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Vision prospective de la transition énergétique dans les territoires.

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territoires.

Louis Boisgibault

To cite this version:

Louis Boisgibault. Vision prospective de la transition énergétique dans les territoires.. Réussir la

transition énergétique, quelles dynamiques de changement., UFR Géographie et aménagement Lille,

Jan 2015, UFR Géographie et aménagement Lille, France. pp.610. �halshs-01220098�

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Vision prospective de la transition énergétique dans les territoires

BOISGIBAULT Louis

Université Paris Sorbonne

Espaces, Nature et Culture (ENeC)

Unité Mixte de Recherche 8185 Paris Sorbonne / CNRS

28 rue Serpente, 75006 Paris

Louis.boisgibault@paris-sorbonne.fr

Résumé :

Le paquet énergie climat, version octobre 2014, et la loi sur la transition énergétique fixent

des objectifs précis en termes de réduction des émissions de CO2, d’énergies renouvelables

et d’efficacité énergétique pour l’horizon 2030. Ils devraient être confortés par un accord

global qui pourrait être signé lors de la conférence sur le climat (COP 21) à Paris en

décembre 2015. La vision prospective territoriale consiste elle alors à décliner simplement

les objectifs supranationaux au niveau des territoires, dans une approche descendante ?

Pourtant l’approche ascendante, qui part de l’initiative locale et de l’observation

géographique du terrain peut aussi apporter des éléments importants d’analyse. D’un point

de vue méthodologique, nous confrontons ces deux approches, en prenant des cas

pratiques significatifs tels celui de la ferme photovoltaïque de Callian, dans le Var (7,4 MWc).

Pour développer une vision prospective pertinente de la transition énergétique, il est

nécessaire d’analyser, de manière transversale, les dynamiques sur les stratégies d’acteurs.

Le rôle des collectivités territoriales

s’accroit sur les sujets « énergie et climat ». Elles

passent du rôle de l’acteur local au facilitateur global. Grâce à la proximité, elles mettent en

relation les parties prenantes pour exécuter les politiques « énergie et climat ». Elles

achètent l’énergie en lançant des appels d’offres, elles produisent de l’électricité verte et de

la chaleur en développant des projets innovants, elles agissent

sur l’efficacité énergétique

des bâtiments et éclairage publics. La logique de marché à court terme et l’opportunisme,

dans un contexte tendu de réformes et de diminutions des dotations, tendent à l’emporter

sur la planification étatique à long terme, pourtant retranscrite par des schémas directeurs

régionaux. Cela rend la vision prospective de la transition énergétique dans les territoires

plus difficile à modéliser et à cartographier. La compétition se renforce entre territoires, les

oppositions sont plus violentes contre les mauvais projets et des fractures supplémentaires

apparaissent, que la puissance publique doit gérer.

Mots clés : Transition énergétique, énergies renouvelables, efficacité énergétique, COP 21,

photovoltaïque, Callian, prospective.

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Vision prospective de la transition énergétique dans les territoires

Introduction

Dérèglementation des marchés de l’énergie, fin des tarifs réglementés, décentralisation territoriale, réchauffement climatique, explosion des technologies de l’information et de la communication, appétence des citoyens pour les circuits courts et l’économie circulaire, tout indique que la transition énergétique entraîne des mutations de grande ampleur au niveau des territoires. Les prospectivistes de l’énergie bâtissent des modèles économétriques pour projeter les productions et consommations énergétiques dans le futur, aux horizons 2030 et 2050, à l’image des travaux de l’Agence Internationale de l’Energie. La géographie, par son analyse spatiale et ses enquêtes de terrain, permet d’affiner cette vision prospective de la transition énergétique grâce à des cartes statistiques.

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U

NE DECENTRALISATION ENERGETIQUE TERRITORIALE INELUCTABLE

1.1 La prospective territoriale

La prospective territoriale recouvre les traditionnelles études sur les techniques de planification à long terme au niveau des territoires. Elle introduit la connaissance des enjeux et des opportunités à long terme dans le processus plus immédiat de la prise de décision. Les paramètres à prendre en compte pour la transition énergétique sont multiples pour se projeter dans l’avenir. L’évolution démographique est, par exemple, une déterminante de la consommation énergétique future. Des géographes élaborent des scénarii prospectifs, faisant l’objet d’examens comparatifs et analyses de risques démographiques (Dumont GF, 2008). Il s’agit ici de capitaliser sur ces analyses, de les combiner avec les travaux des économistes sur l’avenir énergétique et sur la transition énergétique (Chevalier JM, 2012 et 2013) et avec les projections de l’Agence Internationale de l’Energie, restituées dans le « World Energy Outlook 2014». L’urbanisation et la mobilité sont associées à la concentration démographique et à la consommation énergétique. Elles ont une incidence sur la construction, le transport, l’industrie, la gestion des déchets, c’est-à-dire sur les émissions de gaz à effet de serre. La prospective territoriale cherche donc à anticiper, participer, mettre en réseau pour développer une vision commune et agir à la bonne échelle donnée.

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3 Pour appréhender la multiplicité de situations locales et de strates administratives, avec le nouvel échelon des métropoles, des enquêtes sont menées sur tout le territoire national au niveau des communes, des intercommunalités, des métropoles, des départements et des régions.

A titre d’exemple, la construction et l’exploitation de la ferme photovoltaïque de Callian (Var) sont retenues comme réalisation significative pour faire l’objet d’un poster scientifique, en annexe. Cette commune, de 3 000 habitants de l’arrière-pays cannois, fait partie d’une intercommunalité de 27 000 habitants, composée de 9 communes rurales. Elle dispose d’un très bon taux d’ensoleillement. Callian, a entrepris de réhabiliter son ancienne décharge en louant ce terrain abandonné de 17 hectares, grâce à un bail emphytéotique administratif, à une société privée, pour réaliser cette ferme photovoltaïque de 7,4 MWc. Le projet a été mené à son terme, en nécessitant un investissement de 24 Millions d’euros d’investisseurs privés. Il a été inauguré en Août 2011.

La commune de Callian a sécurisé des recettes de location de terrain et des retombées fiscales, sans que cette centrale photovoltaïque ne coûte aux contribuables. L’électricité produite couvre les besoins de 5 000 habitants et est réinjectée dans le réseau pour bénéficier des tarifs d’achat avantageux. Ce projet n’est pas participatif, au sens où il ne permet pas aux citoyens d’investir directement, mais il est accepté par la population et projette la commune à un horizon 2040.

A ce niveau micro-économique, l’analyse est faite pour comprendre comment ce projet communal s’emboite au niveau de l’intercommunalité, du département et de la région pour créer des dynamiques. Il s’agit aussi de voir comment les contrats, plans, schémas directeurs à vocation générale (SRCE, SCOT, PLU, Agenda 21), et ceux spécifiques à l’énergie et au climat (SRCAE, PCET) s’articulent pour inciter les bonnes initiatives, contrôler les réalisations et favoriser l’échange de bonnes pratiques.

1.2. La fin des tarifs réglementés

La réforme territoriale à 13 régions françaises, la création des métropoles, l’acte III de la décentralisation bouleversent le paysage traditionnel. Des réponses se font attendre pour savoir comment les collectivités territoriales vont prendre place dans l’intégration européenne et la mondialisation mais aussi sur les compétences des différents échelons en matière d’énergie et de climat. Les territoires deviennent plus autonomes et montent en puissance dans leur politique d’aménagement (Girardon J., 2014) et leur politique énergétique et climatique.

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4 Le réseau public de distribution d’électricité français appartient aux collectivités territoriales (communes, intercommunalités, syndicats) qui délèguent exploitation, entretien et développement à EDF devenu ERDF, par des contrats de concession. ERDF assure maintenant 95 % de la distribution électrique nationale, le reste étant du ressort des 160 Entreprises Locales de Distribution (ELD). La Cour des Comptes, dans un rapport de 2013, a estimé que ces concessions sont une organisation à simplifier et des investissements à financer. Dans l’exemple de Callian, l’enquête montre que la ferme photovoltaïque a été pilotée au niveau de la commune mais que les projets d’électrification du lac de Saint Cassien sont portés par la communauté de communes. Elle met en évidence l’importance des réseaux de distribution et de transport qui permettent l’interconnexion des nouveaux projets d’énergies renouvelables et le problème de savoir où loger les compétences en termes d’énergie et de climat, dans le millefeuille administratif.

La fin des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz est une étape déterminante. En effet, la loi du 7 décembre 2010 sur la « Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité (NOME) » a été reprise dans le Code de l’Énergie. Son article L.337-9 explique que les collectivités territoriales ne pourront plus bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'électricité pour leurs sites souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA. Elles devront donc lancer des appels d’offres et signer, avant le 31 décembre 2014 ou 31 décembre 2015, de nouveaux contrats d’achat avec les fournisseurs d’énergie. L’Association des Maires de France (AMF) se mobilise sur ce sujet et a organisé un atelier lors 97ème congrès des maires de France avec l’aide de la Commission de Régulation de l’Energie, du médiateur de l’énergie et du ministère compétent. Cependant, le sujet étant assez technique, certaines communes ne semblent pas avoir pris conscience des échéances. Un maire a même marqué son hostilité à la marchandisation de l’électricité. En termes de prospective territoriale, les collectivités territoriales n’ont plus la visibilité d’autrefois sur les tarifs d’électricité et de gaz puisque les conditions vont être renégociées tous les 2/3 ans avec les fournisseurs, à des prix de marché.

L’électricité et le gaz deviennent des commodités banalisées qui doivent respecter le code des marchés publics. Les tarifs avaient l’avantage de permettre une meilleure prévisibilité et une meilleure justice territoriale, par la péréquation tarifaire. Les communes se regroupent pour peser sur les achats ou agissent par l’intermédiaire des syndicats d’électricité, membres de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR). Les collectivités territoriales ne sont pas toujours prêtes pour ces nouvelles responsabilités décentralisées. Certaines communes vont gagner alors que d’autres, isolées et mal préparées, vont payer plus cher l’électricité et le gaz au. La logique court terme de marché s’est imposée et l’on peut anticiper des difficultés à partir de 2016.

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5 Pour l’efficacité énergétique, les projets locaux se multiplient pour optimiser l’éclairage public, les bâtiments publics et les transports. Les enjeux sont importants car cette meilleure maîtrise de l’énergie permet directement de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de faire baisser la facture énergétique territoriale. Une nouvelle fois, l’enquête rappelle que la commune a la charge du primaire, le département a la charge des collèges et la région a la charge les lycées. Cela complique le lancement de programmes de rénovation pour améliorer l’efficacité énergétique des établissements scolaires et cela pose encore la question de savoir où loger les compétences.

Les communes et intercommunalités ont durement protesté contre la baisse des dotations de l’Etat lors du 97ème congrès des maires. Elles comprennent que l’énergie va avoir un impact grandissant sur les budgets du bloc communal. Dans notre exemple de Callian, la commune n’a pas déboursé pour faire construire cette ferme photovoltaïque et réhabiliter l’ancienne décharge. Le projet a été réalisé par une jeune pousse qui a financé l’investissement grâce à un montage juridico-financier classique de financement de projet. Il permet aux banques de prêter 80% du montant nécessaire, remboursable par la revente d’électricité à l’Agence d’Obligation d’Achat d’EDF, au tarif de rachat en vigueur. La commune perçoit, quant à elle, un loyer pour le terrain de 17 hectares et des retombées fiscales, c’est-à-dire sécurise une recette de l’ordre de 3% du budget communal sur plus de 20 ans, c’est-à-dire au-delà de la durée des tarifs de rachat.

La conséquence en termes de prospective territoriale est que, dans le même canton, dans le même département, certains maires sont capables de mener à bien des projets énergétiques innovants qui dégagent des recettes récurrentes, sous le contrôle des services déconcentrés de l’Etat. Cela peut créer des inégalités et rivalités.

1-3 Cartographique de la décentralisation énergétique

Cette vision prospective de la transition énergétique dans les territoires est devenue un sujet si complexe qu’il faut mobiliser toutes les compétences. On ne peut pas ignorer l’innovation technologique, la révolution numérique, la domotique, le stockage, les réseaux intelligents et les comportements. L’enquête épistémologique permet l’analyse critique de l’approche purement technique de l’énergie pour en faire comprendre les dynamiques humaines et sociales, dans ce contexte territorialisé. Cela signifie que les sciences humaines et sociales et les sciences dures doivent travailler ensemble en complémentarité sur cette transition énergétique, au lieu de s’opposer. La géographie et l’aménagement se positionnent en première ligne pour fournir des outils d’analyse, systèmes d’information géographique et cartes, pour déchiffrer ce nouveau monde énergétique en observant la distribution des activités et les amas (Brunet R.,2001).

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6 Il devient indispensable de développer de nouvelles passerelles et transversalités entre géographes, aménageurs, économistes, ingénieurs, juristes et architectes afin de bâtir collectivement cette vision prospective partagée de la transition énergétique dans les territoires et de la visualiser par des cartes.

C’est dans ce contexte qu’une carte de la répartition de la capacité photovoltaïque installée en France est présentée. Cette carte représente la répartition départementale du photovoltaïque à la fin 2012. C’est le point d’étape par rapport à l’objectif 2020 de 5 400 MWc fixé par les lois Grenelle. Cette date peut aussi être considérée comme la fin de la période de territorialisation anarchique du photovoltaïque. En effet, à la sortie du moratoire photovoltaïque en mars 2011, la Commission de Régulation de l’Energie a repris la main en lançant les premiers appels d’offres pour les installations photovoltaïques supérieures à 100 kWc. Les effets du premier appel d’offres ne se sont constatés qu’ultérieurement sur les territoires, en raison des délais nécessaires pour désigner l’adjudicataire et construire les centrales

Cette période de juillet 2006 à mars 2011 et les conséquences des 3 mois de moratoire, ont déjà été décrits et analysés dans l’ouvrage « l’énergie solaire après Fukushima, la nouvelle donne » (Medicilline, octobre 2011). 4 286 MWc de puissance installée cumulée en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion fin 2012, n’est pas négligeable puisque cela équivaut à la puissance de 4 réacteurs nucléaires, avec un facteur de charge moindre et une intermittence à gérer.

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2- Nouvelles réglementations et vision prospective :

28 chefs d’Etat européens ont fixé les nouveaux objectifs du paquet énergie climat, en octobre 2014. Ils cherchent ainsi à bâtir le succès de la conférence sur le climat Paris 2015 (COP 21).Objectifs pour 2030 d’au moins 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (au lieu de 20%) et de 27% (au lieu de 20%) pour l’accroissement de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, base 1990. Un des débats clés pour la préparation des textes sur la transition énergétique concerne le caractère contraignant des engagements qui doivent être pris, notamment pour l‘efficacité énergétique. Ce caractère contraignant des objectifs, avec la mise en place d’un système de contrôles et de sanctions, peut avoir une influence au niveau de la vision prospective. La meilleure preuve se trouve dans l’étude des scénarii prospectifs du World Energy Outlook 2014 qui mettent en évidence les incertitudes quant au volontarisme en matière d’efficacité énergétique.

2. 1. La conférence sur le climat à Paris (COP21)

La Conférence des Parties de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11) se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Elle fait suite à la COP20 de Lima de décembre 2014 qui a été un succès relatif dans la préparation du projet d’accord qui sera soumis à signature à Paris. Ce nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, a pour objectif de contenir le réchauffement mondial de 2°C à 2100 et prévoit des engagements précis de chaque état souverain et des contraintes.

Les collectivités territoriales sont considérées par l’ONU comme représentant la société civile. Elles sont un groupe majeur, au même titre que les entreprises et les ONG, mais ne sont pas des acteurs à part entière de cette négociation climatique entre états souverains, ce qui limite leur accès aux négociations. Les collectivités territoriales veulent renforcer leur rôle dans les négociations du COP 21 en demandant un statut adapté, de type intergouvernemental, pour être d’avantage associées, en faisant valoir qu’elles sont en première ligne pour transcrire les engagements qui seront pris.

2.2.

Directives européennes et loi sur la transition énergétique pour la croissance verte

La vision prospective alimente les législateurs qui, par les directives et lois adoptées, influent en retour la vision prospective. C’est une réflexion continue, circulaire et itérative qui impose de connaître les réglementations, pour mieux en faire le retour d’expérience. Le paquet énergie climat s’est traduit par des directives européennes qui ont été transposées dans tous les états membres de l’Union Européenne.

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9 • Pour le CO2 : Les directives 2003/87/CE, 2008/101/CE (aviation civile), 2009/29/CE créent le Système Communautaire d’Echange de Quota d’Emissions de gaz à effet de serre (SCEQE), la bourse au carbone fondée sur un mécanisme de marché de droits d’émission.

Pour les énergies renouvelables : La directive 2009/28/CE promeut les énergies renouvelables.

Pour l’efficacité énergétique : Les directives 2010/31/UE (bâtiments) et 2012/27/UE promeuvent l’efficacité énergétique (EE).

La France renforce son dispositif par la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Adoptée le 14 octobre 2014 par l’Assemblée Nationale, elle est examinée par le Sénat. Ce texte a l’ambition de changer les comportements et de créer une dynamique qui suit celle initiée par le Grenelle de l’Environnement. C’est une nouvelle loi française de programmation qui fixe des objectifs à moyen et long terme et donne ainsi un cadre à l’action conjointe. Les objectifs pressentis vont obliger les territoires et les entreprises à accélérer pour diviser les émissions par 4 à l'horizon 2050, pour plafonner la production d’électricité nucléaire et pour augmenter les énergies renouvelables à 32% de la consommation énergétique finale française en 2030, soit 40% de l’électricité produite, 38% de la chaleur consommée, 15 % des carburants utilisés. Mais comment financer ce chantier ? Ces nouvelles activités vont-t-elles créer des emplois supplémentaires pérennes ?

2.3 Impact de la réglementation sur les projets territoriaux.

La centrale photovoltaïque de Callian a profité avantageusement d’une courte fenêtre de tir réglementaire qui allait de juillet 2006 à décembre 2010. Les promoteurs du projet, à savoir une jeune pousse créée par deux fondateurs, ont eu le talent de se positionner rapidement sur ce site, d’obtenir toutes les autorisations des services déconcentrés de l’Etat, de boucler le financement et la construction, de raccorder la centrale au réseau et de signer le contrat de vente d’électricité avec l’Agence d’Obligation d’Achat d’EDF, à temps.

En effet, en juillet 2006, le gouvernement de l’époque a introduit par décret des tarifs d’achat avantageux pour développer la filière photovoltaïque en France. L’électricité photovoltaïque a ainsi bénéficié d’un tarif de rachat de 30 centimes d’euros par Kwh, indexés pendant 20 ans, pour ce type de ferme solaire au sol. En décembre 2010, après un emballement de la filière, le gouvernement a décrété le moratoire et un changement de règle pour apurer la « spéculation ». La conséquence est que les projets photovoltaïques se sont arrêtés, en provoquant des faillites de sociétés.

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10 La filière a redémarré progressivement à la fin du moratoire, en mars 2011, avec de nouvelles règles stipulant que les centrales de l’ampleur de Callian ne pouvaient plus bénéficier automatiquement d’un tarif de rachat garanti, à n’importe quel endroit. Les porteurs de grands projets photovoltaïques doivent désormais candidater à une procédure centralisée d’appel d’offres organisée par la Commission de Régulation de l’Energie. Cette nouvelle procédure a eu comme conséquence d’aboutir à des tarifs de rachat moins avantageux (12 centimes d’euros / Kwh au lieu de 30), de limiter les sites et d’écarter, dans une certaine mesure, les petits acteurs à faible surface financière. La jeune pousse, qui a coordonné le projet photovoltaïque de Callian, n’aurait peut-être pas été retenue dans une procédure compétitive face à des acteurs tels EDF ou GDF SUEZ et aurait pu juger le tarif de rachat insuffisant pour rentabiliser ses efforts.

En termes d’emplois, la construction de la centrale de Callian a pu mobiliser jusqu’à 80 personnes. En phase d’exploitation, on note une ressource locale à plein temps sur le site pour surveiller, débroussailler et entretenir ainsi qu’ une activité supplémentaire pour gérer ce dossier chez les parties prenantes : société d’exploitation, fournisseurs d’équipement, banques, assurances, EDF, ERDF, services déconcentrés de l’Etat, mairie de Callian. Cette activité supplémentaire ne signifie pas création de nouveaux postes pérennes.

La stabilité du cadre réglementaire est primordiale, la croissance verte se constate mais la création d’emplois stables se fait attendre.

3- Vision prospective d’une nouvelle fracture territoriale à maîtriser :

Les sénateurs Ronan Dantec et Michel Delebarre projettent la collectivité territoriale de demain en facilitateur global. En effet, cette expression fait partie du titre de leur rapport remis au Premier Ministre en novembre 2013.« les collectivités territoriales dans la perspective de Paris climat 2015 : de l’acteur local au facilitateur global ».

3.1. De l’acteur local au facilitateur global

En acteur local, le territoire capitalise sur sa géographie physique pour connaître ses potentialités énergétiques grâce à sa géomorphologie, hydrologie, climatologie (températures, précipitations, vent, soleil). Il cherche à valoriser ses atouts par les meilleurs projets possibles. La collectivité territoriale devient ce facilitateur global lorsqu’elle met en contact des parties prenantes pour réaliser un projet. Elle participe aux réseaux nationaux et européens de collectivités, au Comité des régions pour mutualiser les expériences « énergie climat » et développer des échanges sur les actions engagées.

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11 Par sa dimension de proximité, le territoire peut fédérer ses services avec ses citoyens, entreprises et associations pour défendre la meilleure intégration des actions. Encore faut-il préciser les compétences de chaque niveau administratif, à un moment où la République réduit le nombre de régions et crée les métropoles. Le bloc communal peut se heurter à la Région sur l’opposabilité des schémas régionaux. Le département semble en retrait sur les questions énergie et climat, même si son rôle ne doit pas être minimisé pour les questions d’efficacité énergétique dans le transport scolaire et pour ses bâtiments publics. Quant aux nouvelles métropoles, elles prennent des initiatives depuis le 1er janvier 2015 pour affirmer leur légitimité, sans que toutes les interfaces ne soient précisées.

3.2. Territoires sous contrainte financière

Les collectivités territoriales sont dans une contrainte financière accrue, avec la réforme de la taxe professionnelle et la baisse des dotations de l’État. Dans ce contexte budgétaire tendu, elles cherchent des projets rentables qui, pour les plus audacieux, peuvent permettre un accès direct aux financements européens (Fonds vert, les fonds européens fléchés climat FEDER). Les grands projets « énergies renouvelables » peuvent rapporter à une commune de l’ordre de 100 000 euros à 400 000 euros par an, sur une vingtaine d’années, en location de terrain et retombées fiscales. Ils permettent de donner une visibilité à long terme sur des recettes.

Les collectivités territoriales mettent en cohérence ces projets et ces financements avec les contrats, schémas directeurs et plans à vocation générale (SCOT, PLU) et ceux à vocation spécifique (SRCAE, SRCE, S3RENR, PCET) pour faciliter la planification. La réalité du terrain montre que la réalisation de projets dépend de nombreux facteurs aléatoires qu’on n’arrive pas toujours à planifier. La logique ascendante peut l’emporter, réduisant la Région à répertorier les initiatives sur son territoire, sans avoir une réelle influence quant à leur bonne exécution. La Région est alors réduite à faire un reporting des initiatives locales pour les services de l’Etat et l’Union Européenne, sans valeur ajoutée. Enfin, dans une vision utopique, l’autoconsommation, rendue rentable par l’atteinte de la parité réseau grâce aux progrès techniques et au stockage d’énergie, se développerait localement en rejetant toute connexion aux réseaux. Les réseaux électriques perdraient en importance, à l’image de la voiture à coussin d’air qui rendrait caduc le réseau routier bitumineux. Le désir réel d’autonomie énergétique, de circuit court, d’économie circulaire pousse à la construction de bâtiments à énergie positive (BEPOS), qui seraient agrégés à des projets énergétiques locaux, pour former des territoires à énergie positive (TEPOS). Pourtant, les citoyens ne peuvent pas accepter les coupures électriques et exigent du courant à tout moment. Quant à la péréquation tarifaire et la contribution au service public de l’énergie, elles font partie du modèle républicain de gouvernance centralisée de la solidarité et les citoyens y sont encore attachés.

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La fin des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz oblige les collectivités locales à lancer des appels d’offres auprès des fournisseurs et permet une plus grande prise de conscience et transparence des prix de l’électricité et du gaz. Des collectivités vont rechercher de nouvelles solutions, par des productions locales énergétiques et des circuits courts, pour gérer au mieux les budgets et les contraintes. La fracture va se renforcer entre les territoires qui vont bien gérer cette transition énergétique et les autres.

3.3. Compétition accrue entre territoires

Cette compétition entre territoires est devenue plus vive. A titre d’exemple, des villes veulent se proclamer capitale solaire de la France telles Perpignan, Montpellier, Grenoble, Aix en Provence, Bourget du Lac avec l’Institut National de l’Energie Solaire. Cette compétition est paradoxalement renforcée par les pôles de compétitivité qui ont des vocations proches sur des territoires différents (Derbi à Perpignan, Tennerrdis à Grenoble, Capenergies à Aix en Provence). Le marketing territorial, se dote de nouveaux outils pour mettre en avant son offre et renforce cette compétition.

Dans l’exemple de Callian, les promoteurs du projet ont certainement cherché le meilleur site, avec le meilleur ensoleillement. On peut supposer qu’ils ont mis en concurrence plusieurs communes et plusieurs sites. Des critères objectifs d’ensoleillement et de conditions financières d’accès au terrain ont joué. Des critères plus subjectifs, tels la relation avec élus et parties prenantes, sont aussi importants. Ce projet aurait pu ne pas avoir lieu, capoter avec le moratoire ou se réaliser ailleurs. Le Maire, pour boucler son budget communal, se transforme en véritable manager pour attirer les entreprises et entrepreneurs et entre en compétition avec les collègues du même canton et du même département. Cela existait déjà pour l’implantation des supermarchés et diverses industries. Cela se renforce avec la dérèglementation énergétique, avec une prise de risque plus importante liée au caractère unique des projets.

L’analyse de la carte des 4 286 MWc installés du photovoltaïque montre des anomalies dans ce déploiement anarchique du photovoltaïque en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, de 2006 à 2012. La filière s’est d’abord logiquement développée dans les régions ensoleillées. Une surpondération de la filière est pourtant constatée dans les départements Nord, Eure et Loir (expliquée par la centrale de Crucey, 60 MWc), Meurthe et Moselle (expliquée par centrale de Toul Rosières, 115 MWc). Une sous pondération se trouve dans les départements ensoleillés de Lozère, Alpes Maritimes, Pyrénées Atlantiques, Hautes Pyrénées, Ariège et Corse du Sud. Pour les départements d’outre-mer, la Réunion est presqu’à égalité avec le département de tête, les Alpes de Haute Provence (189,3 MWc contre 183,4 MWc). Cette ile est un lieu d’expérimentation extrêmement intéressant pour les énergies renouvelables.

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13 L’arrêté du 10 juillet 2006 a été favorable aux DOM et à la Corse. Celui du 12 janvier 2010, en introduisant un coefficient pondérateur en faveur des centrales au sol du nord de la France, a rééquilibré l’implantation du photovoltaïque dans l’hexagone, en faveur du nord de la Loire.

La géographie montre que les territoires sont fatalement inégaux et différents. Les ressources vont être valorisées par des projets énergétiques, créant ainsi des inégalités supplémentaires. Les territoires fortement dotés pourront accueillir les meilleurs projets énergétiques. Les équipes territoriales les plus compétentes feront aboutir des projets innovants tandis que les autres échoueront sur des projets complexes et augmenteront la fiscalité locale. Comment gérer cette nouvelle compétition territoriale et fracture potentielle entre les territoires riches en ressources et les autres ?

Conclusion

La vision prospective de la transition énergétique dans les territoires est une analyse à horizon 2030 / 2050 qui met en évidence une complexité accrue pour gérer des antagonismes de sécurité d’approvisionnement et solidarité contre, d’autre part, la décentralisation, la libre initiative et les circuits courts. Si la tendance inéluctable va vers un rôle accru des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et des réseaux intelligents dans la transition énergétique, elle nécessite des financements et peut créer de nouvelles inégalités territoriales qui doivent être corrigées par la puissance publique.

Or, à l’image du fonctionnement controversé du système communautaire d’échange de quotas d’émission et des bourses d’électricité, la logique de court terme de marché semble s’imposer, avec des acteurs territoriaux qui vont agir par opportunisme sur les questions énergétiques et climatiques, pressés par les contraintes financières. La résultante est que la programmation traditionnelle devient plus difficile, même si des objectifs de capacité installée restent encadrés par filière de production d’électricité et de chaleur, au niveau national.

La confrontation de l’initiative locale, qui bâtit des projets énergétiques sur ses parcelles disponibles, peut se heurter à la logique descendante normative et contraignante. Cela peut entraîner des conflits et désordres pour les projets contestables, avec une plus forte mobilisation médiatique des citoyens hostiles aux nouvelles grandes infrastructures près de chez eux (le syndrome NIMBY - « Not In My Back Yard »), alors que les bons projets ne feront pas parler d’eux. Ce nouveau parcellaire énergétique et l’appropriation de ces questions au niveau local, peuvent conduire à la multiplication de rivalités, celles-ci profitant des progrès de la démocratie pour s’exprimer plus bruyamment (Lacoste Y. 2003).

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Bibliographie

BOISGIBAULT Louis, 2011, L’énergie solaire après Fukushima, la nouvelle donne, Medicilline, 154 p. BRUNET Roger, 2001, Le déchiffrement du monde, Belin, 401 pages.

CHEVALIER JM., 2012, L’avenir énergétique : carte sur table. Folio, Paris, 224 pages.

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