TDAH est également en cours

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(Meppelink, de Bruin, & Bögels, 2016). Les résultats de cette étude devraient apporter un nouvel éclairage sur les effets potentiels de la PC pour la réduction des symptômes et l’amélioration de la cognition chez les individus avec un TDAH. De plus, notre laboratoire a développé un programme de PC s’adressant spécifiquement aux enfants ayant un TDAH (Programme d’Entraînement de l’Attention et de la Compassion chez l’Enfant:

PEACE-ADHD) et adapté du MBSR. Les résultats de l’étude pilote (Simard, 2018) démontrent que

le programme est bien accepté et faisable avec cette clientèle et qu’il entraîne une amélioration du fonctionnement chez la majorité des participants. La présente étude fait partie d’une phase subséquente du projet PEACE-ADHD, soit l’étude de groupe d’enfants avec un TDAH.

En somme, les quelques études disponibles sur les effets de la PC avec une clientèle d’enfants vivant avec un TDAH sont encourageantes: les études révèlent des améliorations sur l’attention soutenue et l’attention sélective, mais peu de fonctions cognitives ont été évaluées jusqu’à maintenant. Plusieurs modèles théoriques ayant pour objectif de définir les mécanismes par lesquels s’installent les bénéfices de la PC établissent d’ailleurs l’attention comme mécanisme d’action principal (Isbel & Mahar, 2015). Ces modèles seront décrits dans la prochaine section.

Modèles théoriques des mécanismes d’action de la PC

Au-delà de l’objectif de plusieurs études actuelles de démontrer l’efficacité des interventions par la PC, il est essentiel de déterminer pourquoi ces interventions produisent les effets observés et quels sont les mécanismes sous-jacents à ces derniers (Isbel & Mahar, 2015; Shapiro & Carlson, 2009). Ainsi, bien que plusieurs effets bénéfiques de la PC soient maintenant appuyés scientifiquement, peu d’études permettent de préciser par quels mécanismes ces effets se manifestent (Alsubaie et al., 2017).

Bishop et al. (2004) ont été parmi les premiers à proposer un modèle conceptuel des mécanismes d’action de la PC. La première composante d’auto-régulation réfère au fait que la base de la pratique de PC est d’être conscient et d’observer l’expérience présente à chaque moment. Cette composante ferait donc appel à deux fonctions cognitives distinctes soit : l’attention soutenue, de façon à maintenir l’attention ancrée dans le moment présent durant de longues périodes, et l’orientation de l’attention, pour revenir à l’objet de la méditation (ex : la respiration) après avoir été distrait par un stimulus interne ou externe. La deuxième

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composante du modèle, l’adoption d’une attitude particulière face à l’expérience, comprend le maintien d’une attitude de curiosité par rapport aux distractions de l’esprit ainsi qu’un état d’acceptation et d’ouverture en rapport avec l’expérience comme elle se présente.

Shapiro, Carlson, Astin, & Freedman (2006) ont présenté un modèle semblable qui comprend trois axes : l’intention, l’attention et l’attitude. Dans ce cadre, l’intention réfère au caractère volontaire de l’exercice de la PC, ainsi qu’aux motivations personnelles de l’individu. L’axe de l’attitude décrit « comment » l’individu pratique, la PC l’incite à ne pas interpréter ses pensées et à être ouvert à l’expérience. Enfin, l’axe attentionnel comprend les capacités en attention soutenue, en orientation de l’attention et en réduction du traitement élaboré de l’information, tout comme celui de Bishop et al. (2004) et prédit l’amélioration de ces fonctions avec la pratique.

Plus récemment, Hölzel et al. (2011) ont proposé une nouvelle perspective en tenant compte des travaux de Bishop et al. (2004) et de Shapiro et al. (2006). Ces auteurs ont proposé quatre mécanismes d’actions qui interagissent pour expliquer les effets de l’entraînement. La

régulation attentionnelle porte la même signification que dans les deux modèles précédents,

c’est-à-dire l’attention soutenue sur l’objet de méditation et une réorientation sur l’objet après distraction. Le deuxième mécanisme, la conscience corporelle inclut l’habileté à constater les sensations physiques qui émergent lors des pratiques. Le troisième mécanisme, la

régulation émotionnelle, implique de s’exposer à l’expérience qu’elle soit positive ou non.

Enfin, le changement de perspective sur soi comprend un détachement face à la stabilité du soi. L’interaction de tous les mécanismes mènerait aux bénéfices, mais la régulation attentionnelle demeurerait le principal mécanisme et constituerait un prérequis à l’exécution des autres.

Le modèle Monitor and Acceptance Theory (MAT; Lindsay & Creswell, 2017) comprend quatre mécanismes. Le premier mécanisme, le contrôle attentionnel, se développerait à travers les activités de PC avec la pratique de la présence attentive au moment présent et entraînerait des bénéfices sur la cognition de manière générale. Toutefois, la présence accrue d’attention sur l’information affective sans apprentissage de régulation émotionnelle pourrait avoir un impact négatif, ce qui soulignerait l’importance de l’acceptation comme deuxième mécanisme (Lindsay & Creswell, 2017). L’acceptation décrite dans ce modèle se rapporte à l’orientation particulière du modèle de Bishop et al.

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(2004) ainsi qu’à l’attitude énoncée par Shapiro et al. (2006), c’est-à-dire une attitude d’ouverture et de non-jugement face aux événements internes et externes.

L’ensemble des modèles et des définitions place donc l’amélioration des capacités attentionnelles au centre des effets thérapeutiques. Les processus mis en œuvre peuvent toutefois différer selon les modèles, mais reprennent généralement les fonctions d’attention soutenue et d’orientation de l’attention. Cette conception semble assez réductrice d’un point de vue neuropsychologique puisque les activités méditatives pourraient impliquer un plus vaste éventail de fonctions attentionnelles et exécutives. D’autres modèles ont toutefois été développés avec une approche davantage neuropsychologique et cognitive (Hasenkamp, Wilson-Mendenhall, Duncan, & Barsalou, 2012; Malinowski, 2013; Vago & Silbersweig, 2012) et permettent d’avoir une compréhension plus complète des mécanismes cognitifs responsables des bénéfices observés chez diverses populations cliniques.

Le plus récent modèle neuropsychologique développé pour la PC est celui de Vago & Silbersweig (2012; voir figure Annexe A) appelé le S-ART. Lors d’une activité de PC, l’intention et la motivation apparaissent d’abord pour que l’individu décide d’entamer la pratique. Les instructions pour la pratique sont maintenues et manipulées par la mémoire de travail durant toute l’activité. L’attention est centrée sur un objet, comme la respiration, à l’aide de l’attention sélective et l’attention soutenue, mais également avec le support de la méta-cognition, de la régulation émotionnelle et de l’inhibition. Différentes formes de distraction (interne et externe) peuvent alors survenir et entraîner un vagabondage de l’esprit ainsi qu’une réponse affective pouvant persister jusqu’à ce que l’individu en prenne conscience, désengage son attention et inhibe l’élément de distraction. La pratique répétée entraînerait une réduction de l’effort nécessaire pour contrôler le vagabondage de l’esprit, ainsi qu’une amélioration de la métacognition et de la clarté de l’expérience. Elle devrait également réduire le traitement attentionnel et émotionnel des sources de distraction (pensées, stimuli externes), et donc, réduire l’élaboration cognitive et les ruminations qui y sont associées.

Le modèle de Hasenkamp et al. (2012; 2014, voir figure Annexe B) présente la relation dynamique entre l’attention et le vagabondage de l’esprit qui se présente lors d’une méditation de PC. Lorsqu’un individu tente de soutenir son attention sur un objet, comme la respiration, son attention est nécessairement détournée de sa cible après un moment. À un

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certain point lors de ce vagabondage de l’esprit, l’individu réalise qu’il est distrait. Il désengage donc son attention de la source de distraction et la réoriente vers la cible sur laquelle son attention sera soutenue durant une certaine période. Le cycle recommencera ainsi durant toute la durée de la méditation. Ainsi, pour ces auteurs, comme c’était aussi le cas pour Vago & Silbersweig (2012) cités plus haut, la PC implique un grand nombre de processus attentionnels : l’alerte et la vigilance pour être attentif à la cible, l’orientation et le contrôle exécutif pour se désengager du distracteur et se recentrer sur la cible. Ceci les différencie de la plupart des modèles présentés précédemment qui décrivent l’attention comme un concept unitaire sans distinguer les différents types d’attention et même de fonctions exécutives qui jouent chacun un rôle spécifique durant une séance de méditation.

Le modèle de Malinowski (2013; voir figure Annexe C) présente une série de processus attentionnels et exécutifs sollicités lors d’une méditation de PC. Ainsi, lorsqu’un individu commence sa méditation en portant attention à un objet, il fait appel à des processus de vigilance et d’alerte. Par la suite, il devient distrait et son esprit vagabonde. L’individu prend ensuite conscience qu’il est distrait, ce qui est associé au processus de surveillance attentionnelle. L’individu doit alors abandonner l’objet de sa distraction sans s’attacher à des émotions par rapport à cette distraction, il s’agit donc de désengager son attention des stimuli distracteurs en utilisant son contrôle exécutif et son inhibition ainsi que les circuits cérébraux associés. Enfin, l’individu revient à l’objet de sa méditation, à l’aide de l’orientation de l’attention et de la flexibilité pour porter de nouveau son attention sur le stimulus d’intérêt. L’auteur considère que la méditation de PC permettrait l’amélioration spécifique des principaux processus impliqués dans le cycle de méditation (Malinowski, 2013).

En résumé, les trois derniers modèles impliquent tous l’alerte, la vigilance, l’attention sélective, l’orientation de l’attention, ainsi que le contrôle exécutif. D’ailleurs, les récentes recherches en neuroimagerie révèlent des changements, suite à la pratique de la PC et de la méditation, dans plusieurs réseaux cérébraux responsables de ces fonctions. Évidemment, les résultats varient en fonction du type de pratique, de l’expérience en méditation, de l’âge et des caractéristiques des participants (Falcone, & Jerram, 2018; Fox et al., 2016; Treadway & Lazar, 2009). Toutefois, certains réseaux cérébraux semblent sollicités dans la majorité des études, malgré la variabilité des conditions expérimentales. Une des régions cérébrales fréquemment rapportée comme étant modulée par l’entraînement à la PC et par d’autres

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formes de méditation est le cortex cingulaire antérieur (CCA) (Cahn & Polich, 2006; Fox et al., 2016; Hölzel et al., 2011; Tang, Hölzel, & Posner, 2015). Cette région est notamment reconnue comme étant impliquée dans le contrôle exécutif et plus largement de la régulation attentionnelle (Tang, Hölzel, & Posner, 2015), une habileté qui se développerait parmi les premières dans la pratique de la PC (Hölzel et al., 2011). Le CCA serait donc activé durant une activité de méditation et des changements structurels seraient également présents dans cette région suite à la pratique. Notamment, plusieurs études appuient une association entre une plus grande épaisseur corticale et la pratique de la méditation, qu’elle soit de PC ou non (Fox et al., 2014; Hölzel et al., 2011; Tang, Lu, Fan, Yang, & Posner, 2012; Tang, Hölzel, & Posner, 2015). En plus du CCA, des méta-analyses ont également identifié le gyrus frontal médian et le gyrus cingulaire antérieur comme étant activés durant une activité de méditation (Falcone, & Jerram, 2018; Fox et al., 2016). Ces régions jouent également un rôle dans la régulation attentionnelle et la mémoire de travail. Enfin, le cortex préfrontal dorsolatéral ressort également comme une région activée durant la pratique de la méditation, autant chez les novices que les participants expérimentés (Allen et al., 2012; Fox et al., 2016). Une plus grande épaisseur corticale dans cette région serait aussi associée à la pratique de la méditation, notamment chez les participants expérimentés (Lazar et al., 2005). Cette région est impliquée dans le fonctionnement exécutif général, et donc, dans la régulation attentionnelle, sollicitée par la pratique de la PC exigeant une régulation constante des processus attentionnels. Bien qu’il soit difficile de circonscrire le fonctionnement exécutif à des régions précises du cerveau vu la grande variété de processus impliqués, il semble qu’il mobilise plusieurs régions frontales, dont le cortex préfrontal et le gyrus frontal médian, mais également d’autres régions telles que le CCA et le gyrus cingulaire antérieur, ainsi que certaines régions pariétales (Bettcher et al., 2016; Collette, Hogge, Salmon, & Van der Linden, 2006). Ces régions, organisées en vastes réseaux, permettent aux individus de générer de nouvelles réponses lors de situations complexes ou pour lesquelles il n’y a pas de réponses automatiques. Prises ensemble, ces informations renforcent l’implication des processus cognitifs ciblés dans la pratique de la PC. Il semble donc nécessaire de bien définir ces processus dans un cadre neuropsychologique afin de bien les opérationnaliser et de les mesurer adéquatement. Une section subséquente présentera le concept de « vagabondage de

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l’esprit » aussi évoqué dans les trois modèles comme une étape inévitable d’un exercice de méditation.

Cadres théoriques neuropsychologiques des fonctions cognitives

Les fonctions attentionnelles ainsi que les principaux modèles théoriques actuels en neuropsychologie qui y sont associés sont présentés dans cette section, soit les modèles de Van Zomeren et Brouwer (1994) et de Posner et Petersen (1990).

Modèle attentionnel de Van Zomeren et Brouwer (1994). Van Zomeren et

Brouwer (1994) ont développé un modèle attentionnel qui comprend deux axes principaux. L’intensité réfère à l’activation des réseaux perceptifs et moteurs de façon à augmenter la réceptivité du système nerveux aux stimuli de l’environnement. Il s’agit donc de la quantité ou de la force des ressources attentionnelles investies dans le traitement des stimuli. Cette dimension comprend trois composantes soit l’alerte, l’attention soutenue et la vigilance. L’alerte constitue une préparation consciente de l’individu à l’arrivée d’un stimulus via l’élévation du niveau attentionnel pour permettre la captation d’un stimulus à venir. La vigilance réfère, quant à elle, au maintien de l’activité attentionnelle durant une longue période dans une situation monotone où peu de stimuli sont présentés, en l’attente d’un stimulus cible. Il s’agit donc d’un état de surveillance, de préparation à la détection et à la réaction à des stimuli peu fréquents. Cette composante se distingue de l’attention soutenue sollicitée dans les situations où un grand nombre de stimuli sont présentés. La sélectivité représente la sélection de cibles parmi l’ensemble de stimuli présents. Elle comprend deux composantes distinctes soit l’attention sélective et l’attention divisée. L’attention sélective représente la capacité à orienter son attention vers certains stimuli et à maintenir son attention sur cette cible tout en évitant consciemment les distracteurs. L’attention divisée fait plutôt référence à la capacité d’effectuer deux tâches en même temps.

Modèle attentionnel de Posner et Petersen (1990). Le modèle de Posner et Petersen

(1990) regroupe trois composantes principalement évaluées en modalité visuelle : l’alerte, l’orientation de l’attention et le contrôle exécutif. L’alerte est représentée de façon semblable au modèle de Van Zomeren et Brouwer (1994). Cette capacité est généralement mesurée à l’aide du temps de réponse à un stimulus suite à un signal permettant l’activation de l’attention (Petersen & Posner, 2012). L’orientation de l’attention réfère à la capacité à engager son attention vers certains stimuli, à la mouvoir d’un stimulus à un autre et à la

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désengager d’autres stimuli perçus comme des distracteurs. Le contrôle exécutif est, quant à lui, responsable de surveiller les opérations et de prioriser les stimuli à sélectionner lorsque les activations attentionnelles vers plusieurs stimuli sont en conflit ou qu’il s’agit d’une situation nouvelle. Les auteurs indiquent que la régulation de soi, qui repose d’abord principalement sur l’orientation de l’attention en enfance, deviendrait davantage associée au contrôle exécutif lors du passage à l’adolescence et à l’âge adulte (Petersen & Posner, 2012). Ainsi, l’amélioration dans la résolution des conflits attentionnels correspondrait à l’émergence du contrôle de soi chez les enfants. Une tâche expérimentale informatisée a été développée afin de mesurer chacune des composantes du modèle de Posner et Petersen (1990) (ANT: Fan, McCandliss, Sommer, Raz, & Posner, 2002).

Le concept de « vagabondage de l'esprit »

Le vagabondage de l'esprit a été nommé de plusieurs façons différentes dans la littérature cognitive (pensées non-liées à la tâche, pensées indépendantes du stimulus, blancs attentionnels, etc.) et est défini comme une situation dans laquelle l’individu cesse de porter attention à la tâche principale et oriente plutôt son attention sur un objet non associé à la tâche (Smallwood & Schooler, 2006). Cette situation peut survenir dans une variété de contextes de la vie quotidienne, et représenterait jusqu’à 50% des pensées éveillées (Killingsworth & Gilbert, 2010). Ce déplacement attentionnel est généralement décrit comme étant principalement orienté vers des pensées internes (Smallwood, 2013), l’environnement externe serait d’ailleurs fréquemment négligé au profit de pensées non associées à la tâche (Smallwood & Schooler, 2006; 2015).

Le vagabondage de l’esprit a principalement été testé en laboratoire durant des activités de lecture, de mathématiques, de méditation et lors de tâches cognitives (ex. : vigilance, mémoire de travail, etc.) (Mrazek, Smallwood, & Schooler, 2012; Randall, Oswald, & Beier, 2014). La méthode la plus utilisée pour mesurer le vagabondage de l'esprit est « l’échantillonnage de pensées » (« thought sampling »; Smallwood & Schooler, 2006). Elle consiste à questionner l’individu sur son niveau d’engagement dans une tâche soit en l’interrompant à divers moments pour qu’il rapporte ses distractions (indicé), soit en lui demandant de rapporter ses distractions dès qu’il en prend conscience (auto-rapporté), soit en le questionnant de façon rétrospective (Smallwood & Schooler, 2006; 2015). Il est toutefois important de prendre en considération le fait que ces méthodes reposent sur

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l’évaluation que l’individu est en mesure de faire de son état de vagabondage. Cet aspect est particulièrement important dans le cas de la méthode rétrospective. De même, la méthode auto-rapportée exige une bonne surveillance (monitoring) de la part de l’individu. Chez des participants très susceptibles de faire du vagabondage de l’esprit, il est possible que les épisodes soient très longs avant que l’individu réalise qu’il est distrait. Cette méthode ne rend donc pas toujours compte de l’importance du vagabondage de l’esprit, mais est plutôt influencée par sa capacité à réaliser sa distraction. D’autres facteurs peuvent donc influencer les résultats obtenus ce qui représente un défi important pour les chercheurs visant des méthodes de recherche plus objective (Thomson, Besner, & Smilek, 2015). La méthode indicée, bien qu’elle présente elle-même des limites notamment liées à l’intrusion dans la méditation en cours, permet de rendre compte de la fréquence des épisodes de vagabondage de l’esprit tout en réduisant les facteurs confondants des méthodes rétrospective et auto-rapportée.

Vagabondage de l’esprit et fonctionnement cognitif. De par sa définition, le

vagabondage de l'esprit est directement lié au fonctionnement cognitif (Smallwood & Schooler, 2006, 2015). Plusieurs auteurs placent le contrôle exécutif comme principale fonction associée au vagabondage de l'esprit bien que deux théories majeures s’opposent sur le rôle de cette fonction (McVay & Kane, 2010; Seli et al., 2014; Smallwood & Schooler, 2006). D’une part, Smallwood et Schooler (2006;2015) avancent l’hypothèse du « découplage » qui indique essentiellement que le vagabondage de l’esprit résulterait d’une réorientation attentionnelle du monde sensoriel et perceptif actuel vers le monde interne de l’individu. Selon eux, le processus de « découplage » ne serait pas la conséquence d’un échec du contrôle exécutif, mais serait plutôt associé à la notion de gestion de ressources cognitives. Ainsi, le vagabondage de l’esprit et le contrôle exécutif utiliseraient les mêmes ressources et les mêmes mécanismes de sorte que la présence de l’un réduirait la présence de l’autre. Lors de tâches simples, les deux processus pourraient être présents de façon conjointe, une tâche pourrait donc être réalisée de façon productive pendant que l’individu laisse son esprit vagabonder en partie. Lors de tâches complexes, il y aurait moins de ressources cognitives disponibles ce qui limiterait le vagabondage de l’esprit. La réduction du vagabondage de l’esprit en relation à l’augmentation du rythme de présentation des stimuli d’une tâche a effectivement été démontrée (Smallwood et al., 2004). Ainsi, selon cette théorie, le rôle du

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contrôle exécutif quant au vagabondage de l’esprit serait simplement de réorganiser la cognition autour de l’action de vagabonder, et d’assurer un fil de pensées cohérent.

D’autre part, McVay et Kane (2009; 2010) affirment que le vagabondage de l’esprit serait le résultat d’un échec du contrôle exécutif à maintenir le but de la tâche et à combattre adéquatement les distractions. Selon eux, le vagabondage de l’esprit consomme très peu de ressources ce qui ne devrait pas compétitionner avec les ressources cognitives. Ils réfutent d’ailleurs l’argumentaire de Smallwood et Schooler (2006) en avançant que si le principe d’allocation des ressources tel que décrit dans l’hypothèse du découplage était vrai, alors les individus ayant davantage de ressources cognitives devraient faire plus de vagabondage de l’esprit. Or, ce n’est pas ce qui est observé dans leur étude (McVay & Kane, 2010). Ce sont plutôt les individus ayant une faible capacité en contrôle exécutif qui rapportent le plus de vagabondage de l’esprit.

Smallwood et Andrews-Hanna (2013) ont ajouté un aspect à l’allocation des ressources tel que décrite dans l’hypothèse du découplage afin d’expliquer une partie des disparités observées chez les individus ayant une moins bonne cognition. Selon son hypothèse de « régulation par le contexte » (Context regulation), les individus ayant de bonnes ressources cognitives sont en mesure de faire du « vagabondage stratégique », c’est-à-dire de moduler l’allocation des ressources attentionnelles selon les demandes de l’environnement. Cela expliquerait qu’une diminution du vagabondage de l’esprit est observée en contexte de tâches complexes, alors qu’une augmentation est observée dans les tâches simples. Cette allocation de ressources favoriserait la présence du vagabondage de l’esprit dans un contexte où il a des conséquences positives (ex : créativité, projections dans le futur, etc.) et un minimum de conséquences aversives (ex : réduction de la performance) (Smallwood, 2013). Cette capacité serait associée à une meilleure prise de décision à long terme et dans des contextes de délai de gratification. Elle serait présente chez les individus ayant une bonne cognition, et donc, moins présente chez les personnes ayant un TDAH. Cette nouvelle explication permet donc de maintenir l’hypothèse du « découplage » (Smallwood & Schooler, 2015) tout en remédiant au problème de performances exposé par McVay et Kane (2010).

D’autres auteurs (Thomson, Besner, & Smilek, 2015) avancent plutôt que l’hypothèse du découplage et celle de l’échec du contrôle exécutif sont complémentaires et qu’elles

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permettent d’expliquer plus habilement les résultats observés. Selon eux, le contrôle exécutif a pour fonction de maintenir le but de la tâche et de limiter les distractions (dont les pensées) en consommant les ressources attentionnelles. L’échec du contrôle exécutif aura donc des conséquences sur la performance à la tâche en raison de la gestion inefficace des ressources cognitives qui en résulte. Toutefois, lorsque la tâche demande peu de ressources cognitives, il est possible que le contrôle exécutif permette le vagabondage de l’esprit sans conséquence négative, tel qu’expliqué par la théorie de la régulation par le contexte (Smallwood & Andrews-Hanna, 2013). De plus, selon la théorie ressource-contrôle (Thomson, Besner, & Smilek, 2015), la longueur de la tâche réduirait l’efficacité du contrôle exécutif. Les auteurs introduisent ainsi le rôle de l’attention soutenue et de la vigilance dans la relation entre le contrôle exécutif et la performance.

Une partie des hypothèses avancées par ces théories a été testée dans le cadre d’une grande méta-analyse sur des participants adultes (Randall et al., 2014). Les auteurs ont évalué le lien entre les ressources cognitives et le vagabondage de l’esprit ainsi que les effets de la complexité et de la longueur de la tâche sur cette relation. Ils ont également testé les effets de ces variables sur la relation entre le vagabondage de l’esprit et la performance à une tâche. Leurs résultats indiquent que les gens ayant moins de ressources cognitives sont plus susceptibles de faire du vagabondage de l’esprit alors que ceux qui ont plus de ressources maintiendront des pensées en lien avec la tâche. Cette relation est modérée par la longueur de la tâche, mais pas par sa complexité. Le vagabondage de l’esprit serait aussi lié à une moins bonne performance à la tâche. Cette relation est modérée par la complexité de la tâche, mais n’est pas modérée par le temps mis sur la tâche. Ainsi, les résultats viennent en appui à l’hypothèse de l’échec du contrôle exécutif en confirmant que les individus ayant moins de ressources cognitives, et donc de moins bonnes capacités cognitives, font davantage de vagabondage de l’esprit et que cela nuit à leur performance. Les auteurs (Randall et al., 2014) n’excluent toutefois pas que l’hypothèse du découplage puisse également être vraie bien que moins d’appuis aient été présentés dans la cadre de leur méta-analyse. L’effet de modération par la longueur de la tâche suggère également des effets de l’attention soutenue et de la vigilance selon le type de tâche utilisé. Donc plus le temps sur la tâche augmente, plus les gens ayant un faible niveau de ressources cognitives sont susceptibles d’avoir des épisodes de vagabondage de l’esprit.

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Ainsi, seulement quelques études rapportent un effet de la vigilance sur le vagabondage de l’esprit. Le vagabondage de l'esprit est toutefois fréquemment mesuré lors de tâches longues et monotones (Smallwood & Schooler, 2015). Quelques études (Cunningham, Scerbo, & Freeman, 2000; Randall et al., 2014; McVay & Kane, 2009) rapportent un déclin de la performance accompagné d’une augmentation de vagabondage de l’esprit en fonction de la longueur de la tâche en contexte de vigilance. Toutefois, la relation entre le contrôle exécutif et le vagabondage de l’esprit n’a pas été précisément étudié chez une variété d’individus en contexte de tâche de vigilance (Thomson et al., 2015). Il est donc difficile de statuer officiellement sur le rôle de cette fonction ainsi que sur ses relations avec le vagabondage de l’esprit et le contrôle exécutif. L’une des prédictions des auteurs est toutefois que si les différences individuelles quant au vagabondage de l’esprit reflètent le niveau de contrôle exécutif, il est possible que le niveau de vagabondage de l’esprit permette également de prédire la réduction de la vigilance.

Le vagabondage de l’esprit et le TDAH. Le vagabondage de l'esprit a été évalué

chez une grande variété de populations, dont dans la dépression et le TDAH, ainsi qu’en contexte académique (Smallwood, 2013; Smallwood, Fishman, & Schooler, 2007). En effet, plusieurs parallèles apparaissent évidents entre la symptomatologie du TDAH et le concept de vagabondage de l'esprit (Seli, Smallwood, Cheyne, & Smilek, 2015). L’inattention réfère au fait d’être facilement distrait et d’avoir de la difficulté à porter attention aux détails (APA, 2013), ce qui rappelle la définition du vagabondage de l'esprit énoncée plus haut (Smallwood & Schooler, 2006). De plus, le vagabondage de l'esprit a été associé à de l’hyperactivité chez des populations non cliniques (Seli et al., 2014). Le vagabondage de l'esprit est également corrélé au niveau de symptômes TDAH chez les jeunes adultes (Franklin et al., 2014) et il a été déterminé que les jeunes adultes ayant un TDAH avaient une plus grande fréquence de vagabondage de l'esprit que leurs collègues sans TDAH (Seli, Smallwood, Cheyne, & Smilek, 2015; Shaw & Giambra, 1993).

Certains auteurs avancent que les personnes ayant un TDAH font plus de vagabondage de l’esprit en raison de leurs ressources cognitives limitées (McVay & Kane, 2009) alors que d’autres l’associent davantage à leur faible niveau de métacognition (Franklin et al., 2014; Smallwood et al., 2007). Une médiation partielle de la métacognition sur la relation entre le niveau de symptômes TDAH et de vagabondage de l’esprit a d’ailleurs

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été démontrée (Franklin et al., 2014). Ces données indiquent que la métacognition soutient une gestion efficace du vagabondage de l’esprit sans en être principalement responsable. La théorie de régulation par le contexte avance que les personnes ayant un TDAH ne seraient pas en mesure de faire du vagabondage stratégique, donc de faire une allocation adéquate de leurs ressources attentionnelles vers la tâche en cours (Franklin et al., 2014). Chez les individus ayant un faible niveau de symptômes, il y a effectivement une association entre le vagabondage utile et nuisible alors que cette association n’est pas présente chez les individus ayant un niveau de symptômes élevé, ce qui suggère un impact de difficultés attentionnelles sur leur performance. En définitive, les symptômes TDAH sont associés à la présence du vagabondage de l’esprit, mais la cause exacte de cette association n’est toujours pas précisée. Différentes hypothèses permettent toutefois de mettre en place des stratégies pour limiter le vagabondage de l’esprit chez cette population, notamment l’entraînement à la pleine conscience (Smallwood et al., 2007; Smallwood & Schooler, 2015).

Vagabondage de l’esprit et PC. Plusieurs auteurs suggèrent que la PC et le

vagabondage de l'esprit seraient les deux extrémités d’un même continuum (Davidson, 2010; Mrazek et al., 2012). En effet, comme il existe actuellement peu de mesures objectives de la PC, certains auteurs proposent que ce concept soit mesuré par son opposé, c’est-à-dire le fait de ne pas être attentif au moment présent (Davidson, 2010). Il a d’ailleurs été démontré qu’il existe une corrélation négative entre une mesure auto-rapportée de la PC (MAAS; Brown & Ryan, 2003), et le vagabondage de l'esprit (Mrazek et al., 2012). Dans cette étude, les mesures de vagabondage de l’esprit utilisées étaient des échantillonnages de pensées intégrés à une tâche de vigilance et un exercice de méditation de 10 minutes. Durant la méditation, les individus devaient soit rapporter eux-mêmes les moments de distraction, ou encore, évaluer leur niveau de distraction à des moments aléatoires de l’activité. L’étude a démontré que tous les marqueurs de vagabondage de l’esprit étaient corrélés négativement à la mesure de PC. De plus, cette étude a indiqué qu’un bref exercice de PC de seulement 8 minutes permettait de réduire le vagabondage de l'esprit contrairement à la relaxation et la lecture qui n’ont pas d’effet similaire (Mrazek et al., 2012). D’autres études ont également démontré une réduction du vagabondage de l'esprit suite à des programmes longs de PC (Mrazek, Franklin, Phillips, Baird, & Schooler, 2013; Zanesco et al., 2016). Dans l’une des études, les participants ont pris part à une retraite de PC de trois mois et étaient comparés à un groupe contrôle apparié.

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Afin d’évaluer le vagabondage de l’esprit, les participants étaient interrogés à divers moments durant une lecture sur leur niveau de distraction par rapport à la tâche (indicé). Ils devaient également rapporter par eux-mêmes tous les moments où ils jugeaient que leur esprit vagabondait au cours de l’exercice (auto-rapporté). Après la retraite de trois mois, les participants notaient significativement moins de vagabondage de l’esprit lorsqu’ils étaient interrogés durant la lecture, alors qu’il n’y avait pas d’amélioration chez les participants contrôles (Zanesco et al., 2016). Toutefois, l’ensemble des participants ne démontrait aucune amélioration dans la capacité à rapporter eux-mêmes leurs moments de distraction, ce qui pourrait en partie être attribuable à la diminution du vagabondage de l’esprit pour le groupe entraîné à la PC. Dans l’autre étude (Mrazek et al., 2013), les participants prenaient part à un programme de PC de deux semaines à raison de quatre rencontres par semaine. Ils étaient appariés à un groupe contrôle qui participait à un programme de nutrition. Le vagabondage de l’esprit était mesuré durant une tâche de mémoire de travail de façon auto-rapportée et indicée avant et après l’intervention. Les participants du groupe de PC ont démontré une réduction du vagabondage de l’esprit indicé et auto-rapporté après l’intervention. Aucun effet n’a été détecté dans le groupe contrôle. Ainsi, il semble qu’un entraînement à la PC, de courte durée ou sur une longue période, permette de diminuer le vagabondage de l’esprit. L’objectif de ce type d’approche n’est pas d’empêcher globalement le vagabondage de l’esprit puisque celui-ci peut également avoir des conséquences positives (Smallwood & Schooler, 2015), mais bien de réduire sa présence dans les situations où un certain de niveau de performance est attendu.

En résumé, les groupes d’enfants ayant un TDAH présentent plusieurs caractéristiques distinctives, dont le fait d’avoir de moins bonnes performances à certaines tâches cognitives, particulièrement celles qui impliquent l’attention soutenue, la vigilance, l’alerte, le contrôle exécutif, l’inhibition et la flexibilité. Les principaux modèles des mécanismes d’action de la PC prédisent que l’entraînement à la PC devrait mener à une réduction du vagabondage de l’esprit, ainsi qu’à une amélioration de plusieurs fonctions cognitives (vigilance, alerte, contrôle exécutif, inhibition, flexibilité) qui sont parmi les plus atteintes dans le TDAH. De plus, des associations ont été établies entre le vagabondage de l'esprit, le contrôle exécutif et la vigilance. Ainsi, comme ces processus sont des éléments centraux et interreliés de l’entraînement à la PC selon les modèles explicatifs, il semble

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pertinent d’investiguer la relation entre ces processus chez les enfants ayant un TDAH. À notre connaissance, aucune étude n’a encore lié ces trois concepts pour expliquer la relation entre les performances cognitives en contrôle exécutif et en vigilance avec l’intensité du vagabondage de l'esprit chez les patients ayant un TDAH. Il n’est pas non plus possible d’affirmer si les modèles explicatifs du vagabondage de l’esprit et de la PC s’appliquent aux enfants avec un TDAH. La présente étude s’intéressera donc à la relation entre le vagabondage de l’esprit et le contrôle exécutif ainsi que la vigilance chez une population d’enfants vivant avec un TDAH. Elle utilise les données secondaires d’un projet de recherche plus large dans lequel un groupe d’enfants ayant un TDAH a été évalué avant et après le programme de PC PEACE-ADHD de huit semaines sur un grand nombre de variables cognitives et psychologiques.

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Objectifs et hypothèses

L’objectif principal de l’étude est donc d’évaluer la présence d’une relation entre le vagabondage de l'esprit et le contrôle exécutif ainsi que la vigilance chez les enfants avec un TDAH. L’objectif secondaire est de comparer la force de cette association spécifiquement pour chacune des deux fonctions cognitives.

Afin d’aborder ces objectifs, deux méthodes d’investigation ont été utilisées. D’abord, l’association entre les performances des participants à une tâche de vagabondage de l'esprit et à des tâches de contrôle exécutif et de vigilance mesurées avant l’intervention a été évaluée. Les modèles concernant le rôle du contrôle exécutif sur le vagabondage de l’esprit (McVay & Kane, 2009; 2010; Smallwood & Schooler, 2006;2015) ainsi que les appuis scientifiques quant à l’influence de la vigilance sur le vagabondage de l’esprit (Randall, Oswald, & Beier, 2014; Thomson, Besner, & Smilek, 2015) prédisent tous une relation inverse entre les variables, c’est-à-dire que les enfants ayant un plus haut niveau de vagabondage de l'esprit auront de moins bonnes performances cognitives aux deux fonctions visées. Cette relation n’a toutefois été testée qu’avec des adultes ayant un fonctionnement cognitif typique. Il s’agit donc de la première étude, à notre connaissance, qui permet d’investiguer cette question chez des enfants ayant des difficultés sur le plan de la cognition.

En lien avec l’objectif secondaire, tel que proposé par la théorie de l’échec du contrôle exécutif de McVay et Kane (2010), il est également attendu que le vagabondage de l'esprit soit davantage associé au contrôle exécutif qu’à la vigilance. En effet, selon cette théorie, le vagabondage de l’esprit serait le résultat d’un échec du contrôle exécutif à gérer les interférences internes. Il y serait donc associé plus directement qu’à la vigilance.

Une seconde méthode permettra de tester nos hypothèses. En effet, puisque plusieurs modèles de la PC prédisent une réduction du vagabondage de l'esprit avec l’entraînement (Hasenkamp et al., 2012; Malinowski, 2013; Vago & Silbersweig, 2012), si la cognition est associée au vagabondage de l'esprit, il devrait être possible d’observer une amélioration cognitive en contexte de diminution du vagabondage de l'esprit suite à l’entraînement par la PC. Il est attendu qu’une amélioration plus importante des performances en contrôle exécutif qu’en vigilance soit observable chez les participants ayant obtenu une diminution plus importante du vagabondage de l'esprit.

Figure

Figure 2. Coût en vigilance en fonction du vagabondage de l’esprit
Figure 5. Relation entre les changements en vagabondage de l’esprit et en vigilance suite au  programme PEACE-ADHD
Figure 6. Modèle de pleine conscience – pratique concentrative (Vago & Silbersweig, 2012)
Figure 7. Modèle théorique de la pratique de la méditation focalisée (Hasenkamp et al., 2012)
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