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La Belgique, terre d'accueil pour le travailleur salarié détaché ?

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Academic year: 2021

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La Belgique, terre d'accueil pour le travailleur salarié détaché ?

Auteur : Claessens, John Promoteur(s) : Clesse, Jacques

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit à finalité spécialisée en droit social (aspects belges, européens et internationaux) Année académique : 2018-2019

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/7645

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Département de Droit

La Belgique, terre d’accueil pour le travailleur salarié

détaché ?

John C

LAESSENS

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit social

Année académique 2018-2019

Recherche menée sous la direction de :

Monsieur Jacques CLESSE

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RESUME

L‘hypothèse factuelle visée par le présent travail sera le détachement sur le territoire belge d’un travailleur salarié œuvrant de façon habituelle dans un autre État membre de l’Union européenne. L’analyse portera sur les aspects sociaux du détachement de travailleurs vers la Belgique, à l’exclusion, dans la mesure du possible, des considérations relatives à la sécurité sociale. Dans un même souci de concision, nous n’aborderons pas le régime réservé au secteur de la construction, considéré comme propice aux abus et aux fraudes et faisant pour cette raison l’objet d’une protection particulière1.

L’utilisation au niveau européen d’une directive pour réglementer la matière a offert une marge de manœuvre au législateur national. D’un point de vue théorique, nous nous proposons d’analyser l’utilisation qui a été faite de cet espace de liberté. Les particularités du système belge seront ainsi soulignées non seulement d’un point de vue théorique, mais également dans une perspective pratique. Le fil conducteur de ce travail sera en effet d’exposer les contraintes à respecter par les différents acteurs d’un détachement sur le sol belge ; les droits des travailleurs détachés feront dans ce cadre l’objet d’une attention particulière. Enfin, la question de la conformité des différents éléments composants le régime belge au regard de la directive et de la jurisprudence développée par la Cour de justice de l’UE sera également abordée de façon systématique.

Outre ces différentes thématiques, qui constitueront le cœur de ce travail, une brève introduction présentera l’importance statistique et géopolitique de la question du détachement de travailleurs en Belgique ainsi qu’au sein de l’Union européenne. Lorsqu’un pan de la matière aura fait l’objet d’une modification dans la nouvelle directive, le contenu de cette modification sera mentionné, accompagné le cas échéant des mesures adéquates à prendre pour le législateur belge dans le but d’assurer une transposition correcte.

La conclusion tendra à répondre à la question suivante : « la Belgique est-elle une terre d’accueil pour les travailleurs salariés détachés ? ». Par cette question, il s’agira de déterminer si le législateur national a transposé la directive et utilisé la marge de manœuvre qui lui appartenait dans un sens propre à favoriser la libre circulation des travailleurs ou s’il a au contraire œuvré dans la mesure du possible (voir au-delà) en vue de restreindre l’accès des travailleurs détachés au territoire belge.

1 Ce régime particulier prévoit notamment l’application automatique des conditions de travail et d’emploi visées par la directive lorsque celles-ci sont fixées par des conventions collectives d’application générale (directive 96/71, art. 3, §1er) ainsi qu’un mécanisme de responsabilité solidaire du sous-traitant direct de l’employeur du travailleur détaché (directive 2014/67, art. 12, §2 ; pour une application de ce mécanisme, voir C.J.C.E., arrêt Wolff & Müller Gmbh & Co. c. José Filipe Pereira Félix,12 octobre 2004, C-60/03, EU:C:2004:610).

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TABLE DES MATIERES

I.- INTRODUCTION ... 5

A.- L’IMPORTANCE DU DETACHEMENT DE TRAVAILLEURS ... 5

B.- HISTORIQUE ... 6

1) Avant la directive 96/71 ... 6

2) La directive 96/71 ... 8

II.- CHAMP D’APPLICATION DE LA REGLEMENTATION ... 9

A.- LE REGIME BELGE ... 9

B.- LA CONFORMITE DU CHAMP D’APPLICATION DE LA LOI DU 5 MARS 2002 AU REGARD DU DROIT EUROPEEN ... 10

III.- ASPECTS SOCIAUX DU DETACHEMENT DE TRAVAILLEURS VERS LA BELGIQUE ... 13

A.- LA DECLARATION LIMOSA ... 13

1) Le régime belge ... 13

2) La conformité du système LIMOSA au droit européen ... 16

B.- LE NOYAU DUR DES REGLES NATIONALES APPLICABLES AUX TRAVAILLEURS DETACHES ... 18

1) Rappel général ... 18

2) Le régime belge ... 19

3) La conformité de l’article 5, §1er de la loi du 5 mars 2002 au droit européen ... 20

C.- LA TENUE DES DOCUMENTS SOCIAUX ... 27

1) Introduction ... 27

2) Le régime actuel concernant la tenue et la conservation des documents sociaux ... 28

3) La conformité du régime relatif aux documents sociaux au droit européen ... 29

D.- LE RECOURS JUDICIAIRE ... 30

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I.- I

NTRODUCTION

A.- L’IMPORTANCE DU DETACHEMENT DE TRAVAILLEURS

« Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de travailleurs de seconde classe. Dès

lors que vous effectuez le même travail au même endroit, vous devriez percevoir le même salaire »2.

Le détachement de travailleurs figure de longue date au centre des préoccupations politiques de l’intégration européenne. Il a cependant fait l’objet d’une recrudescence d’intérêt sous la Commission Juncker, qui a élevé la lutte contre le dumping social au rang de ses priorités3.

Preuve de l’intérêt porté à la matière, ces préoccupations politiques ont menées à plusieurs (tentatives de) réformes de la directive CE n°97/71. Une directive d’exécution n°2014/67 a tout d’abord été adoptée le 15 mai 20144. Elle vise à permettre une lutte plus efficace contre

les fraudes au détachement et le dumping social5. Sous l’impulsion du Président Macron, un

consensus politique en faveur d’une révision de la directive n°96/71 s’est ensuite dégagé en octobre 2017. Cet accord a été entériné par le Parlement européen le 29 mai 2018 et a notamment pour objectif de consacrer le principe du “salaire égal à travail égal au même

endroit”6.

Cet intérêt du monde politique dérive de l’importance médiatique donnée à une matière souvent vue comme emblématique de l’écart existant entre la dimension économique de l’Union européenne et sa dimension sociale ; cette dernière étant généralement perçue comme inféodée à la première. Les débats ayant pour thème “l’Union européenne

encourage-t-elle le dumping social ?” sont fréquents dans les médias.

La question du détachement de travailleurs est d’une importance accrue en Belgique où, en 2016, les travailleurs détachés représentaient 3,8% de l’emploi national7, ce qui place la

2 J-C. JUNCKER, « Discours sur l’état de l’Union 2017 », disponible sur http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-17-3165_fr.htm, 13 septembre 2013.

3 P. GOSSERIES et M. MORSA, Droit pénal social. Questions spéciales et d’actualité, Bruxelles, Larcier, 2018, p. 334.

4 Directive (UE) 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n ° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur ( «règlement IMI» ), J.O.U.E., L159/11, 28 mai 2014.

5 C-E. CLESSE et M. MORSA, Travailleurs détachés et mis à disposition. Droit belge, européen et international, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2015.

6 S. ARNULF, « Les cinq points clés de la nouvelle directive européenne sur les travailleurs détachés », disponible sur https://www.usinenouvelle.com/editorial/les-cinq-points-cles-de-la-nouvelle-directive-europeenne-sur-les-travailleurs-detaches.N700109, 30 mai 2018.

7 Commission européenne, « Travailleurs détachés. Un travailleur détaché est un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre pour y fournir un service à titre temporaire. (Données à valeur indicative).,

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Belgique au second rang des État membre d’accueil. Les travailleurs détachés en Belgique proviennent majoritairement d’États frontaliers (France, Luxembourg, Allemagne et Pays-Bas pour un total de 51,9%) et d’États où les charges liées au travail sont moins élevées (principalement la Pologne, le Portugal, la Slovénie et la Roumanie)8. En outre, l’importance

qu’il convient d’accorder au détachement est d’autant plus grande que, d’une part, le nombre de travailleurs détachés est en hausse9 et, d’autre part, certains secteurs présentent une

concentration particulièrement forte de ces travailleurs détachés (principalement les secteurs de la construction ou des transports)10.

B.- HISTORIQUE

1) Avant la directive 96/71

Le choix du droit applicable à la relation de travail est en principe laissé aux parties11. Dans la

majorité des cas, cette option sera exercée en faveur de la loi de l’employeur. Le droit de l’État d’origine régira donc la situation du travailleur détaché12. Si les parties ne se sont pas

prononcés sur le droit applicable, le contrat de travail sera soumis au droit de l’État où le travailleur exécute de façon habituelle son travail13 ou, à défaut, par la loi de l’État de

l’employeur14.

Le choix de loi ne peut cependant pas avoir pour effet de priver le travailleur détaché de l’application des dispositions impératives de l’État dont le droit aurait été applicable par défaut15. Ainsi, si les parties ont optés pour le droit de l’État d’origine, les dispositions

impératives de l’État où le travail est accompli habituellement seront applicables16. Dans la

mesure où la Cour de justice estime que les travailleurs détachés au sens de la présente

disponible sur http://www.europarl.europa.eu/infographic/posted-workers/index_fr.html?country=be#receivedworkers, s.d., consulté le 24 février 2019.

8 Commission européenne, « Travailleurs détachés. Un travailleur détaché est un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre pour y fournir un service à titre temporaire. (Données à valeur indicative)., disponible sur http://www.europarl.europa.eu/infographic/posted-workers/index_fr.html?country=be#receivedworkers, s.d., consulté le 24 février 2019.

9 Le nombre de travailleurs détachés a augmenté de près de 41% entre 2010 et 2015 (voir europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-467_fr.pdf).

10 P. GOSSERIES et M. MORSA, Droit pénal social. Questions spéciales et d’actualité, op. cit., p. 334 ;

Commission européenne, « Révision de la directive concernant le détachement de travailleurs – Foire aux questions », disponible sur europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-467_fr.pdf, s.d., consulté le 27 février 2019. 11 Règlement (CE) 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux

obligations contractuelles (Rome I), art. 3 et 8, J.O.U.E., L 177/6, 4 juillet 2008.

12 N. ROBERT, Dumping social : à nouveaux modèles de concurrence, nouveaux mécanismes de lutte ?, Waterloo, Kluwer, 2017, p. 53.

13 Règlement (CE) 593/2008 précité, art. 8, §2. 14 Règlement (CE) 593/2008 précité, art. 8, §3. 15 Règlement (CE) 593/2008 précité, art. 8, §1. 16 Règlement (CE) 593/2008 précité, art. 8, §1.

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contribution n’accèdent à aucun moment au marché de l’emploi de l’État membre d’accueil, il apparait que le détachement d’un travailleur ne modifie pas le lieu d’exercice habituel du travail, lequel demeure donc l’État d’origine17. A défaut de lieu d’exercice habituel du travail,

le règlement prévoit que les dispositions impératives de l’État d’établissement de l’employeur s’appliqueront. Là encore, il ne fait guère de doute qu’il s’agira du droit de l’État d’origine. Le dernier cas de figure envisagé est également le seul qui pourrait mener à l’application des dispositions impératives de l’État d’accueil, si la situation présente des liens plus étroits avec ce dernier18. Ainsi qu’on le constate, pareil cadre ne laissait généralement que peu de place à

l’application de la loi de l’État où était détaché de façon temporaire un travailleur19.

L’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne des libertés fondamentales n’est cependant pas restée sans incidence sur cette disposition. La situation du travailleur détaché dans un autre État membre a été appréhendée par le biais de la libre prestation des services, consacrée par l’actuel article 56 du TFUE20. La Cour estime en effet

que la libre circulation des travailleurs (article 45 du TFUE) n’est pas en jeu dans le cas d’un détachement temporaire21. Ainsi qu’il la déjà été souligné, la Cour arrive à cette conclusion en

s’appuyant sur le fait que, puisque les travailleurs détachés retournent dans leur pays d’origine après l’exécution de leur mission, ils n’accèdent pas au marché de l’emploi de l’État membre d’accueil22.

La libre circulation des services implique, au même titre que les autres libertés fondamentales, la suppression de toute restriction23, entendue comme toute mesure de nature à rendre

moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre24.

L’application par l’État de son droit du travail au travailleur détaché étant susceptible de gêner les activités de l’employeur, elle doit être considérée à première vue comme contraire au droit européen25.

La Cour de justice prend cependant également en considération la dimension sociale de la situation en prévoyant que l’État d’accueil peut imposer les éléments de sa législation sociale

17 C.J.C.E., arrêt Rush Portuguesa, 27 mars 1990, C-113/89, EU:C:1990:142, point 15 ; D. MARTIN, M. MORSA, P. GOSSERIES e.a., Droit du travail européen. Questions spéciales, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 393.

18 Règlement (CE) 593/2008 précité, art. 8, §4.

19 N. ROBERT, Dumping social : à nouveaux modèles de concurrence, nouveaux mécanismes de lutte ?, Waterloo, Kluwer, 2017, p. 53.

20 Il convient en outre de rappeler que cette liberté fondamentale a une portée résiduaire.

21 C.J.C.E., arrêt Procédure pénale contre Alfred John Webb, 17 décembre 1981, C-279/80, EU:C:1981:314, point 10 ; D. MARTIN, M. MORSA et P. GOSSERIES, op. cit., p. 387.

22 C.J.C.E., arrêt Rush Portuguesa, 27 mars 1990, C-113/89, EU:C:1990:142, point 15.

23 Ce n’est que dans sa jurisprudence récente que la Cour de justice évoque une interdiction de principe des restrictions à la libre prestation des services. A l’aube de sa jurisprudence, la Cour évoquait en matière de services une interdiction des discriminations, estimant que les articles 56 et 57 TFUE “prohibent non

seulement les discriminations ouvertes fondées sur la nationalité du prestataire mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, bien que fondées sur des critères en apparence neutres, aboutissent en fait au même résultat” (voir C.J.C.E., arrêt Seco et Desquenne, 3 février 1982, C-62/81, EU:C:1982:34,

point 8).

24 C.J.C.E., arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, 8 septembre 2009, C-42/07, EU:C:2009:519, point 51.

25 C.J.C.E., arrêt Rush Portuguesa, 27 mars 1990, C-113/89, EU:C:1990:142, point 15 ; D. MARTIN, M. MORSA et P. GOSSERIES, op. cit., p. 379.

(10)

nécessaires à la protection des travailleurs26. Cet objectif se voit donc reconnaître la

qualification de raison impérieuse d’intérêt général, qui permet d’écarter en partie la loi désignée par l’article 8 du Règlement Rome I27.

Les règlementations imposées doivent cependant respecter plusieurs conditions additionnelles. Tout d’abord elles doivent peser sur toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État d’accueil28. En second lieu, la réglementation de l’État

d’accueil ne peut être imposée si le prestataire de services est assujetti à une obligation similaire en vertu de la législation de l’État d’origine29. Enfin, et de façon classique, la Cour de

justice exige que l’application de la législation de l’État d’accueil soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint30.

Au fil de sa jurisprudence, la Cour de justice consacre donc la possibilité pour l’État membre d’accueil d’imposer certains pans de sa législation sociale à la relation de travail découlant d’un détachement sur son sol31.

2) La directive 96/71

La directive concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services entend emboîter le pas à la jurisprudence de la Cour de justice en conciliant les dimensions sociales et économiques de l’Union européenne. Le moyen pour ce faire consiste à imposer l’application d’un noyau dur des règles de l’État d’accueil censé assurer la protection des travailleurs détachés et ainsi éviter les distorsions de concurrence entre États membres32.

26 C.J.C.E., arrêt Procédure pénale contre Alfred John Webb, 17 décembre 1981, C-279/80, EU:C:1981:314, point 19 ; C.J.C.E., arrêt Seco et Desquenne, 3 février 1982, C-62/81, EU:C:1982:34, point 10 ; C.J.C.E., arrêt

Rush Portuguesa, 27 mars 1990, C-113/89, EU:C:1990:142, point 18 ; C.J.C.E., arrêt Arblade et Leloup,

23 novembre 1999, C-369/96 et C-376/96, EU:C:1999:575, point 35.

27 D. MARTIN, M. MORSA et P. GOSSERIES e.a., Droit du travail européen. op. cit., p. 388 ; S. HENNION, M. Le BARBIER-Le BRIS et M. DEL SOL, op. cit., p. 254 et 255.

28 C.J.C.E., arrêt Procédure pénale contre Alfred John Webb, 17 décembre 1981, C-279/80, EU:C:1981:314, point 17 ; C.J.C.E., arrêt Seco et Desquenne, 3 février 1982, C-62/81, EU:C:1982:34, point 12 ; C.J.C.E., arrêt

Rush Portuguesa, 27 mars 1990, C-113/89, EU:C:1990:142, point 12 ; C.J.C.E., arrêt Arblade et Leloup,

23 novembre 1999, C-369/96 et C-376/96, EU:C:1999:575, point 34.

29 C.J.C.E., arrêt Procédure pénale contre Alfred John Webb, 17 décembre 1981, C-279/80, EU:C:1981:314, point 20 ; C.J.C.E., arrêt Seco et Desquenne, 3 février 1982, C-62/81, EU:C:1982:34, point 10 ; C.J.C.E., arrêt

Arblade et Leloup, 23 novembre 1999, C-369/96 et C-376/96, EU:C:1999:575, point 34 ; C.J.C.E., arrêt Vander Elst, 9 aout 1994, C-43/93, EU:C:1994:310, point 16.

30 C.J.C.E., arrêt Arblade et Leloup, 23 novembre 1999, C-369/96 et C-376/96, EU:C:1999:575, point 35. 31 C.J.C.E., arrêt Rush Portuguesa, 27 mars 1990, C-113/89, EU:C:1990:142, point 15 ; D. MARTIN, M. MORSA

et P. GOSSERIES e.a., op. cit., p. 395.

32 D. MARTIN, M. MORSA et P. GOSSERIES e.a., op. cit., p. 401 ; A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, “Détachement des travailleurs salariés. L’application des dispositions impératives : une arme contre le dumping social?”, Droit du travail tous azimuts, dir. H. MORMONT, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 298.

(11)

La directive énonce cependant, à la différence notable de la jurisprudence de la Cour, que l’application de ce noyau par l’État d’accueil est une obligation, et non plus une faculté33.

II.- C

HAMP D

APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION

A.- LE REGIME BELGE

La loi du 5 mars 2002 s’applique aux travailleurs détachés ainsi qu’aux employeurs qui les occupent34. Le travailleur détaché est défini par la loi comme étant toute personne issue d’un

autre État membre (soit qu’il y travaille de façon habituelle, soit qu’il y a été engagé) qui, en vertu d’un contrat, accomplit de façon temporaire des prestations de travail en Belgique, contre rémunération et sous l’autorité d’un employeur35.

Le législateur a en outre prévu la possibilité pour le Roi d’étendre l’application de la loi à toute autre personne qui effectuerait des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne36. A notre connaissance, il n’a jusqu’alors pas été fait usage de cette possibilité37.

Dans la foulée de l’adoption de la directive d’exécution 2014/6738, la loi a été complétée par

l’ajout de critères de fait à prendre en considération pour identifier l’accomplissement temporaire d’une prestation de travail en Belgique ainsi que pour déterminer si l’employeur exerce réellement des activités substantielles sur le territoire national39. Ces critères visent à

lutter contre le phénomène des sociétés « boîtes aux lettres »40.

Il convient de relever que, s’il est exigé que le détachement soit temporaire, aucune limite précise n’est posée par la loi ou la directive41. La proposition de réforme de la directive,

présentée par la Commission européenne le 8 mars 2016 et adoptée par le Parlement le 28 juin de la même année, prévoit une limitation de la durée du détachement à vingt-quatre

33 I. AKARKACH, « Le contrôle des travailleurs salariés détachés dans l’Union européenne : Evolutions, dérives et avancées » in Coll., Actualités sociales 2015, 2016, p. 174.

34 Loi du 5 mars 2002 concernant les conditions de travail, de rémunération et d’emploi en cas de détachement de travailleurs en Belgique et le respect de celles-ci, M.B., 13 mars 2002, art. 3, §1er.

35 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 2, 1° et 2°. 36 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 3, §2.

37 F. VAN OVERMEIREN, Buitenlandse arbeidskrachten op de Belgische arbeidsmarkt. Sociaal recht en

vrij verkeer, Gent, Larcier, 2008, p. 109.

38 Directive 2014/67 précitée.

39 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 2, 2° et 3°. 40 C-E., CLESSEet M. MORSA, op. cit., p. 301. 41 C-E., CLESSEet M. MORSA, op. cit., p. 235.

(12)

mois42. Au-delà de cette limite, l’État membre d’accueil sera réputé être l’État où le travailleur

accomplit habituellement son travail.

B.- LA CONFORMITE DU CHAMP D’APPLICATION DE LA LOI DU 5 MARS 2002

AU REGARD DU DROIT EUROPEEN

La transposition de la directive par le législateur belge est critiquable à plusieurs points de vue. Elle est en effet trop restrictive sous certains aspects, mais également trop large à d’autres égards. Ces décalages découlent sans doute du fait que, si la directive européenne calque son champ d’application sur l’opération consistant à détacher des travailleurs dans le cadre d’une prestation de services, la loi du 5 mars 2002 entend quant à elle définir et s’appliquer aux travailleurs détachés43.

En premier lieu, le champ d’application de la loi belge est plus étroit que celui de la directive. La loi du 5 mars 2002 entend s’appliquer aux travailleurs détachés, c’est-à-dire les personnes qui, en vertu d’un contrat, fournissent des prestations de travail, contre rémunération et sous l’autorité d’une autre personne44. On retrouve dans cette définition les trois éléments

constitutifs classiques d’un contrat de travail au sens de la loi du 3 juillet 1978 : le travail, la rémunération et le lien de subordination45. Les relations de travail visées par la loi du 24 juillet

198746 (le travail temporaire47, le travail intérimaire48 et la mise à disposition de travailleurs49)

seront également comprises dans le champ d’application de la loi50. La qualification donnée

par le droit de l’État d’origine ne doit pas être prise en considération : dès lors que les conditions d’application posées par la loi sont rencontrées, il sera question d’un détachement sur le sol national et une partie des règles du droit social belge devront être respectées51.

Une controverse demeure en ce qui concerne la question de savoir si certaines relations de travail particulières, telles que le contrat d’apprentissage ou la convention de stage, sont visées par la loi du 5 mars 2002. Filip VAN OVERMEIREN estime que : « [er] werd een ruime

42 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services – COM(2016)128, p.12.

43 N. ROBERT, op. cit., p. 47.

44 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 2, §1er.

45 J. CLESSE et F. KEFER, Manuel de droit du travail, 3e tirage, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 171 à 173.

46 Loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, M.B., 20 aout 1987.

47 Loi du 24 juillet 1987 précitée, art. 1er. 48 Loi du 24 juillet 1987 précitée, art. 7. 49 Loi du 24 juillet 1987 précitée, art. 32.

50 Projet de loi transposant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleur effectué dans le cadre d’une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue de documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, exposé des motifs, Doc. Parl., Ch., 2001-2002, n°1441/001, p. 16; C-E., CLESSEet M. MORSA, op. cit., p. 234 ; F. VAN OVERMEIREN, op. cit., p. 109.

(13)

invulling gegeven om naast de arbeidsovereenkomst ook andere overeenkomsten te viseren, zoals de leerovereenkomst of de stageovereenkomst […] »52. Ariane GODIN, Gaëlle JACQUEMART,

Laurine PAULY et Michel STRONGYLOS estiment quant à eux que « [la] loi belge est donc plus

restrictive que la directive en ce qu’elle ne s’applique qu’aux travailleurs sous contrat de travail, c’est-à-dire ceux qui travaillent dans le cadre d’un lien de subordination (à l’exclusion des apprentis, stagiaires, etc.), ce qui pourrait, le cas échéant, être soumis à la censure de la Cour de justice »53.

Dans l’hypothèse du détachement vers la Belgique d’une personne dont la relation de travail se rapproche de la figure de l’apprentissage ou du stage, la question posée en vertu de la loi sera d’apprécier si ce dernier agit sous l’autorité d’une autre personne54. Si tel est le cas, la loi

relative au détachement de travailleurs sera d’application55. Dans le cas contraire, il manquera

une condition posée par la loi, qui ne sera pour cette raison pas d’application. Un défaut de transposition ne résultera de cette dernière situation que s’il devait être considéré que la directive entend s’appliquer à ce cas d’espèce. Or, c’est à tout le moins douteux dans la mesure où la directive laisse à l’État d’accueil le soin de définir la notion de travailleur56. Si le

législateur ne peut outrepasser la marge de manœuvre qui lui est laissée en restreignant de façon injustifiée les libertés fondamentales, tel ne nous semble pas être le cas lorsqu’il pose comme condition d’existence d’une relation de travail la présence d’un lien de subordination. En second lieu, le champ d’application de la loi belge est également plus large que celui de la directive qu’elle entend transposer57. La directive n’a pas une portée générale ; elle n’a pas

vocation à être appliquée à toutes les prestations de travail posées par un travailleur dans un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement.

La directive ne s’applique que dans trois hypothèses déterminées de prestations de services transnationales ; à savoir respectivement le détachement au sens strict, c’est-à-dire accompli dans le cadre d’un contrat conclu entre l’employeur du travailleur détaché et le destinataire de la prestation de service sur le sol belge, le détachement intragroupe ainsi que le détachement d’un travailleur intérimaire58.

Il est concevable d’envisager que des prestations de travail accomplies sur le sol belge par un travailleur détaché au sens de la réglementation nationale puissent ne pas constituer une des trois hypothèses de prestation de services prévues par la directive59.

52 F. VAN OVERMEIREN, ibidem, p. 109.

53 A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, op. cit., p. 247 et 248. 54 F. VAN OVERMEIREN, op. cit., p. 109.

55 Sous l’angle du droit belge, il est considéré que le stage, de même que l’apprentissage, impliquent l’existence d’un lien d’autorité, voir à ce sujet R. LINGUELET et F. KEFER, « 14 - Les contrats relatifs à la formation préalable à l’embauche » in Droit du travail tous azimuts, Bruxelles, Éditions Larcier, 2016, p. 636. 56 Directive 96/71 précitée, art. 2, §2.

57 Projet de loi transposant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue de documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, avis du Conseil d’Etat, Doc.Parl. Ch., 2001-2002, n°1441/001, p. 24.

58 Directive (UE) 96/71 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, art. 1er, §3, J.O.C.E., 21 janvier 1997 ; I. AKARKACH, op. cit., p. 173.

(14)

L’hypothèse est d’importance au regard des relations établies entre la directive 96/71 et le règlement n°593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; règlement qui reprend le contenu de la Convention de Rome du 19 juin 198060.

Le règlement dit “Rome I” prévoit principalement la liberté de choix pour les parties au contrat de travail de la loi qui y sera applicable61. S’il est précisé que ce choix ne peut porter atteinte

aux dispositions impératives du pays où le travail est accompli habituellement (c’est-à-dire, dans l’hypothèse visée par la présente contribution, dans un pays autre que la Belgique), le règlement ajoute néanmoins que l’exécution temporaire d’un travail dans un autre État (in

casu en Belgique) ne modifie pas le lieu d’exercice habituel du travail et ne permet donc pas

à cet État d’imposer à la situation de travail les dispositions impératives de son droit du travail62.

L’article 23 du règlement Rome I prévoit cependant la possibilité pour une lex specialis, adoptée au niveau communautaire, de déroger aux principes qu’il énonce63. La directive

96/71, adoptée en ce sens, prime par conséquent le règlement Rome I en ce qui concerne la détermination de la loi applicable au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services64. Seules les situations qui entrent dans le champ d’application de la

directive 96/71, c’est-à-dire les trois hypothèses de prestation de services visées par l’article 1er, paragraphe 3, échappent au principe de la liberté du choix de la loi applicable au contrat

de travail.

En adoptant l’occupation d’un travailleur détaché sur son territoire pour seul critère d’application de sa réglementation, sans avoir égard à l’origine du détachement, le législateur belge est allé au-delà de la mesure dans laquelle la directive l’autorisait à s’écarter du principe du libre choix de la loi applicable au contrat de travail65.

Pour les situations visées par la loi du 5 mars 2002 qui ne constitueraient ni un détachement au sens strict, ni un détachement intragroupe ni encore le détachement d’un travailleur intérimaire, la directive 96/71 ne s’applique pas. En conséquence de quoi, seules les dispositions nationales qui constituent des lois de police au sens de l’article 9 du règlement Rome I pourront être imposées à la relation de travail66.

60 Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, M.B., 9 octobre 1987. 61 Règlement (UE) 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux

obligations contractuelles (Rome I), art. 8, J.O.U.E., 4 juillet 2008. 62 Règlement (UE) 593/2008 précité, art. 8, §2.

63 Règlement (UE) 593/2008 précité, art. 23 et considérant n°34.

64 Directive (UE) 96/71 précitée, considérants n°7 à 14 ; I. AKARKACH, op. cit., p. 173. 65 C-E. CLESSE et M. MORSA, op. cit., p. 237 ; F. VAN OVERMEIREN, op. cit., p. 110. 66 Règlement (UE) 593/2008 précité, art. 9.

(15)

III.- A

SPECTS SOCIAUX DU DÉTACHEMENT DE

TRAVAILLEURS VERS LA

B

ELGIQUE

A.- LA DECLARATION LIMOSA

1) Le régime belge

Depuis le 1er avril 2007, le système belge prévoit un système de déclaration préalable des

travailleurs européens détachés sur son territoire67. On parle de “déclaration LIMOSA”.

L’objectif poursuivi par cette mesure consiste à lutter contre la fraude en facilitant le contrôle des conditions de travail applicables aux travailleurs détachés par le biais de la constitution d’une base de données reprenant ces derniers68.

a) Champ d’application

Concernant les travailleurs salariés, le système LIMOSA s’applique lorsqu’une prestation de travail est exercée, temporairement ou partiellement, en Belgique par une personne qui travaille habituellement ou a été engagée dans un autre État membre de l’Union européenne69.

Certaines catégories de travailleurs salariés sont dispensées de respecter l’obligation de déclaration préalable à l’emploi70.

b) L’obligation de déclaration préalable pour les travailleurs salariés détachés

L’obligation de procéder à la déclaration LIMOSA doit avoir été accomplie avant l’entrée en service du travailleur détaché ; c’est-à-dire préalablement à l’exécution par ce dernier de toute

67 Loi-programme du 27 décembre 2006 instaurant une déclaration préalable pour les travailleurs salariés et indépendants détachés, M.B., 31 décembre 2006, art. 139.

68 A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, op. cit., p. 310 ; M. MORSA, Les inspections

sociales en mouvement, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 582 ; N. ROBERT, op. cit., p. 60 ; F. VERBRUGGE, Guide de la réglementation sociale pour les entreprises, éd. 2017, Waterloo, Kluwer, 2017, p. 631. 69 Loi-programme du 27 décembre 2006 précitée, art. 137.

70 Arrêté royal du 20 mars 2007 pris en exécution du Chapitre 8 du Titre IV de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 instaurant une déclaration préalable pour les travailleurs salariés et indépendants détachés, M.B., 28 mars 2007, art. 1er.

(16)

activité sur le territoire belge71. Le caractère préalable de la déclaration vise à éviter le

mécanisme des “déclarations du premier jour” en vertu duquel il sera affirmé, à l’occasion d’un contrôle de l’inspection sociale, que chacun des travailleurs présents vient tout juste de commencer à travailler72.

1. L’obligation de l’employeur du travailleur salarié détaché

Cette obligation pèse en premier lieu sur l’employeur du travailleur détaché. Ce dernier peut également charger l’un de ses préposés ou mandataires d’accomplir la déclaration73.

La déclaration doit être envoyée à l’Office nationale de sécurité sociale (ONSS) par voie électronique sur le site www.limosa.be74.

En réponse à la déclaration, l’ONSS va envoyer un accusé de réception au déclarant75. Cet

accusé de réception devra être présenté par le travailleur détaché à l’utilisateur final ou au commanditaire76.

La déclaration préalable au détachement d’un travailleur salarié doit principalement contenir les données permettant d’identifier le travailleur, l’employeur (le cas échéant son mandataire), l’utilisateur belge et la personne de liaison, les dates de début et de fin du détachement en Belgique, le lieu où les prestations de travail sont effectuées, le type de prestations de services, la durée hebdomadaire de travail ainsi que l’horaire de travail77.

Si le détachement du travailleur dépasse la durée mentionnée dans la déclaration, une nouvelle déclaration doit être envoyée avant la fin de la période couverte par la première déclaration78.

Il importe de relever qu’aucune dispense de déclaration LIMOSA n’est prévue au bénéfice de certaines catégories particulières d’employeur.

Des dispositions particulières existent concernant l’occupation régulière d’un travailleur détaché dans plusieurs pays79 ainsi que l’annulation d’une déclaration lorsque le détachement

n’a pas lieu durant la période mentionnée80.

2. L’obligation de l’utilisateur final ou du commanditaire

71 Corr. fr. Bruxelles (69e ch.), 28 octobre 2016, Rev. dr. pén. entr., 2017/4, p. 326.

72 Projet de loi-programme (1), exposé des motifs, Doc. Parl. Ch., 2006-2007, n°51-2773/1, p. 98. 73 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 139, al. 1er.

74 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 139, al. 1er. Il est à signaler qu’à défaut d’être en mesure de faire la déclaration électroniquement, le second alinéa de l’article 139 permet à l’employeur, son préposé ou son mandataire de procéder par fax ou par courrier.

75 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 139, al. 3. 76 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 140, al. 1er. 77 Arrêté royal du 20 mars 2007 précité, art. 4, §1er.

78 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 139, al. 5. 79 Arrêté royal du 20 mars 2007 précité, art. 5.

(17)

L’obligation de déclaration préalable à l’emploi d’un travailleur détaché pèse en second lieu sur la personne auprès de laquelle, ou pour laquelle, ces travailleurs sont occupés. Ainsi, l’utilisateur final ou le commanditaire a l’obligation de demander au travailleur de lui présenter l’accusé de réception délivré par l’ONSS. Si le travailleur n’est pas en mesure de produire cet accusé de réception, l’utilisateur final ou le commanditaire sera lui-même tenu d’effectuer une déclaration à l’office nationale de la sécurité sociale81.

Cette obligation ne pèse que sur l’entrepreneur principal, et non sur les différents sous-traitants82.

La déclaration de l’utilisateur final ou du commanditaire se fait selon des modalités identiques à celles régissant la déclaration préalable de l’employeur83. Le cas échéant, l’ONSS délivrera

au déclarant un accusé de réception.

La déclaration doit contenir les données permettant d’identifier l’utilisateur final ou le commanditaire, le travailleur salarié et l’employeur84.

L’utilisateur final ou le commanditaire personne physique est dispensé de l’obligation de communication de données lorsque l’occupation s’effectue à des fins strictement privées85.

c) Les sanctions

L’employeur détachant qui ne remplit pas son obligation de déclaration LIMOSA s’expose à une sanction de niveau 4, à savoir soit une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et/ ou une amende pénale comprise entre 600 et 6000 euros, soit une amende administrative de 300 à 3000 euros86.

L’utilisateur final ou le commanditaire qui ne communique pas les données d’identification des travailleurs qui ne sont pas en mesure de présenter un accusé de réception est passible quant à lui d’une sanction de niveau 3, correspondant soit à une amende pénale de 100 à 1000 euros, soit à une amende administrative de 50 à 500 euros87.

L’amende administrative sera, si le procès-verbal constatant l’infraction est classé sans suite par le ministère public, infligée par la D.G. Amendes administratives du S.P.F. Emploi88.

L’amende pénale ou administrative est multipliée par le nombre de travailleurs concernés, sans cependant pouvoir excéder le maximum de l’amende multiplié par cent89.

81 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 141.

82 CLESSE, C.-E., « Le détachement de travailleur : questions spéciales et actualités » in Actualités en droit social

européen, Bruxelles, Éditions Larcier, 2010, p. 50.

83 Loi-programme (1) du 27 décembre 2006 précitée, art. 141. 84 Arrêté royal du 20 mars 2007 précité, art. 7.

85 Arrêté royal du 20 mars 2007 précité, art. 8.

86 Code pénal social, M.B., 1er juillet 2010, art. 101 et 182, al. 1er, §1er. 87 Code pénal social précité, art. 101 et 183, al. 1er.

88 C-E., CLESSEet M. MORSA, op. cit., p. 271.

(18)

L’action publique se prescrit par cinq ans à compter du fait infractionnel90.

2) La conformité du système LIMOSA au droit européen

La directive 96/71, et le droit dérivé en général, n’ont, jusqu’à récemment, pas harmonisés les mesures étatiques destinées au contrôle des conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés91. Ces mesures de contrôle, tel que notamment la déclaration LIMOSA qui fait l’objet

de la présente section, étaient donc librement définies par les États membres. Ces mesures étaient toutefois examinées par la Cour de justice qui veillait au respect des principes généraux du droit de l’Union, dont notamment la libre prestation des services sur base de laquelle a été adoptée la directive “détachement”92.

S’agissant des procédures imposées par un État membre à l’occasion de l’arrivée sur son territoire d’un travailleur détaché, la Cour de justice a, dans un premier temps, consacré une interdiction de principe de l’exigence d’une autorisation préalable. Successivement, les procédures mises en place en la matière par le Grand-Duché du Luxembourg et l’Allemagne furent condamnés, la Cour de justice estimant qu’une “simple déclaration préalable […]

offrirait aux autorités nationales, de manière moins restrictive et aussi efficace que le contrôle préalable au détachement, des garanties quant à la régularité de la situation de ces travailleurs

[…]”93.

Au vu de cette jurisprudence, il pourrait être tentant de conclure à la conformité de la déclaration préalable belge. La Cour de justice a cependant condamné le système national mis en place précédemment à la procédure de déclaration LIMOSA94. La Belgique faisait à l’époque

dépendre le bénéfice d’un régime simplifié pour la tenue des documents sociaux à l’envoi, par l’entreprise détachante, d’une déclaration et à la notification, par les autorités endéans les cinq jours, d’un numéro d’enregistrement95. Selon la Cour, “dans la mesure où ladite notification

doit précéder le détachement […] et n’intervient qu’après le contrôle par les autorités nationales de la conformité de la déclaration de détachement préalable, une telle procédure doit être considérée comme revêtant le caractère d’une procédure d’autorisation administrative”96.

90 Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle, M.B., 25 avril 1878, art. 21.

91 C.J., arrêt Dos Santos Palhota, 7 octobre 2010, C-515/06, ECLI:EU:C:2010:589, points 26 à 28.

92 I. AKARKACH, op. cit., p. 181 ; art. 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après abrégé “T.F.U.E.”).

93 C.J.C.E., arrêt Commission c. Luxembourg, 21 octobre 2004, C-445/03, ECLI:EU:C:2004:655, point 46 ; C.J.C.E., arrêt Commission c. Allemagne, 19 janvier 2006, C-244/04, ECLI:EU:C:2006:49, point 41. 94 C.J., arrêt Dos Santos Palhota, 7 octobre 2010, C-515/06, ECLI:EU:C:2010:589.

95 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 8 et 9 ;

Art. 8 et 9 de la loi du 5 mars 2002, M.B., 13 mars 2002 ; arrêté royal du 29 mars 2002 fixant les modalités d’exécution du régime simplifié d’établissement et de tenue des documents sociaux pour les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique et définissant les activités dans le domaine de la construction, M.B., 17 avril 2002, art. 3.

(19)

Ainsi, le fait pour un État d’exiger une déclaration préalable au détachement constitue une mesure proportionnée aux raisons impérieuses d’intérêt général justifiant une restriction à la libre circulation des services97 à la condition que cette procédure vise uniquement à informer

l’autorité et ne constitue pas une mesure d’autorisation préalable déguisée98.

La conformité au droit européen de l’obligation de déclaration préalable au détachement pesant sur l’employeur99, en vigueur depuis le 1er avril 2007, ne semble pas contestée100. Le détachement pouvant avoir lieu dès la réalisation de la déclaration, sans que l’administration ne dispose du moyen de l’empêcher a priori. En outre, la matière relative au contrôle par les États membres dans le cadre d’un détachement a fait l’objet d’une harmonisation au niveau européen. La directive 2014/67 du 15 mai 2014 énonce, en son article 9, une liste des mesures de contrôle et d’exigences administratives qu’il est loisible aux États d’adopter101. Cette liste comprend,

notamment, l’obligation pour l’employeur de procéder à une simple déclaration auprès des autorités au plus tard au début de la prestation de services102. Les données à mentionner dans la

déclaration LIMOSA correspondant, peu ou prou103, aux données énoncées par la directive, le

système belge ne semble pas excéder la marge de manœuvre laissée par le droit européen au législateur national.

Concernant l’obligation imputée par l’article 141 de la loi-programme du 27 décembre 2006 à l’utilisateur final ou au commanditaire d’un travailleur détaché, la Cour de justice a eu l’opportunité, dans l’affaire De Clercq et Thermotec NV, de se prononcer sur la légalité de cette particularité propre au système belge104. La Cour va rappeler qu’une procédure de déclaration

préalable à l’occupation d’un travailleur détaché à charge de l’employeur constitue une mesure efficace et proportionnée105. Elle poursuit en déclarant que l’obligation, à charge de l’utilisateur

final ou du commanditaire, peut être considérée comme étant le corollaire nécessaire de l’obligation de déclaration de l’employeur afin de réaliser les objectifs poursuivis par le système LIMOSA106. La Cour de justice valide ainsi le système belge relatif à l’entrée en servie d’un

97 La Cour a reconnu comme raisons impérieuses d’intérêt général justifiant une restriction à la liberté de prestation des services la protection des travailleurs [C.J., arrêt Dos Santos Palhota, 7 octobre 2010, C-515/06, point 47], la prévention de la concurrence déloyale [C.J., arrêt Wolff & Müller, 12 octobre 2014, C-60/03, points 35, 36 et 41], la lutte contre la fraude, notamment sociale, et la prévention des abus [C.J.C.E., arrêt Rüffert, C-346/06, 3 avril 2008, point 42].

98 N. ROBERT, op. cit., p. 193.

99 Loi-programme (I) du 27 décembre 2006 précitée, art. 139.

100 A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, op.cit., p. 312 ; H. VERSCHUEREN,

Werken over de grens België-Nederland. Sociaal- en fiscaalrechtelijke grensconflicten, Antwerpen,

Intersentia, 2011, p. 75 ; I. AKARKACH, op. cit., p. 181 ; N. ROBERT, op. cit, p. 192 ; W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium droit du travail 2017-2018, Waterloo, Wolters Kluwer, 2017, p. 677.

101 Directive (UE) 2014/67 précitée, art. 9. 102 Directive (UE) 2014/67 précitée, art. 9, 1., a).

103 L’arrêté royal du 20 mars 2007 précité oblige, outre la mention des données prévues par la directive 2014/67/UE, la mention des données d’identification relatives à l’utilisateur belge ainsi que celle de l’horaire de travail.

104 C.J., arrêt De Clercq, 3 décembre 2014, C-315/13, ECLI:EU:C:2014:2408.

105 C.J., arrêt De Clercq, 3 décembre 2014, C-315/13, ECLI:EU:C:2014:2408, point 71. 106 C.J., arrêt De Clercq, 3 décembre 2014, C-315/13, ECLI:EU:C:2014:2408, point 73.

(20)

travailleur détaché salarié sur le territoire national, sous la réserve de l’appréciation par la juridiction de renvoi du caractère proportionné de la mesure107.

B.- LE NOYAU DUR DES REGLES NATIONALES APPLICABLES AUX

TRAVAILLEURS DETACHES

1) Rappel général

La réglementation du détachement de travailleurs vise à assurer un équilibre entre la promotion de la circulation des services et les impératifs liés à la protection des travailleurs et la prévention des distorsions de concurrence108. Dans le but d’assurer cet équilibre, la directive impose

l’application d’un « noyau dur » de dispositions du droit social de l’État membre d’accueil109.

De façon schématique, ce noyau dur se compose, en premier lieu, d’une liste de matières dans le cadre desquelles l’État membre peut imposer le respect de ses normes aux entreprises détachantes (ci-après « le noyau dur au sens strict »)110.

L’État membre d’accueil peut donc veiller au respect, en ce qui concerne les travailleurs détachés sur son territoire, de ses dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles concernant :

- les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, - la durée minimale des congés annuels payés,

- les taux de salaire minimal,

- les conditions de mise à disposition des travailleurs, - la sécurité, la santé et l’hygiène au travail,

- les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes,

- l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination111.

S’agissant des sources conventionnelles, il convient de préciser que la directive opère une distinction en la matière. Les conventions collectives déclarées d’application générale du secteur de la construction liées aux matières visées par le noyau dur au sens strict sont

107 M. MORSA, « La déclaration Limosa pour travailleurs salariés : conforme au droit européen et à la liberté de prestation de services   ? », J.T.T., 2015, p. 54. F. VERBRUGGE, op. cit., p. 632.

108 I. AKARKACH, op. cit., p. 173.

109 Directive 96/71 précitée, considérants n°13 et 14. 110 Directive 96/71 précitée, art. 3, §1er.

(21)

applicables de façon automatique aux travailleurs détachés112. S’agissant des conventions

collectives d’application générale aux autres secteurs d’activité, leur application aux travailleurs détachés dépend d’une décision en ce sens du législateur national et doit respecter les dispositions des traités, en particulier la libre circulation des services113.

En second lieu, la directive permet à l’État membre d’accueil d’appliquer aux travailleurs détachés sur son territoire ses dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles liées à des matières autres que celles du noyau dur au sens strict à la double condition qu’ils s’agissent de dispositions d’ordre public et que cette application soit conforme au traité (ci-après « les dispositions d’ordre public »)114.

2) Le régime belge

Le législateur belge ne s’est pas embarrassé des distinctions et nuances prévues dans la directive 96/71. On ne retrouve en effet pas dans la loi du 5 mars 2002 la distinction entre les dispositions du noyau dur au sens strict (article 3, §1er, de la directive) et les dispositions d’ordre public

(article 3, §10, de la directive)115. De même, s’agissant des conventions collectives, la loi du 5

mars 2002 en prévoit l’application aux travailleurs détachés, quel que soit leur secteur d’activité, dès lors qu’elles sont d’application générale et sanctionnées pénalement116.

Le législateur a opté pour un critère général et objectif, au vu notamment des perpétuelles modifications apportées au droit du travail117. En vertu du paragraphe 1er de l’article 5 de la loi

du 5 mars 2002, les conditions de travail, de rémunération et d’emploi prévues par des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, sanctionnées pénalement, sont d’application en cas de détachement de travailleur vers la Belgique118.

L’exposé des motifs précise que les dispositions visées sont notamment la loi du 16 mars 1971 sur le travail119, la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés120, les lois relatives aux

vacances annuelles des travailleurs salariés coordonnées le 28 juin 1971121, la loi du 24 juillet

1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à disposition

112 Directive 96/71 précitée, art. 3, §§1er et 8. 113 Directive 96/71 précitée, art. 3, §§8 et 10.. 114 Directive 96/71 précitée, art. 3, §10. 115 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 5, §2. 116 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 5, §1er.

117 Projet de loi transposant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d’une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue des documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, exposé des motifs, Doc.Parl., Ch. 2001-2002, n°1441/001, p. 18.

118 Projet de loi transposant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d’une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue des documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, exposé des motifs, Doc.Parl., Ch. 2001-2002, n°1441/001, p. 11.

119 Loi du 16 mars 1971 sur le travail, M.B., 30 mars 1971.

120 Loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, M.B., 31 janvier 1974.

121 Lois coordonnées le 28 juin 1971 relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés, M.B., 30 septembre 1971.

(22)

d’utilisateurs122, la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution

de leur travail123, la loi du 8 avril 1965 instituant les règlements de travail124, l’arrêté royal n°5

du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des documents sociaux125, la loi du 12 avril 1965

concernant la protection de la rémunération des travailleurs126, les arrêtés royaux d’exécution

de ces différentes lois ainsi que les conventions collectives de travail rendues obligatoires en vertu de la loi du 5 décembre 1968127 sur les conventions collectives de travail et les

commissions paritaires128.

Le paragraphe 2 de l’article 5 prévoit la possibilité pour le Roi d’imposer à l’employeur détachant un travailleur sur le sol belge l’application de dispositions non sanctionnées pénalement, à la condition que pareille disposition soit d’ordre public129. A l’heure actuelle, il

n’a pas été fait usage de cette possibilité130.

3) La conformité de l’article 5, §1

er

de la loi du 5 mars 2002 au droit

européen

En s’écartant de la lettre de la directive qu’il entendait transposer, le législateur poursuivait l’objectif de s’épargner la tâche consistant à déterminer chacune des lois applicables aux détachements de travailleurs et, plus encore, celle consistant à modifier cette liste au fil des fréquentes évolutions de ces dispositions131.

Malgré l’optimisme des auteurs du projet de loi, il aurait été surprenant que, sans intervention législative exprès, les dispositions nationales sanctionnées pénalement correspondent parfaitement tant aux dispositions visées par le noyau dur au sens strict qu’aux normes d’ordre public au sens de la directive. En effet, chacun de ces critères poursuit des objectifs et recouvre des réalités distinctes.

122 Loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, M.B., 20 aout 1987.

123 Loi du 4 aout 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, M.B., 18 septembre 1996.

124 Loi du 8 avril 1965 instituant les règlements de travail, M.B., 5 mai 1965.

125 Arrêté royal n°5 du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des documents sociaux, M.B., 2 décembre 1978. 126 Loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, M.B., 30 avril 1965. 127 Loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, M.B., 15 janvier

1969.

128 Projet de loi transposant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d’une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue des documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, exposé des motifs, Doc.Parl., Ch. 2001-2002, n°1441/001, p. 12.

129 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 5, §2.

130 A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, op. cit., p. 258.

131 Projet de loi transposant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d’une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue des documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, exposé des motifs, Doc.Parl., Ch. 2001-2002, n°1441/001, p. 11 et 18.

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Le fait de sanctionner pénalement une disposition traduit la volonté du législateur que cette règle soit absolument observée132. Les dispositions du noyau dur au sens strict de la directive

visent, quant à eux, à assurer le respect des droits des travailleurs, tout en poursuivant également l’objectif de favoriser la libre circulation des services dans le cadre d’une concurrence loyale133.

Enfin, la notion d’ordre public prise en considération par le législateur belge ne correspond pas à celle évoquée par la directive.

Ces décalages existants entre les différents concepts font obstacle à une parfaite transposition de la directive, et exposent la Belgique à la censure de la Cour de justice. Deux problèmes, résultants de ces décalages, seront en particuliers soulignés dans la présente section.

a) Les dispositions nationales correspondant au noyau dur sensu stricto

En premier lieu, toutes les dispositions visées par la directive au titre de noyau dur au sens strict ne sont pas (ou plus) sanctionnées pénalement en Belgique134.

1. Les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes

En ce qui concerne les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes, la loi 16 mars 1971 interdit à l’employeur de licencier une travailleuse enceinte pour des motifs liés à son état physique135. Le non-respect de cette disposition expose

l’employeur au paiement d’une indemnité civile forfaitaire égale à six mois de rémunération. Nulle trace donc de sanction pénale sur ce point136. Par conséquent, il est permis d’estimer que

cette disposition ne peut être imposée à l’employeur qui détache une travailleuse enceinte sur le sol belge137.

2. Le taux de salaire minimal

Encore plus problématique est la question des dispositions du noyau dur au sens strict fixées dans des conventions collectives rendues obligatoires par arrêté royal. Jusqu’au 1er juillet 2015,

l’article 56 de la loi du 5 décembre 1968 sanctionnait le non-respect des conventions collectives d’application générale d’un emprisonnement de huit jours à un mois et/ ou d’une amende, à moins que la violation de la convention collective en question ne soit punie par une sanction

132 F. KEFER, Précis de droit pénal social, 2e éd., Limal, Anthemis, 2014, p. 19. 133 Directive 96/71 précitée, considérants n°3 et 5.

134 A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, op. cit., p. 260 ; P. GOSSERIES et M. MORSA, op. cit., p. 339.

135 Loi du 16 mars 1971 précitée, art. 40.

136 A. GODIN, G. JACQUEMART, L. PAULY et M. STRONGYLOS, op. cit., p. 260, 292 et 293. 137 N. ROBERT, op. cit., p. 59.

(24)

spécifique prévue dans une autre disposition138. Cette disposition est aujourd’hui remplacée par

l’article 189 du Code pénal social, dont le paragraphe 1er dispose que : « est puni d'une sanction

de niveau 1, l'employeur qui, en contravention à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, a commis une infraction à une convention collective de travail rendue obligatoire qui n'est pas déjà sanctionnée par un autre article du présent Code »139.

Une sanction de niveau 1 correspond à une amende administrative comprise entre 10 et 100 euros, à majorer des décimes additionnels et à multiplier par le nombre de travailleurs concernés140. La question est donc de déterminer si une norme dont le non-respect ne peut être

sanctionné qu’administrativement est une disposition “sanctionnée pénalement” aux yeux de la loi du 5 mars 2002141.

Dans la rigueur des principes, la violation d’une convention collective rendue obligatoire n’est plus sanctionnée pénalement en Belgique. Par conséquent, le respect de ces conventions collectives ne peut être imposé aux employeurs étrangers détachant temporairement des travailleurs sur le territoire142.

Cet état de fait est particulièrement problématique en ce qui concerne le taux de salaire minimal, seule matière du noyau dur au sens strict réglementé par des conventions collectives dans l’ordre juridique belge143. Au vu de la récente suppression de sanction pénale, il serait

juridiquement défendable d’estimer que le législateur belge n’a pas entendu faire usage de la faculté que lui confère la directive d’imposer aux employeurs qui détachent des travailleurs sur le sol belge le respect du taux de salaire minimum belge144.

Le caractère problématique de cette situation est cependant contesté par les autorités. Le Conseil national du travail a notamment répété “qu’une disposition dont le non-respect est uniquement

punissable d’une amende administrative est une disposition pénale”145. Les employeurs de

travailleurs détachés devraient par conséquent appliquer le taux de salaire minimum prévu par les conventions collectives de travail belges. Cette position semble s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle146 et celle de la Cour européenne des droits de

l’homme147, qui considèrent les amendes administratives comme relevant de la matière pénale

au sens des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme148.

138 L’article 56 de la loi du 5 décembre 1968 précitée énonçait que : « Sans préjudice des dispositions des articles

269 à 274 du Code pénal, sont punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de 26 à 500 F, ou d'une de ces peines seulement :

1. l'employeur, ses préposés ou mandataires coupables d'infraction à une convention rendue obligatoire; ».

139 Code pénal social précité, art. 189, §1er.

140 Code pénal social précité, art. 101, 102, 103 et 189, §2. 141 Loi du 5 mars 2002 précitée, art. 5, §1er.

142 P. GOSSERIES et M. MORSA, op. cit., p. 340.

143 Directive 96/71 précitée, art. 3, §1er ; loi du 5 mars 2002 précitée, art. 5, §1er.

144 Directive 96/71 précitée, art. 3, §10, 2e tiret. P. GOSSERIES et M. MORSA, op. cit., p. 340.

145 Avis n°1.562 (séance du 18 juillet 2006) publié sur le site internet du C.N.T., p. 11 ; avis n°1.704 (séance du 7 octobre 2009) publié sur le site internet du C.N.T., p. 13 ; avis n°1.961 (séance du 2 octobre 2015) publié sur le site internet du C.N.T., p. 11.

146 C.A., 7 décembre 1999, n°128/99.

147 C.E.D.H., 21 février 1984, 8544/79, Ozturk c. Allemagne.

Références

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